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Les Podcasts d'Interstices

Utiliser tout le potentiel de nos écrans connectés - Sylvain Malacria

Utiliser tout le potentiel de nos écrans connectés - Sylvain Malacria

14min |17/07/2024|

48

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14min |17/07/2024|

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Description

Sylvain Malacria, spécialiste en interaction humain machine (IHM), répond aux questions de Lorenzo Jacques dans ce cent-unième épisode du podcast Interstices. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Technologie. Science.

  • Speaker #1

    Algorithme. Simulation.

  • Speaker #0

    Informatique. Informatique. Technologie. Technologie.

  • Speaker #1

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 101ème épisode du podcast Interstice. Alors que les smartphones sont devenus la norme pour la plupart d'entre nous, notre maîtrise de l'outil semble en rester limitée. Selon les marques, selon les modèles, selon les applications, une même fonctionnalité ne nécessitera pas toujours le même geste. Ainsi, à chaque changement de téléphone, voire même A chaque mise à jour, la plupart d'entre nous est perdu. Pour tenter de mettre de l'ordre et de la norme dans ce chaos, mais surtout pour parler de ces recherches, je reçois aujourd'hui Sylvain Malacria. Sylvain, bonjour. Bonjour. Sylvain Malacria, vous êtes chercheur au sein de l'équipe Loki du centre INRIA de l'Université de Lille, et vous êtes le responsable d'un projet financé par l'Agence nationale de la recherche baptisée Discovery. Ce projet vise à promouvoir et améliorer la découverte des fonctionnalités et des interactions dans les systèmes interactifs. C'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Alors vous qui êtes chercheur en interaction homme-machine, est-ce que vous aussi cela vous arrive d'être perdu dans les fonctionnalités de votre propre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors, bien évidemment, c'est même souvent comme ça que viennent mes motivations pour mes projets de recherche, c'est que je suis avant tout moi-même confronté à un problème, et quand ce problème me paraît anormal, dans le sens où je pense qu'il peut être résolu, alors c'est comme ça que j'identifie un projet qui m'intéresse et que j'ai envie d'étudier.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste justement l'étude de cette interaction homme-machine ?

  • Speaker #0

    Avant tout, juste pour la terminologie, en français on utilise interaction humain-machine pour des raisons d'inclusivité évidentes et on évite d'utiliser la traduction directe qui était utilisée il y a encore quelques années, mais vraiment on a cet effort maintenant de ne plus utiliser interaction homme-machine mais humain-machine. Moi en tout cas c'est le terme que je préfère utiliser et l'association francophone pour la promotion de l'interaction humain-machine a changé son nom. il y a quelques années dans ce sens.

  • Speaker #1

    Très bien, alors pour revenir sur l'interaction humain-machine, en quoi est-ce que ça consiste la recherche dans ce domaine ?

  • Speaker #0

    L'interaction humain-machine, c'est un domaine de recherche qui va considérer que l'utilisateur, le facteur humain, est un paramètre intégrant à prendre en compte lors de la conception de systèmes interactifs. On va, dès que possible, le plus tôt possible dans le processus, intégrer l'utilisateur éventuel pour tout le processus de conception et d'évaluation.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que vous êtes venu à parler de l'interaction humain-machine ?

  • Speaker #0

    C'est quelque chose qui, en tant qu'utilisateur de systèmes interactifs, m'a toujours fasciné. Pour une anecdote personnelle, j'ai très longtemps été intéressé par tout ce qui est jeux vidéo musicaux. Dès le début des années 2000, bien avant la tendance d'un jeu qui s'appelle Guitar Hero, qui lui a popularisé ça avec tout le monde, c'était un temps où j'essayais d'importer le plus possible de matériel qui provenait du Japon pour... avoir un jeu musical qui reposait sur soit des capteurs infrarouges, soit des tapis de danse qui sont au sol, etc. Donc en fait, c'était vraiment déjà un intérêt réel sur comment on peut interagir de manière différente avec des systèmes interactifs, mais là qui étaient motivés à la fois par la curiosité et puis par un aspect ludique. Et progressivement, quand j'ai découvert un peu par accident pendant mon master qu'il y avait une thématique de recherche autour de cela, ça m'a tout de suite intéressé. Et donc, je me suis penché sur la question de comment je pourrais étudier un peu plus en plus. confondre ces questions.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de l'ANR Discovery, vous menez des recherches sur ces systèmes d'interaction, plus spécifiquement sur de l'interaction par interface tactile, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    C'est bien cela. Alors, je pense que les interfaces tactiles offrent un vocabulaire interactionnel qui, en apparence, paraît limité, c'est-à-dire on peut rentrer en contact avec le dispositif ou pas, mais en pratique est beaucoup plus riche. Un simple point de contact peut être d'une certaine durée, exercé avec une certaine force, on peut effectuer des déplacements. Du coup, les systèmes interactifs offrent beaucoup de possibilités d'interaction, mais très peu. Les utilisateurs, au final, connaissent très peu des interactions qui leur sont offertes. Et à ce titre, ça me paraissait intéressant d'étudier comment ces systèmes pourraient mieux aider les utilisateurs à découvrir comment ils peuvent interagir avec. Mais j'étudie également ce problème sur interface plus traditionnelle, ordinateur de bureau, qui reste également le dispositif qu'on utilise le plus lorsqu'on doit effectuer des tâches de productivité.

  • Speaker #1

    Vous le disiez, dans le cadre de l'ANR Discovery, vous avez travaillé sur la découvrabilité, sur la possibilité d'informer l'utilisateur de toutes les interactions qu'il peut faire avec son dispositif. Concrètement, comment est-ce qu'on construit une recherche autour de la découvrabilité des interactions ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, on va schématiser cela, ou en tout cas moi, en tant que chercheur, j'aime schématiser cela comme un design itératif, dans lequel on va observer un problème rencontré, puis on va réfléchir à ce problème, donc en y intégrant des connaissances. qui proviennent de la littérature scientifique, mais également en effectuant de nouvelles évaluations, de nouvelles observations. Suite au résultat de cette intégration de connaissances, on va concevoir de nouveaux systèmes interactifs ou des nouvelles solutions qu'on va généralement prototyper pour, à notre tour, les évaluer. Et les connaissances qui proviennent ensuite de ces évaluations vont servir à concevoir de nouveaux systèmes et on rentre dans un cycle pour essayer d'améliorer les systèmes interactifs. Un des premiers problèmes auxquels on a été confrontés dans ce projet est que les communautés de recherche en design, en interaction humain-machine utilisent différents mots pour un phénomène qui peut s'apparenter à la découvrabilité. Et un des premiers travaux majeurs effectués par Eva Makamoul, une doctorante que je co-supervise, financée par le projet ANR Discovery, a été de clarifier un peu la terminologie autour de ce qu'est la découvrabilité. En anglais, il y a beaucoup de mots qui sont corrélés, qu'on a tendance à utiliser dans la vie de tous les jours et qui, du coup, dans les publications scientifiques, sont utilisés de manière un petit peu interchangeable, notamment des mots comme guessability, noticeability. Learnability et Discoverability, bien entendu. Donc, son premier travail à EVA a été de clarifier vraiment ces différents termes, comment ils s'articulent les uns avec les autres, pour avoir des définitions un petit peu plus explicites et mieux définies qui aident à mieux cerner le problème.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a identifié ces termes, comment est-ce qu'on passe à l'étape de l'expérimentation et comment est-ce que vous avez défini les critères d'expérimentation pour vous permettre de valider ou d'invalider des théories ?

  • Speaker #0

    Alors, les critères en tout cas nécessaires pour les évaluations sont très peu définis. En interaction avec ma machine, à titre personnel, je trouve qu'on souffre un petit peu d'un manque de benchmark, ou en tout cas de méthodologie admise pour évaluer des phénomènes. La découvrabilité souffre particulièrement de cela, notamment parce qu'il y a plusieurs types de découvrabilité. Il y a la découvrabilité d'interaction, par exemple, on peut avoir un téléphone, un smartphone, qui va permettre d'utiliser des appuis plus ou moins forts sur l'écran sans en être au point. Là, on va pouvoir découvrir potentiellement qu'on peut utiliser la force. Ça sera la découvrabilité de l'interaction. de type force sur les contacts. On peut également découvrir simplement qu'un système est interactif. Un panneau d'affichage peut être complètement passif, dans le sens où il va juste nous montrer des informations, et en fait, il peut éventuellement également être utilisé pour avoir des informations où sont localisées certaines boutiques ou des informations sur le centre commercial, mais pour cela, il faut appuyer dessus pour interagir avec. C'est ce qu'on va appeler la découvrabilité du système, savoir que c'est un système interactif. Et également la découvrabilité des fonctionnalités. Lorsqu'on est en train d'utiliser une application sur... un ordinateur de bureau, savoir qu'une certaine fonctionnalité existe et permet de faire quelque chose, sera encore un autre type de découvrabilité. En fait, ces différents types de découvrabilité ne vont pas nécessiter les mêmes protocoles expérimentaux. Et de toute façon, ils ont été très peu étudiés. Donc, il y a vraiment, vraiment peu de méthodologie admise pour cela, en particulier pour la découvrabilité, encore moins que pour d'autres questions de recherche en interaction humain-machine. Donc, ça a été également un travail qu'on essaye d'aborder dans le projet ANR Discovery, mais qu'on n'a pas encore eu le temps de vraiment formaliser ni... de communiquer à la communauté scientifique, mais on prévoit toujours de le faire.

  • Speaker #1

    Sylvain Malacré, vous êtes chercheur en sciences de l'informatique, en sciences du numérique. Pour autant, dans ce que vous dites, on a l'impression qu'il y a beaucoup d'expérimentation, qu'il y a aussi du design, qu'il y a aussi du dessin. L'interaction humain-machine, au final, sollicite beaucoup plus de sciences que simplement celle du numérique.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. C'est une thématique qui est à l'intersection de plusieurs autres thématiques. Après, pour moi, ce n'est pas du tout contradictoire de faire de la recherche en informatique et d'utiliser des méthodologies qui peuvent provenir d'autres thématiques. Un des fondements de la science, c'est notamment de valider des solutions proposées pour pouvoir en fait tirer des conclusions de ce qu'elles apportent. Et nous, notre validation passe très fréquemment par le fait de mettre en situation des utilisateurs avec des systèmes interactifs et d'observer les apports de ces nouvelles solutions proposées. Et là, pour cela, on s'inspire énormément, par exemple, de tous les travaux en psychologie expérimentale.

  • Speaker #1

    Vous le disiez au début de ce podcast, Sylvain Malacria, c'est quelque chose que nos auditeurs ont probablement déjà remarqué, mais il y a un manque. de découvrabilité de certaines fonctionnalités. Qu'est-ce qui explique, selon vous, la présence de fonctionnalités avancées sans pour autant la volonté de les mettre en avant pour que les utilisateurs s'en saisissent ?

  • Speaker #0

    Une question que je me pose, en fait, c'est que les smartphones ont des écrans limités, un espace d'affichage limité. Et par conséquent, c'est combiné à une tendance actuelle en design qui est très minimaliste. On va chercher à afficher le moins d'informations possibles à l'écran, ce qui va donner une sensation à l'utilisateur, d'interface propre et facile à utiliser. C'est une sensation, mais c'est une réalité. Quand l'interface est propre, ça donne vraiment cette sensation à l'utilisateur que ça va être facile à utiliser. Et par conséquent, il y a cette tendance qui consiste à ne pas montrer ce qui est possible dans le but de laisser l'interface s'entraider. Moi, une question que je me pose, c'est est-ce qu'au final, ce type d'interface ne sera pas minimaliste dans un souci d'acceptabilité immédiate de l'utilisateur ? L'idée étant que l'utilisateur va voir le dispositif et très rapidement avoir la sensation qu'il arrive à l'utiliser. Alors qu'il sera très loin de le maîtriser. Mais une fois que l'utilisateur a la conviction qu'il arrive à l'utiliser, alors pour l'industriel... Nécessairement, c'est plus facile de vendre nos produits.

  • Speaker #1

    Sylvain Mazakria, vous êtes le porteur de ce projet financé par l'Agence Nationale de la Recherche, Discovery. En quoi est-ce que ça consiste d'être porteur d'un projet de recherche ?

  • Speaker #0

    Porteur d'un projet, pour moi, c'est avant tout faire germer l'idée d'un projet de recherche à mener. Et cela va nécessiter, dans le cas de l'INER, à la rédaction d'un programme de recherche détaillant le contexte, le problème, pourquoi, selon nous, il est important d'étudier ce problème et quels sont les moyens qu'on aimerait mettre en œuvre pour cela. Quand on est porteur, généralement, on dirige en grande partie la rédaction de ce programme de recherche. Dans le cadre du financement que j'ai obtenu, qui est une bourse jeune chercheur, jeune chercheuse, JCJC, c'est une bourse généralement individuelle, portée par une seule personne. Donc j'ai porté l'intégralité, j'ai rédigé l'intégralité du document, j'ai bien sûr obtenu des retours de certains de mes collègues au sujet de la rédaction qui m'ont aidé à itérer dessus et à améliorer la proposition, mais j'ai été seul.

  • Speaker #1

    L'ANR Discovery a duré 5 ans, de 2019 à 2024. Il a donné lieu, vous l'avez dit, à deux thèses et à la rédaction de nombreux articles scientifiques. Maintenant qu'on arrive à la fin de ce projet, quelles sont les conclusions que vous pouvez apporter sur cet ANR ?

  • Speaker #0

    Les conclusions d'un point de vue scientifique, c'est qu'il est important de bien clarifier les terminologies du phénomène, car c'est manifestement, la découvrabilité, un phénomène qui est incompris des chercheurs, et donc les éléments n'étaient pas présents pour pouvoir attaquer ce problème de manière... suffisamment efficaces. Un deuxième constat est qu'en augmentant la visibilité des interactions possibles sur les dispositifs tactiles, on peut faciliter la découvrabilité de ces interactions aux utilisateurs. On a des résultats qui ont été publiés sur ce sujet et qui montrent qu'en retravaillant légèrement les interfaces graphiques, les utilisateurs découvrent plus efficacement les interactions qui leur sont offertes. Mais on a également observé que certaines autres modifications d'interface qui vont rendre plus visibles des possibilités d'interaction, donc que les utilisateurs vont remarquer, ne va pas forcément se traduire en une découvrabilité de l'interaction. Les utilisateurs peuvent voir ces interactions et en fait ne pas intégrer cela comme une possibilité interactive, simplement parce qu'elles sont montrées à des moments qui ne sont pas censées être interactives ou montrer des possibilités d'interaction à l'utilisateur. C'est notamment ce qu'on a observé dans un deuxième projet. où on avait augmenté les transitions animées. Donc en fait, les transitions animées, ce sont les animations qu'il y a lorsque l'utilisateur va par exemple appuyer sur un bouton pour ouvrir une application. Et pourtant, les utilisateurs, bien qu'ils le voient, ne réalisaient pas que ces composants pouvaient être interactifs. Donc il n'y a pas une traduction systématique ou une interprétation systématique de l'utilisateur que quelque chose qui lui est montré peut être interactif et utilisable. Donc il reste encore des pistes à explorer là-dessus. Et la dernière conclusion, peut-être la plus importante, c'est que c'est extrêmement difficile à évaluer. Lorsqu'on teste la découvrabilité d'une interaction, l'utilisateur peut la découvrir une seule fois. Une fois qu'il l'a découverte, il sait que ça existe. Et donc, on ne peut pas faire de mesures répétées avec les utilisateurs. De la même manière, on ne peut pas leur dire qu'on étudie la découvrabilité, sinon ça va biaiser leur comportement. Et donc, une fois qu'on a testé une condition avec un utilisateur, on ne peut pas utiliser cet utilisateur pour une autre condition. Du coup, ça rend les évaluations très difficiles.

  • Speaker #1

    Et alors, maintenant que ces conclusions sont posées, quelle est la prochaine étape ?

  • Speaker #0

    On aimerait réellement travailler un véritable article de synthèse très précis qui pourrait expliquer aux gens comment évaluer la découvrabilité d'interactions en fonction du type d'interaction, en fonction du contexte et également les différentes possibilités d'analyse statistique qui sont pesables en fonction des données qui ont été collectées. Et ensuite, probablement candidater à d'autres appels d'offres pour avoir des financements supplémentaires et recruter d'autres doctorants pour pouvoir continuer à explorer cette question de recherche qui est, à mes yeux, particulièrement intéressante. Et je souhaite également... entamer des discussions avec des acteurs industriels pour pouvoir mener des évaluations à un peu plus grande échelle.

  • Speaker #1

    Bonne chance dans vos futures recherches, et merci beaucoup pour vos réponses.

  • Speaker #0

    De rien, ce fut un plaisir.

  • Speaker #1

    Et à bientôt sur Interstis.

  • Speaker #0

    A bientôt, au revoir. Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine, et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstis.

Description

Sylvain Malacria, spécialiste en interaction humain machine (IHM), répond aux questions de Lorenzo Jacques dans ce cent-unième épisode du podcast Interstices. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Technologie. Science.

  • Speaker #1

    Algorithme. Simulation.

  • Speaker #0

    Informatique. Informatique. Technologie. Technologie.

  • Speaker #1

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 101ème épisode du podcast Interstice. Alors que les smartphones sont devenus la norme pour la plupart d'entre nous, notre maîtrise de l'outil semble en rester limitée. Selon les marques, selon les modèles, selon les applications, une même fonctionnalité ne nécessitera pas toujours le même geste. Ainsi, à chaque changement de téléphone, voire même A chaque mise à jour, la plupart d'entre nous est perdu. Pour tenter de mettre de l'ordre et de la norme dans ce chaos, mais surtout pour parler de ces recherches, je reçois aujourd'hui Sylvain Malacria. Sylvain, bonjour. Bonjour. Sylvain Malacria, vous êtes chercheur au sein de l'équipe Loki du centre INRIA de l'Université de Lille, et vous êtes le responsable d'un projet financé par l'Agence nationale de la recherche baptisée Discovery. Ce projet vise à promouvoir et améliorer la découverte des fonctionnalités et des interactions dans les systèmes interactifs. C'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Alors vous qui êtes chercheur en interaction homme-machine, est-ce que vous aussi cela vous arrive d'être perdu dans les fonctionnalités de votre propre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors, bien évidemment, c'est même souvent comme ça que viennent mes motivations pour mes projets de recherche, c'est que je suis avant tout moi-même confronté à un problème, et quand ce problème me paraît anormal, dans le sens où je pense qu'il peut être résolu, alors c'est comme ça que j'identifie un projet qui m'intéresse et que j'ai envie d'étudier.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste justement l'étude de cette interaction homme-machine ?

  • Speaker #0

    Avant tout, juste pour la terminologie, en français on utilise interaction humain-machine pour des raisons d'inclusivité évidentes et on évite d'utiliser la traduction directe qui était utilisée il y a encore quelques années, mais vraiment on a cet effort maintenant de ne plus utiliser interaction homme-machine mais humain-machine. Moi en tout cas c'est le terme que je préfère utiliser et l'association francophone pour la promotion de l'interaction humain-machine a changé son nom. il y a quelques années dans ce sens.

  • Speaker #1

    Très bien, alors pour revenir sur l'interaction humain-machine, en quoi est-ce que ça consiste la recherche dans ce domaine ?

  • Speaker #0

    L'interaction humain-machine, c'est un domaine de recherche qui va considérer que l'utilisateur, le facteur humain, est un paramètre intégrant à prendre en compte lors de la conception de systèmes interactifs. On va, dès que possible, le plus tôt possible dans le processus, intégrer l'utilisateur éventuel pour tout le processus de conception et d'évaluation.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que vous êtes venu à parler de l'interaction humain-machine ?

  • Speaker #0

    C'est quelque chose qui, en tant qu'utilisateur de systèmes interactifs, m'a toujours fasciné. Pour une anecdote personnelle, j'ai très longtemps été intéressé par tout ce qui est jeux vidéo musicaux. Dès le début des années 2000, bien avant la tendance d'un jeu qui s'appelle Guitar Hero, qui lui a popularisé ça avec tout le monde, c'était un temps où j'essayais d'importer le plus possible de matériel qui provenait du Japon pour... avoir un jeu musical qui reposait sur soit des capteurs infrarouges, soit des tapis de danse qui sont au sol, etc. Donc en fait, c'était vraiment déjà un intérêt réel sur comment on peut interagir de manière différente avec des systèmes interactifs, mais là qui étaient motivés à la fois par la curiosité et puis par un aspect ludique. Et progressivement, quand j'ai découvert un peu par accident pendant mon master qu'il y avait une thématique de recherche autour de cela, ça m'a tout de suite intéressé. Et donc, je me suis penché sur la question de comment je pourrais étudier un peu plus en plus. confondre ces questions.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de l'ANR Discovery, vous menez des recherches sur ces systèmes d'interaction, plus spécifiquement sur de l'interaction par interface tactile, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    C'est bien cela. Alors, je pense que les interfaces tactiles offrent un vocabulaire interactionnel qui, en apparence, paraît limité, c'est-à-dire on peut rentrer en contact avec le dispositif ou pas, mais en pratique est beaucoup plus riche. Un simple point de contact peut être d'une certaine durée, exercé avec une certaine force, on peut effectuer des déplacements. Du coup, les systèmes interactifs offrent beaucoup de possibilités d'interaction, mais très peu. Les utilisateurs, au final, connaissent très peu des interactions qui leur sont offertes. Et à ce titre, ça me paraissait intéressant d'étudier comment ces systèmes pourraient mieux aider les utilisateurs à découvrir comment ils peuvent interagir avec. Mais j'étudie également ce problème sur interface plus traditionnelle, ordinateur de bureau, qui reste également le dispositif qu'on utilise le plus lorsqu'on doit effectuer des tâches de productivité.

  • Speaker #1

    Vous le disiez, dans le cadre de l'ANR Discovery, vous avez travaillé sur la découvrabilité, sur la possibilité d'informer l'utilisateur de toutes les interactions qu'il peut faire avec son dispositif. Concrètement, comment est-ce qu'on construit une recherche autour de la découvrabilité des interactions ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, on va schématiser cela, ou en tout cas moi, en tant que chercheur, j'aime schématiser cela comme un design itératif, dans lequel on va observer un problème rencontré, puis on va réfléchir à ce problème, donc en y intégrant des connaissances. qui proviennent de la littérature scientifique, mais également en effectuant de nouvelles évaluations, de nouvelles observations. Suite au résultat de cette intégration de connaissances, on va concevoir de nouveaux systèmes interactifs ou des nouvelles solutions qu'on va généralement prototyper pour, à notre tour, les évaluer. Et les connaissances qui proviennent ensuite de ces évaluations vont servir à concevoir de nouveaux systèmes et on rentre dans un cycle pour essayer d'améliorer les systèmes interactifs. Un des premiers problèmes auxquels on a été confrontés dans ce projet est que les communautés de recherche en design, en interaction humain-machine utilisent différents mots pour un phénomène qui peut s'apparenter à la découvrabilité. Et un des premiers travaux majeurs effectués par Eva Makamoul, une doctorante que je co-supervise, financée par le projet ANR Discovery, a été de clarifier un peu la terminologie autour de ce qu'est la découvrabilité. En anglais, il y a beaucoup de mots qui sont corrélés, qu'on a tendance à utiliser dans la vie de tous les jours et qui, du coup, dans les publications scientifiques, sont utilisés de manière un petit peu interchangeable, notamment des mots comme guessability, noticeability. Learnability et Discoverability, bien entendu. Donc, son premier travail à EVA a été de clarifier vraiment ces différents termes, comment ils s'articulent les uns avec les autres, pour avoir des définitions un petit peu plus explicites et mieux définies qui aident à mieux cerner le problème.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a identifié ces termes, comment est-ce qu'on passe à l'étape de l'expérimentation et comment est-ce que vous avez défini les critères d'expérimentation pour vous permettre de valider ou d'invalider des théories ?

  • Speaker #0

    Alors, les critères en tout cas nécessaires pour les évaluations sont très peu définis. En interaction avec ma machine, à titre personnel, je trouve qu'on souffre un petit peu d'un manque de benchmark, ou en tout cas de méthodologie admise pour évaluer des phénomènes. La découvrabilité souffre particulièrement de cela, notamment parce qu'il y a plusieurs types de découvrabilité. Il y a la découvrabilité d'interaction, par exemple, on peut avoir un téléphone, un smartphone, qui va permettre d'utiliser des appuis plus ou moins forts sur l'écran sans en être au point. Là, on va pouvoir découvrir potentiellement qu'on peut utiliser la force. Ça sera la découvrabilité de l'interaction. de type force sur les contacts. On peut également découvrir simplement qu'un système est interactif. Un panneau d'affichage peut être complètement passif, dans le sens où il va juste nous montrer des informations, et en fait, il peut éventuellement également être utilisé pour avoir des informations où sont localisées certaines boutiques ou des informations sur le centre commercial, mais pour cela, il faut appuyer dessus pour interagir avec. C'est ce qu'on va appeler la découvrabilité du système, savoir que c'est un système interactif. Et également la découvrabilité des fonctionnalités. Lorsqu'on est en train d'utiliser une application sur... un ordinateur de bureau, savoir qu'une certaine fonctionnalité existe et permet de faire quelque chose, sera encore un autre type de découvrabilité. En fait, ces différents types de découvrabilité ne vont pas nécessiter les mêmes protocoles expérimentaux. Et de toute façon, ils ont été très peu étudiés. Donc, il y a vraiment, vraiment peu de méthodologie admise pour cela, en particulier pour la découvrabilité, encore moins que pour d'autres questions de recherche en interaction humain-machine. Donc, ça a été également un travail qu'on essaye d'aborder dans le projet ANR Discovery, mais qu'on n'a pas encore eu le temps de vraiment formaliser ni... de communiquer à la communauté scientifique, mais on prévoit toujours de le faire.

  • Speaker #1

    Sylvain Malacré, vous êtes chercheur en sciences de l'informatique, en sciences du numérique. Pour autant, dans ce que vous dites, on a l'impression qu'il y a beaucoup d'expérimentation, qu'il y a aussi du design, qu'il y a aussi du dessin. L'interaction humain-machine, au final, sollicite beaucoup plus de sciences que simplement celle du numérique.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. C'est une thématique qui est à l'intersection de plusieurs autres thématiques. Après, pour moi, ce n'est pas du tout contradictoire de faire de la recherche en informatique et d'utiliser des méthodologies qui peuvent provenir d'autres thématiques. Un des fondements de la science, c'est notamment de valider des solutions proposées pour pouvoir en fait tirer des conclusions de ce qu'elles apportent. Et nous, notre validation passe très fréquemment par le fait de mettre en situation des utilisateurs avec des systèmes interactifs et d'observer les apports de ces nouvelles solutions proposées. Et là, pour cela, on s'inspire énormément, par exemple, de tous les travaux en psychologie expérimentale.

  • Speaker #1

    Vous le disiez au début de ce podcast, Sylvain Malacria, c'est quelque chose que nos auditeurs ont probablement déjà remarqué, mais il y a un manque. de découvrabilité de certaines fonctionnalités. Qu'est-ce qui explique, selon vous, la présence de fonctionnalités avancées sans pour autant la volonté de les mettre en avant pour que les utilisateurs s'en saisissent ?

  • Speaker #0

    Une question que je me pose, en fait, c'est que les smartphones ont des écrans limités, un espace d'affichage limité. Et par conséquent, c'est combiné à une tendance actuelle en design qui est très minimaliste. On va chercher à afficher le moins d'informations possibles à l'écran, ce qui va donner une sensation à l'utilisateur, d'interface propre et facile à utiliser. C'est une sensation, mais c'est une réalité. Quand l'interface est propre, ça donne vraiment cette sensation à l'utilisateur que ça va être facile à utiliser. Et par conséquent, il y a cette tendance qui consiste à ne pas montrer ce qui est possible dans le but de laisser l'interface s'entraider. Moi, une question que je me pose, c'est est-ce qu'au final, ce type d'interface ne sera pas minimaliste dans un souci d'acceptabilité immédiate de l'utilisateur ? L'idée étant que l'utilisateur va voir le dispositif et très rapidement avoir la sensation qu'il arrive à l'utiliser. Alors qu'il sera très loin de le maîtriser. Mais une fois que l'utilisateur a la conviction qu'il arrive à l'utiliser, alors pour l'industriel... Nécessairement, c'est plus facile de vendre nos produits.

  • Speaker #1

    Sylvain Mazakria, vous êtes le porteur de ce projet financé par l'Agence Nationale de la Recherche, Discovery. En quoi est-ce que ça consiste d'être porteur d'un projet de recherche ?

  • Speaker #0

    Porteur d'un projet, pour moi, c'est avant tout faire germer l'idée d'un projet de recherche à mener. Et cela va nécessiter, dans le cas de l'INER, à la rédaction d'un programme de recherche détaillant le contexte, le problème, pourquoi, selon nous, il est important d'étudier ce problème et quels sont les moyens qu'on aimerait mettre en œuvre pour cela. Quand on est porteur, généralement, on dirige en grande partie la rédaction de ce programme de recherche. Dans le cadre du financement que j'ai obtenu, qui est une bourse jeune chercheur, jeune chercheuse, JCJC, c'est une bourse généralement individuelle, portée par une seule personne. Donc j'ai porté l'intégralité, j'ai rédigé l'intégralité du document, j'ai bien sûr obtenu des retours de certains de mes collègues au sujet de la rédaction qui m'ont aidé à itérer dessus et à améliorer la proposition, mais j'ai été seul.

  • Speaker #1

    L'ANR Discovery a duré 5 ans, de 2019 à 2024. Il a donné lieu, vous l'avez dit, à deux thèses et à la rédaction de nombreux articles scientifiques. Maintenant qu'on arrive à la fin de ce projet, quelles sont les conclusions que vous pouvez apporter sur cet ANR ?

  • Speaker #0

    Les conclusions d'un point de vue scientifique, c'est qu'il est important de bien clarifier les terminologies du phénomène, car c'est manifestement, la découvrabilité, un phénomène qui est incompris des chercheurs, et donc les éléments n'étaient pas présents pour pouvoir attaquer ce problème de manière... suffisamment efficaces. Un deuxième constat est qu'en augmentant la visibilité des interactions possibles sur les dispositifs tactiles, on peut faciliter la découvrabilité de ces interactions aux utilisateurs. On a des résultats qui ont été publiés sur ce sujet et qui montrent qu'en retravaillant légèrement les interfaces graphiques, les utilisateurs découvrent plus efficacement les interactions qui leur sont offertes. Mais on a également observé que certaines autres modifications d'interface qui vont rendre plus visibles des possibilités d'interaction, donc que les utilisateurs vont remarquer, ne va pas forcément se traduire en une découvrabilité de l'interaction. Les utilisateurs peuvent voir ces interactions et en fait ne pas intégrer cela comme une possibilité interactive, simplement parce qu'elles sont montrées à des moments qui ne sont pas censées être interactives ou montrer des possibilités d'interaction à l'utilisateur. C'est notamment ce qu'on a observé dans un deuxième projet. où on avait augmenté les transitions animées. Donc en fait, les transitions animées, ce sont les animations qu'il y a lorsque l'utilisateur va par exemple appuyer sur un bouton pour ouvrir une application. Et pourtant, les utilisateurs, bien qu'ils le voient, ne réalisaient pas que ces composants pouvaient être interactifs. Donc il n'y a pas une traduction systématique ou une interprétation systématique de l'utilisateur que quelque chose qui lui est montré peut être interactif et utilisable. Donc il reste encore des pistes à explorer là-dessus. Et la dernière conclusion, peut-être la plus importante, c'est que c'est extrêmement difficile à évaluer. Lorsqu'on teste la découvrabilité d'une interaction, l'utilisateur peut la découvrir une seule fois. Une fois qu'il l'a découverte, il sait que ça existe. Et donc, on ne peut pas faire de mesures répétées avec les utilisateurs. De la même manière, on ne peut pas leur dire qu'on étudie la découvrabilité, sinon ça va biaiser leur comportement. Et donc, une fois qu'on a testé une condition avec un utilisateur, on ne peut pas utiliser cet utilisateur pour une autre condition. Du coup, ça rend les évaluations très difficiles.

  • Speaker #1

    Et alors, maintenant que ces conclusions sont posées, quelle est la prochaine étape ?

  • Speaker #0

    On aimerait réellement travailler un véritable article de synthèse très précis qui pourrait expliquer aux gens comment évaluer la découvrabilité d'interactions en fonction du type d'interaction, en fonction du contexte et également les différentes possibilités d'analyse statistique qui sont pesables en fonction des données qui ont été collectées. Et ensuite, probablement candidater à d'autres appels d'offres pour avoir des financements supplémentaires et recruter d'autres doctorants pour pouvoir continuer à explorer cette question de recherche qui est, à mes yeux, particulièrement intéressante. Et je souhaite également... entamer des discussions avec des acteurs industriels pour pouvoir mener des évaluations à un peu plus grande échelle.

  • Speaker #1

    Bonne chance dans vos futures recherches, et merci beaucoup pour vos réponses.

  • Speaker #0

    De rien, ce fut un plaisir.

  • Speaker #1

    Et à bientôt sur Interstis.

  • Speaker #0

    A bientôt, au revoir. Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine, et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstis.

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Description

Sylvain Malacria, spécialiste en interaction humain machine (IHM), répond aux questions de Lorenzo Jacques dans ce cent-unième épisode du podcast Interstices. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Technologie. Science.

  • Speaker #1

    Algorithme. Simulation.

  • Speaker #0

    Informatique. Informatique. Technologie. Technologie.

  • Speaker #1

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 101ème épisode du podcast Interstice. Alors que les smartphones sont devenus la norme pour la plupart d'entre nous, notre maîtrise de l'outil semble en rester limitée. Selon les marques, selon les modèles, selon les applications, une même fonctionnalité ne nécessitera pas toujours le même geste. Ainsi, à chaque changement de téléphone, voire même A chaque mise à jour, la plupart d'entre nous est perdu. Pour tenter de mettre de l'ordre et de la norme dans ce chaos, mais surtout pour parler de ces recherches, je reçois aujourd'hui Sylvain Malacria. Sylvain, bonjour. Bonjour. Sylvain Malacria, vous êtes chercheur au sein de l'équipe Loki du centre INRIA de l'Université de Lille, et vous êtes le responsable d'un projet financé par l'Agence nationale de la recherche baptisée Discovery. Ce projet vise à promouvoir et améliorer la découverte des fonctionnalités et des interactions dans les systèmes interactifs. C'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Alors vous qui êtes chercheur en interaction homme-machine, est-ce que vous aussi cela vous arrive d'être perdu dans les fonctionnalités de votre propre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors, bien évidemment, c'est même souvent comme ça que viennent mes motivations pour mes projets de recherche, c'est que je suis avant tout moi-même confronté à un problème, et quand ce problème me paraît anormal, dans le sens où je pense qu'il peut être résolu, alors c'est comme ça que j'identifie un projet qui m'intéresse et que j'ai envie d'étudier.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste justement l'étude de cette interaction homme-machine ?

  • Speaker #0

    Avant tout, juste pour la terminologie, en français on utilise interaction humain-machine pour des raisons d'inclusivité évidentes et on évite d'utiliser la traduction directe qui était utilisée il y a encore quelques années, mais vraiment on a cet effort maintenant de ne plus utiliser interaction homme-machine mais humain-machine. Moi en tout cas c'est le terme que je préfère utiliser et l'association francophone pour la promotion de l'interaction humain-machine a changé son nom. il y a quelques années dans ce sens.

  • Speaker #1

    Très bien, alors pour revenir sur l'interaction humain-machine, en quoi est-ce que ça consiste la recherche dans ce domaine ?

  • Speaker #0

    L'interaction humain-machine, c'est un domaine de recherche qui va considérer que l'utilisateur, le facteur humain, est un paramètre intégrant à prendre en compte lors de la conception de systèmes interactifs. On va, dès que possible, le plus tôt possible dans le processus, intégrer l'utilisateur éventuel pour tout le processus de conception et d'évaluation.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que vous êtes venu à parler de l'interaction humain-machine ?

  • Speaker #0

    C'est quelque chose qui, en tant qu'utilisateur de systèmes interactifs, m'a toujours fasciné. Pour une anecdote personnelle, j'ai très longtemps été intéressé par tout ce qui est jeux vidéo musicaux. Dès le début des années 2000, bien avant la tendance d'un jeu qui s'appelle Guitar Hero, qui lui a popularisé ça avec tout le monde, c'était un temps où j'essayais d'importer le plus possible de matériel qui provenait du Japon pour... avoir un jeu musical qui reposait sur soit des capteurs infrarouges, soit des tapis de danse qui sont au sol, etc. Donc en fait, c'était vraiment déjà un intérêt réel sur comment on peut interagir de manière différente avec des systèmes interactifs, mais là qui étaient motivés à la fois par la curiosité et puis par un aspect ludique. Et progressivement, quand j'ai découvert un peu par accident pendant mon master qu'il y avait une thématique de recherche autour de cela, ça m'a tout de suite intéressé. Et donc, je me suis penché sur la question de comment je pourrais étudier un peu plus en plus. confondre ces questions.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de l'ANR Discovery, vous menez des recherches sur ces systèmes d'interaction, plus spécifiquement sur de l'interaction par interface tactile, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    C'est bien cela. Alors, je pense que les interfaces tactiles offrent un vocabulaire interactionnel qui, en apparence, paraît limité, c'est-à-dire on peut rentrer en contact avec le dispositif ou pas, mais en pratique est beaucoup plus riche. Un simple point de contact peut être d'une certaine durée, exercé avec une certaine force, on peut effectuer des déplacements. Du coup, les systèmes interactifs offrent beaucoup de possibilités d'interaction, mais très peu. Les utilisateurs, au final, connaissent très peu des interactions qui leur sont offertes. Et à ce titre, ça me paraissait intéressant d'étudier comment ces systèmes pourraient mieux aider les utilisateurs à découvrir comment ils peuvent interagir avec. Mais j'étudie également ce problème sur interface plus traditionnelle, ordinateur de bureau, qui reste également le dispositif qu'on utilise le plus lorsqu'on doit effectuer des tâches de productivité.

  • Speaker #1

    Vous le disiez, dans le cadre de l'ANR Discovery, vous avez travaillé sur la découvrabilité, sur la possibilité d'informer l'utilisateur de toutes les interactions qu'il peut faire avec son dispositif. Concrètement, comment est-ce qu'on construit une recherche autour de la découvrabilité des interactions ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, on va schématiser cela, ou en tout cas moi, en tant que chercheur, j'aime schématiser cela comme un design itératif, dans lequel on va observer un problème rencontré, puis on va réfléchir à ce problème, donc en y intégrant des connaissances. qui proviennent de la littérature scientifique, mais également en effectuant de nouvelles évaluations, de nouvelles observations. Suite au résultat de cette intégration de connaissances, on va concevoir de nouveaux systèmes interactifs ou des nouvelles solutions qu'on va généralement prototyper pour, à notre tour, les évaluer. Et les connaissances qui proviennent ensuite de ces évaluations vont servir à concevoir de nouveaux systèmes et on rentre dans un cycle pour essayer d'améliorer les systèmes interactifs. Un des premiers problèmes auxquels on a été confrontés dans ce projet est que les communautés de recherche en design, en interaction humain-machine utilisent différents mots pour un phénomène qui peut s'apparenter à la découvrabilité. Et un des premiers travaux majeurs effectués par Eva Makamoul, une doctorante que je co-supervise, financée par le projet ANR Discovery, a été de clarifier un peu la terminologie autour de ce qu'est la découvrabilité. En anglais, il y a beaucoup de mots qui sont corrélés, qu'on a tendance à utiliser dans la vie de tous les jours et qui, du coup, dans les publications scientifiques, sont utilisés de manière un petit peu interchangeable, notamment des mots comme guessability, noticeability. Learnability et Discoverability, bien entendu. Donc, son premier travail à EVA a été de clarifier vraiment ces différents termes, comment ils s'articulent les uns avec les autres, pour avoir des définitions un petit peu plus explicites et mieux définies qui aident à mieux cerner le problème.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a identifié ces termes, comment est-ce qu'on passe à l'étape de l'expérimentation et comment est-ce que vous avez défini les critères d'expérimentation pour vous permettre de valider ou d'invalider des théories ?

  • Speaker #0

    Alors, les critères en tout cas nécessaires pour les évaluations sont très peu définis. En interaction avec ma machine, à titre personnel, je trouve qu'on souffre un petit peu d'un manque de benchmark, ou en tout cas de méthodologie admise pour évaluer des phénomènes. La découvrabilité souffre particulièrement de cela, notamment parce qu'il y a plusieurs types de découvrabilité. Il y a la découvrabilité d'interaction, par exemple, on peut avoir un téléphone, un smartphone, qui va permettre d'utiliser des appuis plus ou moins forts sur l'écran sans en être au point. Là, on va pouvoir découvrir potentiellement qu'on peut utiliser la force. Ça sera la découvrabilité de l'interaction. de type force sur les contacts. On peut également découvrir simplement qu'un système est interactif. Un panneau d'affichage peut être complètement passif, dans le sens où il va juste nous montrer des informations, et en fait, il peut éventuellement également être utilisé pour avoir des informations où sont localisées certaines boutiques ou des informations sur le centre commercial, mais pour cela, il faut appuyer dessus pour interagir avec. C'est ce qu'on va appeler la découvrabilité du système, savoir que c'est un système interactif. Et également la découvrabilité des fonctionnalités. Lorsqu'on est en train d'utiliser une application sur... un ordinateur de bureau, savoir qu'une certaine fonctionnalité existe et permet de faire quelque chose, sera encore un autre type de découvrabilité. En fait, ces différents types de découvrabilité ne vont pas nécessiter les mêmes protocoles expérimentaux. Et de toute façon, ils ont été très peu étudiés. Donc, il y a vraiment, vraiment peu de méthodologie admise pour cela, en particulier pour la découvrabilité, encore moins que pour d'autres questions de recherche en interaction humain-machine. Donc, ça a été également un travail qu'on essaye d'aborder dans le projet ANR Discovery, mais qu'on n'a pas encore eu le temps de vraiment formaliser ni... de communiquer à la communauté scientifique, mais on prévoit toujours de le faire.

  • Speaker #1

    Sylvain Malacré, vous êtes chercheur en sciences de l'informatique, en sciences du numérique. Pour autant, dans ce que vous dites, on a l'impression qu'il y a beaucoup d'expérimentation, qu'il y a aussi du design, qu'il y a aussi du dessin. L'interaction humain-machine, au final, sollicite beaucoup plus de sciences que simplement celle du numérique.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. C'est une thématique qui est à l'intersection de plusieurs autres thématiques. Après, pour moi, ce n'est pas du tout contradictoire de faire de la recherche en informatique et d'utiliser des méthodologies qui peuvent provenir d'autres thématiques. Un des fondements de la science, c'est notamment de valider des solutions proposées pour pouvoir en fait tirer des conclusions de ce qu'elles apportent. Et nous, notre validation passe très fréquemment par le fait de mettre en situation des utilisateurs avec des systèmes interactifs et d'observer les apports de ces nouvelles solutions proposées. Et là, pour cela, on s'inspire énormément, par exemple, de tous les travaux en psychologie expérimentale.

  • Speaker #1

    Vous le disiez au début de ce podcast, Sylvain Malacria, c'est quelque chose que nos auditeurs ont probablement déjà remarqué, mais il y a un manque. de découvrabilité de certaines fonctionnalités. Qu'est-ce qui explique, selon vous, la présence de fonctionnalités avancées sans pour autant la volonté de les mettre en avant pour que les utilisateurs s'en saisissent ?

  • Speaker #0

    Une question que je me pose, en fait, c'est que les smartphones ont des écrans limités, un espace d'affichage limité. Et par conséquent, c'est combiné à une tendance actuelle en design qui est très minimaliste. On va chercher à afficher le moins d'informations possibles à l'écran, ce qui va donner une sensation à l'utilisateur, d'interface propre et facile à utiliser. C'est une sensation, mais c'est une réalité. Quand l'interface est propre, ça donne vraiment cette sensation à l'utilisateur que ça va être facile à utiliser. Et par conséquent, il y a cette tendance qui consiste à ne pas montrer ce qui est possible dans le but de laisser l'interface s'entraider. Moi, une question que je me pose, c'est est-ce qu'au final, ce type d'interface ne sera pas minimaliste dans un souci d'acceptabilité immédiate de l'utilisateur ? L'idée étant que l'utilisateur va voir le dispositif et très rapidement avoir la sensation qu'il arrive à l'utiliser. Alors qu'il sera très loin de le maîtriser. Mais une fois que l'utilisateur a la conviction qu'il arrive à l'utiliser, alors pour l'industriel... Nécessairement, c'est plus facile de vendre nos produits.

  • Speaker #1

    Sylvain Mazakria, vous êtes le porteur de ce projet financé par l'Agence Nationale de la Recherche, Discovery. En quoi est-ce que ça consiste d'être porteur d'un projet de recherche ?

  • Speaker #0

    Porteur d'un projet, pour moi, c'est avant tout faire germer l'idée d'un projet de recherche à mener. Et cela va nécessiter, dans le cas de l'INER, à la rédaction d'un programme de recherche détaillant le contexte, le problème, pourquoi, selon nous, il est important d'étudier ce problème et quels sont les moyens qu'on aimerait mettre en œuvre pour cela. Quand on est porteur, généralement, on dirige en grande partie la rédaction de ce programme de recherche. Dans le cadre du financement que j'ai obtenu, qui est une bourse jeune chercheur, jeune chercheuse, JCJC, c'est une bourse généralement individuelle, portée par une seule personne. Donc j'ai porté l'intégralité, j'ai rédigé l'intégralité du document, j'ai bien sûr obtenu des retours de certains de mes collègues au sujet de la rédaction qui m'ont aidé à itérer dessus et à améliorer la proposition, mais j'ai été seul.

  • Speaker #1

    L'ANR Discovery a duré 5 ans, de 2019 à 2024. Il a donné lieu, vous l'avez dit, à deux thèses et à la rédaction de nombreux articles scientifiques. Maintenant qu'on arrive à la fin de ce projet, quelles sont les conclusions que vous pouvez apporter sur cet ANR ?

  • Speaker #0

    Les conclusions d'un point de vue scientifique, c'est qu'il est important de bien clarifier les terminologies du phénomène, car c'est manifestement, la découvrabilité, un phénomène qui est incompris des chercheurs, et donc les éléments n'étaient pas présents pour pouvoir attaquer ce problème de manière... suffisamment efficaces. Un deuxième constat est qu'en augmentant la visibilité des interactions possibles sur les dispositifs tactiles, on peut faciliter la découvrabilité de ces interactions aux utilisateurs. On a des résultats qui ont été publiés sur ce sujet et qui montrent qu'en retravaillant légèrement les interfaces graphiques, les utilisateurs découvrent plus efficacement les interactions qui leur sont offertes. Mais on a également observé que certaines autres modifications d'interface qui vont rendre plus visibles des possibilités d'interaction, donc que les utilisateurs vont remarquer, ne va pas forcément se traduire en une découvrabilité de l'interaction. Les utilisateurs peuvent voir ces interactions et en fait ne pas intégrer cela comme une possibilité interactive, simplement parce qu'elles sont montrées à des moments qui ne sont pas censées être interactives ou montrer des possibilités d'interaction à l'utilisateur. C'est notamment ce qu'on a observé dans un deuxième projet. où on avait augmenté les transitions animées. Donc en fait, les transitions animées, ce sont les animations qu'il y a lorsque l'utilisateur va par exemple appuyer sur un bouton pour ouvrir une application. Et pourtant, les utilisateurs, bien qu'ils le voient, ne réalisaient pas que ces composants pouvaient être interactifs. Donc il n'y a pas une traduction systématique ou une interprétation systématique de l'utilisateur que quelque chose qui lui est montré peut être interactif et utilisable. Donc il reste encore des pistes à explorer là-dessus. Et la dernière conclusion, peut-être la plus importante, c'est que c'est extrêmement difficile à évaluer. Lorsqu'on teste la découvrabilité d'une interaction, l'utilisateur peut la découvrir une seule fois. Une fois qu'il l'a découverte, il sait que ça existe. Et donc, on ne peut pas faire de mesures répétées avec les utilisateurs. De la même manière, on ne peut pas leur dire qu'on étudie la découvrabilité, sinon ça va biaiser leur comportement. Et donc, une fois qu'on a testé une condition avec un utilisateur, on ne peut pas utiliser cet utilisateur pour une autre condition. Du coup, ça rend les évaluations très difficiles.

  • Speaker #1

    Et alors, maintenant que ces conclusions sont posées, quelle est la prochaine étape ?

  • Speaker #0

    On aimerait réellement travailler un véritable article de synthèse très précis qui pourrait expliquer aux gens comment évaluer la découvrabilité d'interactions en fonction du type d'interaction, en fonction du contexte et également les différentes possibilités d'analyse statistique qui sont pesables en fonction des données qui ont été collectées. Et ensuite, probablement candidater à d'autres appels d'offres pour avoir des financements supplémentaires et recruter d'autres doctorants pour pouvoir continuer à explorer cette question de recherche qui est, à mes yeux, particulièrement intéressante. Et je souhaite également... entamer des discussions avec des acteurs industriels pour pouvoir mener des évaluations à un peu plus grande échelle.

  • Speaker #1

    Bonne chance dans vos futures recherches, et merci beaucoup pour vos réponses.

  • Speaker #0

    De rien, ce fut un plaisir.

  • Speaker #1

    Et à bientôt sur Interstis.

  • Speaker #0

    A bientôt, au revoir. Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine, et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstis.

Description

Sylvain Malacria, spécialiste en interaction humain machine (IHM), répond aux questions de Lorenzo Jacques dans ce cent-unième épisode du podcast Interstices. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Technologie. Science.

  • Speaker #1

    Algorithme. Simulation.

  • Speaker #0

    Informatique. Informatique. Technologie. Technologie.

  • Speaker #1

    Chers auditeurs et auditrices, bienvenue dans ce 101ème épisode du podcast Interstice. Alors que les smartphones sont devenus la norme pour la plupart d'entre nous, notre maîtrise de l'outil semble en rester limitée. Selon les marques, selon les modèles, selon les applications, une même fonctionnalité ne nécessitera pas toujours le même geste. Ainsi, à chaque changement de téléphone, voire même A chaque mise à jour, la plupart d'entre nous est perdu. Pour tenter de mettre de l'ordre et de la norme dans ce chaos, mais surtout pour parler de ces recherches, je reçois aujourd'hui Sylvain Malacria. Sylvain, bonjour. Bonjour. Sylvain Malacria, vous êtes chercheur au sein de l'équipe Loki du centre INRIA de l'Université de Lille, et vous êtes le responsable d'un projet financé par l'Agence nationale de la recherche baptisée Discovery. Ce projet vise à promouvoir et améliorer la découverte des fonctionnalités et des interactions dans les systèmes interactifs. C'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Alors vous qui êtes chercheur en interaction homme-machine, est-ce que vous aussi cela vous arrive d'être perdu dans les fonctionnalités de votre propre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors, bien évidemment, c'est même souvent comme ça que viennent mes motivations pour mes projets de recherche, c'est que je suis avant tout moi-même confronté à un problème, et quand ce problème me paraît anormal, dans le sens où je pense qu'il peut être résolu, alors c'est comme ça que j'identifie un projet qui m'intéresse et que j'ai envie d'étudier.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste justement l'étude de cette interaction homme-machine ?

  • Speaker #0

    Avant tout, juste pour la terminologie, en français on utilise interaction humain-machine pour des raisons d'inclusivité évidentes et on évite d'utiliser la traduction directe qui était utilisée il y a encore quelques années, mais vraiment on a cet effort maintenant de ne plus utiliser interaction homme-machine mais humain-machine. Moi en tout cas c'est le terme que je préfère utiliser et l'association francophone pour la promotion de l'interaction humain-machine a changé son nom. il y a quelques années dans ce sens.

  • Speaker #1

    Très bien, alors pour revenir sur l'interaction humain-machine, en quoi est-ce que ça consiste la recherche dans ce domaine ?

  • Speaker #0

    L'interaction humain-machine, c'est un domaine de recherche qui va considérer que l'utilisateur, le facteur humain, est un paramètre intégrant à prendre en compte lors de la conception de systèmes interactifs. On va, dès que possible, le plus tôt possible dans le processus, intégrer l'utilisateur éventuel pour tout le processus de conception et d'évaluation.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que vous êtes venu à parler de l'interaction humain-machine ?

  • Speaker #0

    C'est quelque chose qui, en tant qu'utilisateur de systèmes interactifs, m'a toujours fasciné. Pour une anecdote personnelle, j'ai très longtemps été intéressé par tout ce qui est jeux vidéo musicaux. Dès le début des années 2000, bien avant la tendance d'un jeu qui s'appelle Guitar Hero, qui lui a popularisé ça avec tout le monde, c'était un temps où j'essayais d'importer le plus possible de matériel qui provenait du Japon pour... avoir un jeu musical qui reposait sur soit des capteurs infrarouges, soit des tapis de danse qui sont au sol, etc. Donc en fait, c'était vraiment déjà un intérêt réel sur comment on peut interagir de manière différente avec des systèmes interactifs, mais là qui étaient motivés à la fois par la curiosité et puis par un aspect ludique. Et progressivement, quand j'ai découvert un peu par accident pendant mon master qu'il y avait une thématique de recherche autour de cela, ça m'a tout de suite intéressé. Et donc, je me suis penché sur la question de comment je pourrais étudier un peu plus en plus. confondre ces questions.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de l'ANR Discovery, vous menez des recherches sur ces systèmes d'interaction, plus spécifiquement sur de l'interaction par interface tactile, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    C'est bien cela. Alors, je pense que les interfaces tactiles offrent un vocabulaire interactionnel qui, en apparence, paraît limité, c'est-à-dire on peut rentrer en contact avec le dispositif ou pas, mais en pratique est beaucoup plus riche. Un simple point de contact peut être d'une certaine durée, exercé avec une certaine force, on peut effectuer des déplacements. Du coup, les systèmes interactifs offrent beaucoup de possibilités d'interaction, mais très peu. Les utilisateurs, au final, connaissent très peu des interactions qui leur sont offertes. Et à ce titre, ça me paraissait intéressant d'étudier comment ces systèmes pourraient mieux aider les utilisateurs à découvrir comment ils peuvent interagir avec. Mais j'étudie également ce problème sur interface plus traditionnelle, ordinateur de bureau, qui reste également le dispositif qu'on utilise le plus lorsqu'on doit effectuer des tâches de productivité.

  • Speaker #1

    Vous le disiez, dans le cadre de l'ANR Discovery, vous avez travaillé sur la découvrabilité, sur la possibilité d'informer l'utilisateur de toutes les interactions qu'il peut faire avec son dispositif. Concrètement, comment est-ce qu'on construit une recherche autour de la découvrabilité des interactions ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, on va schématiser cela, ou en tout cas moi, en tant que chercheur, j'aime schématiser cela comme un design itératif, dans lequel on va observer un problème rencontré, puis on va réfléchir à ce problème, donc en y intégrant des connaissances. qui proviennent de la littérature scientifique, mais également en effectuant de nouvelles évaluations, de nouvelles observations. Suite au résultat de cette intégration de connaissances, on va concevoir de nouveaux systèmes interactifs ou des nouvelles solutions qu'on va généralement prototyper pour, à notre tour, les évaluer. Et les connaissances qui proviennent ensuite de ces évaluations vont servir à concevoir de nouveaux systèmes et on rentre dans un cycle pour essayer d'améliorer les systèmes interactifs. Un des premiers problèmes auxquels on a été confrontés dans ce projet est que les communautés de recherche en design, en interaction humain-machine utilisent différents mots pour un phénomène qui peut s'apparenter à la découvrabilité. Et un des premiers travaux majeurs effectués par Eva Makamoul, une doctorante que je co-supervise, financée par le projet ANR Discovery, a été de clarifier un peu la terminologie autour de ce qu'est la découvrabilité. En anglais, il y a beaucoup de mots qui sont corrélés, qu'on a tendance à utiliser dans la vie de tous les jours et qui, du coup, dans les publications scientifiques, sont utilisés de manière un petit peu interchangeable, notamment des mots comme guessability, noticeability. Learnability et Discoverability, bien entendu. Donc, son premier travail à EVA a été de clarifier vraiment ces différents termes, comment ils s'articulent les uns avec les autres, pour avoir des définitions un petit peu plus explicites et mieux définies qui aident à mieux cerner le problème.

  • Speaker #1

    Et alors, une fois qu'on a identifié ces termes, comment est-ce qu'on passe à l'étape de l'expérimentation et comment est-ce que vous avez défini les critères d'expérimentation pour vous permettre de valider ou d'invalider des théories ?

  • Speaker #0

    Alors, les critères en tout cas nécessaires pour les évaluations sont très peu définis. En interaction avec ma machine, à titre personnel, je trouve qu'on souffre un petit peu d'un manque de benchmark, ou en tout cas de méthodologie admise pour évaluer des phénomènes. La découvrabilité souffre particulièrement de cela, notamment parce qu'il y a plusieurs types de découvrabilité. Il y a la découvrabilité d'interaction, par exemple, on peut avoir un téléphone, un smartphone, qui va permettre d'utiliser des appuis plus ou moins forts sur l'écran sans en être au point. Là, on va pouvoir découvrir potentiellement qu'on peut utiliser la force. Ça sera la découvrabilité de l'interaction. de type force sur les contacts. On peut également découvrir simplement qu'un système est interactif. Un panneau d'affichage peut être complètement passif, dans le sens où il va juste nous montrer des informations, et en fait, il peut éventuellement également être utilisé pour avoir des informations où sont localisées certaines boutiques ou des informations sur le centre commercial, mais pour cela, il faut appuyer dessus pour interagir avec. C'est ce qu'on va appeler la découvrabilité du système, savoir que c'est un système interactif. Et également la découvrabilité des fonctionnalités. Lorsqu'on est en train d'utiliser une application sur... un ordinateur de bureau, savoir qu'une certaine fonctionnalité existe et permet de faire quelque chose, sera encore un autre type de découvrabilité. En fait, ces différents types de découvrabilité ne vont pas nécessiter les mêmes protocoles expérimentaux. Et de toute façon, ils ont été très peu étudiés. Donc, il y a vraiment, vraiment peu de méthodologie admise pour cela, en particulier pour la découvrabilité, encore moins que pour d'autres questions de recherche en interaction humain-machine. Donc, ça a été également un travail qu'on essaye d'aborder dans le projet ANR Discovery, mais qu'on n'a pas encore eu le temps de vraiment formaliser ni... de communiquer à la communauté scientifique, mais on prévoit toujours de le faire.

  • Speaker #1

    Sylvain Malacré, vous êtes chercheur en sciences de l'informatique, en sciences du numérique. Pour autant, dans ce que vous dites, on a l'impression qu'il y a beaucoup d'expérimentation, qu'il y a aussi du design, qu'il y a aussi du dessin. L'interaction humain-machine, au final, sollicite beaucoup plus de sciences que simplement celle du numérique.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. C'est une thématique qui est à l'intersection de plusieurs autres thématiques. Après, pour moi, ce n'est pas du tout contradictoire de faire de la recherche en informatique et d'utiliser des méthodologies qui peuvent provenir d'autres thématiques. Un des fondements de la science, c'est notamment de valider des solutions proposées pour pouvoir en fait tirer des conclusions de ce qu'elles apportent. Et nous, notre validation passe très fréquemment par le fait de mettre en situation des utilisateurs avec des systèmes interactifs et d'observer les apports de ces nouvelles solutions proposées. Et là, pour cela, on s'inspire énormément, par exemple, de tous les travaux en psychologie expérimentale.

  • Speaker #1

    Vous le disiez au début de ce podcast, Sylvain Malacria, c'est quelque chose que nos auditeurs ont probablement déjà remarqué, mais il y a un manque. de découvrabilité de certaines fonctionnalités. Qu'est-ce qui explique, selon vous, la présence de fonctionnalités avancées sans pour autant la volonté de les mettre en avant pour que les utilisateurs s'en saisissent ?

  • Speaker #0

    Une question que je me pose, en fait, c'est que les smartphones ont des écrans limités, un espace d'affichage limité. Et par conséquent, c'est combiné à une tendance actuelle en design qui est très minimaliste. On va chercher à afficher le moins d'informations possibles à l'écran, ce qui va donner une sensation à l'utilisateur, d'interface propre et facile à utiliser. C'est une sensation, mais c'est une réalité. Quand l'interface est propre, ça donne vraiment cette sensation à l'utilisateur que ça va être facile à utiliser. Et par conséquent, il y a cette tendance qui consiste à ne pas montrer ce qui est possible dans le but de laisser l'interface s'entraider. Moi, une question que je me pose, c'est est-ce qu'au final, ce type d'interface ne sera pas minimaliste dans un souci d'acceptabilité immédiate de l'utilisateur ? L'idée étant que l'utilisateur va voir le dispositif et très rapidement avoir la sensation qu'il arrive à l'utiliser. Alors qu'il sera très loin de le maîtriser. Mais une fois que l'utilisateur a la conviction qu'il arrive à l'utiliser, alors pour l'industriel... Nécessairement, c'est plus facile de vendre nos produits.

  • Speaker #1

    Sylvain Mazakria, vous êtes le porteur de ce projet financé par l'Agence Nationale de la Recherche, Discovery. En quoi est-ce que ça consiste d'être porteur d'un projet de recherche ?

  • Speaker #0

    Porteur d'un projet, pour moi, c'est avant tout faire germer l'idée d'un projet de recherche à mener. Et cela va nécessiter, dans le cas de l'INER, à la rédaction d'un programme de recherche détaillant le contexte, le problème, pourquoi, selon nous, il est important d'étudier ce problème et quels sont les moyens qu'on aimerait mettre en œuvre pour cela. Quand on est porteur, généralement, on dirige en grande partie la rédaction de ce programme de recherche. Dans le cadre du financement que j'ai obtenu, qui est une bourse jeune chercheur, jeune chercheuse, JCJC, c'est une bourse généralement individuelle, portée par une seule personne. Donc j'ai porté l'intégralité, j'ai rédigé l'intégralité du document, j'ai bien sûr obtenu des retours de certains de mes collègues au sujet de la rédaction qui m'ont aidé à itérer dessus et à améliorer la proposition, mais j'ai été seul.

  • Speaker #1

    L'ANR Discovery a duré 5 ans, de 2019 à 2024. Il a donné lieu, vous l'avez dit, à deux thèses et à la rédaction de nombreux articles scientifiques. Maintenant qu'on arrive à la fin de ce projet, quelles sont les conclusions que vous pouvez apporter sur cet ANR ?

  • Speaker #0

    Les conclusions d'un point de vue scientifique, c'est qu'il est important de bien clarifier les terminologies du phénomène, car c'est manifestement, la découvrabilité, un phénomène qui est incompris des chercheurs, et donc les éléments n'étaient pas présents pour pouvoir attaquer ce problème de manière... suffisamment efficaces. Un deuxième constat est qu'en augmentant la visibilité des interactions possibles sur les dispositifs tactiles, on peut faciliter la découvrabilité de ces interactions aux utilisateurs. On a des résultats qui ont été publiés sur ce sujet et qui montrent qu'en retravaillant légèrement les interfaces graphiques, les utilisateurs découvrent plus efficacement les interactions qui leur sont offertes. Mais on a également observé que certaines autres modifications d'interface qui vont rendre plus visibles des possibilités d'interaction, donc que les utilisateurs vont remarquer, ne va pas forcément se traduire en une découvrabilité de l'interaction. Les utilisateurs peuvent voir ces interactions et en fait ne pas intégrer cela comme une possibilité interactive, simplement parce qu'elles sont montrées à des moments qui ne sont pas censées être interactives ou montrer des possibilités d'interaction à l'utilisateur. C'est notamment ce qu'on a observé dans un deuxième projet. où on avait augmenté les transitions animées. Donc en fait, les transitions animées, ce sont les animations qu'il y a lorsque l'utilisateur va par exemple appuyer sur un bouton pour ouvrir une application. Et pourtant, les utilisateurs, bien qu'ils le voient, ne réalisaient pas que ces composants pouvaient être interactifs. Donc il n'y a pas une traduction systématique ou une interprétation systématique de l'utilisateur que quelque chose qui lui est montré peut être interactif et utilisable. Donc il reste encore des pistes à explorer là-dessus. Et la dernière conclusion, peut-être la plus importante, c'est que c'est extrêmement difficile à évaluer. Lorsqu'on teste la découvrabilité d'une interaction, l'utilisateur peut la découvrir une seule fois. Une fois qu'il l'a découverte, il sait que ça existe. Et donc, on ne peut pas faire de mesures répétées avec les utilisateurs. De la même manière, on ne peut pas leur dire qu'on étudie la découvrabilité, sinon ça va biaiser leur comportement. Et donc, une fois qu'on a testé une condition avec un utilisateur, on ne peut pas utiliser cet utilisateur pour une autre condition. Du coup, ça rend les évaluations très difficiles.

  • Speaker #1

    Et alors, maintenant que ces conclusions sont posées, quelle est la prochaine étape ?

  • Speaker #0

    On aimerait réellement travailler un véritable article de synthèse très précis qui pourrait expliquer aux gens comment évaluer la découvrabilité d'interactions en fonction du type d'interaction, en fonction du contexte et également les différentes possibilités d'analyse statistique qui sont pesables en fonction des données qui ont été collectées. Et ensuite, probablement candidater à d'autres appels d'offres pour avoir des financements supplémentaires et recruter d'autres doctorants pour pouvoir continuer à explorer cette question de recherche qui est, à mes yeux, particulièrement intéressante. Et je souhaite également... entamer des discussions avec des acteurs industriels pour pouvoir mener des évaluations à un peu plus grande échelle.

  • Speaker #1

    Bonne chance dans vos futures recherches, et merci beaucoup pour vos réponses.

  • Speaker #0

    De rien, ce fut un plaisir.

  • Speaker #1

    Et à bientôt sur Interstis.

  • Speaker #0

    A bientôt, au revoir. Chers auditeurs et auditrices, à la prochaine, et n'oubliez pas les sciences du numérique sur Interstis.

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