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Les Podcasts d'Icosystème

12/ Quel bilan pour la transition agroécologique en France ? avec Frédéric Thomas

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29min |16/01/2025
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Description

L'agriculture régénératrice en France : d'où est-ce qu'on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Suit-on une trajectoire encourageante ? Quels sont les points, les lacunes sur lesquels il faut encore travailler ? Où en sont les autres pays qui nous entourent ?


Frédéric Thomas est agriculteur, pionnier de l'agriculture régénératrice depuis 1989, fondateur et éditeur de la revue agronomique TCS, et a écrit plusieurs livres sur l'agroécologie. Grâce à sa longue expérience internationale, il nous permet de prendre de la hauteur sur l'état des lieux de l'agroécologie en France.


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frédéric.

  • Speaker #1

    Bonjour Ingrid.

  • Speaker #0

    On est en direct du salon InnovaGrill 2024 lors d'une petite alcalmie de pluie et donc on en profite pour faire un podcast d'éco des campagnes. Très bien. Donc le sujet aujourd'hui ce serait de prendre un peu de recul et de profiter de toutes les années d'expérience en agroécologie et en transition agricole pour prendre un pas de côté et se demander quel est le bilan aujourd'hui, d'où on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

  • Speaker #1

    Donc, Frédéric Thomas, moi je suis agriculteur dans le centre de la France, en Sologne. Des terrains assez pauvres, le sable, sur des argiles imperméables, des zones qui sont en déprise agricole depuis quasiment 80 ans. Donc, la rentabilité est très compliquée. C'est en partie pour ça qu'on est... s'est dirigé vers l'agriculture de conservation. Je suis également le rédacteur en chef de la revue TCS que j'ai créée, voilà, il y a une petite trentaine d'années. Puis j'interviens un peu partout en France, auprès de groupes d'agriculteurs, de techniciens, j'ai même un peu d'activités à l'étranger, donc principalement en Europe, en Angleterre. Je vais aussi... assez annuellement aux Antilles, avec un institut des techniques tropicales où on travaille sur la banane, la canne à sucre et les cultures qu'on appelle de diversité.

  • Speaker #0

    Très bien, merci. Alors ma première question était, depuis une trentaine d'années, en France notamment, d'où est-ce qu'on est parti en agroécologie et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    C'est une question assez complexe. On va être forcément réducteur dans la réponse. Il faudrait prendre certainement beaucoup plus de temps qu'un podcast. Je pense que l'agriculture conventionnelle a toujours été critiquée, quel que soit le moment ou l'époque. Elle a été très utile en termes de production. On voyait bien les avantages. Je viens de l'agriculture conventionnelle, fertilisation, phyto, travail du sol, sécurisation de la production. Et la première réaction d'une partie des agriculteurs ou des techniciens ou des encadrants, c'était de regarder l'agriculture biologique. C'était plutôt la partie phyto qui était... qui était le côté dégradant. Et en fait, depuis assez longtemps, on sait que c'est quand même, pour certains réseaux d'agriculteurs, que c'est le travail du sol qui a un énorme impact. Et donc, quelques agriculteurs informés, dont je faisais partie, ou je fais encore partie, était conscient que si on pouvait supprimer ou limiter le travail du sol on aurait énormément de bénéfices mais on savait pas faire on n'avait pas les outils et l'arrivée à l'époque des premières solutions chimiques avec le paraquat et ensuite avec le glyphosate a permis d'éliminer assez facilement la végétation à la surface du sol et se dire là on a certainement les moyens de limiter voire supprimer le travail du sol parce qu'on sait arrêter la végétation sans gratter ou sans retourner.

  • Speaker #0

    Et est-ce que selon toi, tout ce qu'on a réalisé depuis ces années-là, est-ce que c'est encourageant ? Est-ce qu'on a eu de grandes réussites ? Est-ce qu'on a des points, des grosses lacunes sur lesquelles il faut encore travailler ?

  • Speaker #1

    Alors... C'est extrêmement encourageant parce qu'en fait, on a quand même réussi à installer un troisième mouvement. Donc l'agriculture conventionnelle, l'agriculture biologique et l'agriculture de conservation des sols. Dans le système agricole aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a... pas de dossier de recherche ou dans lequel on challenge pas et qu'est-ce qu'est la place ou comment on peut mettre de l'agriculture de conservation dedans. Les bénéfices globaux de l'agriculture de conservation commencent à être bien bien Comme mise en avant, hier par exemple, il y avait dans la fosse ici à Inuvagri, Lionel Adeto, qui à travers le projet Bagages a montré des capacités d'infiltration qui sont extrêmement importantes. On parle de 60 à 100 mm heure d'augmentation de capacité d'infiltration dans des sols du sud-ouest. C'est énorme, on n'est pas en train de jouer sur des petits bouts. On voit bien que le dossier carbone, on coche énormément de points avec cette agriculture-là, des économies d'énergie jusqu'à la séquestration du CO2 sous forme de matière organique, où il est beaucoup plus utile dans le sol, en termes de biodiversité, en termes de productivité, en termes de management d'eau. Oui, aujourd'hui, on y voit clair. Aujourd'hui, on y voit beaucoup plus clair en matière de savoir-faire. qui peut permettre, aujourd'hui il y a aussi le matériel qui s'est adapté, qui fait que, je dirais, transiter me paraît assez facile, et donc je ne vois pas pourquoi beaucoup plus d'agriculteurs ne pourraient pas s'engager dans cette direction. Si on refait un peu l'histoire, Voilà, 40-35 ans, c'était quand même beaucoup plus aventureux parce que là, il fallait partir avec des outils un peu bricolés. On avait beaucoup d'envie, presque des utopies, mais le savoir-faire n'était pas là. Il y a eu des échecs sur la route, mais on a énormément appris. Et aujourd'hui, l'agriculture de conservation, avec les réseaux, avec la revue qu'on a mis en place, TCS, avec les associations, avec toute la dynamique qui s'est mise autour, est quand même bien installée sur le territoire français. Et je pense qu'on est peut-être à la veille d'une forme de basculement qui peut être intéressant.

  • Speaker #0

    Et justement, si on résume... Tout ce savoir-faire, toutes ces connaissances qui sont en train de grandir et de conquérir d'autres territoires, toute cette manière de voir plus clair dans la transition, si tu pouvais citer trois, quatre points clés qui ont vraiment aidé. Tu parlais du mouvement d'association, tu parlais des médias, etc. Est-ce qu'il y a d'autres points clés sur lesquels on peut s'appuyer justement pour aller encore plus loin et continuer cette dynamique qui est encourageante ?

  • Speaker #1

    Alors, pour aller plus loin, là il y a déjà un événement qui a été assez intéressant à l'automne dernier, c'est que depuis 2015, l'agriculture de conservation, qui est quand même assez dépendante des phytos et du glyphosate, et bien qu'on arrive à en limiter les utilisations, mais elle était sous l'épée de Damoclès de la suppression de l'utilisation du glyphosate, et là, une autorisation pour 10 ans libère un petit peu les esprits, donc ça, ça donne du champ. Ah bon, est-ce que je dois investir dans un outil, parce que demain, on me supprime un autre outil qui me permet de transiter ? Il faut bien voir que... Tout ça, c'est des outils qui peuvent permettre aux agriculteurs de s'engager avec une certaine forme de parachute, limiter les risques de la transition. Ensuite, je dirais que les moyens de fer sont assez bien maîtrisés par pas mal d'acteurs dans le cadre de l'encadrement. C'est peut-être les mettre plus en avant et faire en sorte que les agriculteurs puissent faire plus de travail. que de plus en plus d'agriculteurs soient en contact, viennent à des formations, soit sur le terrain, soit accompagnés différemment. Ça veut dire aussi qu'il faut qu'on arrive à changer, et ça, ça s'amorce, l'approche top-down, c'est-à-dire que c'est une recherche classique avec une courroie de transmission, et l'agriculteur est plus un applicateur. On est plus dans une approche... bottom-up ou une approche plutôt horizontale, où c'est une discussion et un accompagnement entre des gens qui ont une certaine logistique, une certaine éventuellement réticence, un niveau de connaissance, et des gens qui peuvent apporter des niveaux agronomiques, mécanisation, gestion de fertilisation, gestion du salissement à côté. et trouver à chaque fois les meilleures solutions au moment, pour éviter d'être dans l'idéologie. Parce que l'idéologie est très compliquée, ça ne marche généralement pas. Et puis après, d'aller vers des systèmes d'approche où ce n'est plus un modèle. Et ça, c'est certainement la grosse difficulté, parce que, qu'on soit au niveau politique, ou au niveau recherche ou accompagnement, souvent on recherche un modèle qui est mis en avant par rapport aux autres, parce qu'il a tel avantage. Non, l'agriculture est extrêmement plurielle. Si on garde rien qu'à l'échelle française, on va produire de la lavande, de la vigne, du blé, des baies de crave, des vaches laitières. en montagne avec eux on produit même aussi des bananes de la canne à sucre du riz bon on est dans des conditions pédoclimatiques complètement différentes donc il faut arriver à faire rentrer dans toutes ces productions là des approches un peu agroécologisante dont beaucoup sont viennent de l'agriculture de conservation mais pas que en essayant de trouver des compromis Par rapport aux productions, je vais prendre l'exemple de la pomme de terre. Ma foi, sauf que ça se voit qu'on ne sait pas produire des pommes de terre sans travail du sol. Donc non, ma foi, on va continuer à travailler le sol, ou sinon on arrête de manger des pommes de terre, de la purée, des frites, des chips, etc. Mais on va continuer à avoir du travail du sol, avec un impact qui est assez fort. Par contre, il faut qu'on arrive à mettre avant et après la pomme de terre. des approches de régénération des sols, de soutien, pour faire en sorte que la culture de la pomme de terre soit le moins destructif ou impactant possible, et après qu'on soit dans des phases de régénération. Pareil avec des cultures où on a très peu de production de biomasse, comme le maraîchage, ou je citais la lavande, ou les plantes à parfum, on est sur des petits buissons ridicules, et là en termes de biomasse on ne produit rien. donc obligatoirement il nous faut des couverts entre les rangs, il nous faut des couverts avant, des couverts après, pour arriver à augmenter la pionmasse, l'enracinement, et surtout diminuer le travail de sol. Donc c'est toute cette diversité-là qu'il faut arriver à mettre en place et accepter que c'est cette diversité d'agriculture, mais aussi de façon de faire d'agriculteur, qui enrichira le système. Et en fait transformer une partie de l'agriculture française en Living Lab et faire en sorte que ce qu'on va découvrir sur les milliers de fermes qui font tous un petit peu différent des cendrillon d'approche agronomique technique de mécanisation qui peuvent venir entrer sur d'autres fermes parce que ils ont prouvé être efficace ou être également le carburant de réflexion pour aller plus loin dans d'autres productions. J'aime bien citer à ce niveau-là la viticulture. J'ai de la chance de travailler un petit peu dans ce domaine-là. Et en fait, lorsque je rentre en viticulture, mes approches que j'ai dans la production conventionnelle de blé et de maïs, je m'adapte à une culture pérenne qui est différente. Est-ce qu'on a pu travailler en viticulture ? Aujourd'hui, on la met dans des cultures pérennes comme la lavande, parce que c'est des productions différentes, mais ils ont les mêmes problématiques d'une certaine manière. Donc on arrive à les corriger un peu avec des informations ou un savoir-faire d'agriculture de conservation. Donc c'est accepter cette pluralité et accepter qu'il n'y a pas un modèle. Et ça, ça va être un effort important.

  • Speaker #0

    Et tu disais que tu voyageais... pas mal, notamment en Angleterre, aussi aux Etats-Unis et en Europe. Est-ce qu'il y a des pays qui sont très avancés en agroécologie, selon toi, et qu'est-ce qui fait qu'eux sont avancés ?

  • Speaker #1

    Alors, je vais te surprendre par ma réponse. Disons que j'ai la chance de voyager, et j'ai toujours beaucoup voyagé. Je rentre d'ailleurs deux ou trois semaines aux Etats-Unis. Bon, on va voir un peu des noyaux de recherche de gens qui avancent sur ce dossier-là. En fait, les évolutions ne se font pas de manière linéaire, elles se font de manière, disons, ponctuelle. Et puis après, il y a des fois des stagnations, des régressions, et ça repart. Chaque pays est un petit peu différent. J'aimerais bien en citer plusieurs. Le premier, certainement les États-Unis, que je connais bien. Beaucoup de gens sont passés en semi-direct. parce que c'est des grandes exploitations. Au Canada, si on cultive 2, 3, 10 000 hectares, on voit tout de suite l'intérêt d'être en semi-direct. On voit même l'intérêt d'écarter les éléments semeurs parce qu'en fait, en doublant la distance entre les éléments semeurs, on passe de 12 mètres à 24 mètres avec le même tracteur de semoir, avec le même tracteur de vent. Donc, ce qui donne une amélioration de l'efficacité. Par contre, la majorité sont restées dans... Des approches simplement réduction au travail du sol, avec des rotations Midwest, maïs, soja, qui restent une rotation qui n'est pas vraiment une rotation. Alors il y a quelques noyaux de gens qui réfléchissent hors du cadre. C'est sur cela que j'aime me voir. On va retrouver un peu la même approche au Brésil, où ils sont rentrés et ils avaient une agriculture un petit peu, on va dire... arriéré dans les années 50-60. Et en fait, ils ont fait la révolution agricole que nous, on a fait dans les années 60 sur un fond de semi-direct. On a amené de la génétique, on a amené des intrants, on a amené de la mécanisation nouvelle et du semi-direct. Et en fait, c'est comme si nous, la révolution des années 50-60, on l'avait fait en abandonnant la charrue et en mettant tout le reste de la propre. Et donc aujourd'hui, la grande majorité fait de l'agriculture conventionnelle en semi-direct. Alors, est-ce que c'est de l'agroécologie ? Heureusement déjà qu'ils font du semi-direct, parce que sinon, il ne ferait plus d'agriculture. Vu les niveaux d'érosion, c'est l'érosion qui a été le gros moteur de la suppression du travail du sol. Ils ont essayé de terrasser, mais les terrasses ne tiennent pas. Et quand les terrasses dégringolent, c'est toute la colline qui dégringole. Et puis, il y a... deux pays qui ont bien avancé sur la situation de l'agriculture de conservation et de l'agroécologie. En fait, l'agriculture de conservation a été un petit peu le socle sur lequel s'est construit la diversité, la qualité des sols, etc. Donc le premier, c'est la Suisse, où il y avait des aides spécifiques, mais de manière assez conséquente, sur le semi-direct, sur les couverts, et c'est un petit peu à la carte. Et le modèle suisse est assez intéressant avec des plateformes de recherche comme Oberacker par les Allemands dans le secteur de Berne qui a été mis en place en 1994. Donc mettre en place une plateforme avec 6 cultures par an, dont de la betterave à sucre, du maïs, voire des pommes de terre au départ avec une comparaison laboureuse et semi-directe. Et semi-directe à l'époque, c'était assez... comment... aventureux. Donc on va faire... C'était les 30 ans d'Auberacœur en juin 2025. C'est une belle réussite. Ça nous a apporté énormément d'informations et de résultats. C'était repris et c'est là que la Suisse est un peu un carrefour par la partie française, enfin française romane. Et Nicolas Courtois qui a apporté énormément d'infos sur les couverts, qui a appliqué un peu ce qu'il voyait, ce qui se passait en France et qui a apporté ça en Suisse. comme la Suisse est un peu le carrefour entre la partie alémanique et la partie romane, ça a apporté des choses assez intéressantes. Le deuxième pays qui a vraiment bougé, c'est la France. Et on est vraiment les leaders aujourd'hui au niveau européen des pratiques là-dessus. Alors pour certainement différentes raisons, parce qu'on est aussi un carrefour entre différents mondes. les anglo-saxons qui nous apportent souvent la mécanisation moi je suis rentré en France dans ces techniques là avec Porsche qui apportait du matériel bon on est on est aussi en relation assez facilement avec l'Espagne et tout ça avec l'Amérique du Sud et puis avec l'Amérique du Nord et donc en relation aussi avec l'Amérique du Nord à travers les Québécois Donc en fait on est une forme de carrefour, ce qui a permis d'aller chercher des informations. Ensuite la France, on a conservé une agriculture avec des petites exploitations où la majorité des agriculteurs sont propriétaires de leur sol. Ce sont également les acteurs au quotidien, c'est eux qui conduisent l'autre acteur, qui prennent les décisions, qui voient leur sol, etc. Et donc, ça a aidé à être sensibilisé un petit peu aux techniques. C'est aussi, et si on peut le critiquer, quelquefois, on a un millefeuille avec les chambres, les syndicats, les coopératives et tout ça. ça a permis une certaine temporisation et aussi la création d'associations comme la PAD, comme BASE qui se sont permis d'aller chercher des informations un peu partout sur la planète et des rapportés sur le territoire et de mutualiser un peu les tentatives les orientations, les essais que pouvaient faire tous les agriculteurs de ces réseaux-là C'est aussi le travail que l'on a fait avec la revue, de transférer et de stimuler tout un tas d'informations. En France, on a eu une forme de bouillon de culture et d'émulation qui, aujourd'hui, nous positionne vraiment comme leader globalement, avec des avancées techniques qui sont assez exceptionnelles. le côté couvert végétaux lorsque je présente aujourd'hui la méthode Merci qui se traduit en anglais par Google pour Thank You Method, ça fait palir d'envie tous les gens que je peux rencontrer. Comme je disais, j'étais aux Etats-Unis cet été, quand je leur montre ce qu'on peut arriver à tirer et à chiffrer sur un couvert végétal, c'est extraordinaire, comment vous faites ? Mais non, aujourd'hui, c'est un truc qui est extrêmement utile, qui a plus de 10 ans d'existence, et qui est une belle référence. Le colza associé est une super invention des réseaux français. C'est à travers les mélanges de couverts végétaux qu'on s'est dit, ma foi, les colzas s'en sortent bien au milieu des couverts. Pourquoi on ne s'aimerait pas, nous, au Colza, de cette manière-là ? Et aujourd'hui, c'est en train de s'écarter, surtout. Il y a la culture du blé sur recouvert permanent de luzerne. Pareil, on a un collègue danois qui est en train de tenter ça avec succès. Et donc, oui, c'est les agriculteurs français qui ont mis au point un peu toutes ces petites choses-là qui fait qu'aujourd'hui... On a beaucoup de gens qui viennent même nous voir. C'est terrible, même là j'ai une demande d'argentin. C'est surprenant qu'ils viennent nous voir pour comprendre ce qui est en train de se passer. Il y a un pays qui est en train de bien bouger, c'est l'Angleterre. Et là, nos collègues anglais ont été un peu sur le tard. Ils bloquaient un peu avec le côté économique. Semer un couvert, coûte des sous sur des grosses exploitations, commencer mon retour sur investissement. Et c'est bien le terme investissement. À partir du moment où ils ont compris que c'était un investissement et non un coût, ça a changé un peu et on commence à avoir de bons résultats en Angleterre et une belle émulation collective. Et là, leur sortie d'Europe économique a fait que... Oh, bon. miraculeusement, les aides à l'agriculture ont été complètement modifiées, et elles sont assez agri-écologisantes, et elles correspondent pratiquement à certains de mes collègues anglais. Est-ce que tu as soufflé au ministère de l'agriculture les formes de subventions qu'on ne pourra avoir ? Rien, je n'ai aucune influence sur le dossier, mais quand on voit la carte, on en rêverait. Donc ça va être certainement intéressant de voir comment évolue l'agriculture anglaise avec un accompagnement d'aides complètement différents, maintenant qu'ils sont sortis de l'Europe, économiques encore une fois. On risque d'avoir des informations intéressantes qui viennent de l'Angleterre. Donc ça, après, les Allemands, non, sont... Reste cette prémécanisation. Les Espagnols, qu'on aurait énormément besoin par rapport à la gestion de l'eau, ils sont tellement dans la limitation des comptes. que sortir quelques euros et investir un peu dans la fertilité et les couverts sont bloqués. Les Italiens, c'est un peu pareil. On commence à avoir des pays de l'Est, comme la Pologne, comme la Roumanie, où on a des îlots de gars qui commencent à s'investir correctement. Donc oui, c'est en train de prendre un peu de place. Mais je dirais qu'on a encore énormément de progrès en France et énormément d'idées à mettre en place, à nous de continuer notre développement et ne pas perdre le lead.

  • Speaker #0

    Et justement, j'ai l'impression que la notion de diversité, à la fois à l'échelle des exploitations, diversité d'exploitation, diversité d'associations, d'acteurs qui lancent des mouvements, etc., c'est très important d'après ce que tu dis. Et comment justement on peut encourager ça ? de décloisonner, diversifier ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment rester dans ce sens-là, utiliser, ne pas se refermer. On a été obligés, au début, d'être un petit peu anti-charrues, d'une certaine manière. C'est pour ça que je suis sorti assez rapidement du terme non-labours, non-hôtel. Parce que pour moi, c'est des approches négatives. Pour aller plus vers du pro, pro qualité du sol, pro couvert végétaux, pro diversité, pro... Je discutais avec un agriculteur qui venait, entre guillemets, me remercier tout à l'heure. Il avait des étincelles dans les yeux. Il me dit, mais c'est génial l'agriculture, j'adore ce que je fais. Pro agriculteur heureux. C'est... Et en fait, aujourd'hui, l'agriculteur de conservation en France a les moyens d'accepter ses promis et surtout pas s'enfermer. Et ce serait ridicule de passer par un label parce que tous les labels ont des approches. Voilà, je fais bien parce que je ne fais plus quelque chose qui est censé être négatif. Et donc on... on est sur une communication sur le négatif pour prouver qu'on est bon sur le reste. C'est plutôt destructeur et ça encourage la grivaching. Au contraire, tout le monde doit essayer de faire bien. Il n'y a pas de système agricole qui n'est pas sans impact. C'est que chacun essaye de minimiser les impacts et devienne... Je dirais créateur et applicateur de bon sens agronomique, de bon sens écologique, en acceptant qu'il n'est pas parfait. Mais c'est cette multiplication et de cette diversité qui fera qu'il pourra vraiment continuer de progresser de main et surtout étendre des bonnes pratiques à l'ensemble des agriculteurs. Ce n'est pas un élite. qui doit aller bien. C'est l'ensemble de l'agriculture qui doit progresser.

  • Speaker #0

    C'est une belle phrase de fin. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien. Au grand plaisir.

  • Speaker #0

    Bon salon. À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci. Toi aussi.

Description

L'agriculture régénératrice en France : d'où est-ce qu'on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Suit-on une trajectoire encourageante ? Quels sont les points, les lacunes sur lesquels il faut encore travailler ? Où en sont les autres pays qui nous entourent ?


Frédéric Thomas est agriculteur, pionnier de l'agriculture régénératrice depuis 1989, fondateur et éditeur de la revue agronomique TCS, et a écrit plusieurs livres sur l'agroécologie. Grâce à sa longue expérience internationale, il nous permet de prendre de la hauteur sur l'état des lieux de l'agroécologie en France.


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frédéric.

  • Speaker #1

    Bonjour Ingrid.

  • Speaker #0

    On est en direct du salon InnovaGrill 2024 lors d'une petite alcalmie de pluie et donc on en profite pour faire un podcast d'éco des campagnes. Très bien. Donc le sujet aujourd'hui ce serait de prendre un peu de recul et de profiter de toutes les années d'expérience en agroécologie et en transition agricole pour prendre un pas de côté et se demander quel est le bilan aujourd'hui, d'où on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

  • Speaker #1

    Donc, Frédéric Thomas, moi je suis agriculteur dans le centre de la France, en Sologne. Des terrains assez pauvres, le sable, sur des argiles imperméables, des zones qui sont en déprise agricole depuis quasiment 80 ans. Donc, la rentabilité est très compliquée. C'est en partie pour ça qu'on est... s'est dirigé vers l'agriculture de conservation. Je suis également le rédacteur en chef de la revue TCS que j'ai créée, voilà, il y a une petite trentaine d'années. Puis j'interviens un peu partout en France, auprès de groupes d'agriculteurs, de techniciens, j'ai même un peu d'activités à l'étranger, donc principalement en Europe, en Angleterre. Je vais aussi... assez annuellement aux Antilles, avec un institut des techniques tropicales où on travaille sur la banane, la canne à sucre et les cultures qu'on appelle de diversité.

  • Speaker #0

    Très bien, merci. Alors ma première question était, depuis une trentaine d'années, en France notamment, d'où est-ce qu'on est parti en agroécologie et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    C'est une question assez complexe. On va être forcément réducteur dans la réponse. Il faudrait prendre certainement beaucoup plus de temps qu'un podcast. Je pense que l'agriculture conventionnelle a toujours été critiquée, quel que soit le moment ou l'époque. Elle a été très utile en termes de production. On voyait bien les avantages. Je viens de l'agriculture conventionnelle, fertilisation, phyto, travail du sol, sécurisation de la production. Et la première réaction d'une partie des agriculteurs ou des techniciens ou des encadrants, c'était de regarder l'agriculture biologique. C'était plutôt la partie phyto qui était... qui était le côté dégradant. Et en fait, depuis assez longtemps, on sait que c'est quand même, pour certains réseaux d'agriculteurs, que c'est le travail du sol qui a un énorme impact. Et donc, quelques agriculteurs informés, dont je faisais partie, ou je fais encore partie, était conscient que si on pouvait supprimer ou limiter le travail du sol on aurait énormément de bénéfices mais on savait pas faire on n'avait pas les outils et l'arrivée à l'époque des premières solutions chimiques avec le paraquat et ensuite avec le glyphosate a permis d'éliminer assez facilement la végétation à la surface du sol et se dire là on a certainement les moyens de limiter voire supprimer le travail du sol parce qu'on sait arrêter la végétation sans gratter ou sans retourner.

  • Speaker #0

    Et est-ce que selon toi, tout ce qu'on a réalisé depuis ces années-là, est-ce que c'est encourageant ? Est-ce qu'on a eu de grandes réussites ? Est-ce qu'on a des points, des grosses lacunes sur lesquelles il faut encore travailler ?

  • Speaker #1

    Alors... C'est extrêmement encourageant parce qu'en fait, on a quand même réussi à installer un troisième mouvement. Donc l'agriculture conventionnelle, l'agriculture biologique et l'agriculture de conservation des sols. Dans le système agricole aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a... pas de dossier de recherche ou dans lequel on challenge pas et qu'est-ce qu'est la place ou comment on peut mettre de l'agriculture de conservation dedans. Les bénéfices globaux de l'agriculture de conservation commencent à être bien bien Comme mise en avant, hier par exemple, il y avait dans la fosse ici à Inuvagri, Lionel Adeto, qui à travers le projet Bagages a montré des capacités d'infiltration qui sont extrêmement importantes. On parle de 60 à 100 mm heure d'augmentation de capacité d'infiltration dans des sols du sud-ouest. C'est énorme, on n'est pas en train de jouer sur des petits bouts. On voit bien que le dossier carbone, on coche énormément de points avec cette agriculture-là, des économies d'énergie jusqu'à la séquestration du CO2 sous forme de matière organique, où il est beaucoup plus utile dans le sol, en termes de biodiversité, en termes de productivité, en termes de management d'eau. Oui, aujourd'hui, on y voit clair. Aujourd'hui, on y voit beaucoup plus clair en matière de savoir-faire. qui peut permettre, aujourd'hui il y a aussi le matériel qui s'est adapté, qui fait que, je dirais, transiter me paraît assez facile, et donc je ne vois pas pourquoi beaucoup plus d'agriculteurs ne pourraient pas s'engager dans cette direction. Si on refait un peu l'histoire, Voilà, 40-35 ans, c'était quand même beaucoup plus aventureux parce que là, il fallait partir avec des outils un peu bricolés. On avait beaucoup d'envie, presque des utopies, mais le savoir-faire n'était pas là. Il y a eu des échecs sur la route, mais on a énormément appris. Et aujourd'hui, l'agriculture de conservation, avec les réseaux, avec la revue qu'on a mis en place, TCS, avec les associations, avec toute la dynamique qui s'est mise autour, est quand même bien installée sur le territoire français. Et je pense qu'on est peut-être à la veille d'une forme de basculement qui peut être intéressant.

  • Speaker #0

    Et justement, si on résume... Tout ce savoir-faire, toutes ces connaissances qui sont en train de grandir et de conquérir d'autres territoires, toute cette manière de voir plus clair dans la transition, si tu pouvais citer trois, quatre points clés qui ont vraiment aidé. Tu parlais du mouvement d'association, tu parlais des médias, etc. Est-ce qu'il y a d'autres points clés sur lesquels on peut s'appuyer justement pour aller encore plus loin et continuer cette dynamique qui est encourageante ?

  • Speaker #1

    Alors, pour aller plus loin, là il y a déjà un événement qui a été assez intéressant à l'automne dernier, c'est que depuis 2015, l'agriculture de conservation, qui est quand même assez dépendante des phytos et du glyphosate, et bien qu'on arrive à en limiter les utilisations, mais elle était sous l'épée de Damoclès de la suppression de l'utilisation du glyphosate, et là, une autorisation pour 10 ans libère un petit peu les esprits, donc ça, ça donne du champ. Ah bon, est-ce que je dois investir dans un outil, parce que demain, on me supprime un autre outil qui me permet de transiter ? Il faut bien voir que... Tout ça, c'est des outils qui peuvent permettre aux agriculteurs de s'engager avec une certaine forme de parachute, limiter les risques de la transition. Ensuite, je dirais que les moyens de fer sont assez bien maîtrisés par pas mal d'acteurs dans le cadre de l'encadrement. C'est peut-être les mettre plus en avant et faire en sorte que les agriculteurs puissent faire plus de travail. que de plus en plus d'agriculteurs soient en contact, viennent à des formations, soit sur le terrain, soit accompagnés différemment. Ça veut dire aussi qu'il faut qu'on arrive à changer, et ça, ça s'amorce, l'approche top-down, c'est-à-dire que c'est une recherche classique avec une courroie de transmission, et l'agriculteur est plus un applicateur. On est plus dans une approche... bottom-up ou une approche plutôt horizontale, où c'est une discussion et un accompagnement entre des gens qui ont une certaine logistique, une certaine éventuellement réticence, un niveau de connaissance, et des gens qui peuvent apporter des niveaux agronomiques, mécanisation, gestion de fertilisation, gestion du salissement à côté. et trouver à chaque fois les meilleures solutions au moment, pour éviter d'être dans l'idéologie. Parce que l'idéologie est très compliquée, ça ne marche généralement pas. Et puis après, d'aller vers des systèmes d'approche où ce n'est plus un modèle. Et ça, c'est certainement la grosse difficulté, parce que, qu'on soit au niveau politique, ou au niveau recherche ou accompagnement, souvent on recherche un modèle qui est mis en avant par rapport aux autres, parce qu'il a tel avantage. Non, l'agriculture est extrêmement plurielle. Si on garde rien qu'à l'échelle française, on va produire de la lavande, de la vigne, du blé, des baies de crave, des vaches laitières. en montagne avec eux on produit même aussi des bananes de la canne à sucre du riz bon on est dans des conditions pédoclimatiques complètement différentes donc il faut arriver à faire rentrer dans toutes ces productions là des approches un peu agroécologisante dont beaucoup sont viennent de l'agriculture de conservation mais pas que en essayant de trouver des compromis Par rapport aux productions, je vais prendre l'exemple de la pomme de terre. Ma foi, sauf que ça se voit qu'on ne sait pas produire des pommes de terre sans travail du sol. Donc non, ma foi, on va continuer à travailler le sol, ou sinon on arrête de manger des pommes de terre, de la purée, des frites, des chips, etc. Mais on va continuer à avoir du travail du sol, avec un impact qui est assez fort. Par contre, il faut qu'on arrive à mettre avant et après la pomme de terre. des approches de régénération des sols, de soutien, pour faire en sorte que la culture de la pomme de terre soit le moins destructif ou impactant possible, et après qu'on soit dans des phases de régénération. Pareil avec des cultures où on a très peu de production de biomasse, comme le maraîchage, ou je citais la lavande, ou les plantes à parfum, on est sur des petits buissons ridicules, et là en termes de biomasse on ne produit rien. donc obligatoirement il nous faut des couverts entre les rangs, il nous faut des couverts avant, des couverts après, pour arriver à augmenter la pionmasse, l'enracinement, et surtout diminuer le travail de sol. Donc c'est toute cette diversité-là qu'il faut arriver à mettre en place et accepter que c'est cette diversité d'agriculture, mais aussi de façon de faire d'agriculteur, qui enrichira le système. Et en fait transformer une partie de l'agriculture française en Living Lab et faire en sorte que ce qu'on va découvrir sur les milliers de fermes qui font tous un petit peu différent des cendrillon d'approche agronomique technique de mécanisation qui peuvent venir entrer sur d'autres fermes parce que ils ont prouvé être efficace ou être également le carburant de réflexion pour aller plus loin dans d'autres productions. J'aime bien citer à ce niveau-là la viticulture. J'ai de la chance de travailler un petit peu dans ce domaine-là. Et en fait, lorsque je rentre en viticulture, mes approches que j'ai dans la production conventionnelle de blé et de maïs, je m'adapte à une culture pérenne qui est différente. Est-ce qu'on a pu travailler en viticulture ? Aujourd'hui, on la met dans des cultures pérennes comme la lavande, parce que c'est des productions différentes, mais ils ont les mêmes problématiques d'une certaine manière. Donc on arrive à les corriger un peu avec des informations ou un savoir-faire d'agriculture de conservation. Donc c'est accepter cette pluralité et accepter qu'il n'y a pas un modèle. Et ça, ça va être un effort important.

  • Speaker #0

    Et tu disais que tu voyageais... pas mal, notamment en Angleterre, aussi aux Etats-Unis et en Europe. Est-ce qu'il y a des pays qui sont très avancés en agroécologie, selon toi, et qu'est-ce qui fait qu'eux sont avancés ?

  • Speaker #1

    Alors, je vais te surprendre par ma réponse. Disons que j'ai la chance de voyager, et j'ai toujours beaucoup voyagé. Je rentre d'ailleurs deux ou trois semaines aux Etats-Unis. Bon, on va voir un peu des noyaux de recherche de gens qui avancent sur ce dossier-là. En fait, les évolutions ne se font pas de manière linéaire, elles se font de manière, disons, ponctuelle. Et puis après, il y a des fois des stagnations, des régressions, et ça repart. Chaque pays est un petit peu différent. J'aimerais bien en citer plusieurs. Le premier, certainement les États-Unis, que je connais bien. Beaucoup de gens sont passés en semi-direct. parce que c'est des grandes exploitations. Au Canada, si on cultive 2, 3, 10 000 hectares, on voit tout de suite l'intérêt d'être en semi-direct. On voit même l'intérêt d'écarter les éléments semeurs parce qu'en fait, en doublant la distance entre les éléments semeurs, on passe de 12 mètres à 24 mètres avec le même tracteur de semoir, avec le même tracteur de vent. Donc, ce qui donne une amélioration de l'efficacité. Par contre, la majorité sont restées dans... Des approches simplement réduction au travail du sol, avec des rotations Midwest, maïs, soja, qui restent une rotation qui n'est pas vraiment une rotation. Alors il y a quelques noyaux de gens qui réfléchissent hors du cadre. C'est sur cela que j'aime me voir. On va retrouver un peu la même approche au Brésil, où ils sont rentrés et ils avaient une agriculture un petit peu, on va dire... arriéré dans les années 50-60. Et en fait, ils ont fait la révolution agricole que nous, on a fait dans les années 60 sur un fond de semi-direct. On a amené de la génétique, on a amené des intrants, on a amené de la mécanisation nouvelle et du semi-direct. Et en fait, c'est comme si nous, la révolution des années 50-60, on l'avait fait en abandonnant la charrue et en mettant tout le reste de la propre. Et donc aujourd'hui, la grande majorité fait de l'agriculture conventionnelle en semi-direct. Alors, est-ce que c'est de l'agroécologie ? Heureusement déjà qu'ils font du semi-direct, parce que sinon, il ne ferait plus d'agriculture. Vu les niveaux d'érosion, c'est l'érosion qui a été le gros moteur de la suppression du travail du sol. Ils ont essayé de terrasser, mais les terrasses ne tiennent pas. Et quand les terrasses dégringolent, c'est toute la colline qui dégringole. Et puis, il y a... deux pays qui ont bien avancé sur la situation de l'agriculture de conservation et de l'agroécologie. En fait, l'agriculture de conservation a été un petit peu le socle sur lequel s'est construit la diversité, la qualité des sols, etc. Donc le premier, c'est la Suisse, où il y avait des aides spécifiques, mais de manière assez conséquente, sur le semi-direct, sur les couverts, et c'est un petit peu à la carte. Et le modèle suisse est assez intéressant avec des plateformes de recherche comme Oberacker par les Allemands dans le secteur de Berne qui a été mis en place en 1994. Donc mettre en place une plateforme avec 6 cultures par an, dont de la betterave à sucre, du maïs, voire des pommes de terre au départ avec une comparaison laboureuse et semi-directe. Et semi-directe à l'époque, c'était assez... comment... aventureux. Donc on va faire... C'était les 30 ans d'Auberacœur en juin 2025. C'est une belle réussite. Ça nous a apporté énormément d'informations et de résultats. C'était repris et c'est là que la Suisse est un peu un carrefour par la partie française, enfin française romane. Et Nicolas Courtois qui a apporté énormément d'infos sur les couverts, qui a appliqué un peu ce qu'il voyait, ce qui se passait en France et qui a apporté ça en Suisse. comme la Suisse est un peu le carrefour entre la partie alémanique et la partie romane, ça a apporté des choses assez intéressantes. Le deuxième pays qui a vraiment bougé, c'est la France. Et on est vraiment les leaders aujourd'hui au niveau européen des pratiques là-dessus. Alors pour certainement différentes raisons, parce qu'on est aussi un carrefour entre différents mondes. les anglo-saxons qui nous apportent souvent la mécanisation moi je suis rentré en France dans ces techniques là avec Porsche qui apportait du matériel bon on est on est aussi en relation assez facilement avec l'Espagne et tout ça avec l'Amérique du Sud et puis avec l'Amérique du Nord et donc en relation aussi avec l'Amérique du Nord à travers les Québécois Donc en fait on est une forme de carrefour, ce qui a permis d'aller chercher des informations. Ensuite la France, on a conservé une agriculture avec des petites exploitations où la majorité des agriculteurs sont propriétaires de leur sol. Ce sont également les acteurs au quotidien, c'est eux qui conduisent l'autre acteur, qui prennent les décisions, qui voient leur sol, etc. Et donc, ça a aidé à être sensibilisé un petit peu aux techniques. C'est aussi, et si on peut le critiquer, quelquefois, on a un millefeuille avec les chambres, les syndicats, les coopératives et tout ça. ça a permis une certaine temporisation et aussi la création d'associations comme la PAD, comme BASE qui se sont permis d'aller chercher des informations un peu partout sur la planète et des rapportés sur le territoire et de mutualiser un peu les tentatives les orientations, les essais que pouvaient faire tous les agriculteurs de ces réseaux-là C'est aussi le travail que l'on a fait avec la revue, de transférer et de stimuler tout un tas d'informations. En France, on a eu une forme de bouillon de culture et d'émulation qui, aujourd'hui, nous positionne vraiment comme leader globalement, avec des avancées techniques qui sont assez exceptionnelles. le côté couvert végétaux lorsque je présente aujourd'hui la méthode Merci qui se traduit en anglais par Google pour Thank You Method, ça fait palir d'envie tous les gens que je peux rencontrer. Comme je disais, j'étais aux Etats-Unis cet été, quand je leur montre ce qu'on peut arriver à tirer et à chiffrer sur un couvert végétal, c'est extraordinaire, comment vous faites ? Mais non, aujourd'hui, c'est un truc qui est extrêmement utile, qui a plus de 10 ans d'existence, et qui est une belle référence. Le colza associé est une super invention des réseaux français. C'est à travers les mélanges de couverts végétaux qu'on s'est dit, ma foi, les colzas s'en sortent bien au milieu des couverts. Pourquoi on ne s'aimerait pas, nous, au Colza, de cette manière-là ? Et aujourd'hui, c'est en train de s'écarter, surtout. Il y a la culture du blé sur recouvert permanent de luzerne. Pareil, on a un collègue danois qui est en train de tenter ça avec succès. Et donc, oui, c'est les agriculteurs français qui ont mis au point un peu toutes ces petites choses-là qui fait qu'aujourd'hui... On a beaucoup de gens qui viennent même nous voir. C'est terrible, même là j'ai une demande d'argentin. C'est surprenant qu'ils viennent nous voir pour comprendre ce qui est en train de se passer. Il y a un pays qui est en train de bien bouger, c'est l'Angleterre. Et là, nos collègues anglais ont été un peu sur le tard. Ils bloquaient un peu avec le côté économique. Semer un couvert, coûte des sous sur des grosses exploitations, commencer mon retour sur investissement. Et c'est bien le terme investissement. À partir du moment où ils ont compris que c'était un investissement et non un coût, ça a changé un peu et on commence à avoir de bons résultats en Angleterre et une belle émulation collective. Et là, leur sortie d'Europe économique a fait que... Oh, bon. miraculeusement, les aides à l'agriculture ont été complètement modifiées, et elles sont assez agri-écologisantes, et elles correspondent pratiquement à certains de mes collègues anglais. Est-ce que tu as soufflé au ministère de l'agriculture les formes de subventions qu'on ne pourra avoir ? Rien, je n'ai aucune influence sur le dossier, mais quand on voit la carte, on en rêverait. Donc ça va être certainement intéressant de voir comment évolue l'agriculture anglaise avec un accompagnement d'aides complètement différents, maintenant qu'ils sont sortis de l'Europe, économiques encore une fois. On risque d'avoir des informations intéressantes qui viennent de l'Angleterre. Donc ça, après, les Allemands, non, sont... Reste cette prémécanisation. Les Espagnols, qu'on aurait énormément besoin par rapport à la gestion de l'eau, ils sont tellement dans la limitation des comptes. que sortir quelques euros et investir un peu dans la fertilité et les couverts sont bloqués. Les Italiens, c'est un peu pareil. On commence à avoir des pays de l'Est, comme la Pologne, comme la Roumanie, où on a des îlots de gars qui commencent à s'investir correctement. Donc oui, c'est en train de prendre un peu de place. Mais je dirais qu'on a encore énormément de progrès en France et énormément d'idées à mettre en place, à nous de continuer notre développement et ne pas perdre le lead.

  • Speaker #0

    Et justement, j'ai l'impression que la notion de diversité, à la fois à l'échelle des exploitations, diversité d'exploitation, diversité d'associations, d'acteurs qui lancent des mouvements, etc., c'est très important d'après ce que tu dis. Et comment justement on peut encourager ça ? de décloisonner, diversifier ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment rester dans ce sens-là, utiliser, ne pas se refermer. On a été obligés, au début, d'être un petit peu anti-charrues, d'une certaine manière. C'est pour ça que je suis sorti assez rapidement du terme non-labours, non-hôtel. Parce que pour moi, c'est des approches négatives. Pour aller plus vers du pro, pro qualité du sol, pro couvert végétaux, pro diversité, pro... Je discutais avec un agriculteur qui venait, entre guillemets, me remercier tout à l'heure. Il avait des étincelles dans les yeux. Il me dit, mais c'est génial l'agriculture, j'adore ce que je fais. Pro agriculteur heureux. C'est... Et en fait, aujourd'hui, l'agriculteur de conservation en France a les moyens d'accepter ses promis et surtout pas s'enfermer. Et ce serait ridicule de passer par un label parce que tous les labels ont des approches. Voilà, je fais bien parce que je ne fais plus quelque chose qui est censé être négatif. Et donc on... on est sur une communication sur le négatif pour prouver qu'on est bon sur le reste. C'est plutôt destructeur et ça encourage la grivaching. Au contraire, tout le monde doit essayer de faire bien. Il n'y a pas de système agricole qui n'est pas sans impact. C'est que chacun essaye de minimiser les impacts et devienne... Je dirais créateur et applicateur de bon sens agronomique, de bon sens écologique, en acceptant qu'il n'est pas parfait. Mais c'est cette multiplication et de cette diversité qui fera qu'il pourra vraiment continuer de progresser de main et surtout étendre des bonnes pratiques à l'ensemble des agriculteurs. Ce n'est pas un élite. qui doit aller bien. C'est l'ensemble de l'agriculture qui doit progresser.

  • Speaker #0

    C'est une belle phrase de fin. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien. Au grand plaisir.

  • Speaker #0

    Bon salon. À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci. Toi aussi.

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L'agriculture régénératrice en France : d'où est-ce qu'on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Suit-on une trajectoire encourageante ? Quels sont les points, les lacunes sur lesquels il faut encore travailler ? Où en sont les autres pays qui nous entourent ?


Frédéric Thomas est agriculteur, pionnier de l'agriculture régénératrice depuis 1989, fondateur et éditeur de la revue agronomique TCS, et a écrit plusieurs livres sur l'agroécologie. Grâce à sa longue expérience internationale, il nous permet de prendre de la hauteur sur l'état des lieux de l'agroécologie en France.


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frédéric.

  • Speaker #1

    Bonjour Ingrid.

  • Speaker #0

    On est en direct du salon InnovaGrill 2024 lors d'une petite alcalmie de pluie et donc on en profite pour faire un podcast d'éco des campagnes. Très bien. Donc le sujet aujourd'hui ce serait de prendre un peu de recul et de profiter de toutes les années d'expérience en agroécologie et en transition agricole pour prendre un pas de côté et se demander quel est le bilan aujourd'hui, d'où on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

  • Speaker #1

    Donc, Frédéric Thomas, moi je suis agriculteur dans le centre de la France, en Sologne. Des terrains assez pauvres, le sable, sur des argiles imperméables, des zones qui sont en déprise agricole depuis quasiment 80 ans. Donc, la rentabilité est très compliquée. C'est en partie pour ça qu'on est... s'est dirigé vers l'agriculture de conservation. Je suis également le rédacteur en chef de la revue TCS que j'ai créée, voilà, il y a une petite trentaine d'années. Puis j'interviens un peu partout en France, auprès de groupes d'agriculteurs, de techniciens, j'ai même un peu d'activités à l'étranger, donc principalement en Europe, en Angleterre. Je vais aussi... assez annuellement aux Antilles, avec un institut des techniques tropicales où on travaille sur la banane, la canne à sucre et les cultures qu'on appelle de diversité.

  • Speaker #0

    Très bien, merci. Alors ma première question était, depuis une trentaine d'années, en France notamment, d'où est-ce qu'on est parti en agroécologie et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    C'est une question assez complexe. On va être forcément réducteur dans la réponse. Il faudrait prendre certainement beaucoup plus de temps qu'un podcast. Je pense que l'agriculture conventionnelle a toujours été critiquée, quel que soit le moment ou l'époque. Elle a été très utile en termes de production. On voyait bien les avantages. Je viens de l'agriculture conventionnelle, fertilisation, phyto, travail du sol, sécurisation de la production. Et la première réaction d'une partie des agriculteurs ou des techniciens ou des encadrants, c'était de regarder l'agriculture biologique. C'était plutôt la partie phyto qui était... qui était le côté dégradant. Et en fait, depuis assez longtemps, on sait que c'est quand même, pour certains réseaux d'agriculteurs, que c'est le travail du sol qui a un énorme impact. Et donc, quelques agriculteurs informés, dont je faisais partie, ou je fais encore partie, était conscient que si on pouvait supprimer ou limiter le travail du sol on aurait énormément de bénéfices mais on savait pas faire on n'avait pas les outils et l'arrivée à l'époque des premières solutions chimiques avec le paraquat et ensuite avec le glyphosate a permis d'éliminer assez facilement la végétation à la surface du sol et se dire là on a certainement les moyens de limiter voire supprimer le travail du sol parce qu'on sait arrêter la végétation sans gratter ou sans retourner.

  • Speaker #0

    Et est-ce que selon toi, tout ce qu'on a réalisé depuis ces années-là, est-ce que c'est encourageant ? Est-ce qu'on a eu de grandes réussites ? Est-ce qu'on a des points, des grosses lacunes sur lesquelles il faut encore travailler ?

  • Speaker #1

    Alors... C'est extrêmement encourageant parce qu'en fait, on a quand même réussi à installer un troisième mouvement. Donc l'agriculture conventionnelle, l'agriculture biologique et l'agriculture de conservation des sols. Dans le système agricole aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a... pas de dossier de recherche ou dans lequel on challenge pas et qu'est-ce qu'est la place ou comment on peut mettre de l'agriculture de conservation dedans. Les bénéfices globaux de l'agriculture de conservation commencent à être bien bien Comme mise en avant, hier par exemple, il y avait dans la fosse ici à Inuvagri, Lionel Adeto, qui à travers le projet Bagages a montré des capacités d'infiltration qui sont extrêmement importantes. On parle de 60 à 100 mm heure d'augmentation de capacité d'infiltration dans des sols du sud-ouest. C'est énorme, on n'est pas en train de jouer sur des petits bouts. On voit bien que le dossier carbone, on coche énormément de points avec cette agriculture-là, des économies d'énergie jusqu'à la séquestration du CO2 sous forme de matière organique, où il est beaucoup plus utile dans le sol, en termes de biodiversité, en termes de productivité, en termes de management d'eau. Oui, aujourd'hui, on y voit clair. Aujourd'hui, on y voit beaucoup plus clair en matière de savoir-faire. qui peut permettre, aujourd'hui il y a aussi le matériel qui s'est adapté, qui fait que, je dirais, transiter me paraît assez facile, et donc je ne vois pas pourquoi beaucoup plus d'agriculteurs ne pourraient pas s'engager dans cette direction. Si on refait un peu l'histoire, Voilà, 40-35 ans, c'était quand même beaucoup plus aventureux parce que là, il fallait partir avec des outils un peu bricolés. On avait beaucoup d'envie, presque des utopies, mais le savoir-faire n'était pas là. Il y a eu des échecs sur la route, mais on a énormément appris. Et aujourd'hui, l'agriculture de conservation, avec les réseaux, avec la revue qu'on a mis en place, TCS, avec les associations, avec toute la dynamique qui s'est mise autour, est quand même bien installée sur le territoire français. Et je pense qu'on est peut-être à la veille d'une forme de basculement qui peut être intéressant.

  • Speaker #0

    Et justement, si on résume... Tout ce savoir-faire, toutes ces connaissances qui sont en train de grandir et de conquérir d'autres territoires, toute cette manière de voir plus clair dans la transition, si tu pouvais citer trois, quatre points clés qui ont vraiment aidé. Tu parlais du mouvement d'association, tu parlais des médias, etc. Est-ce qu'il y a d'autres points clés sur lesquels on peut s'appuyer justement pour aller encore plus loin et continuer cette dynamique qui est encourageante ?

  • Speaker #1

    Alors, pour aller plus loin, là il y a déjà un événement qui a été assez intéressant à l'automne dernier, c'est que depuis 2015, l'agriculture de conservation, qui est quand même assez dépendante des phytos et du glyphosate, et bien qu'on arrive à en limiter les utilisations, mais elle était sous l'épée de Damoclès de la suppression de l'utilisation du glyphosate, et là, une autorisation pour 10 ans libère un petit peu les esprits, donc ça, ça donne du champ. Ah bon, est-ce que je dois investir dans un outil, parce que demain, on me supprime un autre outil qui me permet de transiter ? Il faut bien voir que... Tout ça, c'est des outils qui peuvent permettre aux agriculteurs de s'engager avec une certaine forme de parachute, limiter les risques de la transition. Ensuite, je dirais que les moyens de fer sont assez bien maîtrisés par pas mal d'acteurs dans le cadre de l'encadrement. C'est peut-être les mettre plus en avant et faire en sorte que les agriculteurs puissent faire plus de travail. que de plus en plus d'agriculteurs soient en contact, viennent à des formations, soit sur le terrain, soit accompagnés différemment. Ça veut dire aussi qu'il faut qu'on arrive à changer, et ça, ça s'amorce, l'approche top-down, c'est-à-dire que c'est une recherche classique avec une courroie de transmission, et l'agriculteur est plus un applicateur. On est plus dans une approche... bottom-up ou une approche plutôt horizontale, où c'est une discussion et un accompagnement entre des gens qui ont une certaine logistique, une certaine éventuellement réticence, un niveau de connaissance, et des gens qui peuvent apporter des niveaux agronomiques, mécanisation, gestion de fertilisation, gestion du salissement à côté. et trouver à chaque fois les meilleures solutions au moment, pour éviter d'être dans l'idéologie. Parce que l'idéologie est très compliquée, ça ne marche généralement pas. Et puis après, d'aller vers des systèmes d'approche où ce n'est plus un modèle. Et ça, c'est certainement la grosse difficulté, parce que, qu'on soit au niveau politique, ou au niveau recherche ou accompagnement, souvent on recherche un modèle qui est mis en avant par rapport aux autres, parce qu'il a tel avantage. Non, l'agriculture est extrêmement plurielle. Si on garde rien qu'à l'échelle française, on va produire de la lavande, de la vigne, du blé, des baies de crave, des vaches laitières. en montagne avec eux on produit même aussi des bananes de la canne à sucre du riz bon on est dans des conditions pédoclimatiques complètement différentes donc il faut arriver à faire rentrer dans toutes ces productions là des approches un peu agroécologisante dont beaucoup sont viennent de l'agriculture de conservation mais pas que en essayant de trouver des compromis Par rapport aux productions, je vais prendre l'exemple de la pomme de terre. Ma foi, sauf que ça se voit qu'on ne sait pas produire des pommes de terre sans travail du sol. Donc non, ma foi, on va continuer à travailler le sol, ou sinon on arrête de manger des pommes de terre, de la purée, des frites, des chips, etc. Mais on va continuer à avoir du travail du sol, avec un impact qui est assez fort. Par contre, il faut qu'on arrive à mettre avant et après la pomme de terre. des approches de régénération des sols, de soutien, pour faire en sorte que la culture de la pomme de terre soit le moins destructif ou impactant possible, et après qu'on soit dans des phases de régénération. Pareil avec des cultures où on a très peu de production de biomasse, comme le maraîchage, ou je citais la lavande, ou les plantes à parfum, on est sur des petits buissons ridicules, et là en termes de biomasse on ne produit rien. donc obligatoirement il nous faut des couverts entre les rangs, il nous faut des couverts avant, des couverts après, pour arriver à augmenter la pionmasse, l'enracinement, et surtout diminuer le travail de sol. Donc c'est toute cette diversité-là qu'il faut arriver à mettre en place et accepter que c'est cette diversité d'agriculture, mais aussi de façon de faire d'agriculteur, qui enrichira le système. Et en fait transformer une partie de l'agriculture française en Living Lab et faire en sorte que ce qu'on va découvrir sur les milliers de fermes qui font tous un petit peu différent des cendrillon d'approche agronomique technique de mécanisation qui peuvent venir entrer sur d'autres fermes parce que ils ont prouvé être efficace ou être également le carburant de réflexion pour aller plus loin dans d'autres productions. J'aime bien citer à ce niveau-là la viticulture. J'ai de la chance de travailler un petit peu dans ce domaine-là. Et en fait, lorsque je rentre en viticulture, mes approches que j'ai dans la production conventionnelle de blé et de maïs, je m'adapte à une culture pérenne qui est différente. Est-ce qu'on a pu travailler en viticulture ? Aujourd'hui, on la met dans des cultures pérennes comme la lavande, parce que c'est des productions différentes, mais ils ont les mêmes problématiques d'une certaine manière. Donc on arrive à les corriger un peu avec des informations ou un savoir-faire d'agriculture de conservation. Donc c'est accepter cette pluralité et accepter qu'il n'y a pas un modèle. Et ça, ça va être un effort important.

  • Speaker #0

    Et tu disais que tu voyageais... pas mal, notamment en Angleterre, aussi aux Etats-Unis et en Europe. Est-ce qu'il y a des pays qui sont très avancés en agroécologie, selon toi, et qu'est-ce qui fait qu'eux sont avancés ?

  • Speaker #1

    Alors, je vais te surprendre par ma réponse. Disons que j'ai la chance de voyager, et j'ai toujours beaucoup voyagé. Je rentre d'ailleurs deux ou trois semaines aux Etats-Unis. Bon, on va voir un peu des noyaux de recherche de gens qui avancent sur ce dossier-là. En fait, les évolutions ne se font pas de manière linéaire, elles se font de manière, disons, ponctuelle. Et puis après, il y a des fois des stagnations, des régressions, et ça repart. Chaque pays est un petit peu différent. J'aimerais bien en citer plusieurs. Le premier, certainement les États-Unis, que je connais bien. Beaucoup de gens sont passés en semi-direct. parce que c'est des grandes exploitations. Au Canada, si on cultive 2, 3, 10 000 hectares, on voit tout de suite l'intérêt d'être en semi-direct. On voit même l'intérêt d'écarter les éléments semeurs parce qu'en fait, en doublant la distance entre les éléments semeurs, on passe de 12 mètres à 24 mètres avec le même tracteur de semoir, avec le même tracteur de vent. Donc, ce qui donne une amélioration de l'efficacité. Par contre, la majorité sont restées dans... Des approches simplement réduction au travail du sol, avec des rotations Midwest, maïs, soja, qui restent une rotation qui n'est pas vraiment une rotation. Alors il y a quelques noyaux de gens qui réfléchissent hors du cadre. C'est sur cela que j'aime me voir. On va retrouver un peu la même approche au Brésil, où ils sont rentrés et ils avaient une agriculture un petit peu, on va dire... arriéré dans les années 50-60. Et en fait, ils ont fait la révolution agricole que nous, on a fait dans les années 60 sur un fond de semi-direct. On a amené de la génétique, on a amené des intrants, on a amené de la mécanisation nouvelle et du semi-direct. Et en fait, c'est comme si nous, la révolution des années 50-60, on l'avait fait en abandonnant la charrue et en mettant tout le reste de la propre. Et donc aujourd'hui, la grande majorité fait de l'agriculture conventionnelle en semi-direct. Alors, est-ce que c'est de l'agroécologie ? Heureusement déjà qu'ils font du semi-direct, parce que sinon, il ne ferait plus d'agriculture. Vu les niveaux d'érosion, c'est l'érosion qui a été le gros moteur de la suppression du travail du sol. Ils ont essayé de terrasser, mais les terrasses ne tiennent pas. Et quand les terrasses dégringolent, c'est toute la colline qui dégringole. Et puis, il y a... deux pays qui ont bien avancé sur la situation de l'agriculture de conservation et de l'agroécologie. En fait, l'agriculture de conservation a été un petit peu le socle sur lequel s'est construit la diversité, la qualité des sols, etc. Donc le premier, c'est la Suisse, où il y avait des aides spécifiques, mais de manière assez conséquente, sur le semi-direct, sur les couverts, et c'est un petit peu à la carte. Et le modèle suisse est assez intéressant avec des plateformes de recherche comme Oberacker par les Allemands dans le secteur de Berne qui a été mis en place en 1994. Donc mettre en place une plateforme avec 6 cultures par an, dont de la betterave à sucre, du maïs, voire des pommes de terre au départ avec une comparaison laboureuse et semi-directe. Et semi-directe à l'époque, c'était assez... comment... aventureux. Donc on va faire... C'était les 30 ans d'Auberacœur en juin 2025. C'est une belle réussite. Ça nous a apporté énormément d'informations et de résultats. C'était repris et c'est là que la Suisse est un peu un carrefour par la partie française, enfin française romane. Et Nicolas Courtois qui a apporté énormément d'infos sur les couverts, qui a appliqué un peu ce qu'il voyait, ce qui se passait en France et qui a apporté ça en Suisse. comme la Suisse est un peu le carrefour entre la partie alémanique et la partie romane, ça a apporté des choses assez intéressantes. Le deuxième pays qui a vraiment bougé, c'est la France. Et on est vraiment les leaders aujourd'hui au niveau européen des pratiques là-dessus. Alors pour certainement différentes raisons, parce qu'on est aussi un carrefour entre différents mondes. les anglo-saxons qui nous apportent souvent la mécanisation moi je suis rentré en France dans ces techniques là avec Porsche qui apportait du matériel bon on est on est aussi en relation assez facilement avec l'Espagne et tout ça avec l'Amérique du Sud et puis avec l'Amérique du Nord et donc en relation aussi avec l'Amérique du Nord à travers les Québécois Donc en fait on est une forme de carrefour, ce qui a permis d'aller chercher des informations. Ensuite la France, on a conservé une agriculture avec des petites exploitations où la majorité des agriculteurs sont propriétaires de leur sol. Ce sont également les acteurs au quotidien, c'est eux qui conduisent l'autre acteur, qui prennent les décisions, qui voient leur sol, etc. Et donc, ça a aidé à être sensibilisé un petit peu aux techniques. C'est aussi, et si on peut le critiquer, quelquefois, on a un millefeuille avec les chambres, les syndicats, les coopératives et tout ça. ça a permis une certaine temporisation et aussi la création d'associations comme la PAD, comme BASE qui se sont permis d'aller chercher des informations un peu partout sur la planète et des rapportés sur le territoire et de mutualiser un peu les tentatives les orientations, les essais que pouvaient faire tous les agriculteurs de ces réseaux-là C'est aussi le travail que l'on a fait avec la revue, de transférer et de stimuler tout un tas d'informations. En France, on a eu une forme de bouillon de culture et d'émulation qui, aujourd'hui, nous positionne vraiment comme leader globalement, avec des avancées techniques qui sont assez exceptionnelles. le côté couvert végétaux lorsque je présente aujourd'hui la méthode Merci qui se traduit en anglais par Google pour Thank You Method, ça fait palir d'envie tous les gens que je peux rencontrer. Comme je disais, j'étais aux Etats-Unis cet été, quand je leur montre ce qu'on peut arriver à tirer et à chiffrer sur un couvert végétal, c'est extraordinaire, comment vous faites ? Mais non, aujourd'hui, c'est un truc qui est extrêmement utile, qui a plus de 10 ans d'existence, et qui est une belle référence. Le colza associé est une super invention des réseaux français. C'est à travers les mélanges de couverts végétaux qu'on s'est dit, ma foi, les colzas s'en sortent bien au milieu des couverts. Pourquoi on ne s'aimerait pas, nous, au Colza, de cette manière-là ? Et aujourd'hui, c'est en train de s'écarter, surtout. Il y a la culture du blé sur recouvert permanent de luzerne. Pareil, on a un collègue danois qui est en train de tenter ça avec succès. Et donc, oui, c'est les agriculteurs français qui ont mis au point un peu toutes ces petites choses-là qui fait qu'aujourd'hui... On a beaucoup de gens qui viennent même nous voir. C'est terrible, même là j'ai une demande d'argentin. C'est surprenant qu'ils viennent nous voir pour comprendre ce qui est en train de se passer. Il y a un pays qui est en train de bien bouger, c'est l'Angleterre. Et là, nos collègues anglais ont été un peu sur le tard. Ils bloquaient un peu avec le côté économique. Semer un couvert, coûte des sous sur des grosses exploitations, commencer mon retour sur investissement. Et c'est bien le terme investissement. À partir du moment où ils ont compris que c'était un investissement et non un coût, ça a changé un peu et on commence à avoir de bons résultats en Angleterre et une belle émulation collective. Et là, leur sortie d'Europe économique a fait que... Oh, bon. miraculeusement, les aides à l'agriculture ont été complètement modifiées, et elles sont assez agri-écologisantes, et elles correspondent pratiquement à certains de mes collègues anglais. Est-ce que tu as soufflé au ministère de l'agriculture les formes de subventions qu'on ne pourra avoir ? Rien, je n'ai aucune influence sur le dossier, mais quand on voit la carte, on en rêverait. Donc ça va être certainement intéressant de voir comment évolue l'agriculture anglaise avec un accompagnement d'aides complètement différents, maintenant qu'ils sont sortis de l'Europe, économiques encore une fois. On risque d'avoir des informations intéressantes qui viennent de l'Angleterre. Donc ça, après, les Allemands, non, sont... Reste cette prémécanisation. Les Espagnols, qu'on aurait énormément besoin par rapport à la gestion de l'eau, ils sont tellement dans la limitation des comptes. que sortir quelques euros et investir un peu dans la fertilité et les couverts sont bloqués. Les Italiens, c'est un peu pareil. On commence à avoir des pays de l'Est, comme la Pologne, comme la Roumanie, où on a des îlots de gars qui commencent à s'investir correctement. Donc oui, c'est en train de prendre un peu de place. Mais je dirais qu'on a encore énormément de progrès en France et énormément d'idées à mettre en place, à nous de continuer notre développement et ne pas perdre le lead.

  • Speaker #0

    Et justement, j'ai l'impression que la notion de diversité, à la fois à l'échelle des exploitations, diversité d'exploitation, diversité d'associations, d'acteurs qui lancent des mouvements, etc., c'est très important d'après ce que tu dis. Et comment justement on peut encourager ça ? de décloisonner, diversifier ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment rester dans ce sens-là, utiliser, ne pas se refermer. On a été obligés, au début, d'être un petit peu anti-charrues, d'une certaine manière. C'est pour ça que je suis sorti assez rapidement du terme non-labours, non-hôtel. Parce que pour moi, c'est des approches négatives. Pour aller plus vers du pro, pro qualité du sol, pro couvert végétaux, pro diversité, pro... Je discutais avec un agriculteur qui venait, entre guillemets, me remercier tout à l'heure. Il avait des étincelles dans les yeux. Il me dit, mais c'est génial l'agriculture, j'adore ce que je fais. Pro agriculteur heureux. C'est... Et en fait, aujourd'hui, l'agriculteur de conservation en France a les moyens d'accepter ses promis et surtout pas s'enfermer. Et ce serait ridicule de passer par un label parce que tous les labels ont des approches. Voilà, je fais bien parce que je ne fais plus quelque chose qui est censé être négatif. Et donc on... on est sur une communication sur le négatif pour prouver qu'on est bon sur le reste. C'est plutôt destructeur et ça encourage la grivaching. Au contraire, tout le monde doit essayer de faire bien. Il n'y a pas de système agricole qui n'est pas sans impact. C'est que chacun essaye de minimiser les impacts et devienne... Je dirais créateur et applicateur de bon sens agronomique, de bon sens écologique, en acceptant qu'il n'est pas parfait. Mais c'est cette multiplication et de cette diversité qui fera qu'il pourra vraiment continuer de progresser de main et surtout étendre des bonnes pratiques à l'ensemble des agriculteurs. Ce n'est pas un élite. qui doit aller bien. C'est l'ensemble de l'agriculture qui doit progresser.

  • Speaker #0

    C'est une belle phrase de fin. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien. Au grand plaisir.

  • Speaker #0

    Bon salon. À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci. Toi aussi.

Description

L'agriculture régénératrice en France : d'où est-ce qu'on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Suit-on une trajectoire encourageante ? Quels sont les points, les lacunes sur lesquels il faut encore travailler ? Où en sont les autres pays qui nous entourent ?


Frédéric Thomas est agriculteur, pionnier de l'agriculture régénératrice depuis 1989, fondateur et éditeur de la revue agronomique TCS, et a écrit plusieurs livres sur l'agroécologie. Grâce à sa longue expérience internationale, il nous permet de prendre de la hauteur sur l'état des lieux de l'agroécologie en France.


Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frédéric.

  • Speaker #1

    Bonjour Ingrid.

  • Speaker #0

    On est en direct du salon InnovaGrill 2024 lors d'une petite alcalmie de pluie et donc on en profite pour faire un podcast d'éco des campagnes. Très bien. Donc le sujet aujourd'hui ce serait de prendre un peu de recul et de profiter de toutes les années d'expérience en agroécologie et en transition agricole pour prendre un pas de côté et se demander quel est le bilan aujourd'hui, d'où on est parti et où est-ce qu'on en est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

  • Speaker #1

    Donc, Frédéric Thomas, moi je suis agriculteur dans le centre de la France, en Sologne. Des terrains assez pauvres, le sable, sur des argiles imperméables, des zones qui sont en déprise agricole depuis quasiment 80 ans. Donc, la rentabilité est très compliquée. C'est en partie pour ça qu'on est... s'est dirigé vers l'agriculture de conservation. Je suis également le rédacteur en chef de la revue TCS que j'ai créée, voilà, il y a une petite trentaine d'années. Puis j'interviens un peu partout en France, auprès de groupes d'agriculteurs, de techniciens, j'ai même un peu d'activités à l'étranger, donc principalement en Europe, en Angleterre. Je vais aussi... assez annuellement aux Antilles, avec un institut des techniques tropicales où on travaille sur la banane, la canne à sucre et les cultures qu'on appelle de diversité.

  • Speaker #0

    Très bien, merci. Alors ma première question était, depuis une trentaine d'années, en France notamment, d'où est-ce qu'on est parti en agroécologie et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    C'est une question assez complexe. On va être forcément réducteur dans la réponse. Il faudrait prendre certainement beaucoup plus de temps qu'un podcast. Je pense que l'agriculture conventionnelle a toujours été critiquée, quel que soit le moment ou l'époque. Elle a été très utile en termes de production. On voyait bien les avantages. Je viens de l'agriculture conventionnelle, fertilisation, phyto, travail du sol, sécurisation de la production. Et la première réaction d'une partie des agriculteurs ou des techniciens ou des encadrants, c'était de regarder l'agriculture biologique. C'était plutôt la partie phyto qui était... qui était le côté dégradant. Et en fait, depuis assez longtemps, on sait que c'est quand même, pour certains réseaux d'agriculteurs, que c'est le travail du sol qui a un énorme impact. Et donc, quelques agriculteurs informés, dont je faisais partie, ou je fais encore partie, était conscient que si on pouvait supprimer ou limiter le travail du sol on aurait énormément de bénéfices mais on savait pas faire on n'avait pas les outils et l'arrivée à l'époque des premières solutions chimiques avec le paraquat et ensuite avec le glyphosate a permis d'éliminer assez facilement la végétation à la surface du sol et se dire là on a certainement les moyens de limiter voire supprimer le travail du sol parce qu'on sait arrêter la végétation sans gratter ou sans retourner.

  • Speaker #0

    Et est-ce que selon toi, tout ce qu'on a réalisé depuis ces années-là, est-ce que c'est encourageant ? Est-ce qu'on a eu de grandes réussites ? Est-ce qu'on a des points, des grosses lacunes sur lesquelles il faut encore travailler ?

  • Speaker #1

    Alors... C'est extrêmement encourageant parce qu'en fait, on a quand même réussi à installer un troisième mouvement. Donc l'agriculture conventionnelle, l'agriculture biologique et l'agriculture de conservation des sols. Dans le système agricole aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a... pas de dossier de recherche ou dans lequel on challenge pas et qu'est-ce qu'est la place ou comment on peut mettre de l'agriculture de conservation dedans. Les bénéfices globaux de l'agriculture de conservation commencent à être bien bien Comme mise en avant, hier par exemple, il y avait dans la fosse ici à Inuvagri, Lionel Adeto, qui à travers le projet Bagages a montré des capacités d'infiltration qui sont extrêmement importantes. On parle de 60 à 100 mm heure d'augmentation de capacité d'infiltration dans des sols du sud-ouest. C'est énorme, on n'est pas en train de jouer sur des petits bouts. On voit bien que le dossier carbone, on coche énormément de points avec cette agriculture-là, des économies d'énergie jusqu'à la séquestration du CO2 sous forme de matière organique, où il est beaucoup plus utile dans le sol, en termes de biodiversité, en termes de productivité, en termes de management d'eau. Oui, aujourd'hui, on y voit clair. Aujourd'hui, on y voit beaucoup plus clair en matière de savoir-faire. qui peut permettre, aujourd'hui il y a aussi le matériel qui s'est adapté, qui fait que, je dirais, transiter me paraît assez facile, et donc je ne vois pas pourquoi beaucoup plus d'agriculteurs ne pourraient pas s'engager dans cette direction. Si on refait un peu l'histoire, Voilà, 40-35 ans, c'était quand même beaucoup plus aventureux parce que là, il fallait partir avec des outils un peu bricolés. On avait beaucoup d'envie, presque des utopies, mais le savoir-faire n'était pas là. Il y a eu des échecs sur la route, mais on a énormément appris. Et aujourd'hui, l'agriculture de conservation, avec les réseaux, avec la revue qu'on a mis en place, TCS, avec les associations, avec toute la dynamique qui s'est mise autour, est quand même bien installée sur le territoire français. Et je pense qu'on est peut-être à la veille d'une forme de basculement qui peut être intéressant.

  • Speaker #0

    Et justement, si on résume... Tout ce savoir-faire, toutes ces connaissances qui sont en train de grandir et de conquérir d'autres territoires, toute cette manière de voir plus clair dans la transition, si tu pouvais citer trois, quatre points clés qui ont vraiment aidé. Tu parlais du mouvement d'association, tu parlais des médias, etc. Est-ce qu'il y a d'autres points clés sur lesquels on peut s'appuyer justement pour aller encore plus loin et continuer cette dynamique qui est encourageante ?

  • Speaker #1

    Alors, pour aller plus loin, là il y a déjà un événement qui a été assez intéressant à l'automne dernier, c'est que depuis 2015, l'agriculture de conservation, qui est quand même assez dépendante des phytos et du glyphosate, et bien qu'on arrive à en limiter les utilisations, mais elle était sous l'épée de Damoclès de la suppression de l'utilisation du glyphosate, et là, une autorisation pour 10 ans libère un petit peu les esprits, donc ça, ça donne du champ. Ah bon, est-ce que je dois investir dans un outil, parce que demain, on me supprime un autre outil qui me permet de transiter ? Il faut bien voir que... Tout ça, c'est des outils qui peuvent permettre aux agriculteurs de s'engager avec une certaine forme de parachute, limiter les risques de la transition. Ensuite, je dirais que les moyens de fer sont assez bien maîtrisés par pas mal d'acteurs dans le cadre de l'encadrement. C'est peut-être les mettre plus en avant et faire en sorte que les agriculteurs puissent faire plus de travail. que de plus en plus d'agriculteurs soient en contact, viennent à des formations, soit sur le terrain, soit accompagnés différemment. Ça veut dire aussi qu'il faut qu'on arrive à changer, et ça, ça s'amorce, l'approche top-down, c'est-à-dire que c'est une recherche classique avec une courroie de transmission, et l'agriculteur est plus un applicateur. On est plus dans une approche... bottom-up ou une approche plutôt horizontale, où c'est une discussion et un accompagnement entre des gens qui ont une certaine logistique, une certaine éventuellement réticence, un niveau de connaissance, et des gens qui peuvent apporter des niveaux agronomiques, mécanisation, gestion de fertilisation, gestion du salissement à côté. et trouver à chaque fois les meilleures solutions au moment, pour éviter d'être dans l'idéologie. Parce que l'idéologie est très compliquée, ça ne marche généralement pas. Et puis après, d'aller vers des systèmes d'approche où ce n'est plus un modèle. Et ça, c'est certainement la grosse difficulté, parce que, qu'on soit au niveau politique, ou au niveau recherche ou accompagnement, souvent on recherche un modèle qui est mis en avant par rapport aux autres, parce qu'il a tel avantage. Non, l'agriculture est extrêmement plurielle. Si on garde rien qu'à l'échelle française, on va produire de la lavande, de la vigne, du blé, des baies de crave, des vaches laitières. en montagne avec eux on produit même aussi des bananes de la canne à sucre du riz bon on est dans des conditions pédoclimatiques complètement différentes donc il faut arriver à faire rentrer dans toutes ces productions là des approches un peu agroécologisante dont beaucoup sont viennent de l'agriculture de conservation mais pas que en essayant de trouver des compromis Par rapport aux productions, je vais prendre l'exemple de la pomme de terre. Ma foi, sauf que ça se voit qu'on ne sait pas produire des pommes de terre sans travail du sol. Donc non, ma foi, on va continuer à travailler le sol, ou sinon on arrête de manger des pommes de terre, de la purée, des frites, des chips, etc. Mais on va continuer à avoir du travail du sol, avec un impact qui est assez fort. Par contre, il faut qu'on arrive à mettre avant et après la pomme de terre. des approches de régénération des sols, de soutien, pour faire en sorte que la culture de la pomme de terre soit le moins destructif ou impactant possible, et après qu'on soit dans des phases de régénération. Pareil avec des cultures où on a très peu de production de biomasse, comme le maraîchage, ou je citais la lavande, ou les plantes à parfum, on est sur des petits buissons ridicules, et là en termes de biomasse on ne produit rien. donc obligatoirement il nous faut des couverts entre les rangs, il nous faut des couverts avant, des couverts après, pour arriver à augmenter la pionmasse, l'enracinement, et surtout diminuer le travail de sol. Donc c'est toute cette diversité-là qu'il faut arriver à mettre en place et accepter que c'est cette diversité d'agriculture, mais aussi de façon de faire d'agriculteur, qui enrichira le système. Et en fait transformer une partie de l'agriculture française en Living Lab et faire en sorte que ce qu'on va découvrir sur les milliers de fermes qui font tous un petit peu différent des cendrillon d'approche agronomique technique de mécanisation qui peuvent venir entrer sur d'autres fermes parce que ils ont prouvé être efficace ou être également le carburant de réflexion pour aller plus loin dans d'autres productions. J'aime bien citer à ce niveau-là la viticulture. J'ai de la chance de travailler un petit peu dans ce domaine-là. Et en fait, lorsque je rentre en viticulture, mes approches que j'ai dans la production conventionnelle de blé et de maïs, je m'adapte à une culture pérenne qui est différente. Est-ce qu'on a pu travailler en viticulture ? Aujourd'hui, on la met dans des cultures pérennes comme la lavande, parce que c'est des productions différentes, mais ils ont les mêmes problématiques d'une certaine manière. Donc on arrive à les corriger un peu avec des informations ou un savoir-faire d'agriculture de conservation. Donc c'est accepter cette pluralité et accepter qu'il n'y a pas un modèle. Et ça, ça va être un effort important.

  • Speaker #0

    Et tu disais que tu voyageais... pas mal, notamment en Angleterre, aussi aux Etats-Unis et en Europe. Est-ce qu'il y a des pays qui sont très avancés en agroécologie, selon toi, et qu'est-ce qui fait qu'eux sont avancés ?

  • Speaker #1

    Alors, je vais te surprendre par ma réponse. Disons que j'ai la chance de voyager, et j'ai toujours beaucoup voyagé. Je rentre d'ailleurs deux ou trois semaines aux Etats-Unis. Bon, on va voir un peu des noyaux de recherche de gens qui avancent sur ce dossier-là. En fait, les évolutions ne se font pas de manière linéaire, elles se font de manière, disons, ponctuelle. Et puis après, il y a des fois des stagnations, des régressions, et ça repart. Chaque pays est un petit peu différent. J'aimerais bien en citer plusieurs. Le premier, certainement les États-Unis, que je connais bien. Beaucoup de gens sont passés en semi-direct. parce que c'est des grandes exploitations. Au Canada, si on cultive 2, 3, 10 000 hectares, on voit tout de suite l'intérêt d'être en semi-direct. On voit même l'intérêt d'écarter les éléments semeurs parce qu'en fait, en doublant la distance entre les éléments semeurs, on passe de 12 mètres à 24 mètres avec le même tracteur de semoir, avec le même tracteur de vent. Donc, ce qui donne une amélioration de l'efficacité. Par contre, la majorité sont restées dans... Des approches simplement réduction au travail du sol, avec des rotations Midwest, maïs, soja, qui restent une rotation qui n'est pas vraiment une rotation. Alors il y a quelques noyaux de gens qui réfléchissent hors du cadre. C'est sur cela que j'aime me voir. On va retrouver un peu la même approche au Brésil, où ils sont rentrés et ils avaient une agriculture un petit peu, on va dire... arriéré dans les années 50-60. Et en fait, ils ont fait la révolution agricole que nous, on a fait dans les années 60 sur un fond de semi-direct. On a amené de la génétique, on a amené des intrants, on a amené de la mécanisation nouvelle et du semi-direct. Et en fait, c'est comme si nous, la révolution des années 50-60, on l'avait fait en abandonnant la charrue et en mettant tout le reste de la propre. Et donc aujourd'hui, la grande majorité fait de l'agriculture conventionnelle en semi-direct. Alors, est-ce que c'est de l'agroécologie ? Heureusement déjà qu'ils font du semi-direct, parce que sinon, il ne ferait plus d'agriculture. Vu les niveaux d'érosion, c'est l'érosion qui a été le gros moteur de la suppression du travail du sol. Ils ont essayé de terrasser, mais les terrasses ne tiennent pas. Et quand les terrasses dégringolent, c'est toute la colline qui dégringole. Et puis, il y a... deux pays qui ont bien avancé sur la situation de l'agriculture de conservation et de l'agroécologie. En fait, l'agriculture de conservation a été un petit peu le socle sur lequel s'est construit la diversité, la qualité des sols, etc. Donc le premier, c'est la Suisse, où il y avait des aides spécifiques, mais de manière assez conséquente, sur le semi-direct, sur les couverts, et c'est un petit peu à la carte. Et le modèle suisse est assez intéressant avec des plateformes de recherche comme Oberacker par les Allemands dans le secteur de Berne qui a été mis en place en 1994. Donc mettre en place une plateforme avec 6 cultures par an, dont de la betterave à sucre, du maïs, voire des pommes de terre au départ avec une comparaison laboureuse et semi-directe. Et semi-directe à l'époque, c'était assez... comment... aventureux. Donc on va faire... C'était les 30 ans d'Auberacœur en juin 2025. C'est une belle réussite. Ça nous a apporté énormément d'informations et de résultats. C'était repris et c'est là que la Suisse est un peu un carrefour par la partie française, enfin française romane. Et Nicolas Courtois qui a apporté énormément d'infos sur les couverts, qui a appliqué un peu ce qu'il voyait, ce qui se passait en France et qui a apporté ça en Suisse. comme la Suisse est un peu le carrefour entre la partie alémanique et la partie romane, ça a apporté des choses assez intéressantes. Le deuxième pays qui a vraiment bougé, c'est la France. Et on est vraiment les leaders aujourd'hui au niveau européen des pratiques là-dessus. Alors pour certainement différentes raisons, parce qu'on est aussi un carrefour entre différents mondes. les anglo-saxons qui nous apportent souvent la mécanisation moi je suis rentré en France dans ces techniques là avec Porsche qui apportait du matériel bon on est on est aussi en relation assez facilement avec l'Espagne et tout ça avec l'Amérique du Sud et puis avec l'Amérique du Nord et donc en relation aussi avec l'Amérique du Nord à travers les Québécois Donc en fait on est une forme de carrefour, ce qui a permis d'aller chercher des informations. Ensuite la France, on a conservé une agriculture avec des petites exploitations où la majorité des agriculteurs sont propriétaires de leur sol. Ce sont également les acteurs au quotidien, c'est eux qui conduisent l'autre acteur, qui prennent les décisions, qui voient leur sol, etc. Et donc, ça a aidé à être sensibilisé un petit peu aux techniques. C'est aussi, et si on peut le critiquer, quelquefois, on a un millefeuille avec les chambres, les syndicats, les coopératives et tout ça. ça a permis une certaine temporisation et aussi la création d'associations comme la PAD, comme BASE qui se sont permis d'aller chercher des informations un peu partout sur la planète et des rapportés sur le territoire et de mutualiser un peu les tentatives les orientations, les essais que pouvaient faire tous les agriculteurs de ces réseaux-là C'est aussi le travail que l'on a fait avec la revue, de transférer et de stimuler tout un tas d'informations. En France, on a eu une forme de bouillon de culture et d'émulation qui, aujourd'hui, nous positionne vraiment comme leader globalement, avec des avancées techniques qui sont assez exceptionnelles. le côté couvert végétaux lorsque je présente aujourd'hui la méthode Merci qui se traduit en anglais par Google pour Thank You Method, ça fait palir d'envie tous les gens que je peux rencontrer. Comme je disais, j'étais aux Etats-Unis cet été, quand je leur montre ce qu'on peut arriver à tirer et à chiffrer sur un couvert végétal, c'est extraordinaire, comment vous faites ? Mais non, aujourd'hui, c'est un truc qui est extrêmement utile, qui a plus de 10 ans d'existence, et qui est une belle référence. Le colza associé est une super invention des réseaux français. C'est à travers les mélanges de couverts végétaux qu'on s'est dit, ma foi, les colzas s'en sortent bien au milieu des couverts. Pourquoi on ne s'aimerait pas, nous, au Colza, de cette manière-là ? Et aujourd'hui, c'est en train de s'écarter, surtout. Il y a la culture du blé sur recouvert permanent de luzerne. Pareil, on a un collègue danois qui est en train de tenter ça avec succès. Et donc, oui, c'est les agriculteurs français qui ont mis au point un peu toutes ces petites choses-là qui fait qu'aujourd'hui... On a beaucoup de gens qui viennent même nous voir. C'est terrible, même là j'ai une demande d'argentin. C'est surprenant qu'ils viennent nous voir pour comprendre ce qui est en train de se passer. Il y a un pays qui est en train de bien bouger, c'est l'Angleterre. Et là, nos collègues anglais ont été un peu sur le tard. Ils bloquaient un peu avec le côté économique. Semer un couvert, coûte des sous sur des grosses exploitations, commencer mon retour sur investissement. Et c'est bien le terme investissement. À partir du moment où ils ont compris que c'était un investissement et non un coût, ça a changé un peu et on commence à avoir de bons résultats en Angleterre et une belle émulation collective. Et là, leur sortie d'Europe économique a fait que... Oh, bon. miraculeusement, les aides à l'agriculture ont été complètement modifiées, et elles sont assez agri-écologisantes, et elles correspondent pratiquement à certains de mes collègues anglais. Est-ce que tu as soufflé au ministère de l'agriculture les formes de subventions qu'on ne pourra avoir ? Rien, je n'ai aucune influence sur le dossier, mais quand on voit la carte, on en rêverait. Donc ça va être certainement intéressant de voir comment évolue l'agriculture anglaise avec un accompagnement d'aides complètement différents, maintenant qu'ils sont sortis de l'Europe, économiques encore une fois. On risque d'avoir des informations intéressantes qui viennent de l'Angleterre. Donc ça, après, les Allemands, non, sont... Reste cette prémécanisation. Les Espagnols, qu'on aurait énormément besoin par rapport à la gestion de l'eau, ils sont tellement dans la limitation des comptes. que sortir quelques euros et investir un peu dans la fertilité et les couverts sont bloqués. Les Italiens, c'est un peu pareil. On commence à avoir des pays de l'Est, comme la Pologne, comme la Roumanie, où on a des îlots de gars qui commencent à s'investir correctement. Donc oui, c'est en train de prendre un peu de place. Mais je dirais qu'on a encore énormément de progrès en France et énormément d'idées à mettre en place, à nous de continuer notre développement et ne pas perdre le lead.

  • Speaker #0

    Et justement, j'ai l'impression que la notion de diversité, à la fois à l'échelle des exploitations, diversité d'exploitation, diversité d'associations, d'acteurs qui lancent des mouvements, etc., c'est très important d'après ce que tu dis. Et comment justement on peut encourager ça ? de décloisonner, diversifier ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment rester dans ce sens-là, utiliser, ne pas se refermer. On a été obligés, au début, d'être un petit peu anti-charrues, d'une certaine manière. C'est pour ça que je suis sorti assez rapidement du terme non-labours, non-hôtel. Parce que pour moi, c'est des approches négatives. Pour aller plus vers du pro, pro qualité du sol, pro couvert végétaux, pro diversité, pro... Je discutais avec un agriculteur qui venait, entre guillemets, me remercier tout à l'heure. Il avait des étincelles dans les yeux. Il me dit, mais c'est génial l'agriculture, j'adore ce que je fais. Pro agriculteur heureux. C'est... Et en fait, aujourd'hui, l'agriculteur de conservation en France a les moyens d'accepter ses promis et surtout pas s'enfermer. Et ce serait ridicule de passer par un label parce que tous les labels ont des approches. Voilà, je fais bien parce que je ne fais plus quelque chose qui est censé être négatif. Et donc on... on est sur une communication sur le négatif pour prouver qu'on est bon sur le reste. C'est plutôt destructeur et ça encourage la grivaching. Au contraire, tout le monde doit essayer de faire bien. Il n'y a pas de système agricole qui n'est pas sans impact. C'est que chacun essaye de minimiser les impacts et devienne... Je dirais créateur et applicateur de bon sens agronomique, de bon sens écologique, en acceptant qu'il n'est pas parfait. Mais c'est cette multiplication et de cette diversité qui fera qu'il pourra vraiment continuer de progresser de main et surtout étendre des bonnes pratiques à l'ensemble des agriculteurs. Ce n'est pas un élite. qui doit aller bien. C'est l'ensemble de l'agriculture qui doit progresser.

  • Speaker #0

    C'est une belle phrase de fin. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien. Au grand plaisir.

  • Speaker #0

    Bon salon. À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci. Toi aussi.

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