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L'étagère épisode 19 - Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée cover
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L'étagère

L'étagère épisode 19 - Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée

L'étagère épisode 19 - Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée

56min |14/09/2025
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56min |14/09/2025
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Description

Qui est Charlie Chan Hock Chye ? Le plus grand dessinateur de l’histoire de Singapour. Un homme qui a traversé toutes les turbulences de son pays en s’accrochant fermement à son crayon. Manga, strip animalier, comics, aventure, SF, autobiographie, portraits, affiches... A travers 300 pages qui restituent sa vie et ses créations, une mystification totale à ranger tout près d’autres chefs-d’œuvre du genre, A livre ouvert de William Boyd et Zelig de Woody Allen.


Œuvre :

Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée

Sonny Liew

Urban Comics


Œuvres annexes : 

A livre ouvert de William Boyd

Zelig de Woody Allen


Illustrations sonores :

Mahligai : We are Singapore (traditionnel)

Jack : Biography of a First Son

The Durutti Column : Portrait for Frazer

Bande-annonce de Zelig de Woody Allen


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deux amis se rendent à tour de rôle l'un chez l'autre pour découvrir les objets culturels posés sur l'étagère. Musique Musique

  • Speaker #1

    C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où tu aurais tes meilleures histoires rassemblées, il y a tout quoi.

  • Speaker #0

    Et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant qui dit un pique-nique sans sandwich mais c'est le comble de l'absurdité. En fait c'est un peu l'histoire d'un loser mais en même temps c'est un loser magnifique. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué et quand il se réveille Il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    C'est censé être lui. Je sens qu'il y a une armage. Il y a une armage, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comme si les stylos, les feutres et les pinceaux des outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse.

  • Speaker #0

    En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. J'ai aussi dit que je voulais le garder pour l'étagère, parce que je voulais voir ta tête en fait.

  • Speaker #1

    Ça vous fait des surprises, voilà. Voilà, on est de retour dans la bibliothèque pour un nouvel épisode. Et tu as sorti un livre ?

  • Speaker #0

    J'ai sorti un ouvrage, donc un gros livre.

  • Speaker #1

    Alors, je vais le présenter. Charlie Chan, Hope She, une vie dessinée, présentée par Sonny Liu. Chez Urban Graphic. Alors le livre, il est assez épais. Je vais décrire la couverture, parce que ça a l'air d'être un objet vraiment très bizarroïde, qui me surprend énormément. On dirait une reproduction d'une planche de BD en couverture. Tout en haut, sur les trois quarts de la couverture, il y a une grosse case avec un petit personnage dessiné comme dans le style manga, qui tient un petit bonhomme avec une grosse tête qui tient une télécommande. et qui dit le titre du livre dans une bulle. Et en dessous, il y a un enchaînement de trois cases, à la gauche, une case avec un robot qui soulève un bus. La case au milieu, elle est plutôt noire et blanc avec des trames. La case avec le robot était en couleur très pop. Et on termine par une troisième case, là où il y a la bulle présentée par Sony Lue, où là, on est carrément sur de la couleur directe, je dirais plutôt en acrylique ou en huile peut-être.

  • Speaker #0

    Ça ressemble à une peinture.

  • Speaker #1

    Mais voilà, ça ressemble à une peinture. Et là, on voit juste un bout de visage, surtout une moitié de nez, un oeil et un bout d'oreille. Tout ça est très intriguant. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #0

    En fait, ce que je te propose, c'est que tu jettes un oeil à l'intérieur pendant que je vais chercher deux compléments à ça. D'accord. Qui vont... Alors, je feuillette un petit peu.

  • Speaker #1

    Et effectivement, ce qui frappe, c'est que ça a l'air très... Ça part dans tous les sens, quoi. Je vois même des reproductions de comics américains, même de journaux. Après, il y a des dessins, il y a des strips. Il y a vraiment de tout, ça part dans toutes les directions. Je n'arrive pas à savoir si c'est une seule ou même histoire, ou si c'est une espèce de monographie sur Charlie Chan, qui est peut-être un dessinateur, ou pas du tout. Je ne sais pas, celui-là, je ne le connais pas. absolument pas de quoi on va parler.

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    c'est un bel objet.

  • Speaker #0

    Tu te retrouves exactement comme moi quand j'ai découvert cet ouvrage qui était dans une librairie d'occas, bien connue de Montpellier, au milieu de comics américains. Puisque, tu as dit, l'éditeur c'est Urban Graphics. Oui. Urban Graphics, leur spécialité.

  • Speaker #1

    Alors, Urban tout court, ils font spécialité d'ici.

  • Speaker #0

    Oui, c'est Urban Comics, pardon.

  • Speaker #1

    Ouais, et ils ont une sous-collection, enfin ils ont plusieurs collections comme ça, et graphiques, effectivement, je crois qu'ils sortent des trucs qui, justement, sortent un petit peu des sentiers battus des comics. Mais alors celui-là a l'air vraiment de vraiment sortir des sentiers battus.

  • Speaker #0

    C'est ça. Après, j'ai découvert qu'ils ne faisaient pas que des comics. américains, mais c'est quand même la majeure partie de leur sortie. Et donc DC Comics, c'est Superman, Batman. Tout classique. Et donc je l'ai vu au milieu de ça. Déjà le titre m'a intrigué. Et puis je l'ai ouvert et j'étais comme toi, confronté à cette variété de graphismes déjà. Et pas seulement de graphismes, c'est-à-dire de types de dessins et d'images qui se télescopent dans cet ouvrage-là. Donc ça m'a attiré, d'autant plus qu'il était vraiment pas cher d'occasion. Et je n'ai pas hésité, je ne suis pas allé voir ce que c'était, je l'ai pris directement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est vrai qu'il y a un côté quand même, ça foisonne de partout, c'est incroyable. On dirait presque des fois un catalogue d'expo en fait, mais mélangé avec une BD où on a l'impression qu'il y a un fil rouge tout le long. En fait on dirait qu'il y a quatre bouquins en un.

  • Speaker #0

    Oui, même plus que ça, en fait. C'est un peu vertigineux, ce qu'il y a à l'intérieur de ce livre.

  • Speaker #1

    On voit même, on dirait, des croquis de carnet, des extraits de carnet.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, j'ai un peu listé ce qu'il y a dedans. Il y a des BD classiques, il y a des strips comme dans les journaux sur trois cases. Il y a des portraits, donc plus ou moins finis, mais ça peut être des portraits qui sont des croquis esquissés, et puis ça peut être des peintures vraiment finalisées. Il y a des photos qui vont coller au milieu de ces dessins pour illustrer certains sujets. Il y a des couvertures de comics ou d'albums. Et puis même dans les styles de ce qui est dessiné, on va passer du manga naïf comme tu l'as décrit sur la couverture à des BD de SF un peu plus stylisés. À un moment donné, il illustre un livre d'apprentissage. Il y a des affiches, il y a des flyers. vraiment... Tous les éléments du graphisme qui se télescopent dans cet ouvrage-là.

  • Speaker #1

    Mais alors attends, ce que je n'ai pas compris pour l'instant, c'est... Est-ce qu'il y a quelqu'un seul qui est responsable de tout ce livre ? Oui.

  • Speaker #0

    Ou pas ? Mais en fait, il y a...

  • Speaker #1

    Mais je n'ai pas compris qui c'était.

  • Speaker #0

    Qui est l'auteur. Voilà. Mais c'est pile poil dans le sujet lui-même. En fait, moi j'ai acheté ce livre, et puis, comme je suis comme toi, j'en achète beaucoup, j'en accumule beaucoup... je l'ai rangé dans mon étagère et puis je l'ai un peu oublié pendant quelques semaines, voire quelques mois. Et puis un jour, j'ai redécouvert que j'avais ça rangé dans la bibliothèque et je me suis plongé dedans. Et quand je l'ai lu, je n'ai pas trop fait gaffe et j'ai fait un peu comme toi, j'ai commencé. Et dès le début, déjà tu as une série de planches avec vraiment des cases similaires, c'est-à-dire 20 cases de la même taille. qui découpe vraiment comme un gaufrier. La 20 cases,

  • Speaker #1

    forcément, ça fait des petites cases.

  • Speaker #0

    Ça fait des petites cases et à chaque fois, c'est des portraits d'un personnage qui parle, en fait, qui pose des questions sur... Alors, ça s'appelle Une montagne ne peut abriter deux tigres et ça parle de la politique et des personnages importants à Singapour. Bon, déjà, moi, Singapour, pour moi, c'est un nom. C'est un nom dans une chanson, Les petites rues de Singapour. Je sais que c'est une ville qui est très... riche dans le monde actuel, c'est à peu près toute ma connaissance de Singapour. En fait, Singapour, grâce à ce livre, j'en sais beaucoup plus dessus, parce que parmi les qualités de ce livre, c'est un livre qui retrace aussi l'histoire de Singapour.

  • Speaker #1

    D'accord. Déjà une première piste.

  • Speaker #0

    Mais de façon très fragmentée. En fait, donc j'avance, et j'arrive vraiment, après ces trois pages mystérieuses, ces deux pages mystérieuses de personnages qui parlent face caméra, j'arrive à à un portrait de Charlie Chan-Hook-Shea, qui est donc la personne qui est censée être l'auteur du livre et qui s'adresse directement au lecteur.

  • Speaker #1

    Oui, parce que moi, j'aurais compris que c'était le titre, Charlie Chan-Hook-Shea, et que quelqu'un racontait l'histoire de cette personne.

  • Speaker #0

    En fait, c'est ça. Mais sauf que c'est fait comme si c'était lui qui racontait sa vie. En fait, c'est la vie de ce dessinateur mythique de Singapour. qui a 72 ans en 2010 au moment où il raconte son histoire donc qui est né en 38 ou en 30 oui déjà il y a un truc qui ne va pas là Mais je crois qu'il dit qu'il est né en 38, un peu plus tard dans le bouquin.

  • Speaker #1

    Ah oui, en plus, attends, parce qu'on n'a même pas vu le... Après, t'as le début carrément du livre. Parce que déjà, juste après tes deux premières pages, de toute façon, je pense qu'on ne va pas faire toutes les pages. Ah non,

  • Speaker #0

    parce qu'on ne va pas s'en sortir.

  • Speaker #1

    Déjà, il y a un gros blanc, comme si avant, c'était juste une espèce d'intro avec la troisième page est toute blanche, et il y a juste mention, page précédente,

  • Speaker #0

    une montagne de poivrité de tigres. Publiée en 1988, enfin, fait en... Enfin, je dis publié, non. d'ailleurs c'est précisé non publié et c'est une notion qui va revenir tout le long du livre et donc c'est signé Shan Occhi, c'est à dire ce personnage ok,

  • Speaker #1

    donc il aurait été l'auteur des deux planches que je viens de voir qui part de Singapour sur 2x20 cases et après

  • Speaker #0

    Après il commence à raconter sa vie.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine là ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est censé être lui. Et en fait, moi...

  • Speaker #1

    Je sens qu'il y a une arnaque.

  • Speaker #0

    Il y a une arnaque, bien sûr. Donc il commence à raconter son histoire. Et en fait, là il est vieux. Et puis il va y avoir un flashback.

  • Speaker #1

    Ah oui, sauf qu'avant le flashback, de nouveau il y a une page blanche, et de nouveau là, on retombe sur le début du livre.

  • Speaker #0

    C'était le prologue, en quelque sorte. Ces quelques pages étaient le prologue. Et donc, Charlie Chan oxy d'une vie dessinée, présenté par Sonny Liu. Mais Sonny Liu est l'auteur de cet ouvrage. Voilà, d'accord.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Mieux. Mais je sens que ça va être passionnant.

  • Speaker #0

    Mais en fait...

  • Speaker #1

    Et parce que de nouveau après, à la sixième page, on commence peut-être un peu à avoir ses repères, et en plein milieu, il y a déjà une autre case qui est faite complètement différemment. C'est ça. Et qui en fait, si je comprends bien, est une reprise du dessin du dessinateur dont on parle.

  • Speaker #0

    Oui, qu'il aurait fait en

  • Speaker #1

    1966. La vie à l'encre sur papier.

  • Speaker #0

    Voilà. Là, on n'est plus dans la BD finalisée.

  • Speaker #1

    Et qu'il aurait fait. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que lui, en fait, il n'existe pas.

  • Speaker #1

    Voilà, d'accord.

  • Speaker #0

    C'est une fausse biographie. ça j'adore du plus grand dessinateur de Singapour de Singapour qui n'existe pas qui n'existe pas je spoil parce que en fait c'est dit c'est dit partout et que bon nous on découvre ça mais le livre a eu un certain retentissement quand même et notamment il a eu le prix Eisner qui est aux Etats-Unis le prix le plus prestigieux de la bande d'essai il a eu trois prix Eisner la même année je ne sais plus du meilleur scénario de la meilleure maquette parce que évidemment l'ouvrage est très ambitieux dans sa composition et je ne sais plus plus quel était le...

  • Speaker #1

    Le meilleur ouvrage, quoi.

  • Speaker #0

    Le troisième prix. Ben non, en fait.

  • Speaker #1

    Pour le coup, non.

  • Speaker #0

    Meilleur auteur, meilleure maquette et meilleure oeuvre étrangère.

  • Speaker #1

    Oeuvre étrangère, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Voilà. Et donc, lui, il est plus jeune, Sonny Liu, il a une cinquantaine d'années. Il y a peu d'ouvrages qui sont publiés en France dans ce qu'il a fait. Et alors, en plus, pas deux chez le même éditeur, d'après ce que j'ai pu trouver. Bon, ça, on peut dire, même si je n'ai pas lu les autres, de l'avis général, on peut dire que c'est son chef-d'œuvre. Et pour moi, au-delà de l'importance que ça a dans son œuvre à lui, je pense que c'est une BD que tout le monde devrait avoir chez lui parce que c'est monstrueux, en fait,

  • Speaker #1

    comme majeur. Et lui, c'est un Sony Lugla ? Il est singapourien aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, il est de Singapour.

  • Speaker #1

    Il fait de la BD à Singapour ?

  • Speaker #0

    Alors, il a travaillé avec des auteurs américains. Il vit à Singapour, mais il est publié aux États-Unis. Il est publié à Singapour aussi puisqu'il est le premier aussi dans son pays à avoir eu le prix littéraire de Singapour. C'était la première fois que c'était attribué à une bande dessinée.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Normalement c'est un prix pour des auteurs de romans. Et c'est bien qu'on reconnaisse aussi des qualités littéraires à la bande dessinée. Donc c'est vraiment quelqu'un qui est à la fois connu et en même temps parfaitement inconnu pour nous et je pense pour d'autres. Pour pas mal de gens. D'où l'intérêt de cet épisode. Mais c'est surtout que, tu l'as vu déjà en amorçant ça, c'est qu'en fait on rentre dans un truc, c'est à tiroir et à plein d'échelles.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je vais essayer de poser un peu tout ça, mais c'est vrai que tu vois, je viens de tourner une page et là on arrive à la couverture d'une de ses premières bandes dessinées, qui est Anuette et le robot géant. Donc Anuad, c'est le petit personnage que tu décrivais au début, qui est un jeune enfant qui a pour compagnon un robot géant, un robot qui ne s'anime que si on lui parle dans la langue, alors je ne sais plus laquelle, mais en tout cas quand on lui parle en anglais, il ne répond pas. Donc au début il est immobile pendant les premières cases, et puis après il s'agite parce qu'on lui parle dans la bonne langue. C'est là que l'histoire de Singapour intervient. Je ne vais pas faire encore d'histoire sur Singapour, parce que je ne la connais moi-même que depuis... peu de temps et puis que je ne la connais pas assez pour ne pas me planter mais Singapour a été notamment une colonie anglaise évidemment c'est ce qu'il y a de plus connu dans son histoire ancienne et puis ça a été envahi par le Japon je crois pendant la deuxième guerre mondiale pendant très peu de temps et puis ça a été rattaché à la Malaisie pendant un moment et puis ça a pris son indépendance et puis maintenant c'est devenu un des paradis fiscaux les plus importants du monde et donc une des... un des pays les plus riches au monde. C'est le pays où il y a le plus de millionnaires au kilomètre carré. Plus que le Qatar. Mais ce qui est dingue, c'est qu'en fait, ce livre va raconter tout ça, mais à travers des récits qui sont rarement des récits directement historiques. Là, par exemple, c'est à travers cet enfant et son robot qu'il va parler d'une partie de l'histoire de Singapour. Et avec un dessin, tu le vois, qui est assez proche, oui, entre le manga et...

  • Speaker #1

    Ah ouais, voilà, c'est très beau, parce que déjà, la reproduction de la couverture du... du vieux comics qui serait daté de 1956. Effectivement, on dirait vraiment un scan parfait avec les froissures, comme on dit.

  • Speaker #0

    Oui, le papier jauni,

  • Speaker #1

    les taches et tout. Et là, on a un extrait en noir et blanc de l'une des planches avec un dessin très net, très ligne claire presque. C'est très très beau et tout de suite c'est touchant. On a un petit personnage qui commente,

  • Speaker #0

    dessiné dans un autre style, dessiné dans son style qui sera le style autobiographique, qui est le style du vieillard qu'on a vu jusqu'à maintenant. On parle de dessin à l'audio, mais il faut essayer de s'imaginer ça. Ce télescope des dessins naïfs et qui font de leur époque aussi, qui font années 50 et des dessins un peu plus contemporains.

  • Speaker #1

    Parce que là, même comme tu le dis, le petit personnage qui commente en dessous et on comprend qu'il n'est pas dans la même ligne temporelle et tout, car en plus là c'est de nouveau un personnage jeune avec une grosse tête on va dire que c'est un peu des personnages BD avec des grosses têtes c'est le même genre de grosse tête que dans le comics de l'époque qu'on nous montre mais tout de suite on voit que le style est différent le style a évolué, beaucoup évolué et on ne peut pas se tromper il y a déjà plusieurs fils narratifs plusieurs zones temporelles mais c'est très lisible et en plus alors attendre en plus

  • Speaker #0

    Il ne faut pas négliger... Tout à l'heure, tu remarquais qu'il y avait une légende sur la page d'avant qui disait... Comme un catalogue de montures, en fait. C'est des trucs qui sont parfois un peu chiants à lire dans les ouvrages... Mais là, il ne faut pas les négliger, parce qu'en fait, ils sont aussi pleins d'enseignements, et puis c'est là qu'on commence à comprendre le projet, en fait. Par exemple, sur Anumat et le robot géant, le réveil, donc c'est l'épisode qu'on lit un peu détaillé. 1954, donc signé Shanokshi. Chez Tiger Press, alors on va découvrir parce qu'il va expliquer plus tard ce que c'est Tiger Press. Bien sûr. Il y a toute l'histoire de comment il va être publié ou pas parce que les trois quarts des dessins qui sont présentés là-dedans ne sont pas publiés. Non publiés. Et puis tu as une petite notule qui explique. Anuat et le robot géant le réveil fut la première oeuvre publiée de Chan. Écrite et dessinée quand il avait 16 ans, la BD de 34 pages a apparu d'abord sous forme d'extrait dans la revue Kianjin. Bon, excusez-nous pour la prononciation. Qui veut dire forward. en avant avant d'être édité dans son intégralité sous le titre de Anuat et le robot géant volume 1 par Stone Throat Press au début on lit ça et ça peut être un peu rébarbatif puis après quand il va commencer à raconter ses aventures dans l'édition et dans la non-édition en fait tout ça va devenir hyper précieux bien sûr ... En fait, ce gamin est à la fois confronté à son histoire, alors il raconte déjà son enfance. En fait, son père vient d'une île à côté de Singapour, enfin d'un territoire à côté de Singapour, et va émigrer à Singapour pour ouvrir une épicerie. Donc il va être élevé dans une épicerie, et dans cette épicerie, il se met à dessiner. Là, on a des dessins. D'enfance, avec la naïveté, il y a un Donald avec un lion, Super Duck en fait, il invente un personnage qui s'appelle Super Duck.

  • Speaker #1

    qui est très inspiré de Donald et très maladroit là pour le coup qui a vraiment le style ce qui est beau c'est tout rempli au crayon de couleur et ce que je disais tout à l'heure c'est des extraits de carnets et effectivement on voit que c'est un style très enfantin et en même temps il va dessiner une

  • Speaker #0

    lampe à carburant je sais pas ce que c'est comme combustible en essayant d'être le plus réaliste possible enfin il fait un dessin là aussi maladroit mais il fait des dessins techniques et c'est vraiment entre les deux ça va être un va et vient en permanence dans sa dans dans son travail, avec de très beaux portraits. Là, je crois que c'est son père. Son père assis sur un banc, en pyjama, en train de lire le journal. C'est hyper évocateur. Et là, il va coller une photo d'enfance où il s'est entouré dedans. Comment on sait que ce personnage n'existe pas ? Je ne sais pas quelle est cette photo, je ne sais pas quelle est la véritable histoire. On n'en a pas la soupe. Mais ça crée... En fait, ça crée une dimension dont on sait qu'elle est fictive, Et où en même temps, il y a tellement de télescopage avec la réalité, avec la réalité historique, avec ce que c'est l'enfance, etc., qu'on rentre dans cet univers vraiment avec beaucoup de curiosité. Ouais,

  • Speaker #1

    de toute façon, pour le coup, je crois que c'est ce que j'aime aussi dans les fausses biographies, pour le coup, parce que c'est peut-être pas un genre aussi installé que ça, mais j'aurais pas d'exemple là tout de suite en tête. Mais ce côté avoir tous les appareils de la vraie biographie, du truc un peu historique, alors qu'en fait, on fait quand même un gros clin d'œil au spectateur en lui disant, non mais tout ce que je suis en train de te raconter, en fait, ce personnage n'existe pas. je crois que au contraire, ça a l'effet inverse, ça nous y fait croire encore plus, et je pense qu'on est même encore plus enclin dans ces cas-là à être réceptif à tout ce qu'il peut y avoir de réel dans ce qu'on veut nous communiquer, notamment peut-être sur l'histoire de Singapour, tout ce qui a pu se passer, ou plein de choses, et où même déjà tu commençais à parler de qu'est-ce que ça peut être la vie d'un dessinateur, de ses problèmes avec les éditeurs et tout, et là encore, je pense que même avec un faux dessinateur, une fausse biographie, une fausse histoire, c'est là où on va encore plus comprendre quel est l'enjeu de tout ça et qu'est-ce qui peut se passer dans la vie d'un artiste quand il est confronté à toutes les épreuves qu'il peut rencontrer pour notamment faire publier son travail.

  • Speaker #0

    Oui, on va en reparler avec les ouvrages que j'ai amenés en plus pour reparler justement de la fausse biographie. Mais celui-là en plus, ce que j'apprécie particulièrement, c'est qu'il se sert de son médium, qui est la bande dessinée et le dessin en général. Et il s'en sert en fait pour en permanence, non seulement relancer ces classiques à la question de la vérité, de ce qui est authentique ou pas, mais même, je trouve, et c'est ce qui est magnifique là-dedans, c'est de la proximité qu'on a avec le personnage. C'est-à-dire qu'on a un rapport affectif avec le narrateur, en fait, avec ce dessinateur qui est annoncé comme le plus grand dessinateur de Singapour. et au fur et à mesure qu'on va découvrir sa vie on va voir qu'en fait C'est quelqu'un qui n'arrive pas à faire connaître ses œuvres et qui pourtant s'acharne à dessiner, tout en étant confronté quand même aux turbulences d'un pays où il y a des révoltes étudiantes, où il y a des grèves, où il y a des choses comme ça. Et ces épisodes sont tout le temps relatés, non seulement par la bande dessinée, mais par le biais de la fiction. C'est-à-dire qu'à chaque fois, il va trouver un moment, il raconte l'histoire de science-fiction, c'est un enfant qui est malade, enfin un adolescent qui est malade, qui est condamné. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué, et quand il se réveille, il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre, et donc il va, alors qu'il est malade et qu'il se sait condamné, il va essayer de libérer la Terre de ces extraterrestres, avec des scientifiques et tout ça. Et en fait ça parle d'une autre invasion de Singapour à ce moment-là. C'est une métaphore, mais ils utilisent le récit de science-fiction pour ça. J'ai pas repéré tous les...

  • Speaker #1

    Ah oui, non mais d'accord. Mais après, genre, t'as... C'est pas juste là, d'ailleurs, les aliens...

  • Speaker #0

    Si, si, c'est possible.

  • Speaker #1

    Tu vas l'avoir encore juste un petit peu, l'invasion.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est l'invasion, c'est ça, c'est l'invasion.

  • Speaker #1

    T'as toute l'histoire dedans ?

  • Speaker #0

    Non, rien n'est fini. C'est-à-dire que là, ben voilà, t'as quelques planches d'invasion, qui étaient la BD hebdomadaire du journal de Singapour. Trop bien. et voilà tu vas avoir quelques planches et ce qui est génial, en fait le fait que ce soit pas fini te permet de finir toi même aussi tu vois et puis de temps en temps il va faire aussi une BD alors je crois que c'est juste après en plus quoi ? il y a trop de choses c'est trop génial ah oui tu vois à un moment il explique qu'il s'est inspiré ah oui alors Bertrand Wong Parce qu'on fait tout dans les ordres comme d'habitude. À un moment...

  • Speaker #1

    Mais là,

  • Speaker #0

    c'est obligé. Oui, c'est obligé. Quand il est jeune, il publie donc sa première BD et puis ça n'a pas de suite. Pour des tas de raisons que je ne vais pas te raconter de toute façon. Mais du coup, il est repéré par quelqu'un qui a des idées. Et qui est donc ce Bertrand Wong là, qui va l'accoster dans la rue et lui dire « Tu fais de la BD ? Moi, j'ai plein d'idées. » Et donc, pendant longtemps, ils vont travailler ensemble. Ça va devenir son scénariste en quelque sorte. Et donc, il est... interviewé dans la BD autobiographique et il explique que pour le vaisseau spatial ils n'avaient pas de modèle et donc ils ont pris un jouet d'enfant et là tu as une photo du jouet d'enfant qui va inspirer le truc et c'est tout le temps comme ça et alors par exemple là on est en train de parler de cette BD de science-fiction on est à la page 121 et le bouquin fait 300 pages il y a un travail colossal donc on est en train de parler de cette BD de science-fiction, on a quelques planches et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant ... Qui dit un pique-nique sans sandwich, mais c'est le comble de l'absurdité. Et ça, pleine page, dans un style qui n'a rien à voir. Et là, tu vas avoir le psybonhomme qui revient, qui va t'expliquer que, comme la BD de science-fiction ne marchait pas, ou la publication l'interrompt plus, ou je ne sais quoi, il va faire une BD animalière avec des animaux qui parlent, et qui vont parler d'une autre situation... politique ça s'appelle Bukit Chapalang et on est reparti pour un tour et là c'est des petits strips avec...

  • Speaker #1

    entre Snoopy et même plutôt...

  • Speaker #0

    machin...

  • Speaker #1

    comment ça s'appelait...

  • Speaker #0

    Calvin et Hobbes un peu ouais, ça fait penser à Calvin et Hobbes là avec des études de personnages à côté une reproduction de pleine page du journal où tu vois le strip en bas sauf que tu vois qu'il est scotché en fait c'était leur... ambition, c'est qu'ils soient publiés dans ce journal, dans The Dragon Club. Et donc, pour vendre leur projet au directeur du journal, ils ont inclus, ils ont scotché leur strip en bas, en disant voilà, il pourrait être en première page.

  • Speaker #1

    Voilà la gueule que ça aurait dans le journal.

  • Speaker #0

    Mais je crois que ça n'a pas été publié non plus dans The Dragon Club. Et c'est plein de trucs comme ça. Et donc, ça en devient touchant, c'est humoristique aussi.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien le côté où tu as l'air de dire qu'il n'y a quand même pas grand chose qui a l'air de fonctionner. Donc moi, cette répétition de l'échec, je suis très sensible à ça. Je trouve que c'est très émouvant, quelque part, surtout sur les gens qui n'arrêtent pas, qui continuent. C'est ça qui est très émouvant, je trouve.

  • Speaker #0

    Et surtout que le type qui témoigne a 70 balais, donc il a du recul là-dessus. Il va exposer toute sa vie et il montre tout. Oui, oui, c'est vraiment touchant. C'est vraiment... Du coup, c'est plus facile d'y plonger dedans que si c'était linéaire, en quelque sorte. Le fait que tout soit accidenté, que tu vois des trucs, t'as l'impression de voir des documents aussi uniques, même si tu sais que c'est faux. Ah ouais, ça n'a pas été publié, ça. Dans la réalité, tout le monde cherche des inédits, des artistes qu'ils aiment. C'est le même délire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que dedans, là, t'as tout. C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où t'aurais tes meilleures histoires rassemblées. Il y a tout, quoi. Par contre, le type qui a pondu ça, c'est...

  • Speaker #0

    C'est un travail de fou. C'est un travail de fou. En même temps, tu sens le plaisir. C'est-à-dire que ce n'est pas uniquement laborieux. Ce n'est pas...

  • Speaker #1

    ça se lit de manière très fine t'as qu'une envie c'est de te plonger dedans c'est un peu effrayant au début parce que tu te dis ça foisonne tellement de partout que ça peut être un peu impressionnant mais effectivement ce qui ressort quand même très vite de ça aussi c'est que là pour le coup il y a un côté oui très avenant quand même tous les styles Le gars en plus a l'air de... enfin les maîtrise quoi, c'est ça qui est assez fou quoi.

  • Speaker #0

    Oui oui, ça fait jamais chiquer, ça fait jamais artificiel.

  • Speaker #1

    C'est ça qui m'impressionne énormément.

  • Speaker #0

    Et encore, je t'ai pas tout montré parce qu'à des moments... Alors donc, tu vois là il y a un très beau portrait crayonné. Là tout à l'heure j'étais sur... je sais pas, oui ça c'est des illustrations d'un livre d'apprentissage pour apprendre une des langues de Singapour. Mais à un moment, il s'essaye à la caricature. Là, tu vois, tu as Peter Cushing, d'acteur américain, Audrey Hepburn, dans un style de caricature qui se défend très bien. On les reconnaît, il y avait une surprise, je crois, un peu plus loin. Et puis finalement, il voit qu'il n'est pas assez bon là-dedans, ça ne marche pas, ça ne vende pas. À un autre moment, il va aux États-Unis, à une des conventions de bande dessinée, et il va se mettre à dessiner tous les personnages qui sont là. Et alors, tu as tout le gratin de la BD américaine sur lequel il a fantasmé, qui apparaît à ce moment-là. Voilà, il fait une croquis Comic Con de 1988, dans le sens des aiguilles d'une montre en partant du Ausha gauche. Jack Kirby, Sergio Aragones, Matt Groening, Carol Tyler, Dennis Worden, Peter Cooper, Peter Bagg, Daniel Kloves, Jaime Hernandez. Bon, tout le monde ne connaît pas tout le monde, mais enfin, il y a plusieurs générations de très grands dessinateurs américains. et... On peut imaginer que c'est tout simplement Sonny Liu, l'auteur qui est allé au Comic Con, soit parce qu'il était invité, soit je ne sais pas, et qui a fait ce truc-là et qui va inclure dans l'autobiographie de Charlie Chan, on va dire Charlie Chan pour ne pas redire tout le nom à chaque fois. C'est... Enfin voilà, c'est trop...

  • Speaker #1

    C'est vertigineux.

  • Speaker #0

    Et puis c'est suivi par une double... Une double planche avec un hommage à Tintin qui est glissé quelque part. Enfin, c'est sans fin. Et c'est jamais aigri, ça parle de politique, mais c'est jamais chiant. Parce qu'il y a ça aussi. Tu disais, oui ça peut être impressionnant au début, en fait t'as pas le temps de t'ennuyer. Comme il change de style tout le temps, comme il amorce des planches et puis finalement on n'a pas la fin du récit. Comme tu vas voir se succéder des dessins très travaillés et puis des dessins presque infantiles... ...enfantins, pardon. C'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    On dirait presque... C'est un peu convenu ce que je vais dire, mais on dirait carrément, c'est l'un des rois du livre méta. C'est méta, comme on dit méta maintenant à toutes les sauces, mais là, ça l'est vraiment. C'est vrai que tu as un peu eu l'impression d'avoir Internet dans un bouquin.

  • Speaker #0

    Oui, alors la notion d'hypertexte, elle est là aussi tout le temps. C'est-à-dire que tu passes d'un truc à l'autre et que... Ah oui, tu as vu, là tu as passé une page où il y a une photo de la reproduction de son premier personnage. en poupée réelle, donc c'est une vraie photo poupée à muettes, c'est la matière mixte poupée faite main par Lily Lily qui est une fille dont il est amoureux offerte à Charlie pour ses 50 ans voilà, donc il est allé jusqu'à faire une poupée de son personnage qui va inclure là-dedans et ça n'arrête pas en fait là c'est des... Il limite la propagande, en fait il fait des parodies de la propagande qu'il y a dans le pays à ce moment là et donc il fait des faux flyers, mais le faux personnage fait des faux flyers. On s'entend bien, c'est pas Sonny Liu, c'est l'autre. C'est Charlie Chan.

  • Speaker #1

    Non mais c'est quand même complètement, c'est vrai que c'est complètement, complètement lucide. A la fin de tout ça tu... Oui, t'as toute son histoire à lui.

  • Speaker #0

    Avec des trous que tu reconstitues quand même. Ouais, c'est ça quoi. Parce qu'il y a plein de choses sur lesquelles il ne s'étend pas, et puis encore une fois, il y a plein de choses qui ne sont pas finies. L'autobiographie, elle court tout le long, elle vient de temps en temps remettre les pendules à l'heure, soit avec ce petit personnage qui va être en bas de page, soit tu vas avoir trois planches d'autobiographie qui vont te donner du recul, tu vois, tu lis un truc des années 60 et il va te dire à cette époque-là, je faisais ceci, je faisais cela.

  • Speaker #1

    Il y a... Je t'interromps parce que là, c'est carrément clair, il parodie Frank Miller dans Dark Knight. C'est les mêmes cases et tout, c'est trop génial. C'est trop fort. C'est beaucoup trop fort.

  • Speaker #0

    Et sans jamais être dans l'imitation totale. C'est-à-dire qu'il ne fait pas du graphisme exactement pareil. Ça évoque en fait.

  • Speaker #1

    Tu vois où il veut en venir. C'est ça qui est génial. Je te montrerai le Dark Knight, c'est très très clair, c'est super.

  • Speaker #0

    Et alors bon, moi je suis tombé dessus par hasard, je me suis un peu piégé moi-même en l'oubliant quelques temps, et puis au bout de quelques plans j'ai compris le procédé qui est officiel, qui n'était pas caché, mais auquel moi je n'étais pas très attentif. Et donc ces 300 pages je les ai littéralement dévorées, j'ai lu ça sur deux jours. Ah oui ? En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. Mais je me suis dit que je voulais le garder pour l'étagère. Parce que je voulais voir ta tête, en fait. Ça nous fait des surprises.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais quand même, là, t'as bouffé tout ça en deux jours.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais.

  • Speaker #1

    parce que ce que j'allais te demander moi j'avais pas de boulot

  • Speaker #0

    même si tu as passé quasiment tes deux journées à bouffer le truc je ne pouvais pas le lâcher à chaque fois que je tournais une page je me disais c'est encore un autre style de dessin c'est ça que j'allais te demander quelle est ton expérience de lecture par rapport à tout ça parce que ça a l'air de brasser tellement de choses je

  • Speaker #1

    pense que c'est hyper impressionnant Voilà, tu as déjà répondu à la question, c'est que visiblement, oui, là, ça t'a complètement imbibé.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus,

  • Speaker #1

    ça t'emporte plus qu'emporter, c'est ça que je veux dire. Oui,

  • Speaker #0

    et je crois que ce qui m'a piégé, il y a deux choses. Ce qui m'a piégé, c'est l'aspect historique. Moi, je ne dévore pas des livres d'histoire. L'histoire m'intéresse, mais l'apprentissage scolaire a été très très dur pour moi. Je trouve souvent les ouvrages d'histoire assez rébarbatifs, et j'aime bien entrer dans l'histoire par le biais de la fiction. Et là, ce qui était génial, c'est que pendant ma lecture, je suis quand même allé consulter Wikipédia sur Singapour, plus ça m'a amené à d'autres trucs et tout. Je me suis dit, en fait, encore une fois, t'es complètement inculte sur un terrain, c'est bien de se renseigner un petit peu. Et puis pour comprendre, parce qu'évidemment, c'est fragmenté là-dedans. Mais pas au sens où, si je ne vais pas chercher des infos, je ne vais pas comprendre et je serai perdu. Non,

  • Speaker #1

    ça t'a donné envie.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Exactement, ça m'a donné envie. Ça m'a donné envie parce que j'ai été assez fasciné par ce que je lisais, et donc je voulais un petit peu comprendre ce qu'il y avait derrière. Mais je ne me suis pas non plus fait des heures d'apprentissage de Singapour, c'était juste, ah oui, je me recadre un petit peu, d'autant plus que comme dans sa propre histoire, on fait des va-et-vient entre les époques, il y a déjà un petit côté qui te perd dans la récite. Mais en même temps, je m'en foutais un peu d'être perdu, de ne pas tout à fait comprendre ce qui se passait à Singapour à ce moment-là. Il faut dire que le pays a une histoire quand même très très très complexe et très atypique. C'est-à-dire que les Anglais, ils ont quasiment abandonné Singapour. À un moment, ils se sont dit, bon, c'est la période de la décolonisation, mais je pense qu'il y a des territoires qu'ils ont tenus un peu plus militairement, tu vois, alors que, bon, il faut dire que le pays n'a pas énormément de ressources. Il est très riche, mais ce n'est pas pour ses ressources, en fait. Mais surtout je pense que la situation était très compliquée avec les communistes d'un côté, le Japon à une période de l'autre, la Malaisie qui était en train de se structurer. Il y a des choses, en fait maintenant Singapour c'est une fausse démocratie, c'est la même personne qui est au pouvoir, il y a une autorité, mais a priori il y a une autorité qui est soutenue par le peuple aussi parce qu'ils sont très riches. Donc c'est déjà des choses qu'on a... C'est très très loin de notre culture, là je parle au niveau politique, je parle pas au niveau l'exotisme, l'asile, tout ça. Mais au-delà de ça, la narration, elle est à la fois très engagée politiquement, et en même temps, il n'y a pas de discours de fond. C'est-à-dire que c'est toi aussi qui prends la distance que tu veux avec ça. On vit les choses de l'intérieur. et parce que c'est un gamin avec son robot qui est au milieu de la révolution tout d'un coup de toute façon tu sais que tu as à la fois une lecture naïve et à la fois quelque chose de très pragmatique oui et puis tu sens

  • Speaker #1

    De quel côté se porte ce faux dessinateur, dessiné par un autre dessinateur, et que peut-être ça te permet de penser à quoi, ce qu'il pense sur cette situation-là ? Encore une fois, ça a l'air très subtil.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est très subtil parce que... Mais c'est comme l'humour, en fait. Il y a des choses drôles dedans, mais il n'y a jamais de gags. C'est vraiment...

  • Speaker #1

    C'est comme si il y avait un gag dans les strips.

  • Speaker #0

    Ouais, même ça, je sais pas s'il y a beaucoup de gags dans les strips, en fait. En fait, c'est un peu l'histoire d'un loser, mais en même temps, c'est un loser magnifique. C'est quelqu'un qui, à la fin de sa vie, le dit, dans les dernières parties, il dit, mais j'ai retrouvé... À un moment donné, il ouvre une BD, une vieille BD, et il retrouve le plaisir de lire de la BD, et il se rend compte qu'il a toujours eu le plaisir de dessiner. au travers de tout ce qu'il a traversé. Et finalement, c'est peut-être ça le plus émouvant.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander, le petit aspect historique, mais voilà, de ce personnage fictif, qu'est-ce qui nous... qu'est-ce qui t'a le plus touché à la fin ?

  • Speaker #0

    Je voulais faire une expérience, je t'avais gardé 4 pages, je m'étais dit, tu vas les lire tranquillement, et puis on reviendra sur... Mais peut-être, tu vois, ça va couper le truc, mais je voudrais juste monter. sur la fin il résume en fait ce que c'est son travail de dessinateur il montre sa planche à dessin incliné il montre les outils qu'il faut avoir qu'est-ce qu'il boit pendant qu'il dessine une petite boisson pour se rafraîchir etc et puis un gaufrier avec 9 cases deux stylos,

  • Speaker #1

    deux feutres quand tu dessines déjà le deuxième tu sais que c'est un micron c'est des feutres japonais Les dessinateurs sont... sont très friands et oui, une case comme ça c'est très touchant parce que là c'est du pur dessin technique avec à chaque fois effectivement comme si les stylos, les feutres et les pinceaux et les outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse dans des cases, dans un gaufrier,

  • Speaker #0

    9 cases et qui l'ont accompagné toute sa vie. C'est pas le premier à faire ça, il y a plein de dessinateurs qui ont fait cette mise en abîme, qui ont montré avec quel matériel ils travaillaient, ça peut être très sérieux, ça peut être très ironique, Gottlieb faisait ça une époque et tout ça. ça c'est juste que là ça arrive à la page 302 et que alors je suis je divulgue h encore quelque chose le personnage ne meurt pas la fin oui ça on s'arrête les vieux puis c'est tout mais mais par contre il ya un parcours en fait vers vers les purs comme souvent chez les auteurs et là vers quelque chose d'essentiel que lui même découvre et en fait je crois que si cette bd elle est aussi prenante c'est que le mec qui réussit complètement son projet Et son projet, ce n'est pas seulement de dire « je vais montrer toute l'étendue de mon savoir graphique, je vais raconter la biographie d'un personnage, L'image imaginaire, ce qu'il y a de plus dur dans tout ça, c'est de le faire exister réellement. C'est-à-dire qu'une fois que tu as fini la page, en fait, non, ce n'est pas vrai qu'il n'existe pas. Oui, tu crois. Bien sûr, toi, tu en as envie.

  • Speaker #1

    Oui, et puis même, il t'a nourri pendant toute ta lecture, visiblement, et en même temps, toi, tu le nourris en lui disant « mais si, tu existes » , presque. Et effectivement, je pense que l'auteur peut être très fier de ça, parce que c'est... C'est fait avec tellement de travail et visiblement de talent.

  • Speaker #0

    Oui, de justesse en fait. Oui,

  • Speaker #1

    de justesse. C'est un beau projet et une belle entreprise.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu parlais tout à l'heure des autobiographies imaginaires. Et je voulais ramener plusieurs choses là-dessus parce que tu disais, je n'ai pas d'exemple qui me vient à la tête. Il y en a un très classique dans l'histoire du cinéma qui est Citizen Kane. Oui. Elle est inspirée de quelqu'un de la réalité. C'est quand même un des premiers exemples de biographie qui est complètement artificielle et en même temps qui est nourrie par des documents, plusieurs points de vue, etc. Tu le sais que moi, ce n'est pas mon film préféré, même si j'admire tout à fait le travail. Mais par contre, j'ai ramené deux œuvres qui sont de l'ordre de la biographie d'imaginaire et qui pour moi ont beaucoup compté et auxquelles j'ai pensé alors qu'elles sont radicalement différentes. quand j'ai lu ça. Ça, je pense que tu ne connais pas. Non.

  • Speaker #1

    William Boyd, un livre ouvert.

  • Speaker #0

    Voilà. Donc William Boyd...

  • Speaker #1

    C'est un auteur que je n'ai jamais lu.

  • Speaker #0

    William Boyd, c'est un auteur très populaire, en écossais. OK. Et ça, moi, j'ai lu plusieurs livres de lui, mais ça, je pense que c'est vraiment son plus grand livre. Et c'est pareil, c'est la biographie de quelqu'un qui n'existe pas, qui raconte à la première personne, parce qu'en fait, ce sont des extraits de ses journaux intimes. Ça commence à 17 ans et ça va aller jusqu'à sa mort. Et alors là, je ne vais pas tout raconter comme on l'a fait. Mais pourquoi j'en parle ? C'est parce que là aussi, je trouve qu'il réussit totalement un truc qui est très compliqué. C'est-à-dire qu'être juste dans le ton du journal intime, qu'on n'ait pas l'impression que ce soit artificiel.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça, ça doit être quand même quelque chose.

  • Speaker #0

    Et à des époques différentes de sa vie, entre 17 ans et 80, je crois qu'il y a 90 ans à la fin, pareil. C'est quand même très très compliqué et ça marche. Alors en plus, chapeau au traducteur ou à la traductrice parce que c'est traduit de l'anglais. Donc ça marche très très bien en français. J'ai passé ce bouquin à mon frère, elle avait beaucoup aimé aussi à l'époque. On était tombés dedans et puis bon, à chaque fois que j'en ai parlé à quelqu'un qui l'a lu, c'est à peu près le même retour. Et c'est pareil, c'est une histoire qui se télescope avec l'histoire du XXe siècle. Bien sûr. Parce que le type, il va être... il va être dans la diplomatie internationale il va croiser Ian Fleming l'auteur de James Bond il va croiser des grandes figures et puis en même temps plusieurs fois dans sa vie il va retomber dans l'anonymat et dans le côté aussi mesquin d'ailleurs c'est un personnage qui a autant de qualités que de défauts c'est pas un héros le type au sens classique on voit ses travers dès le début mais il a un parcours, celui-là je ne veux surtout pas le gâcher parce qu'il se passe des trucs assez inattendus et c'est ça qui est très fort aussi, c'est que même quand il est vieux et je pense que c'est la partie la plus forte du bouquin il arrive là où tu ne l'attends pas le type mais c'est pareil, c'est-à-dire que ça marche parce que la personne qui fait cette entreprise se livre totalement à fond dans le projet et a conscience qu'il faut tenir le médium que tu utilises, la bande dessinée dans le cas de Sonny Liu, ou le roman dans le cas de William Boyd, c'est-à-dire, il faut que les gens y croient, même s'ils sont conscients dès le début que tout ça est absolument artificiel.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça, c'est un sacré enjeu, mais je pense que c'est peut-être là aussi où tu... t'es tellement face au mur que là il faut effectivement tout lâcher c'est ça, il faut un mélange comme tu dis c'est tellement grotesque ton procédé je vais vous raconter une biographie d'un personnage qui en fait n'existe pas presque tu te fais un croche-pied d'entrée de jeu, donc à partir de là évidemment il faut tout lâcher il y a un paradoxe en fait,

  • Speaker #0

    c'est qu'il faut que tu sois à la fois en maîtrise de la technique de narrative en fait et comme tu dis qu'il y ait du lâcher prise pour qu'il soit Merci. totalement immergé dans cette vie pour que lui-même y croit. Et on peut imaginer en plus que ces ouvrages sont des ouvrages de confession aussi. Même si là, le personnage de Sonny Liu n'a pas du tout le même âge que son... Et c'est pareil pour William Boyd d'ailleurs, puisqu'il les accompagne à des âges qui dépassent largement, donc ils ne sont pas de la même génération, mais ils s'investissent énormément dans... Oui, oui, de toute façon,

  • Speaker #1

    je pense que...

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    je pense que pour le dessinateur, je pense que ça lui permet quand même de... en grande partie de parler d'un médium qui l'aime. Donc c'est ça qui est toujours, je pense, intéressant. Il y a toujours un plaisir, je pense, à pouvoir communiquer ce que soi-même on a aimé, si c'est la bande dessinée, qu'est-ce qu'on a aimé dans la bande dessinée, quelles ont été nos relations avec les ouvrages, avec le papier, avec les maquettes, avec les éditeurs, avec tout ce qu'on a pu apprendre, et comment on peut, à un moment, essayer de vouloir transmettre tout ça à des lecteurs, tu vois. on va pas juste faire un mode d'emploi, un manuel comment lire la bande dessinée, comment l'aimer il y a tel éditeur, tel truc il faut trouver un autre moyen il faut passer par le petit,

  • Speaker #0

    par l'intime c'est ça qui est et puis comme tu disais,

  • Speaker #1

    là les deux cas c'est qu'on repart dans la fiction, mais alors là effectivement ça fait un sacré challenge c'est vraiment une mission assez incroyable et celui-là,

  • Speaker #0

    j'en parle d'autant plus que c'est un bouquin qui a bien marché, c'est pas une oeuvre underground, mais il est un peu peu oublié maintenant. Et puis, autre chose, il s'appelle A Livre Ouvert en français, et ça, par contre, alors je félicite la traduction, mais pas du tout l'éditeur d'avoir choisi ça. En plus, c'est littéralement pas ce qu'est le titre original qui s'appelle Any Human Heart. Donc, il veut dire n'importe quel humain, qui pour le coup dit beaucoup de choses, je trouve. Et A Livre Ouvert, il n'y a pas de titre plus bateau que ça. C'est vraiment dommage.

  • Speaker #1

    et je voulais finir avec un truc que ça par contre tu connais ouais je connais alors tu vois j'y avais pas du tout pensé et maintenant que tu me le montres évidemment ça tombe sous le sens par contre je m'en souviens plus trop mais ouais celui là c'est vrai que j'en garde un souvenir enfin Je ne pourrais évoquer rien du tout, mais je sais que j'adore ce film.

  • Speaker #0

    Zellig de Woody Allen. Woody Allen. Donc, il y a un...

  • Speaker #1

    Monument de fausse biographie.

  • Speaker #0

    Oui, puisque c'est l'histoire de l'homme caméléon, c'est-à-dire cet homme qui avait une espèce de faculté incompréhensible que les scientifiques n'arrivent pas à expliquer. S'il se met à côté d'un grand, il devient grand. S'il se met à côté d'un chauve, il devient chauve. Il se met à ressembler physiquement aux personnes qu'il côtoie. L'homme est pour nous. Et il va lui aussi traverser quand même... En gros, je crois des années 20 aux années 80, je crois que sa vie court sur une soixantaine d'années. C'est vraiment le Woody Allen de la grande époque, où il est très inspiré, mais surtout où il va au bout de ses idées. Parce que Woody Allen, il y a toujours eu des idées, mais quand même, il a beaucoup bâclé ces dernières années. Ouais,

  • Speaker #1

    il y a plein de films que j'adore de lui, mais je pense qu'à un moment, vouloir tenir le rythme d'un film par an, il y a des moments, au bout d'un moment dans ta carrière, tu n'es pas obligé, peut-être que tu peux prendre un petit peu plus de temps. Puis dans celui-là, le peu... Ce dont je me souviens surtout, c'est que ce qui m'avait intéressé aussi à l'époque, c'est que visuellement, je trouve qu'il tente des choses que souvent il ne tente pas dans plein d'autres films que j'aime par ailleurs. Parce qu'il est surtout connu pour ses études de personnages et ses dialogues hyper inspirés. avec un humour si particulier et tout. Et des fois, au niveau réalisation, ce qui n'est pas un défaut, il peut être un peu plus invisible ou transparent, mais ce qui peut des fois être très très bien. Là, ce qui est intéressant, c'est que je me souviens que visuellement, de la même façon que le personnage principal est une espèce d'éponge et donc subit des transformations perpétuelles, il y a un caractère expérimental même dans le filmage.

  • Speaker #0

    Oui, puisqu'il va faire comme Sonny Liu avec Charlie Chan. c'est pour ça que je le rapproche de cette bande dessinée c'est à dire que si on est dans les années 20 à l'époque du Charleston, l'image va imiter ces images qu'on connait tous avec ce grain très particulier un peu accéléré à un moment c'est un des moments les plus drôles du film il est à côté d'Hitler il va être au milieu des nazis et voir Woody Allen petit juif new-yorkais être au milieu des nazis là aussi un gag un peu méta Mais donc là, il va reprendre la qualité des actualités des années 40. Et puis, en parallèle, l'intrigue, elle est racontée en autobiographie. C'est-à-dire que Zelig raconte sa propre vie auprès d'une psychanalyste qui est interprétée par Mia Farrow. Et on va avoir tout au long des bandes magnétiques enregistrées où en fait, il se livre à sa psychanalyste. Et donc, avec ce son un petit peu particulier, des bandes magnétiques qui vont donner une autre dimension documentaire. En fait, tout ce film est un fou. documentaire.

  • Speaker #1

    Ce que j'allais te dire, c'est que dans mon souvenir, de toute façon, voilà ce que c'est, c'est que même visuellement, enfin, narrativement, même le film faisait très documentaire.

  • Speaker #0

    Mais le documentaire qui va avoir des tons différents et des qualités d'image différentes selon les époques et les milieux qu'il retranscrit. Alors évidemment, il y a quelques trucs qui passent plus du tout aujourd'hui puisque, comme il prend l'apparence des gens à côté de qui il est, s'il est à côté d'une personne noire, il va devenir noir, s'il est à côté à un moment donné, c'est dans mon souvenir je crois Il est à côté d'un peuplade autochtone, ce qu'on appelait les Indiens, qui n'étaient pas du tout Indiens à cette époque-là. Et donc, il va se faire un blackface, il va se faire une tête de peau rouge, entre guillemets. Car tu vois, le film aujourd'hui, évidemment, il y a de quoi le canceller un petit peu et tout ça. Mais c'est aussi une prouesse narrative. Et puis, comme il reprend les images de l'époque, il a cette espèce d'alibi de distance qui est, mais oui, le cinéma de cette époque-là a été comme ça.

  • Speaker #1

    Là c'est...

  • Speaker #0

    comme c'est le principe même du personnage c'est presque à son corps défendant oui oui mais il le fait de façon un peu caricaturale oui bien sûr il y a cet aspect là mais ça c'est un aspect de contexte de relire les films aujourd'hui mais en tout cas il reste un tour de force et il reste derrière un film qui était une pure comédie Woody Allen était vraiment réputé essentiellement pour ses comédies à cette période là même s'il a déjà fait Manhattan même s'il a déjà fait des films plus... plus sérieux. Celui-là est catalogué comme une pure comédie. Et en même temps, c'est une trajectoire bouleversante puisque là, on est en plus dans le fantastique. Un homme caméléon n'existe pas, mais sa trajectoire est terrible. Et c'est là que la dimension psychanalytique est super intéressante. C'est qu'en fait, il n'a pas d'identité propre. Il est toujours l'identité d'un autre. Et là, on arrive à quelque chose de peut-être profond aussi sur tout le côté... faux de non seulement de la fiction mais du paraître des créateurs et tout ça enfin c'est pour ça que c'est souvent même si ça fait longtemps que je n'ai pas revu mais celui-là je

  • Speaker #1

    cite souvent tout le temps bon ces derniers temps Woody Allen a eu tendance à être jeté un peu aux poubelles. De temps en temps, il faut quand même dire que malgré tout, il y a quand même plus que des bons films. Et celui-là, je le cite souvent, parce que même si j'ai dû le voir... juste deux trois fois il ya maintenant très longtemps je trouve que pour moi c'est un film parfait quoi c'est un film qui était très dynamique très inventif après tout le long je crois que c'est quand même en noir et blanc oui oui oui ça fait mal à blanc et mais qu'en plus voilà comme tu disais malgré ça en plus au niveau des grains de commencer comment le film est construit en fait parce que c'est effectivement on dirait qu'il ya peu d'effets de mise en scène mais en fait la mise en scène pour le coup elle est ailleurs se passe à un autre niveau et c'est très très intéressant visuellement c'est voilà je trouve c'est moi je c'est un film qui pour moi est vraiment très très fort en fait effectivement et fait partie voilà de ces fausses biographies et que on pourrait presque continuer à faire un

  • Speaker #0

    thème un thème là dessus il y avait enfin c'est vraiment une idée et je pense que là on nous on a parlé de d'oeuvres relativement récente mais on peut peut imaginer que ça existait déjà, je suis sûr que ça existe et que ça ne vient pas à l'esprit dans la littérature du XIXe. Oui,

  • Speaker #1

    il doit y avoir des exemples qu'on n'a pas révisés, mais c'est clair qu'il doit y en avoir plein depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, je pense que ces trois œuvres sont tout à fait... Pour le coup, tu sais qu'on se posait la question souvent de... Est-ce que ça peut parler aujourd'hui ? là... Autant parfois on parle d'oeuvres datées qu'il faut remettre dans leur contexte et tout ça. Là, pour le coup, c'est toujours... Là, voilà, à part peut-être quelques réserves sur Woody Allen qui sont... Enfin, qui à mon avis ne... N'affibise pas le film. Le William Boyd, j'en ai relu quelques pages hier pour préparer ça. J'ai failli le recommencer et je me le mets sous le coude. Je vais le relire, c'est à peu près sûr. Et alors, une vie dessinée de Sonny Liu chez Urban Comics. Vraiment, je le recommande quel que soit l'âge. Peut-être pas pour les plus petits parce qu'il y a quand même cet aspect historique. Encore que graphiquement... ça peut marcher quand même mais ils ne tiendront pas 300 pages les plus petits mais je pense qu'à partir de l'adolescence on peut lire ça pour moi c'est vraiment un ouvrage magistral de la bande dessinée contemporaine je pense que tu as raison même si je ne l'ai pas entendu j'espère que tu vas le dire je vais le dire I don't need anything, just something, just something L'étagère Le podcast de Yann Jouvert et Christophe Bauer. Réalisation Yann Jouvert.

  • Speaker #1

    La musique du générique est signée OFF.

  • Speaker #0

    Un extrait du traditionnel We Are Singapore par Sri Maligan de la chanson Biography of a First Son de Jack. portrait for Fraser de Dorothy Colon et de l'abandonnance de Zelig de Woody Allen. Retrouvez tous les épisodes de l'étagère sur vos plateformes habituelles. Vos commentaires, critiques et encouragements sont les bienvenus sur les Facebook et Instagram L'Étagère Podcast

Description

Qui est Charlie Chan Hock Chye ? Le plus grand dessinateur de l’histoire de Singapour. Un homme qui a traversé toutes les turbulences de son pays en s’accrochant fermement à son crayon. Manga, strip animalier, comics, aventure, SF, autobiographie, portraits, affiches... A travers 300 pages qui restituent sa vie et ses créations, une mystification totale à ranger tout près d’autres chefs-d’œuvre du genre, A livre ouvert de William Boyd et Zelig de Woody Allen.


Œuvre :

Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée

Sonny Liew

Urban Comics


Œuvres annexes : 

A livre ouvert de William Boyd

Zelig de Woody Allen


Illustrations sonores :

Mahligai : We are Singapore (traditionnel)

Jack : Biography of a First Son

The Durutti Column : Portrait for Frazer

Bande-annonce de Zelig de Woody Allen


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deux amis se rendent à tour de rôle l'un chez l'autre pour découvrir les objets culturels posés sur l'étagère. Musique Musique

  • Speaker #1

    C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où tu aurais tes meilleures histoires rassemblées, il y a tout quoi.

  • Speaker #0

    Et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant qui dit un pique-nique sans sandwich mais c'est le comble de l'absurdité. En fait c'est un peu l'histoire d'un loser mais en même temps c'est un loser magnifique. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué et quand il se réveille Il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    C'est censé être lui. Je sens qu'il y a une armage. Il y a une armage, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comme si les stylos, les feutres et les pinceaux des outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse.

  • Speaker #0

    En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. J'ai aussi dit que je voulais le garder pour l'étagère, parce que je voulais voir ta tête en fait.

  • Speaker #1

    Ça vous fait des surprises, voilà. Voilà, on est de retour dans la bibliothèque pour un nouvel épisode. Et tu as sorti un livre ?

  • Speaker #0

    J'ai sorti un ouvrage, donc un gros livre.

  • Speaker #1

    Alors, je vais le présenter. Charlie Chan, Hope She, une vie dessinée, présentée par Sonny Liu. Chez Urban Graphic. Alors le livre, il est assez épais. Je vais décrire la couverture, parce que ça a l'air d'être un objet vraiment très bizarroïde, qui me surprend énormément. On dirait une reproduction d'une planche de BD en couverture. Tout en haut, sur les trois quarts de la couverture, il y a une grosse case avec un petit personnage dessiné comme dans le style manga, qui tient un petit bonhomme avec une grosse tête qui tient une télécommande. et qui dit le titre du livre dans une bulle. Et en dessous, il y a un enchaînement de trois cases, à la gauche, une case avec un robot qui soulève un bus. La case au milieu, elle est plutôt noire et blanc avec des trames. La case avec le robot était en couleur très pop. Et on termine par une troisième case, là où il y a la bulle présentée par Sony Lue, où là, on est carrément sur de la couleur directe, je dirais plutôt en acrylique ou en huile peut-être.

  • Speaker #0

    Ça ressemble à une peinture.

  • Speaker #1

    Mais voilà, ça ressemble à une peinture. Et là, on voit juste un bout de visage, surtout une moitié de nez, un oeil et un bout d'oreille. Tout ça est très intriguant. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #0

    En fait, ce que je te propose, c'est que tu jettes un oeil à l'intérieur pendant que je vais chercher deux compléments à ça. D'accord. Qui vont... Alors, je feuillette un petit peu.

  • Speaker #1

    Et effectivement, ce qui frappe, c'est que ça a l'air très... Ça part dans tous les sens, quoi. Je vois même des reproductions de comics américains, même de journaux. Après, il y a des dessins, il y a des strips. Il y a vraiment de tout, ça part dans toutes les directions. Je n'arrive pas à savoir si c'est une seule ou même histoire, ou si c'est une espèce de monographie sur Charlie Chan, qui est peut-être un dessinateur, ou pas du tout. Je ne sais pas, celui-là, je ne le connais pas. absolument pas de quoi on va parler.

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    c'est un bel objet.

  • Speaker #0

    Tu te retrouves exactement comme moi quand j'ai découvert cet ouvrage qui était dans une librairie d'occas, bien connue de Montpellier, au milieu de comics américains. Puisque, tu as dit, l'éditeur c'est Urban Graphics. Oui. Urban Graphics, leur spécialité.

  • Speaker #1

    Alors, Urban tout court, ils font spécialité d'ici.

  • Speaker #0

    Oui, c'est Urban Comics, pardon.

  • Speaker #1

    Ouais, et ils ont une sous-collection, enfin ils ont plusieurs collections comme ça, et graphiques, effectivement, je crois qu'ils sortent des trucs qui, justement, sortent un petit peu des sentiers battus des comics. Mais alors celui-là a l'air vraiment de vraiment sortir des sentiers battus.

  • Speaker #0

    C'est ça. Après, j'ai découvert qu'ils ne faisaient pas que des comics. américains, mais c'est quand même la majeure partie de leur sortie. Et donc DC Comics, c'est Superman, Batman. Tout classique. Et donc je l'ai vu au milieu de ça. Déjà le titre m'a intrigué. Et puis je l'ai ouvert et j'étais comme toi, confronté à cette variété de graphismes déjà. Et pas seulement de graphismes, c'est-à-dire de types de dessins et d'images qui se télescopent dans cet ouvrage-là. Donc ça m'a attiré, d'autant plus qu'il était vraiment pas cher d'occasion. Et je n'ai pas hésité, je ne suis pas allé voir ce que c'était, je l'ai pris directement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est vrai qu'il y a un côté quand même, ça foisonne de partout, c'est incroyable. On dirait presque des fois un catalogue d'expo en fait, mais mélangé avec une BD où on a l'impression qu'il y a un fil rouge tout le long. En fait on dirait qu'il y a quatre bouquins en un.

  • Speaker #0

    Oui, même plus que ça, en fait. C'est un peu vertigineux, ce qu'il y a à l'intérieur de ce livre.

  • Speaker #1

    On voit même, on dirait, des croquis de carnet, des extraits de carnet.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, j'ai un peu listé ce qu'il y a dedans. Il y a des BD classiques, il y a des strips comme dans les journaux sur trois cases. Il y a des portraits, donc plus ou moins finis, mais ça peut être des portraits qui sont des croquis esquissés, et puis ça peut être des peintures vraiment finalisées. Il y a des photos qui vont coller au milieu de ces dessins pour illustrer certains sujets. Il y a des couvertures de comics ou d'albums. Et puis même dans les styles de ce qui est dessiné, on va passer du manga naïf comme tu l'as décrit sur la couverture à des BD de SF un peu plus stylisés. À un moment donné, il illustre un livre d'apprentissage. Il y a des affiches, il y a des flyers. vraiment... Tous les éléments du graphisme qui se télescopent dans cet ouvrage-là.

  • Speaker #1

    Mais alors attends, ce que je n'ai pas compris pour l'instant, c'est... Est-ce qu'il y a quelqu'un seul qui est responsable de tout ce livre ? Oui.

  • Speaker #0

    Ou pas ? Mais en fait, il y a...

  • Speaker #1

    Mais je n'ai pas compris qui c'était.

  • Speaker #0

    Qui est l'auteur. Voilà. Mais c'est pile poil dans le sujet lui-même. En fait, moi j'ai acheté ce livre, et puis, comme je suis comme toi, j'en achète beaucoup, j'en accumule beaucoup... je l'ai rangé dans mon étagère et puis je l'ai un peu oublié pendant quelques semaines, voire quelques mois. Et puis un jour, j'ai redécouvert que j'avais ça rangé dans la bibliothèque et je me suis plongé dedans. Et quand je l'ai lu, je n'ai pas trop fait gaffe et j'ai fait un peu comme toi, j'ai commencé. Et dès le début, déjà tu as une série de planches avec vraiment des cases similaires, c'est-à-dire 20 cases de la même taille. qui découpe vraiment comme un gaufrier. La 20 cases,

  • Speaker #1

    forcément, ça fait des petites cases.

  • Speaker #0

    Ça fait des petites cases et à chaque fois, c'est des portraits d'un personnage qui parle, en fait, qui pose des questions sur... Alors, ça s'appelle Une montagne ne peut abriter deux tigres et ça parle de la politique et des personnages importants à Singapour. Bon, déjà, moi, Singapour, pour moi, c'est un nom. C'est un nom dans une chanson, Les petites rues de Singapour. Je sais que c'est une ville qui est très... riche dans le monde actuel, c'est à peu près toute ma connaissance de Singapour. En fait, Singapour, grâce à ce livre, j'en sais beaucoup plus dessus, parce que parmi les qualités de ce livre, c'est un livre qui retrace aussi l'histoire de Singapour.

  • Speaker #1

    D'accord. Déjà une première piste.

  • Speaker #0

    Mais de façon très fragmentée. En fait, donc j'avance, et j'arrive vraiment, après ces trois pages mystérieuses, ces deux pages mystérieuses de personnages qui parlent face caméra, j'arrive à à un portrait de Charlie Chan-Hook-Shea, qui est donc la personne qui est censée être l'auteur du livre et qui s'adresse directement au lecteur.

  • Speaker #1

    Oui, parce que moi, j'aurais compris que c'était le titre, Charlie Chan-Hook-Shea, et que quelqu'un racontait l'histoire de cette personne.

  • Speaker #0

    En fait, c'est ça. Mais sauf que c'est fait comme si c'était lui qui racontait sa vie. En fait, c'est la vie de ce dessinateur mythique de Singapour. qui a 72 ans en 2010 au moment où il raconte son histoire donc qui est né en 38 ou en 30 oui déjà il y a un truc qui ne va pas là Mais je crois qu'il dit qu'il est né en 38, un peu plus tard dans le bouquin.

  • Speaker #1

    Ah oui, en plus, attends, parce qu'on n'a même pas vu le... Après, t'as le début carrément du livre. Parce que déjà, juste après tes deux premières pages, de toute façon, je pense qu'on ne va pas faire toutes les pages. Ah non,

  • Speaker #0

    parce qu'on ne va pas s'en sortir.

  • Speaker #1

    Déjà, il y a un gros blanc, comme si avant, c'était juste une espèce d'intro avec la troisième page est toute blanche, et il y a juste mention, page précédente,

  • Speaker #0

    une montagne de poivrité de tigres. Publiée en 1988, enfin, fait en... Enfin, je dis publié, non. d'ailleurs c'est précisé non publié et c'est une notion qui va revenir tout le long du livre et donc c'est signé Shan Occhi, c'est à dire ce personnage ok,

  • Speaker #1

    donc il aurait été l'auteur des deux planches que je viens de voir qui part de Singapour sur 2x20 cases et après

  • Speaker #0

    Après il commence à raconter sa vie.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine là ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est censé être lui. Et en fait, moi...

  • Speaker #1

    Je sens qu'il y a une arnaque.

  • Speaker #0

    Il y a une arnaque, bien sûr. Donc il commence à raconter son histoire. Et en fait, là il est vieux. Et puis il va y avoir un flashback.

  • Speaker #1

    Ah oui, sauf qu'avant le flashback, de nouveau il y a une page blanche, et de nouveau là, on retombe sur le début du livre.

  • Speaker #0

    C'était le prologue, en quelque sorte. Ces quelques pages étaient le prologue. Et donc, Charlie Chan oxy d'une vie dessinée, présenté par Sonny Liu. Mais Sonny Liu est l'auteur de cet ouvrage. Voilà, d'accord.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Mieux. Mais je sens que ça va être passionnant.

  • Speaker #0

    Mais en fait...

  • Speaker #1

    Et parce que de nouveau après, à la sixième page, on commence peut-être un peu à avoir ses repères, et en plein milieu, il y a déjà une autre case qui est faite complètement différemment. C'est ça. Et qui en fait, si je comprends bien, est une reprise du dessin du dessinateur dont on parle.

  • Speaker #0

    Oui, qu'il aurait fait en

  • Speaker #1

    1966. La vie à l'encre sur papier.

  • Speaker #0

    Voilà. Là, on n'est plus dans la BD finalisée.

  • Speaker #1

    Et qu'il aurait fait. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que lui, en fait, il n'existe pas.

  • Speaker #1

    Voilà, d'accord.

  • Speaker #0

    C'est une fausse biographie. ça j'adore du plus grand dessinateur de Singapour de Singapour qui n'existe pas qui n'existe pas je spoil parce que en fait c'est dit c'est dit partout et que bon nous on découvre ça mais le livre a eu un certain retentissement quand même et notamment il a eu le prix Eisner qui est aux Etats-Unis le prix le plus prestigieux de la bande d'essai il a eu trois prix Eisner la même année je ne sais plus du meilleur scénario de la meilleure maquette parce que évidemment l'ouvrage est très ambitieux dans sa composition et je ne sais plus plus quel était le...

  • Speaker #1

    Le meilleur ouvrage, quoi.

  • Speaker #0

    Le troisième prix. Ben non, en fait.

  • Speaker #1

    Pour le coup, non.

  • Speaker #0

    Meilleur auteur, meilleure maquette et meilleure oeuvre étrangère.

  • Speaker #1

    Oeuvre étrangère, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Voilà. Et donc, lui, il est plus jeune, Sonny Liu, il a une cinquantaine d'années. Il y a peu d'ouvrages qui sont publiés en France dans ce qu'il a fait. Et alors, en plus, pas deux chez le même éditeur, d'après ce que j'ai pu trouver. Bon, ça, on peut dire, même si je n'ai pas lu les autres, de l'avis général, on peut dire que c'est son chef-d'œuvre. Et pour moi, au-delà de l'importance que ça a dans son œuvre à lui, je pense que c'est une BD que tout le monde devrait avoir chez lui parce que c'est monstrueux, en fait,

  • Speaker #1

    comme majeur. Et lui, c'est un Sony Lugla ? Il est singapourien aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, il est de Singapour.

  • Speaker #1

    Il fait de la BD à Singapour ?

  • Speaker #0

    Alors, il a travaillé avec des auteurs américains. Il vit à Singapour, mais il est publié aux États-Unis. Il est publié à Singapour aussi puisqu'il est le premier aussi dans son pays à avoir eu le prix littéraire de Singapour. C'était la première fois que c'était attribué à une bande dessinée.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Normalement c'est un prix pour des auteurs de romans. Et c'est bien qu'on reconnaisse aussi des qualités littéraires à la bande dessinée. Donc c'est vraiment quelqu'un qui est à la fois connu et en même temps parfaitement inconnu pour nous et je pense pour d'autres. Pour pas mal de gens. D'où l'intérêt de cet épisode. Mais c'est surtout que, tu l'as vu déjà en amorçant ça, c'est qu'en fait on rentre dans un truc, c'est à tiroir et à plein d'échelles.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je vais essayer de poser un peu tout ça, mais c'est vrai que tu vois, je viens de tourner une page et là on arrive à la couverture d'une de ses premières bandes dessinées, qui est Anuette et le robot géant. Donc Anuad, c'est le petit personnage que tu décrivais au début, qui est un jeune enfant qui a pour compagnon un robot géant, un robot qui ne s'anime que si on lui parle dans la langue, alors je ne sais plus laquelle, mais en tout cas quand on lui parle en anglais, il ne répond pas. Donc au début il est immobile pendant les premières cases, et puis après il s'agite parce qu'on lui parle dans la bonne langue. C'est là que l'histoire de Singapour intervient. Je ne vais pas faire encore d'histoire sur Singapour, parce que je ne la connais moi-même que depuis... peu de temps et puis que je ne la connais pas assez pour ne pas me planter mais Singapour a été notamment une colonie anglaise évidemment c'est ce qu'il y a de plus connu dans son histoire ancienne et puis ça a été envahi par le Japon je crois pendant la deuxième guerre mondiale pendant très peu de temps et puis ça a été rattaché à la Malaisie pendant un moment et puis ça a pris son indépendance et puis maintenant c'est devenu un des paradis fiscaux les plus importants du monde et donc une des... un des pays les plus riches au monde. C'est le pays où il y a le plus de millionnaires au kilomètre carré. Plus que le Qatar. Mais ce qui est dingue, c'est qu'en fait, ce livre va raconter tout ça, mais à travers des récits qui sont rarement des récits directement historiques. Là, par exemple, c'est à travers cet enfant et son robot qu'il va parler d'une partie de l'histoire de Singapour. Et avec un dessin, tu le vois, qui est assez proche, oui, entre le manga et...

  • Speaker #1

    Ah ouais, voilà, c'est très beau, parce que déjà, la reproduction de la couverture du... du vieux comics qui serait daté de 1956. Effectivement, on dirait vraiment un scan parfait avec les froissures, comme on dit.

  • Speaker #0

    Oui, le papier jauni,

  • Speaker #1

    les taches et tout. Et là, on a un extrait en noir et blanc de l'une des planches avec un dessin très net, très ligne claire presque. C'est très très beau et tout de suite c'est touchant. On a un petit personnage qui commente,

  • Speaker #0

    dessiné dans un autre style, dessiné dans son style qui sera le style autobiographique, qui est le style du vieillard qu'on a vu jusqu'à maintenant. On parle de dessin à l'audio, mais il faut essayer de s'imaginer ça. Ce télescope des dessins naïfs et qui font de leur époque aussi, qui font années 50 et des dessins un peu plus contemporains.

  • Speaker #1

    Parce que là, même comme tu le dis, le petit personnage qui commente en dessous et on comprend qu'il n'est pas dans la même ligne temporelle et tout, car en plus là c'est de nouveau un personnage jeune avec une grosse tête on va dire que c'est un peu des personnages BD avec des grosses têtes c'est le même genre de grosse tête que dans le comics de l'époque qu'on nous montre mais tout de suite on voit que le style est différent le style a évolué, beaucoup évolué et on ne peut pas se tromper il y a déjà plusieurs fils narratifs plusieurs zones temporelles mais c'est très lisible et en plus alors attendre en plus

  • Speaker #0

    Il ne faut pas négliger... Tout à l'heure, tu remarquais qu'il y avait une légende sur la page d'avant qui disait... Comme un catalogue de montures, en fait. C'est des trucs qui sont parfois un peu chiants à lire dans les ouvrages... Mais là, il ne faut pas les négliger, parce qu'en fait, ils sont aussi pleins d'enseignements, et puis c'est là qu'on commence à comprendre le projet, en fait. Par exemple, sur Anumat et le robot géant, le réveil, donc c'est l'épisode qu'on lit un peu détaillé. 1954, donc signé Shanokshi. Chez Tiger Press, alors on va découvrir parce qu'il va expliquer plus tard ce que c'est Tiger Press. Bien sûr. Il y a toute l'histoire de comment il va être publié ou pas parce que les trois quarts des dessins qui sont présentés là-dedans ne sont pas publiés. Non publiés. Et puis tu as une petite notule qui explique. Anuat et le robot géant le réveil fut la première oeuvre publiée de Chan. Écrite et dessinée quand il avait 16 ans, la BD de 34 pages a apparu d'abord sous forme d'extrait dans la revue Kianjin. Bon, excusez-nous pour la prononciation. Qui veut dire forward. en avant avant d'être édité dans son intégralité sous le titre de Anuat et le robot géant volume 1 par Stone Throat Press au début on lit ça et ça peut être un peu rébarbatif puis après quand il va commencer à raconter ses aventures dans l'édition et dans la non-édition en fait tout ça va devenir hyper précieux bien sûr ... En fait, ce gamin est à la fois confronté à son histoire, alors il raconte déjà son enfance. En fait, son père vient d'une île à côté de Singapour, enfin d'un territoire à côté de Singapour, et va émigrer à Singapour pour ouvrir une épicerie. Donc il va être élevé dans une épicerie, et dans cette épicerie, il se met à dessiner. Là, on a des dessins. D'enfance, avec la naïveté, il y a un Donald avec un lion, Super Duck en fait, il invente un personnage qui s'appelle Super Duck.

  • Speaker #1

    qui est très inspiré de Donald et très maladroit là pour le coup qui a vraiment le style ce qui est beau c'est tout rempli au crayon de couleur et ce que je disais tout à l'heure c'est des extraits de carnets et effectivement on voit que c'est un style très enfantin et en même temps il va dessiner une

  • Speaker #0

    lampe à carburant je sais pas ce que c'est comme combustible en essayant d'être le plus réaliste possible enfin il fait un dessin là aussi maladroit mais il fait des dessins techniques et c'est vraiment entre les deux ça va être un va et vient en permanence dans sa dans dans son travail, avec de très beaux portraits. Là, je crois que c'est son père. Son père assis sur un banc, en pyjama, en train de lire le journal. C'est hyper évocateur. Et là, il va coller une photo d'enfance où il s'est entouré dedans. Comment on sait que ce personnage n'existe pas ? Je ne sais pas quelle est cette photo, je ne sais pas quelle est la véritable histoire. On n'en a pas la soupe. Mais ça crée... En fait, ça crée une dimension dont on sait qu'elle est fictive, Et où en même temps, il y a tellement de télescopage avec la réalité, avec la réalité historique, avec ce que c'est l'enfance, etc., qu'on rentre dans cet univers vraiment avec beaucoup de curiosité. Ouais,

  • Speaker #1

    de toute façon, pour le coup, je crois que c'est ce que j'aime aussi dans les fausses biographies, pour le coup, parce que c'est peut-être pas un genre aussi installé que ça, mais j'aurais pas d'exemple là tout de suite en tête. Mais ce côté avoir tous les appareils de la vraie biographie, du truc un peu historique, alors qu'en fait, on fait quand même un gros clin d'œil au spectateur en lui disant, non mais tout ce que je suis en train de te raconter, en fait, ce personnage n'existe pas. je crois que au contraire, ça a l'effet inverse, ça nous y fait croire encore plus, et je pense qu'on est même encore plus enclin dans ces cas-là à être réceptif à tout ce qu'il peut y avoir de réel dans ce qu'on veut nous communiquer, notamment peut-être sur l'histoire de Singapour, tout ce qui a pu se passer, ou plein de choses, et où même déjà tu commençais à parler de qu'est-ce que ça peut être la vie d'un dessinateur, de ses problèmes avec les éditeurs et tout, et là encore, je pense que même avec un faux dessinateur, une fausse biographie, une fausse histoire, c'est là où on va encore plus comprendre quel est l'enjeu de tout ça et qu'est-ce qui peut se passer dans la vie d'un artiste quand il est confronté à toutes les épreuves qu'il peut rencontrer pour notamment faire publier son travail.

  • Speaker #0

    Oui, on va en reparler avec les ouvrages que j'ai amenés en plus pour reparler justement de la fausse biographie. Mais celui-là en plus, ce que j'apprécie particulièrement, c'est qu'il se sert de son médium, qui est la bande dessinée et le dessin en général. Et il s'en sert en fait pour en permanence, non seulement relancer ces classiques à la question de la vérité, de ce qui est authentique ou pas, mais même, je trouve, et c'est ce qui est magnifique là-dedans, c'est de la proximité qu'on a avec le personnage. C'est-à-dire qu'on a un rapport affectif avec le narrateur, en fait, avec ce dessinateur qui est annoncé comme le plus grand dessinateur de Singapour. et au fur et à mesure qu'on va découvrir sa vie on va voir qu'en fait C'est quelqu'un qui n'arrive pas à faire connaître ses œuvres et qui pourtant s'acharne à dessiner, tout en étant confronté quand même aux turbulences d'un pays où il y a des révoltes étudiantes, où il y a des grèves, où il y a des choses comme ça. Et ces épisodes sont tout le temps relatés, non seulement par la bande dessinée, mais par le biais de la fiction. C'est-à-dire qu'à chaque fois, il va trouver un moment, il raconte l'histoire de science-fiction, c'est un enfant qui est malade, enfin un adolescent qui est malade, qui est condamné. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué, et quand il se réveille, il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre, et donc il va, alors qu'il est malade et qu'il se sait condamné, il va essayer de libérer la Terre de ces extraterrestres, avec des scientifiques et tout ça. Et en fait ça parle d'une autre invasion de Singapour à ce moment-là. C'est une métaphore, mais ils utilisent le récit de science-fiction pour ça. J'ai pas repéré tous les...

  • Speaker #1

    Ah oui, non mais d'accord. Mais après, genre, t'as... C'est pas juste là, d'ailleurs, les aliens...

  • Speaker #0

    Si, si, c'est possible.

  • Speaker #1

    Tu vas l'avoir encore juste un petit peu, l'invasion.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est l'invasion, c'est ça, c'est l'invasion.

  • Speaker #1

    T'as toute l'histoire dedans ?

  • Speaker #0

    Non, rien n'est fini. C'est-à-dire que là, ben voilà, t'as quelques planches d'invasion, qui étaient la BD hebdomadaire du journal de Singapour. Trop bien. et voilà tu vas avoir quelques planches et ce qui est génial, en fait le fait que ce soit pas fini te permet de finir toi même aussi tu vois et puis de temps en temps il va faire aussi une BD alors je crois que c'est juste après en plus quoi ? il y a trop de choses c'est trop génial ah oui tu vois à un moment il explique qu'il s'est inspiré ah oui alors Bertrand Wong Parce qu'on fait tout dans les ordres comme d'habitude. À un moment...

  • Speaker #1

    Mais là,

  • Speaker #0

    c'est obligé. Oui, c'est obligé. Quand il est jeune, il publie donc sa première BD et puis ça n'a pas de suite. Pour des tas de raisons que je ne vais pas te raconter de toute façon. Mais du coup, il est repéré par quelqu'un qui a des idées. Et qui est donc ce Bertrand Wong là, qui va l'accoster dans la rue et lui dire « Tu fais de la BD ? Moi, j'ai plein d'idées. » Et donc, pendant longtemps, ils vont travailler ensemble. Ça va devenir son scénariste en quelque sorte. Et donc, il est... interviewé dans la BD autobiographique et il explique que pour le vaisseau spatial ils n'avaient pas de modèle et donc ils ont pris un jouet d'enfant et là tu as une photo du jouet d'enfant qui va inspirer le truc et c'est tout le temps comme ça et alors par exemple là on est en train de parler de cette BD de science-fiction on est à la page 121 et le bouquin fait 300 pages il y a un travail colossal donc on est en train de parler de cette BD de science-fiction, on a quelques planches et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant ... Qui dit un pique-nique sans sandwich, mais c'est le comble de l'absurdité. Et ça, pleine page, dans un style qui n'a rien à voir. Et là, tu vas avoir le psybonhomme qui revient, qui va t'expliquer que, comme la BD de science-fiction ne marchait pas, ou la publication l'interrompt plus, ou je ne sais quoi, il va faire une BD animalière avec des animaux qui parlent, et qui vont parler d'une autre situation... politique ça s'appelle Bukit Chapalang et on est reparti pour un tour et là c'est des petits strips avec...

  • Speaker #1

    entre Snoopy et même plutôt...

  • Speaker #0

    machin...

  • Speaker #1

    comment ça s'appelait...

  • Speaker #0

    Calvin et Hobbes un peu ouais, ça fait penser à Calvin et Hobbes là avec des études de personnages à côté une reproduction de pleine page du journal où tu vois le strip en bas sauf que tu vois qu'il est scotché en fait c'était leur... ambition, c'est qu'ils soient publiés dans ce journal, dans The Dragon Club. Et donc, pour vendre leur projet au directeur du journal, ils ont inclus, ils ont scotché leur strip en bas, en disant voilà, il pourrait être en première page.

  • Speaker #1

    Voilà la gueule que ça aurait dans le journal.

  • Speaker #0

    Mais je crois que ça n'a pas été publié non plus dans The Dragon Club. Et c'est plein de trucs comme ça. Et donc, ça en devient touchant, c'est humoristique aussi.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien le côté où tu as l'air de dire qu'il n'y a quand même pas grand chose qui a l'air de fonctionner. Donc moi, cette répétition de l'échec, je suis très sensible à ça. Je trouve que c'est très émouvant, quelque part, surtout sur les gens qui n'arrêtent pas, qui continuent. C'est ça qui est très émouvant, je trouve.

  • Speaker #0

    Et surtout que le type qui témoigne a 70 balais, donc il a du recul là-dessus. Il va exposer toute sa vie et il montre tout. Oui, oui, c'est vraiment touchant. C'est vraiment... Du coup, c'est plus facile d'y plonger dedans que si c'était linéaire, en quelque sorte. Le fait que tout soit accidenté, que tu vois des trucs, t'as l'impression de voir des documents aussi uniques, même si tu sais que c'est faux. Ah ouais, ça n'a pas été publié, ça. Dans la réalité, tout le monde cherche des inédits, des artistes qu'ils aiment. C'est le même délire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que dedans, là, t'as tout. C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où t'aurais tes meilleures histoires rassemblées. Il y a tout, quoi. Par contre, le type qui a pondu ça, c'est...

  • Speaker #0

    C'est un travail de fou. C'est un travail de fou. En même temps, tu sens le plaisir. C'est-à-dire que ce n'est pas uniquement laborieux. Ce n'est pas...

  • Speaker #1

    ça se lit de manière très fine t'as qu'une envie c'est de te plonger dedans c'est un peu effrayant au début parce que tu te dis ça foisonne tellement de partout que ça peut être un peu impressionnant mais effectivement ce qui ressort quand même très vite de ça aussi c'est que là pour le coup il y a un côté oui très avenant quand même tous les styles Le gars en plus a l'air de... enfin les maîtrise quoi, c'est ça qui est assez fou quoi.

  • Speaker #0

    Oui oui, ça fait jamais chiquer, ça fait jamais artificiel.

  • Speaker #1

    C'est ça qui m'impressionne énormément.

  • Speaker #0

    Et encore, je t'ai pas tout montré parce qu'à des moments... Alors donc, tu vois là il y a un très beau portrait crayonné. Là tout à l'heure j'étais sur... je sais pas, oui ça c'est des illustrations d'un livre d'apprentissage pour apprendre une des langues de Singapour. Mais à un moment, il s'essaye à la caricature. Là, tu vois, tu as Peter Cushing, d'acteur américain, Audrey Hepburn, dans un style de caricature qui se défend très bien. On les reconnaît, il y avait une surprise, je crois, un peu plus loin. Et puis finalement, il voit qu'il n'est pas assez bon là-dedans, ça ne marche pas, ça ne vende pas. À un autre moment, il va aux États-Unis, à une des conventions de bande dessinée, et il va se mettre à dessiner tous les personnages qui sont là. Et alors, tu as tout le gratin de la BD américaine sur lequel il a fantasmé, qui apparaît à ce moment-là. Voilà, il fait une croquis Comic Con de 1988, dans le sens des aiguilles d'une montre en partant du Ausha gauche. Jack Kirby, Sergio Aragones, Matt Groening, Carol Tyler, Dennis Worden, Peter Cooper, Peter Bagg, Daniel Kloves, Jaime Hernandez. Bon, tout le monde ne connaît pas tout le monde, mais enfin, il y a plusieurs générations de très grands dessinateurs américains. et... On peut imaginer que c'est tout simplement Sonny Liu, l'auteur qui est allé au Comic Con, soit parce qu'il était invité, soit je ne sais pas, et qui a fait ce truc-là et qui va inclure dans l'autobiographie de Charlie Chan, on va dire Charlie Chan pour ne pas redire tout le nom à chaque fois. C'est... Enfin voilà, c'est trop...

  • Speaker #1

    C'est vertigineux.

  • Speaker #0

    Et puis c'est suivi par une double... Une double planche avec un hommage à Tintin qui est glissé quelque part. Enfin, c'est sans fin. Et c'est jamais aigri, ça parle de politique, mais c'est jamais chiant. Parce qu'il y a ça aussi. Tu disais, oui ça peut être impressionnant au début, en fait t'as pas le temps de t'ennuyer. Comme il change de style tout le temps, comme il amorce des planches et puis finalement on n'a pas la fin du récit. Comme tu vas voir se succéder des dessins très travaillés et puis des dessins presque infantiles... ...enfantins, pardon. C'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    On dirait presque... C'est un peu convenu ce que je vais dire, mais on dirait carrément, c'est l'un des rois du livre méta. C'est méta, comme on dit méta maintenant à toutes les sauces, mais là, ça l'est vraiment. C'est vrai que tu as un peu eu l'impression d'avoir Internet dans un bouquin.

  • Speaker #0

    Oui, alors la notion d'hypertexte, elle est là aussi tout le temps. C'est-à-dire que tu passes d'un truc à l'autre et que... Ah oui, tu as vu, là tu as passé une page où il y a une photo de la reproduction de son premier personnage. en poupée réelle, donc c'est une vraie photo poupée à muettes, c'est la matière mixte poupée faite main par Lily Lily qui est une fille dont il est amoureux offerte à Charlie pour ses 50 ans voilà, donc il est allé jusqu'à faire une poupée de son personnage qui va inclure là-dedans et ça n'arrête pas en fait là c'est des... Il limite la propagande, en fait il fait des parodies de la propagande qu'il y a dans le pays à ce moment là et donc il fait des faux flyers, mais le faux personnage fait des faux flyers. On s'entend bien, c'est pas Sonny Liu, c'est l'autre. C'est Charlie Chan.

  • Speaker #1

    Non mais c'est quand même complètement, c'est vrai que c'est complètement, complètement lucide. A la fin de tout ça tu... Oui, t'as toute son histoire à lui.

  • Speaker #0

    Avec des trous que tu reconstitues quand même. Ouais, c'est ça quoi. Parce qu'il y a plein de choses sur lesquelles il ne s'étend pas, et puis encore une fois, il y a plein de choses qui ne sont pas finies. L'autobiographie, elle court tout le long, elle vient de temps en temps remettre les pendules à l'heure, soit avec ce petit personnage qui va être en bas de page, soit tu vas avoir trois planches d'autobiographie qui vont te donner du recul, tu vois, tu lis un truc des années 60 et il va te dire à cette époque-là, je faisais ceci, je faisais cela.

  • Speaker #1

    Il y a... Je t'interromps parce que là, c'est carrément clair, il parodie Frank Miller dans Dark Knight. C'est les mêmes cases et tout, c'est trop génial. C'est trop fort. C'est beaucoup trop fort.

  • Speaker #0

    Et sans jamais être dans l'imitation totale. C'est-à-dire qu'il ne fait pas du graphisme exactement pareil. Ça évoque en fait.

  • Speaker #1

    Tu vois où il veut en venir. C'est ça qui est génial. Je te montrerai le Dark Knight, c'est très très clair, c'est super.

  • Speaker #0

    Et alors bon, moi je suis tombé dessus par hasard, je me suis un peu piégé moi-même en l'oubliant quelques temps, et puis au bout de quelques plans j'ai compris le procédé qui est officiel, qui n'était pas caché, mais auquel moi je n'étais pas très attentif. Et donc ces 300 pages je les ai littéralement dévorées, j'ai lu ça sur deux jours. Ah oui ? En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. Mais je me suis dit que je voulais le garder pour l'étagère. Parce que je voulais voir ta tête, en fait. Ça nous fait des surprises.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais quand même, là, t'as bouffé tout ça en deux jours.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais.

  • Speaker #1

    parce que ce que j'allais te demander moi j'avais pas de boulot

  • Speaker #0

    même si tu as passé quasiment tes deux journées à bouffer le truc je ne pouvais pas le lâcher à chaque fois que je tournais une page je me disais c'est encore un autre style de dessin c'est ça que j'allais te demander quelle est ton expérience de lecture par rapport à tout ça parce que ça a l'air de brasser tellement de choses je

  • Speaker #1

    pense que c'est hyper impressionnant Voilà, tu as déjà répondu à la question, c'est que visiblement, oui, là, ça t'a complètement imbibé.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus,

  • Speaker #1

    ça t'emporte plus qu'emporter, c'est ça que je veux dire. Oui,

  • Speaker #0

    et je crois que ce qui m'a piégé, il y a deux choses. Ce qui m'a piégé, c'est l'aspect historique. Moi, je ne dévore pas des livres d'histoire. L'histoire m'intéresse, mais l'apprentissage scolaire a été très très dur pour moi. Je trouve souvent les ouvrages d'histoire assez rébarbatifs, et j'aime bien entrer dans l'histoire par le biais de la fiction. Et là, ce qui était génial, c'est que pendant ma lecture, je suis quand même allé consulter Wikipédia sur Singapour, plus ça m'a amené à d'autres trucs et tout. Je me suis dit, en fait, encore une fois, t'es complètement inculte sur un terrain, c'est bien de se renseigner un petit peu. Et puis pour comprendre, parce qu'évidemment, c'est fragmenté là-dedans. Mais pas au sens où, si je ne vais pas chercher des infos, je ne vais pas comprendre et je serai perdu. Non,

  • Speaker #1

    ça t'a donné envie.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Exactement, ça m'a donné envie. Ça m'a donné envie parce que j'ai été assez fasciné par ce que je lisais, et donc je voulais un petit peu comprendre ce qu'il y avait derrière. Mais je ne me suis pas non plus fait des heures d'apprentissage de Singapour, c'était juste, ah oui, je me recadre un petit peu, d'autant plus que comme dans sa propre histoire, on fait des va-et-vient entre les époques, il y a déjà un petit côté qui te perd dans la récite. Mais en même temps, je m'en foutais un peu d'être perdu, de ne pas tout à fait comprendre ce qui se passait à Singapour à ce moment-là. Il faut dire que le pays a une histoire quand même très très très complexe et très atypique. C'est-à-dire que les Anglais, ils ont quasiment abandonné Singapour. À un moment, ils se sont dit, bon, c'est la période de la décolonisation, mais je pense qu'il y a des territoires qu'ils ont tenus un peu plus militairement, tu vois, alors que, bon, il faut dire que le pays n'a pas énormément de ressources. Il est très riche, mais ce n'est pas pour ses ressources, en fait. Mais surtout je pense que la situation était très compliquée avec les communistes d'un côté, le Japon à une période de l'autre, la Malaisie qui était en train de se structurer. Il y a des choses, en fait maintenant Singapour c'est une fausse démocratie, c'est la même personne qui est au pouvoir, il y a une autorité, mais a priori il y a une autorité qui est soutenue par le peuple aussi parce qu'ils sont très riches. Donc c'est déjà des choses qu'on a... C'est très très loin de notre culture, là je parle au niveau politique, je parle pas au niveau l'exotisme, l'asile, tout ça. Mais au-delà de ça, la narration, elle est à la fois très engagée politiquement, et en même temps, il n'y a pas de discours de fond. C'est-à-dire que c'est toi aussi qui prends la distance que tu veux avec ça. On vit les choses de l'intérieur. et parce que c'est un gamin avec son robot qui est au milieu de la révolution tout d'un coup de toute façon tu sais que tu as à la fois une lecture naïve et à la fois quelque chose de très pragmatique oui et puis tu sens

  • Speaker #1

    De quel côté se porte ce faux dessinateur, dessiné par un autre dessinateur, et que peut-être ça te permet de penser à quoi, ce qu'il pense sur cette situation-là ? Encore une fois, ça a l'air très subtil.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est très subtil parce que... Mais c'est comme l'humour, en fait. Il y a des choses drôles dedans, mais il n'y a jamais de gags. C'est vraiment...

  • Speaker #1

    C'est comme si il y avait un gag dans les strips.

  • Speaker #0

    Ouais, même ça, je sais pas s'il y a beaucoup de gags dans les strips, en fait. En fait, c'est un peu l'histoire d'un loser, mais en même temps, c'est un loser magnifique. C'est quelqu'un qui, à la fin de sa vie, le dit, dans les dernières parties, il dit, mais j'ai retrouvé... À un moment donné, il ouvre une BD, une vieille BD, et il retrouve le plaisir de lire de la BD, et il se rend compte qu'il a toujours eu le plaisir de dessiner. au travers de tout ce qu'il a traversé. Et finalement, c'est peut-être ça le plus émouvant.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander, le petit aspect historique, mais voilà, de ce personnage fictif, qu'est-ce qui nous... qu'est-ce qui t'a le plus touché à la fin ?

  • Speaker #0

    Je voulais faire une expérience, je t'avais gardé 4 pages, je m'étais dit, tu vas les lire tranquillement, et puis on reviendra sur... Mais peut-être, tu vois, ça va couper le truc, mais je voudrais juste monter. sur la fin il résume en fait ce que c'est son travail de dessinateur il montre sa planche à dessin incliné il montre les outils qu'il faut avoir qu'est-ce qu'il boit pendant qu'il dessine une petite boisson pour se rafraîchir etc et puis un gaufrier avec 9 cases deux stylos,

  • Speaker #1

    deux feutres quand tu dessines déjà le deuxième tu sais que c'est un micron c'est des feutres japonais Les dessinateurs sont... sont très friands et oui, une case comme ça c'est très touchant parce que là c'est du pur dessin technique avec à chaque fois effectivement comme si les stylos, les feutres et les pinceaux et les outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse dans des cases, dans un gaufrier,

  • Speaker #0

    9 cases et qui l'ont accompagné toute sa vie. C'est pas le premier à faire ça, il y a plein de dessinateurs qui ont fait cette mise en abîme, qui ont montré avec quel matériel ils travaillaient, ça peut être très sérieux, ça peut être très ironique, Gottlieb faisait ça une époque et tout ça. ça c'est juste que là ça arrive à la page 302 et que alors je suis je divulgue h encore quelque chose le personnage ne meurt pas la fin oui ça on s'arrête les vieux puis c'est tout mais mais par contre il ya un parcours en fait vers vers les purs comme souvent chez les auteurs et là vers quelque chose d'essentiel que lui même découvre et en fait je crois que si cette bd elle est aussi prenante c'est que le mec qui réussit complètement son projet Et son projet, ce n'est pas seulement de dire « je vais montrer toute l'étendue de mon savoir graphique, je vais raconter la biographie d'un personnage, L'image imaginaire, ce qu'il y a de plus dur dans tout ça, c'est de le faire exister réellement. C'est-à-dire qu'une fois que tu as fini la page, en fait, non, ce n'est pas vrai qu'il n'existe pas. Oui, tu crois. Bien sûr, toi, tu en as envie.

  • Speaker #1

    Oui, et puis même, il t'a nourri pendant toute ta lecture, visiblement, et en même temps, toi, tu le nourris en lui disant « mais si, tu existes » , presque. Et effectivement, je pense que l'auteur peut être très fier de ça, parce que c'est... C'est fait avec tellement de travail et visiblement de talent.

  • Speaker #0

    Oui, de justesse en fait. Oui,

  • Speaker #1

    de justesse. C'est un beau projet et une belle entreprise.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu parlais tout à l'heure des autobiographies imaginaires. Et je voulais ramener plusieurs choses là-dessus parce que tu disais, je n'ai pas d'exemple qui me vient à la tête. Il y en a un très classique dans l'histoire du cinéma qui est Citizen Kane. Oui. Elle est inspirée de quelqu'un de la réalité. C'est quand même un des premiers exemples de biographie qui est complètement artificielle et en même temps qui est nourrie par des documents, plusieurs points de vue, etc. Tu le sais que moi, ce n'est pas mon film préféré, même si j'admire tout à fait le travail. Mais par contre, j'ai ramené deux œuvres qui sont de l'ordre de la biographie d'imaginaire et qui pour moi ont beaucoup compté et auxquelles j'ai pensé alors qu'elles sont radicalement différentes. quand j'ai lu ça. Ça, je pense que tu ne connais pas. Non.

  • Speaker #1

    William Boyd, un livre ouvert.

  • Speaker #0

    Voilà. Donc William Boyd...

  • Speaker #1

    C'est un auteur que je n'ai jamais lu.

  • Speaker #0

    William Boyd, c'est un auteur très populaire, en écossais. OK. Et ça, moi, j'ai lu plusieurs livres de lui, mais ça, je pense que c'est vraiment son plus grand livre. Et c'est pareil, c'est la biographie de quelqu'un qui n'existe pas, qui raconte à la première personne, parce qu'en fait, ce sont des extraits de ses journaux intimes. Ça commence à 17 ans et ça va aller jusqu'à sa mort. Et alors là, je ne vais pas tout raconter comme on l'a fait. Mais pourquoi j'en parle ? C'est parce que là aussi, je trouve qu'il réussit totalement un truc qui est très compliqué. C'est-à-dire qu'être juste dans le ton du journal intime, qu'on n'ait pas l'impression que ce soit artificiel.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça, ça doit être quand même quelque chose.

  • Speaker #0

    Et à des époques différentes de sa vie, entre 17 ans et 80, je crois qu'il y a 90 ans à la fin, pareil. C'est quand même très très compliqué et ça marche. Alors en plus, chapeau au traducteur ou à la traductrice parce que c'est traduit de l'anglais. Donc ça marche très très bien en français. J'ai passé ce bouquin à mon frère, elle avait beaucoup aimé aussi à l'époque. On était tombés dedans et puis bon, à chaque fois que j'en ai parlé à quelqu'un qui l'a lu, c'est à peu près le même retour. Et c'est pareil, c'est une histoire qui se télescope avec l'histoire du XXe siècle. Bien sûr. Parce que le type, il va être... il va être dans la diplomatie internationale il va croiser Ian Fleming l'auteur de James Bond il va croiser des grandes figures et puis en même temps plusieurs fois dans sa vie il va retomber dans l'anonymat et dans le côté aussi mesquin d'ailleurs c'est un personnage qui a autant de qualités que de défauts c'est pas un héros le type au sens classique on voit ses travers dès le début mais il a un parcours, celui-là je ne veux surtout pas le gâcher parce qu'il se passe des trucs assez inattendus et c'est ça qui est très fort aussi, c'est que même quand il est vieux et je pense que c'est la partie la plus forte du bouquin il arrive là où tu ne l'attends pas le type mais c'est pareil, c'est-à-dire que ça marche parce que la personne qui fait cette entreprise se livre totalement à fond dans le projet et a conscience qu'il faut tenir le médium que tu utilises, la bande dessinée dans le cas de Sonny Liu, ou le roman dans le cas de William Boyd, c'est-à-dire, il faut que les gens y croient, même s'ils sont conscients dès le début que tout ça est absolument artificiel.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça, c'est un sacré enjeu, mais je pense que c'est peut-être là aussi où tu... t'es tellement face au mur que là il faut effectivement tout lâcher c'est ça, il faut un mélange comme tu dis c'est tellement grotesque ton procédé je vais vous raconter une biographie d'un personnage qui en fait n'existe pas presque tu te fais un croche-pied d'entrée de jeu, donc à partir de là évidemment il faut tout lâcher il y a un paradoxe en fait,

  • Speaker #0

    c'est qu'il faut que tu sois à la fois en maîtrise de la technique de narrative en fait et comme tu dis qu'il y ait du lâcher prise pour qu'il soit Merci. totalement immergé dans cette vie pour que lui-même y croit. Et on peut imaginer en plus que ces ouvrages sont des ouvrages de confession aussi. Même si là, le personnage de Sonny Liu n'a pas du tout le même âge que son... Et c'est pareil pour William Boyd d'ailleurs, puisqu'il les accompagne à des âges qui dépassent largement, donc ils ne sont pas de la même génération, mais ils s'investissent énormément dans... Oui, oui, de toute façon,

  • Speaker #1

    je pense que...

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    je pense que pour le dessinateur, je pense que ça lui permet quand même de... en grande partie de parler d'un médium qui l'aime. Donc c'est ça qui est toujours, je pense, intéressant. Il y a toujours un plaisir, je pense, à pouvoir communiquer ce que soi-même on a aimé, si c'est la bande dessinée, qu'est-ce qu'on a aimé dans la bande dessinée, quelles ont été nos relations avec les ouvrages, avec le papier, avec les maquettes, avec les éditeurs, avec tout ce qu'on a pu apprendre, et comment on peut, à un moment, essayer de vouloir transmettre tout ça à des lecteurs, tu vois. on va pas juste faire un mode d'emploi, un manuel comment lire la bande dessinée, comment l'aimer il y a tel éditeur, tel truc il faut trouver un autre moyen il faut passer par le petit,

  • Speaker #0

    par l'intime c'est ça qui est et puis comme tu disais,

  • Speaker #1

    là les deux cas c'est qu'on repart dans la fiction, mais alors là effectivement ça fait un sacré challenge c'est vraiment une mission assez incroyable et celui-là,

  • Speaker #0

    j'en parle d'autant plus que c'est un bouquin qui a bien marché, c'est pas une oeuvre underground, mais il est un peu peu oublié maintenant. Et puis, autre chose, il s'appelle A Livre Ouvert en français, et ça, par contre, alors je félicite la traduction, mais pas du tout l'éditeur d'avoir choisi ça. En plus, c'est littéralement pas ce qu'est le titre original qui s'appelle Any Human Heart. Donc, il veut dire n'importe quel humain, qui pour le coup dit beaucoup de choses, je trouve. Et A Livre Ouvert, il n'y a pas de titre plus bateau que ça. C'est vraiment dommage.

  • Speaker #1

    et je voulais finir avec un truc que ça par contre tu connais ouais je connais alors tu vois j'y avais pas du tout pensé et maintenant que tu me le montres évidemment ça tombe sous le sens par contre je m'en souviens plus trop mais ouais celui là c'est vrai que j'en garde un souvenir enfin Je ne pourrais évoquer rien du tout, mais je sais que j'adore ce film.

  • Speaker #0

    Zellig de Woody Allen. Woody Allen. Donc, il y a un...

  • Speaker #1

    Monument de fausse biographie.

  • Speaker #0

    Oui, puisque c'est l'histoire de l'homme caméléon, c'est-à-dire cet homme qui avait une espèce de faculté incompréhensible que les scientifiques n'arrivent pas à expliquer. S'il se met à côté d'un grand, il devient grand. S'il se met à côté d'un chauve, il devient chauve. Il se met à ressembler physiquement aux personnes qu'il côtoie. L'homme est pour nous. Et il va lui aussi traverser quand même... En gros, je crois des années 20 aux années 80, je crois que sa vie court sur une soixantaine d'années. C'est vraiment le Woody Allen de la grande époque, où il est très inspiré, mais surtout où il va au bout de ses idées. Parce que Woody Allen, il y a toujours eu des idées, mais quand même, il a beaucoup bâclé ces dernières années. Ouais,

  • Speaker #1

    il y a plein de films que j'adore de lui, mais je pense qu'à un moment, vouloir tenir le rythme d'un film par an, il y a des moments, au bout d'un moment dans ta carrière, tu n'es pas obligé, peut-être que tu peux prendre un petit peu plus de temps. Puis dans celui-là, le peu... Ce dont je me souviens surtout, c'est que ce qui m'avait intéressé aussi à l'époque, c'est que visuellement, je trouve qu'il tente des choses que souvent il ne tente pas dans plein d'autres films que j'aime par ailleurs. Parce qu'il est surtout connu pour ses études de personnages et ses dialogues hyper inspirés. avec un humour si particulier et tout. Et des fois, au niveau réalisation, ce qui n'est pas un défaut, il peut être un peu plus invisible ou transparent, mais ce qui peut des fois être très très bien. Là, ce qui est intéressant, c'est que je me souviens que visuellement, de la même façon que le personnage principal est une espèce d'éponge et donc subit des transformations perpétuelles, il y a un caractère expérimental même dans le filmage.

  • Speaker #0

    Oui, puisqu'il va faire comme Sonny Liu avec Charlie Chan. c'est pour ça que je le rapproche de cette bande dessinée c'est à dire que si on est dans les années 20 à l'époque du Charleston, l'image va imiter ces images qu'on connait tous avec ce grain très particulier un peu accéléré à un moment c'est un des moments les plus drôles du film il est à côté d'Hitler il va être au milieu des nazis et voir Woody Allen petit juif new-yorkais être au milieu des nazis là aussi un gag un peu méta Mais donc là, il va reprendre la qualité des actualités des années 40. Et puis, en parallèle, l'intrigue, elle est racontée en autobiographie. C'est-à-dire que Zelig raconte sa propre vie auprès d'une psychanalyste qui est interprétée par Mia Farrow. Et on va avoir tout au long des bandes magnétiques enregistrées où en fait, il se livre à sa psychanalyste. Et donc, avec ce son un petit peu particulier, des bandes magnétiques qui vont donner une autre dimension documentaire. En fait, tout ce film est un fou. documentaire.

  • Speaker #1

    Ce que j'allais te dire, c'est que dans mon souvenir, de toute façon, voilà ce que c'est, c'est que même visuellement, enfin, narrativement, même le film faisait très documentaire.

  • Speaker #0

    Mais le documentaire qui va avoir des tons différents et des qualités d'image différentes selon les époques et les milieux qu'il retranscrit. Alors évidemment, il y a quelques trucs qui passent plus du tout aujourd'hui puisque, comme il prend l'apparence des gens à côté de qui il est, s'il est à côté d'une personne noire, il va devenir noir, s'il est à côté à un moment donné, c'est dans mon souvenir je crois Il est à côté d'un peuplade autochtone, ce qu'on appelait les Indiens, qui n'étaient pas du tout Indiens à cette époque-là. Et donc, il va se faire un blackface, il va se faire une tête de peau rouge, entre guillemets. Car tu vois, le film aujourd'hui, évidemment, il y a de quoi le canceller un petit peu et tout ça. Mais c'est aussi une prouesse narrative. Et puis, comme il reprend les images de l'époque, il a cette espèce d'alibi de distance qui est, mais oui, le cinéma de cette époque-là a été comme ça.

  • Speaker #1

    Là c'est...

  • Speaker #0

    comme c'est le principe même du personnage c'est presque à son corps défendant oui oui mais il le fait de façon un peu caricaturale oui bien sûr il y a cet aspect là mais ça c'est un aspect de contexte de relire les films aujourd'hui mais en tout cas il reste un tour de force et il reste derrière un film qui était une pure comédie Woody Allen était vraiment réputé essentiellement pour ses comédies à cette période là même s'il a déjà fait Manhattan même s'il a déjà fait des films plus... plus sérieux. Celui-là est catalogué comme une pure comédie. Et en même temps, c'est une trajectoire bouleversante puisque là, on est en plus dans le fantastique. Un homme caméléon n'existe pas, mais sa trajectoire est terrible. Et c'est là que la dimension psychanalytique est super intéressante. C'est qu'en fait, il n'a pas d'identité propre. Il est toujours l'identité d'un autre. Et là, on arrive à quelque chose de peut-être profond aussi sur tout le côté... faux de non seulement de la fiction mais du paraître des créateurs et tout ça enfin c'est pour ça que c'est souvent même si ça fait longtemps que je n'ai pas revu mais celui-là je

  • Speaker #1

    cite souvent tout le temps bon ces derniers temps Woody Allen a eu tendance à être jeté un peu aux poubelles. De temps en temps, il faut quand même dire que malgré tout, il y a quand même plus que des bons films. Et celui-là, je le cite souvent, parce que même si j'ai dû le voir... juste deux trois fois il ya maintenant très longtemps je trouve que pour moi c'est un film parfait quoi c'est un film qui était très dynamique très inventif après tout le long je crois que c'est quand même en noir et blanc oui oui oui ça fait mal à blanc et mais qu'en plus voilà comme tu disais malgré ça en plus au niveau des grains de commencer comment le film est construit en fait parce que c'est effectivement on dirait qu'il ya peu d'effets de mise en scène mais en fait la mise en scène pour le coup elle est ailleurs se passe à un autre niveau et c'est très très intéressant visuellement c'est voilà je trouve c'est moi je c'est un film qui pour moi est vraiment très très fort en fait effectivement et fait partie voilà de ces fausses biographies et que on pourrait presque continuer à faire un

  • Speaker #0

    thème un thème là dessus il y avait enfin c'est vraiment une idée et je pense que là on nous on a parlé de d'oeuvres relativement récente mais on peut peut imaginer que ça existait déjà, je suis sûr que ça existe et que ça ne vient pas à l'esprit dans la littérature du XIXe. Oui,

  • Speaker #1

    il doit y avoir des exemples qu'on n'a pas révisés, mais c'est clair qu'il doit y en avoir plein depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, je pense que ces trois œuvres sont tout à fait... Pour le coup, tu sais qu'on se posait la question souvent de... Est-ce que ça peut parler aujourd'hui ? là... Autant parfois on parle d'oeuvres datées qu'il faut remettre dans leur contexte et tout ça. Là, pour le coup, c'est toujours... Là, voilà, à part peut-être quelques réserves sur Woody Allen qui sont... Enfin, qui à mon avis ne... N'affibise pas le film. Le William Boyd, j'en ai relu quelques pages hier pour préparer ça. J'ai failli le recommencer et je me le mets sous le coude. Je vais le relire, c'est à peu près sûr. Et alors, une vie dessinée de Sonny Liu chez Urban Comics. Vraiment, je le recommande quel que soit l'âge. Peut-être pas pour les plus petits parce qu'il y a quand même cet aspect historique. Encore que graphiquement... ça peut marcher quand même mais ils ne tiendront pas 300 pages les plus petits mais je pense qu'à partir de l'adolescence on peut lire ça pour moi c'est vraiment un ouvrage magistral de la bande dessinée contemporaine je pense que tu as raison même si je ne l'ai pas entendu j'espère que tu vas le dire je vais le dire I don't need anything, just something, just something L'étagère Le podcast de Yann Jouvert et Christophe Bauer. Réalisation Yann Jouvert.

  • Speaker #1

    La musique du générique est signée OFF.

  • Speaker #0

    Un extrait du traditionnel We Are Singapore par Sri Maligan de la chanson Biography of a First Son de Jack. portrait for Fraser de Dorothy Colon et de l'abandonnance de Zelig de Woody Allen. Retrouvez tous les épisodes de l'étagère sur vos plateformes habituelles. Vos commentaires, critiques et encouragements sont les bienvenus sur les Facebook et Instagram L'Étagère Podcast

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Description

Qui est Charlie Chan Hock Chye ? Le plus grand dessinateur de l’histoire de Singapour. Un homme qui a traversé toutes les turbulences de son pays en s’accrochant fermement à son crayon. Manga, strip animalier, comics, aventure, SF, autobiographie, portraits, affiches... A travers 300 pages qui restituent sa vie et ses créations, une mystification totale à ranger tout près d’autres chefs-d’œuvre du genre, A livre ouvert de William Boyd et Zelig de Woody Allen.


Œuvre :

Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée

Sonny Liew

Urban Comics


Œuvres annexes : 

A livre ouvert de William Boyd

Zelig de Woody Allen


Illustrations sonores :

Mahligai : We are Singapore (traditionnel)

Jack : Biography of a First Son

The Durutti Column : Portrait for Frazer

Bande-annonce de Zelig de Woody Allen


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deux amis se rendent à tour de rôle l'un chez l'autre pour découvrir les objets culturels posés sur l'étagère. Musique Musique

  • Speaker #1

    C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où tu aurais tes meilleures histoires rassemblées, il y a tout quoi.

  • Speaker #0

    Et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant qui dit un pique-nique sans sandwich mais c'est le comble de l'absurdité. En fait c'est un peu l'histoire d'un loser mais en même temps c'est un loser magnifique. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué et quand il se réveille Il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    C'est censé être lui. Je sens qu'il y a une armage. Il y a une armage, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comme si les stylos, les feutres et les pinceaux des outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse.

  • Speaker #0

    En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. J'ai aussi dit que je voulais le garder pour l'étagère, parce que je voulais voir ta tête en fait.

  • Speaker #1

    Ça vous fait des surprises, voilà. Voilà, on est de retour dans la bibliothèque pour un nouvel épisode. Et tu as sorti un livre ?

  • Speaker #0

    J'ai sorti un ouvrage, donc un gros livre.

  • Speaker #1

    Alors, je vais le présenter. Charlie Chan, Hope She, une vie dessinée, présentée par Sonny Liu. Chez Urban Graphic. Alors le livre, il est assez épais. Je vais décrire la couverture, parce que ça a l'air d'être un objet vraiment très bizarroïde, qui me surprend énormément. On dirait une reproduction d'une planche de BD en couverture. Tout en haut, sur les trois quarts de la couverture, il y a une grosse case avec un petit personnage dessiné comme dans le style manga, qui tient un petit bonhomme avec une grosse tête qui tient une télécommande. et qui dit le titre du livre dans une bulle. Et en dessous, il y a un enchaînement de trois cases, à la gauche, une case avec un robot qui soulève un bus. La case au milieu, elle est plutôt noire et blanc avec des trames. La case avec le robot était en couleur très pop. Et on termine par une troisième case, là où il y a la bulle présentée par Sony Lue, où là, on est carrément sur de la couleur directe, je dirais plutôt en acrylique ou en huile peut-être.

  • Speaker #0

    Ça ressemble à une peinture.

  • Speaker #1

    Mais voilà, ça ressemble à une peinture. Et là, on voit juste un bout de visage, surtout une moitié de nez, un oeil et un bout d'oreille. Tout ça est très intriguant. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #0

    En fait, ce que je te propose, c'est que tu jettes un oeil à l'intérieur pendant que je vais chercher deux compléments à ça. D'accord. Qui vont... Alors, je feuillette un petit peu.

  • Speaker #1

    Et effectivement, ce qui frappe, c'est que ça a l'air très... Ça part dans tous les sens, quoi. Je vois même des reproductions de comics américains, même de journaux. Après, il y a des dessins, il y a des strips. Il y a vraiment de tout, ça part dans toutes les directions. Je n'arrive pas à savoir si c'est une seule ou même histoire, ou si c'est une espèce de monographie sur Charlie Chan, qui est peut-être un dessinateur, ou pas du tout. Je ne sais pas, celui-là, je ne le connais pas. absolument pas de quoi on va parler.

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    c'est un bel objet.

  • Speaker #0

    Tu te retrouves exactement comme moi quand j'ai découvert cet ouvrage qui était dans une librairie d'occas, bien connue de Montpellier, au milieu de comics américains. Puisque, tu as dit, l'éditeur c'est Urban Graphics. Oui. Urban Graphics, leur spécialité.

  • Speaker #1

    Alors, Urban tout court, ils font spécialité d'ici.

  • Speaker #0

    Oui, c'est Urban Comics, pardon.

  • Speaker #1

    Ouais, et ils ont une sous-collection, enfin ils ont plusieurs collections comme ça, et graphiques, effectivement, je crois qu'ils sortent des trucs qui, justement, sortent un petit peu des sentiers battus des comics. Mais alors celui-là a l'air vraiment de vraiment sortir des sentiers battus.

  • Speaker #0

    C'est ça. Après, j'ai découvert qu'ils ne faisaient pas que des comics. américains, mais c'est quand même la majeure partie de leur sortie. Et donc DC Comics, c'est Superman, Batman. Tout classique. Et donc je l'ai vu au milieu de ça. Déjà le titre m'a intrigué. Et puis je l'ai ouvert et j'étais comme toi, confronté à cette variété de graphismes déjà. Et pas seulement de graphismes, c'est-à-dire de types de dessins et d'images qui se télescopent dans cet ouvrage-là. Donc ça m'a attiré, d'autant plus qu'il était vraiment pas cher d'occasion. Et je n'ai pas hésité, je ne suis pas allé voir ce que c'était, je l'ai pris directement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est vrai qu'il y a un côté quand même, ça foisonne de partout, c'est incroyable. On dirait presque des fois un catalogue d'expo en fait, mais mélangé avec une BD où on a l'impression qu'il y a un fil rouge tout le long. En fait on dirait qu'il y a quatre bouquins en un.

  • Speaker #0

    Oui, même plus que ça, en fait. C'est un peu vertigineux, ce qu'il y a à l'intérieur de ce livre.

  • Speaker #1

    On voit même, on dirait, des croquis de carnet, des extraits de carnet.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, j'ai un peu listé ce qu'il y a dedans. Il y a des BD classiques, il y a des strips comme dans les journaux sur trois cases. Il y a des portraits, donc plus ou moins finis, mais ça peut être des portraits qui sont des croquis esquissés, et puis ça peut être des peintures vraiment finalisées. Il y a des photos qui vont coller au milieu de ces dessins pour illustrer certains sujets. Il y a des couvertures de comics ou d'albums. Et puis même dans les styles de ce qui est dessiné, on va passer du manga naïf comme tu l'as décrit sur la couverture à des BD de SF un peu plus stylisés. À un moment donné, il illustre un livre d'apprentissage. Il y a des affiches, il y a des flyers. vraiment... Tous les éléments du graphisme qui se télescopent dans cet ouvrage-là.

  • Speaker #1

    Mais alors attends, ce que je n'ai pas compris pour l'instant, c'est... Est-ce qu'il y a quelqu'un seul qui est responsable de tout ce livre ? Oui.

  • Speaker #0

    Ou pas ? Mais en fait, il y a...

  • Speaker #1

    Mais je n'ai pas compris qui c'était.

  • Speaker #0

    Qui est l'auteur. Voilà. Mais c'est pile poil dans le sujet lui-même. En fait, moi j'ai acheté ce livre, et puis, comme je suis comme toi, j'en achète beaucoup, j'en accumule beaucoup... je l'ai rangé dans mon étagère et puis je l'ai un peu oublié pendant quelques semaines, voire quelques mois. Et puis un jour, j'ai redécouvert que j'avais ça rangé dans la bibliothèque et je me suis plongé dedans. Et quand je l'ai lu, je n'ai pas trop fait gaffe et j'ai fait un peu comme toi, j'ai commencé. Et dès le début, déjà tu as une série de planches avec vraiment des cases similaires, c'est-à-dire 20 cases de la même taille. qui découpe vraiment comme un gaufrier. La 20 cases,

  • Speaker #1

    forcément, ça fait des petites cases.

  • Speaker #0

    Ça fait des petites cases et à chaque fois, c'est des portraits d'un personnage qui parle, en fait, qui pose des questions sur... Alors, ça s'appelle Une montagne ne peut abriter deux tigres et ça parle de la politique et des personnages importants à Singapour. Bon, déjà, moi, Singapour, pour moi, c'est un nom. C'est un nom dans une chanson, Les petites rues de Singapour. Je sais que c'est une ville qui est très... riche dans le monde actuel, c'est à peu près toute ma connaissance de Singapour. En fait, Singapour, grâce à ce livre, j'en sais beaucoup plus dessus, parce que parmi les qualités de ce livre, c'est un livre qui retrace aussi l'histoire de Singapour.

  • Speaker #1

    D'accord. Déjà une première piste.

  • Speaker #0

    Mais de façon très fragmentée. En fait, donc j'avance, et j'arrive vraiment, après ces trois pages mystérieuses, ces deux pages mystérieuses de personnages qui parlent face caméra, j'arrive à à un portrait de Charlie Chan-Hook-Shea, qui est donc la personne qui est censée être l'auteur du livre et qui s'adresse directement au lecteur.

  • Speaker #1

    Oui, parce que moi, j'aurais compris que c'était le titre, Charlie Chan-Hook-Shea, et que quelqu'un racontait l'histoire de cette personne.

  • Speaker #0

    En fait, c'est ça. Mais sauf que c'est fait comme si c'était lui qui racontait sa vie. En fait, c'est la vie de ce dessinateur mythique de Singapour. qui a 72 ans en 2010 au moment où il raconte son histoire donc qui est né en 38 ou en 30 oui déjà il y a un truc qui ne va pas là Mais je crois qu'il dit qu'il est né en 38, un peu plus tard dans le bouquin.

  • Speaker #1

    Ah oui, en plus, attends, parce qu'on n'a même pas vu le... Après, t'as le début carrément du livre. Parce que déjà, juste après tes deux premières pages, de toute façon, je pense qu'on ne va pas faire toutes les pages. Ah non,

  • Speaker #0

    parce qu'on ne va pas s'en sortir.

  • Speaker #1

    Déjà, il y a un gros blanc, comme si avant, c'était juste une espèce d'intro avec la troisième page est toute blanche, et il y a juste mention, page précédente,

  • Speaker #0

    une montagne de poivrité de tigres. Publiée en 1988, enfin, fait en... Enfin, je dis publié, non. d'ailleurs c'est précisé non publié et c'est une notion qui va revenir tout le long du livre et donc c'est signé Shan Occhi, c'est à dire ce personnage ok,

  • Speaker #1

    donc il aurait été l'auteur des deux planches que je viens de voir qui part de Singapour sur 2x20 cases et après

  • Speaker #0

    Après il commence à raconter sa vie.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine là ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est censé être lui. Et en fait, moi...

  • Speaker #1

    Je sens qu'il y a une arnaque.

  • Speaker #0

    Il y a une arnaque, bien sûr. Donc il commence à raconter son histoire. Et en fait, là il est vieux. Et puis il va y avoir un flashback.

  • Speaker #1

    Ah oui, sauf qu'avant le flashback, de nouveau il y a une page blanche, et de nouveau là, on retombe sur le début du livre.

  • Speaker #0

    C'était le prologue, en quelque sorte. Ces quelques pages étaient le prologue. Et donc, Charlie Chan oxy d'une vie dessinée, présenté par Sonny Liu. Mais Sonny Liu est l'auteur de cet ouvrage. Voilà, d'accord.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Mieux. Mais je sens que ça va être passionnant.

  • Speaker #0

    Mais en fait...

  • Speaker #1

    Et parce que de nouveau après, à la sixième page, on commence peut-être un peu à avoir ses repères, et en plein milieu, il y a déjà une autre case qui est faite complètement différemment. C'est ça. Et qui en fait, si je comprends bien, est une reprise du dessin du dessinateur dont on parle.

  • Speaker #0

    Oui, qu'il aurait fait en

  • Speaker #1

    1966. La vie à l'encre sur papier.

  • Speaker #0

    Voilà. Là, on n'est plus dans la BD finalisée.

  • Speaker #1

    Et qu'il aurait fait. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que lui, en fait, il n'existe pas.

  • Speaker #1

    Voilà, d'accord.

  • Speaker #0

    C'est une fausse biographie. ça j'adore du plus grand dessinateur de Singapour de Singapour qui n'existe pas qui n'existe pas je spoil parce que en fait c'est dit c'est dit partout et que bon nous on découvre ça mais le livre a eu un certain retentissement quand même et notamment il a eu le prix Eisner qui est aux Etats-Unis le prix le plus prestigieux de la bande d'essai il a eu trois prix Eisner la même année je ne sais plus du meilleur scénario de la meilleure maquette parce que évidemment l'ouvrage est très ambitieux dans sa composition et je ne sais plus plus quel était le...

  • Speaker #1

    Le meilleur ouvrage, quoi.

  • Speaker #0

    Le troisième prix. Ben non, en fait.

  • Speaker #1

    Pour le coup, non.

  • Speaker #0

    Meilleur auteur, meilleure maquette et meilleure oeuvre étrangère.

  • Speaker #1

    Oeuvre étrangère, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Voilà. Et donc, lui, il est plus jeune, Sonny Liu, il a une cinquantaine d'années. Il y a peu d'ouvrages qui sont publiés en France dans ce qu'il a fait. Et alors, en plus, pas deux chez le même éditeur, d'après ce que j'ai pu trouver. Bon, ça, on peut dire, même si je n'ai pas lu les autres, de l'avis général, on peut dire que c'est son chef-d'œuvre. Et pour moi, au-delà de l'importance que ça a dans son œuvre à lui, je pense que c'est une BD que tout le monde devrait avoir chez lui parce que c'est monstrueux, en fait,

  • Speaker #1

    comme majeur. Et lui, c'est un Sony Lugla ? Il est singapourien aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, il est de Singapour.

  • Speaker #1

    Il fait de la BD à Singapour ?

  • Speaker #0

    Alors, il a travaillé avec des auteurs américains. Il vit à Singapour, mais il est publié aux États-Unis. Il est publié à Singapour aussi puisqu'il est le premier aussi dans son pays à avoir eu le prix littéraire de Singapour. C'était la première fois que c'était attribué à une bande dessinée.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Normalement c'est un prix pour des auteurs de romans. Et c'est bien qu'on reconnaisse aussi des qualités littéraires à la bande dessinée. Donc c'est vraiment quelqu'un qui est à la fois connu et en même temps parfaitement inconnu pour nous et je pense pour d'autres. Pour pas mal de gens. D'où l'intérêt de cet épisode. Mais c'est surtout que, tu l'as vu déjà en amorçant ça, c'est qu'en fait on rentre dans un truc, c'est à tiroir et à plein d'échelles.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je vais essayer de poser un peu tout ça, mais c'est vrai que tu vois, je viens de tourner une page et là on arrive à la couverture d'une de ses premières bandes dessinées, qui est Anuette et le robot géant. Donc Anuad, c'est le petit personnage que tu décrivais au début, qui est un jeune enfant qui a pour compagnon un robot géant, un robot qui ne s'anime que si on lui parle dans la langue, alors je ne sais plus laquelle, mais en tout cas quand on lui parle en anglais, il ne répond pas. Donc au début il est immobile pendant les premières cases, et puis après il s'agite parce qu'on lui parle dans la bonne langue. C'est là que l'histoire de Singapour intervient. Je ne vais pas faire encore d'histoire sur Singapour, parce que je ne la connais moi-même que depuis... peu de temps et puis que je ne la connais pas assez pour ne pas me planter mais Singapour a été notamment une colonie anglaise évidemment c'est ce qu'il y a de plus connu dans son histoire ancienne et puis ça a été envahi par le Japon je crois pendant la deuxième guerre mondiale pendant très peu de temps et puis ça a été rattaché à la Malaisie pendant un moment et puis ça a pris son indépendance et puis maintenant c'est devenu un des paradis fiscaux les plus importants du monde et donc une des... un des pays les plus riches au monde. C'est le pays où il y a le plus de millionnaires au kilomètre carré. Plus que le Qatar. Mais ce qui est dingue, c'est qu'en fait, ce livre va raconter tout ça, mais à travers des récits qui sont rarement des récits directement historiques. Là, par exemple, c'est à travers cet enfant et son robot qu'il va parler d'une partie de l'histoire de Singapour. Et avec un dessin, tu le vois, qui est assez proche, oui, entre le manga et...

  • Speaker #1

    Ah ouais, voilà, c'est très beau, parce que déjà, la reproduction de la couverture du... du vieux comics qui serait daté de 1956. Effectivement, on dirait vraiment un scan parfait avec les froissures, comme on dit.

  • Speaker #0

    Oui, le papier jauni,

  • Speaker #1

    les taches et tout. Et là, on a un extrait en noir et blanc de l'une des planches avec un dessin très net, très ligne claire presque. C'est très très beau et tout de suite c'est touchant. On a un petit personnage qui commente,

  • Speaker #0

    dessiné dans un autre style, dessiné dans son style qui sera le style autobiographique, qui est le style du vieillard qu'on a vu jusqu'à maintenant. On parle de dessin à l'audio, mais il faut essayer de s'imaginer ça. Ce télescope des dessins naïfs et qui font de leur époque aussi, qui font années 50 et des dessins un peu plus contemporains.

  • Speaker #1

    Parce que là, même comme tu le dis, le petit personnage qui commente en dessous et on comprend qu'il n'est pas dans la même ligne temporelle et tout, car en plus là c'est de nouveau un personnage jeune avec une grosse tête on va dire que c'est un peu des personnages BD avec des grosses têtes c'est le même genre de grosse tête que dans le comics de l'époque qu'on nous montre mais tout de suite on voit que le style est différent le style a évolué, beaucoup évolué et on ne peut pas se tromper il y a déjà plusieurs fils narratifs plusieurs zones temporelles mais c'est très lisible et en plus alors attendre en plus

  • Speaker #0

    Il ne faut pas négliger... Tout à l'heure, tu remarquais qu'il y avait une légende sur la page d'avant qui disait... Comme un catalogue de montures, en fait. C'est des trucs qui sont parfois un peu chiants à lire dans les ouvrages... Mais là, il ne faut pas les négliger, parce qu'en fait, ils sont aussi pleins d'enseignements, et puis c'est là qu'on commence à comprendre le projet, en fait. Par exemple, sur Anumat et le robot géant, le réveil, donc c'est l'épisode qu'on lit un peu détaillé. 1954, donc signé Shanokshi. Chez Tiger Press, alors on va découvrir parce qu'il va expliquer plus tard ce que c'est Tiger Press. Bien sûr. Il y a toute l'histoire de comment il va être publié ou pas parce que les trois quarts des dessins qui sont présentés là-dedans ne sont pas publiés. Non publiés. Et puis tu as une petite notule qui explique. Anuat et le robot géant le réveil fut la première oeuvre publiée de Chan. Écrite et dessinée quand il avait 16 ans, la BD de 34 pages a apparu d'abord sous forme d'extrait dans la revue Kianjin. Bon, excusez-nous pour la prononciation. Qui veut dire forward. en avant avant d'être édité dans son intégralité sous le titre de Anuat et le robot géant volume 1 par Stone Throat Press au début on lit ça et ça peut être un peu rébarbatif puis après quand il va commencer à raconter ses aventures dans l'édition et dans la non-édition en fait tout ça va devenir hyper précieux bien sûr ... En fait, ce gamin est à la fois confronté à son histoire, alors il raconte déjà son enfance. En fait, son père vient d'une île à côté de Singapour, enfin d'un territoire à côté de Singapour, et va émigrer à Singapour pour ouvrir une épicerie. Donc il va être élevé dans une épicerie, et dans cette épicerie, il se met à dessiner. Là, on a des dessins. D'enfance, avec la naïveté, il y a un Donald avec un lion, Super Duck en fait, il invente un personnage qui s'appelle Super Duck.

  • Speaker #1

    qui est très inspiré de Donald et très maladroit là pour le coup qui a vraiment le style ce qui est beau c'est tout rempli au crayon de couleur et ce que je disais tout à l'heure c'est des extraits de carnets et effectivement on voit que c'est un style très enfantin et en même temps il va dessiner une

  • Speaker #0

    lampe à carburant je sais pas ce que c'est comme combustible en essayant d'être le plus réaliste possible enfin il fait un dessin là aussi maladroit mais il fait des dessins techniques et c'est vraiment entre les deux ça va être un va et vient en permanence dans sa dans dans son travail, avec de très beaux portraits. Là, je crois que c'est son père. Son père assis sur un banc, en pyjama, en train de lire le journal. C'est hyper évocateur. Et là, il va coller une photo d'enfance où il s'est entouré dedans. Comment on sait que ce personnage n'existe pas ? Je ne sais pas quelle est cette photo, je ne sais pas quelle est la véritable histoire. On n'en a pas la soupe. Mais ça crée... En fait, ça crée une dimension dont on sait qu'elle est fictive, Et où en même temps, il y a tellement de télescopage avec la réalité, avec la réalité historique, avec ce que c'est l'enfance, etc., qu'on rentre dans cet univers vraiment avec beaucoup de curiosité. Ouais,

  • Speaker #1

    de toute façon, pour le coup, je crois que c'est ce que j'aime aussi dans les fausses biographies, pour le coup, parce que c'est peut-être pas un genre aussi installé que ça, mais j'aurais pas d'exemple là tout de suite en tête. Mais ce côté avoir tous les appareils de la vraie biographie, du truc un peu historique, alors qu'en fait, on fait quand même un gros clin d'œil au spectateur en lui disant, non mais tout ce que je suis en train de te raconter, en fait, ce personnage n'existe pas. je crois que au contraire, ça a l'effet inverse, ça nous y fait croire encore plus, et je pense qu'on est même encore plus enclin dans ces cas-là à être réceptif à tout ce qu'il peut y avoir de réel dans ce qu'on veut nous communiquer, notamment peut-être sur l'histoire de Singapour, tout ce qui a pu se passer, ou plein de choses, et où même déjà tu commençais à parler de qu'est-ce que ça peut être la vie d'un dessinateur, de ses problèmes avec les éditeurs et tout, et là encore, je pense que même avec un faux dessinateur, une fausse biographie, une fausse histoire, c'est là où on va encore plus comprendre quel est l'enjeu de tout ça et qu'est-ce qui peut se passer dans la vie d'un artiste quand il est confronté à toutes les épreuves qu'il peut rencontrer pour notamment faire publier son travail.

  • Speaker #0

    Oui, on va en reparler avec les ouvrages que j'ai amenés en plus pour reparler justement de la fausse biographie. Mais celui-là en plus, ce que j'apprécie particulièrement, c'est qu'il se sert de son médium, qui est la bande dessinée et le dessin en général. Et il s'en sert en fait pour en permanence, non seulement relancer ces classiques à la question de la vérité, de ce qui est authentique ou pas, mais même, je trouve, et c'est ce qui est magnifique là-dedans, c'est de la proximité qu'on a avec le personnage. C'est-à-dire qu'on a un rapport affectif avec le narrateur, en fait, avec ce dessinateur qui est annoncé comme le plus grand dessinateur de Singapour. et au fur et à mesure qu'on va découvrir sa vie on va voir qu'en fait C'est quelqu'un qui n'arrive pas à faire connaître ses œuvres et qui pourtant s'acharne à dessiner, tout en étant confronté quand même aux turbulences d'un pays où il y a des révoltes étudiantes, où il y a des grèves, où il y a des choses comme ça. Et ces épisodes sont tout le temps relatés, non seulement par la bande dessinée, mais par le biais de la fiction. C'est-à-dire qu'à chaque fois, il va trouver un moment, il raconte l'histoire de science-fiction, c'est un enfant qui est malade, enfin un adolescent qui est malade, qui est condamné. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué, et quand il se réveille, il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre, et donc il va, alors qu'il est malade et qu'il se sait condamné, il va essayer de libérer la Terre de ces extraterrestres, avec des scientifiques et tout ça. Et en fait ça parle d'une autre invasion de Singapour à ce moment-là. C'est une métaphore, mais ils utilisent le récit de science-fiction pour ça. J'ai pas repéré tous les...

  • Speaker #1

    Ah oui, non mais d'accord. Mais après, genre, t'as... C'est pas juste là, d'ailleurs, les aliens...

  • Speaker #0

    Si, si, c'est possible.

  • Speaker #1

    Tu vas l'avoir encore juste un petit peu, l'invasion.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est l'invasion, c'est ça, c'est l'invasion.

  • Speaker #1

    T'as toute l'histoire dedans ?

  • Speaker #0

    Non, rien n'est fini. C'est-à-dire que là, ben voilà, t'as quelques planches d'invasion, qui étaient la BD hebdomadaire du journal de Singapour. Trop bien. et voilà tu vas avoir quelques planches et ce qui est génial, en fait le fait que ce soit pas fini te permet de finir toi même aussi tu vois et puis de temps en temps il va faire aussi une BD alors je crois que c'est juste après en plus quoi ? il y a trop de choses c'est trop génial ah oui tu vois à un moment il explique qu'il s'est inspiré ah oui alors Bertrand Wong Parce qu'on fait tout dans les ordres comme d'habitude. À un moment...

  • Speaker #1

    Mais là,

  • Speaker #0

    c'est obligé. Oui, c'est obligé. Quand il est jeune, il publie donc sa première BD et puis ça n'a pas de suite. Pour des tas de raisons que je ne vais pas te raconter de toute façon. Mais du coup, il est repéré par quelqu'un qui a des idées. Et qui est donc ce Bertrand Wong là, qui va l'accoster dans la rue et lui dire « Tu fais de la BD ? Moi, j'ai plein d'idées. » Et donc, pendant longtemps, ils vont travailler ensemble. Ça va devenir son scénariste en quelque sorte. Et donc, il est... interviewé dans la BD autobiographique et il explique que pour le vaisseau spatial ils n'avaient pas de modèle et donc ils ont pris un jouet d'enfant et là tu as une photo du jouet d'enfant qui va inspirer le truc et c'est tout le temps comme ça et alors par exemple là on est en train de parler de cette BD de science-fiction on est à la page 121 et le bouquin fait 300 pages il y a un travail colossal donc on est en train de parler de cette BD de science-fiction, on a quelques planches et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant ... Qui dit un pique-nique sans sandwich, mais c'est le comble de l'absurdité. Et ça, pleine page, dans un style qui n'a rien à voir. Et là, tu vas avoir le psybonhomme qui revient, qui va t'expliquer que, comme la BD de science-fiction ne marchait pas, ou la publication l'interrompt plus, ou je ne sais quoi, il va faire une BD animalière avec des animaux qui parlent, et qui vont parler d'une autre situation... politique ça s'appelle Bukit Chapalang et on est reparti pour un tour et là c'est des petits strips avec...

  • Speaker #1

    entre Snoopy et même plutôt...

  • Speaker #0

    machin...

  • Speaker #1

    comment ça s'appelait...

  • Speaker #0

    Calvin et Hobbes un peu ouais, ça fait penser à Calvin et Hobbes là avec des études de personnages à côté une reproduction de pleine page du journal où tu vois le strip en bas sauf que tu vois qu'il est scotché en fait c'était leur... ambition, c'est qu'ils soient publiés dans ce journal, dans The Dragon Club. Et donc, pour vendre leur projet au directeur du journal, ils ont inclus, ils ont scotché leur strip en bas, en disant voilà, il pourrait être en première page.

  • Speaker #1

    Voilà la gueule que ça aurait dans le journal.

  • Speaker #0

    Mais je crois que ça n'a pas été publié non plus dans The Dragon Club. Et c'est plein de trucs comme ça. Et donc, ça en devient touchant, c'est humoristique aussi.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien le côté où tu as l'air de dire qu'il n'y a quand même pas grand chose qui a l'air de fonctionner. Donc moi, cette répétition de l'échec, je suis très sensible à ça. Je trouve que c'est très émouvant, quelque part, surtout sur les gens qui n'arrêtent pas, qui continuent. C'est ça qui est très émouvant, je trouve.

  • Speaker #0

    Et surtout que le type qui témoigne a 70 balais, donc il a du recul là-dessus. Il va exposer toute sa vie et il montre tout. Oui, oui, c'est vraiment touchant. C'est vraiment... Du coup, c'est plus facile d'y plonger dedans que si c'était linéaire, en quelque sorte. Le fait que tout soit accidenté, que tu vois des trucs, t'as l'impression de voir des documents aussi uniques, même si tu sais que c'est faux. Ah ouais, ça n'a pas été publié, ça. Dans la réalité, tout le monde cherche des inédits, des artistes qu'ils aiment. C'est le même délire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que dedans, là, t'as tout. C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où t'aurais tes meilleures histoires rassemblées. Il y a tout, quoi. Par contre, le type qui a pondu ça, c'est...

  • Speaker #0

    C'est un travail de fou. C'est un travail de fou. En même temps, tu sens le plaisir. C'est-à-dire que ce n'est pas uniquement laborieux. Ce n'est pas...

  • Speaker #1

    ça se lit de manière très fine t'as qu'une envie c'est de te plonger dedans c'est un peu effrayant au début parce que tu te dis ça foisonne tellement de partout que ça peut être un peu impressionnant mais effectivement ce qui ressort quand même très vite de ça aussi c'est que là pour le coup il y a un côté oui très avenant quand même tous les styles Le gars en plus a l'air de... enfin les maîtrise quoi, c'est ça qui est assez fou quoi.

  • Speaker #0

    Oui oui, ça fait jamais chiquer, ça fait jamais artificiel.

  • Speaker #1

    C'est ça qui m'impressionne énormément.

  • Speaker #0

    Et encore, je t'ai pas tout montré parce qu'à des moments... Alors donc, tu vois là il y a un très beau portrait crayonné. Là tout à l'heure j'étais sur... je sais pas, oui ça c'est des illustrations d'un livre d'apprentissage pour apprendre une des langues de Singapour. Mais à un moment, il s'essaye à la caricature. Là, tu vois, tu as Peter Cushing, d'acteur américain, Audrey Hepburn, dans un style de caricature qui se défend très bien. On les reconnaît, il y avait une surprise, je crois, un peu plus loin. Et puis finalement, il voit qu'il n'est pas assez bon là-dedans, ça ne marche pas, ça ne vende pas. À un autre moment, il va aux États-Unis, à une des conventions de bande dessinée, et il va se mettre à dessiner tous les personnages qui sont là. Et alors, tu as tout le gratin de la BD américaine sur lequel il a fantasmé, qui apparaît à ce moment-là. Voilà, il fait une croquis Comic Con de 1988, dans le sens des aiguilles d'une montre en partant du Ausha gauche. Jack Kirby, Sergio Aragones, Matt Groening, Carol Tyler, Dennis Worden, Peter Cooper, Peter Bagg, Daniel Kloves, Jaime Hernandez. Bon, tout le monde ne connaît pas tout le monde, mais enfin, il y a plusieurs générations de très grands dessinateurs américains. et... On peut imaginer que c'est tout simplement Sonny Liu, l'auteur qui est allé au Comic Con, soit parce qu'il était invité, soit je ne sais pas, et qui a fait ce truc-là et qui va inclure dans l'autobiographie de Charlie Chan, on va dire Charlie Chan pour ne pas redire tout le nom à chaque fois. C'est... Enfin voilà, c'est trop...

  • Speaker #1

    C'est vertigineux.

  • Speaker #0

    Et puis c'est suivi par une double... Une double planche avec un hommage à Tintin qui est glissé quelque part. Enfin, c'est sans fin. Et c'est jamais aigri, ça parle de politique, mais c'est jamais chiant. Parce qu'il y a ça aussi. Tu disais, oui ça peut être impressionnant au début, en fait t'as pas le temps de t'ennuyer. Comme il change de style tout le temps, comme il amorce des planches et puis finalement on n'a pas la fin du récit. Comme tu vas voir se succéder des dessins très travaillés et puis des dessins presque infantiles... ...enfantins, pardon. C'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    On dirait presque... C'est un peu convenu ce que je vais dire, mais on dirait carrément, c'est l'un des rois du livre méta. C'est méta, comme on dit méta maintenant à toutes les sauces, mais là, ça l'est vraiment. C'est vrai que tu as un peu eu l'impression d'avoir Internet dans un bouquin.

  • Speaker #0

    Oui, alors la notion d'hypertexte, elle est là aussi tout le temps. C'est-à-dire que tu passes d'un truc à l'autre et que... Ah oui, tu as vu, là tu as passé une page où il y a une photo de la reproduction de son premier personnage. en poupée réelle, donc c'est une vraie photo poupée à muettes, c'est la matière mixte poupée faite main par Lily Lily qui est une fille dont il est amoureux offerte à Charlie pour ses 50 ans voilà, donc il est allé jusqu'à faire une poupée de son personnage qui va inclure là-dedans et ça n'arrête pas en fait là c'est des... Il limite la propagande, en fait il fait des parodies de la propagande qu'il y a dans le pays à ce moment là et donc il fait des faux flyers, mais le faux personnage fait des faux flyers. On s'entend bien, c'est pas Sonny Liu, c'est l'autre. C'est Charlie Chan.

  • Speaker #1

    Non mais c'est quand même complètement, c'est vrai que c'est complètement, complètement lucide. A la fin de tout ça tu... Oui, t'as toute son histoire à lui.

  • Speaker #0

    Avec des trous que tu reconstitues quand même. Ouais, c'est ça quoi. Parce qu'il y a plein de choses sur lesquelles il ne s'étend pas, et puis encore une fois, il y a plein de choses qui ne sont pas finies. L'autobiographie, elle court tout le long, elle vient de temps en temps remettre les pendules à l'heure, soit avec ce petit personnage qui va être en bas de page, soit tu vas avoir trois planches d'autobiographie qui vont te donner du recul, tu vois, tu lis un truc des années 60 et il va te dire à cette époque-là, je faisais ceci, je faisais cela.

  • Speaker #1

    Il y a... Je t'interromps parce que là, c'est carrément clair, il parodie Frank Miller dans Dark Knight. C'est les mêmes cases et tout, c'est trop génial. C'est trop fort. C'est beaucoup trop fort.

  • Speaker #0

    Et sans jamais être dans l'imitation totale. C'est-à-dire qu'il ne fait pas du graphisme exactement pareil. Ça évoque en fait.

  • Speaker #1

    Tu vois où il veut en venir. C'est ça qui est génial. Je te montrerai le Dark Knight, c'est très très clair, c'est super.

  • Speaker #0

    Et alors bon, moi je suis tombé dessus par hasard, je me suis un peu piégé moi-même en l'oubliant quelques temps, et puis au bout de quelques plans j'ai compris le procédé qui est officiel, qui n'était pas caché, mais auquel moi je n'étais pas très attentif. Et donc ces 300 pages je les ai littéralement dévorées, j'ai lu ça sur deux jours. Ah oui ? En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. Mais je me suis dit que je voulais le garder pour l'étagère. Parce que je voulais voir ta tête, en fait. Ça nous fait des surprises.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais quand même, là, t'as bouffé tout ça en deux jours.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais.

  • Speaker #1

    parce que ce que j'allais te demander moi j'avais pas de boulot

  • Speaker #0

    même si tu as passé quasiment tes deux journées à bouffer le truc je ne pouvais pas le lâcher à chaque fois que je tournais une page je me disais c'est encore un autre style de dessin c'est ça que j'allais te demander quelle est ton expérience de lecture par rapport à tout ça parce que ça a l'air de brasser tellement de choses je

  • Speaker #1

    pense que c'est hyper impressionnant Voilà, tu as déjà répondu à la question, c'est que visiblement, oui, là, ça t'a complètement imbibé.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus,

  • Speaker #1

    ça t'emporte plus qu'emporter, c'est ça que je veux dire. Oui,

  • Speaker #0

    et je crois que ce qui m'a piégé, il y a deux choses. Ce qui m'a piégé, c'est l'aspect historique. Moi, je ne dévore pas des livres d'histoire. L'histoire m'intéresse, mais l'apprentissage scolaire a été très très dur pour moi. Je trouve souvent les ouvrages d'histoire assez rébarbatifs, et j'aime bien entrer dans l'histoire par le biais de la fiction. Et là, ce qui était génial, c'est que pendant ma lecture, je suis quand même allé consulter Wikipédia sur Singapour, plus ça m'a amené à d'autres trucs et tout. Je me suis dit, en fait, encore une fois, t'es complètement inculte sur un terrain, c'est bien de se renseigner un petit peu. Et puis pour comprendre, parce qu'évidemment, c'est fragmenté là-dedans. Mais pas au sens où, si je ne vais pas chercher des infos, je ne vais pas comprendre et je serai perdu. Non,

  • Speaker #1

    ça t'a donné envie.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Exactement, ça m'a donné envie. Ça m'a donné envie parce que j'ai été assez fasciné par ce que je lisais, et donc je voulais un petit peu comprendre ce qu'il y avait derrière. Mais je ne me suis pas non plus fait des heures d'apprentissage de Singapour, c'était juste, ah oui, je me recadre un petit peu, d'autant plus que comme dans sa propre histoire, on fait des va-et-vient entre les époques, il y a déjà un petit côté qui te perd dans la récite. Mais en même temps, je m'en foutais un peu d'être perdu, de ne pas tout à fait comprendre ce qui se passait à Singapour à ce moment-là. Il faut dire que le pays a une histoire quand même très très très complexe et très atypique. C'est-à-dire que les Anglais, ils ont quasiment abandonné Singapour. À un moment, ils se sont dit, bon, c'est la période de la décolonisation, mais je pense qu'il y a des territoires qu'ils ont tenus un peu plus militairement, tu vois, alors que, bon, il faut dire que le pays n'a pas énormément de ressources. Il est très riche, mais ce n'est pas pour ses ressources, en fait. Mais surtout je pense que la situation était très compliquée avec les communistes d'un côté, le Japon à une période de l'autre, la Malaisie qui était en train de se structurer. Il y a des choses, en fait maintenant Singapour c'est une fausse démocratie, c'est la même personne qui est au pouvoir, il y a une autorité, mais a priori il y a une autorité qui est soutenue par le peuple aussi parce qu'ils sont très riches. Donc c'est déjà des choses qu'on a... C'est très très loin de notre culture, là je parle au niveau politique, je parle pas au niveau l'exotisme, l'asile, tout ça. Mais au-delà de ça, la narration, elle est à la fois très engagée politiquement, et en même temps, il n'y a pas de discours de fond. C'est-à-dire que c'est toi aussi qui prends la distance que tu veux avec ça. On vit les choses de l'intérieur. et parce que c'est un gamin avec son robot qui est au milieu de la révolution tout d'un coup de toute façon tu sais que tu as à la fois une lecture naïve et à la fois quelque chose de très pragmatique oui et puis tu sens

  • Speaker #1

    De quel côté se porte ce faux dessinateur, dessiné par un autre dessinateur, et que peut-être ça te permet de penser à quoi, ce qu'il pense sur cette situation-là ? Encore une fois, ça a l'air très subtil.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est très subtil parce que... Mais c'est comme l'humour, en fait. Il y a des choses drôles dedans, mais il n'y a jamais de gags. C'est vraiment...

  • Speaker #1

    C'est comme si il y avait un gag dans les strips.

  • Speaker #0

    Ouais, même ça, je sais pas s'il y a beaucoup de gags dans les strips, en fait. En fait, c'est un peu l'histoire d'un loser, mais en même temps, c'est un loser magnifique. C'est quelqu'un qui, à la fin de sa vie, le dit, dans les dernières parties, il dit, mais j'ai retrouvé... À un moment donné, il ouvre une BD, une vieille BD, et il retrouve le plaisir de lire de la BD, et il se rend compte qu'il a toujours eu le plaisir de dessiner. au travers de tout ce qu'il a traversé. Et finalement, c'est peut-être ça le plus émouvant.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander, le petit aspect historique, mais voilà, de ce personnage fictif, qu'est-ce qui nous... qu'est-ce qui t'a le plus touché à la fin ?

  • Speaker #0

    Je voulais faire une expérience, je t'avais gardé 4 pages, je m'étais dit, tu vas les lire tranquillement, et puis on reviendra sur... Mais peut-être, tu vois, ça va couper le truc, mais je voudrais juste monter. sur la fin il résume en fait ce que c'est son travail de dessinateur il montre sa planche à dessin incliné il montre les outils qu'il faut avoir qu'est-ce qu'il boit pendant qu'il dessine une petite boisson pour se rafraîchir etc et puis un gaufrier avec 9 cases deux stylos,

  • Speaker #1

    deux feutres quand tu dessines déjà le deuxième tu sais que c'est un micron c'est des feutres japonais Les dessinateurs sont... sont très friands et oui, une case comme ça c'est très touchant parce que là c'est du pur dessin technique avec à chaque fois effectivement comme si les stylos, les feutres et les pinceaux et les outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse dans des cases, dans un gaufrier,

  • Speaker #0

    9 cases et qui l'ont accompagné toute sa vie. C'est pas le premier à faire ça, il y a plein de dessinateurs qui ont fait cette mise en abîme, qui ont montré avec quel matériel ils travaillaient, ça peut être très sérieux, ça peut être très ironique, Gottlieb faisait ça une époque et tout ça. ça c'est juste que là ça arrive à la page 302 et que alors je suis je divulgue h encore quelque chose le personnage ne meurt pas la fin oui ça on s'arrête les vieux puis c'est tout mais mais par contre il ya un parcours en fait vers vers les purs comme souvent chez les auteurs et là vers quelque chose d'essentiel que lui même découvre et en fait je crois que si cette bd elle est aussi prenante c'est que le mec qui réussit complètement son projet Et son projet, ce n'est pas seulement de dire « je vais montrer toute l'étendue de mon savoir graphique, je vais raconter la biographie d'un personnage, L'image imaginaire, ce qu'il y a de plus dur dans tout ça, c'est de le faire exister réellement. C'est-à-dire qu'une fois que tu as fini la page, en fait, non, ce n'est pas vrai qu'il n'existe pas. Oui, tu crois. Bien sûr, toi, tu en as envie.

  • Speaker #1

    Oui, et puis même, il t'a nourri pendant toute ta lecture, visiblement, et en même temps, toi, tu le nourris en lui disant « mais si, tu existes » , presque. Et effectivement, je pense que l'auteur peut être très fier de ça, parce que c'est... C'est fait avec tellement de travail et visiblement de talent.

  • Speaker #0

    Oui, de justesse en fait. Oui,

  • Speaker #1

    de justesse. C'est un beau projet et une belle entreprise.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu parlais tout à l'heure des autobiographies imaginaires. Et je voulais ramener plusieurs choses là-dessus parce que tu disais, je n'ai pas d'exemple qui me vient à la tête. Il y en a un très classique dans l'histoire du cinéma qui est Citizen Kane. Oui. Elle est inspirée de quelqu'un de la réalité. C'est quand même un des premiers exemples de biographie qui est complètement artificielle et en même temps qui est nourrie par des documents, plusieurs points de vue, etc. Tu le sais que moi, ce n'est pas mon film préféré, même si j'admire tout à fait le travail. Mais par contre, j'ai ramené deux œuvres qui sont de l'ordre de la biographie d'imaginaire et qui pour moi ont beaucoup compté et auxquelles j'ai pensé alors qu'elles sont radicalement différentes. quand j'ai lu ça. Ça, je pense que tu ne connais pas. Non.

  • Speaker #1

    William Boyd, un livre ouvert.

  • Speaker #0

    Voilà. Donc William Boyd...

  • Speaker #1

    C'est un auteur que je n'ai jamais lu.

  • Speaker #0

    William Boyd, c'est un auteur très populaire, en écossais. OK. Et ça, moi, j'ai lu plusieurs livres de lui, mais ça, je pense que c'est vraiment son plus grand livre. Et c'est pareil, c'est la biographie de quelqu'un qui n'existe pas, qui raconte à la première personne, parce qu'en fait, ce sont des extraits de ses journaux intimes. Ça commence à 17 ans et ça va aller jusqu'à sa mort. Et alors là, je ne vais pas tout raconter comme on l'a fait. Mais pourquoi j'en parle ? C'est parce que là aussi, je trouve qu'il réussit totalement un truc qui est très compliqué. C'est-à-dire qu'être juste dans le ton du journal intime, qu'on n'ait pas l'impression que ce soit artificiel.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça, ça doit être quand même quelque chose.

  • Speaker #0

    Et à des époques différentes de sa vie, entre 17 ans et 80, je crois qu'il y a 90 ans à la fin, pareil. C'est quand même très très compliqué et ça marche. Alors en plus, chapeau au traducteur ou à la traductrice parce que c'est traduit de l'anglais. Donc ça marche très très bien en français. J'ai passé ce bouquin à mon frère, elle avait beaucoup aimé aussi à l'époque. On était tombés dedans et puis bon, à chaque fois que j'en ai parlé à quelqu'un qui l'a lu, c'est à peu près le même retour. Et c'est pareil, c'est une histoire qui se télescope avec l'histoire du XXe siècle. Bien sûr. Parce que le type, il va être... il va être dans la diplomatie internationale il va croiser Ian Fleming l'auteur de James Bond il va croiser des grandes figures et puis en même temps plusieurs fois dans sa vie il va retomber dans l'anonymat et dans le côté aussi mesquin d'ailleurs c'est un personnage qui a autant de qualités que de défauts c'est pas un héros le type au sens classique on voit ses travers dès le début mais il a un parcours, celui-là je ne veux surtout pas le gâcher parce qu'il se passe des trucs assez inattendus et c'est ça qui est très fort aussi, c'est que même quand il est vieux et je pense que c'est la partie la plus forte du bouquin il arrive là où tu ne l'attends pas le type mais c'est pareil, c'est-à-dire que ça marche parce que la personne qui fait cette entreprise se livre totalement à fond dans le projet et a conscience qu'il faut tenir le médium que tu utilises, la bande dessinée dans le cas de Sonny Liu, ou le roman dans le cas de William Boyd, c'est-à-dire, il faut que les gens y croient, même s'ils sont conscients dès le début que tout ça est absolument artificiel.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça, c'est un sacré enjeu, mais je pense que c'est peut-être là aussi où tu... t'es tellement face au mur que là il faut effectivement tout lâcher c'est ça, il faut un mélange comme tu dis c'est tellement grotesque ton procédé je vais vous raconter une biographie d'un personnage qui en fait n'existe pas presque tu te fais un croche-pied d'entrée de jeu, donc à partir de là évidemment il faut tout lâcher il y a un paradoxe en fait,

  • Speaker #0

    c'est qu'il faut que tu sois à la fois en maîtrise de la technique de narrative en fait et comme tu dis qu'il y ait du lâcher prise pour qu'il soit Merci. totalement immergé dans cette vie pour que lui-même y croit. Et on peut imaginer en plus que ces ouvrages sont des ouvrages de confession aussi. Même si là, le personnage de Sonny Liu n'a pas du tout le même âge que son... Et c'est pareil pour William Boyd d'ailleurs, puisqu'il les accompagne à des âges qui dépassent largement, donc ils ne sont pas de la même génération, mais ils s'investissent énormément dans... Oui, oui, de toute façon,

  • Speaker #1

    je pense que...

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    je pense que pour le dessinateur, je pense que ça lui permet quand même de... en grande partie de parler d'un médium qui l'aime. Donc c'est ça qui est toujours, je pense, intéressant. Il y a toujours un plaisir, je pense, à pouvoir communiquer ce que soi-même on a aimé, si c'est la bande dessinée, qu'est-ce qu'on a aimé dans la bande dessinée, quelles ont été nos relations avec les ouvrages, avec le papier, avec les maquettes, avec les éditeurs, avec tout ce qu'on a pu apprendre, et comment on peut, à un moment, essayer de vouloir transmettre tout ça à des lecteurs, tu vois. on va pas juste faire un mode d'emploi, un manuel comment lire la bande dessinée, comment l'aimer il y a tel éditeur, tel truc il faut trouver un autre moyen il faut passer par le petit,

  • Speaker #0

    par l'intime c'est ça qui est et puis comme tu disais,

  • Speaker #1

    là les deux cas c'est qu'on repart dans la fiction, mais alors là effectivement ça fait un sacré challenge c'est vraiment une mission assez incroyable et celui-là,

  • Speaker #0

    j'en parle d'autant plus que c'est un bouquin qui a bien marché, c'est pas une oeuvre underground, mais il est un peu peu oublié maintenant. Et puis, autre chose, il s'appelle A Livre Ouvert en français, et ça, par contre, alors je félicite la traduction, mais pas du tout l'éditeur d'avoir choisi ça. En plus, c'est littéralement pas ce qu'est le titre original qui s'appelle Any Human Heart. Donc, il veut dire n'importe quel humain, qui pour le coup dit beaucoup de choses, je trouve. Et A Livre Ouvert, il n'y a pas de titre plus bateau que ça. C'est vraiment dommage.

  • Speaker #1

    et je voulais finir avec un truc que ça par contre tu connais ouais je connais alors tu vois j'y avais pas du tout pensé et maintenant que tu me le montres évidemment ça tombe sous le sens par contre je m'en souviens plus trop mais ouais celui là c'est vrai que j'en garde un souvenir enfin Je ne pourrais évoquer rien du tout, mais je sais que j'adore ce film.

  • Speaker #0

    Zellig de Woody Allen. Woody Allen. Donc, il y a un...

  • Speaker #1

    Monument de fausse biographie.

  • Speaker #0

    Oui, puisque c'est l'histoire de l'homme caméléon, c'est-à-dire cet homme qui avait une espèce de faculté incompréhensible que les scientifiques n'arrivent pas à expliquer. S'il se met à côté d'un grand, il devient grand. S'il se met à côté d'un chauve, il devient chauve. Il se met à ressembler physiquement aux personnes qu'il côtoie. L'homme est pour nous. Et il va lui aussi traverser quand même... En gros, je crois des années 20 aux années 80, je crois que sa vie court sur une soixantaine d'années. C'est vraiment le Woody Allen de la grande époque, où il est très inspiré, mais surtout où il va au bout de ses idées. Parce que Woody Allen, il y a toujours eu des idées, mais quand même, il a beaucoup bâclé ces dernières années. Ouais,

  • Speaker #1

    il y a plein de films que j'adore de lui, mais je pense qu'à un moment, vouloir tenir le rythme d'un film par an, il y a des moments, au bout d'un moment dans ta carrière, tu n'es pas obligé, peut-être que tu peux prendre un petit peu plus de temps. Puis dans celui-là, le peu... Ce dont je me souviens surtout, c'est que ce qui m'avait intéressé aussi à l'époque, c'est que visuellement, je trouve qu'il tente des choses que souvent il ne tente pas dans plein d'autres films que j'aime par ailleurs. Parce qu'il est surtout connu pour ses études de personnages et ses dialogues hyper inspirés. avec un humour si particulier et tout. Et des fois, au niveau réalisation, ce qui n'est pas un défaut, il peut être un peu plus invisible ou transparent, mais ce qui peut des fois être très très bien. Là, ce qui est intéressant, c'est que je me souviens que visuellement, de la même façon que le personnage principal est une espèce d'éponge et donc subit des transformations perpétuelles, il y a un caractère expérimental même dans le filmage.

  • Speaker #0

    Oui, puisqu'il va faire comme Sonny Liu avec Charlie Chan. c'est pour ça que je le rapproche de cette bande dessinée c'est à dire que si on est dans les années 20 à l'époque du Charleston, l'image va imiter ces images qu'on connait tous avec ce grain très particulier un peu accéléré à un moment c'est un des moments les plus drôles du film il est à côté d'Hitler il va être au milieu des nazis et voir Woody Allen petit juif new-yorkais être au milieu des nazis là aussi un gag un peu méta Mais donc là, il va reprendre la qualité des actualités des années 40. Et puis, en parallèle, l'intrigue, elle est racontée en autobiographie. C'est-à-dire que Zelig raconte sa propre vie auprès d'une psychanalyste qui est interprétée par Mia Farrow. Et on va avoir tout au long des bandes magnétiques enregistrées où en fait, il se livre à sa psychanalyste. Et donc, avec ce son un petit peu particulier, des bandes magnétiques qui vont donner une autre dimension documentaire. En fait, tout ce film est un fou. documentaire.

  • Speaker #1

    Ce que j'allais te dire, c'est que dans mon souvenir, de toute façon, voilà ce que c'est, c'est que même visuellement, enfin, narrativement, même le film faisait très documentaire.

  • Speaker #0

    Mais le documentaire qui va avoir des tons différents et des qualités d'image différentes selon les époques et les milieux qu'il retranscrit. Alors évidemment, il y a quelques trucs qui passent plus du tout aujourd'hui puisque, comme il prend l'apparence des gens à côté de qui il est, s'il est à côté d'une personne noire, il va devenir noir, s'il est à côté à un moment donné, c'est dans mon souvenir je crois Il est à côté d'un peuplade autochtone, ce qu'on appelait les Indiens, qui n'étaient pas du tout Indiens à cette époque-là. Et donc, il va se faire un blackface, il va se faire une tête de peau rouge, entre guillemets. Car tu vois, le film aujourd'hui, évidemment, il y a de quoi le canceller un petit peu et tout ça. Mais c'est aussi une prouesse narrative. Et puis, comme il reprend les images de l'époque, il a cette espèce d'alibi de distance qui est, mais oui, le cinéma de cette époque-là a été comme ça.

  • Speaker #1

    Là c'est...

  • Speaker #0

    comme c'est le principe même du personnage c'est presque à son corps défendant oui oui mais il le fait de façon un peu caricaturale oui bien sûr il y a cet aspect là mais ça c'est un aspect de contexte de relire les films aujourd'hui mais en tout cas il reste un tour de force et il reste derrière un film qui était une pure comédie Woody Allen était vraiment réputé essentiellement pour ses comédies à cette période là même s'il a déjà fait Manhattan même s'il a déjà fait des films plus... plus sérieux. Celui-là est catalogué comme une pure comédie. Et en même temps, c'est une trajectoire bouleversante puisque là, on est en plus dans le fantastique. Un homme caméléon n'existe pas, mais sa trajectoire est terrible. Et c'est là que la dimension psychanalytique est super intéressante. C'est qu'en fait, il n'a pas d'identité propre. Il est toujours l'identité d'un autre. Et là, on arrive à quelque chose de peut-être profond aussi sur tout le côté... faux de non seulement de la fiction mais du paraître des créateurs et tout ça enfin c'est pour ça que c'est souvent même si ça fait longtemps que je n'ai pas revu mais celui-là je

  • Speaker #1

    cite souvent tout le temps bon ces derniers temps Woody Allen a eu tendance à être jeté un peu aux poubelles. De temps en temps, il faut quand même dire que malgré tout, il y a quand même plus que des bons films. Et celui-là, je le cite souvent, parce que même si j'ai dû le voir... juste deux trois fois il ya maintenant très longtemps je trouve que pour moi c'est un film parfait quoi c'est un film qui était très dynamique très inventif après tout le long je crois que c'est quand même en noir et blanc oui oui oui ça fait mal à blanc et mais qu'en plus voilà comme tu disais malgré ça en plus au niveau des grains de commencer comment le film est construit en fait parce que c'est effectivement on dirait qu'il ya peu d'effets de mise en scène mais en fait la mise en scène pour le coup elle est ailleurs se passe à un autre niveau et c'est très très intéressant visuellement c'est voilà je trouve c'est moi je c'est un film qui pour moi est vraiment très très fort en fait effectivement et fait partie voilà de ces fausses biographies et que on pourrait presque continuer à faire un

  • Speaker #0

    thème un thème là dessus il y avait enfin c'est vraiment une idée et je pense que là on nous on a parlé de d'oeuvres relativement récente mais on peut peut imaginer que ça existait déjà, je suis sûr que ça existe et que ça ne vient pas à l'esprit dans la littérature du XIXe. Oui,

  • Speaker #1

    il doit y avoir des exemples qu'on n'a pas révisés, mais c'est clair qu'il doit y en avoir plein depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, je pense que ces trois œuvres sont tout à fait... Pour le coup, tu sais qu'on se posait la question souvent de... Est-ce que ça peut parler aujourd'hui ? là... Autant parfois on parle d'oeuvres datées qu'il faut remettre dans leur contexte et tout ça. Là, pour le coup, c'est toujours... Là, voilà, à part peut-être quelques réserves sur Woody Allen qui sont... Enfin, qui à mon avis ne... N'affibise pas le film. Le William Boyd, j'en ai relu quelques pages hier pour préparer ça. J'ai failli le recommencer et je me le mets sous le coude. Je vais le relire, c'est à peu près sûr. Et alors, une vie dessinée de Sonny Liu chez Urban Comics. Vraiment, je le recommande quel que soit l'âge. Peut-être pas pour les plus petits parce qu'il y a quand même cet aspect historique. Encore que graphiquement... ça peut marcher quand même mais ils ne tiendront pas 300 pages les plus petits mais je pense qu'à partir de l'adolescence on peut lire ça pour moi c'est vraiment un ouvrage magistral de la bande dessinée contemporaine je pense que tu as raison même si je ne l'ai pas entendu j'espère que tu vas le dire je vais le dire I don't need anything, just something, just something L'étagère Le podcast de Yann Jouvert et Christophe Bauer. Réalisation Yann Jouvert.

  • Speaker #1

    La musique du générique est signée OFF.

  • Speaker #0

    Un extrait du traditionnel We Are Singapore par Sri Maligan de la chanson Biography of a First Son de Jack. portrait for Fraser de Dorothy Colon et de l'abandonnance de Zelig de Woody Allen. Retrouvez tous les épisodes de l'étagère sur vos plateformes habituelles. Vos commentaires, critiques et encouragements sont les bienvenus sur les Facebook et Instagram L'Étagère Podcast

Description

Qui est Charlie Chan Hock Chye ? Le plus grand dessinateur de l’histoire de Singapour. Un homme qui a traversé toutes les turbulences de son pays en s’accrochant fermement à son crayon. Manga, strip animalier, comics, aventure, SF, autobiographie, portraits, affiches... A travers 300 pages qui restituent sa vie et ses créations, une mystification totale à ranger tout près d’autres chefs-d’œuvre du genre, A livre ouvert de William Boyd et Zelig de Woody Allen.


Œuvre :

Charlie Chan Hock Chye une vie dessinée

Sonny Liew

Urban Comics


Œuvres annexes : 

A livre ouvert de William Boyd

Zelig de Woody Allen


Illustrations sonores :

Mahligai : We are Singapore (traditionnel)

Jack : Biography of a First Son

The Durutti Column : Portrait for Frazer

Bande-annonce de Zelig de Woody Allen


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deux amis se rendent à tour de rôle l'un chez l'autre pour découvrir les objets culturels posés sur l'étagère. Musique Musique

  • Speaker #1

    C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où tu aurais tes meilleures histoires rassemblées, il y a tout quoi.

  • Speaker #0

    Et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant qui dit un pique-nique sans sandwich mais c'est le comble de l'absurdité. En fait c'est un peu l'histoire d'un loser mais en même temps c'est un loser magnifique. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué et quand il se réveille Il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    C'est censé être lui. Je sens qu'il y a une armage. Il y a une armage, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comme si les stylos, les feutres et les pinceaux des outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse.

  • Speaker #0

    En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. J'ai aussi dit que je voulais le garder pour l'étagère, parce que je voulais voir ta tête en fait.

  • Speaker #1

    Ça vous fait des surprises, voilà. Voilà, on est de retour dans la bibliothèque pour un nouvel épisode. Et tu as sorti un livre ?

  • Speaker #0

    J'ai sorti un ouvrage, donc un gros livre.

  • Speaker #1

    Alors, je vais le présenter. Charlie Chan, Hope She, une vie dessinée, présentée par Sonny Liu. Chez Urban Graphic. Alors le livre, il est assez épais. Je vais décrire la couverture, parce que ça a l'air d'être un objet vraiment très bizarroïde, qui me surprend énormément. On dirait une reproduction d'une planche de BD en couverture. Tout en haut, sur les trois quarts de la couverture, il y a une grosse case avec un petit personnage dessiné comme dans le style manga, qui tient un petit bonhomme avec une grosse tête qui tient une télécommande. et qui dit le titre du livre dans une bulle. Et en dessous, il y a un enchaînement de trois cases, à la gauche, une case avec un robot qui soulève un bus. La case au milieu, elle est plutôt noire et blanc avec des trames. La case avec le robot était en couleur très pop. Et on termine par une troisième case, là où il y a la bulle présentée par Sony Lue, où là, on est carrément sur de la couleur directe, je dirais plutôt en acrylique ou en huile peut-être.

  • Speaker #0

    Ça ressemble à une peinture.

  • Speaker #1

    Mais voilà, ça ressemble à une peinture. Et là, on voit juste un bout de visage, surtout une moitié de nez, un oeil et un bout d'oreille. Tout ça est très intriguant. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #0

    En fait, ce que je te propose, c'est que tu jettes un oeil à l'intérieur pendant que je vais chercher deux compléments à ça. D'accord. Qui vont... Alors, je feuillette un petit peu.

  • Speaker #1

    Et effectivement, ce qui frappe, c'est que ça a l'air très... Ça part dans tous les sens, quoi. Je vois même des reproductions de comics américains, même de journaux. Après, il y a des dessins, il y a des strips. Il y a vraiment de tout, ça part dans toutes les directions. Je n'arrive pas à savoir si c'est une seule ou même histoire, ou si c'est une espèce de monographie sur Charlie Chan, qui est peut-être un dessinateur, ou pas du tout. Je ne sais pas, celui-là, je ne le connais pas. absolument pas de quoi on va parler.

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    c'est un bel objet.

  • Speaker #0

    Tu te retrouves exactement comme moi quand j'ai découvert cet ouvrage qui était dans une librairie d'occas, bien connue de Montpellier, au milieu de comics américains. Puisque, tu as dit, l'éditeur c'est Urban Graphics. Oui. Urban Graphics, leur spécialité.

  • Speaker #1

    Alors, Urban tout court, ils font spécialité d'ici.

  • Speaker #0

    Oui, c'est Urban Comics, pardon.

  • Speaker #1

    Ouais, et ils ont une sous-collection, enfin ils ont plusieurs collections comme ça, et graphiques, effectivement, je crois qu'ils sortent des trucs qui, justement, sortent un petit peu des sentiers battus des comics. Mais alors celui-là a l'air vraiment de vraiment sortir des sentiers battus.

  • Speaker #0

    C'est ça. Après, j'ai découvert qu'ils ne faisaient pas que des comics. américains, mais c'est quand même la majeure partie de leur sortie. Et donc DC Comics, c'est Superman, Batman. Tout classique. Et donc je l'ai vu au milieu de ça. Déjà le titre m'a intrigué. Et puis je l'ai ouvert et j'étais comme toi, confronté à cette variété de graphismes déjà. Et pas seulement de graphismes, c'est-à-dire de types de dessins et d'images qui se télescopent dans cet ouvrage-là. Donc ça m'a attiré, d'autant plus qu'il était vraiment pas cher d'occasion. Et je n'ai pas hésité, je ne suis pas allé voir ce que c'était, je l'ai pris directement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est vrai qu'il y a un côté quand même, ça foisonne de partout, c'est incroyable. On dirait presque des fois un catalogue d'expo en fait, mais mélangé avec une BD où on a l'impression qu'il y a un fil rouge tout le long. En fait on dirait qu'il y a quatre bouquins en un.

  • Speaker #0

    Oui, même plus que ça, en fait. C'est un peu vertigineux, ce qu'il y a à l'intérieur de ce livre.

  • Speaker #1

    On voit même, on dirait, des croquis de carnet, des extraits de carnet.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, j'ai un peu listé ce qu'il y a dedans. Il y a des BD classiques, il y a des strips comme dans les journaux sur trois cases. Il y a des portraits, donc plus ou moins finis, mais ça peut être des portraits qui sont des croquis esquissés, et puis ça peut être des peintures vraiment finalisées. Il y a des photos qui vont coller au milieu de ces dessins pour illustrer certains sujets. Il y a des couvertures de comics ou d'albums. Et puis même dans les styles de ce qui est dessiné, on va passer du manga naïf comme tu l'as décrit sur la couverture à des BD de SF un peu plus stylisés. À un moment donné, il illustre un livre d'apprentissage. Il y a des affiches, il y a des flyers. vraiment... Tous les éléments du graphisme qui se télescopent dans cet ouvrage-là.

  • Speaker #1

    Mais alors attends, ce que je n'ai pas compris pour l'instant, c'est... Est-ce qu'il y a quelqu'un seul qui est responsable de tout ce livre ? Oui.

  • Speaker #0

    Ou pas ? Mais en fait, il y a...

  • Speaker #1

    Mais je n'ai pas compris qui c'était.

  • Speaker #0

    Qui est l'auteur. Voilà. Mais c'est pile poil dans le sujet lui-même. En fait, moi j'ai acheté ce livre, et puis, comme je suis comme toi, j'en achète beaucoup, j'en accumule beaucoup... je l'ai rangé dans mon étagère et puis je l'ai un peu oublié pendant quelques semaines, voire quelques mois. Et puis un jour, j'ai redécouvert que j'avais ça rangé dans la bibliothèque et je me suis plongé dedans. Et quand je l'ai lu, je n'ai pas trop fait gaffe et j'ai fait un peu comme toi, j'ai commencé. Et dès le début, déjà tu as une série de planches avec vraiment des cases similaires, c'est-à-dire 20 cases de la même taille. qui découpe vraiment comme un gaufrier. La 20 cases,

  • Speaker #1

    forcément, ça fait des petites cases.

  • Speaker #0

    Ça fait des petites cases et à chaque fois, c'est des portraits d'un personnage qui parle, en fait, qui pose des questions sur... Alors, ça s'appelle Une montagne ne peut abriter deux tigres et ça parle de la politique et des personnages importants à Singapour. Bon, déjà, moi, Singapour, pour moi, c'est un nom. C'est un nom dans une chanson, Les petites rues de Singapour. Je sais que c'est une ville qui est très... riche dans le monde actuel, c'est à peu près toute ma connaissance de Singapour. En fait, Singapour, grâce à ce livre, j'en sais beaucoup plus dessus, parce que parmi les qualités de ce livre, c'est un livre qui retrace aussi l'histoire de Singapour.

  • Speaker #1

    D'accord. Déjà une première piste.

  • Speaker #0

    Mais de façon très fragmentée. En fait, donc j'avance, et j'arrive vraiment, après ces trois pages mystérieuses, ces deux pages mystérieuses de personnages qui parlent face caméra, j'arrive à à un portrait de Charlie Chan-Hook-Shea, qui est donc la personne qui est censée être l'auteur du livre et qui s'adresse directement au lecteur.

  • Speaker #1

    Oui, parce que moi, j'aurais compris que c'était le titre, Charlie Chan-Hook-Shea, et que quelqu'un racontait l'histoire de cette personne.

  • Speaker #0

    En fait, c'est ça. Mais sauf que c'est fait comme si c'était lui qui racontait sa vie. En fait, c'est la vie de ce dessinateur mythique de Singapour. qui a 72 ans en 2010 au moment où il raconte son histoire donc qui est né en 38 ou en 30 oui déjà il y a un truc qui ne va pas là Mais je crois qu'il dit qu'il est né en 38, un peu plus tard dans le bouquin.

  • Speaker #1

    Ah oui, en plus, attends, parce qu'on n'a même pas vu le... Après, t'as le début carrément du livre. Parce que déjà, juste après tes deux premières pages, de toute façon, je pense qu'on ne va pas faire toutes les pages. Ah non,

  • Speaker #0

    parce qu'on ne va pas s'en sortir.

  • Speaker #1

    Déjà, il y a un gros blanc, comme si avant, c'était juste une espèce d'intro avec la troisième page est toute blanche, et il y a juste mention, page précédente,

  • Speaker #0

    une montagne de poivrité de tigres. Publiée en 1988, enfin, fait en... Enfin, je dis publié, non. d'ailleurs c'est précisé non publié et c'est une notion qui va revenir tout le long du livre et donc c'est signé Shan Occhi, c'est à dire ce personnage ok,

  • Speaker #1

    donc il aurait été l'auteur des deux planches que je viens de voir qui part de Singapour sur 2x20 cases et après

  • Speaker #0

    Après il commence à raconter sa vie.

  • Speaker #1

    Ok, mais qui dessine là ?

  • Speaker #0

    C'est censé être lui.

  • Speaker #1

    Je veux savoir. C'est censé être lui.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est censé être lui. Et en fait, moi...

  • Speaker #1

    Je sens qu'il y a une arnaque.

  • Speaker #0

    Il y a une arnaque, bien sûr. Donc il commence à raconter son histoire. Et en fait, là il est vieux. Et puis il va y avoir un flashback.

  • Speaker #1

    Ah oui, sauf qu'avant le flashback, de nouveau il y a une page blanche, et de nouveau là, on retombe sur le début du livre.

  • Speaker #0

    C'était le prologue, en quelque sorte. Ces quelques pages étaient le prologue. Et donc, Charlie Chan oxy d'une vie dessinée, présenté par Sonny Liu. Mais Sonny Liu est l'auteur de cet ouvrage. Voilà, d'accord.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Mieux. Mais je sens que ça va être passionnant.

  • Speaker #0

    Mais en fait...

  • Speaker #1

    Et parce que de nouveau après, à la sixième page, on commence peut-être un peu à avoir ses repères, et en plein milieu, il y a déjà une autre case qui est faite complètement différemment. C'est ça. Et qui en fait, si je comprends bien, est une reprise du dessin du dessinateur dont on parle.

  • Speaker #0

    Oui, qu'il aurait fait en

  • Speaker #1

    1966. La vie à l'encre sur papier.

  • Speaker #0

    Voilà. Là, on n'est plus dans la BD finalisée.

  • Speaker #1

    Et qu'il aurait fait. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que lui, en fait, il n'existe pas.

  • Speaker #1

    Voilà, d'accord.

  • Speaker #0

    C'est une fausse biographie. ça j'adore du plus grand dessinateur de Singapour de Singapour qui n'existe pas qui n'existe pas je spoil parce que en fait c'est dit c'est dit partout et que bon nous on découvre ça mais le livre a eu un certain retentissement quand même et notamment il a eu le prix Eisner qui est aux Etats-Unis le prix le plus prestigieux de la bande d'essai il a eu trois prix Eisner la même année je ne sais plus du meilleur scénario de la meilleure maquette parce que évidemment l'ouvrage est très ambitieux dans sa composition et je ne sais plus plus quel était le...

  • Speaker #1

    Le meilleur ouvrage, quoi.

  • Speaker #0

    Le troisième prix. Ben non, en fait.

  • Speaker #1

    Pour le coup, non.

  • Speaker #0

    Meilleur auteur, meilleure maquette et meilleure oeuvre étrangère.

  • Speaker #1

    Oeuvre étrangère, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Voilà. Et donc, lui, il est plus jeune, Sonny Liu, il a une cinquantaine d'années. Il y a peu d'ouvrages qui sont publiés en France dans ce qu'il a fait. Et alors, en plus, pas deux chez le même éditeur, d'après ce que j'ai pu trouver. Bon, ça, on peut dire, même si je n'ai pas lu les autres, de l'avis général, on peut dire que c'est son chef-d'œuvre. Et pour moi, au-delà de l'importance que ça a dans son œuvre à lui, je pense que c'est une BD que tout le monde devrait avoir chez lui parce que c'est monstrueux, en fait,

  • Speaker #1

    comme majeur. Et lui, c'est un Sony Lugla ? Il est singapourien aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, il est de Singapour.

  • Speaker #1

    Il fait de la BD à Singapour ?

  • Speaker #0

    Alors, il a travaillé avec des auteurs américains. Il vit à Singapour, mais il est publié aux États-Unis. Il est publié à Singapour aussi puisqu'il est le premier aussi dans son pays à avoir eu le prix littéraire de Singapour. C'était la première fois que c'était attribué à une bande dessinée.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Normalement c'est un prix pour des auteurs de romans. Et c'est bien qu'on reconnaisse aussi des qualités littéraires à la bande dessinée. Donc c'est vraiment quelqu'un qui est à la fois connu et en même temps parfaitement inconnu pour nous et je pense pour d'autres. Pour pas mal de gens. D'où l'intérêt de cet épisode. Mais c'est surtout que, tu l'as vu déjà en amorçant ça, c'est qu'en fait on rentre dans un truc, c'est à tiroir et à plein d'échelles.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je vais essayer de poser un peu tout ça, mais c'est vrai que tu vois, je viens de tourner une page et là on arrive à la couverture d'une de ses premières bandes dessinées, qui est Anuette et le robot géant. Donc Anuad, c'est le petit personnage que tu décrivais au début, qui est un jeune enfant qui a pour compagnon un robot géant, un robot qui ne s'anime que si on lui parle dans la langue, alors je ne sais plus laquelle, mais en tout cas quand on lui parle en anglais, il ne répond pas. Donc au début il est immobile pendant les premières cases, et puis après il s'agite parce qu'on lui parle dans la bonne langue. C'est là que l'histoire de Singapour intervient. Je ne vais pas faire encore d'histoire sur Singapour, parce que je ne la connais moi-même que depuis... peu de temps et puis que je ne la connais pas assez pour ne pas me planter mais Singapour a été notamment une colonie anglaise évidemment c'est ce qu'il y a de plus connu dans son histoire ancienne et puis ça a été envahi par le Japon je crois pendant la deuxième guerre mondiale pendant très peu de temps et puis ça a été rattaché à la Malaisie pendant un moment et puis ça a pris son indépendance et puis maintenant c'est devenu un des paradis fiscaux les plus importants du monde et donc une des... un des pays les plus riches au monde. C'est le pays où il y a le plus de millionnaires au kilomètre carré. Plus que le Qatar. Mais ce qui est dingue, c'est qu'en fait, ce livre va raconter tout ça, mais à travers des récits qui sont rarement des récits directement historiques. Là, par exemple, c'est à travers cet enfant et son robot qu'il va parler d'une partie de l'histoire de Singapour. Et avec un dessin, tu le vois, qui est assez proche, oui, entre le manga et...

  • Speaker #1

    Ah ouais, voilà, c'est très beau, parce que déjà, la reproduction de la couverture du... du vieux comics qui serait daté de 1956. Effectivement, on dirait vraiment un scan parfait avec les froissures, comme on dit.

  • Speaker #0

    Oui, le papier jauni,

  • Speaker #1

    les taches et tout. Et là, on a un extrait en noir et blanc de l'une des planches avec un dessin très net, très ligne claire presque. C'est très très beau et tout de suite c'est touchant. On a un petit personnage qui commente,

  • Speaker #0

    dessiné dans un autre style, dessiné dans son style qui sera le style autobiographique, qui est le style du vieillard qu'on a vu jusqu'à maintenant. On parle de dessin à l'audio, mais il faut essayer de s'imaginer ça. Ce télescope des dessins naïfs et qui font de leur époque aussi, qui font années 50 et des dessins un peu plus contemporains.

  • Speaker #1

    Parce que là, même comme tu le dis, le petit personnage qui commente en dessous et on comprend qu'il n'est pas dans la même ligne temporelle et tout, car en plus là c'est de nouveau un personnage jeune avec une grosse tête on va dire que c'est un peu des personnages BD avec des grosses têtes c'est le même genre de grosse tête que dans le comics de l'époque qu'on nous montre mais tout de suite on voit que le style est différent le style a évolué, beaucoup évolué et on ne peut pas se tromper il y a déjà plusieurs fils narratifs plusieurs zones temporelles mais c'est très lisible et en plus alors attendre en plus

  • Speaker #0

    Il ne faut pas négliger... Tout à l'heure, tu remarquais qu'il y avait une légende sur la page d'avant qui disait... Comme un catalogue de montures, en fait. C'est des trucs qui sont parfois un peu chiants à lire dans les ouvrages... Mais là, il ne faut pas les négliger, parce qu'en fait, ils sont aussi pleins d'enseignements, et puis c'est là qu'on commence à comprendre le projet, en fait. Par exemple, sur Anumat et le robot géant, le réveil, donc c'est l'épisode qu'on lit un peu détaillé. 1954, donc signé Shanokshi. Chez Tiger Press, alors on va découvrir parce qu'il va expliquer plus tard ce que c'est Tiger Press. Bien sûr. Il y a toute l'histoire de comment il va être publié ou pas parce que les trois quarts des dessins qui sont présentés là-dedans ne sont pas publiés. Non publiés. Et puis tu as une petite notule qui explique. Anuat et le robot géant le réveil fut la première oeuvre publiée de Chan. Écrite et dessinée quand il avait 16 ans, la BD de 34 pages a apparu d'abord sous forme d'extrait dans la revue Kianjin. Bon, excusez-nous pour la prononciation. Qui veut dire forward. en avant avant d'être édité dans son intégralité sous le titre de Anuat et le robot géant volume 1 par Stone Throat Press au début on lit ça et ça peut être un peu rébarbatif puis après quand il va commencer à raconter ses aventures dans l'édition et dans la non-édition en fait tout ça va devenir hyper précieux bien sûr ... En fait, ce gamin est à la fois confronté à son histoire, alors il raconte déjà son enfance. En fait, son père vient d'une île à côté de Singapour, enfin d'un territoire à côté de Singapour, et va émigrer à Singapour pour ouvrir une épicerie. Donc il va être élevé dans une épicerie, et dans cette épicerie, il se met à dessiner. Là, on a des dessins. D'enfance, avec la naïveté, il y a un Donald avec un lion, Super Duck en fait, il invente un personnage qui s'appelle Super Duck.

  • Speaker #1

    qui est très inspiré de Donald et très maladroit là pour le coup qui a vraiment le style ce qui est beau c'est tout rempli au crayon de couleur et ce que je disais tout à l'heure c'est des extraits de carnets et effectivement on voit que c'est un style très enfantin et en même temps il va dessiner une

  • Speaker #0

    lampe à carburant je sais pas ce que c'est comme combustible en essayant d'être le plus réaliste possible enfin il fait un dessin là aussi maladroit mais il fait des dessins techniques et c'est vraiment entre les deux ça va être un va et vient en permanence dans sa dans dans son travail, avec de très beaux portraits. Là, je crois que c'est son père. Son père assis sur un banc, en pyjama, en train de lire le journal. C'est hyper évocateur. Et là, il va coller une photo d'enfance où il s'est entouré dedans. Comment on sait que ce personnage n'existe pas ? Je ne sais pas quelle est cette photo, je ne sais pas quelle est la véritable histoire. On n'en a pas la soupe. Mais ça crée... En fait, ça crée une dimension dont on sait qu'elle est fictive, Et où en même temps, il y a tellement de télescopage avec la réalité, avec la réalité historique, avec ce que c'est l'enfance, etc., qu'on rentre dans cet univers vraiment avec beaucoup de curiosité. Ouais,

  • Speaker #1

    de toute façon, pour le coup, je crois que c'est ce que j'aime aussi dans les fausses biographies, pour le coup, parce que c'est peut-être pas un genre aussi installé que ça, mais j'aurais pas d'exemple là tout de suite en tête. Mais ce côté avoir tous les appareils de la vraie biographie, du truc un peu historique, alors qu'en fait, on fait quand même un gros clin d'œil au spectateur en lui disant, non mais tout ce que je suis en train de te raconter, en fait, ce personnage n'existe pas. je crois que au contraire, ça a l'effet inverse, ça nous y fait croire encore plus, et je pense qu'on est même encore plus enclin dans ces cas-là à être réceptif à tout ce qu'il peut y avoir de réel dans ce qu'on veut nous communiquer, notamment peut-être sur l'histoire de Singapour, tout ce qui a pu se passer, ou plein de choses, et où même déjà tu commençais à parler de qu'est-ce que ça peut être la vie d'un dessinateur, de ses problèmes avec les éditeurs et tout, et là encore, je pense que même avec un faux dessinateur, une fausse biographie, une fausse histoire, c'est là où on va encore plus comprendre quel est l'enjeu de tout ça et qu'est-ce qui peut se passer dans la vie d'un artiste quand il est confronté à toutes les épreuves qu'il peut rencontrer pour notamment faire publier son travail.

  • Speaker #0

    Oui, on va en reparler avec les ouvrages que j'ai amenés en plus pour reparler justement de la fausse biographie. Mais celui-là en plus, ce que j'apprécie particulièrement, c'est qu'il se sert de son médium, qui est la bande dessinée et le dessin en général. Et il s'en sert en fait pour en permanence, non seulement relancer ces classiques à la question de la vérité, de ce qui est authentique ou pas, mais même, je trouve, et c'est ce qui est magnifique là-dedans, c'est de la proximité qu'on a avec le personnage. C'est-à-dire qu'on a un rapport affectif avec le narrateur, en fait, avec ce dessinateur qui est annoncé comme le plus grand dessinateur de Singapour. et au fur et à mesure qu'on va découvrir sa vie on va voir qu'en fait C'est quelqu'un qui n'arrive pas à faire connaître ses œuvres et qui pourtant s'acharne à dessiner, tout en étant confronté quand même aux turbulences d'un pays où il y a des révoltes étudiantes, où il y a des grèves, où il y a des choses comme ça. Et ces épisodes sont tout le temps relatés, non seulement par la bande dessinée, mais par le biais de la fiction. C'est-à-dire qu'à chaque fois, il va trouver un moment, il raconte l'histoire de science-fiction, c'est un enfant qui est malade, enfin un adolescent qui est malade, qui est condamné. Et donc on le cryogénise en espérant que la médecine aura évolué, et quand il se réveille, il y a des extraterrestres qui ont envahi la Terre, et donc il va, alors qu'il est malade et qu'il se sait condamné, il va essayer de libérer la Terre de ces extraterrestres, avec des scientifiques et tout ça. Et en fait ça parle d'une autre invasion de Singapour à ce moment-là. C'est une métaphore, mais ils utilisent le récit de science-fiction pour ça. J'ai pas repéré tous les...

  • Speaker #1

    Ah oui, non mais d'accord. Mais après, genre, t'as... C'est pas juste là, d'ailleurs, les aliens...

  • Speaker #0

    Si, si, c'est possible.

  • Speaker #1

    Tu vas l'avoir encore juste un petit peu, l'invasion.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est l'invasion, c'est ça, c'est l'invasion.

  • Speaker #1

    T'as toute l'histoire dedans ?

  • Speaker #0

    Non, rien n'est fini. C'est-à-dire que là, ben voilà, t'as quelques planches d'invasion, qui étaient la BD hebdomadaire du journal de Singapour. Trop bien. et voilà tu vas avoir quelques planches et ce qui est génial, en fait le fait que ce soit pas fini te permet de finir toi même aussi tu vois et puis de temps en temps il va faire aussi une BD alors je crois que c'est juste après en plus quoi ? il y a trop de choses c'est trop génial ah oui tu vois à un moment il explique qu'il s'est inspiré ah oui alors Bertrand Wong Parce qu'on fait tout dans les ordres comme d'habitude. À un moment...

  • Speaker #1

    Mais là,

  • Speaker #0

    c'est obligé. Oui, c'est obligé. Quand il est jeune, il publie donc sa première BD et puis ça n'a pas de suite. Pour des tas de raisons que je ne vais pas te raconter de toute façon. Mais du coup, il est repéré par quelqu'un qui a des idées. Et qui est donc ce Bertrand Wong là, qui va l'accoster dans la rue et lui dire « Tu fais de la BD ? Moi, j'ai plein d'idées. » Et donc, pendant longtemps, ils vont travailler ensemble. Ça va devenir son scénariste en quelque sorte. Et donc, il est... interviewé dans la BD autobiographique et il explique que pour le vaisseau spatial ils n'avaient pas de modèle et donc ils ont pris un jouet d'enfant et là tu as une photo du jouet d'enfant qui va inspirer le truc et c'est tout le temps comme ça et alors par exemple là on est en train de parler de cette BD de science-fiction on est à la page 121 et le bouquin fait 300 pages il y a un travail colossal donc on est en train de parler de cette BD de science-fiction, on a quelques planches et on tourne et qu'est-ce qu'on voit ? Un éléphant ... Qui dit un pique-nique sans sandwich, mais c'est le comble de l'absurdité. Et ça, pleine page, dans un style qui n'a rien à voir. Et là, tu vas avoir le psybonhomme qui revient, qui va t'expliquer que, comme la BD de science-fiction ne marchait pas, ou la publication l'interrompt plus, ou je ne sais quoi, il va faire une BD animalière avec des animaux qui parlent, et qui vont parler d'une autre situation... politique ça s'appelle Bukit Chapalang et on est reparti pour un tour et là c'est des petits strips avec...

  • Speaker #1

    entre Snoopy et même plutôt...

  • Speaker #0

    machin...

  • Speaker #1

    comment ça s'appelait...

  • Speaker #0

    Calvin et Hobbes un peu ouais, ça fait penser à Calvin et Hobbes là avec des études de personnages à côté une reproduction de pleine page du journal où tu vois le strip en bas sauf que tu vois qu'il est scotché en fait c'était leur... ambition, c'est qu'ils soient publiés dans ce journal, dans The Dragon Club. Et donc, pour vendre leur projet au directeur du journal, ils ont inclus, ils ont scotché leur strip en bas, en disant voilà, il pourrait être en première page.

  • Speaker #1

    Voilà la gueule que ça aurait dans le journal.

  • Speaker #0

    Mais je crois que ça n'a pas été publié non plus dans The Dragon Club. Et c'est plein de trucs comme ça. Et donc, ça en devient touchant, c'est humoristique aussi.

  • Speaker #1

    Moi, j'aime bien le côté où tu as l'air de dire qu'il n'y a quand même pas grand chose qui a l'air de fonctionner. Donc moi, cette répétition de l'échec, je suis très sensible à ça. Je trouve que c'est très émouvant, quelque part, surtout sur les gens qui n'arrêtent pas, qui continuent. C'est ça qui est très émouvant, je trouve.

  • Speaker #0

    Et surtout que le type qui témoigne a 70 balais, donc il a du recul là-dessus. Il va exposer toute sa vie et il montre tout. Oui, oui, c'est vraiment touchant. C'est vraiment... Du coup, c'est plus facile d'y plonger dedans que si c'était linéaire, en quelque sorte. Le fait que tout soit accidenté, que tu vois des trucs, t'as l'impression de voir des documents aussi uniques, même si tu sais que c'est faux. Ah ouais, ça n'a pas été publié, ça. Dans la réalité, tout le monde cherche des inédits, des artistes qu'ils aiment. C'est le même délire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que dedans, là, t'as tout. C'est comme une biographie, une monographie, un biopic illustré, une bibliothèque portable où t'aurais tes meilleures histoires rassemblées. Il y a tout, quoi. Par contre, le type qui a pondu ça, c'est...

  • Speaker #0

    C'est un travail de fou. C'est un travail de fou. En même temps, tu sens le plaisir. C'est-à-dire que ce n'est pas uniquement laborieux. Ce n'est pas...

  • Speaker #1

    ça se lit de manière très fine t'as qu'une envie c'est de te plonger dedans c'est un peu effrayant au début parce que tu te dis ça foisonne tellement de partout que ça peut être un peu impressionnant mais effectivement ce qui ressort quand même très vite de ça aussi c'est que là pour le coup il y a un côté oui très avenant quand même tous les styles Le gars en plus a l'air de... enfin les maîtrise quoi, c'est ça qui est assez fou quoi.

  • Speaker #0

    Oui oui, ça fait jamais chiquer, ça fait jamais artificiel.

  • Speaker #1

    C'est ça qui m'impressionne énormément.

  • Speaker #0

    Et encore, je t'ai pas tout montré parce qu'à des moments... Alors donc, tu vois là il y a un très beau portrait crayonné. Là tout à l'heure j'étais sur... je sais pas, oui ça c'est des illustrations d'un livre d'apprentissage pour apprendre une des langues de Singapour. Mais à un moment, il s'essaye à la caricature. Là, tu vois, tu as Peter Cushing, d'acteur américain, Audrey Hepburn, dans un style de caricature qui se défend très bien. On les reconnaît, il y avait une surprise, je crois, un peu plus loin. Et puis finalement, il voit qu'il n'est pas assez bon là-dedans, ça ne marche pas, ça ne vende pas. À un autre moment, il va aux États-Unis, à une des conventions de bande dessinée, et il va se mettre à dessiner tous les personnages qui sont là. Et alors, tu as tout le gratin de la BD américaine sur lequel il a fantasmé, qui apparaît à ce moment-là. Voilà, il fait une croquis Comic Con de 1988, dans le sens des aiguilles d'une montre en partant du Ausha gauche. Jack Kirby, Sergio Aragones, Matt Groening, Carol Tyler, Dennis Worden, Peter Cooper, Peter Bagg, Daniel Kloves, Jaime Hernandez. Bon, tout le monde ne connaît pas tout le monde, mais enfin, il y a plusieurs générations de très grands dessinateurs américains. et... On peut imaginer que c'est tout simplement Sonny Liu, l'auteur qui est allé au Comic Con, soit parce qu'il était invité, soit je ne sais pas, et qui a fait ce truc-là et qui va inclure dans l'autobiographie de Charlie Chan, on va dire Charlie Chan pour ne pas redire tout le nom à chaque fois. C'est... Enfin voilà, c'est trop...

  • Speaker #1

    C'est vertigineux.

  • Speaker #0

    Et puis c'est suivi par une double... Une double planche avec un hommage à Tintin qui est glissé quelque part. Enfin, c'est sans fin. Et c'est jamais aigri, ça parle de politique, mais c'est jamais chiant. Parce qu'il y a ça aussi. Tu disais, oui ça peut être impressionnant au début, en fait t'as pas le temps de t'ennuyer. Comme il change de style tout le temps, comme il amorce des planches et puis finalement on n'a pas la fin du récit. Comme tu vas voir se succéder des dessins très travaillés et puis des dessins presque infantiles... ...enfantins, pardon. C'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    On dirait presque... C'est un peu convenu ce que je vais dire, mais on dirait carrément, c'est l'un des rois du livre méta. C'est méta, comme on dit méta maintenant à toutes les sauces, mais là, ça l'est vraiment. C'est vrai que tu as un peu eu l'impression d'avoir Internet dans un bouquin.

  • Speaker #0

    Oui, alors la notion d'hypertexte, elle est là aussi tout le temps. C'est-à-dire que tu passes d'un truc à l'autre et que... Ah oui, tu as vu, là tu as passé une page où il y a une photo de la reproduction de son premier personnage. en poupée réelle, donc c'est une vraie photo poupée à muettes, c'est la matière mixte poupée faite main par Lily Lily qui est une fille dont il est amoureux offerte à Charlie pour ses 50 ans voilà, donc il est allé jusqu'à faire une poupée de son personnage qui va inclure là-dedans et ça n'arrête pas en fait là c'est des... Il limite la propagande, en fait il fait des parodies de la propagande qu'il y a dans le pays à ce moment là et donc il fait des faux flyers, mais le faux personnage fait des faux flyers. On s'entend bien, c'est pas Sonny Liu, c'est l'autre. C'est Charlie Chan.

  • Speaker #1

    Non mais c'est quand même complètement, c'est vrai que c'est complètement, complètement lucide. A la fin de tout ça tu... Oui, t'as toute son histoire à lui.

  • Speaker #0

    Avec des trous que tu reconstitues quand même. Ouais, c'est ça quoi. Parce qu'il y a plein de choses sur lesquelles il ne s'étend pas, et puis encore une fois, il y a plein de choses qui ne sont pas finies. L'autobiographie, elle court tout le long, elle vient de temps en temps remettre les pendules à l'heure, soit avec ce petit personnage qui va être en bas de page, soit tu vas avoir trois planches d'autobiographie qui vont te donner du recul, tu vois, tu lis un truc des années 60 et il va te dire à cette époque-là, je faisais ceci, je faisais cela.

  • Speaker #1

    Il y a... Je t'interromps parce que là, c'est carrément clair, il parodie Frank Miller dans Dark Knight. C'est les mêmes cases et tout, c'est trop génial. C'est trop fort. C'est beaucoup trop fort.

  • Speaker #0

    Et sans jamais être dans l'imitation totale. C'est-à-dire qu'il ne fait pas du graphisme exactement pareil. Ça évoque en fait.

  • Speaker #1

    Tu vois où il veut en venir. C'est ça qui est génial. Je te montrerai le Dark Knight, c'est très très clair, c'est super.

  • Speaker #0

    Et alors bon, moi je suis tombé dessus par hasard, je me suis un peu piégé moi-même en l'oubliant quelques temps, et puis au bout de quelques plans j'ai compris le procédé qui est officiel, qui n'était pas caché, mais auquel moi je n'étais pas très attentif. Et donc ces 300 pages je les ai littéralement dévorées, j'ai lu ça sur deux jours. Ah oui ? En fait, ça fait un moment que je veux t'en parler, ce bouquin-là. Mais je me suis dit que je voulais le garder pour l'étagère. Parce que je voulais voir ta tête, en fait. Ça nous fait des surprises.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais quand même, là, t'as bouffé tout ça en deux jours.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais.

  • Speaker #1

    parce que ce que j'allais te demander moi j'avais pas de boulot

  • Speaker #0

    même si tu as passé quasiment tes deux journées à bouffer le truc je ne pouvais pas le lâcher à chaque fois que je tournais une page je me disais c'est encore un autre style de dessin c'est ça que j'allais te demander quelle est ton expérience de lecture par rapport à tout ça parce que ça a l'air de brasser tellement de choses je

  • Speaker #1

    pense que c'est hyper impressionnant Voilà, tu as déjà répondu à la question, c'est que visiblement, oui, là, ça t'a complètement imbibé.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus,

  • Speaker #1

    ça t'emporte plus qu'emporter, c'est ça que je veux dire. Oui,

  • Speaker #0

    et je crois que ce qui m'a piégé, il y a deux choses. Ce qui m'a piégé, c'est l'aspect historique. Moi, je ne dévore pas des livres d'histoire. L'histoire m'intéresse, mais l'apprentissage scolaire a été très très dur pour moi. Je trouve souvent les ouvrages d'histoire assez rébarbatifs, et j'aime bien entrer dans l'histoire par le biais de la fiction. Et là, ce qui était génial, c'est que pendant ma lecture, je suis quand même allé consulter Wikipédia sur Singapour, plus ça m'a amené à d'autres trucs et tout. Je me suis dit, en fait, encore une fois, t'es complètement inculte sur un terrain, c'est bien de se renseigner un petit peu. Et puis pour comprendre, parce qu'évidemment, c'est fragmenté là-dedans. Mais pas au sens où, si je ne vais pas chercher des infos, je ne vais pas comprendre et je serai perdu. Non,

  • Speaker #1

    ça t'a donné envie.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. Exactement, ça m'a donné envie. Ça m'a donné envie parce que j'ai été assez fasciné par ce que je lisais, et donc je voulais un petit peu comprendre ce qu'il y avait derrière. Mais je ne me suis pas non plus fait des heures d'apprentissage de Singapour, c'était juste, ah oui, je me recadre un petit peu, d'autant plus que comme dans sa propre histoire, on fait des va-et-vient entre les époques, il y a déjà un petit côté qui te perd dans la récite. Mais en même temps, je m'en foutais un peu d'être perdu, de ne pas tout à fait comprendre ce qui se passait à Singapour à ce moment-là. Il faut dire que le pays a une histoire quand même très très très complexe et très atypique. C'est-à-dire que les Anglais, ils ont quasiment abandonné Singapour. À un moment, ils se sont dit, bon, c'est la période de la décolonisation, mais je pense qu'il y a des territoires qu'ils ont tenus un peu plus militairement, tu vois, alors que, bon, il faut dire que le pays n'a pas énormément de ressources. Il est très riche, mais ce n'est pas pour ses ressources, en fait. Mais surtout je pense que la situation était très compliquée avec les communistes d'un côté, le Japon à une période de l'autre, la Malaisie qui était en train de se structurer. Il y a des choses, en fait maintenant Singapour c'est une fausse démocratie, c'est la même personne qui est au pouvoir, il y a une autorité, mais a priori il y a une autorité qui est soutenue par le peuple aussi parce qu'ils sont très riches. Donc c'est déjà des choses qu'on a... C'est très très loin de notre culture, là je parle au niveau politique, je parle pas au niveau l'exotisme, l'asile, tout ça. Mais au-delà de ça, la narration, elle est à la fois très engagée politiquement, et en même temps, il n'y a pas de discours de fond. C'est-à-dire que c'est toi aussi qui prends la distance que tu veux avec ça. On vit les choses de l'intérieur. et parce que c'est un gamin avec son robot qui est au milieu de la révolution tout d'un coup de toute façon tu sais que tu as à la fois une lecture naïve et à la fois quelque chose de très pragmatique oui et puis tu sens

  • Speaker #1

    De quel côté se porte ce faux dessinateur, dessiné par un autre dessinateur, et que peut-être ça te permet de penser à quoi, ce qu'il pense sur cette situation-là ? Encore une fois, ça a l'air très subtil.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est très subtil parce que... Mais c'est comme l'humour, en fait. Il y a des choses drôles dedans, mais il n'y a jamais de gags. C'est vraiment...

  • Speaker #1

    C'est comme si il y avait un gag dans les strips.

  • Speaker #0

    Ouais, même ça, je sais pas s'il y a beaucoup de gags dans les strips, en fait. En fait, c'est un peu l'histoire d'un loser, mais en même temps, c'est un loser magnifique. C'est quelqu'un qui, à la fin de sa vie, le dit, dans les dernières parties, il dit, mais j'ai retrouvé... À un moment donné, il ouvre une BD, une vieille BD, et il retrouve le plaisir de lire de la BD, et il se rend compte qu'il a toujours eu le plaisir de dessiner. au travers de tout ce qu'il a traversé. Et finalement, c'est peut-être ça le plus émouvant.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander, le petit aspect historique, mais voilà, de ce personnage fictif, qu'est-ce qui nous... qu'est-ce qui t'a le plus touché à la fin ?

  • Speaker #0

    Je voulais faire une expérience, je t'avais gardé 4 pages, je m'étais dit, tu vas les lire tranquillement, et puis on reviendra sur... Mais peut-être, tu vois, ça va couper le truc, mais je voudrais juste monter. sur la fin il résume en fait ce que c'est son travail de dessinateur il montre sa planche à dessin incliné il montre les outils qu'il faut avoir qu'est-ce qu'il boit pendant qu'il dessine une petite boisson pour se rafraîchir etc et puis un gaufrier avec 9 cases deux stylos,

  • Speaker #1

    deux feutres quand tu dessines déjà le deuxième tu sais que c'est un micron c'est des feutres japonais Les dessinateurs sont... sont très friands et oui, une case comme ça c'est très touchant parce que là c'est du pur dessin technique avec à chaque fois effectivement comme si les stylos, les feutres et les pinceaux et les outils étaient comme des personnages avec une tête et un torse dans des cases, dans un gaufrier,

  • Speaker #0

    9 cases et qui l'ont accompagné toute sa vie. C'est pas le premier à faire ça, il y a plein de dessinateurs qui ont fait cette mise en abîme, qui ont montré avec quel matériel ils travaillaient, ça peut être très sérieux, ça peut être très ironique, Gottlieb faisait ça une époque et tout ça. ça c'est juste que là ça arrive à la page 302 et que alors je suis je divulgue h encore quelque chose le personnage ne meurt pas la fin oui ça on s'arrête les vieux puis c'est tout mais mais par contre il ya un parcours en fait vers vers les purs comme souvent chez les auteurs et là vers quelque chose d'essentiel que lui même découvre et en fait je crois que si cette bd elle est aussi prenante c'est que le mec qui réussit complètement son projet Et son projet, ce n'est pas seulement de dire « je vais montrer toute l'étendue de mon savoir graphique, je vais raconter la biographie d'un personnage, L'image imaginaire, ce qu'il y a de plus dur dans tout ça, c'est de le faire exister réellement. C'est-à-dire qu'une fois que tu as fini la page, en fait, non, ce n'est pas vrai qu'il n'existe pas. Oui, tu crois. Bien sûr, toi, tu en as envie.

  • Speaker #1

    Oui, et puis même, il t'a nourri pendant toute ta lecture, visiblement, et en même temps, toi, tu le nourris en lui disant « mais si, tu existes » , presque. Et effectivement, je pense que l'auteur peut être très fier de ça, parce que c'est... C'est fait avec tellement de travail et visiblement de talent.

  • Speaker #0

    Oui, de justesse en fait. Oui,

  • Speaker #1

    de justesse. C'est un beau projet et une belle entreprise.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu parlais tout à l'heure des autobiographies imaginaires. Et je voulais ramener plusieurs choses là-dessus parce que tu disais, je n'ai pas d'exemple qui me vient à la tête. Il y en a un très classique dans l'histoire du cinéma qui est Citizen Kane. Oui. Elle est inspirée de quelqu'un de la réalité. C'est quand même un des premiers exemples de biographie qui est complètement artificielle et en même temps qui est nourrie par des documents, plusieurs points de vue, etc. Tu le sais que moi, ce n'est pas mon film préféré, même si j'admire tout à fait le travail. Mais par contre, j'ai ramené deux œuvres qui sont de l'ordre de la biographie d'imaginaire et qui pour moi ont beaucoup compté et auxquelles j'ai pensé alors qu'elles sont radicalement différentes. quand j'ai lu ça. Ça, je pense que tu ne connais pas. Non.

  • Speaker #1

    William Boyd, un livre ouvert.

  • Speaker #0

    Voilà. Donc William Boyd...

  • Speaker #1

    C'est un auteur que je n'ai jamais lu.

  • Speaker #0

    William Boyd, c'est un auteur très populaire, en écossais. OK. Et ça, moi, j'ai lu plusieurs livres de lui, mais ça, je pense que c'est vraiment son plus grand livre. Et c'est pareil, c'est la biographie de quelqu'un qui n'existe pas, qui raconte à la première personne, parce qu'en fait, ce sont des extraits de ses journaux intimes. Ça commence à 17 ans et ça va aller jusqu'à sa mort. Et alors là, je ne vais pas tout raconter comme on l'a fait. Mais pourquoi j'en parle ? C'est parce que là aussi, je trouve qu'il réussit totalement un truc qui est très compliqué. C'est-à-dire qu'être juste dans le ton du journal intime, qu'on n'ait pas l'impression que ce soit artificiel.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça, ça doit être quand même quelque chose.

  • Speaker #0

    Et à des époques différentes de sa vie, entre 17 ans et 80, je crois qu'il y a 90 ans à la fin, pareil. C'est quand même très très compliqué et ça marche. Alors en plus, chapeau au traducteur ou à la traductrice parce que c'est traduit de l'anglais. Donc ça marche très très bien en français. J'ai passé ce bouquin à mon frère, elle avait beaucoup aimé aussi à l'époque. On était tombés dedans et puis bon, à chaque fois que j'en ai parlé à quelqu'un qui l'a lu, c'est à peu près le même retour. Et c'est pareil, c'est une histoire qui se télescope avec l'histoire du XXe siècle. Bien sûr. Parce que le type, il va être... il va être dans la diplomatie internationale il va croiser Ian Fleming l'auteur de James Bond il va croiser des grandes figures et puis en même temps plusieurs fois dans sa vie il va retomber dans l'anonymat et dans le côté aussi mesquin d'ailleurs c'est un personnage qui a autant de qualités que de défauts c'est pas un héros le type au sens classique on voit ses travers dès le début mais il a un parcours, celui-là je ne veux surtout pas le gâcher parce qu'il se passe des trucs assez inattendus et c'est ça qui est très fort aussi, c'est que même quand il est vieux et je pense que c'est la partie la plus forte du bouquin il arrive là où tu ne l'attends pas le type mais c'est pareil, c'est-à-dire que ça marche parce que la personne qui fait cette entreprise se livre totalement à fond dans le projet et a conscience qu'il faut tenir le médium que tu utilises, la bande dessinée dans le cas de Sonny Liu, ou le roman dans le cas de William Boyd, c'est-à-dire, il faut que les gens y croient, même s'ils sont conscients dès le début que tout ça est absolument artificiel.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça, c'est un sacré enjeu, mais je pense que c'est peut-être là aussi où tu... t'es tellement face au mur que là il faut effectivement tout lâcher c'est ça, il faut un mélange comme tu dis c'est tellement grotesque ton procédé je vais vous raconter une biographie d'un personnage qui en fait n'existe pas presque tu te fais un croche-pied d'entrée de jeu, donc à partir de là évidemment il faut tout lâcher il y a un paradoxe en fait,

  • Speaker #0

    c'est qu'il faut que tu sois à la fois en maîtrise de la technique de narrative en fait et comme tu dis qu'il y ait du lâcher prise pour qu'il soit Merci. totalement immergé dans cette vie pour que lui-même y croit. Et on peut imaginer en plus que ces ouvrages sont des ouvrages de confession aussi. Même si là, le personnage de Sonny Liu n'a pas du tout le même âge que son... Et c'est pareil pour William Boyd d'ailleurs, puisqu'il les accompagne à des âges qui dépassent largement, donc ils ne sont pas de la même génération, mais ils s'investissent énormément dans... Oui, oui, de toute façon,

  • Speaker #1

    je pense que...

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    je pense que pour le dessinateur, je pense que ça lui permet quand même de... en grande partie de parler d'un médium qui l'aime. Donc c'est ça qui est toujours, je pense, intéressant. Il y a toujours un plaisir, je pense, à pouvoir communiquer ce que soi-même on a aimé, si c'est la bande dessinée, qu'est-ce qu'on a aimé dans la bande dessinée, quelles ont été nos relations avec les ouvrages, avec le papier, avec les maquettes, avec les éditeurs, avec tout ce qu'on a pu apprendre, et comment on peut, à un moment, essayer de vouloir transmettre tout ça à des lecteurs, tu vois. on va pas juste faire un mode d'emploi, un manuel comment lire la bande dessinée, comment l'aimer il y a tel éditeur, tel truc il faut trouver un autre moyen il faut passer par le petit,

  • Speaker #0

    par l'intime c'est ça qui est et puis comme tu disais,

  • Speaker #1

    là les deux cas c'est qu'on repart dans la fiction, mais alors là effectivement ça fait un sacré challenge c'est vraiment une mission assez incroyable et celui-là,

  • Speaker #0

    j'en parle d'autant plus que c'est un bouquin qui a bien marché, c'est pas une oeuvre underground, mais il est un peu peu oublié maintenant. Et puis, autre chose, il s'appelle A Livre Ouvert en français, et ça, par contre, alors je félicite la traduction, mais pas du tout l'éditeur d'avoir choisi ça. En plus, c'est littéralement pas ce qu'est le titre original qui s'appelle Any Human Heart. Donc, il veut dire n'importe quel humain, qui pour le coup dit beaucoup de choses, je trouve. Et A Livre Ouvert, il n'y a pas de titre plus bateau que ça. C'est vraiment dommage.

  • Speaker #1

    et je voulais finir avec un truc que ça par contre tu connais ouais je connais alors tu vois j'y avais pas du tout pensé et maintenant que tu me le montres évidemment ça tombe sous le sens par contre je m'en souviens plus trop mais ouais celui là c'est vrai que j'en garde un souvenir enfin Je ne pourrais évoquer rien du tout, mais je sais que j'adore ce film.

  • Speaker #0

    Zellig de Woody Allen. Woody Allen. Donc, il y a un...

  • Speaker #1

    Monument de fausse biographie.

  • Speaker #0

    Oui, puisque c'est l'histoire de l'homme caméléon, c'est-à-dire cet homme qui avait une espèce de faculté incompréhensible que les scientifiques n'arrivent pas à expliquer. S'il se met à côté d'un grand, il devient grand. S'il se met à côté d'un chauve, il devient chauve. Il se met à ressembler physiquement aux personnes qu'il côtoie. L'homme est pour nous. Et il va lui aussi traverser quand même... En gros, je crois des années 20 aux années 80, je crois que sa vie court sur une soixantaine d'années. C'est vraiment le Woody Allen de la grande époque, où il est très inspiré, mais surtout où il va au bout de ses idées. Parce que Woody Allen, il y a toujours eu des idées, mais quand même, il a beaucoup bâclé ces dernières années. Ouais,

  • Speaker #1

    il y a plein de films que j'adore de lui, mais je pense qu'à un moment, vouloir tenir le rythme d'un film par an, il y a des moments, au bout d'un moment dans ta carrière, tu n'es pas obligé, peut-être que tu peux prendre un petit peu plus de temps. Puis dans celui-là, le peu... Ce dont je me souviens surtout, c'est que ce qui m'avait intéressé aussi à l'époque, c'est que visuellement, je trouve qu'il tente des choses que souvent il ne tente pas dans plein d'autres films que j'aime par ailleurs. Parce qu'il est surtout connu pour ses études de personnages et ses dialogues hyper inspirés. avec un humour si particulier et tout. Et des fois, au niveau réalisation, ce qui n'est pas un défaut, il peut être un peu plus invisible ou transparent, mais ce qui peut des fois être très très bien. Là, ce qui est intéressant, c'est que je me souviens que visuellement, de la même façon que le personnage principal est une espèce d'éponge et donc subit des transformations perpétuelles, il y a un caractère expérimental même dans le filmage.

  • Speaker #0

    Oui, puisqu'il va faire comme Sonny Liu avec Charlie Chan. c'est pour ça que je le rapproche de cette bande dessinée c'est à dire que si on est dans les années 20 à l'époque du Charleston, l'image va imiter ces images qu'on connait tous avec ce grain très particulier un peu accéléré à un moment c'est un des moments les plus drôles du film il est à côté d'Hitler il va être au milieu des nazis et voir Woody Allen petit juif new-yorkais être au milieu des nazis là aussi un gag un peu méta Mais donc là, il va reprendre la qualité des actualités des années 40. Et puis, en parallèle, l'intrigue, elle est racontée en autobiographie. C'est-à-dire que Zelig raconte sa propre vie auprès d'une psychanalyste qui est interprétée par Mia Farrow. Et on va avoir tout au long des bandes magnétiques enregistrées où en fait, il se livre à sa psychanalyste. Et donc, avec ce son un petit peu particulier, des bandes magnétiques qui vont donner une autre dimension documentaire. En fait, tout ce film est un fou. documentaire.

  • Speaker #1

    Ce que j'allais te dire, c'est que dans mon souvenir, de toute façon, voilà ce que c'est, c'est que même visuellement, enfin, narrativement, même le film faisait très documentaire.

  • Speaker #0

    Mais le documentaire qui va avoir des tons différents et des qualités d'image différentes selon les époques et les milieux qu'il retranscrit. Alors évidemment, il y a quelques trucs qui passent plus du tout aujourd'hui puisque, comme il prend l'apparence des gens à côté de qui il est, s'il est à côté d'une personne noire, il va devenir noir, s'il est à côté à un moment donné, c'est dans mon souvenir je crois Il est à côté d'un peuplade autochtone, ce qu'on appelait les Indiens, qui n'étaient pas du tout Indiens à cette époque-là. Et donc, il va se faire un blackface, il va se faire une tête de peau rouge, entre guillemets. Car tu vois, le film aujourd'hui, évidemment, il y a de quoi le canceller un petit peu et tout ça. Mais c'est aussi une prouesse narrative. Et puis, comme il reprend les images de l'époque, il a cette espèce d'alibi de distance qui est, mais oui, le cinéma de cette époque-là a été comme ça.

  • Speaker #1

    Là c'est...

  • Speaker #0

    comme c'est le principe même du personnage c'est presque à son corps défendant oui oui mais il le fait de façon un peu caricaturale oui bien sûr il y a cet aspect là mais ça c'est un aspect de contexte de relire les films aujourd'hui mais en tout cas il reste un tour de force et il reste derrière un film qui était une pure comédie Woody Allen était vraiment réputé essentiellement pour ses comédies à cette période là même s'il a déjà fait Manhattan même s'il a déjà fait des films plus... plus sérieux. Celui-là est catalogué comme une pure comédie. Et en même temps, c'est une trajectoire bouleversante puisque là, on est en plus dans le fantastique. Un homme caméléon n'existe pas, mais sa trajectoire est terrible. Et c'est là que la dimension psychanalytique est super intéressante. C'est qu'en fait, il n'a pas d'identité propre. Il est toujours l'identité d'un autre. Et là, on arrive à quelque chose de peut-être profond aussi sur tout le côté... faux de non seulement de la fiction mais du paraître des créateurs et tout ça enfin c'est pour ça que c'est souvent même si ça fait longtemps que je n'ai pas revu mais celui-là je

  • Speaker #1

    cite souvent tout le temps bon ces derniers temps Woody Allen a eu tendance à être jeté un peu aux poubelles. De temps en temps, il faut quand même dire que malgré tout, il y a quand même plus que des bons films. Et celui-là, je le cite souvent, parce que même si j'ai dû le voir... juste deux trois fois il ya maintenant très longtemps je trouve que pour moi c'est un film parfait quoi c'est un film qui était très dynamique très inventif après tout le long je crois que c'est quand même en noir et blanc oui oui oui ça fait mal à blanc et mais qu'en plus voilà comme tu disais malgré ça en plus au niveau des grains de commencer comment le film est construit en fait parce que c'est effectivement on dirait qu'il ya peu d'effets de mise en scène mais en fait la mise en scène pour le coup elle est ailleurs se passe à un autre niveau et c'est très très intéressant visuellement c'est voilà je trouve c'est moi je c'est un film qui pour moi est vraiment très très fort en fait effectivement et fait partie voilà de ces fausses biographies et que on pourrait presque continuer à faire un

  • Speaker #0

    thème un thème là dessus il y avait enfin c'est vraiment une idée et je pense que là on nous on a parlé de d'oeuvres relativement récente mais on peut peut imaginer que ça existait déjà, je suis sûr que ça existe et que ça ne vient pas à l'esprit dans la littérature du XIXe. Oui,

  • Speaker #1

    il doit y avoir des exemples qu'on n'a pas révisés, mais c'est clair qu'il doit y en avoir plein depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, je pense que ces trois œuvres sont tout à fait... Pour le coup, tu sais qu'on se posait la question souvent de... Est-ce que ça peut parler aujourd'hui ? là... Autant parfois on parle d'oeuvres datées qu'il faut remettre dans leur contexte et tout ça. Là, pour le coup, c'est toujours... Là, voilà, à part peut-être quelques réserves sur Woody Allen qui sont... Enfin, qui à mon avis ne... N'affibise pas le film. Le William Boyd, j'en ai relu quelques pages hier pour préparer ça. J'ai failli le recommencer et je me le mets sous le coude. Je vais le relire, c'est à peu près sûr. Et alors, une vie dessinée de Sonny Liu chez Urban Comics. Vraiment, je le recommande quel que soit l'âge. Peut-être pas pour les plus petits parce qu'il y a quand même cet aspect historique. Encore que graphiquement... ça peut marcher quand même mais ils ne tiendront pas 300 pages les plus petits mais je pense qu'à partir de l'adolescence on peut lire ça pour moi c'est vraiment un ouvrage magistral de la bande dessinée contemporaine je pense que tu as raison même si je ne l'ai pas entendu j'espère que tu vas le dire je vais le dire I don't need anything, just something, just something L'étagère Le podcast de Yann Jouvert et Christophe Bauer. Réalisation Yann Jouvert.

  • Speaker #1

    La musique du générique est signée OFF.

  • Speaker #0

    Un extrait du traditionnel We Are Singapore par Sri Maligan de la chanson Biography of a First Son de Jack. portrait for Fraser de Dorothy Colon et de l'abandonnance de Zelig de Woody Allen. Retrouvez tous les épisodes de l'étagère sur vos plateformes habituelles. Vos commentaires, critiques et encouragements sont les bienvenus sur les Facebook et Instagram L'Étagère Podcast

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