- Speaker #0
Bienvenue, je suis Christophe Beau, responsable d'un programme de soutien aux familles. Dans ce nouvel épisode, Les Nouveaux Horizons, le podcast d'Apprentis d'Auteuil, nous allons parler d'engagement, de responsabilité, d'éducation, mais aussi du sens de la vie. Pour cela, j'ai invité un homme qui a fait le choix, les dix dernières années de sa carrière, de se mettre au service des enfants, des jeunes, des familles en situation de fragilité et des adultes qui les accompagnent. Au moment de passer le relais, avant son départ en retraite, Nicolas Truel, directeur général d'Apprenti d'Auteuil, nous partage ici des réflexions forgées au cours de sa mission. Réflexions tout à la fois mesurées et inspirantes. Bonjour Nicolas.
- Speaker #1
Bonjour Christophe.
- Speaker #0
Merci d'avoir accepté de participer à cet enregistrement, cette conversation que nous allons avoir pendant l'heure ou les deux heures qui viennent. Tu as entendu évoquer une des premières rencontres que tu as eues à Panty d'Auteuil quand tu es arrivé il y a huit ans dans un établissement où tu as rencontré un petit garçon qui est venu vers toi et qui t'a dit mais t'es qui toi ? Eh bien j'ai envie de te demander aujourd'hui mais en fait t'es qui toi ?
- Speaker #1
Oui, c'est à souvenir... De mes débuts, d'ailleurs, c'est toujours réel aujourd'hui, parce que quand je visite des établissements d'apprentis d'auteuil... et qu'on annonce ma venue, la venue du directeur général. Il y a toujours une question des jeunes pour essayer de comprendre qui est le directeur général, à quoi il sert, ce qu'il fait. Donc ce n'est pas seulement la personne, mais c'est aussi le rôle. Très vite, j'ai compris que c'était une question qui était centrée sur l'autorité, l'autorité qu'on détient. Sinon, je suis un homme de 62 ans, je suis marié, je suis père de famille. J'ai eu la chance avec ma femme d'avoir 7 enfants, d'avoir 4 petits-enfants, et puis d'avoir une expérience professionnelle variée, d'avoir toujours cru que quand j'étais jeune que je serais un chercheur en biologie moléculaire, et manifestement je n'y suis pas arrivé. J'ai essayé, mais j'ai fait plein d'autres choses. J'ai travaillé pour le service de l'État, j'ai travaillé dans un grand groupe international, j'ai travaillé comme patron de PME, j'ai été dans un fonds d'investissement, et puis là depuis presque... Que dix ans, je dirige Apprenti d'Auteuil. Donc tout ça, ça fait des éléments de personnalité, mais après il faudrait remonter plus loin, ma famille, ma foi, ma culture, la France, et encore bien d'autres choses.
- Speaker #0
On est dans ton bureau en fait, et j'avais envie de te demander s'il y avait un ou deux objets, qui sont dans ton bureau, que tu pourrais décrire et puis nous dire qu'est-ce qu'ils disent de toi ?
- Speaker #1
Il y a quatre... Petits cadres au mur qui sont des photos tirées de quatre films d'anthologie. La vache et le prisonnier, la grande vadrouille, les tontons flingueurs et Rabi Jacob, avec les acteurs fétiches de ces films. Et ces cadres m'ont été offerts par mes enfants quand j'ai été nommé directeur général de la Portée d'Auteuil. Et ils m'ont dit c'est pour que tu ne te prennes pas au sérieux. Donc je les ai affichés dans mon bureau et ça me permet de temps en temps de les afficher. A la fois quand les choses sont un peu lourdes, que le sérieux est un, j'allais dire, synonyme d'inquiétude, de difficulté, de souffrance souvent de personnes, de jeunes. Ou quand on pourrait se dire, tiens oui c'est bien, c'est vraiment bien ce qu'on fait, tout va bien dans le meilleur des mondes. Voilà, ça remet les pieds sur terre et puis ça redonne un peu de légèreté à des choses qui... Malheureusement, on ne le sent pas toujours.
- Speaker #0
Tout à l'heure, tu disais que tu avais rêvé d'être biologiste. J'ai envie de te demander d'aller rechercher le petit garçon que tu étais quand tu avais 7 ans. À quoi il pensait ?
- Speaker #1
Moi j'étais toujours passionné par, je pense qu'on pourrait appeler aujourd'hui la science, donc les grandeurs physiques, les expériences, le souvenir de cadeau de Noël qui était le petit chimiste ou le petit électricien ou des choses comme ça. J'avais fait cramer mes pantalons en faisant des expériences sur mes genoux. Donc il y a quelque chose dans le rapport au monde très expérimental, d'essayer de voir comment ça marche, comment ça bouge, pourquoi ça bouge. La vie, que ça me passionnait beaucoup, la nature aussi. Je me souviens, j'avais une tante qui était astrologue et qui avait fait mon thème astral et qui avait dit à ma mère, il n'est absolument pas fait pour faire des études, en revanche, il pourrait être jardinier. Mais je me demande si elle n'avait pas fondamentalement raison, parce que j'aime beaucoup la nature, j'aime beaucoup les arbres. Puis moi, j'avais une grand-mère, la mère de ma mère, qui était une femme à qui il était arrivé des choses assez... C'est à la fois extraordinaire et très douloureuse dans sa vie, qui était une femme de foi et qui m'a transmis sa foi. Et du coup, très tôt, pour moi, il était évident que je serais missionnaire, je serais prêtre. J'ai mis un peu de temps à discerner que ce n'était pas forcément ma vocation. Mais puisque tu poses la question de cet âge-là, à cet âge-là, c'était là où j'en étais.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que les adultes disaient de toi à cet âge ? Je l'aime
- Speaker #1
Moi je suis l'aîné de ma famille donc j'étais assez naturellement proche des adultes. Donc ils m'entraînaient dans leurs activités, que ce soit sportives, culturelles. Et je sais que moi j'aimais bien la conversation avec les adultes, donc c'était quelque chose de facile et d'intéressant pour moi. Ce qu'ils disaient de moi, je ne sais pas si j'en ai un souvenir précis. En tout cas, j'en garde le sentiment que c'était intéressant de discuter avec eux. Mais bon, j'appartiens quand même à une génération où le fait que les enfants parlent à table était quelque chose d'un peu nouveau. Donc chez moi, on parlait à table.
- Speaker #0
Ce que tu viens de dire là, est-ce que ça fait un lien avec une vision ou en tout cas une intention que tu as eue pour Apprenti d'Auteuil ces dernières années ?
- Speaker #1
Je ne l'ai jamais réfléchi comme ça parce que je n'ai pas fait la psychanalyse de mon action à Portier d'Auteuil. Mais sans doute, en tout cas, ce que ça évoque, c'est que quand on parle d'éducation, mieux vaut être au clair sur l'éducation qu'on a reçue et les repères éducatifs qu'on a. Parce qu'on ne se positionne pas comme ça, dans un espace neutre. Je suis persuadé que chaque éducateur, chaque pédagogue, en fait, a son propre référentiel. Ok. On a des bons ou des mauvais souvenirs, on a des réflexes très profonds qui en fait sont aussi des réflexes de lecture des situations. Donc ça joue très certainement. Je peux dire, mais je ne peux pas le démontrer, que le fait que dans ma propre famille la parole des enfants ait été considérée fait que je n'ai pas de problème en tout cas. à imaginer que la parole des jeunes que nous accompagnons doit être considérée. Mais je n'en fais pas non plus un absolu, parce qu'on sait très bien que dans ce domaine, une expérience peut conduire à rechercher la répétition de l'expérience ou exactement son inverse. Donc il n'y a pas un déterminisme absolu de ce qu'on a reçu sur ce qu'on va être capable de donner. En revanche, c'est vraiment important de connaître d'où on vient et ce qu'on est. Ça revient à ta première question. pour pouvoir interagir dans ce monde éducatif. Ça, pour le coup, c'est une forte certitude, et qui m'amène parfois à penser, comment peut-on être éducateur sans avoir, d'une manière ou d'une autre, il existe de multiples manières, mais engager un travail sur soi, un travail sur sa personne, ses limites, ses blessures, son potentiel. Tellement cette dimension de la personne, rentre en jeu dans la relation éducative ? De temps en temps, pour moi, c'est une question, parce qu'on aura beau faire un jeune éducateur qui sort d'école d'éducateur, même s'il a fait des stages, on a encore énormément à apprendre du métier d'éducateur, mais aussi sur lui, parce que sa personne est en jeu. Je pense qu'il y a peu de métiers où la personne est à ce point mise en jeu dans la relation qui est constitutive de l'action.
- Speaker #0
Tu es le directeur général de cette institution. J'aimerais pouvoir explorer avec toi qu'est-ce que c'est que d'être dirigeant à Apprenti d'Auteuil.
- Speaker #1
Moi qui viens du monde de l'entreprise, à bien des égards, être directeur général d'une structure comme Apprenti d'Auteuil, c'est être directeur général d'une entreprise. À bien des égards. Ça s'organise, ça se contrôle, ça se dirige suivant des principes qui sont assez communs, on va dire, entre le monde de l'entreprise et le monde associatif. Une fois que j'ai dit à bien des égards, ça veut dire que à bien des égards, c'est très différent. Et la différence, en réalité, est au fondement, est à l'essence même. C'est-à-dire que ce qui construit une association, ce qui construit une fondation, c'est sa mission. Et plus encore que sa mission, c'est le sens de sa mission. Il n'y a rien qui est au-dessus du sens de ce qu'elle fait. Et dans ce sens-là... La direction d'une association ou d'une fondation comme Apprenti d'Auteuil est très différente d'une entreprise. Non pas qu'une entreprise n'ait pas de sens, mais ce n'est pas construit exactement pareil. La raison d'être d'une entreprise, le sens même, n'est pas placé au même niveau. Ça donne quoi pour le rôle d'un directeur général ? Ça donne des éléments d'organisation qui... De manière apparente, ressemble à ceux d'une entreprise. Il y a un conseil d'administration à qui il faut rendre compte, à qui il faut proposer des éléments stratégiques, des décisions importantes. Et puis il y a la vie opérationnelle de la fondation qui s'exprime au travers d'une équipe de direction, le comité exécutif qui travaille, qui a son programme de travail dont il faut régler les priorités et éventuellement arbitrer. Alors c'est sans doute sur ce point qu'il y a des choses à dire, parce qu'en presque 40 ans d'expérience professionnelle, moi j'ai vu considérablement évoluer le rôle du dirigeant, et en particulier dans le fait que, tel que je le vois et que je le conçois aujourd'hui, ce qui est important pour moi, c'est non pas de diriger et d'organiser toute chose, mais c'est bien plus de m'assurer que chaque sujet, mais chaque sujet qui en tout cas a un lien avec la fondation dans son ensemble, ait bien son lieu pour être traité, son forum pour être débattu, l'endroit où des avis contraires pourront être exprimés, pour faire naître une confrontation et un compromis. Et puis que chaque personne... est un lieu où elle puisse elle-même confronter son point de vue avec d'autres. Où est-ce que les avis différents sont confrontés ? Et première responsabilité, deuxième responsabilité, dans certains cas, et j'allais dire en dernier ressort, arbitrer quand les compromis ne peuvent pas se faire d'eux-mêmes. Donc ça a assez profondément fait évoluer les choses, je trouve, dans la responsabilité du dirigeant que je suis, qui ne veut pas dire... je délègue et je me désintéresse, mais qui dit je suis toujours en ressource, en dernier ressort pour ceux qui sont en premier ressort sur le sujet, sur le projet, sur l'idée, et qui peuvent avoir besoin que quelqu'un vienne arbitrer, choisir, quand c'est trop complexe pour l'équipe ou pour le groupe de choisir par lui-même.
- Speaker #0
A ton arrivée, je me souviens, tu évoquais assez régulièrement cette notion de confrontation bienveillante. Et ça évoque chez moi une question. En fait, quelles sont les conditions pour que cette confrontation puisse être justement bienveillante ?
- Speaker #1
C'est là quelque chose que j'ai beaucoup découvert à Panty d'Auteuil, c'est le parallélisme entre le management et l'éducation. Il n'y a pas d'éducation possible s'il n'y a pas un cadre sécurisant. On ne grandit pas, on ne s'épanouit pas si on se sent d'une manière ou d'une autre en danger. Pour moi, de manière assez symétrique, on ne peut pas rentrer en confrontation, c'est-à-dire qu'on ne peut pas aller présenter son idée si elle est différente de celle des autres, si on ne se sent pas au minimum protégé par un cadre. Et en revanche, le résultat de cette confrontation ne sera pas nécessairement la vie majoritaire ou la vie minoritaire, ce sera quelque chose qui sera fabriqué à partir de ça.
- Speaker #0
Je ne peux pas m'empêcher de penser que le directeur général d'une institution comme celle-ci, mais de toute entreprise, quand on est PDG, etc., on est à une place d'exception malgré tout dans l'organisation. On tient un rôle singulier, d'ailleurs tu l'as dit en dernier ressort, il arrive que ce soit le directeur général qui prenne la décision. On sait qu'il y a des biais d'autorité aussi dans les groupes, dans les collectifs, et que celui qui détient d'une certaine façon l'autorité, ou celui à qui en tout cas on accorde une légitimité, une autorité, et le directeur général sans doute on lui en accorde, comment on fait pour que sa parole n'emporte pas celle des autres en fait ?
- Speaker #1
D'abord, c'est une vigilance de tous les instants. Si je regarde la dimension personnelle pour répondre à ta question, c'est aussi une question de plaisir, si je puis dire. Parce que moi qui suis très anxieux, je ne suis pas rassuré. Par le fait que mon idée l'emporte. Parce qu'il y a un moment où je me dis, si tout le monde dit oui à mon idée pour me faire plaisir, et si on se retrouve dans le lac, j'aurai l'air malin. Donc, ça ne me rassure pas. J'ai besoin, moi, de cette confrontation, y compris avec les gens qui ne sont pas d'accord, pour me dire, il y a vraiment quelque chose qui tient ou qui ne tient pas. Ça, c'est la dimension personnelle de la réponse à la question. Après, moi, alors ce qui me paraît absolument une évidence, c'est qu'il n'y a pas d'autorité qui n'ait sa propre limite. Et il faut qu'on la voit, il faut qu'elle soit, qu'on sache où ça s'arrête. Parce que la toute-puissance, c'est effectivement dévastateur. Donc, pour revenir aux questions des jeunes, là, t'es qui, toi ? Une fois qu'on s'est expliqué, qu'ils ont retraduit dans leur langage, moi, je suis le grand, grand chef. Et qu'il y a autorité. sur leur propre directeur. C'est ça qu'ils voient. Donc, qui limite l'autorité de leur directeur. Et du coup... La question d'après, c'est et toi, c'est qui ton chef ? Donc j'explique, il y a un conseil d'administration, il y a un président du conseil d'administration, mon autorité n'est jamais, et ça c'est le statut d'une fondation et le statut de la fondation, je n'agis que par délégation du conseil d'administration. Donc j'ai un cadre très précis dont je ne peux pas sortir sans aller demander au conseil d'administration l'autorisation de faire ceci, faire cela, etc. Et d'ailleurs les jeunes en général ils continuent le débat et disent ok et le président qui peut ? Alors leur question d'ailleurs pour savoir qui a autorité sur qui c'est assez simple c'est qui peut virer qui ? Très souvent les jeunes m'ont dit ah oui toi tu peux virer notre directeur. J'ai essayé de leur expliquer que c'était pas l'essentiel de mon travail et que c'était pas très motivant de le voir comme ça. Mais c'est très intéressant parce qu'on y reviendra peut-être mais il y a une vision de l'autorité comme... assez violente et excluante. C'est la caractéristique où le pouvoir de l'autorité, c'est le pouvoir d'exclure, ce qui n'est pas neutre, évidemment, quand on pense aux jeunes qu'on accueille, qui ont un rapport à l'autorité, que ce soit l'autorité familiale, l'école ou autre, comme une autorité qui peut les virer. Donc, ils ramènent ça chez nous et ils disent, toi t'es chef, ça veut dire que tu peux virer mon propre chef. Et la question c'est qui peut te virer toi, puis qui peut virer le président. Donc il faut expliquer comment est nommé un président, comment éventuellement il pourrait être révoqué. Mais c'est vraiment très intéressant parce que ça rassure quand on sait que l'autorité a une limite et qu'il y a un recours. On peut s'adresser... à l'autorité supérieure. Ça pour moi c'est absolument fondamental. Ça va s'appeler la redevabilité. Ça va s'appeler tout ce travail qui montre que les choses ne procèdent pas de la personne, quel que soit son rôle dans la structure. Et ça pour moi c'est vrai à partir de l'éducateur, du chef de service, du directeur, à tous les niveaux c'est extrêmement important. Où est ma limite ?
- Speaker #0
Mais c'est aussi d'une certaine façon l'objet d'une organisation d'assurer les limites.
- Speaker #1
Absolument. Et une bonne gouvernance va mettre en perspective. La nécessaire liberté, le champ de liberté pour la réalisation d'un projet, parce qu'on ne peut pas le définir au millimètre et ça n'aurait pas de sens. Comment garder de la créativité, comment garder du dynamisme s'il n'y a pas de la liberté ? Mais la limite à cette liberté qui dit qu'on ne fait pas tout n'importe comment, dans n'importe quel ordre. On voit que non seulement c'est un enjeu pour limiter la toute-puissance et les risques qu'il y a derrière, mais c'est aussi un enjeu pour que globalement le corps social que nous sommes porte dans la durée une décision structurante.
- Speaker #0
Justement sur cette question du pouvoir, souvent on adosse aujourd'hui cette notion du pouvoir à la notion de vulnérabilité, des liens entre les deux. Est-ce que ça résonne pour toi en fait, pouvoir et vulnérabilité ?
- Speaker #1
ça me fait réfléchir parce que c'est pas si facile que ça pouvoir et fragilité mais je pense que arriver à analyser une situation en disant là, il n'y a pas un défaut, il y a un constituant même de notre action qui doit intégrer cette limite de toute personne, acteur ou bénéficiaire d'un projet. Je pense que c'est ça. Alors c'est très très difficile, mais je pense qu'à Apprenti d'Auteuil, le fait même d'avoir une mission qui se définit par la difficulté des jeunes, qui se définit autrement dit par la fragilité des jeunes. Qui a compris qu'en face de la fragilité des jeunes, il y avait des adultes, certes professionnels, mais fragiles aussi. Et qui a compris que la fragilité des adultes face à la fragilité des jeunes, c'était pas... un défaut, mais ça pouvait être un constituant. Alors, avec beaucoup, beaucoup de précautions, quand je dis ça, parce que tout ne se mélange pas, tout ne se vaut pas. Mais qu'on rentre en relation avec des jeunes fragiles, à la mesure où aussi on accepte de livrer une partie de sa fragilité. Et donc, de faire de ces limites... Inconstituant de la relation éducative. Ça ne permet en aucun cas de justifier quoi que ce soit de l'ordre de la violence, quoi que ce soit de l'ordre de l'emprise, quoi que ce soit de l'ordre de ce qui est la négation même de la relation éducative. Mais la fragilité des personnes fait partie de notre réalité éducative et donc on doit en tenir compte.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a une responsabilité du dirigeant justement à rendre visible cette question de la vulnérabilité ou de la fragilité ? C'est-à-dire, est-ce qu'un dirigeant, le dirigeant que tu es, a pu s'autoriser à exprimer une part de doute ? Je sais que tu as une affection particulière pour Léonard Cohen, et dans une de ses chansons, à la fin de sa chanson, il dit En toute chose, il y a des failles, mais c'est par là que passe la lumière
- Speaker #1
Le fait est que ce n'est pas facile de laisser voir ses failles et on est plutôt formé, éduqué à ne pas laisser voir. Il y a même dans le monde du management ou de la direction générale. des espèces d'idées implicites qu'il y ait. Un dirigeant ne doit pas communiquer son stress. Il doit garder ça pour lui. Il doit apparaître comme un rock solide auquel on peut s'arrimer, etc. Moi, je sais que progressivement, j'ai appris que je pouvais dire, par exemple, Je suis anxieux, sans que ça soit une catastrophe, et mieux que ça, que ça baissait la pression face de gens qui eux-mêmes étaient anxieux. Et j'ai appris aussi par exemple à dire, en réponse à une question, je ne sais pas, ou je ne sais pas encore. Mais il y a longtemps, je n'osais pas dire, je faisais appel à tout ce que je pouvais savoir pour essayer de dire ce que je savais déjà. Mais en fait, je ne savais pas. On peut dire qu'il y a des limites et qu'il y a des fragilités et que ça va autoriser en quelque sorte les autres à ne pas se sentir gênés par leurs propres limites. Ouvrir sur telle ou telle limite, telle ou telle difficulté, telle ou telle caractéristique psychologique ne veut pas dire prendre la main sur la dimension. des difficultés psychologiques des uns et des autres autour d'une table. Donc en permanence, ça se discerne, ça se relie, et ne pas aller trop loin, mais ne pas rien faire non plus. Il y a quelque chose entre les deux.
- Speaker #0
Les auteurs qui travaillent sur la vulnérabilité citent souvent la dimension du courage qu'il faut pour pouvoir l'exprimer, mais il y a aussi une condition, c'est la confiance. Et on sait que la confiance à Appenty d'Auteuil, c'est un élément assez constitutif de son projet. Qu'est-ce que tu as à en dire, toi, de la confiance ?
- Speaker #1
J'ai été souvent amené à dire que pour moi la confiance était à la fois un a priori, confiance et en particulier on a confiance dans le fait que chaque jeune a en lui des ressources, des richesses inexplorées. Donc on peut le dire de chaque personne aussi. Et la confiance est un construit. Donc il y a deux dimensions et il faut... On n'a pas à en négliger aucune des deux. La confiance est aussi quelque chose qui résulte d'un chemin qu'on fait ensemble et sur lequel justement on va voir les capacités et les limites de la personne et pouvoir dire là je te fais confiance.
- Speaker #0
J'ai une question qui me vient, notamment parce que je sais que tu as fait le choix, depuis que tu es arrivé, à prendre du temps à aller à la rencontre de ces jeunes, de ces enfants, de ces familles, peut-être chaque semaine. C'était quoi ton intention quand tu as fait ce choix-là, dans un agenda chargé d'un directeur général ?
- Speaker #1
D'abord, c'est un sujet très pratique qui est que je ne viens pas des métiers de l'éducation, des métiers de l'enseignement, de la formation, de l'insertion. J'explique, quand je suis dans mes visites de terrain, que c'est la formation continue du directeur général. J'ai besoin, en permanence, de réactualiser des notions qui, encore une fois, ne sont pas mon expérience professionnelle de toute ma vie. Et faire le lien avec les projets qui sont présentés, les débats qu'il peut y avoir avec... les instances politiques ou autres, avoir un repère précis sur lequel on travaille. Et puis sans doute aussi pour moi une certaine conception de ce qu'est la direction générale ou ma manière de travailler, c'est que moi ce que j'aime c'est l'alternance micro-macro. La grande image en général, les lignes forces, l'orientation qu'on veut donner, mais la vérification. par soi-même, que ça a un lien avec l'action au niveau le plus élémentaire. On va de la macromolécule à l'atome. Et si moi j'arrive à faire ce lien, alors je me dis, il y a peut-être une chance que par l'organisation, par les processus, on arrive effectivement à faire un lien entre le besoin des jeunes, le besoin des familles, et tout ce qui va être mis en place pour y répondre.
- Speaker #0
ça contribue à la bonne hygiène du dirigeant que tu es.
- Speaker #1
C'est très important dans une vie professionnelle de voir à la fois où on consomme de l'énergie, mais où aussi on récupère de l'énergie. Parfois, il y a des gens bien heureux qui trouvent de l'énergie là où ils en consomment, mais ce n'est pas toujours le cas. Et moi, je sais que ces visites de terrain reconstituent de l'énergie chez moi.
- Speaker #0
Qu'est-ce que tu as appris de ces jeunes et de ces familles à leur rencontre, mais aussi à travers toutes les rencontres que tu as faites en dehors même des jeunes et des familles ?
- Speaker #1
Ce que j'ai découvert à Pantier d'Auteuil, c'est que la profondeur, l'ampleur des niveaux de souffrance, des niveaux de violence subis ou donnés, d'ailleurs, dans certains cas, dépassaient et dépassent toujours tendement. Ces niveaux de souffrance, c'est terrible. C'est absolument terrible et ce n'est pas le rapport de la civise qui va nous dire autre chose, malheureusement. Et je dois dire qu'au moins au début, quand je suis arrivé dans mes six premiers mois d'immersion, j'ai eu des problèmes. Au moment où mon système de compréhension du monde me disait Oulala, là c'est foutu ! Et alors là, l'autre chose que j'ai appris, des éducateurs, des enseignants, des formateurs, des psychologues ou autres, c'est de dire Ah bah attendez, c'est notre boulot ça ! Et ça, je n'imaginais pas la puissance de la relation éducative, la puissance de la relation pédagogique, la relation psychologique, comme facteur de remédiation, facteur d'épanouissement, de situation apparemment sans issue. Il n'y a pas de situation inextricable.
- Speaker #0
Il y a le temps long, mais il y a aussi le temps très court, qui est celui de l'urgence. Tu l'as dit, c'est constitutif un peu de la mission d'apprenti d'Auteuil, de par la nature des personnes qui nous sont confiées, des difficultés des personnes qui nous sont confiées. À quoi ça nous oblige d'être dans une institution où l'urgence s'invite très régulièrement ?
- Speaker #1
Ça c'est quelque chose qui m'a beaucoup frappé à Pantier d'Auteuil, c'est vraiment un savoir-faire éprouvé qu'on va appeler la gestion de crise. Parce qu'effectivement, le niveau de souffrance, le niveau de violence provoque ici ou là des explosions. Comme les adultes ne sont pas, et loin de là, insensibles à tout ça, ça peut aussi créer crise à l'intérieur même de la communauté éducative, de l'établissement concerné. Pour autant, pour penser ce temps très court... où on n'a pas le temps. Et puis il y a aussi, tout de suite, à penser ce temps plus long qui va redonner un cadre général sécurisant pour l'ensemble.
- Speaker #0
Parce que la culture d'apprenti d'auteuil se modifie au regard des problématiques qu'on rencontre.
- Speaker #1
J'allais dire, d'une certaine manière, ça rencontre très précisément le sens. Il y a une part d'apprenti d'auteuil qui se trouve justifiée dans la gestion de crise. Ce n'est pas du tout contradictoire. A partir du moment, encore une fois, où on ne l'a pas considéré comme un défaut, comme un échec, ça vient rejoindre assez profondément l'ADN de la Fondation, parce que, encore une fois, il faut être là. S'il y a bien une certitude, c'est qu'il faut être là, donner une réponse tout de suite. Il y a quelque chose dans la crise qui est assez profondément lié à l'ADN de la Fondation. On est là.
- Speaker #0
Les métiers d'apprenti d'auteuil sont aussi en crise aujourd'hui d'une certaine façon. Je pense que tous les métiers de l'intervention sociale, les éducateurs, les enseignants, on sent bien que d'un point de vue sociétal, il y a en tout cas une période un peu délicate à traverser. On sait qu'il y a des difficultés à recruter, qu'il y a des engagements plus difficiles à mobiliser. Comment apprenti d'auteuil ou comment le directeur général d'apprenti d'auteuil... prend en compte cette situation. J'ai été très marqué par un rapport qui a été fait sur ce sujet par un conseiller d'État, Denis Pifteau. On est sans doute à la jointure d'une évolution en profondeur. des métiers du travail social, qui est ce moment où on va passer d'une relation d'aide substitutive, ça c'était le premier niveau, je viens faire à ta place, à une relation éducative, je viens t'apprendre à faire, à une relation véritablement coopérative, collaborative. C'est-à-dire, tu sais quelque chose, je sais quelque chose, et ensemble, on va trouver la solution, trouver le chemin pour ton épanouissement. Denis Piveteau décrit ça comme un changement de paradigme pour les métiers sociaux. Ça parle beaucoup à Apprenti d'Auteuil, au moment où on a réfléchi, on a commencé à mettre en œuvre le développement du pouvoir d'agir, ce qu'on a appelé penser et agir ensemble Et moi je pense que c'est ça qui va véritablement donner ou redonner des lettres de noblesse. à l'accompagnement des personnes vulnérables et au travail social en général. C'est une transformation et comme toute transformation, elle est difficile parce qu'il faut renoncer à une certaine vision du travail social et il faut faire émerger des compétences nouvelles, des talents nouveaux parce que ce n'est pas la même chose, ce n'est pas exactement la même chose. Et on est probablement, je l'espère d'ailleurs, dans ce changement de paradigme. Comme dans tout changement, ça tire, c'est difficile et il faut l'accompagner. Mais moi je le vois de manière très positive parce que l'enjeu derrière, si on redéfinit le travail social comme le développement du pouvoir d'agir des personnes auxquelles on s'adresse, alors je pense qu'on redonne une vision de la société où la place même de ces personnes et de ceux qui les accompagnent est bien meilleure, bien plus valorisée et valorisante. Et du coup, c'est un projet de société un peu différent qu'on défend.
- Speaker #1
On a parfois l'impression de vivre dans une société où il y a une perte de sens. On entend ça assez régulièrement dans les informations, la télévision, la radio, un peu partout. Qu'est-ce qui nous permettrait de donner du sens à une société qui en manque ?
- Speaker #0
C'est compliqué, si la réponse à cette question existait. Aujourd'hui, du sens, il y en a. Et cette quête de sens montre bien, d'ailleurs, que pour chaque personne, il y a des choses qui ont du sens et d'autres qui n'en ont pas. C'est ça qui est dit. Quand ça n'a pas de sens, c'est que ceci n'a pas de sens, pour moi. Mais ça veut dire qu'autre chose a du sens. Et sans doute, là où... on touche à un point un peu névralgique de notre société, c'est la difficulté à définir un sens pour tous, pour plusieurs, autrement que quelque chose qui aura du sens pour moi et qui par définition n'en aura pas pour toi. Alors évidemment ça c'est très opposé à la culture d'apprenti d'Auteuil, qui est tout en reconnaissant le caractère unique de chaque personne et donc de son chemin et donc de sa vision du monde. ...une analyse de construire quelque chose de commun, une vision commune. C'est comme ça qu'on a travaillé par exemple à Apprenti d'Auteuil sur le projet éducatif d'Apprenti d'Auteuil. Et on a bien vu qu'avec la diversité des métiers qu'on peut avoir, entre une crèche et un foyer de jeunes travailleurs, entre une école maternelle et un centre de formation d'apprenti, pour autant, on est capable de dire qu'il y a à la base... le même projet éducatif, qui repose sur les mêmes déterminants. Donc il y a un sens partagé, et c'est ce sens partagé qui fait du sens. Très souvent, à Apprenti d'Auteuil, ça va s'exprimer par des histoires, par des parcours. On va raconter l'histoire d'un jeune, on va raconter l'histoire d'une famille, on va raconter l'histoire d'un établissement. Ça sera notre meilleure manière d'exprimer que ceci a du sens, pas simplement pour une personne, mais pour tous. On se reconnaît. dans ce parcours.
- Speaker #1
Il nous reste une petite vingtaine de minutes. Quelle importance ça a pour toi, la foi ou la spiritualité ? Comment ça t'a constitué, y compris en tant que directeur général ? Qu'est-ce que ça a apporté à ta manière d'agir, ta manière d'être ?
- Speaker #0
Ce que je sais, c'est qu'à Apprenti d'Auteuil, il y a toutes les sensibilités ecclésiales. ou non ecclésiales. Il y a des gens qui croient, des gens qui ne croient pas, des gens qui croient, qui sont catholiques, d'autres qui croient et qui sont protestants, d'autres qui sont musulmans, d'autres qui sont encore d'autres religions. Et ce que j'ai vu, c'est que la mission auprès des jeunes, auprès des familles, rassemble des sensibilités extraordinairement différentes et rend possible un dialogue entre elles. Donc ça, pour moi, c'est vraiment une source de joie et d'espérance. Ensemble, dans la même mission, différent, mais la mission nous permet de nous rapprocher et donc de dialoguer. L'autre dimension, c'est aussi de considérer que dans le travail éducatif, La dimension spirituelle est essentielle. La question même du sens de la vie, du sens de ma vie, me permet de vivre. Et puis j'ajoute quelque chose qui n'est pas forcément facile à exprimer, mais quand on dit catholique reconnu d'utilité publique, dans notre pays où la laïcité est un sujet extraordinairement sensible, où la méfiance vis-à-vis des religions est aiguisée, à la fois par risque de radicalisation, de terrorisme ou d'emprise et d'abus, et où les religions ont démontré qu'elles étaient capables de l'un comme de l'autre, comment redonner ou donner une place à la dimension religieuse de la vie qui ne soit ni une menace d'emprise ni une menace de radicalisation. Et je pense qu'à Prenté-Doteuil... peut jouer un rôle à son niveau, à sa place, sans excès, pour montrer que non seulement la coexistence pacifique entre croyants est possible, mais mieux que ça, que la prise en compte de cette dimension, à sa juste place, dans le respect de la liberté des consciences, est un facteur de cohésion sociale.
- Speaker #1
De quoi tu es le plus fier aujourd'hui ?
- Speaker #0
Du travail que j'ai pu faire avec mon équipe comité exécutif, la qualité des relations avec les personnes qui le constituent. Et puis après, c'est des milliers, des centaines sans doute, de rencontres. Hier, j'étais sur un site, je suis fier de quelque chose dont je ne suis pour rien, mais quand même, je suis fier. Un ancien d'Apentis d'Auteuil qui revenait sur le site Saint-Pédis à Daumont pour montrer... à ses fils pour leur montrer où il avait été, et pourquoi ça avait été important pour lui, et comment il s'était construit à partir de là. Ça, là, on se redresse et on se dit, quelque chose quand même qui s'est passé, à ce point qu'il a envie de le transmettre à ses enfants.
- Speaker #1
Si des enfants te demandent une définition de l'amour, qu'est-ce que tu leur dis ?
- Speaker #0
Je pense que c'est quelque chose comme une interdépendance dans une dépendance ou une dépendance dans une indépendance. Quelque chose qui dit qu'on a toujours besoin de l'autre et en même temps que l'autre est libre.
- Speaker #1
De quoi as-tu peur ?
- Speaker #0
De plein de choses et probablement de ne pas être au rendez-vous, de ne pas être assez à l'écoute, d'oublier quelqu'un, quelque chose de l'injustice que je pourrais commettre de ce fait.
- Speaker #1
Quel est le compliment qui pourrait te faire rougir ?
- Speaker #0
Je trouve qu'il y a un aphorisme que j'ai... Alors je ne suis pas moine, mais un aphorisme des Pères du Désert que j'aime bien qui est... Si tu veux tuer un moine, dis du bien de lui. Je pense que c'est très difficile de rester humble dans des situations où on a l'impression que ça s'est bien passé. Donc, heureux les gens qui ne se prennent pas au sérieux, ils n'ont pas fini de se marrer. Il paraît que c'est la béatitude que le Christ n'a pas prononcée mais qu'il avait en réserve. J'ai appris aussi qu'il faut accepter les compliments. Moi je suis heureux de savoir que la Fondation va bien et que les gens savent ce qu'ils ont à faire. Là je vais parler de mon équipe et qu'on a une vision. Partager, un sens, partager, ça c'est un compliment, alors ce qui me fera rougir c'est un compliment, mais je suis prêt à l'entendre.
- Speaker #1
Qu'est-ce qu'il y a de plus réac en toi ?
- Speaker #0
Je pense que j'adore aller vers des gens différents. Il y a quand même en moi toujours la peur de la différence. Et si on pouvait neutraliser cette différence. C'est pour ça que je prends réac en réaction. Réaction à cette différence. Mais quand j'arrive à la dépasser, c'est une joie.
- Speaker #1
À qui aimerais-tu dire pardon ?
- Speaker #0
À tous les gens que je n'ai pas assez écoutés. À des conflits qui se sont... terminé par de l'exclusion, parce que j'ai été à l'origine de quelques exclusions. Et je sais, si on avait eu plus de temps, si on s'était sans doute mieux compris, si on avait pris les choses plus en amont, on aurait peut-être pu faire différemment. Et puis, ça c'est ce que je vois. Mais après, moi j'aimerais dire pardon, mais c'est difficile à faire, à tous ceux pour qui j'ai commis une injustice, et je ne le sais pas. Ça c'est presque ce qu'il y a de plus terrible.
- Speaker #1
Y a-t-il un code social, une convention qui t'agace ?
- Speaker #0
Avec ma femme, on n'est pas d'accord sur tutoiement et vouvoiement. Moi, j'ai tendance à tutoyer facilement. Ma femme considère que c'est une marque de respect, de vouvoyer. Donc, tu vois, voilà quelque chose. A vrai dire, non. Parce que je pense que tout corps social a besoin de se donner des règles pour fonctionner. Donc il suffit de les comprendre un peu. Mais l'excès de vouvoiement parfois magasme et comme c'est un sujet familial, je le traite.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu aimerais changer en toi ?
- Speaker #0
Je crois que je ne sais pas répondre à cette question. Mais j'ai envie de citer un... Une femme que j'ai beaucoup appréciée, qui d'ailleurs m'a fait découvrir Victor Frankel, qui est Magdalafon, qui vient de mourir, une rescapée des camps de la mort, et qui me disait, une psychologue, pédopsychologue, qui me disait à chaque fois que je la voyais, Nicolas, tu es un être en devenir jusqu'à la dernière seconde. Je ne sais pas ce qu'il faut changer en moi, à vrai dire, je pense que j'ai une petite liste, mais surtout, il faut rester dans l'idée que je peux changer, et je dois changer, je vais changer.
- Speaker #1
Quel est ta définition du bonheur ?
- Speaker #0
J'ai jamais réfléchi à ça, mais sans doute quelque chose qui dit des relations de qualité. Ma famille, mes enfants, ma femme, un équilibre de vie, la joie comme signal.
- Speaker #1
Dans quelques mois, tu passes le flambeau à Jean-Baptiste de Chatillon, vous directeur général qui arrivera le 1er juillet. C'est quoi ton ressenti aujourd'hui ?
- Speaker #0
C'est un long discernement de m'être dit... Il faut que je parte, il ne faut pas rester trop longtemps. Dix ans, c'est bien. Donc je rentre dans cette période de transmission avec conviction et en me disant qu'avec lui, les équipes en place feront... mieux autrement. Et ça, moi, ça me fait plaisir.
- Speaker #1
Si tu avais un conseil à lui donner, ce serait lequel ?
- Speaker #0
Il vient comme moi de loin par rapport à Apprenti d'Auteuil. Donc c'est de profiter d'une grande qualité de ceux qui sont à Apprenti d'Auteuil, les jeunes comme les adultes, d'expliquer ce qui se passe. Et donc d'apprendre la langue patiemment, ou les langues, parce qu'il y en a probablement plusieurs. et donc de se mettre à l'écoute de cette magnifique famille.
- Speaker #1
Le jour de ton départ, qu'est-ce que tu aimerais qu'on te dise ? à bientôt restons en contact j'ai une dernière question plus large on vient de traverser ensemble une conversation qui a duré quand même deux heures, qu'est-ce que tu en tires de cette expérience ?
- Speaker #0
j'en tire que très souvent je me suis fait la remarque dans mon poste de directeur de directeur général que j'aurais quasiment besoin d'une journée par jour pour relire tout ce que je fais, tout ce que j'ai entendu, tout ce que j'ai vu, tout ce que j'ai observé, et que ce temps-là, je ne l'ai pas. Un temps comme ça, pour moi, c'est une espèce de cadeau. Pour prendre un peu de distance et relire justement ce que je dépale le temps de relire, ou pas assez le temps de relire. La merci de l'avoir provoqué en quelque sorte, ça devrait être une règle de vie. C'est extraordinaire à quel point on progresse quand on a le temps de prendre du recul et de regarder justement le sens de ce qu'on a fait ou le non-sens de ce qu'on a pu faire. Et comme ça... de changer sans doute de perspective.
- Speaker #1
Merci en tout cas d'avoir pris ce temps, justement, dans un agenda qui est chargé, évidemment. Voilà, ce fut un beau moment de partage et une manière peut-être tardive, en fait, de te connaître un peu différemment et avec des facettes plus diverses. Merci beaucoup, Nicolas.
- Speaker #0
Merci, Christophe.
- Speaker #2
Merci de votre écoute. Si l'épisode vous a plu, notez-le favorablement sur la plateforme d'écoute ou l'application que vous utilisez. Cela contribue à développer la notoriété de ce podcast. N'hésitez pas à le partager sur vos réseaux. A très bientôt pour un nouvel épisode.