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Emily Brontë - Les Hauts de Hurtebise cover
Emily Brontë - Les Hauts de Hurtebise cover
Les Belles Lettres : extraits sonores

Emily Brontë - Les Hauts de Hurtebise

Emily Brontë - Les Hauts de Hurtebise

06min |12/04/2024|

230

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Description

Percevant avec une sensibilité rare, celle d’une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Emily Brontë compose avec les Hauts de Hurtebise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Luis Buñuel et tant d’autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d’écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d’oeuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d’Emily Brontë, Patrick Reumaux a su le rendre à son souffle fantastique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Émilie Bronté, Léo de Hurtubise, Wuthering Heights. Nouvelle traduction de l'anglais par Patrick Remaux. Percevante avec une sensibilité rare, celle d'une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Émilie Brontë compose avec les hauts de Hurtubise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Louise Bunuel et tant d'autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d'écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d'œuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d'Emily Bronte, Patrick Rameau a su le rendre à son souffle fantastique. Montant l'escalier devant moi, elle me recommanda de cacher la chandelle et de ne pas faire de bruit. Car le maître avait des idées bizarres sur la chambre où elle voulait me mettre, et il était toujours réticent à y faire dormir quelqu'un. Je lui en demandais la raison, elle me répondit qu'elle ne savait pas. Elle ne s'occupait de la maison que depuis un an ou deux, et ils étaient tous tellement bizarres qu'elle n'allait pas commencer à être curieuse. Trop abruti pour être moi-même curieux, je fermais la porte à clé et cherchais des yeux le lit. Le mobilier consistait en une chaise, une armoire à linge et une grande caisse en chaîne, avec en haut des carrés découpés qui ressemblaient à des fenêtres de coche. M'approchant de cette structure, j'inspectais l'intérieur et me rendis compte que c'était une couche singulièrement démodée, très astucieusement conçue pour répondre à la nécessité, pour chaque membre de la famille, d'avoir une chambre à soi. En fait... Cela formait un petit cabinet, et l'appui de la fenêtre enclose servait de table. Je fis glisser les panneaux latéraux, entrer avec la chandelle, refermer les panneaux, et me sentis à l'abri de la surveillance de Heathcliff et de n'importe qui d'autre. L'appui de fenêtre où je posais la chandelle était couvert de gris bouillis qui avaient éraflé la peinture, et quelques livres moisis étaient empilés dans un coin. Les Gribouillis n'étaient rien d'autre qu'un nom répété avec toutes sortes de caractères grands et petits. Catherine Henshaw, variant ça et là en Catherine Heathcliff et puis de nouveau en Catherine Linton. Me laissant aller à la somnolence, j'ai continué à épeler Catherine Henshaw, Heathcliff, Linton, jusqu'à ce que mes yeux se ferment. Mais il ne s'était pas reposé cinq minutes qu'un flamboiement de lettres blanches aussi vives que des spectres surgit de l'obscurité. L'air ne fut plus qu'un essaim bourdonnant de Catherine, et me soulevant pour dissiper ce nom inopportun, je m'aperçus que la mèche de la chandelle touchait la reliure de l'un des antiques volumes et parfumait la couche d'une odeur de cuir de veau brûlé. Je la mouchai, et très mal à l'aise sous l'influence du froid et d'une persistante nausée, m'assis et ouvris le livre abîmé que je posais sur un genou. C'était une Bible, en petit caractère et à très forte odeur de moisi. La page de garde portait l'inscription Ce livre appartient à Catherine Earnshaw et une date remontant à un quart de siècle environ. Fermant le livre, j'en pris un autre, puis encore un autre, et les examinais tous. La bibliothèque de Catherine était de très bon goût, et l'état de délabrement des livres prouvait qu'ils avaient été lus et relus, peut-être pas dans un but tout à fait convenable. Un chapitre à peine avait échappé à ce qui ressemblait à un commentaire écrit à l'encre et à la plume, couvrant tous les espaces libres que l'imprimeur avait laissés. Certains étaient de simples phrases. D'autres avaient la forme d'un journal de bord maladroitement gribouillé par une main enfantine. En haut d'une page blanche, un vrai trésor probablement une fois découverte, je fus très amusé de contempler une excellente caricature de mon ami Joseph, sommairement mais puissamment dessinée. Un intérêt immédiat s'éveilla en moi pour cette Catherine inconnue, et je me mis à déchiffrer les hiéroglyphes palis qu'elle avait tracés. Quel horrible dimanche ! ainsi commençait le paragraphe en dessous. Je souhaite que mon père rentre vite. Finlay est un détestable substitut. La conduite qu'il a envers Hiscliffe est atroce. Hache et moi allons nous révolter. Nous avons fait ce soir le premier pas. Nous n'avons pas pu aller à l'église. Joseph a dû réunir les fidèles au grenier, et pendant que Hindley et sa femme se réchauffaient en bas devant un bon feu, faisant tout ce qu'on veut sauf lire la Bible, Iscliffe et moi, et le malheureux commis de culture, nous avons été obligés de prendre les livres de prière et de monter, puis, gémissant et frissonnant, d'être alignés sur un sac de blé en espérant que Joseph crèverait de froid lui aussi et que l'homélie serait courte. Vaine idée. Le service a duré trois heures exactement. Et pourtant, mon frère a eu le culot de s'exclamer, quand nous sommes redescendus, Quoi, déjà fini ? Le dimanche soir, nous avions la permission de jouer, à condition de ne pas faire trop de bruit. Maintenant, un simple éclat de rire et on nous met au coin. Vous oubliez que vous avez un maître ici, dit le tyran. Je démolis le premier qui me met hors de moi. J'insiste pour que le silence et la conduite soient exemplaires. Ah, mon garçon, ce bruit, c'est toi. Francis, ma chérie, tire-lui les cheveux en passant, je l'ai entendu claquer des doigts.

Description

Percevant avec une sensibilité rare, celle d’une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Emily Brontë compose avec les Hauts de Hurtebise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Luis Buñuel et tant d’autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d’écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d’oeuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d’Emily Brontë, Patrick Reumaux a su le rendre à son souffle fantastique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Émilie Bronté, Léo de Hurtubise, Wuthering Heights. Nouvelle traduction de l'anglais par Patrick Remaux. Percevante avec une sensibilité rare, celle d'une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Émilie Brontë compose avec les hauts de Hurtubise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Louise Bunuel et tant d'autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d'écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d'œuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d'Emily Bronte, Patrick Rameau a su le rendre à son souffle fantastique. Montant l'escalier devant moi, elle me recommanda de cacher la chandelle et de ne pas faire de bruit. Car le maître avait des idées bizarres sur la chambre où elle voulait me mettre, et il était toujours réticent à y faire dormir quelqu'un. Je lui en demandais la raison, elle me répondit qu'elle ne savait pas. Elle ne s'occupait de la maison que depuis un an ou deux, et ils étaient tous tellement bizarres qu'elle n'allait pas commencer à être curieuse. Trop abruti pour être moi-même curieux, je fermais la porte à clé et cherchais des yeux le lit. Le mobilier consistait en une chaise, une armoire à linge et une grande caisse en chaîne, avec en haut des carrés découpés qui ressemblaient à des fenêtres de coche. M'approchant de cette structure, j'inspectais l'intérieur et me rendis compte que c'était une couche singulièrement démodée, très astucieusement conçue pour répondre à la nécessité, pour chaque membre de la famille, d'avoir une chambre à soi. En fait... Cela formait un petit cabinet, et l'appui de la fenêtre enclose servait de table. Je fis glisser les panneaux latéraux, entrer avec la chandelle, refermer les panneaux, et me sentis à l'abri de la surveillance de Heathcliff et de n'importe qui d'autre. L'appui de fenêtre où je posais la chandelle était couvert de gris bouillis qui avaient éraflé la peinture, et quelques livres moisis étaient empilés dans un coin. Les Gribouillis n'étaient rien d'autre qu'un nom répété avec toutes sortes de caractères grands et petits. Catherine Henshaw, variant ça et là en Catherine Heathcliff et puis de nouveau en Catherine Linton. Me laissant aller à la somnolence, j'ai continué à épeler Catherine Henshaw, Heathcliff, Linton, jusqu'à ce que mes yeux se ferment. Mais il ne s'était pas reposé cinq minutes qu'un flamboiement de lettres blanches aussi vives que des spectres surgit de l'obscurité. L'air ne fut plus qu'un essaim bourdonnant de Catherine, et me soulevant pour dissiper ce nom inopportun, je m'aperçus que la mèche de la chandelle touchait la reliure de l'un des antiques volumes et parfumait la couche d'une odeur de cuir de veau brûlé. Je la mouchai, et très mal à l'aise sous l'influence du froid et d'une persistante nausée, m'assis et ouvris le livre abîmé que je posais sur un genou. C'était une Bible, en petit caractère et à très forte odeur de moisi. La page de garde portait l'inscription Ce livre appartient à Catherine Earnshaw et une date remontant à un quart de siècle environ. Fermant le livre, j'en pris un autre, puis encore un autre, et les examinais tous. La bibliothèque de Catherine était de très bon goût, et l'état de délabrement des livres prouvait qu'ils avaient été lus et relus, peut-être pas dans un but tout à fait convenable. Un chapitre à peine avait échappé à ce qui ressemblait à un commentaire écrit à l'encre et à la plume, couvrant tous les espaces libres que l'imprimeur avait laissés. Certains étaient de simples phrases. D'autres avaient la forme d'un journal de bord maladroitement gribouillé par une main enfantine. En haut d'une page blanche, un vrai trésor probablement une fois découverte, je fus très amusé de contempler une excellente caricature de mon ami Joseph, sommairement mais puissamment dessinée. Un intérêt immédiat s'éveilla en moi pour cette Catherine inconnue, et je me mis à déchiffrer les hiéroglyphes palis qu'elle avait tracés. Quel horrible dimanche ! ainsi commençait le paragraphe en dessous. Je souhaite que mon père rentre vite. Finlay est un détestable substitut. La conduite qu'il a envers Hiscliffe est atroce. Hache et moi allons nous révolter. Nous avons fait ce soir le premier pas. Nous n'avons pas pu aller à l'église. Joseph a dû réunir les fidèles au grenier, et pendant que Hindley et sa femme se réchauffaient en bas devant un bon feu, faisant tout ce qu'on veut sauf lire la Bible, Iscliffe et moi, et le malheureux commis de culture, nous avons été obligés de prendre les livres de prière et de monter, puis, gémissant et frissonnant, d'être alignés sur un sac de blé en espérant que Joseph crèverait de froid lui aussi et que l'homélie serait courte. Vaine idée. Le service a duré trois heures exactement. Et pourtant, mon frère a eu le culot de s'exclamer, quand nous sommes redescendus, Quoi, déjà fini ? Le dimanche soir, nous avions la permission de jouer, à condition de ne pas faire trop de bruit. Maintenant, un simple éclat de rire et on nous met au coin. Vous oubliez que vous avez un maître ici, dit le tyran. Je démolis le premier qui me met hors de moi. J'insiste pour que le silence et la conduite soient exemplaires. Ah, mon garçon, ce bruit, c'est toi. Francis, ma chérie, tire-lui les cheveux en passant, je l'ai entendu claquer des doigts.

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Percevant avec une sensibilité rare, celle d’une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Emily Brontë compose avec les Hauts de Hurtebise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Luis Buñuel et tant d’autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d’écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d’oeuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d’Emily Brontë, Patrick Reumaux a su le rendre à son souffle fantastique.


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  • Speaker #0

    Émilie Bronté, Léo de Hurtubise, Wuthering Heights. Nouvelle traduction de l'anglais par Patrick Remaux. Percevante avec une sensibilité rare, celle d'une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Émilie Brontë compose avec les hauts de Hurtubise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Louise Bunuel et tant d'autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d'écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d'œuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d'Emily Bronte, Patrick Rameau a su le rendre à son souffle fantastique. Montant l'escalier devant moi, elle me recommanda de cacher la chandelle et de ne pas faire de bruit. Car le maître avait des idées bizarres sur la chambre où elle voulait me mettre, et il était toujours réticent à y faire dormir quelqu'un. Je lui en demandais la raison, elle me répondit qu'elle ne savait pas. Elle ne s'occupait de la maison que depuis un an ou deux, et ils étaient tous tellement bizarres qu'elle n'allait pas commencer à être curieuse. Trop abruti pour être moi-même curieux, je fermais la porte à clé et cherchais des yeux le lit. Le mobilier consistait en une chaise, une armoire à linge et une grande caisse en chaîne, avec en haut des carrés découpés qui ressemblaient à des fenêtres de coche. M'approchant de cette structure, j'inspectais l'intérieur et me rendis compte que c'était une couche singulièrement démodée, très astucieusement conçue pour répondre à la nécessité, pour chaque membre de la famille, d'avoir une chambre à soi. En fait... Cela formait un petit cabinet, et l'appui de la fenêtre enclose servait de table. Je fis glisser les panneaux latéraux, entrer avec la chandelle, refermer les panneaux, et me sentis à l'abri de la surveillance de Heathcliff et de n'importe qui d'autre. L'appui de fenêtre où je posais la chandelle était couvert de gris bouillis qui avaient éraflé la peinture, et quelques livres moisis étaient empilés dans un coin. Les Gribouillis n'étaient rien d'autre qu'un nom répété avec toutes sortes de caractères grands et petits. Catherine Henshaw, variant ça et là en Catherine Heathcliff et puis de nouveau en Catherine Linton. Me laissant aller à la somnolence, j'ai continué à épeler Catherine Henshaw, Heathcliff, Linton, jusqu'à ce que mes yeux se ferment. Mais il ne s'était pas reposé cinq minutes qu'un flamboiement de lettres blanches aussi vives que des spectres surgit de l'obscurité. L'air ne fut plus qu'un essaim bourdonnant de Catherine, et me soulevant pour dissiper ce nom inopportun, je m'aperçus que la mèche de la chandelle touchait la reliure de l'un des antiques volumes et parfumait la couche d'une odeur de cuir de veau brûlé. Je la mouchai, et très mal à l'aise sous l'influence du froid et d'une persistante nausée, m'assis et ouvris le livre abîmé que je posais sur un genou. C'était une Bible, en petit caractère et à très forte odeur de moisi. La page de garde portait l'inscription Ce livre appartient à Catherine Earnshaw et une date remontant à un quart de siècle environ. Fermant le livre, j'en pris un autre, puis encore un autre, et les examinais tous. La bibliothèque de Catherine était de très bon goût, et l'état de délabrement des livres prouvait qu'ils avaient été lus et relus, peut-être pas dans un but tout à fait convenable. Un chapitre à peine avait échappé à ce qui ressemblait à un commentaire écrit à l'encre et à la plume, couvrant tous les espaces libres que l'imprimeur avait laissés. Certains étaient de simples phrases. D'autres avaient la forme d'un journal de bord maladroitement gribouillé par une main enfantine. En haut d'une page blanche, un vrai trésor probablement une fois découverte, je fus très amusé de contempler une excellente caricature de mon ami Joseph, sommairement mais puissamment dessinée. Un intérêt immédiat s'éveilla en moi pour cette Catherine inconnue, et je me mis à déchiffrer les hiéroglyphes palis qu'elle avait tracés. Quel horrible dimanche ! ainsi commençait le paragraphe en dessous. Je souhaite que mon père rentre vite. Finlay est un détestable substitut. La conduite qu'il a envers Hiscliffe est atroce. Hache et moi allons nous révolter. Nous avons fait ce soir le premier pas. Nous n'avons pas pu aller à l'église. Joseph a dû réunir les fidèles au grenier, et pendant que Hindley et sa femme se réchauffaient en bas devant un bon feu, faisant tout ce qu'on veut sauf lire la Bible, Iscliffe et moi, et le malheureux commis de culture, nous avons été obligés de prendre les livres de prière et de monter, puis, gémissant et frissonnant, d'être alignés sur un sac de blé en espérant que Joseph crèverait de froid lui aussi et que l'homélie serait courte. Vaine idée. Le service a duré trois heures exactement. Et pourtant, mon frère a eu le culot de s'exclamer, quand nous sommes redescendus, Quoi, déjà fini ? Le dimanche soir, nous avions la permission de jouer, à condition de ne pas faire trop de bruit. Maintenant, un simple éclat de rire et on nous met au coin. Vous oubliez que vous avez un maître ici, dit le tyran. Je démolis le premier qui me met hors de moi. J'insiste pour que le silence et la conduite soient exemplaires. Ah, mon garçon, ce bruit, c'est toi. Francis, ma chérie, tire-lui les cheveux en passant, je l'ai entendu claquer des doigts.

Description

Percevant avec une sensibilité rare, celle d’une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Emily Brontë compose avec les Hauts de Hurtebise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Luis Buñuel et tant d’autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d’écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d’oeuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d’Emily Brontë, Patrick Reumaux a su le rendre à son souffle fantastique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Émilie Bronté, Léo de Hurtubise, Wuthering Heights. Nouvelle traduction de l'anglais par Patrick Remaux. Percevante avec une sensibilité rare, celle d'une poète de tout premier rang, le caractère fougueux et douloureux des destinées humaines, Émilie Brontë compose avec les hauts de Hurtubise un roman aux intuitions psychologiques hors du commun, rendant le plus grand des hommages à la lande déserte et sauvage, battue par le vent, où elle vécut une vie de recluse. De Virginia Woolf à William Somerset Maugham, en passant par Kate Bush, Louise Bunuel et tant d'autres, Wuthering Heights inspire toujours nombre d'écrivains, musiciens, cinéastes et artistes. Il fallait à ce chef-d'œuvre un traducteur à sa démesure. Par son talent aussi unique que le roman d'Emily Bronte, Patrick Rameau a su le rendre à son souffle fantastique. Montant l'escalier devant moi, elle me recommanda de cacher la chandelle et de ne pas faire de bruit. Car le maître avait des idées bizarres sur la chambre où elle voulait me mettre, et il était toujours réticent à y faire dormir quelqu'un. Je lui en demandais la raison, elle me répondit qu'elle ne savait pas. Elle ne s'occupait de la maison que depuis un an ou deux, et ils étaient tous tellement bizarres qu'elle n'allait pas commencer à être curieuse. Trop abruti pour être moi-même curieux, je fermais la porte à clé et cherchais des yeux le lit. Le mobilier consistait en une chaise, une armoire à linge et une grande caisse en chaîne, avec en haut des carrés découpés qui ressemblaient à des fenêtres de coche. M'approchant de cette structure, j'inspectais l'intérieur et me rendis compte que c'était une couche singulièrement démodée, très astucieusement conçue pour répondre à la nécessité, pour chaque membre de la famille, d'avoir une chambre à soi. En fait... Cela formait un petit cabinet, et l'appui de la fenêtre enclose servait de table. Je fis glisser les panneaux latéraux, entrer avec la chandelle, refermer les panneaux, et me sentis à l'abri de la surveillance de Heathcliff et de n'importe qui d'autre. L'appui de fenêtre où je posais la chandelle était couvert de gris bouillis qui avaient éraflé la peinture, et quelques livres moisis étaient empilés dans un coin. Les Gribouillis n'étaient rien d'autre qu'un nom répété avec toutes sortes de caractères grands et petits. Catherine Henshaw, variant ça et là en Catherine Heathcliff et puis de nouveau en Catherine Linton. Me laissant aller à la somnolence, j'ai continué à épeler Catherine Henshaw, Heathcliff, Linton, jusqu'à ce que mes yeux se ferment. Mais il ne s'était pas reposé cinq minutes qu'un flamboiement de lettres blanches aussi vives que des spectres surgit de l'obscurité. L'air ne fut plus qu'un essaim bourdonnant de Catherine, et me soulevant pour dissiper ce nom inopportun, je m'aperçus que la mèche de la chandelle touchait la reliure de l'un des antiques volumes et parfumait la couche d'une odeur de cuir de veau brûlé. Je la mouchai, et très mal à l'aise sous l'influence du froid et d'une persistante nausée, m'assis et ouvris le livre abîmé que je posais sur un genou. C'était une Bible, en petit caractère et à très forte odeur de moisi. La page de garde portait l'inscription Ce livre appartient à Catherine Earnshaw et une date remontant à un quart de siècle environ. Fermant le livre, j'en pris un autre, puis encore un autre, et les examinais tous. La bibliothèque de Catherine était de très bon goût, et l'état de délabrement des livres prouvait qu'ils avaient été lus et relus, peut-être pas dans un but tout à fait convenable. Un chapitre à peine avait échappé à ce qui ressemblait à un commentaire écrit à l'encre et à la plume, couvrant tous les espaces libres que l'imprimeur avait laissés. Certains étaient de simples phrases. D'autres avaient la forme d'un journal de bord maladroitement gribouillé par une main enfantine. En haut d'une page blanche, un vrai trésor probablement une fois découverte, je fus très amusé de contempler une excellente caricature de mon ami Joseph, sommairement mais puissamment dessinée. Un intérêt immédiat s'éveilla en moi pour cette Catherine inconnue, et je me mis à déchiffrer les hiéroglyphes palis qu'elle avait tracés. Quel horrible dimanche ! ainsi commençait le paragraphe en dessous. Je souhaite que mon père rentre vite. Finlay est un détestable substitut. La conduite qu'il a envers Hiscliffe est atroce. Hache et moi allons nous révolter. Nous avons fait ce soir le premier pas. Nous n'avons pas pu aller à l'église. Joseph a dû réunir les fidèles au grenier, et pendant que Hindley et sa femme se réchauffaient en bas devant un bon feu, faisant tout ce qu'on veut sauf lire la Bible, Iscliffe et moi, et le malheureux commis de culture, nous avons été obligés de prendre les livres de prière et de monter, puis, gémissant et frissonnant, d'être alignés sur un sac de blé en espérant que Joseph crèverait de froid lui aussi et que l'homélie serait courte. Vaine idée. Le service a duré trois heures exactement. Et pourtant, mon frère a eu le culot de s'exclamer, quand nous sommes redescendus, Quoi, déjà fini ? Le dimanche soir, nous avions la permission de jouer, à condition de ne pas faire trop de bruit. Maintenant, un simple éclat de rire et on nous met au coin. Vous oubliez que vous avez un maître ici, dit le tyran. Je démolis le premier qui me met hors de moi. J'insiste pour que le silence et la conduite soient exemplaires. Ah, mon garçon, ce bruit, c'est toi. Francis, ma chérie, tire-lui les cheveux en passant, je l'ai entendu claquer des doigts.

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