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Les Voix des Solutions

Entretien avec un aventurier : "On ne repousse pas ses limites, on les découvre"

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21min |21/11/2024
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Description

« Finalement on ne repousse pas ses limites, on les découvre » 

 

Ces mots, ce sont ceux de mon dernier invité au micro des Voix des Solutions, l’aventurier, conférencier et auteur Matthieu Tordeur

 

À seulement 33 ans, il a déjà vécu de nombreuses expériences intenses, riches de l’audace qu’il nous appelle toutes et tous à cultiver : 

 

➡️ Un tour du monde de 11 mois, à sillonner les routes à bord d’une 4L pour découvrir la microfinance en actions ;

➡️ Une traversée de 250km à travers le désert du Sahara - l’équivalent de 4 marathons - en 4 jours ;

➡️ De nombreuses expéditions aux pôles Nord et Sud du globe, l’ayant même mené à devenir le plus jeune aventurier à traverser le pôle Sud - soit plus de 1 300 km - en solitaire et sans ravitaillement !

 

En une dizaine d'années, faite d'émerveillement et de dépassement de soi, Matthieu est aussi devenu un témoin de premier plan des conséquences du changement climatique, en particulier sur les milieux polaires. Lointains, peu habités, aux paysages à la limite de l'irréel, ils sont de véritables "climatiseurs de la Terre" essentiels à l'équilibre de l'ensemble de notre planète et de ses écosystèmes. 

 

Se découvrir, découvrir le monde, ses merveilles comme ses fragilités, et découvrir des personnes exceptionnelles aux 4 coins du globe, c’est la vie qu’a décidé d’embrasser Matthieu Tordeur et qu’il me livre dans un très bel échange pour Les Voix des Solutions. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans les Voix des Solutions. Parce que j'ai la chance de croiser des personnalités engagées pour un monde plus inclusif, j'ai souhaité partager ces rencontres avec vous dans cette série de podcasts. La vie est une aventure audacieuse, où elle n'est rien. Et on peut dire que la vie de mon jeune invité est émaillée d'aventures audacieuses. Entre autres, il a fait le tour du monde en 4L pour promouvoir la microfinance en 11 mois. Dans le Sahara, il a parcouru 250 km, soit 4 marathons en 4 jours. Et plus récemment, il a été le plus jeune et le premier Français à rejoindre le pôle Sud en 800 km en solitaire et sans ravitaillement. Mon invité aujourd'hui, c'est Mathieu Tordeur. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique.

  • Speaker #0

    Mathieu, ton métier, c'est aventurier conférencier. Alors, ma première question, c'est, alors que tu es étudiant à Sciences Po, tu décides de devenir aventurier conférencier. C'est quoi l'étincelle ? Qu'est-ce qui t'a amené à faire ça ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une activité professionnelle qui est atypique. Moi, c'est le virus de l'aventure, je l'ai depuis que je suis tout petit. Mes parents me racontaient que je n'étais pas même en CP, que je dévorais les BD de Tintin et Milou. Et je crois que l'univers d'Hergé, la lecture précoce de ces BD a fait naître en moi un irrésistible désir d'aventure, de voyage, de découverte. Donc, tu vois, ça, ça remonte à il y a assez longtemps. Et puis après, j'ai, au cours de mes études, toujours utilisé le temps que j'avais de disponible sur mes week-ends, sur mes vacances scolaires. Il faut dire aussi que j'ai été scout pendant dix ans et que quand on est scout, on apprend à faire des cabanes, à dormir dehors, faire des feux. Et donc, le virus... Voilà, exactement. Et donc, les gènes de l'aventure, je crois que je les ai cultivés depuis ma jeunesse jusqu'à en faire aujourd'hui un métier. Alors, c'est vrai que je dis que je suis aventurier, mais c'est le seul mot que j'ai trouvé dans le dictionnaire pour définir ce que je fais. Moi, mon métier consiste à faire des expéditions et à les partager sous plein de formes. Ça prend la forme de documentaires pour la télévision, de conférences, de récits aussi. Et puis, ce sont surtout des expéditions aujourd'hui qui sont tournées vers la protection, surtout des milieux polaires. Donc, le métier de conférencier, il est venu après. Je n'ai pas choisi d'être conférencier. En fait, l'activité de conférencier était une résultante du métier de l'aventure, du côté aventurier.

  • Speaker #0

    Oui, tu es d'abord un aventurier. D'ailleurs, c'est toi qui as dit ce que j'ai dit en tout début. La vie est une aventure audacieuse où elle n'est rien. Et ce mot audace, j'ai vu que tu l'utilises vraiment souvent. Alors, est-ce que pour toi, l'audace, c'est un remède, une solution aux nombreux défis sociétaux et environnementaux ?

  • Speaker #1

    Je crois que oui. Je pense qu'on est… On est tous très heureux d'évoluer dans une forme de confort, parce que le confort, ça rassure. Et dans l'aventure, on est tout sauf dans le confort. Ce que j'aime bien avec l'aventure, c'est qu'il faut beaucoup préparer. Parfois, on pense que les aventuriers, ce sont des gens qui sont des têtes brûlées ou qui sont des inconscients. Moi, je crois vraiment que c'est l'inverse. Parce que si on a cette démarche, si on a cette attitude-là, finalement, on a toutes les chances de se planter. Donc, je crois que l'audace, c'est ce qui permet de... aller au-delà de ses certitudes, aller au-delà de ses connaissances pour se découvrir soi-même. Et puis finalement, c'est dans ces moments d'inconfort, dans ces moments de découverte, qu'on parvient justement à se découvrir réellement ou qu'on parvient à découvrir de nouvelles capacités. Et donc, je crois vraiment que l'audace, c'est une valeur que les aventuriers ont évidemment, mais qui est une valeur que tous les entrepreneurs ou tout le monde en fait devrait plus exploiter. Et donc, je crois que... Par l'audace, on parvient à faire des grandes choses. Moi, j'ai commencé l'aventure assez jeune. J'ai eu la chance d'évoluer dans un terreau où on m'a laissé la possibilité de le faire.

  • Speaker #0

    Ta première aventure, c'était quand ? Tu avais quel âge ?

  • Speaker #1

    Ma première aventure, je l'ai vécue juste après mon bac. J'ai grandi en Normandie et je suis parti traverser l'Europe à vélo, tout seul, jusqu'à Istanbul, jusqu'en Turquie. Et finalement, c'était une aventure très audacieuse parce que moi, je n'avais pas l'expérience du voyage. de longue distance ou de l'itinérance à vélo. Et on fait des erreurs, évidemment, mais en faisant preuve d'audace, parfois de naïveté, parce qu'il faut le dire, moi, j'avais tout juste 18-19 ans. Eh bien, on parvient à aller au-delà de ses certitudes. Et c'est ce qui fait grandir, je crois. Et moi, c'est ce que je cultive, ce que j'essaie de cultiver dans toutes mes aventures.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu que ce voyage à vélo, justement, quand tu as parcouru l'Europe... Tu as dit finalement ma première, ma seule préparation ça a été d'avoir fait 25 km à vélo avant de me lancer. Donc ça j'ai trouvé ça très audacieux je dois dire. Et ce secret de l'audace, tu penses que c'est à la portée de tous ?

  • Speaker #1

    Je crois que comme je le disais, on est tous très rassurés par ce qu'on connaît. Mais finalement, c'est parfois pas très gratifiant de refaire tout ce qu'on connaît déjà. Et moi, quand je me lance dans une aventure, je ne sais pas si je vais y arriver. Je ne sais pas si je vais pouvoir aller au bout. Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Ce qui va m'intéresser, c'est la manière dont je vais préparer l'aventure, la manière dont je vais anticiper les problèmes que je pourrais avoir. Et pour moi, l'aventure avec un grand A, c'est ça, c'est vraiment activer des plans A, des plans B, des plans C, se reporter à des expériences vécues pour pouvoir s'appuyer dessus quand c'est difficile. Et donc, c'est un cheminement, si vous voulez. Et puis après, si on atteint l'objectif, c'est la cerise sur le gâteau. Mais ce qui va être intéressant, ce n'est pas tellement l'arrivée, c'est plutôt tout le chemin qui va être nécessaire de parcourir pour atteindre son but. Donc... Si l'aventure, si tout était prévu, si tout était organisé en amont, ce ne serait plus une aventure, ce serait un voyage ou ce serait du tourisme. Je n'ai rien contre le voyage et le tourisme, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'aventure. Et donc, l'audace, on peut en faire preuve d'audace, pas forcément dans le milieu de l'aventure, tout le temps, dans tous les moments de la vie, finalement. Et donc, je pense que oui, en tout cas, c'est ce qui me... C'est ce qui m'aide à me sentir vivant, c'est ce qui m'aide aussi à me sentir utile quand on vient porter la voix des pôles. Les milieux polaires sont des milieux où il faut faire preuve d'audace. On va en parler, mais ce sont des milieux qui sont contraignants par leur géographie, par leurs conditions climatiques. Et donc, si on y va dans une posture non audacieuse, je pense qu'on reste rapidement au port.

  • Speaker #0

    On va parler des pôles, Mathieu, mais avant ça, j'aimerais qu'on revienne sur ce tour du monde en quatre ailes que tu as fait avec ton ami d'enfance. Et votre objectif c'était d'aller voir de près sur le terrain la microfinance, les micro-entrepreneurs. Et pour nous, comme tu sais, à la Fondation Gramine Crédit Agricole, c'est un sujet qui nous porte évidemment. Et j'ai bien aimé quand tu as dit, ce que j'ai pu voir par ailleurs, que tu avais eu cette envie d'aller sur les routes de la microfinance après avoir lu une citation du professeur Younius, et je vais la lire. Les pauvres, dit-il, sont les plus grands entrepreneurs au monde. Chaque jour, ils doivent innover pour survivre. Ils restent pauvres parce qu'ils n'ont pas d'opportunité pour transformer leur créativité en revenu durable. Alors j'aimerais bien que tu partages avec nous, finalement, le regard que tu portais sur la microfinance avant de monter avec ton ami d'enfance dans cette 4L. Et puis, comment ce regard a évolué à la fin de votre voyage ?

  • Speaker #1

    Merci d'en parler. C'est vrai que ce tour du monde en 4L, c'était en 2013-2014. Moi, j'étais encore étudiant. J'ai découvert la microfinance par l'ouvrage de Mouabad Younous. Il était venu dans une université qui s'appelle la LSE, London School of Economics, à Londres, où je prenais mes cours d'économie. J'ai découvert à ce moment le concept du microcrédit et de la microfinance. C'est vrai que pour moi, c'était un peu obscur au départ. Quand j'ai découvert le levier de développement que pouvait représenter le microcrédit pour des populations exclues du système bancaire classique, j'ai trouvé ça fabuleux. Alors après, moi, j'ai voulu participer à un système qui fonctionnait déjà avec mon ami Nicolas. Et on a tout découvert sur place parce que nous, on est parti, on avait l'âge de 21 ans. On était en partenariat avec des institutions de microfinance très solides et sérieuses françaises qui étaient Babyloan, qui est aujourd'hui Lendahent et Entrepreneurs du Monde. Et puis vous aussi, la Fondation Gravine et Microfinance, on a pu bénéficier aussi de votre appui. Et donc, on n'est pas parti. je dirais comme ça l'improviste, on avait ses partenaires.

  • Speaker #0

    En 4L quand même !

  • Speaker #1

    Et avec la 4L, qui était le fil rouge un petit peu de ce voyage, qui était notre mode de déplacement, et qui était aussi un vrai vecteur de rencontre, parce que la 4L, vous voyez bien à quoi elle ressemble, c'est une voiture qui est sympathique, qui est une vieille voiture un peu vintage, il n'y a pas la climatisation, et donc c'était un... un moyen, si vous voulez, de rentrer en contact de manière assez facile avec à la fois les entrepreneurs, mais aussi tous les gens qu'on a pu rencontrer le long de notre route. Et nous, ce qu'on a constaté sur place, c'était que le microcrédit, lorsqu'il était pratiqué de manière sociale et solidaire, eh bien, il était extrêmement puissant. Et quelque chose, moi, qui m'a beaucoup marqué, c'est que certains gestionnaires de crédit, qui étaient donc nos contacts sur place, qui venaient nous accompagner pour aller rencontrer les microentrepreneurs qu'on avait soutenus. certains de ces gestionnaires de crédit étaient par le passé des précédents bénéficiaires de microcrédit. Donc, quand on a vu ça avec mon ami Nicolas, on s'est dit, mais c'est quand même fabuleux, avec 200, 300 euros, on parvient à rentrer dans un… dans un cercle de financement qui fait qu'il y a une vraie augmentation du niveau de vie. Et puis ça va au-delà, puisque vous le savez, les prêts parfois sont accompagnés de formations sur le business, sur des formations, des accompagnements sur les bonnes pratiques, par exemple agricoles, quand on est dans les milieux ruraux, ou des bonnes pratiques aussi d'éducation pour les enfants. Et donc on ne se contente pas uniquement de donner de l'argent dans... pour l'investir ou pour l'utiliser dans une activité qui soit génératrice de revenus, ça va bien au-delà. Et donc moi, ça, c'était quelque chose que je ne savais pas quand je me suis lancé dans ce projet. Et donc, je suis revenu avec Nicolas, enthousiasmé par ce levier de développement qu'est le microcrédit, avec l'envie de le faire connaître davantage. Et c'est pour ça qu'on en a fait un documentaire et un livre.

  • Speaker #0

    Et avec, on le rappelle, un très faible taux de défaut, puisqu'en fait, les entrepreneurs, la plupart du temps, remboursent très largement leurs emprunts. Est-ce que tu aurais une ou deux anecdotes à nous partager de ce périple en 4L ?

  • Speaker #1

    Il y en a tellement. C'est vrai que c'était un voyage de 11 mois à travers 40 pays. On est parti de France, on a roulé jusqu'à l'Inde. Et puis après, on a renvoyé la voiture de Calcutta, quasiment le berceau de la microfinance, que je rappelle que Mouamad Inous, il est... originaire du Bangladesh, donc on n'était pas très loin. Et puis cette voiture, elle est partie dans un container pour rejoindre San Francisco aux États-Unis. De la Californie, on a récupéré la voiture, on est descendu jusqu'à Rio de Janeiro, en traversant l'Amérique centrale, une partie de l'Amérique du Sud. Et là, on est monté sur un porte-container à Rio, au Brésil, qui a traversé l'océan Atlantique pour débarquer à Dakar, au Sénégal. Et du Sénégal, on est remonté en France. Donc vous voyez, c'était une grande boucle. Et donc forcément, dans tout ce voyage-là, il y a eu pas mal de galères. La 4L a les qualités de ses défauts, c'est-à-dire que c'est une voiture qui est un petit peu vieillotte, qui est robuste, qui est légère, qui ne nécessite pas des compétences incroyables pour la réparer, puisqu'il n'y a rien d'électronique. Dès qu'il y a une panne, on peut facilement la déceler et la faire réparer un peu n'importe où, par n'importe qui. Donc oui, on a par exemple cassé les suspensions au Népal, qu'on a fait ressouder dans un petit atelier. Ces suspensions ont recassé au Pérou, ensuite au Maroc. On avait des pneus qui étaient très usés, qui ont tourné sur eux-mêmes, qu'on inversait parce que le parallélisme de la voiture était complètement foireux. On a eu pas mal de galères pour traverser les frontières, évidemment, parce que dès que vous êtes loin de chez vous et que vous essayez de vous voyager avec une voiture, on vous cherche souvent des... des problèmes pour faire avancer la voiture. Donc, parfois, on a campé au niveau des douanes parce qu'on était dans notre bon droit, mais on voulait nous extorquer des petites sommes d'argent pour nous laisser passer. Donc, bien sûr, ça fait partie du voyage. Mais ce qui compte, c'est de garder de l'optimisme, le sourire et surtout d'être patient. Parce que finalement, avec la patience, on parvient à tout.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler des pôles, forcément. Tu es devenu, Mathieu, un fin observateur du réchauffement climatique. et de ses effets sur l'équilibre des écosystèmes polaires. Qu'est-ce qui se joue actuellement au pôle Nord et au pôle Sud ?

  • Speaker #1

    Le pôle Nord et le pôle Sud, d'abord pour commencer, ce sont des points géographiques. Souvent, on a tendance à mixer un petit peu le pôle Nord avec l'Arctique, le pôle Sud avec l'Antarctique. Alors c'est vrai, mais les pôles Nord et le pôle Sud sont vraiment des points géographiques. C'est vraiment l'axe de rotation de la Terre. Et ces pôles, ils sont au milieu de deux régions. Donc au Nord, on a l'Arctique, au Sud, on a l'Antarctique. Ce sont deux régions qui sont des régions polaires, mais qui sont des régions finalement assez différentes, puisque au nord, en Arctique, on a un océan qu'on appelle l'océan glacial arctique, et au sud on a un continent qui s'appelle le continent antarctique, qui est une gigantesque île recouverte de glace et de neige. Et ces milieux polaires, ils sont très vastes en superficie. Pour donner un exemple, l'Antarctique, ça fait 26 fois la taille de la France. Donc on voit bien que c'est deux énormes glaçons aux antipodes de notre planète qui ont un rôle... crucial pour l'équilibre climatique de la Terre puisque ce sont des climatiseurs. En fait, vous le savez peut-être, mais toutes les surfaces blanches, les glaciers, les banquises, les calottes polaires, ce sont des réflecteurs de chaleur. Pourquoi ? Parce que les rayons du soleil, quand ils arrivent sur ces calottes polaires, ils sont réfléchis dans l'atmosphère. Et donc ça, ça veut dire qu'on a aujourd'hui, à l'extrémité de notre planète, des climatiseurs qui viennent réguler l'équilibre climatique de la planète. Et ce qui se passe aujourd'hui, pour répondre à votre question, C'est qu'en émettant du CO2 en excès, on a ce réchauffement qui vient grignoter, qui vient faire disparaître toutes ces calottes polaires et toutes ces banquises. Et ça, c'est un véritable problème puisqu'en disparaissant, ces surfaces blanches laissent la place à des surfaces qui sont foncées, par exemple de la roche, par exemple l'océan Arctique, qui, libérée de sa banquise, va attirer les rayons du soleil, puisque vous savez que les couleurs sombres attirent les rayons du soleil. Et donc ça, ça va participer encore davantage au réchauffement. On appelle ça la boucle. de rétroaction positive, mais qui n'a de positif que le non, puisque évidemment c'est une spirale très négative pour l'équilibre du climat. Donc aujourd'hui les pôles sont en train de souffrir, on dit que la région arctique se réchauffe quatre fois plus que nos milieux tempérés. Là on parle du réchauffement, mais je ne vous ai pas parlé de la montée du niveau des mers, puisqu'évidemment toutes les glaces continentales, comme celle du Groenland, comme celle de l'Antarctique, ou comme celle qu'il y a par exemple avec le permafrost sur les continents, eh bien ça ajoute encore de la glace à l'océan et donc ça fait monter le niveau de la mer. Donc tout ce qui se passe dans les pôles ne reste pas dans les pôles, c'est vraiment important de le comprendre. Souvent on se dit, c'est loin de chez nous, finalement ça ne va pas nous atteindre. Eh bien non, tout est lié. Et donc ne pas protéger les pôles, c'est ne pas nous protéger nous-mêmes. Donc c'est important d'en parler, puisque parfois on a tendance à peut-être un petit peu tout mélanger, le pôle nord, le pôle sud, l'Arctique, l'Antarctique. Il faut vraiment essayer de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter cette hausse des températures.

  • Speaker #0

    Les pôles, tu le dis, c'est un écosystème un peu exceptionnel. Et moi, je pense qu'il est vraiment difficile de prendre la mesure si on n'y est si jamais rendu pour le coup. Alors toi, tu l'as fait puisque tu as traversé ces 800 kilomètres en solitaire pour rejoindre le pôle sud. Et j'ai vu que tu disais, il n'y a pas de faune, il n'y a pas d'odeur, il n'y a pas de vent, simplement une immense étendue froide, blanche, lumineuse. Et donc je me suis dit, mais comment a-t-il fait pour ne pas perdre pied pendant ces 50 jours, tout seul, face à lui-même ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une expédition qui était peut-être la plus marquante. Alors c'est un petit peu plus que 800 kilomètres, c'était 1132 kilomètres à Pôle d'Oiseau. Et je suis parti de la côte du continent antarctique pour rallier le pôle sud. Et donc tu l'as dit, en solitaire et sans ravitaillement. L'expédition en Antarctique, c'était véritablement un rêve de gosse. Et moi, ce que j'ai souhaité questionner, c'était la solitude. J'avais fini mes études supérieures à ce moment et j'avais envie de me retrouver seul avec moi-même dans une période de temps donné, un peu comme un marin partirait faire une longue navigation autour du globe. D'ailleurs, les marins du Vendée Globe vont partir d'ici quelques semaines. Moi, c'était un petit peu pareil. J'avais envie de me faire un petit peu ce cadeau, si vous voulez, de solitude. Ça peut paraître un petit peu curieux comme ça et peut-être que les gens qui nous écoutent... s'éloigne de cette solitude. Mais finalement, moi, je me disais que c'était quelque chose qui n'arrivait jamais, en fait, dans une vie, que d'avoir autant de temps pour soi et rien que pour soi. Et donc, j'ai voulu vivre cette aventure seule pour cette raison, pour essayer de connaître et voir ce que faisait, en fait, la solitude. Mais dans quoi,

  • Speaker #0

    comme expérience, pour le coup, dans un tel dénuement, tout seul, pas de ravitaillement, avec cette incertitude, finalement, de est-ce que je vais pouvoir y arriver ? J'ai froid, j'ai pas de... je n'ai pas de relation sociale. Comment tu as vécu ça ?

  • Speaker #1

    Ça a été difficile, évidemment. Je ne dirais pas que j'y suis arrivé avec toute la facilité du monde au pôle sud. Mais j'ai vécu ça comme une vraie immersion dans la nature, un petit peu comme une retraite aussi, parce que, comme tu l'as dit, j'étais vraiment tout seul. Les animaux, il y en a en Antarctique, mais ils sont sur la côte du continent. Ce sont des manchots, des baleines, des phoques, des oiseaux. Mais plus vous vous éloignez de la côte pour vous rapprocher du pôle sud, Plus vous rentrez dans ce continent et moins il y a de vie, puisque la vie, elle se cantonne vraiment aux côtes de l'Antarctique. Et moi, je l'ai vécu, déjà, c'était un choix. Je ne me suis pas retrouvé dans cette expédition parce qu'on m'y a forcé. Moi, je me suis retrouvé là-bas parce que je le voulais. Et donc, j'ai toujours essayé de rester optimiste face aux difficultés qui se sont inévitablement retrouvées sur mon chemin. Le brouillard, le froid extrême, la neige molle. parce qu'il faut le dire, il y a eu beaucoup de chutes de neige quand j'étais en Antarctique et donc face à ça il faut être résilient évidemment mais moi je l'ai vécu de manière positive parce qu'encore une fois c'était mon choix et c'était ma volonté d'être en Antarctique et de vivre cette expédition et donc je l'ai vécu avec beaucoup d'enthousiasme pas de sérénité parce que ça a été difficile mais d'envie d'aller au bout et le fait de tous les jours grappiller les kilomètres nécessaires pour atteindre votre objectif vous donne aussi de l'énergie et de la motivation. Et c'était un challenge, cette expédition.

  • Speaker #0

    C'est une conclusion que j'aimerais faire avec toi. Est-ce que finalement, Mathieu, tu considères qu'il y a un moment propice dans la vie pour se lancer, dans un projet qui nous tient à cœur ? On en a tous un finalement au fond de nous-mêmes. Est-ce qu'il y a un bon moment pour se lancer dans nos rêves, dans nos aventures de vie ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne détiens pas la vérité, mais je vais essayer de répondre à cette question. Moi, ce que je constate sur mes dernières aventures, c'est que le bon moment pour partir en expédition ou dans un projet qui nous tient à cœur n'existe pas. Je suis persuadé d'une chose, c'est que... On revient un peu à la question du confort de tout à l'heure et de l'audace, c'est qu'on se trouvera toujours des excuses pour ne pas partir dans quelque chose qui nous titille. Pourquoi ? Parce que parfois on se dit j'ai pas le temps, je suis pas assez sportif ou pour les plus jeunes j'ai pas les financements et puis quand on est un peu plus âgé on se dit j'ai plus la santé Donc je crois vraiment que ça c'est des excuses qu'on se cherche pour ne pas se lancer. Et je pense qu'on a... On a tous des aventures à notre portée. Il ne faut pas se comparer et se dire, Non, lui, il a fait ça et moi, ce n'est pas à mon niveau. Moi, si j'avais réfléchi de la sorte, jamais je n'aurais enfourché mon vélo à 19 ans pour aller à Istanbul. Je ne suis pas arrivé à Istanbul très rapidement. J'ai fait des chutes et j'ai cassé mon dérailleur. J'ai eu des galères, j'ai perdu. Mais finalement, ce n'est pas ça qu'il faut retenir. Je pense que c'est le bon moment pour moi. La conjonction du temps, de la bonne santé, du bon portefeuille, je crois qu'elle n'arrive jamais. Et plus on l'attend, moins on se lance. Donc, moi, j'ai souvent un seul message. C'est si vous avez un projet, une envie, un rêve, eh bien, n'hésitez pas. Essayez de ne pas voir trop, trop loin, trop, trop haut. Commençons par des choses qui sont à notre portée. Et puis après, c'est un enchaînement, c'est une préparation, c'est une expérience qui fait qu'on peut viser toujours plus loin, toujours plus haut. Mais je crois, pour répondre à ta question, que le bon moment, je crois qu'il n'existe pas.

  • Speaker #0

    C'est maintenant. J'aimerais bien terminer par une phrase que tu as dite tout à l'heure, j'aime bien. Finalement, on ne repousse pas ses limites, on les découvre. Et je trouve que c'est un beau mot de la fin. Merci à toi. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt Véronique.

  • Speaker #0

    Merci pour votre écoute. Retrouvez les Voix des Solutions sur toutes les plateformes de streaming. Je vous dis à bientôt. Prenez soin de vous.

Description

« Finalement on ne repousse pas ses limites, on les découvre » 

 

Ces mots, ce sont ceux de mon dernier invité au micro des Voix des Solutions, l’aventurier, conférencier et auteur Matthieu Tordeur

 

À seulement 33 ans, il a déjà vécu de nombreuses expériences intenses, riches de l’audace qu’il nous appelle toutes et tous à cultiver : 

 

➡️ Un tour du monde de 11 mois, à sillonner les routes à bord d’une 4L pour découvrir la microfinance en actions ;

➡️ Une traversée de 250km à travers le désert du Sahara - l’équivalent de 4 marathons - en 4 jours ;

➡️ De nombreuses expéditions aux pôles Nord et Sud du globe, l’ayant même mené à devenir le plus jeune aventurier à traverser le pôle Sud - soit plus de 1 300 km - en solitaire et sans ravitaillement !

 

En une dizaine d'années, faite d'émerveillement et de dépassement de soi, Matthieu est aussi devenu un témoin de premier plan des conséquences du changement climatique, en particulier sur les milieux polaires. Lointains, peu habités, aux paysages à la limite de l'irréel, ils sont de véritables "climatiseurs de la Terre" essentiels à l'équilibre de l'ensemble de notre planète et de ses écosystèmes. 

 

Se découvrir, découvrir le monde, ses merveilles comme ses fragilités, et découvrir des personnes exceptionnelles aux 4 coins du globe, c’est la vie qu’a décidé d’embrasser Matthieu Tordeur et qu’il me livre dans un très bel échange pour Les Voix des Solutions. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bienvenue dans les Voix des Solutions. Parce que j'ai la chance de croiser des personnalités engagées pour un monde plus inclusif, j'ai souhaité partager ces rencontres avec vous dans cette série de podcasts. La vie est une aventure audacieuse, où elle n'est rien. Et on peut dire que la vie de mon jeune invité est émaillée d'aventures audacieuses. Entre autres, il a fait le tour du monde en 4L pour promouvoir la microfinance en 11 mois. Dans le Sahara, il a parcouru 250 km, soit 4 marathons en 4 jours. Et plus récemment, il a été le plus jeune et le premier Français à rejoindre le pôle Sud en 800 km en solitaire et sans ravitaillement. Mon invité aujourd'hui, c'est Mathieu Tordeur. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique.

  • Speaker #0

    Mathieu, ton métier, c'est aventurier conférencier. Alors, ma première question, c'est, alors que tu es étudiant à Sciences Po, tu décides de devenir aventurier conférencier. C'est quoi l'étincelle ? Qu'est-ce qui t'a amené à faire ça ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une activité professionnelle qui est atypique. Moi, c'est le virus de l'aventure, je l'ai depuis que je suis tout petit. Mes parents me racontaient que je n'étais pas même en CP, que je dévorais les BD de Tintin et Milou. Et je crois que l'univers d'Hergé, la lecture précoce de ces BD a fait naître en moi un irrésistible désir d'aventure, de voyage, de découverte. Donc, tu vois, ça, ça remonte à il y a assez longtemps. Et puis après, j'ai, au cours de mes études, toujours utilisé le temps que j'avais de disponible sur mes week-ends, sur mes vacances scolaires. Il faut dire aussi que j'ai été scout pendant dix ans et que quand on est scout, on apprend à faire des cabanes, à dormir dehors, faire des feux. Et donc, le virus... Voilà, exactement. Et donc, les gènes de l'aventure, je crois que je les ai cultivés depuis ma jeunesse jusqu'à en faire aujourd'hui un métier. Alors, c'est vrai que je dis que je suis aventurier, mais c'est le seul mot que j'ai trouvé dans le dictionnaire pour définir ce que je fais. Moi, mon métier consiste à faire des expéditions et à les partager sous plein de formes. Ça prend la forme de documentaires pour la télévision, de conférences, de récits aussi. Et puis, ce sont surtout des expéditions aujourd'hui qui sont tournées vers la protection, surtout des milieux polaires. Donc, le métier de conférencier, il est venu après. Je n'ai pas choisi d'être conférencier. En fait, l'activité de conférencier était une résultante du métier de l'aventure, du côté aventurier.

  • Speaker #0

    Oui, tu es d'abord un aventurier. D'ailleurs, c'est toi qui as dit ce que j'ai dit en tout début. La vie est une aventure audacieuse où elle n'est rien. Et ce mot audace, j'ai vu que tu l'utilises vraiment souvent. Alors, est-ce que pour toi, l'audace, c'est un remède, une solution aux nombreux défis sociétaux et environnementaux ?

  • Speaker #1

    Je crois que oui. Je pense qu'on est… On est tous très heureux d'évoluer dans une forme de confort, parce que le confort, ça rassure. Et dans l'aventure, on est tout sauf dans le confort. Ce que j'aime bien avec l'aventure, c'est qu'il faut beaucoup préparer. Parfois, on pense que les aventuriers, ce sont des gens qui sont des têtes brûlées ou qui sont des inconscients. Moi, je crois vraiment que c'est l'inverse. Parce que si on a cette démarche, si on a cette attitude-là, finalement, on a toutes les chances de se planter. Donc, je crois que l'audace, c'est ce qui permet de... aller au-delà de ses certitudes, aller au-delà de ses connaissances pour se découvrir soi-même. Et puis finalement, c'est dans ces moments d'inconfort, dans ces moments de découverte, qu'on parvient justement à se découvrir réellement ou qu'on parvient à découvrir de nouvelles capacités. Et donc, je crois vraiment que l'audace, c'est une valeur que les aventuriers ont évidemment, mais qui est une valeur que tous les entrepreneurs ou tout le monde en fait devrait plus exploiter. Et donc, je crois que... Par l'audace, on parvient à faire des grandes choses. Moi, j'ai commencé l'aventure assez jeune. J'ai eu la chance d'évoluer dans un terreau où on m'a laissé la possibilité de le faire.

  • Speaker #0

    Ta première aventure, c'était quand ? Tu avais quel âge ?

  • Speaker #1

    Ma première aventure, je l'ai vécue juste après mon bac. J'ai grandi en Normandie et je suis parti traverser l'Europe à vélo, tout seul, jusqu'à Istanbul, jusqu'en Turquie. Et finalement, c'était une aventure très audacieuse parce que moi, je n'avais pas l'expérience du voyage. de longue distance ou de l'itinérance à vélo. Et on fait des erreurs, évidemment, mais en faisant preuve d'audace, parfois de naïveté, parce qu'il faut le dire, moi, j'avais tout juste 18-19 ans. Eh bien, on parvient à aller au-delà de ses certitudes. Et c'est ce qui fait grandir, je crois. Et moi, c'est ce que je cultive, ce que j'essaie de cultiver dans toutes mes aventures.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu que ce voyage à vélo, justement, quand tu as parcouru l'Europe... Tu as dit finalement ma première, ma seule préparation ça a été d'avoir fait 25 km à vélo avant de me lancer. Donc ça j'ai trouvé ça très audacieux je dois dire. Et ce secret de l'audace, tu penses que c'est à la portée de tous ?

  • Speaker #1

    Je crois que comme je le disais, on est tous très rassurés par ce qu'on connaît. Mais finalement, c'est parfois pas très gratifiant de refaire tout ce qu'on connaît déjà. Et moi, quand je me lance dans une aventure, je ne sais pas si je vais y arriver. Je ne sais pas si je vais pouvoir aller au bout. Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Ce qui va m'intéresser, c'est la manière dont je vais préparer l'aventure, la manière dont je vais anticiper les problèmes que je pourrais avoir. Et pour moi, l'aventure avec un grand A, c'est ça, c'est vraiment activer des plans A, des plans B, des plans C, se reporter à des expériences vécues pour pouvoir s'appuyer dessus quand c'est difficile. Et donc, c'est un cheminement, si vous voulez. Et puis après, si on atteint l'objectif, c'est la cerise sur le gâteau. Mais ce qui va être intéressant, ce n'est pas tellement l'arrivée, c'est plutôt tout le chemin qui va être nécessaire de parcourir pour atteindre son but. Donc... Si l'aventure, si tout était prévu, si tout était organisé en amont, ce ne serait plus une aventure, ce serait un voyage ou ce serait du tourisme. Je n'ai rien contre le voyage et le tourisme, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'aventure. Et donc, l'audace, on peut en faire preuve d'audace, pas forcément dans le milieu de l'aventure, tout le temps, dans tous les moments de la vie, finalement. Et donc, je pense que oui, en tout cas, c'est ce qui me... C'est ce qui m'aide à me sentir vivant, c'est ce qui m'aide aussi à me sentir utile quand on vient porter la voix des pôles. Les milieux polaires sont des milieux où il faut faire preuve d'audace. On va en parler, mais ce sont des milieux qui sont contraignants par leur géographie, par leurs conditions climatiques. Et donc, si on y va dans une posture non audacieuse, je pense qu'on reste rapidement au port.

  • Speaker #0

    On va parler des pôles, Mathieu, mais avant ça, j'aimerais qu'on revienne sur ce tour du monde en quatre ailes que tu as fait avec ton ami d'enfance. Et votre objectif c'était d'aller voir de près sur le terrain la microfinance, les micro-entrepreneurs. Et pour nous, comme tu sais, à la Fondation Gramine Crédit Agricole, c'est un sujet qui nous porte évidemment. Et j'ai bien aimé quand tu as dit, ce que j'ai pu voir par ailleurs, que tu avais eu cette envie d'aller sur les routes de la microfinance après avoir lu une citation du professeur Younius, et je vais la lire. Les pauvres, dit-il, sont les plus grands entrepreneurs au monde. Chaque jour, ils doivent innover pour survivre. Ils restent pauvres parce qu'ils n'ont pas d'opportunité pour transformer leur créativité en revenu durable. Alors j'aimerais bien que tu partages avec nous, finalement, le regard que tu portais sur la microfinance avant de monter avec ton ami d'enfance dans cette 4L. Et puis, comment ce regard a évolué à la fin de votre voyage ?

  • Speaker #1

    Merci d'en parler. C'est vrai que ce tour du monde en 4L, c'était en 2013-2014. Moi, j'étais encore étudiant. J'ai découvert la microfinance par l'ouvrage de Mouabad Younous. Il était venu dans une université qui s'appelle la LSE, London School of Economics, à Londres, où je prenais mes cours d'économie. J'ai découvert à ce moment le concept du microcrédit et de la microfinance. C'est vrai que pour moi, c'était un peu obscur au départ. Quand j'ai découvert le levier de développement que pouvait représenter le microcrédit pour des populations exclues du système bancaire classique, j'ai trouvé ça fabuleux. Alors après, moi, j'ai voulu participer à un système qui fonctionnait déjà avec mon ami Nicolas. Et on a tout découvert sur place parce que nous, on est parti, on avait l'âge de 21 ans. On était en partenariat avec des institutions de microfinance très solides et sérieuses françaises qui étaient Babyloan, qui est aujourd'hui Lendahent et Entrepreneurs du Monde. Et puis vous aussi, la Fondation Gravine et Microfinance, on a pu bénéficier aussi de votre appui. Et donc, on n'est pas parti. je dirais comme ça l'improviste, on avait ses partenaires.

  • Speaker #0

    En 4L quand même !

  • Speaker #1

    Et avec la 4L, qui était le fil rouge un petit peu de ce voyage, qui était notre mode de déplacement, et qui était aussi un vrai vecteur de rencontre, parce que la 4L, vous voyez bien à quoi elle ressemble, c'est une voiture qui est sympathique, qui est une vieille voiture un peu vintage, il n'y a pas la climatisation, et donc c'était un... un moyen, si vous voulez, de rentrer en contact de manière assez facile avec à la fois les entrepreneurs, mais aussi tous les gens qu'on a pu rencontrer le long de notre route. Et nous, ce qu'on a constaté sur place, c'était que le microcrédit, lorsqu'il était pratiqué de manière sociale et solidaire, eh bien, il était extrêmement puissant. Et quelque chose, moi, qui m'a beaucoup marqué, c'est que certains gestionnaires de crédit, qui étaient donc nos contacts sur place, qui venaient nous accompagner pour aller rencontrer les microentrepreneurs qu'on avait soutenus. certains de ces gestionnaires de crédit étaient par le passé des précédents bénéficiaires de microcrédit. Donc, quand on a vu ça avec mon ami Nicolas, on s'est dit, mais c'est quand même fabuleux, avec 200, 300 euros, on parvient à rentrer dans un… dans un cercle de financement qui fait qu'il y a une vraie augmentation du niveau de vie. Et puis ça va au-delà, puisque vous le savez, les prêts parfois sont accompagnés de formations sur le business, sur des formations, des accompagnements sur les bonnes pratiques, par exemple agricoles, quand on est dans les milieux ruraux, ou des bonnes pratiques aussi d'éducation pour les enfants. Et donc on ne se contente pas uniquement de donner de l'argent dans... pour l'investir ou pour l'utiliser dans une activité qui soit génératrice de revenus, ça va bien au-delà. Et donc moi, ça, c'était quelque chose que je ne savais pas quand je me suis lancé dans ce projet. Et donc, je suis revenu avec Nicolas, enthousiasmé par ce levier de développement qu'est le microcrédit, avec l'envie de le faire connaître davantage. Et c'est pour ça qu'on en a fait un documentaire et un livre.

  • Speaker #0

    Et avec, on le rappelle, un très faible taux de défaut, puisqu'en fait, les entrepreneurs, la plupart du temps, remboursent très largement leurs emprunts. Est-ce que tu aurais une ou deux anecdotes à nous partager de ce périple en 4L ?

  • Speaker #1

    Il y en a tellement. C'est vrai que c'était un voyage de 11 mois à travers 40 pays. On est parti de France, on a roulé jusqu'à l'Inde. Et puis après, on a renvoyé la voiture de Calcutta, quasiment le berceau de la microfinance, que je rappelle que Mouamad Inous, il est... originaire du Bangladesh, donc on n'était pas très loin. Et puis cette voiture, elle est partie dans un container pour rejoindre San Francisco aux États-Unis. De la Californie, on a récupéré la voiture, on est descendu jusqu'à Rio de Janeiro, en traversant l'Amérique centrale, une partie de l'Amérique du Sud. Et là, on est monté sur un porte-container à Rio, au Brésil, qui a traversé l'océan Atlantique pour débarquer à Dakar, au Sénégal. Et du Sénégal, on est remonté en France. Donc vous voyez, c'était une grande boucle. Et donc forcément, dans tout ce voyage-là, il y a eu pas mal de galères. La 4L a les qualités de ses défauts, c'est-à-dire que c'est une voiture qui est un petit peu vieillotte, qui est robuste, qui est légère, qui ne nécessite pas des compétences incroyables pour la réparer, puisqu'il n'y a rien d'électronique. Dès qu'il y a une panne, on peut facilement la déceler et la faire réparer un peu n'importe où, par n'importe qui. Donc oui, on a par exemple cassé les suspensions au Népal, qu'on a fait ressouder dans un petit atelier. Ces suspensions ont recassé au Pérou, ensuite au Maroc. On avait des pneus qui étaient très usés, qui ont tourné sur eux-mêmes, qu'on inversait parce que le parallélisme de la voiture était complètement foireux. On a eu pas mal de galères pour traverser les frontières, évidemment, parce que dès que vous êtes loin de chez vous et que vous essayez de vous voyager avec une voiture, on vous cherche souvent des... des problèmes pour faire avancer la voiture. Donc, parfois, on a campé au niveau des douanes parce qu'on était dans notre bon droit, mais on voulait nous extorquer des petites sommes d'argent pour nous laisser passer. Donc, bien sûr, ça fait partie du voyage. Mais ce qui compte, c'est de garder de l'optimisme, le sourire et surtout d'être patient. Parce que finalement, avec la patience, on parvient à tout.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler des pôles, forcément. Tu es devenu, Mathieu, un fin observateur du réchauffement climatique. et de ses effets sur l'équilibre des écosystèmes polaires. Qu'est-ce qui se joue actuellement au pôle Nord et au pôle Sud ?

  • Speaker #1

    Le pôle Nord et le pôle Sud, d'abord pour commencer, ce sont des points géographiques. Souvent, on a tendance à mixer un petit peu le pôle Nord avec l'Arctique, le pôle Sud avec l'Antarctique. Alors c'est vrai, mais les pôles Nord et le pôle Sud sont vraiment des points géographiques. C'est vraiment l'axe de rotation de la Terre. Et ces pôles, ils sont au milieu de deux régions. Donc au Nord, on a l'Arctique, au Sud, on a l'Antarctique. Ce sont deux régions qui sont des régions polaires, mais qui sont des régions finalement assez différentes, puisque au nord, en Arctique, on a un océan qu'on appelle l'océan glacial arctique, et au sud on a un continent qui s'appelle le continent antarctique, qui est une gigantesque île recouverte de glace et de neige. Et ces milieux polaires, ils sont très vastes en superficie. Pour donner un exemple, l'Antarctique, ça fait 26 fois la taille de la France. Donc on voit bien que c'est deux énormes glaçons aux antipodes de notre planète qui ont un rôle... crucial pour l'équilibre climatique de la Terre puisque ce sont des climatiseurs. En fait, vous le savez peut-être, mais toutes les surfaces blanches, les glaciers, les banquises, les calottes polaires, ce sont des réflecteurs de chaleur. Pourquoi ? Parce que les rayons du soleil, quand ils arrivent sur ces calottes polaires, ils sont réfléchis dans l'atmosphère. Et donc ça, ça veut dire qu'on a aujourd'hui, à l'extrémité de notre planète, des climatiseurs qui viennent réguler l'équilibre climatique de la planète. Et ce qui se passe aujourd'hui, pour répondre à votre question, C'est qu'en émettant du CO2 en excès, on a ce réchauffement qui vient grignoter, qui vient faire disparaître toutes ces calottes polaires et toutes ces banquises. Et ça, c'est un véritable problème puisqu'en disparaissant, ces surfaces blanches laissent la place à des surfaces qui sont foncées, par exemple de la roche, par exemple l'océan Arctique, qui, libérée de sa banquise, va attirer les rayons du soleil, puisque vous savez que les couleurs sombres attirent les rayons du soleil. Et donc ça, ça va participer encore davantage au réchauffement. On appelle ça la boucle. de rétroaction positive, mais qui n'a de positif que le non, puisque évidemment c'est une spirale très négative pour l'équilibre du climat. Donc aujourd'hui les pôles sont en train de souffrir, on dit que la région arctique se réchauffe quatre fois plus que nos milieux tempérés. Là on parle du réchauffement, mais je ne vous ai pas parlé de la montée du niveau des mers, puisqu'évidemment toutes les glaces continentales, comme celle du Groenland, comme celle de l'Antarctique, ou comme celle qu'il y a par exemple avec le permafrost sur les continents, eh bien ça ajoute encore de la glace à l'océan et donc ça fait monter le niveau de la mer. Donc tout ce qui se passe dans les pôles ne reste pas dans les pôles, c'est vraiment important de le comprendre. Souvent on se dit, c'est loin de chez nous, finalement ça ne va pas nous atteindre. Eh bien non, tout est lié. Et donc ne pas protéger les pôles, c'est ne pas nous protéger nous-mêmes. Donc c'est important d'en parler, puisque parfois on a tendance à peut-être un petit peu tout mélanger, le pôle nord, le pôle sud, l'Arctique, l'Antarctique. Il faut vraiment essayer de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter cette hausse des températures.

  • Speaker #0

    Les pôles, tu le dis, c'est un écosystème un peu exceptionnel. Et moi, je pense qu'il est vraiment difficile de prendre la mesure si on n'y est si jamais rendu pour le coup. Alors toi, tu l'as fait puisque tu as traversé ces 800 kilomètres en solitaire pour rejoindre le pôle sud. Et j'ai vu que tu disais, il n'y a pas de faune, il n'y a pas d'odeur, il n'y a pas de vent, simplement une immense étendue froide, blanche, lumineuse. Et donc je me suis dit, mais comment a-t-il fait pour ne pas perdre pied pendant ces 50 jours, tout seul, face à lui-même ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une expédition qui était peut-être la plus marquante. Alors c'est un petit peu plus que 800 kilomètres, c'était 1132 kilomètres à Pôle d'Oiseau. Et je suis parti de la côte du continent antarctique pour rallier le pôle sud. Et donc tu l'as dit, en solitaire et sans ravitaillement. L'expédition en Antarctique, c'était véritablement un rêve de gosse. Et moi, ce que j'ai souhaité questionner, c'était la solitude. J'avais fini mes études supérieures à ce moment et j'avais envie de me retrouver seul avec moi-même dans une période de temps donné, un peu comme un marin partirait faire une longue navigation autour du globe. D'ailleurs, les marins du Vendée Globe vont partir d'ici quelques semaines. Moi, c'était un petit peu pareil. J'avais envie de me faire un petit peu ce cadeau, si vous voulez, de solitude. Ça peut paraître un petit peu curieux comme ça et peut-être que les gens qui nous écoutent... s'éloigne de cette solitude. Mais finalement, moi, je me disais que c'était quelque chose qui n'arrivait jamais, en fait, dans une vie, que d'avoir autant de temps pour soi et rien que pour soi. Et donc, j'ai voulu vivre cette aventure seule pour cette raison, pour essayer de connaître et voir ce que faisait, en fait, la solitude. Mais dans quoi,

  • Speaker #0

    comme expérience, pour le coup, dans un tel dénuement, tout seul, pas de ravitaillement, avec cette incertitude, finalement, de est-ce que je vais pouvoir y arriver ? J'ai froid, j'ai pas de... je n'ai pas de relation sociale. Comment tu as vécu ça ?

  • Speaker #1

    Ça a été difficile, évidemment. Je ne dirais pas que j'y suis arrivé avec toute la facilité du monde au pôle sud. Mais j'ai vécu ça comme une vraie immersion dans la nature, un petit peu comme une retraite aussi, parce que, comme tu l'as dit, j'étais vraiment tout seul. Les animaux, il y en a en Antarctique, mais ils sont sur la côte du continent. Ce sont des manchots, des baleines, des phoques, des oiseaux. Mais plus vous vous éloignez de la côte pour vous rapprocher du pôle sud, Plus vous rentrez dans ce continent et moins il y a de vie, puisque la vie, elle se cantonne vraiment aux côtes de l'Antarctique. Et moi, je l'ai vécu, déjà, c'était un choix. Je ne me suis pas retrouvé dans cette expédition parce qu'on m'y a forcé. Moi, je me suis retrouvé là-bas parce que je le voulais. Et donc, j'ai toujours essayé de rester optimiste face aux difficultés qui se sont inévitablement retrouvées sur mon chemin. Le brouillard, le froid extrême, la neige molle. parce qu'il faut le dire, il y a eu beaucoup de chutes de neige quand j'étais en Antarctique et donc face à ça il faut être résilient évidemment mais moi je l'ai vécu de manière positive parce qu'encore une fois c'était mon choix et c'était ma volonté d'être en Antarctique et de vivre cette expédition et donc je l'ai vécu avec beaucoup d'enthousiasme pas de sérénité parce que ça a été difficile mais d'envie d'aller au bout et le fait de tous les jours grappiller les kilomètres nécessaires pour atteindre votre objectif vous donne aussi de l'énergie et de la motivation. Et c'était un challenge, cette expédition.

  • Speaker #0

    C'est une conclusion que j'aimerais faire avec toi. Est-ce que finalement, Mathieu, tu considères qu'il y a un moment propice dans la vie pour se lancer, dans un projet qui nous tient à cœur ? On en a tous un finalement au fond de nous-mêmes. Est-ce qu'il y a un bon moment pour se lancer dans nos rêves, dans nos aventures de vie ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne détiens pas la vérité, mais je vais essayer de répondre à cette question. Moi, ce que je constate sur mes dernières aventures, c'est que le bon moment pour partir en expédition ou dans un projet qui nous tient à cœur n'existe pas. Je suis persuadé d'une chose, c'est que... On revient un peu à la question du confort de tout à l'heure et de l'audace, c'est qu'on se trouvera toujours des excuses pour ne pas partir dans quelque chose qui nous titille. Pourquoi ? Parce que parfois on se dit j'ai pas le temps, je suis pas assez sportif ou pour les plus jeunes j'ai pas les financements et puis quand on est un peu plus âgé on se dit j'ai plus la santé Donc je crois vraiment que ça c'est des excuses qu'on se cherche pour ne pas se lancer. Et je pense qu'on a... On a tous des aventures à notre portée. Il ne faut pas se comparer et se dire, Non, lui, il a fait ça et moi, ce n'est pas à mon niveau. Moi, si j'avais réfléchi de la sorte, jamais je n'aurais enfourché mon vélo à 19 ans pour aller à Istanbul. Je ne suis pas arrivé à Istanbul très rapidement. J'ai fait des chutes et j'ai cassé mon dérailleur. J'ai eu des galères, j'ai perdu. Mais finalement, ce n'est pas ça qu'il faut retenir. Je pense que c'est le bon moment pour moi. La conjonction du temps, de la bonne santé, du bon portefeuille, je crois qu'elle n'arrive jamais. Et plus on l'attend, moins on se lance. Donc, moi, j'ai souvent un seul message. C'est si vous avez un projet, une envie, un rêve, eh bien, n'hésitez pas. Essayez de ne pas voir trop, trop loin, trop, trop haut. Commençons par des choses qui sont à notre portée. Et puis après, c'est un enchaînement, c'est une préparation, c'est une expérience qui fait qu'on peut viser toujours plus loin, toujours plus haut. Mais je crois, pour répondre à ta question, que le bon moment, je crois qu'il n'existe pas.

  • Speaker #0

    C'est maintenant. J'aimerais bien terminer par une phrase que tu as dite tout à l'heure, j'aime bien. Finalement, on ne repousse pas ses limites, on les découvre. Et je trouve que c'est un beau mot de la fin. Merci à toi. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt Véronique.

  • Speaker #0

    Merci pour votre écoute. Retrouvez les Voix des Solutions sur toutes les plateformes de streaming. Je vous dis à bientôt. Prenez soin de vous.

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Description

« Finalement on ne repousse pas ses limites, on les découvre » 

 

Ces mots, ce sont ceux de mon dernier invité au micro des Voix des Solutions, l’aventurier, conférencier et auteur Matthieu Tordeur

 

À seulement 33 ans, il a déjà vécu de nombreuses expériences intenses, riches de l’audace qu’il nous appelle toutes et tous à cultiver : 

 

➡️ Un tour du monde de 11 mois, à sillonner les routes à bord d’une 4L pour découvrir la microfinance en actions ;

➡️ Une traversée de 250km à travers le désert du Sahara - l’équivalent de 4 marathons - en 4 jours ;

➡️ De nombreuses expéditions aux pôles Nord et Sud du globe, l’ayant même mené à devenir le plus jeune aventurier à traverser le pôle Sud - soit plus de 1 300 km - en solitaire et sans ravitaillement !

 

En une dizaine d'années, faite d'émerveillement et de dépassement de soi, Matthieu est aussi devenu un témoin de premier plan des conséquences du changement climatique, en particulier sur les milieux polaires. Lointains, peu habités, aux paysages à la limite de l'irréel, ils sont de véritables "climatiseurs de la Terre" essentiels à l'équilibre de l'ensemble de notre planète et de ses écosystèmes. 

 

Se découvrir, découvrir le monde, ses merveilles comme ses fragilités, et découvrir des personnes exceptionnelles aux 4 coins du globe, c’est la vie qu’a décidé d’embrasser Matthieu Tordeur et qu’il me livre dans un très bel échange pour Les Voix des Solutions. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans les Voix des Solutions. Parce que j'ai la chance de croiser des personnalités engagées pour un monde plus inclusif, j'ai souhaité partager ces rencontres avec vous dans cette série de podcasts. La vie est une aventure audacieuse, où elle n'est rien. Et on peut dire que la vie de mon jeune invité est émaillée d'aventures audacieuses. Entre autres, il a fait le tour du monde en 4L pour promouvoir la microfinance en 11 mois. Dans le Sahara, il a parcouru 250 km, soit 4 marathons en 4 jours. Et plus récemment, il a été le plus jeune et le premier Français à rejoindre le pôle Sud en 800 km en solitaire et sans ravitaillement. Mon invité aujourd'hui, c'est Mathieu Tordeur. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique.

  • Speaker #0

    Mathieu, ton métier, c'est aventurier conférencier. Alors, ma première question, c'est, alors que tu es étudiant à Sciences Po, tu décides de devenir aventurier conférencier. C'est quoi l'étincelle ? Qu'est-ce qui t'a amené à faire ça ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une activité professionnelle qui est atypique. Moi, c'est le virus de l'aventure, je l'ai depuis que je suis tout petit. Mes parents me racontaient que je n'étais pas même en CP, que je dévorais les BD de Tintin et Milou. Et je crois que l'univers d'Hergé, la lecture précoce de ces BD a fait naître en moi un irrésistible désir d'aventure, de voyage, de découverte. Donc, tu vois, ça, ça remonte à il y a assez longtemps. Et puis après, j'ai, au cours de mes études, toujours utilisé le temps que j'avais de disponible sur mes week-ends, sur mes vacances scolaires. Il faut dire aussi que j'ai été scout pendant dix ans et que quand on est scout, on apprend à faire des cabanes, à dormir dehors, faire des feux. Et donc, le virus... Voilà, exactement. Et donc, les gènes de l'aventure, je crois que je les ai cultivés depuis ma jeunesse jusqu'à en faire aujourd'hui un métier. Alors, c'est vrai que je dis que je suis aventurier, mais c'est le seul mot que j'ai trouvé dans le dictionnaire pour définir ce que je fais. Moi, mon métier consiste à faire des expéditions et à les partager sous plein de formes. Ça prend la forme de documentaires pour la télévision, de conférences, de récits aussi. Et puis, ce sont surtout des expéditions aujourd'hui qui sont tournées vers la protection, surtout des milieux polaires. Donc, le métier de conférencier, il est venu après. Je n'ai pas choisi d'être conférencier. En fait, l'activité de conférencier était une résultante du métier de l'aventure, du côté aventurier.

  • Speaker #0

    Oui, tu es d'abord un aventurier. D'ailleurs, c'est toi qui as dit ce que j'ai dit en tout début. La vie est une aventure audacieuse où elle n'est rien. Et ce mot audace, j'ai vu que tu l'utilises vraiment souvent. Alors, est-ce que pour toi, l'audace, c'est un remède, une solution aux nombreux défis sociétaux et environnementaux ?

  • Speaker #1

    Je crois que oui. Je pense qu'on est… On est tous très heureux d'évoluer dans une forme de confort, parce que le confort, ça rassure. Et dans l'aventure, on est tout sauf dans le confort. Ce que j'aime bien avec l'aventure, c'est qu'il faut beaucoup préparer. Parfois, on pense que les aventuriers, ce sont des gens qui sont des têtes brûlées ou qui sont des inconscients. Moi, je crois vraiment que c'est l'inverse. Parce que si on a cette démarche, si on a cette attitude-là, finalement, on a toutes les chances de se planter. Donc, je crois que l'audace, c'est ce qui permet de... aller au-delà de ses certitudes, aller au-delà de ses connaissances pour se découvrir soi-même. Et puis finalement, c'est dans ces moments d'inconfort, dans ces moments de découverte, qu'on parvient justement à se découvrir réellement ou qu'on parvient à découvrir de nouvelles capacités. Et donc, je crois vraiment que l'audace, c'est une valeur que les aventuriers ont évidemment, mais qui est une valeur que tous les entrepreneurs ou tout le monde en fait devrait plus exploiter. Et donc, je crois que... Par l'audace, on parvient à faire des grandes choses. Moi, j'ai commencé l'aventure assez jeune. J'ai eu la chance d'évoluer dans un terreau où on m'a laissé la possibilité de le faire.

  • Speaker #0

    Ta première aventure, c'était quand ? Tu avais quel âge ?

  • Speaker #1

    Ma première aventure, je l'ai vécue juste après mon bac. J'ai grandi en Normandie et je suis parti traverser l'Europe à vélo, tout seul, jusqu'à Istanbul, jusqu'en Turquie. Et finalement, c'était une aventure très audacieuse parce que moi, je n'avais pas l'expérience du voyage. de longue distance ou de l'itinérance à vélo. Et on fait des erreurs, évidemment, mais en faisant preuve d'audace, parfois de naïveté, parce qu'il faut le dire, moi, j'avais tout juste 18-19 ans. Eh bien, on parvient à aller au-delà de ses certitudes. Et c'est ce qui fait grandir, je crois. Et moi, c'est ce que je cultive, ce que j'essaie de cultiver dans toutes mes aventures.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu que ce voyage à vélo, justement, quand tu as parcouru l'Europe... Tu as dit finalement ma première, ma seule préparation ça a été d'avoir fait 25 km à vélo avant de me lancer. Donc ça j'ai trouvé ça très audacieux je dois dire. Et ce secret de l'audace, tu penses que c'est à la portée de tous ?

  • Speaker #1

    Je crois que comme je le disais, on est tous très rassurés par ce qu'on connaît. Mais finalement, c'est parfois pas très gratifiant de refaire tout ce qu'on connaît déjà. Et moi, quand je me lance dans une aventure, je ne sais pas si je vais y arriver. Je ne sais pas si je vais pouvoir aller au bout. Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Ce qui va m'intéresser, c'est la manière dont je vais préparer l'aventure, la manière dont je vais anticiper les problèmes que je pourrais avoir. Et pour moi, l'aventure avec un grand A, c'est ça, c'est vraiment activer des plans A, des plans B, des plans C, se reporter à des expériences vécues pour pouvoir s'appuyer dessus quand c'est difficile. Et donc, c'est un cheminement, si vous voulez. Et puis après, si on atteint l'objectif, c'est la cerise sur le gâteau. Mais ce qui va être intéressant, ce n'est pas tellement l'arrivée, c'est plutôt tout le chemin qui va être nécessaire de parcourir pour atteindre son but. Donc... Si l'aventure, si tout était prévu, si tout était organisé en amont, ce ne serait plus une aventure, ce serait un voyage ou ce serait du tourisme. Je n'ai rien contre le voyage et le tourisme, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'aventure. Et donc, l'audace, on peut en faire preuve d'audace, pas forcément dans le milieu de l'aventure, tout le temps, dans tous les moments de la vie, finalement. Et donc, je pense que oui, en tout cas, c'est ce qui me... C'est ce qui m'aide à me sentir vivant, c'est ce qui m'aide aussi à me sentir utile quand on vient porter la voix des pôles. Les milieux polaires sont des milieux où il faut faire preuve d'audace. On va en parler, mais ce sont des milieux qui sont contraignants par leur géographie, par leurs conditions climatiques. Et donc, si on y va dans une posture non audacieuse, je pense qu'on reste rapidement au port.

  • Speaker #0

    On va parler des pôles, Mathieu, mais avant ça, j'aimerais qu'on revienne sur ce tour du monde en quatre ailes que tu as fait avec ton ami d'enfance. Et votre objectif c'était d'aller voir de près sur le terrain la microfinance, les micro-entrepreneurs. Et pour nous, comme tu sais, à la Fondation Gramine Crédit Agricole, c'est un sujet qui nous porte évidemment. Et j'ai bien aimé quand tu as dit, ce que j'ai pu voir par ailleurs, que tu avais eu cette envie d'aller sur les routes de la microfinance après avoir lu une citation du professeur Younius, et je vais la lire. Les pauvres, dit-il, sont les plus grands entrepreneurs au monde. Chaque jour, ils doivent innover pour survivre. Ils restent pauvres parce qu'ils n'ont pas d'opportunité pour transformer leur créativité en revenu durable. Alors j'aimerais bien que tu partages avec nous, finalement, le regard que tu portais sur la microfinance avant de monter avec ton ami d'enfance dans cette 4L. Et puis, comment ce regard a évolué à la fin de votre voyage ?

  • Speaker #1

    Merci d'en parler. C'est vrai que ce tour du monde en 4L, c'était en 2013-2014. Moi, j'étais encore étudiant. J'ai découvert la microfinance par l'ouvrage de Mouabad Younous. Il était venu dans une université qui s'appelle la LSE, London School of Economics, à Londres, où je prenais mes cours d'économie. J'ai découvert à ce moment le concept du microcrédit et de la microfinance. C'est vrai que pour moi, c'était un peu obscur au départ. Quand j'ai découvert le levier de développement que pouvait représenter le microcrédit pour des populations exclues du système bancaire classique, j'ai trouvé ça fabuleux. Alors après, moi, j'ai voulu participer à un système qui fonctionnait déjà avec mon ami Nicolas. Et on a tout découvert sur place parce que nous, on est parti, on avait l'âge de 21 ans. On était en partenariat avec des institutions de microfinance très solides et sérieuses françaises qui étaient Babyloan, qui est aujourd'hui Lendahent et Entrepreneurs du Monde. Et puis vous aussi, la Fondation Gravine et Microfinance, on a pu bénéficier aussi de votre appui. Et donc, on n'est pas parti. je dirais comme ça l'improviste, on avait ses partenaires.

  • Speaker #0

    En 4L quand même !

  • Speaker #1

    Et avec la 4L, qui était le fil rouge un petit peu de ce voyage, qui était notre mode de déplacement, et qui était aussi un vrai vecteur de rencontre, parce que la 4L, vous voyez bien à quoi elle ressemble, c'est une voiture qui est sympathique, qui est une vieille voiture un peu vintage, il n'y a pas la climatisation, et donc c'était un... un moyen, si vous voulez, de rentrer en contact de manière assez facile avec à la fois les entrepreneurs, mais aussi tous les gens qu'on a pu rencontrer le long de notre route. Et nous, ce qu'on a constaté sur place, c'était que le microcrédit, lorsqu'il était pratiqué de manière sociale et solidaire, eh bien, il était extrêmement puissant. Et quelque chose, moi, qui m'a beaucoup marqué, c'est que certains gestionnaires de crédit, qui étaient donc nos contacts sur place, qui venaient nous accompagner pour aller rencontrer les microentrepreneurs qu'on avait soutenus. certains de ces gestionnaires de crédit étaient par le passé des précédents bénéficiaires de microcrédit. Donc, quand on a vu ça avec mon ami Nicolas, on s'est dit, mais c'est quand même fabuleux, avec 200, 300 euros, on parvient à rentrer dans un… dans un cercle de financement qui fait qu'il y a une vraie augmentation du niveau de vie. Et puis ça va au-delà, puisque vous le savez, les prêts parfois sont accompagnés de formations sur le business, sur des formations, des accompagnements sur les bonnes pratiques, par exemple agricoles, quand on est dans les milieux ruraux, ou des bonnes pratiques aussi d'éducation pour les enfants. Et donc on ne se contente pas uniquement de donner de l'argent dans... pour l'investir ou pour l'utiliser dans une activité qui soit génératrice de revenus, ça va bien au-delà. Et donc moi, ça, c'était quelque chose que je ne savais pas quand je me suis lancé dans ce projet. Et donc, je suis revenu avec Nicolas, enthousiasmé par ce levier de développement qu'est le microcrédit, avec l'envie de le faire connaître davantage. Et c'est pour ça qu'on en a fait un documentaire et un livre.

  • Speaker #0

    Et avec, on le rappelle, un très faible taux de défaut, puisqu'en fait, les entrepreneurs, la plupart du temps, remboursent très largement leurs emprunts. Est-ce que tu aurais une ou deux anecdotes à nous partager de ce périple en 4L ?

  • Speaker #1

    Il y en a tellement. C'est vrai que c'était un voyage de 11 mois à travers 40 pays. On est parti de France, on a roulé jusqu'à l'Inde. Et puis après, on a renvoyé la voiture de Calcutta, quasiment le berceau de la microfinance, que je rappelle que Mouamad Inous, il est... originaire du Bangladesh, donc on n'était pas très loin. Et puis cette voiture, elle est partie dans un container pour rejoindre San Francisco aux États-Unis. De la Californie, on a récupéré la voiture, on est descendu jusqu'à Rio de Janeiro, en traversant l'Amérique centrale, une partie de l'Amérique du Sud. Et là, on est monté sur un porte-container à Rio, au Brésil, qui a traversé l'océan Atlantique pour débarquer à Dakar, au Sénégal. Et du Sénégal, on est remonté en France. Donc vous voyez, c'était une grande boucle. Et donc forcément, dans tout ce voyage-là, il y a eu pas mal de galères. La 4L a les qualités de ses défauts, c'est-à-dire que c'est une voiture qui est un petit peu vieillotte, qui est robuste, qui est légère, qui ne nécessite pas des compétences incroyables pour la réparer, puisqu'il n'y a rien d'électronique. Dès qu'il y a une panne, on peut facilement la déceler et la faire réparer un peu n'importe où, par n'importe qui. Donc oui, on a par exemple cassé les suspensions au Népal, qu'on a fait ressouder dans un petit atelier. Ces suspensions ont recassé au Pérou, ensuite au Maroc. On avait des pneus qui étaient très usés, qui ont tourné sur eux-mêmes, qu'on inversait parce que le parallélisme de la voiture était complètement foireux. On a eu pas mal de galères pour traverser les frontières, évidemment, parce que dès que vous êtes loin de chez vous et que vous essayez de vous voyager avec une voiture, on vous cherche souvent des... des problèmes pour faire avancer la voiture. Donc, parfois, on a campé au niveau des douanes parce qu'on était dans notre bon droit, mais on voulait nous extorquer des petites sommes d'argent pour nous laisser passer. Donc, bien sûr, ça fait partie du voyage. Mais ce qui compte, c'est de garder de l'optimisme, le sourire et surtout d'être patient. Parce que finalement, avec la patience, on parvient à tout.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler des pôles, forcément. Tu es devenu, Mathieu, un fin observateur du réchauffement climatique. et de ses effets sur l'équilibre des écosystèmes polaires. Qu'est-ce qui se joue actuellement au pôle Nord et au pôle Sud ?

  • Speaker #1

    Le pôle Nord et le pôle Sud, d'abord pour commencer, ce sont des points géographiques. Souvent, on a tendance à mixer un petit peu le pôle Nord avec l'Arctique, le pôle Sud avec l'Antarctique. Alors c'est vrai, mais les pôles Nord et le pôle Sud sont vraiment des points géographiques. C'est vraiment l'axe de rotation de la Terre. Et ces pôles, ils sont au milieu de deux régions. Donc au Nord, on a l'Arctique, au Sud, on a l'Antarctique. Ce sont deux régions qui sont des régions polaires, mais qui sont des régions finalement assez différentes, puisque au nord, en Arctique, on a un océan qu'on appelle l'océan glacial arctique, et au sud on a un continent qui s'appelle le continent antarctique, qui est une gigantesque île recouverte de glace et de neige. Et ces milieux polaires, ils sont très vastes en superficie. Pour donner un exemple, l'Antarctique, ça fait 26 fois la taille de la France. Donc on voit bien que c'est deux énormes glaçons aux antipodes de notre planète qui ont un rôle... crucial pour l'équilibre climatique de la Terre puisque ce sont des climatiseurs. En fait, vous le savez peut-être, mais toutes les surfaces blanches, les glaciers, les banquises, les calottes polaires, ce sont des réflecteurs de chaleur. Pourquoi ? Parce que les rayons du soleil, quand ils arrivent sur ces calottes polaires, ils sont réfléchis dans l'atmosphère. Et donc ça, ça veut dire qu'on a aujourd'hui, à l'extrémité de notre planète, des climatiseurs qui viennent réguler l'équilibre climatique de la planète. Et ce qui se passe aujourd'hui, pour répondre à votre question, C'est qu'en émettant du CO2 en excès, on a ce réchauffement qui vient grignoter, qui vient faire disparaître toutes ces calottes polaires et toutes ces banquises. Et ça, c'est un véritable problème puisqu'en disparaissant, ces surfaces blanches laissent la place à des surfaces qui sont foncées, par exemple de la roche, par exemple l'océan Arctique, qui, libérée de sa banquise, va attirer les rayons du soleil, puisque vous savez que les couleurs sombres attirent les rayons du soleil. Et donc ça, ça va participer encore davantage au réchauffement. On appelle ça la boucle. de rétroaction positive, mais qui n'a de positif que le non, puisque évidemment c'est une spirale très négative pour l'équilibre du climat. Donc aujourd'hui les pôles sont en train de souffrir, on dit que la région arctique se réchauffe quatre fois plus que nos milieux tempérés. Là on parle du réchauffement, mais je ne vous ai pas parlé de la montée du niveau des mers, puisqu'évidemment toutes les glaces continentales, comme celle du Groenland, comme celle de l'Antarctique, ou comme celle qu'il y a par exemple avec le permafrost sur les continents, eh bien ça ajoute encore de la glace à l'océan et donc ça fait monter le niveau de la mer. Donc tout ce qui se passe dans les pôles ne reste pas dans les pôles, c'est vraiment important de le comprendre. Souvent on se dit, c'est loin de chez nous, finalement ça ne va pas nous atteindre. Eh bien non, tout est lié. Et donc ne pas protéger les pôles, c'est ne pas nous protéger nous-mêmes. Donc c'est important d'en parler, puisque parfois on a tendance à peut-être un petit peu tout mélanger, le pôle nord, le pôle sud, l'Arctique, l'Antarctique. Il faut vraiment essayer de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter cette hausse des températures.

  • Speaker #0

    Les pôles, tu le dis, c'est un écosystème un peu exceptionnel. Et moi, je pense qu'il est vraiment difficile de prendre la mesure si on n'y est si jamais rendu pour le coup. Alors toi, tu l'as fait puisque tu as traversé ces 800 kilomètres en solitaire pour rejoindre le pôle sud. Et j'ai vu que tu disais, il n'y a pas de faune, il n'y a pas d'odeur, il n'y a pas de vent, simplement une immense étendue froide, blanche, lumineuse. Et donc je me suis dit, mais comment a-t-il fait pour ne pas perdre pied pendant ces 50 jours, tout seul, face à lui-même ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une expédition qui était peut-être la plus marquante. Alors c'est un petit peu plus que 800 kilomètres, c'était 1132 kilomètres à Pôle d'Oiseau. Et je suis parti de la côte du continent antarctique pour rallier le pôle sud. Et donc tu l'as dit, en solitaire et sans ravitaillement. L'expédition en Antarctique, c'était véritablement un rêve de gosse. Et moi, ce que j'ai souhaité questionner, c'était la solitude. J'avais fini mes études supérieures à ce moment et j'avais envie de me retrouver seul avec moi-même dans une période de temps donné, un peu comme un marin partirait faire une longue navigation autour du globe. D'ailleurs, les marins du Vendée Globe vont partir d'ici quelques semaines. Moi, c'était un petit peu pareil. J'avais envie de me faire un petit peu ce cadeau, si vous voulez, de solitude. Ça peut paraître un petit peu curieux comme ça et peut-être que les gens qui nous écoutent... s'éloigne de cette solitude. Mais finalement, moi, je me disais que c'était quelque chose qui n'arrivait jamais, en fait, dans une vie, que d'avoir autant de temps pour soi et rien que pour soi. Et donc, j'ai voulu vivre cette aventure seule pour cette raison, pour essayer de connaître et voir ce que faisait, en fait, la solitude. Mais dans quoi,

  • Speaker #0

    comme expérience, pour le coup, dans un tel dénuement, tout seul, pas de ravitaillement, avec cette incertitude, finalement, de est-ce que je vais pouvoir y arriver ? J'ai froid, j'ai pas de... je n'ai pas de relation sociale. Comment tu as vécu ça ?

  • Speaker #1

    Ça a été difficile, évidemment. Je ne dirais pas que j'y suis arrivé avec toute la facilité du monde au pôle sud. Mais j'ai vécu ça comme une vraie immersion dans la nature, un petit peu comme une retraite aussi, parce que, comme tu l'as dit, j'étais vraiment tout seul. Les animaux, il y en a en Antarctique, mais ils sont sur la côte du continent. Ce sont des manchots, des baleines, des phoques, des oiseaux. Mais plus vous vous éloignez de la côte pour vous rapprocher du pôle sud, Plus vous rentrez dans ce continent et moins il y a de vie, puisque la vie, elle se cantonne vraiment aux côtes de l'Antarctique. Et moi, je l'ai vécu, déjà, c'était un choix. Je ne me suis pas retrouvé dans cette expédition parce qu'on m'y a forcé. Moi, je me suis retrouvé là-bas parce que je le voulais. Et donc, j'ai toujours essayé de rester optimiste face aux difficultés qui se sont inévitablement retrouvées sur mon chemin. Le brouillard, le froid extrême, la neige molle. parce qu'il faut le dire, il y a eu beaucoup de chutes de neige quand j'étais en Antarctique et donc face à ça il faut être résilient évidemment mais moi je l'ai vécu de manière positive parce qu'encore une fois c'était mon choix et c'était ma volonté d'être en Antarctique et de vivre cette expédition et donc je l'ai vécu avec beaucoup d'enthousiasme pas de sérénité parce que ça a été difficile mais d'envie d'aller au bout et le fait de tous les jours grappiller les kilomètres nécessaires pour atteindre votre objectif vous donne aussi de l'énergie et de la motivation. Et c'était un challenge, cette expédition.

  • Speaker #0

    C'est une conclusion que j'aimerais faire avec toi. Est-ce que finalement, Mathieu, tu considères qu'il y a un moment propice dans la vie pour se lancer, dans un projet qui nous tient à cœur ? On en a tous un finalement au fond de nous-mêmes. Est-ce qu'il y a un bon moment pour se lancer dans nos rêves, dans nos aventures de vie ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne détiens pas la vérité, mais je vais essayer de répondre à cette question. Moi, ce que je constate sur mes dernières aventures, c'est que le bon moment pour partir en expédition ou dans un projet qui nous tient à cœur n'existe pas. Je suis persuadé d'une chose, c'est que... On revient un peu à la question du confort de tout à l'heure et de l'audace, c'est qu'on se trouvera toujours des excuses pour ne pas partir dans quelque chose qui nous titille. Pourquoi ? Parce que parfois on se dit j'ai pas le temps, je suis pas assez sportif ou pour les plus jeunes j'ai pas les financements et puis quand on est un peu plus âgé on se dit j'ai plus la santé Donc je crois vraiment que ça c'est des excuses qu'on se cherche pour ne pas se lancer. Et je pense qu'on a... On a tous des aventures à notre portée. Il ne faut pas se comparer et se dire, Non, lui, il a fait ça et moi, ce n'est pas à mon niveau. Moi, si j'avais réfléchi de la sorte, jamais je n'aurais enfourché mon vélo à 19 ans pour aller à Istanbul. Je ne suis pas arrivé à Istanbul très rapidement. J'ai fait des chutes et j'ai cassé mon dérailleur. J'ai eu des galères, j'ai perdu. Mais finalement, ce n'est pas ça qu'il faut retenir. Je pense que c'est le bon moment pour moi. La conjonction du temps, de la bonne santé, du bon portefeuille, je crois qu'elle n'arrive jamais. Et plus on l'attend, moins on se lance. Donc, moi, j'ai souvent un seul message. C'est si vous avez un projet, une envie, un rêve, eh bien, n'hésitez pas. Essayez de ne pas voir trop, trop loin, trop, trop haut. Commençons par des choses qui sont à notre portée. Et puis après, c'est un enchaînement, c'est une préparation, c'est une expérience qui fait qu'on peut viser toujours plus loin, toujours plus haut. Mais je crois, pour répondre à ta question, que le bon moment, je crois qu'il n'existe pas.

  • Speaker #0

    C'est maintenant. J'aimerais bien terminer par une phrase que tu as dite tout à l'heure, j'aime bien. Finalement, on ne repousse pas ses limites, on les découvre. Et je trouve que c'est un beau mot de la fin. Merci à toi. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt Véronique.

  • Speaker #0

    Merci pour votre écoute. Retrouvez les Voix des Solutions sur toutes les plateformes de streaming. Je vous dis à bientôt. Prenez soin de vous.

Description

« Finalement on ne repousse pas ses limites, on les découvre » 

 

Ces mots, ce sont ceux de mon dernier invité au micro des Voix des Solutions, l’aventurier, conférencier et auteur Matthieu Tordeur

 

À seulement 33 ans, il a déjà vécu de nombreuses expériences intenses, riches de l’audace qu’il nous appelle toutes et tous à cultiver : 

 

➡️ Un tour du monde de 11 mois, à sillonner les routes à bord d’une 4L pour découvrir la microfinance en actions ;

➡️ Une traversée de 250km à travers le désert du Sahara - l’équivalent de 4 marathons - en 4 jours ;

➡️ De nombreuses expéditions aux pôles Nord et Sud du globe, l’ayant même mené à devenir le plus jeune aventurier à traverser le pôle Sud - soit plus de 1 300 km - en solitaire et sans ravitaillement !

 

En une dizaine d'années, faite d'émerveillement et de dépassement de soi, Matthieu est aussi devenu un témoin de premier plan des conséquences du changement climatique, en particulier sur les milieux polaires. Lointains, peu habités, aux paysages à la limite de l'irréel, ils sont de véritables "climatiseurs de la Terre" essentiels à l'équilibre de l'ensemble de notre planète et de ses écosystèmes. 

 

Se découvrir, découvrir le monde, ses merveilles comme ses fragilités, et découvrir des personnes exceptionnelles aux 4 coins du globe, c’est la vie qu’a décidé d’embrasser Matthieu Tordeur et qu’il me livre dans un très bel échange pour Les Voix des Solutions. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans les Voix des Solutions. Parce que j'ai la chance de croiser des personnalités engagées pour un monde plus inclusif, j'ai souhaité partager ces rencontres avec vous dans cette série de podcasts. La vie est une aventure audacieuse, où elle n'est rien. Et on peut dire que la vie de mon jeune invité est émaillée d'aventures audacieuses. Entre autres, il a fait le tour du monde en 4L pour promouvoir la microfinance en 11 mois. Dans le Sahara, il a parcouru 250 km, soit 4 marathons en 4 jours. Et plus récemment, il a été le plus jeune et le premier Français à rejoindre le pôle Sud en 800 km en solitaire et sans ravitaillement. Mon invité aujourd'hui, c'est Mathieu Tordeur. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique.

  • Speaker #0

    Mathieu, ton métier, c'est aventurier conférencier. Alors, ma première question, c'est, alors que tu es étudiant à Sciences Po, tu décides de devenir aventurier conférencier. C'est quoi l'étincelle ? Qu'est-ce qui t'a amené à faire ça ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une activité professionnelle qui est atypique. Moi, c'est le virus de l'aventure, je l'ai depuis que je suis tout petit. Mes parents me racontaient que je n'étais pas même en CP, que je dévorais les BD de Tintin et Milou. Et je crois que l'univers d'Hergé, la lecture précoce de ces BD a fait naître en moi un irrésistible désir d'aventure, de voyage, de découverte. Donc, tu vois, ça, ça remonte à il y a assez longtemps. Et puis après, j'ai, au cours de mes études, toujours utilisé le temps que j'avais de disponible sur mes week-ends, sur mes vacances scolaires. Il faut dire aussi que j'ai été scout pendant dix ans et que quand on est scout, on apprend à faire des cabanes, à dormir dehors, faire des feux. Et donc, le virus... Voilà, exactement. Et donc, les gènes de l'aventure, je crois que je les ai cultivés depuis ma jeunesse jusqu'à en faire aujourd'hui un métier. Alors, c'est vrai que je dis que je suis aventurier, mais c'est le seul mot que j'ai trouvé dans le dictionnaire pour définir ce que je fais. Moi, mon métier consiste à faire des expéditions et à les partager sous plein de formes. Ça prend la forme de documentaires pour la télévision, de conférences, de récits aussi. Et puis, ce sont surtout des expéditions aujourd'hui qui sont tournées vers la protection, surtout des milieux polaires. Donc, le métier de conférencier, il est venu après. Je n'ai pas choisi d'être conférencier. En fait, l'activité de conférencier était une résultante du métier de l'aventure, du côté aventurier.

  • Speaker #0

    Oui, tu es d'abord un aventurier. D'ailleurs, c'est toi qui as dit ce que j'ai dit en tout début. La vie est une aventure audacieuse où elle n'est rien. Et ce mot audace, j'ai vu que tu l'utilises vraiment souvent. Alors, est-ce que pour toi, l'audace, c'est un remède, une solution aux nombreux défis sociétaux et environnementaux ?

  • Speaker #1

    Je crois que oui. Je pense qu'on est… On est tous très heureux d'évoluer dans une forme de confort, parce que le confort, ça rassure. Et dans l'aventure, on est tout sauf dans le confort. Ce que j'aime bien avec l'aventure, c'est qu'il faut beaucoup préparer. Parfois, on pense que les aventuriers, ce sont des gens qui sont des têtes brûlées ou qui sont des inconscients. Moi, je crois vraiment que c'est l'inverse. Parce que si on a cette démarche, si on a cette attitude-là, finalement, on a toutes les chances de se planter. Donc, je crois que l'audace, c'est ce qui permet de... aller au-delà de ses certitudes, aller au-delà de ses connaissances pour se découvrir soi-même. Et puis finalement, c'est dans ces moments d'inconfort, dans ces moments de découverte, qu'on parvient justement à se découvrir réellement ou qu'on parvient à découvrir de nouvelles capacités. Et donc, je crois vraiment que l'audace, c'est une valeur que les aventuriers ont évidemment, mais qui est une valeur que tous les entrepreneurs ou tout le monde en fait devrait plus exploiter. Et donc, je crois que... Par l'audace, on parvient à faire des grandes choses. Moi, j'ai commencé l'aventure assez jeune. J'ai eu la chance d'évoluer dans un terreau où on m'a laissé la possibilité de le faire.

  • Speaker #0

    Ta première aventure, c'était quand ? Tu avais quel âge ?

  • Speaker #1

    Ma première aventure, je l'ai vécue juste après mon bac. J'ai grandi en Normandie et je suis parti traverser l'Europe à vélo, tout seul, jusqu'à Istanbul, jusqu'en Turquie. Et finalement, c'était une aventure très audacieuse parce que moi, je n'avais pas l'expérience du voyage. de longue distance ou de l'itinérance à vélo. Et on fait des erreurs, évidemment, mais en faisant preuve d'audace, parfois de naïveté, parce qu'il faut le dire, moi, j'avais tout juste 18-19 ans. Eh bien, on parvient à aller au-delà de ses certitudes. Et c'est ce qui fait grandir, je crois. Et moi, c'est ce que je cultive, ce que j'essaie de cultiver dans toutes mes aventures.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu que ce voyage à vélo, justement, quand tu as parcouru l'Europe... Tu as dit finalement ma première, ma seule préparation ça a été d'avoir fait 25 km à vélo avant de me lancer. Donc ça j'ai trouvé ça très audacieux je dois dire. Et ce secret de l'audace, tu penses que c'est à la portée de tous ?

  • Speaker #1

    Je crois que comme je le disais, on est tous très rassurés par ce qu'on connaît. Mais finalement, c'est parfois pas très gratifiant de refaire tout ce qu'on connaît déjà. Et moi, quand je me lance dans une aventure, je ne sais pas si je vais y arriver. Je ne sais pas si je vais pouvoir aller au bout. Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Ce qui va m'intéresser, c'est la manière dont je vais préparer l'aventure, la manière dont je vais anticiper les problèmes que je pourrais avoir. Et pour moi, l'aventure avec un grand A, c'est ça, c'est vraiment activer des plans A, des plans B, des plans C, se reporter à des expériences vécues pour pouvoir s'appuyer dessus quand c'est difficile. Et donc, c'est un cheminement, si vous voulez. Et puis après, si on atteint l'objectif, c'est la cerise sur le gâteau. Mais ce qui va être intéressant, ce n'est pas tellement l'arrivée, c'est plutôt tout le chemin qui va être nécessaire de parcourir pour atteindre son but. Donc... Si l'aventure, si tout était prévu, si tout était organisé en amont, ce ne serait plus une aventure, ce serait un voyage ou ce serait du tourisme. Je n'ai rien contre le voyage et le tourisme, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'aventure. Et donc, l'audace, on peut en faire preuve d'audace, pas forcément dans le milieu de l'aventure, tout le temps, dans tous les moments de la vie, finalement. Et donc, je pense que oui, en tout cas, c'est ce qui me... C'est ce qui m'aide à me sentir vivant, c'est ce qui m'aide aussi à me sentir utile quand on vient porter la voix des pôles. Les milieux polaires sont des milieux où il faut faire preuve d'audace. On va en parler, mais ce sont des milieux qui sont contraignants par leur géographie, par leurs conditions climatiques. Et donc, si on y va dans une posture non audacieuse, je pense qu'on reste rapidement au port.

  • Speaker #0

    On va parler des pôles, Mathieu, mais avant ça, j'aimerais qu'on revienne sur ce tour du monde en quatre ailes que tu as fait avec ton ami d'enfance. Et votre objectif c'était d'aller voir de près sur le terrain la microfinance, les micro-entrepreneurs. Et pour nous, comme tu sais, à la Fondation Gramine Crédit Agricole, c'est un sujet qui nous porte évidemment. Et j'ai bien aimé quand tu as dit, ce que j'ai pu voir par ailleurs, que tu avais eu cette envie d'aller sur les routes de la microfinance après avoir lu une citation du professeur Younius, et je vais la lire. Les pauvres, dit-il, sont les plus grands entrepreneurs au monde. Chaque jour, ils doivent innover pour survivre. Ils restent pauvres parce qu'ils n'ont pas d'opportunité pour transformer leur créativité en revenu durable. Alors j'aimerais bien que tu partages avec nous, finalement, le regard que tu portais sur la microfinance avant de monter avec ton ami d'enfance dans cette 4L. Et puis, comment ce regard a évolué à la fin de votre voyage ?

  • Speaker #1

    Merci d'en parler. C'est vrai que ce tour du monde en 4L, c'était en 2013-2014. Moi, j'étais encore étudiant. J'ai découvert la microfinance par l'ouvrage de Mouabad Younous. Il était venu dans une université qui s'appelle la LSE, London School of Economics, à Londres, où je prenais mes cours d'économie. J'ai découvert à ce moment le concept du microcrédit et de la microfinance. C'est vrai que pour moi, c'était un peu obscur au départ. Quand j'ai découvert le levier de développement que pouvait représenter le microcrédit pour des populations exclues du système bancaire classique, j'ai trouvé ça fabuleux. Alors après, moi, j'ai voulu participer à un système qui fonctionnait déjà avec mon ami Nicolas. Et on a tout découvert sur place parce que nous, on est parti, on avait l'âge de 21 ans. On était en partenariat avec des institutions de microfinance très solides et sérieuses françaises qui étaient Babyloan, qui est aujourd'hui Lendahent et Entrepreneurs du Monde. Et puis vous aussi, la Fondation Gravine et Microfinance, on a pu bénéficier aussi de votre appui. Et donc, on n'est pas parti. je dirais comme ça l'improviste, on avait ses partenaires.

  • Speaker #0

    En 4L quand même !

  • Speaker #1

    Et avec la 4L, qui était le fil rouge un petit peu de ce voyage, qui était notre mode de déplacement, et qui était aussi un vrai vecteur de rencontre, parce que la 4L, vous voyez bien à quoi elle ressemble, c'est une voiture qui est sympathique, qui est une vieille voiture un peu vintage, il n'y a pas la climatisation, et donc c'était un... un moyen, si vous voulez, de rentrer en contact de manière assez facile avec à la fois les entrepreneurs, mais aussi tous les gens qu'on a pu rencontrer le long de notre route. Et nous, ce qu'on a constaté sur place, c'était que le microcrédit, lorsqu'il était pratiqué de manière sociale et solidaire, eh bien, il était extrêmement puissant. Et quelque chose, moi, qui m'a beaucoup marqué, c'est que certains gestionnaires de crédit, qui étaient donc nos contacts sur place, qui venaient nous accompagner pour aller rencontrer les microentrepreneurs qu'on avait soutenus. certains de ces gestionnaires de crédit étaient par le passé des précédents bénéficiaires de microcrédit. Donc, quand on a vu ça avec mon ami Nicolas, on s'est dit, mais c'est quand même fabuleux, avec 200, 300 euros, on parvient à rentrer dans un… dans un cercle de financement qui fait qu'il y a une vraie augmentation du niveau de vie. Et puis ça va au-delà, puisque vous le savez, les prêts parfois sont accompagnés de formations sur le business, sur des formations, des accompagnements sur les bonnes pratiques, par exemple agricoles, quand on est dans les milieux ruraux, ou des bonnes pratiques aussi d'éducation pour les enfants. Et donc on ne se contente pas uniquement de donner de l'argent dans... pour l'investir ou pour l'utiliser dans une activité qui soit génératrice de revenus, ça va bien au-delà. Et donc moi, ça, c'était quelque chose que je ne savais pas quand je me suis lancé dans ce projet. Et donc, je suis revenu avec Nicolas, enthousiasmé par ce levier de développement qu'est le microcrédit, avec l'envie de le faire connaître davantage. Et c'est pour ça qu'on en a fait un documentaire et un livre.

  • Speaker #0

    Et avec, on le rappelle, un très faible taux de défaut, puisqu'en fait, les entrepreneurs, la plupart du temps, remboursent très largement leurs emprunts. Est-ce que tu aurais une ou deux anecdotes à nous partager de ce périple en 4L ?

  • Speaker #1

    Il y en a tellement. C'est vrai que c'était un voyage de 11 mois à travers 40 pays. On est parti de France, on a roulé jusqu'à l'Inde. Et puis après, on a renvoyé la voiture de Calcutta, quasiment le berceau de la microfinance, que je rappelle que Mouamad Inous, il est... originaire du Bangladesh, donc on n'était pas très loin. Et puis cette voiture, elle est partie dans un container pour rejoindre San Francisco aux États-Unis. De la Californie, on a récupéré la voiture, on est descendu jusqu'à Rio de Janeiro, en traversant l'Amérique centrale, une partie de l'Amérique du Sud. Et là, on est monté sur un porte-container à Rio, au Brésil, qui a traversé l'océan Atlantique pour débarquer à Dakar, au Sénégal. Et du Sénégal, on est remonté en France. Donc vous voyez, c'était une grande boucle. Et donc forcément, dans tout ce voyage-là, il y a eu pas mal de galères. La 4L a les qualités de ses défauts, c'est-à-dire que c'est une voiture qui est un petit peu vieillotte, qui est robuste, qui est légère, qui ne nécessite pas des compétences incroyables pour la réparer, puisqu'il n'y a rien d'électronique. Dès qu'il y a une panne, on peut facilement la déceler et la faire réparer un peu n'importe où, par n'importe qui. Donc oui, on a par exemple cassé les suspensions au Népal, qu'on a fait ressouder dans un petit atelier. Ces suspensions ont recassé au Pérou, ensuite au Maroc. On avait des pneus qui étaient très usés, qui ont tourné sur eux-mêmes, qu'on inversait parce que le parallélisme de la voiture était complètement foireux. On a eu pas mal de galères pour traverser les frontières, évidemment, parce que dès que vous êtes loin de chez vous et que vous essayez de vous voyager avec une voiture, on vous cherche souvent des... des problèmes pour faire avancer la voiture. Donc, parfois, on a campé au niveau des douanes parce qu'on était dans notre bon droit, mais on voulait nous extorquer des petites sommes d'argent pour nous laisser passer. Donc, bien sûr, ça fait partie du voyage. Mais ce qui compte, c'est de garder de l'optimisme, le sourire et surtout d'être patient. Parce que finalement, avec la patience, on parvient à tout.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler des pôles, forcément. Tu es devenu, Mathieu, un fin observateur du réchauffement climatique. et de ses effets sur l'équilibre des écosystèmes polaires. Qu'est-ce qui se joue actuellement au pôle Nord et au pôle Sud ?

  • Speaker #1

    Le pôle Nord et le pôle Sud, d'abord pour commencer, ce sont des points géographiques. Souvent, on a tendance à mixer un petit peu le pôle Nord avec l'Arctique, le pôle Sud avec l'Antarctique. Alors c'est vrai, mais les pôles Nord et le pôle Sud sont vraiment des points géographiques. C'est vraiment l'axe de rotation de la Terre. Et ces pôles, ils sont au milieu de deux régions. Donc au Nord, on a l'Arctique, au Sud, on a l'Antarctique. Ce sont deux régions qui sont des régions polaires, mais qui sont des régions finalement assez différentes, puisque au nord, en Arctique, on a un océan qu'on appelle l'océan glacial arctique, et au sud on a un continent qui s'appelle le continent antarctique, qui est une gigantesque île recouverte de glace et de neige. Et ces milieux polaires, ils sont très vastes en superficie. Pour donner un exemple, l'Antarctique, ça fait 26 fois la taille de la France. Donc on voit bien que c'est deux énormes glaçons aux antipodes de notre planète qui ont un rôle... crucial pour l'équilibre climatique de la Terre puisque ce sont des climatiseurs. En fait, vous le savez peut-être, mais toutes les surfaces blanches, les glaciers, les banquises, les calottes polaires, ce sont des réflecteurs de chaleur. Pourquoi ? Parce que les rayons du soleil, quand ils arrivent sur ces calottes polaires, ils sont réfléchis dans l'atmosphère. Et donc ça, ça veut dire qu'on a aujourd'hui, à l'extrémité de notre planète, des climatiseurs qui viennent réguler l'équilibre climatique de la planète. Et ce qui se passe aujourd'hui, pour répondre à votre question, C'est qu'en émettant du CO2 en excès, on a ce réchauffement qui vient grignoter, qui vient faire disparaître toutes ces calottes polaires et toutes ces banquises. Et ça, c'est un véritable problème puisqu'en disparaissant, ces surfaces blanches laissent la place à des surfaces qui sont foncées, par exemple de la roche, par exemple l'océan Arctique, qui, libérée de sa banquise, va attirer les rayons du soleil, puisque vous savez que les couleurs sombres attirent les rayons du soleil. Et donc ça, ça va participer encore davantage au réchauffement. On appelle ça la boucle. de rétroaction positive, mais qui n'a de positif que le non, puisque évidemment c'est une spirale très négative pour l'équilibre du climat. Donc aujourd'hui les pôles sont en train de souffrir, on dit que la région arctique se réchauffe quatre fois plus que nos milieux tempérés. Là on parle du réchauffement, mais je ne vous ai pas parlé de la montée du niveau des mers, puisqu'évidemment toutes les glaces continentales, comme celle du Groenland, comme celle de l'Antarctique, ou comme celle qu'il y a par exemple avec le permafrost sur les continents, eh bien ça ajoute encore de la glace à l'océan et donc ça fait monter le niveau de la mer. Donc tout ce qui se passe dans les pôles ne reste pas dans les pôles, c'est vraiment important de le comprendre. Souvent on se dit, c'est loin de chez nous, finalement ça ne va pas nous atteindre. Eh bien non, tout est lié. Et donc ne pas protéger les pôles, c'est ne pas nous protéger nous-mêmes. Donc c'est important d'en parler, puisque parfois on a tendance à peut-être un petit peu tout mélanger, le pôle nord, le pôle sud, l'Arctique, l'Antarctique. Il faut vraiment essayer de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter cette hausse des températures.

  • Speaker #0

    Les pôles, tu le dis, c'est un écosystème un peu exceptionnel. Et moi, je pense qu'il est vraiment difficile de prendre la mesure si on n'y est si jamais rendu pour le coup. Alors toi, tu l'as fait puisque tu as traversé ces 800 kilomètres en solitaire pour rejoindre le pôle sud. Et j'ai vu que tu disais, il n'y a pas de faune, il n'y a pas d'odeur, il n'y a pas de vent, simplement une immense étendue froide, blanche, lumineuse. Et donc je me suis dit, mais comment a-t-il fait pour ne pas perdre pied pendant ces 50 jours, tout seul, face à lui-même ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une expédition qui était peut-être la plus marquante. Alors c'est un petit peu plus que 800 kilomètres, c'était 1132 kilomètres à Pôle d'Oiseau. Et je suis parti de la côte du continent antarctique pour rallier le pôle sud. Et donc tu l'as dit, en solitaire et sans ravitaillement. L'expédition en Antarctique, c'était véritablement un rêve de gosse. Et moi, ce que j'ai souhaité questionner, c'était la solitude. J'avais fini mes études supérieures à ce moment et j'avais envie de me retrouver seul avec moi-même dans une période de temps donné, un peu comme un marin partirait faire une longue navigation autour du globe. D'ailleurs, les marins du Vendée Globe vont partir d'ici quelques semaines. Moi, c'était un petit peu pareil. J'avais envie de me faire un petit peu ce cadeau, si vous voulez, de solitude. Ça peut paraître un petit peu curieux comme ça et peut-être que les gens qui nous écoutent... s'éloigne de cette solitude. Mais finalement, moi, je me disais que c'était quelque chose qui n'arrivait jamais, en fait, dans une vie, que d'avoir autant de temps pour soi et rien que pour soi. Et donc, j'ai voulu vivre cette aventure seule pour cette raison, pour essayer de connaître et voir ce que faisait, en fait, la solitude. Mais dans quoi,

  • Speaker #0

    comme expérience, pour le coup, dans un tel dénuement, tout seul, pas de ravitaillement, avec cette incertitude, finalement, de est-ce que je vais pouvoir y arriver ? J'ai froid, j'ai pas de... je n'ai pas de relation sociale. Comment tu as vécu ça ?

  • Speaker #1

    Ça a été difficile, évidemment. Je ne dirais pas que j'y suis arrivé avec toute la facilité du monde au pôle sud. Mais j'ai vécu ça comme une vraie immersion dans la nature, un petit peu comme une retraite aussi, parce que, comme tu l'as dit, j'étais vraiment tout seul. Les animaux, il y en a en Antarctique, mais ils sont sur la côte du continent. Ce sont des manchots, des baleines, des phoques, des oiseaux. Mais plus vous vous éloignez de la côte pour vous rapprocher du pôle sud, Plus vous rentrez dans ce continent et moins il y a de vie, puisque la vie, elle se cantonne vraiment aux côtes de l'Antarctique. Et moi, je l'ai vécu, déjà, c'était un choix. Je ne me suis pas retrouvé dans cette expédition parce qu'on m'y a forcé. Moi, je me suis retrouvé là-bas parce que je le voulais. Et donc, j'ai toujours essayé de rester optimiste face aux difficultés qui se sont inévitablement retrouvées sur mon chemin. Le brouillard, le froid extrême, la neige molle. parce qu'il faut le dire, il y a eu beaucoup de chutes de neige quand j'étais en Antarctique et donc face à ça il faut être résilient évidemment mais moi je l'ai vécu de manière positive parce qu'encore une fois c'était mon choix et c'était ma volonté d'être en Antarctique et de vivre cette expédition et donc je l'ai vécu avec beaucoup d'enthousiasme pas de sérénité parce que ça a été difficile mais d'envie d'aller au bout et le fait de tous les jours grappiller les kilomètres nécessaires pour atteindre votre objectif vous donne aussi de l'énergie et de la motivation. Et c'était un challenge, cette expédition.

  • Speaker #0

    C'est une conclusion que j'aimerais faire avec toi. Est-ce que finalement, Mathieu, tu considères qu'il y a un moment propice dans la vie pour se lancer, dans un projet qui nous tient à cœur ? On en a tous un finalement au fond de nous-mêmes. Est-ce qu'il y a un bon moment pour se lancer dans nos rêves, dans nos aventures de vie ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne détiens pas la vérité, mais je vais essayer de répondre à cette question. Moi, ce que je constate sur mes dernières aventures, c'est que le bon moment pour partir en expédition ou dans un projet qui nous tient à cœur n'existe pas. Je suis persuadé d'une chose, c'est que... On revient un peu à la question du confort de tout à l'heure et de l'audace, c'est qu'on se trouvera toujours des excuses pour ne pas partir dans quelque chose qui nous titille. Pourquoi ? Parce que parfois on se dit j'ai pas le temps, je suis pas assez sportif ou pour les plus jeunes j'ai pas les financements et puis quand on est un peu plus âgé on se dit j'ai plus la santé Donc je crois vraiment que ça c'est des excuses qu'on se cherche pour ne pas se lancer. Et je pense qu'on a... On a tous des aventures à notre portée. Il ne faut pas se comparer et se dire, Non, lui, il a fait ça et moi, ce n'est pas à mon niveau. Moi, si j'avais réfléchi de la sorte, jamais je n'aurais enfourché mon vélo à 19 ans pour aller à Istanbul. Je ne suis pas arrivé à Istanbul très rapidement. J'ai fait des chutes et j'ai cassé mon dérailleur. J'ai eu des galères, j'ai perdu. Mais finalement, ce n'est pas ça qu'il faut retenir. Je pense que c'est le bon moment pour moi. La conjonction du temps, de la bonne santé, du bon portefeuille, je crois qu'elle n'arrive jamais. Et plus on l'attend, moins on se lance. Donc, moi, j'ai souvent un seul message. C'est si vous avez un projet, une envie, un rêve, eh bien, n'hésitez pas. Essayez de ne pas voir trop, trop loin, trop, trop haut. Commençons par des choses qui sont à notre portée. Et puis après, c'est un enchaînement, c'est une préparation, c'est une expérience qui fait qu'on peut viser toujours plus loin, toujours plus haut. Mais je crois, pour répondre à ta question, que le bon moment, je crois qu'il n'existe pas.

  • Speaker #0

    C'est maintenant. J'aimerais bien terminer par une phrase que tu as dite tout à l'heure, j'aime bien. Finalement, on ne repousse pas ses limites, on les découvre. Et je trouve que c'est un beau mot de la fin. Merci à toi. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    A bientôt Véronique.

  • Speaker #0

    Merci pour votre écoute. Retrouvez les Voix des Solutions sur toutes les plateformes de streaming. Je vous dis à bientôt. Prenez soin de vous.

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