undefined cover
undefined cover
Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut cover
Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut cover
Les Podcasts d'Interstices

Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut

Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut

14min |14/11/2025|

2

Play
undefined cover
undefined cover
Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut cover
Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut cover
Les Podcasts d'Interstices

Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut

Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ? - Rodolphe Thiébaut

14min |14/11/2025|

2

Play

Description

Le monde entier connait actuellement une crise sanitaire sans précédent, mais depuis longtemps déjà, les scientifiques de toute part se mobilisent pour mettre à profit leurs connaissances au service des problématiques de santé publique. Rodolphe Thiébaut, dont les travaux sont à la croisée des sciences du numérique et de l'immunologie, nous présente les enjeux de ses recherches pour le développement vaccinal dans cet épisode du podcast Interstices.


Épisode initialement publié sur le site Interstices le 08 juillet 2020.


Interstices · Une référence en ligne pour comprendre la recherche en informatique et mathématiques appliquées.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 88e épisode du podcast Interstice. A l'heure où nous réalisons cet entretien, l'actualité se concentre sur l'épidémie causée par le coronavirus. Mais aujourd'hui, nous allons nous intéresser à une autre épidémie, la maladie à virus Ebola, qui touche fortement la République démocratique du Congo. Figurez-vous que la modélisation peut aider au développement de vaccins. Pour en discuter, nous recevons le professeur Rodolphe Thiebaud, responsable de l'équipe de recherche commune à l'Inserm et Inria, qui s'appelle Système pour statistiques en biologie des systèmes et en médecine translationnelle. Rodolphe Thiebaud, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    On ne va pas refaire votre CV car vous avez un parcours scientifique très riche, mais je précise pour les auditeurs que vous avez une formation de médecin spécialisé en santé publique. Les travaux de votre équipe portent notamment sur la modélisation et l'analyse de données de grande dimension, principalement appliquées à l'immunologie. Quels sont les enjeux ou objectifs autour de vos travaux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, il y a plusieurs mots-clés dans tout ça. D'abord, il y a l'immunologie. Pourquoi ? pourquoi l'immunologie plutôt qu'un autre domaine applicatif ? Parce que, comme le disait un immunologiste avec qui j'ai beaucoup travaillé, l'immunologie, c'est partout. Quand on parle de maladies infectieuses, il y a de l'immunologie. Quand on parle de cancérologie, il y a de l'immunologie. Donc, sur le plan médical, l'immunologie est partout. Et c'est vraiment une discipline qui est en permanente révolution depuis des dizaines d'années, de par les progrès, notamment biotechnologiques. Ensuite, grande dimension. parce que ces progrès biotechnologiques, donc le séquençage de génomes, l'imagerie en général, les caractérisations de populations cellulaires, etc., ce sont des progrès biotechnologiques qui ont engendré une masse de données absolument incroyable. À l'échelle d'un patient, on a aujourd'hui beaucoup plus d'informations, ce qui génère une problématique de grande dimension. Et ensuite, il y a l'aspect méthodologique qui consiste à vraiment... analyser ces données pour répondre à des questions en immunologie, en fait souvent bien au-delà. Et là, je travaille beaucoup aussi avec une approche par modélisation. Pourquoi ? Parce que finalement, dans beaucoup des questions qu'on se pose, il y a une notion de causalité. Et donc on a envie de comprendre ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors, en quoi la modélisation permet-elle d'aider au développement des vaccins ?

  • Speaker #1

    Il y a deux grands aspects, je dirais. Le premier, c'est de mieux comprendre. comment est-ce qu'un individu répond au vaccin et va développer une réponse immunitaire pour justement se défendre par exemple contre des agents infectieux ou contre un cancer. C'est le même type de problématique. Donc là, il y a vraiment la compréhension biologique. Mais en fait, cette compréhension biologique, nous, notre approche, c'est de voir si finalement, pour différents modèles possibles biologiques, on va traduire ça sous forme de modèles mathématiques Et on va, grâce à... ce qu'on appelle les problèmes inverses, donc l'inférence statistique sur ces données, voir quel modèle est potentiellement le plus proche des données. Voir même, quelquefois, penser à un nouveau modèle qui génère des nouvelles hypothèses biologiques qui seront ensuite testées par ailleurs avec des nouvelles expérimentations. Donc ça, c'est vraiment l'aspect compréhension de mécanisme. Et puis après, il y a un autre aspect qui est un aspect prédiction. Et là, on est beaucoup dans « est-ce que je peux prédire un peu ce qui va se passer dans le futur ? » Et notamment, un des enjeux en vaccinologie, c'est est-ce que finalement, sur une réponse que j'observe très tôt, quelquefois même potentiellement dans les heures qui suivent les injections, est-ce que je peux prédire quelle va être la réponse finalement qui sera installée au bout d'un mois, trois mois ? Après, pour finir de répondre finalement à votre question, en quoi ça aide le développement ? Alors, de fait, de plusieurs façons. La première, c'est que si on observe par exemple que certains individus vont répondre plus ou moins bien à partir de certaines caractéristiques au vaccin, ça peut engendrer des nouvelles stratégies pour ces individus-là pour renforcer leur réponse au vaccin. Ça peut nous aider aussi à mieux comprendre et potentiellement modifier le vaccin pour que les personnes puissent répondre mieux. Et puis, bien sûr, la compréhension de... comment la réponse immunitaire s'installe. En fait, ça, c'est une recherche presque d'amont en biologie, finalement, parce que de mieux comprendre comment va marcher un vaccin X, je ne sais pas, contre un agent infectieux type Ebola, par exemple, ça peut quand même nous aider à continuer le développement pour d'autres agents infectieux comme... Un virus de VIH, par exemple, pour lequel c'est beaucoup plus compliqué de développer un vaccin. Donc, il y a vraiment plusieurs endroits où ça peut aider. Et après, il y a notre challenge qui est que potentiellement, justement, en utilisant au mieux toutes ces données qui sont générées dans les essais qu'on va mettre en œuvre au départ, eh bien, on va pouvoir potentiellement aller plus vite parce qu'on pourrait sauter un certain nombre d'étapes, parce qu'on a finalement réussi à recueillir l'ensemble ou une grande partie des réponses à nos questions dès des phases assez précoces de développement vaccinal.

  • Speaker #0

    Et en pratique, quelles sont les méthodes scientifiques que vous développez ?

  • Speaker #1

    Dans l'équipe, finalement, sur le plan méthodologique, on a deux grands axes. On a un axe qui est l'apprentissage statistique en grande dimension, où là, l'idée, c'est de retirer le signal et donc l'information issue de ces masses de données. Et là, en fait... Les méthodes qu'on développe, ça dépend du type de données. Il y a la reconnaissance automatique de population cellulaire. Là, typiquement, c'est des algorithmes de classification non supervisés. Alors, on a développé plusieurs choses. On avait, par exemple, utilisé une approche bayésienne. Ou, par exemple, l'esprit de l'approche bayésienne, c'est qu'on peut potentiellement avoir une connaissance a priori. Et donc là, l'idée, c'était de dire que ça peut être très utile sur une approche séquentielle où un individu va avoir une mesure de la quantité de cellules dans son sang. On va faire un premier apprentissage chez cet individu et ensuite, il va avoir une deuxième mesure ou bien même un autre individu va avoir une autre mesure. Et on va quand même garder l'information qu'on avait de ce premier individu ou de sa première mesure parce qu'en fait, on ne change pas complètement la structure de sa formulation sanguine. Et donc, ça avait beaucoup de sens sur le plan biologique. Ça marche pas mal. On espérait que ça marche mieux. Mais après, c'est ça la recherche. C'est-à-dire qu'en fait, pendant qu'on travaillait sur cet algorithme, on a eu une autre idée. avec un algorithme beaucoup plus simple, où on a apporté un certain nombre de critères statistiques pour choisir, mais en gros, le nouvel algorithme qu'on a proposé imite ce que fait l'immunologiste. Et finalement, sur un espace à très grande dimension, l'immunologiste, qu'est-ce qu'il fait ? Il commence à travailler sur des sous-espaces, et donc on a reproduit ça, finalement, avec des algorithmes statistiques. Voilà un exemple. Ensuite, le deuxième axe, lui, c'est vraiment celui qu'on a appelé modélisation mécaniste. Là, le cadre est assez clair, c'est... des systèmes d'équations différentielles pour qui on va essayer d'estimer les paramètres à partir des données qu'on va avoir sélectionnées grâce au travail fait dans l'autre axe de l'équipe. Parce qu'on ne peut pas attaquer le problème avec toutes les données. À terme peut-être, mais pas pour l'instant. Et là, on va faire de l'inférence statistique en population, parce que souvent on va estimer ces paramètres sur l'ensemble de la population d'individus d'un essai clinique, parce que la variabilité inter-individuelle va nous intéresser aussi. Voilà un peu les grandes lignes de cette recherche.

  • Speaker #0

    Vous êtes coordinateur du projet européen Ebovac 2, dont le but est de développer un vaccin contre Ebola. Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?

  • Speaker #1

    Dans ce projet assez important, qui a démarré en plein pendant l'épidémie très grave qui a eu lieu en 2014 en Afrique de l'Ouest, a été décrétée d'urgence mondiale de santé publique par l'OMS, et de là, un certain nombre de groupes de travail ont été mis en place pour accélérer un certain nombre d'actions pour essayer de juguler l'épidémie, dont le développement de vaccins. Et donc, en fait, ce projet consistait à plusieurs aspects. Premièrement, organiser deux gros essais multisites, un en Europe, un en Afrique, pour évaluer, en fait, L'efficacité du vaccin et la tolérance du vaccin, donc en termes immunologiques, et sa tolérance ça veut dire qu'il n'y a pas d'effets secondaires indésirables, graves, qui surviennent liés à ce vaccin. Et bien sûr, sur ces projets-là, et ce qui expliquait aussi notre présence, c'était de pouvoir construire une modélisation de cette réponse, pour par exemple répondre à une question très importante qui est la durabilité de la réponse. Et donc, aujourd'hui, on a mis en œuvre ces essais, on a récupéré l'ensemble des informations. qui servent d'ailleurs actuellement au laboratoire pour déposer une licence pour que le vaccin soit disponible sur le marché. Et en même temps, on a pu observer la bonne réponse à ce vaccin et nous, on a pu, avec ces données-là, développer un modèle de réponse au vaccin Ebola et commencer des travaux de prédiction de combien de temps pourrait durer cette réponse. Alors, la meilleure réponse à cette question, c'est de mesurer ces données. simplement Quand on est au tout début du développement, on n'a pas des personnes qui sont vaccinées depuis des années. Et donc, par exemple, les premiers résultats... qu'on a publié dans le Journal of Virology l'année dernière, montrait que cette réponse au vaccin Ebola allait au moins jusqu'à 5 ans. Et ça c'est vraiment important parce qu'une bonne réponse qui est établie pendant au moins 5 ans, ça veut dire qu'un personnel de santé par exemple qui est vacciné à un temps T, s'il y a une seconde épidémie qui arrive 2 ou 3 ans plus tard, comme ça se passe exactement en ce moment, il est potentiellement encore protégé si tant est que ce taux d'anticorps reflète bien l'effet protecteur du vaccin. Voilà typiquement ce qu'on a pu apporter au-delà de la coordination de ce consortium qui dépassait quand même le périmètre du travail de système et de modélisation que l'on peut faire dans ce système.

  • Speaker #0

    Enfin, quels sont selon vous les prochains défis scientifiques à venir dans votre domaine ?

  • Speaker #1

    Une question comme ça, je... pense à vos domaines, parce que encore une fois, on se situe toujours un peu à l'interface entre à la fois du développement méthodologique et en même temps des applications. Pour moi, sur le plan du développement scientifique, actuellement, on travaille beaucoup sur des questions assez intéressantes où finalement on conjugue l'apprentissage machine, donc des techniques un peu automatiques, des choses qui sont très automatisées, comme par exemple les réseaux de neurones. Et puis en même temps, une modélisation mécanistique sur laquelle se base notre recherche. Parce qu'on réfléchit aux mécanismes, on essaye d'inférer les mécanismes, et donc on est vraiment beaucoup sur des modèles mécanistiques causaux. Et malgré tout, on a besoin de cet apprentissage machine pour retirer l'information des données qu'on a. Et donc ce challenge qui va consister à travailler sur à la fois des techniques d'apprentissage machine de type apprentissage profond par exemple et puis en même temps des systèmes d'équation différentielle pour faire de la modélisation mécanistique c'est un vrai challenge, on est loin d'être les seuls il y a des équipes beaucoup plus spécialisées typiquement sur cette question là mais justement l'idée c'est de travailler ensemble pour relever ce défi ensuite l'autre défi c'est finalement que tout ce que je vous raconte comme une belle histoire passe à la réalité et de fait impacte la recherche clinique Merci. en général. Sur Ebola, on a fait très vite, on a apporté des choses, mais je ne peux pas dire quand même que c'est ce qu'on a fait qui a accéléré le développement. C'est aussi parce qu'on a eu beaucoup de moyens d'un coup et qu'on a pu faire des essais cliniques très rapidement. Mais vraiment, passer à l'échelle cette accélération de développement clinique avec nos approches, plus les recherches d'autres, bien sûr, c'est un vrai enjeu, mais mondial. et couvrant des domaines très différents, puisque ce n'est pas uniquement les vaccins, c'est aussi les médicaments. Et là, je crois que c'est très important pour accélérer justement la disponibilité finalement d'intervention pour améliorer la santé des populations. Et typiquement, la cancérologie, c'est aussi un domaine très important dans lequel des équipes INRIA travaillent également et qui finalement ont ce type d'approche avec aussi... On ne l'a pas évoqué là, mais la personnalisation, par exemple, des interventions, va aussi avec cet esprit d'optimiser le développement. Et le troisième enjeu, c'est la notion que la recherche que l'on fait dans l'équipe système, à la fois elle est très spécifique, quand on travaille sur une maladie donnée, une intervention donnée, ça demande de multiples interactions pour bien comprendre le type de données qui a été généré, de bien comprendre les modèles biologiques sous-jacents, donc ça prend du temps. Et on a besoin d'être très spécifique. Mais d'un autre côté, l'enjeu, c'est que cette approche, cette méthodologie, elle puisse être suffisamment générique pour pouvoir être utilisée dans d'autres contextes. Et donc nous, on a su passer du VIH à Ebola. Peut-être que demain, on sera sur le vaccin contre le coronavirus. Et ça, il faut que dans nos approches, on arrive à avoir une espèce de formulation un peu générique. de nos approches, suffisamment génériques en tout cas, pour que ce passage d'une pathologie à l'autre, déjà rien que si on reste dans les maladies infectieuses, puisse se faire assez facilement.

  • Speaker #0

    Rodolphe Thiebaud, merci d'avoir accepté cet entretien.

  • Speaker #1

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstice.

Description

Le monde entier connait actuellement une crise sanitaire sans précédent, mais depuis longtemps déjà, les scientifiques de toute part se mobilisent pour mettre à profit leurs connaissances au service des problématiques de santé publique. Rodolphe Thiébaut, dont les travaux sont à la croisée des sciences du numérique et de l'immunologie, nous présente les enjeux de ses recherches pour le développement vaccinal dans cet épisode du podcast Interstices.


Épisode initialement publié sur le site Interstices le 08 juillet 2020.


Interstices · Une référence en ligne pour comprendre la recherche en informatique et mathématiques appliquées.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 88e épisode du podcast Interstice. A l'heure où nous réalisons cet entretien, l'actualité se concentre sur l'épidémie causée par le coronavirus. Mais aujourd'hui, nous allons nous intéresser à une autre épidémie, la maladie à virus Ebola, qui touche fortement la République démocratique du Congo. Figurez-vous que la modélisation peut aider au développement de vaccins. Pour en discuter, nous recevons le professeur Rodolphe Thiebaud, responsable de l'équipe de recherche commune à l'Inserm et Inria, qui s'appelle Système pour statistiques en biologie des systèmes et en médecine translationnelle. Rodolphe Thiebaud, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    On ne va pas refaire votre CV car vous avez un parcours scientifique très riche, mais je précise pour les auditeurs que vous avez une formation de médecin spécialisé en santé publique. Les travaux de votre équipe portent notamment sur la modélisation et l'analyse de données de grande dimension, principalement appliquées à l'immunologie. Quels sont les enjeux ou objectifs autour de vos travaux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, il y a plusieurs mots-clés dans tout ça. D'abord, il y a l'immunologie. Pourquoi ? pourquoi l'immunologie plutôt qu'un autre domaine applicatif ? Parce que, comme le disait un immunologiste avec qui j'ai beaucoup travaillé, l'immunologie, c'est partout. Quand on parle de maladies infectieuses, il y a de l'immunologie. Quand on parle de cancérologie, il y a de l'immunologie. Donc, sur le plan médical, l'immunologie est partout. Et c'est vraiment une discipline qui est en permanente révolution depuis des dizaines d'années, de par les progrès, notamment biotechnologiques. Ensuite, grande dimension. parce que ces progrès biotechnologiques, donc le séquençage de génomes, l'imagerie en général, les caractérisations de populations cellulaires, etc., ce sont des progrès biotechnologiques qui ont engendré une masse de données absolument incroyable. À l'échelle d'un patient, on a aujourd'hui beaucoup plus d'informations, ce qui génère une problématique de grande dimension. Et ensuite, il y a l'aspect méthodologique qui consiste à vraiment... analyser ces données pour répondre à des questions en immunologie, en fait souvent bien au-delà. Et là, je travaille beaucoup aussi avec une approche par modélisation. Pourquoi ? Parce que finalement, dans beaucoup des questions qu'on se pose, il y a une notion de causalité. Et donc on a envie de comprendre ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors, en quoi la modélisation permet-elle d'aider au développement des vaccins ?

  • Speaker #1

    Il y a deux grands aspects, je dirais. Le premier, c'est de mieux comprendre. comment est-ce qu'un individu répond au vaccin et va développer une réponse immunitaire pour justement se défendre par exemple contre des agents infectieux ou contre un cancer. C'est le même type de problématique. Donc là, il y a vraiment la compréhension biologique. Mais en fait, cette compréhension biologique, nous, notre approche, c'est de voir si finalement, pour différents modèles possibles biologiques, on va traduire ça sous forme de modèles mathématiques Et on va, grâce à... ce qu'on appelle les problèmes inverses, donc l'inférence statistique sur ces données, voir quel modèle est potentiellement le plus proche des données. Voir même, quelquefois, penser à un nouveau modèle qui génère des nouvelles hypothèses biologiques qui seront ensuite testées par ailleurs avec des nouvelles expérimentations. Donc ça, c'est vraiment l'aspect compréhension de mécanisme. Et puis après, il y a un autre aspect qui est un aspect prédiction. Et là, on est beaucoup dans « est-ce que je peux prédire un peu ce qui va se passer dans le futur ? » Et notamment, un des enjeux en vaccinologie, c'est est-ce que finalement, sur une réponse que j'observe très tôt, quelquefois même potentiellement dans les heures qui suivent les injections, est-ce que je peux prédire quelle va être la réponse finalement qui sera installée au bout d'un mois, trois mois ? Après, pour finir de répondre finalement à votre question, en quoi ça aide le développement ? Alors, de fait, de plusieurs façons. La première, c'est que si on observe par exemple que certains individus vont répondre plus ou moins bien à partir de certaines caractéristiques au vaccin, ça peut engendrer des nouvelles stratégies pour ces individus-là pour renforcer leur réponse au vaccin. Ça peut nous aider aussi à mieux comprendre et potentiellement modifier le vaccin pour que les personnes puissent répondre mieux. Et puis, bien sûr, la compréhension de... comment la réponse immunitaire s'installe. En fait, ça, c'est une recherche presque d'amont en biologie, finalement, parce que de mieux comprendre comment va marcher un vaccin X, je ne sais pas, contre un agent infectieux type Ebola, par exemple, ça peut quand même nous aider à continuer le développement pour d'autres agents infectieux comme... Un virus de VIH, par exemple, pour lequel c'est beaucoup plus compliqué de développer un vaccin. Donc, il y a vraiment plusieurs endroits où ça peut aider. Et après, il y a notre challenge qui est que potentiellement, justement, en utilisant au mieux toutes ces données qui sont générées dans les essais qu'on va mettre en œuvre au départ, eh bien, on va pouvoir potentiellement aller plus vite parce qu'on pourrait sauter un certain nombre d'étapes, parce qu'on a finalement réussi à recueillir l'ensemble ou une grande partie des réponses à nos questions dès des phases assez précoces de développement vaccinal.

  • Speaker #0

    Et en pratique, quelles sont les méthodes scientifiques que vous développez ?

  • Speaker #1

    Dans l'équipe, finalement, sur le plan méthodologique, on a deux grands axes. On a un axe qui est l'apprentissage statistique en grande dimension, où là, l'idée, c'est de retirer le signal et donc l'information issue de ces masses de données. Et là, en fait... Les méthodes qu'on développe, ça dépend du type de données. Il y a la reconnaissance automatique de population cellulaire. Là, typiquement, c'est des algorithmes de classification non supervisés. Alors, on a développé plusieurs choses. On avait, par exemple, utilisé une approche bayésienne. Ou, par exemple, l'esprit de l'approche bayésienne, c'est qu'on peut potentiellement avoir une connaissance a priori. Et donc là, l'idée, c'était de dire que ça peut être très utile sur une approche séquentielle où un individu va avoir une mesure de la quantité de cellules dans son sang. On va faire un premier apprentissage chez cet individu et ensuite, il va avoir une deuxième mesure ou bien même un autre individu va avoir une autre mesure. Et on va quand même garder l'information qu'on avait de ce premier individu ou de sa première mesure parce qu'en fait, on ne change pas complètement la structure de sa formulation sanguine. Et donc, ça avait beaucoup de sens sur le plan biologique. Ça marche pas mal. On espérait que ça marche mieux. Mais après, c'est ça la recherche. C'est-à-dire qu'en fait, pendant qu'on travaillait sur cet algorithme, on a eu une autre idée. avec un algorithme beaucoup plus simple, où on a apporté un certain nombre de critères statistiques pour choisir, mais en gros, le nouvel algorithme qu'on a proposé imite ce que fait l'immunologiste. Et finalement, sur un espace à très grande dimension, l'immunologiste, qu'est-ce qu'il fait ? Il commence à travailler sur des sous-espaces, et donc on a reproduit ça, finalement, avec des algorithmes statistiques. Voilà un exemple. Ensuite, le deuxième axe, lui, c'est vraiment celui qu'on a appelé modélisation mécaniste. Là, le cadre est assez clair, c'est... des systèmes d'équations différentielles pour qui on va essayer d'estimer les paramètres à partir des données qu'on va avoir sélectionnées grâce au travail fait dans l'autre axe de l'équipe. Parce qu'on ne peut pas attaquer le problème avec toutes les données. À terme peut-être, mais pas pour l'instant. Et là, on va faire de l'inférence statistique en population, parce que souvent on va estimer ces paramètres sur l'ensemble de la population d'individus d'un essai clinique, parce que la variabilité inter-individuelle va nous intéresser aussi. Voilà un peu les grandes lignes de cette recherche.

  • Speaker #0

    Vous êtes coordinateur du projet européen Ebovac 2, dont le but est de développer un vaccin contre Ebola. Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?

  • Speaker #1

    Dans ce projet assez important, qui a démarré en plein pendant l'épidémie très grave qui a eu lieu en 2014 en Afrique de l'Ouest, a été décrétée d'urgence mondiale de santé publique par l'OMS, et de là, un certain nombre de groupes de travail ont été mis en place pour accélérer un certain nombre d'actions pour essayer de juguler l'épidémie, dont le développement de vaccins. Et donc, en fait, ce projet consistait à plusieurs aspects. Premièrement, organiser deux gros essais multisites, un en Europe, un en Afrique, pour évaluer, en fait, L'efficacité du vaccin et la tolérance du vaccin, donc en termes immunologiques, et sa tolérance ça veut dire qu'il n'y a pas d'effets secondaires indésirables, graves, qui surviennent liés à ce vaccin. Et bien sûr, sur ces projets-là, et ce qui expliquait aussi notre présence, c'était de pouvoir construire une modélisation de cette réponse, pour par exemple répondre à une question très importante qui est la durabilité de la réponse. Et donc, aujourd'hui, on a mis en œuvre ces essais, on a récupéré l'ensemble des informations. qui servent d'ailleurs actuellement au laboratoire pour déposer une licence pour que le vaccin soit disponible sur le marché. Et en même temps, on a pu observer la bonne réponse à ce vaccin et nous, on a pu, avec ces données-là, développer un modèle de réponse au vaccin Ebola et commencer des travaux de prédiction de combien de temps pourrait durer cette réponse. Alors, la meilleure réponse à cette question, c'est de mesurer ces données. simplement Quand on est au tout début du développement, on n'a pas des personnes qui sont vaccinées depuis des années. Et donc, par exemple, les premiers résultats... qu'on a publié dans le Journal of Virology l'année dernière, montrait que cette réponse au vaccin Ebola allait au moins jusqu'à 5 ans. Et ça c'est vraiment important parce qu'une bonne réponse qui est établie pendant au moins 5 ans, ça veut dire qu'un personnel de santé par exemple qui est vacciné à un temps T, s'il y a une seconde épidémie qui arrive 2 ou 3 ans plus tard, comme ça se passe exactement en ce moment, il est potentiellement encore protégé si tant est que ce taux d'anticorps reflète bien l'effet protecteur du vaccin. Voilà typiquement ce qu'on a pu apporter au-delà de la coordination de ce consortium qui dépassait quand même le périmètre du travail de système et de modélisation que l'on peut faire dans ce système.

  • Speaker #0

    Enfin, quels sont selon vous les prochains défis scientifiques à venir dans votre domaine ?

  • Speaker #1

    Une question comme ça, je... pense à vos domaines, parce que encore une fois, on se situe toujours un peu à l'interface entre à la fois du développement méthodologique et en même temps des applications. Pour moi, sur le plan du développement scientifique, actuellement, on travaille beaucoup sur des questions assez intéressantes où finalement on conjugue l'apprentissage machine, donc des techniques un peu automatiques, des choses qui sont très automatisées, comme par exemple les réseaux de neurones. Et puis en même temps, une modélisation mécanistique sur laquelle se base notre recherche. Parce qu'on réfléchit aux mécanismes, on essaye d'inférer les mécanismes, et donc on est vraiment beaucoup sur des modèles mécanistiques causaux. Et malgré tout, on a besoin de cet apprentissage machine pour retirer l'information des données qu'on a. Et donc ce challenge qui va consister à travailler sur à la fois des techniques d'apprentissage machine de type apprentissage profond par exemple et puis en même temps des systèmes d'équation différentielle pour faire de la modélisation mécanistique c'est un vrai challenge, on est loin d'être les seuls il y a des équipes beaucoup plus spécialisées typiquement sur cette question là mais justement l'idée c'est de travailler ensemble pour relever ce défi ensuite l'autre défi c'est finalement que tout ce que je vous raconte comme une belle histoire passe à la réalité et de fait impacte la recherche clinique Merci. en général. Sur Ebola, on a fait très vite, on a apporté des choses, mais je ne peux pas dire quand même que c'est ce qu'on a fait qui a accéléré le développement. C'est aussi parce qu'on a eu beaucoup de moyens d'un coup et qu'on a pu faire des essais cliniques très rapidement. Mais vraiment, passer à l'échelle cette accélération de développement clinique avec nos approches, plus les recherches d'autres, bien sûr, c'est un vrai enjeu, mais mondial. et couvrant des domaines très différents, puisque ce n'est pas uniquement les vaccins, c'est aussi les médicaments. Et là, je crois que c'est très important pour accélérer justement la disponibilité finalement d'intervention pour améliorer la santé des populations. Et typiquement, la cancérologie, c'est aussi un domaine très important dans lequel des équipes INRIA travaillent également et qui finalement ont ce type d'approche avec aussi... On ne l'a pas évoqué là, mais la personnalisation, par exemple, des interventions, va aussi avec cet esprit d'optimiser le développement. Et le troisième enjeu, c'est la notion que la recherche que l'on fait dans l'équipe système, à la fois elle est très spécifique, quand on travaille sur une maladie donnée, une intervention donnée, ça demande de multiples interactions pour bien comprendre le type de données qui a été généré, de bien comprendre les modèles biologiques sous-jacents, donc ça prend du temps. Et on a besoin d'être très spécifique. Mais d'un autre côté, l'enjeu, c'est que cette approche, cette méthodologie, elle puisse être suffisamment générique pour pouvoir être utilisée dans d'autres contextes. Et donc nous, on a su passer du VIH à Ebola. Peut-être que demain, on sera sur le vaccin contre le coronavirus. Et ça, il faut que dans nos approches, on arrive à avoir une espèce de formulation un peu générique. de nos approches, suffisamment génériques en tout cas, pour que ce passage d'une pathologie à l'autre, déjà rien que si on reste dans les maladies infectieuses, puisse se faire assez facilement.

  • Speaker #0

    Rodolphe Thiebaud, merci d'avoir accepté cet entretien.

  • Speaker #1

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstice.

Share

Embed

You may also like

Description

Le monde entier connait actuellement une crise sanitaire sans précédent, mais depuis longtemps déjà, les scientifiques de toute part se mobilisent pour mettre à profit leurs connaissances au service des problématiques de santé publique. Rodolphe Thiébaut, dont les travaux sont à la croisée des sciences du numérique et de l'immunologie, nous présente les enjeux de ses recherches pour le développement vaccinal dans cet épisode du podcast Interstices.


Épisode initialement publié sur le site Interstices le 08 juillet 2020.


Interstices · Une référence en ligne pour comprendre la recherche en informatique et mathématiques appliquées.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 88e épisode du podcast Interstice. A l'heure où nous réalisons cet entretien, l'actualité se concentre sur l'épidémie causée par le coronavirus. Mais aujourd'hui, nous allons nous intéresser à une autre épidémie, la maladie à virus Ebola, qui touche fortement la République démocratique du Congo. Figurez-vous que la modélisation peut aider au développement de vaccins. Pour en discuter, nous recevons le professeur Rodolphe Thiebaud, responsable de l'équipe de recherche commune à l'Inserm et Inria, qui s'appelle Système pour statistiques en biologie des systèmes et en médecine translationnelle. Rodolphe Thiebaud, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    On ne va pas refaire votre CV car vous avez un parcours scientifique très riche, mais je précise pour les auditeurs que vous avez une formation de médecin spécialisé en santé publique. Les travaux de votre équipe portent notamment sur la modélisation et l'analyse de données de grande dimension, principalement appliquées à l'immunologie. Quels sont les enjeux ou objectifs autour de vos travaux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, il y a plusieurs mots-clés dans tout ça. D'abord, il y a l'immunologie. Pourquoi ? pourquoi l'immunologie plutôt qu'un autre domaine applicatif ? Parce que, comme le disait un immunologiste avec qui j'ai beaucoup travaillé, l'immunologie, c'est partout. Quand on parle de maladies infectieuses, il y a de l'immunologie. Quand on parle de cancérologie, il y a de l'immunologie. Donc, sur le plan médical, l'immunologie est partout. Et c'est vraiment une discipline qui est en permanente révolution depuis des dizaines d'années, de par les progrès, notamment biotechnologiques. Ensuite, grande dimension. parce que ces progrès biotechnologiques, donc le séquençage de génomes, l'imagerie en général, les caractérisations de populations cellulaires, etc., ce sont des progrès biotechnologiques qui ont engendré une masse de données absolument incroyable. À l'échelle d'un patient, on a aujourd'hui beaucoup plus d'informations, ce qui génère une problématique de grande dimension. Et ensuite, il y a l'aspect méthodologique qui consiste à vraiment... analyser ces données pour répondre à des questions en immunologie, en fait souvent bien au-delà. Et là, je travaille beaucoup aussi avec une approche par modélisation. Pourquoi ? Parce que finalement, dans beaucoup des questions qu'on se pose, il y a une notion de causalité. Et donc on a envie de comprendre ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors, en quoi la modélisation permet-elle d'aider au développement des vaccins ?

  • Speaker #1

    Il y a deux grands aspects, je dirais. Le premier, c'est de mieux comprendre. comment est-ce qu'un individu répond au vaccin et va développer une réponse immunitaire pour justement se défendre par exemple contre des agents infectieux ou contre un cancer. C'est le même type de problématique. Donc là, il y a vraiment la compréhension biologique. Mais en fait, cette compréhension biologique, nous, notre approche, c'est de voir si finalement, pour différents modèles possibles biologiques, on va traduire ça sous forme de modèles mathématiques Et on va, grâce à... ce qu'on appelle les problèmes inverses, donc l'inférence statistique sur ces données, voir quel modèle est potentiellement le plus proche des données. Voir même, quelquefois, penser à un nouveau modèle qui génère des nouvelles hypothèses biologiques qui seront ensuite testées par ailleurs avec des nouvelles expérimentations. Donc ça, c'est vraiment l'aspect compréhension de mécanisme. Et puis après, il y a un autre aspect qui est un aspect prédiction. Et là, on est beaucoup dans « est-ce que je peux prédire un peu ce qui va se passer dans le futur ? » Et notamment, un des enjeux en vaccinologie, c'est est-ce que finalement, sur une réponse que j'observe très tôt, quelquefois même potentiellement dans les heures qui suivent les injections, est-ce que je peux prédire quelle va être la réponse finalement qui sera installée au bout d'un mois, trois mois ? Après, pour finir de répondre finalement à votre question, en quoi ça aide le développement ? Alors, de fait, de plusieurs façons. La première, c'est que si on observe par exemple que certains individus vont répondre plus ou moins bien à partir de certaines caractéristiques au vaccin, ça peut engendrer des nouvelles stratégies pour ces individus-là pour renforcer leur réponse au vaccin. Ça peut nous aider aussi à mieux comprendre et potentiellement modifier le vaccin pour que les personnes puissent répondre mieux. Et puis, bien sûr, la compréhension de... comment la réponse immunitaire s'installe. En fait, ça, c'est une recherche presque d'amont en biologie, finalement, parce que de mieux comprendre comment va marcher un vaccin X, je ne sais pas, contre un agent infectieux type Ebola, par exemple, ça peut quand même nous aider à continuer le développement pour d'autres agents infectieux comme... Un virus de VIH, par exemple, pour lequel c'est beaucoup plus compliqué de développer un vaccin. Donc, il y a vraiment plusieurs endroits où ça peut aider. Et après, il y a notre challenge qui est que potentiellement, justement, en utilisant au mieux toutes ces données qui sont générées dans les essais qu'on va mettre en œuvre au départ, eh bien, on va pouvoir potentiellement aller plus vite parce qu'on pourrait sauter un certain nombre d'étapes, parce qu'on a finalement réussi à recueillir l'ensemble ou une grande partie des réponses à nos questions dès des phases assez précoces de développement vaccinal.

  • Speaker #0

    Et en pratique, quelles sont les méthodes scientifiques que vous développez ?

  • Speaker #1

    Dans l'équipe, finalement, sur le plan méthodologique, on a deux grands axes. On a un axe qui est l'apprentissage statistique en grande dimension, où là, l'idée, c'est de retirer le signal et donc l'information issue de ces masses de données. Et là, en fait... Les méthodes qu'on développe, ça dépend du type de données. Il y a la reconnaissance automatique de population cellulaire. Là, typiquement, c'est des algorithmes de classification non supervisés. Alors, on a développé plusieurs choses. On avait, par exemple, utilisé une approche bayésienne. Ou, par exemple, l'esprit de l'approche bayésienne, c'est qu'on peut potentiellement avoir une connaissance a priori. Et donc là, l'idée, c'était de dire que ça peut être très utile sur une approche séquentielle où un individu va avoir une mesure de la quantité de cellules dans son sang. On va faire un premier apprentissage chez cet individu et ensuite, il va avoir une deuxième mesure ou bien même un autre individu va avoir une autre mesure. Et on va quand même garder l'information qu'on avait de ce premier individu ou de sa première mesure parce qu'en fait, on ne change pas complètement la structure de sa formulation sanguine. Et donc, ça avait beaucoup de sens sur le plan biologique. Ça marche pas mal. On espérait que ça marche mieux. Mais après, c'est ça la recherche. C'est-à-dire qu'en fait, pendant qu'on travaillait sur cet algorithme, on a eu une autre idée. avec un algorithme beaucoup plus simple, où on a apporté un certain nombre de critères statistiques pour choisir, mais en gros, le nouvel algorithme qu'on a proposé imite ce que fait l'immunologiste. Et finalement, sur un espace à très grande dimension, l'immunologiste, qu'est-ce qu'il fait ? Il commence à travailler sur des sous-espaces, et donc on a reproduit ça, finalement, avec des algorithmes statistiques. Voilà un exemple. Ensuite, le deuxième axe, lui, c'est vraiment celui qu'on a appelé modélisation mécaniste. Là, le cadre est assez clair, c'est... des systèmes d'équations différentielles pour qui on va essayer d'estimer les paramètres à partir des données qu'on va avoir sélectionnées grâce au travail fait dans l'autre axe de l'équipe. Parce qu'on ne peut pas attaquer le problème avec toutes les données. À terme peut-être, mais pas pour l'instant. Et là, on va faire de l'inférence statistique en population, parce que souvent on va estimer ces paramètres sur l'ensemble de la population d'individus d'un essai clinique, parce que la variabilité inter-individuelle va nous intéresser aussi. Voilà un peu les grandes lignes de cette recherche.

  • Speaker #0

    Vous êtes coordinateur du projet européen Ebovac 2, dont le but est de développer un vaccin contre Ebola. Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?

  • Speaker #1

    Dans ce projet assez important, qui a démarré en plein pendant l'épidémie très grave qui a eu lieu en 2014 en Afrique de l'Ouest, a été décrétée d'urgence mondiale de santé publique par l'OMS, et de là, un certain nombre de groupes de travail ont été mis en place pour accélérer un certain nombre d'actions pour essayer de juguler l'épidémie, dont le développement de vaccins. Et donc, en fait, ce projet consistait à plusieurs aspects. Premièrement, organiser deux gros essais multisites, un en Europe, un en Afrique, pour évaluer, en fait, L'efficacité du vaccin et la tolérance du vaccin, donc en termes immunologiques, et sa tolérance ça veut dire qu'il n'y a pas d'effets secondaires indésirables, graves, qui surviennent liés à ce vaccin. Et bien sûr, sur ces projets-là, et ce qui expliquait aussi notre présence, c'était de pouvoir construire une modélisation de cette réponse, pour par exemple répondre à une question très importante qui est la durabilité de la réponse. Et donc, aujourd'hui, on a mis en œuvre ces essais, on a récupéré l'ensemble des informations. qui servent d'ailleurs actuellement au laboratoire pour déposer une licence pour que le vaccin soit disponible sur le marché. Et en même temps, on a pu observer la bonne réponse à ce vaccin et nous, on a pu, avec ces données-là, développer un modèle de réponse au vaccin Ebola et commencer des travaux de prédiction de combien de temps pourrait durer cette réponse. Alors, la meilleure réponse à cette question, c'est de mesurer ces données. simplement Quand on est au tout début du développement, on n'a pas des personnes qui sont vaccinées depuis des années. Et donc, par exemple, les premiers résultats... qu'on a publié dans le Journal of Virology l'année dernière, montrait que cette réponse au vaccin Ebola allait au moins jusqu'à 5 ans. Et ça c'est vraiment important parce qu'une bonne réponse qui est établie pendant au moins 5 ans, ça veut dire qu'un personnel de santé par exemple qui est vacciné à un temps T, s'il y a une seconde épidémie qui arrive 2 ou 3 ans plus tard, comme ça se passe exactement en ce moment, il est potentiellement encore protégé si tant est que ce taux d'anticorps reflète bien l'effet protecteur du vaccin. Voilà typiquement ce qu'on a pu apporter au-delà de la coordination de ce consortium qui dépassait quand même le périmètre du travail de système et de modélisation que l'on peut faire dans ce système.

  • Speaker #0

    Enfin, quels sont selon vous les prochains défis scientifiques à venir dans votre domaine ?

  • Speaker #1

    Une question comme ça, je... pense à vos domaines, parce que encore une fois, on se situe toujours un peu à l'interface entre à la fois du développement méthodologique et en même temps des applications. Pour moi, sur le plan du développement scientifique, actuellement, on travaille beaucoup sur des questions assez intéressantes où finalement on conjugue l'apprentissage machine, donc des techniques un peu automatiques, des choses qui sont très automatisées, comme par exemple les réseaux de neurones. Et puis en même temps, une modélisation mécanistique sur laquelle se base notre recherche. Parce qu'on réfléchit aux mécanismes, on essaye d'inférer les mécanismes, et donc on est vraiment beaucoup sur des modèles mécanistiques causaux. Et malgré tout, on a besoin de cet apprentissage machine pour retirer l'information des données qu'on a. Et donc ce challenge qui va consister à travailler sur à la fois des techniques d'apprentissage machine de type apprentissage profond par exemple et puis en même temps des systèmes d'équation différentielle pour faire de la modélisation mécanistique c'est un vrai challenge, on est loin d'être les seuls il y a des équipes beaucoup plus spécialisées typiquement sur cette question là mais justement l'idée c'est de travailler ensemble pour relever ce défi ensuite l'autre défi c'est finalement que tout ce que je vous raconte comme une belle histoire passe à la réalité et de fait impacte la recherche clinique Merci. en général. Sur Ebola, on a fait très vite, on a apporté des choses, mais je ne peux pas dire quand même que c'est ce qu'on a fait qui a accéléré le développement. C'est aussi parce qu'on a eu beaucoup de moyens d'un coup et qu'on a pu faire des essais cliniques très rapidement. Mais vraiment, passer à l'échelle cette accélération de développement clinique avec nos approches, plus les recherches d'autres, bien sûr, c'est un vrai enjeu, mais mondial. et couvrant des domaines très différents, puisque ce n'est pas uniquement les vaccins, c'est aussi les médicaments. Et là, je crois que c'est très important pour accélérer justement la disponibilité finalement d'intervention pour améliorer la santé des populations. Et typiquement, la cancérologie, c'est aussi un domaine très important dans lequel des équipes INRIA travaillent également et qui finalement ont ce type d'approche avec aussi... On ne l'a pas évoqué là, mais la personnalisation, par exemple, des interventions, va aussi avec cet esprit d'optimiser le développement. Et le troisième enjeu, c'est la notion que la recherche que l'on fait dans l'équipe système, à la fois elle est très spécifique, quand on travaille sur une maladie donnée, une intervention donnée, ça demande de multiples interactions pour bien comprendre le type de données qui a été généré, de bien comprendre les modèles biologiques sous-jacents, donc ça prend du temps. Et on a besoin d'être très spécifique. Mais d'un autre côté, l'enjeu, c'est que cette approche, cette méthodologie, elle puisse être suffisamment générique pour pouvoir être utilisée dans d'autres contextes. Et donc nous, on a su passer du VIH à Ebola. Peut-être que demain, on sera sur le vaccin contre le coronavirus. Et ça, il faut que dans nos approches, on arrive à avoir une espèce de formulation un peu générique. de nos approches, suffisamment génériques en tout cas, pour que ce passage d'une pathologie à l'autre, déjà rien que si on reste dans les maladies infectieuses, puisse se faire assez facilement.

  • Speaker #0

    Rodolphe Thiebaud, merci d'avoir accepté cet entretien.

  • Speaker #1

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstice.

Description

Le monde entier connait actuellement une crise sanitaire sans précédent, mais depuis longtemps déjà, les scientifiques de toute part se mobilisent pour mettre à profit leurs connaissances au service des problématiques de santé publique. Rodolphe Thiébaut, dont les travaux sont à la croisée des sciences du numérique et de l'immunologie, nous présente les enjeux de ses recherches pour le développement vaccinal dans cet épisode du podcast Interstices.


Épisode initialement publié sur le site Interstices le 08 juillet 2020.


Interstices · Une référence en ligne pour comprendre la recherche en informatique et mathématiques appliquées.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 88e épisode du podcast Interstice. A l'heure où nous réalisons cet entretien, l'actualité se concentre sur l'épidémie causée par le coronavirus. Mais aujourd'hui, nous allons nous intéresser à une autre épidémie, la maladie à virus Ebola, qui touche fortement la République démocratique du Congo. Figurez-vous que la modélisation peut aider au développement de vaccins. Pour en discuter, nous recevons le professeur Rodolphe Thiebaud, responsable de l'équipe de recherche commune à l'Inserm et Inria, qui s'appelle Système pour statistiques en biologie des systèmes et en médecine translationnelle. Rodolphe Thiebaud, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    On ne va pas refaire votre CV car vous avez un parcours scientifique très riche, mais je précise pour les auditeurs que vous avez une formation de médecin spécialisé en santé publique. Les travaux de votre équipe portent notamment sur la modélisation et l'analyse de données de grande dimension, principalement appliquées à l'immunologie. Quels sont les enjeux ou objectifs autour de vos travaux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, il y a plusieurs mots-clés dans tout ça. D'abord, il y a l'immunologie. Pourquoi ? pourquoi l'immunologie plutôt qu'un autre domaine applicatif ? Parce que, comme le disait un immunologiste avec qui j'ai beaucoup travaillé, l'immunologie, c'est partout. Quand on parle de maladies infectieuses, il y a de l'immunologie. Quand on parle de cancérologie, il y a de l'immunologie. Donc, sur le plan médical, l'immunologie est partout. Et c'est vraiment une discipline qui est en permanente révolution depuis des dizaines d'années, de par les progrès, notamment biotechnologiques. Ensuite, grande dimension. parce que ces progrès biotechnologiques, donc le séquençage de génomes, l'imagerie en général, les caractérisations de populations cellulaires, etc., ce sont des progrès biotechnologiques qui ont engendré une masse de données absolument incroyable. À l'échelle d'un patient, on a aujourd'hui beaucoup plus d'informations, ce qui génère une problématique de grande dimension. Et ensuite, il y a l'aspect méthodologique qui consiste à vraiment... analyser ces données pour répondre à des questions en immunologie, en fait souvent bien au-delà. Et là, je travaille beaucoup aussi avec une approche par modélisation. Pourquoi ? Parce que finalement, dans beaucoup des questions qu'on se pose, il y a une notion de causalité. Et donc on a envie de comprendre ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors, en quoi la modélisation permet-elle d'aider au développement des vaccins ?

  • Speaker #1

    Il y a deux grands aspects, je dirais. Le premier, c'est de mieux comprendre. comment est-ce qu'un individu répond au vaccin et va développer une réponse immunitaire pour justement se défendre par exemple contre des agents infectieux ou contre un cancer. C'est le même type de problématique. Donc là, il y a vraiment la compréhension biologique. Mais en fait, cette compréhension biologique, nous, notre approche, c'est de voir si finalement, pour différents modèles possibles biologiques, on va traduire ça sous forme de modèles mathématiques Et on va, grâce à... ce qu'on appelle les problèmes inverses, donc l'inférence statistique sur ces données, voir quel modèle est potentiellement le plus proche des données. Voir même, quelquefois, penser à un nouveau modèle qui génère des nouvelles hypothèses biologiques qui seront ensuite testées par ailleurs avec des nouvelles expérimentations. Donc ça, c'est vraiment l'aspect compréhension de mécanisme. Et puis après, il y a un autre aspect qui est un aspect prédiction. Et là, on est beaucoup dans « est-ce que je peux prédire un peu ce qui va se passer dans le futur ? » Et notamment, un des enjeux en vaccinologie, c'est est-ce que finalement, sur une réponse que j'observe très tôt, quelquefois même potentiellement dans les heures qui suivent les injections, est-ce que je peux prédire quelle va être la réponse finalement qui sera installée au bout d'un mois, trois mois ? Après, pour finir de répondre finalement à votre question, en quoi ça aide le développement ? Alors, de fait, de plusieurs façons. La première, c'est que si on observe par exemple que certains individus vont répondre plus ou moins bien à partir de certaines caractéristiques au vaccin, ça peut engendrer des nouvelles stratégies pour ces individus-là pour renforcer leur réponse au vaccin. Ça peut nous aider aussi à mieux comprendre et potentiellement modifier le vaccin pour que les personnes puissent répondre mieux. Et puis, bien sûr, la compréhension de... comment la réponse immunitaire s'installe. En fait, ça, c'est une recherche presque d'amont en biologie, finalement, parce que de mieux comprendre comment va marcher un vaccin X, je ne sais pas, contre un agent infectieux type Ebola, par exemple, ça peut quand même nous aider à continuer le développement pour d'autres agents infectieux comme... Un virus de VIH, par exemple, pour lequel c'est beaucoup plus compliqué de développer un vaccin. Donc, il y a vraiment plusieurs endroits où ça peut aider. Et après, il y a notre challenge qui est que potentiellement, justement, en utilisant au mieux toutes ces données qui sont générées dans les essais qu'on va mettre en œuvre au départ, eh bien, on va pouvoir potentiellement aller plus vite parce qu'on pourrait sauter un certain nombre d'étapes, parce qu'on a finalement réussi à recueillir l'ensemble ou une grande partie des réponses à nos questions dès des phases assez précoces de développement vaccinal.

  • Speaker #0

    Et en pratique, quelles sont les méthodes scientifiques que vous développez ?

  • Speaker #1

    Dans l'équipe, finalement, sur le plan méthodologique, on a deux grands axes. On a un axe qui est l'apprentissage statistique en grande dimension, où là, l'idée, c'est de retirer le signal et donc l'information issue de ces masses de données. Et là, en fait... Les méthodes qu'on développe, ça dépend du type de données. Il y a la reconnaissance automatique de population cellulaire. Là, typiquement, c'est des algorithmes de classification non supervisés. Alors, on a développé plusieurs choses. On avait, par exemple, utilisé une approche bayésienne. Ou, par exemple, l'esprit de l'approche bayésienne, c'est qu'on peut potentiellement avoir une connaissance a priori. Et donc là, l'idée, c'était de dire que ça peut être très utile sur une approche séquentielle où un individu va avoir une mesure de la quantité de cellules dans son sang. On va faire un premier apprentissage chez cet individu et ensuite, il va avoir une deuxième mesure ou bien même un autre individu va avoir une autre mesure. Et on va quand même garder l'information qu'on avait de ce premier individu ou de sa première mesure parce qu'en fait, on ne change pas complètement la structure de sa formulation sanguine. Et donc, ça avait beaucoup de sens sur le plan biologique. Ça marche pas mal. On espérait que ça marche mieux. Mais après, c'est ça la recherche. C'est-à-dire qu'en fait, pendant qu'on travaillait sur cet algorithme, on a eu une autre idée. avec un algorithme beaucoup plus simple, où on a apporté un certain nombre de critères statistiques pour choisir, mais en gros, le nouvel algorithme qu'on a proposé imite ce que fait l'immunologiste. Et finalement, sur un espace à très grande dimension, l'immunologiste, qu'est-ce qu'il fait ? Il commence à travailler sur des sous-espaces, et donc on a reproduit ça, finalement, avec des algorithmes statistiques. Voilà un exemple. Ensuite, le deuxième axe, lui, c'est vraiment celui qu'on a appelé modélisation mécaniste. Là, le cadre est assez clair, c'est... des systèmes d'équations différentielles pour qui on va essayer d'estimer les paramètres à partir des données qu'on va avoir sélectionnées grâce au travail fait dans l'autre axe de l'équipe. Parce qu'on ne peut pas attaquer le problème avec toutes les données. À terme peut-être, mais pas pour l'instant. Et là, on va faire de l'inférence statistique en population, parce que souvent on va estimer ces paramètres sur l'ensemble de la population d'individus d'un essai clinique, parce que la variabilité inter-individuelle va nous intéresser aussi. Voilà un peu les grandes lignes de cette recherche.

  • Speaker #0

    Vous êtes coordinateur du projet européen Ebovac 2, dont le but est de développer un vaccin contre Ebola. Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?

  • Speaker #1

    Dans ce projet assez important, qui a démarré en plein pendant l'épidémie très grave qui a eu lieu en 2014 en Afrique de l'Ouest, a été décrétée d'urgence mondiale de santé publique par l'OMS, et de là, un certain nombre de groupes de travail ont été mis en place pour accélérer un certain nombre d'actions pour essayer de juguler l'épidémie, dont le développement de vaccins. Et donc, en fait, ce projet consistait à plusieurs aspects. Premièrement, organiser deux gros essais multisites, un en Europe, un en Afrique, pour évaluer, en fait, L'efficacité du vaccin et la tolérance du vaccin, donc en termes immunologiques, et sa tolérance ça veut dire qu'il n'y a pas d'effets secondaires indésirables, graves, qui surviennent liés à ce vaccin. Et bien sûr, sur ces projets-là, et ce qui expliquait aussi notre présence, c'était de pouvoir construire une modélisation de cette réponse, pour par exemple répondre à une question très importante qui est la durabilité de la réponse. Et donc, aujourd'hui, on a mis en œuvre ces essais, on a récupéré l'ensemble des informations. qui servent d'ailleurs actuellement au laboratoire pour déposer une licence pour que le vaccin soit disponible sur le marché. Et en même temps, on a pu observer la bonne réponse à ce vaccin et nous, on a pu, avec ces données-là, développer un modèle de réponse au vaccin Ebola et commencer des travaux de prédiction de combien de temps pourrait durer cette réponse. Alors, la meilleure réponse à cette question, c'est de mesurer ces données. simplement Quand on est au tout début du développement, on n'a pas des personnes qui sont vaccinées depuis des années. Et donc, par exemple, les premiers résultats... qu'on a publié dans le Journal of Virology l'année dernière, montrait que cette réponse au vaccin Ebola allait au moins jusqu'à 5 ans. Et ça c'est vraiment important parce qu'une bonne réponse qui est établie pendant au moins 5 ans, ça veut dire qu'un personnel de santé par exemple qui est vacciné à un temps T, s'il y a une seconde épidémie qui arrive 2 ou 3 ans plus tard, comme ça se passe exactement en ce moment, il est potentiellement encore protégé si tant est que ce taux d'anticorps reflète bien l'effet protecteur du vaccin. Voilà typiquement ce qu'on a pu apporter au-delà de la coordination de ce consortium qui dépassait quand même le périmètre du travail de système et de modélisation que l'on peut faire dans ce système.

  • Speaker #0

    Enfin, quels sont selon vous les prochains défis scientifiques à venir dans votre domaine ?

  • Speaker #1

    Une question comme ça, je... pense à vos domaines, parce que encore une fois, on se situe toujours un peu à l'interface entre à la fois du développement méthodologique et en même temps des applications. Pour moi, sur le plan du développement scientifique, actuellement, on travaille beaucoup sur des questions assez intéressantes où finalement on conjugue l'apprentissage machine, donc des techniques un peu automatiques, des choses qui sont très automatisées, comme par exemple les réseaux de neurones. Et puis en même temps, une modélisation mécanistique sur laquelle se base notre recherche. Parce qu'on réfléchit aux mécanismes, on essaye d'inférer les mécanismes, et donc on est vraiment beaucoup sur des modèles mécanistiques causaux. Et malgré tout, on a besoin de cet apprentissage machine pour retirer l'information des données qu'on a. Et donc ce challenge qui va consister à travailler sur à la fois des techniques d'apprentissage machine de type apprentissage profond par exemple et puis en même temps des systèmes d'équation différentielle pour faire de la modélisation mécanistique c'est un vrai challenge, on est loin d'être les seuls il y a des équipes beaucoup plus spécialisées typiquement sur cette question là mais justement l'idée c'est de travailler ensemble pour relever ce défi ensuite l'autre défi c'est finalement que tout ce que je vous raconte comme une belle histoire passe à la réalité et de fait impacte la recherche clinique Merci. en général. Sur Ebola, on a fait très vite, on a apporté des choses, mais je ne peux pas dire quand même que c'est ce qu'on a fait qui a accéléré le développement. C'est aussi parce qu'on a eu beaucoup de moyens d'un coup et qu'on a pu faire des essais cliniques très rapidement. Mais vraiment, passer à l'échelle cette accélération de développement clinique avec nos approches, plus les recherches d'autres, bien sûr, c'est un vrai enjeu, mais mondial. et couvrant des domaines très différents, puisque ce n'est pas uniquement les vaccins, c'est aussi les médicaments. Et là, je crois que c'est très important pour accélérer justement la disponibilité finalement d'intervention pour améliorer la santé des populations. Et typiquement, la cancérologie, c'est aussi un domaine très important dans lequel des équipes INRIA travaillent également et qui finalement ont ce type d'approche avec aussi... On ne l'a pas évoqué là, mais la personnalisation, par exemple, des interventions, va aussi avec cet esprit d'optimiser le développement. Et le troisième enjeu, c'est la notion que la recherche que l'on fait dans l'équipe système, à la fois elle est très spécifique, quand on travaille sur une maladie donnée, une intervention donnée, ça demande de multiples interactions pour bien comprendre le type de données qui a été généré, de bien comprendre les modèles biologiques sous-jacents, donc ça prend du temps. Et on a besoin d'être très spécifique. Mais d'un autre côté, l'enjeu, c'est que cette approche, cette méthodologie, elle puisse être suffisamment générique pour pouvoir être utilisée dans d'autres contextes. Et donc nous, on a su passer du VIH à Ebola. Peut-être que demain, on sera sur le vaccin contre le coronavirus. Et ça, il faut que dans nos approches, on arrive à avoir une espèce de formulation un peu générique. de nos approches, suffisamment génériques en tout cas, pour que ce passage d'une pathologie à l'autre, déjà rien que si on reste dans les maladies infectieuses, puisse se faire assez facilement.

  • Speaker #0

    Rodolphe Thiebaud, merci d'avoir accepté cet entretien.

  • Speaker #1

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstice.

Share

Embed

You may also like