- Speaker #0
Vous écoutez Love Better, le podcast qui explore les relations amoureuses, produit par Friction. Bonne écoute !
- Speaker #1
Ça m'a donné confiance en moi, je me suis dit que quelqu'un que j'admirais énormément pouvait m'aimer lui aussi, que j'étais... peut-être pas si moche, que mon nez, il était peut-être pas si gros. Et le fait qu'il soit si gentil, ça a un petit peu déterminé aussi mes relations futures parce que depuis, je suis sortie qu'avec des garçons gentils.
- Speaker #2
Quand je suis en cinquième, le garçon qui m'obsède ne sait même pas comment je m'appelle. Mais dans ma tête, c'est un feu d'artifice. Il y a deux services à la cantine de mon collège, alors quand il est occupé à déjeuner, je m'amuse à fouiller son sac à dos, laissé dans le préau. C'est pas glorieux, je sais, mais je dois vous avouer qu'il m'arrive parfois de voler un de ses chewing-gums mâchés qu'il a laissé sur sa trousse. Je m'imagine alors qu'il les a laissés exprès pour moi. Bah oui, c'est trop romantique et intime, c'est quand même aller dans sa bouche. Je regarde son carnet de liaison, son emploi du temps, l'écriture de sa mère qui réclame un remplaçant pour le prof de maths. Ouvrir ce sac, c'est commencer à construire notre histoire tous les deux.
- Speaker #1
Lui,
- Speaker #2
il sait toujours pas que j'existe. Quand on est adolescent, l'amour se vit principalement dans l'imaginaire. Est-ce qu'il faudrait pour autant mépriser ces fictions ? Parce que ce sont justement ces premiers émois qu'on cherchera à revivre toute notre vie. Qu'est-ce qui se passe alors si nos fantasmes percutent la réalité ?
- Speaker #1
Où es-tu,
- Speaker #3
Mansour ?
- Speaker #4
Un podcast friction écrit et réalisé par Laura Tauchanoff avec la participation de Delphine Sidpon.
- Speaker #3
La musique a été composée par Clémence Legal.
- Speaker #4
Chapitre 3.
- Speaker #3
Revenir sur l'air de jeu. Il y a deux façons de faire. Soit il y a des élèves qui sont suffisamment confiants en eux pour venir en parler. Et du coup, c'est je ressens quelque chose pour lui, mais je ne sais pas, qu'est-ce que tu en penses ? Tu ne veux pas aller voir son avis ? Donc voilà, il nous utilise un peu comme moyen de comprendre les comportements des uns et des autres.
- Speaker #2
Damien, surveillant dans le collège de Delphine et Mansour à l'époque, est désormais professeur d'EPS en Bretagne.
- Speaker #3
soit au contraire c'est nous qui observons un changement de comportement. Alors ça peut être un élève un peu fatigué parce qu'il y en a beaucoup qui vont rencontrer les problèmes de sommeil dans ce moment-là, mais ça peut être aussi moins d'attention au cours parce que les préoccupations et les pensées sont ailleurs, ça peut être une euphorie particulière, ça peut être des changements de groupe de fréquentation parce que dans un autre groupe de la cour finalement il y a quelqu'un qui m'intéresse et que du coup je vais me rapprocher d'eux. Voilà c'est tous ces indices-là que nous on va... on va observer et qui vont nous indiquer que là il y a un sujet sur lequel il faut être au moins attentif sans parler d'être vigilant, mais vraiment au moins jeter un coup d'œil parce que c'est des relations qui sont tellement fortes, tellement soudaines, que ça peut tout bousculer. Et leur faire comprendre que oui, c'est pas parce que toi tu ressens quelque chose même aussi fort que ce soit que ça va être réciproque et que quelque chose peut se passer. Comprendre que ce que tu ressens, c'est un sentiment amoureux naissant et que oui, ça te surprend. etc. Mais c'est du coup, sans doute plus facile pour nous que pour les profs ou les parents. Des élèves qui rentrent dans le bureau en pleurs, en disant j'ai besoin de parler, c'est quelque chose qui est régulier. Et ça m'arrive même encore en ce moment en tant que prof de PS, d'avoir une fin de cours, quelqu'un qui dit je peux vous parler et qui s'effondre en larmes parce qu'un tel ou une telle leur a dit non, ou s'éloigne petit à petit et ça fait à comment le retenir, voilà, ce genre de choses. Et donc oui, ça fait partie de notre... Notre rôle, mais comme n'importe quel adulte qui a affaire avec des ados finalement. J'ai le souvenir d'une élève qui est tombée enceinte pendant son parcours au collège et qui a eu, qui est maintenant deux enfants et qui est toujours avec son amour de collège. Et ouais, il y a des relations qui sont, c'est pas parce qu'elles sont jeunes qu'elles sont fausses. C'est un cas particulier bien sûr, mais avec l'accompagnement de leur famille... Et avec un accompagnement adulte, cette relation qui est née au collège perdure encore et c'est une famille complète maintenant avec deux enfants et qui existe encore.
- Speaker #5
Tu vois Delphine, elle ne veut jamais retourner dans la même destination de vacances, elle ne veut jamais refaire le même resto, donc en fait ça n'a pas beaucoup de sens.
- Speaker #2
Axel, le copain de Delphine.
- Speaker #5
Moi je suis très comme ça, je veux refaire les choses, refaire le même resto parce que le souvenir était tellement beau. Elle dit mais non, on va ternir l'ancien souvenir. Donc en fait la démarche par rapport à elle est presque contradictoire. C'est bizarre qu'elle ne veuille pas rester simplement sur le souvenir. Parce que c'est passé en fait et il faut vivre l'instant, le truc qui circule. Et quand on veut revivre ça, ça ne fonctionne pas. Et on se dit mais en fait, tu vois, il y a ce côté-là un peu. L'amour ça se vit, ça ne se pense pas. Là on ressort la photo pour essayer de revoir le sentiment mais ça ne fonctionne pas comme ça. Le sentiment il est dans l'instant, on le contrôle pas tu vois. Mais c'est marrant que vous vous posiez la question pourquoi. Moi je me suis jamais posé la question pourquoi je sombre amoureux. C'était un état de fait. Et c'est pour ça que je te dis que c'était exactement le même état de fait à 4 ans, 4 ans de 5. T'as tout le temps l'impression que c'est la première fois, quand c'est vraiment un sentiment amoureux. Je ne sais pas pourquoi on veut absolument vouloir comprendre le mystère. Je ne veux pas savoir ce qui se joue. Je ne veux pas savoir pourquoi on aime. C'est comme ça. C'est un des rares domaines où on s'abandonne et on n'essaie pas de comprendre.
- Speaker #2
Delphine est pourtant loin d'être la seule à vouloir retrouver la première personne qu'elle a aimée. Cette quête du passé, elle serait même de plus en plus fréquente dans notre société.
- Speaker #0
On a l'impression quand on est adolescent que finalement on est immortel, qu'on a la vie devant soi pour l'éternité, qu'on ne mourra jamais, que les gens qu'on aime, les parents, tout le monde va vivre éternellement.
- Speaker #2
Liliane Holstein, psychanalyste.
- Speaker #0
Quand en plus on tombe amoureux dans cette période-là. Et bien l'amour en question devient le symbole de la jeunesse éternelle. Donc quelqu'un qui va peut-être retomber amoureux à 40 ans, 50 ans, 60 ans d'un premier amour, il peut y avoir, c'est pas systématique, mais il peut y avoir cette subtilité-là de vouloir retrouver une fraîcheur, une jeunesse éternelle, une sensation de non-vieillissement finalement. Et c'est... C'est quelque chose qui peut être recherché. Et ça, je pense que de toute manière, c'était inévitable dans notre société actuelle, d'avoir ce besoin d'éternité. C'est très ambivalent parce qu'on est anxieux avec tous les dangers dont on est bassiné à longueur de temps dans les infos, les risques de guerre, les risques d'embrasement politique, de problématiques climatiques graves. à la pollution aussi, bien entendu, à la malbouffe, à tout ce qui est vraiment très problématique dans notre société. Et en même temps, l'évolution de la médecine, l'évolution de la science est telle, et va tellement vite actuellement, peut-être dans 10-15 ans, les cancers n'existeront plus. En tout cas, s'ils existent, on pourra les soigner. Donc, on est comme un élastique. Notre fonctionnement est élastique et on a peur de mourir. Et en même temps, on se dit qu'on peut vivre aussi très longtemps. Donc les sentiments vont avec. L'envie d'aimer, l'envie de vivre très longtemps et de vivre bien très longtemps va avec. C'est régulier, pas que dans le mien. J'imagine que dans tous les cabinets des psychanalystes et des psychologues, il y a de plus en plus de gens qui viennent parler de retour d'amour. Et ceci depuis à peu près une dizaine, une douzaine d'années. Alors c'est sûr que l'émergence d'Internet et des sites, des réseaux sociaux ont favorisé ça. Moi j'ai des patients qui retombent amoureux à 80 ans, qui se marient à 90 ans. C'est vraiment extraordinaire, c'est des choses qu'on ne pouvait pas voir. Je suis psychanalyste depuis vraiment plus de 30 ans, 35 ans. Et c'est des choses qu'on ne voyait pas il y a 35 ans et qui sont finalement assez courantes maintenant.
- Speaker #2
Si notre peur de l'avenir nous pousse à renouer avec le passé, il va pourtant falloir qu'on se concentre sur le présent là. Deux minutes.
- Speaker #1
Ma Laura c'est ouf, il m'a écrit,
- Speaker #2
Mansour m'a écrit,
- Speaker #1
je viens de recevoir son message là,
- Speaker #2
c'est Mansour.
- Speaker #1
Salut, ça va ? Comment tu vas ? Genre, normal, quoi. En plus, j'avais peur qu'il dise un truc genre Tiens, mais t'es venu devant chez moi, chez ma mère, t'as mis un mot devant ma porte. Et pas du tout, écoute. Ça n'avait pas l'air de le choquer outre mesure. Il a juste dit Moi, ça peut aller, t'as dû voir ma porte de délinquant MDR. Non, c'est assez fou, là. Je lui ai proposé qu'on se voit.
- Speaker #2
Mansour a accepté de rencontrer Delphine. Il ne voit pas d'inconvénient à ce que je sois là, moi aussi, pour enregistrer la conversation. Il propose même de venir à nous, dans le café en bas de chez elle.
- Speaker #1
oh oui ça fait un bail ça date hein qu'est ce que tu en penses on a jourgé ou pas pas trop quand même on a un peu grandi quoi encore heureux tu me diras ouais j'avais déjà ma frange ouais ouais j'avais déjà ma frange mais ouais c'était il y a 15 ans quoi on va s'écouter si tu es venu
- Speaker #4
Je m'appelle Monceau et j'ai 32 ans.
- Speaker #1
Tu étais stressé avant de venir là ?
- Speaker #4
Non, pas du tout. Un petit peu, oui.
- Speaker #1
Un peu. Mais ça fait 15 ans, c'est marrant de voir quelqu'un après 15 ans.
- Speaker #4
Je me suis toujours posé la question, oui. Puis, ouais, j'ai essayé de prendre des nouvelles. Et tu sais, c'est facile de taper le nom et le prénom de quelqu'un sur Google ou YouTube. Et après, tu trouves des choses, en fait. Je t'ai vu à la télé et tout. Je me suis dit, ah ouais, bien.
- Speaker #1
C'est vrai ?
- Speaker #4
Ouais. Quand j'ai tapé ton nom et ton prénom sur la barre de recherche, en fait, ça m'a ressorti des liens. Même à mon âge, t'avais une robe blanche avec des trucs rouges. C'est tout, ouais. Avec un parapluie sous la pluie.
- Speaker #1
En fait, on avait vu ton adresse sur Internet, parce que je crois qu'à un moment, tu avais une société de livraison,
- Speaker #4
je crois. Ouais, c'est ça.
- Speaker #1
Et en fait, il y a encore ton adresse sur Internet. Donc on s'est dit, tiens, on va y aller, on va voir si t'es là. Et donc, c'est là où on t'a laissé le mot. Et donc, en fait, c'est ta mère qui l'a trouvé ou c'est toi ?
- Speaker #4
Non, c'est ma mère qui l'a trouvé.
- Speaker #1
Et ça t'a fait chelou ?
- Speaker #4
Non, même pas. Ça ne m'a pas fait chelou. Je me suis juste dit, voilà quoi, ça fait longtemps.
- Speaker #1
Ça t'a fait plaisir ou pas ?
- Speaker #4
Ouais, toujours, tu connais.
- Speaker #1
C'est drôle en vrai.
- Speaker #4
Quand tu me dis qu'est-ce que tu te souviens de cette époque-là, je me rappelle surtout que j'ai séché les cours.
- Speaker #1
C'est vrai. Moi je me rappelle que tu dormais un peu en classe.
- Speaker #4
Ouais, aussi, ouais.
- Speaker #1
Et tu te rappelles alors des copains ? Tu te rappelles un peu des gens qu'il y avait dans la classe autour ?
- Speaker #4
Johan, Philippe. C'était qui encore ?
- Speaker #1
Sophia ? Cécile, ouais. Cécile elle est enceinte, elle va accoucher dans un mois. Elle habite à Londres maintenant.
- Speaker #4
À Londres ? Ouais. Comme ma sœur.
- Speaker #1
Elle habite là-bas aussi ?
- Speaker #4
Ouais, ma sœur aussi, ma petite sœur elle habite à Londres.
- Speaker #1
T'es allé la voir ?
- Speaker #4
Non, pas encore. Pas encore ? Je peux pas quitter le pays.
- Speaker #1
Ok, t'iras ?
- Speaker #4
Ouais, un de ces jours, ouais.
- Speaker #1
Et donc ouais, Cécile, Sophia, elle habite dans le 15ème. Elle est pas loin. Elle est pas loin. Et qui d'autre ? Yoann, il est devenu développeur en informatique. Philippe, je ne sais pas. Tu te rappelles, on faisait de la musique, nous ?
- Speaker #4
Ouais.
- Speaker #1
Tu te rappelles l'instrument que je jouais, moi ?
- Speaker #4
C'était le violon ?
- Speaker #1
Non,
- Speaker #4
la harpe.
- Speaker #1
La harpe, ouais.
- Speaker #4
C'était Philippe qui jouait du violon.
- Speaker #1
Ouais, il jouait trop bien, tu te souviens ? Il avait joué et tout le monde était genre Waouh, ce gars joue trop trop bien Est-ce que tu te souviens qu'on était amoureux en 5e ?
- Speaker #4
Oui, je me rappelle, oui.
- Speaker #1
Tu te souviens de quoi ?
- Speaker #4
De la flotte.
- Speaker #1
De quoi ?
- Speaker #4
De la fleur.
- Speaker #1
Quelle fleur ?
- Speaker #4
Je t'avais donné une fleur.
- Speaker #1
Attends, tu rigoles, je me souviens de plein de trucs, mais je me souviens pas de la fleur. T'es sûr que c'était moi ?
- Speaker #4
Si, c'était toi.
- Speaker #1
C'est vrai ? Si. Tu me l'avais emmené à l'école ?
- Speaker #4
Oui, après les cours.
- Speaker #1
Ah, c'est vrai ! Toi, c'est un truc de ouf ! J'avais oublié. Ah, c'est trop Mimi, en vrai. Mais on était quand même hyper mignons, non ? Genre, je trouve que... Comment je te gêne. Qu'est-ce que t'en penses de cette époque ? C'est ouf, non ?
- Speaker #4
C'est ouf, mais c'était bizarre. Parce qu'à la distance, c'était pas pareil que mon frère Scott.
- Speaker #1
Après, ça a donné quoi tes relations ?
- Speaker #4
Je te gêne ? Non, non, pas du tout.
- Speaker #1
Moi, par exemple, tu vois, j'ai un super souvenir de quand on était amoureux, même si en vrai, il se passait pas grand-chose, mais j'ai un super souvenir. Je me souviens que tu étais hyper gentil et hyper mignon avec moi. Et je crois que ça m'a... Pour mes relations d'après, ça m'a mis dans une bonne disposition. J'étais ouverte à l'autre et après, ça s'est bien passé. Je trouve que parfois, le premier amour, ça peut avoir une incidence, ça peut avoir des conséquences sur ta vie d'après. Si tu n'as pas envie de parler de ça, on ne parle pas de ça, si tu veux.
- Speaker #4
Non, je ne vois pas comment l'expliquer. Je pense que oui.
- Speaker #2
Et Delphine, elle, c'était... Pardon, je vais mettre les pieds dans le plat. Delphine, c'était sa première histoire d'amour, en tout cas réciproque. C'était son premier amour avec toi. Est-ce que toi, tu avais déjà eu d'autres histoires avant ? Ou est-ce que Delphine aussi, c'est ton premier amour ?
- Speaker #4
Non, c'était réciproque, pareil. Moi, je suis gêné de parler de ça. Non, je préfère pas parler de ça.
- Speaker #1
Je suis contente au moins, parce que tu aurais pu dire Non, je me souvenais pas de toi. Ça aurait été un peu gênant pour moi. Je crois que je serais partie du café.
- Speaker #4
Déjà à cette époque-là, dis-toi, j'étais au collège, vous ne me voyez pas comme ça. Mais j'ai déjà fait plein de garde à vue, j'étais allé au tribunal de Créteil à cette époque-là.
- Speaker #1
Quand on était en cinquième ? Ouais.
- Speaker #4
Je me suis retrouvé dans des situations à Disneyland, tu ne peux pas t'imaginer. Mais tu ne voyais pas où je vivais ? Je vivais au foyer. Rappelle-toi.
- Speaker #1
C'est vrai.
- Speaker #4
Je t'avais dit en plus. Ouais,
- Speaker #1
ouais, tu me l'avais dit.
- Speaker #4
Tu vois là-bas, il y avait plein de familles, comme la mienne. Et ce qui faisait qu'on fait avec tous les jeunes de là-bas. Des fois, en fait, on partait le matin pour aller à l'école. Et au lieu de chacun se disperser pour aller chacun dans son école, tout le monde prenait la même route à Disneyland.
- Speaker #1
Et vous faisiez quoi à Disneyland ?
- Speaker #4
On foutait la merde. Pourtant, on était des gentils garçons à l'école. Mais à Disneyland, il fallait nous voir en action.
- Speaker #1
Tu ne nous en parlais pas trop.
- Speaker #4
Je ne pouvais pas leur dire, je vais voir Mickey demain.
- Speaker #1
Et t'étais triste de quitter Créteil ?
- Speaker #4
Ah ouais, franchement, c'est ici que ça a tourné dans le mauvais sens. J'ai pas bien tourné ici en fait. Mauvaise influence, mauvais entourage. Tu connais, hein ? Il y a un côté où les gens ils sont gentils, ils sont tranquilles, et il y a un autre côté où les gens sont méchants. Donc toi, t'es gentil, les gens sont méchants à côté, tu veux pas tout le temps être gentil. À force tu deviens méchant comme eux.
- Speaker #1
Mais t'es pas un mec méchant du tout toi ?
- Speaker #4
Non, pas du tout, non.
- Speaker #1
Et alors ta vie après dans le casem, ça a donné quoi ?
- Speaker #4
Ma vie ? Elle a mal tourné. Elle a très mal tourné. Des fois on se retrouvait dans des situations un peu compliquées, où on apprend les codes de la rue. J'étais jeune, j'étais petit, c'était plus dans le délire Disneyland. En fait j'ai essayé de suivre des cours et tout, mais les gens que j'avais en cours avec moi, c'était des gens qui venaient d'une petite cité ici à côté, mal réputés en fait, par rapport à des trafics, des choses, et puis c'est là que tout est venu en fait. Premier joint, première bouteille, etc. Après vous savez, quand tu commences à fumer ou à boire, après c'est difficile de t'en détacher. Je voulais pas tous ces choses-là. Après c'est ça qui m'a ramené dans des galères. Et après avec le temps, même les gens qui étaient bien avec moi au début, c'est avec le temps, les gens changent aussi. À force de rester à côté de toi et tout, les gens prennent soit une bonne tournure et se cassent loin. vous ne les voyez plus, soit ils tournent mal, ils restent toujours à côté de vous et ils essayent toujours de vous enfoncer en fait. Parce qu'ils s'enfoncent, mais ils ne veulent pas s'enfoncer tout seuls, donc ils vont tirer les gens vers le bas. Ils vont toujours tirer ceux qui sont les plus proches.
- Speaker #1
Et toi, c'est ce qui t'est arrivé ?
- Speaker #4
C'est ça. La police vous pose la question, qui a fait ci, qui a fait ça ? Vous avez le choix entre balancer ou ne pas parler. J'ai choisi de ne pas parler. Il y a pas mal de fois où je me suis retrouvé en prison pour les gens. J'ai fait six peines en tout.
- Speaker #1
Et donc en tout, ça fait combien de mois ? Ça fait,
- Speaker #4
je pense, quatre ans. Je ne sais pas, quatre ans. Je pense, quatre ans, comme ça. Moi j'ai fait Fleury, Frennes et là dernièrement j'ai fait pendant un mois et demi la santé et le reste en Fleury. La plupart de mes condamnations j'ai toujours fait quelque chose, passer des formations, avoir un travail, essayer de travailler en prison. En fait les premières fois j'ai galéré, mes deux premières peines. J'étais quelqu'un d'un peu excité, je les insultais les surveillants, je me battais avec des détenus. Quand j'ai changé de quartier, parce qu'en fait quand t'arrives, t'es au quartier arrivant, au bout d'une semaine ils te changent de cellule, ils te mettent au quartier normal avec tout le monde, avec tous les détenus, là t'es plus arrivant, tu peux faire toutes tes demandes de travail, etc. parce qu'aux arrivants tu peux rien faire. Et dans ce quartier en fait, quand je suis arrivé, il y avait deux lits dans la cellule, et le matin il m'a dit rentre dans la cellule Et il y avait deux mecs qui dormaient dessus, j'ai dit mais il n'y a pas de place, je dors où moi ? Et il m'a jeté un matelas par terre. Et j'ai dit mais moi je ne vais pas rester ici Je ne suis pas un chien, je ne suis pas un chacal, je suis un être humain. Et là j'ai commencé à faire une grève de la faim, tout ça. Je suis un mec comme ça parce que j'ai fait pas mal de grèves de la faim. Et ça se voyait à mon visage, quand je ne mange pas, je ne mange pas. C'est comme la famille Adams. Quand je n'ai pas mangé pendant 4 jours, je ne me suis nourri qu'à l'eau. Au bout du cinquième jour, ils m'ont ramené à l'hôpital. Ils ont dit, ce n'est pas possible, tu vas mourir. Mais à partir de la troisième peine, je savais comment tout se passait en fait. Je connaissais tout le feeling de la prison. Quand tu ne connais pas et que tu ne connais personne, ce n'est pas facile. Et à force, en fait, ça m'a rendu un peu assidu. J'ai compris le système et c'est là où je me suis rendu compte que ça ne servait rien tout ça. Je parle calmement et à chaque fois que j'ai besoin de quelque chose, moi j'ai choisi juste de ne pas manger, c'est tout.
- Speaker #1
Et comment tu t'es remis de ça ?
- Speaker #4
Remis de ça ? C'est pas facile de s'y remettre. Déjà, j'ai arrêté l'alcool. C'est une bonne chose de fait. Petit à petit, j'essaie de rétablir ma santé, tous les trucs qui vont avec. Ça veut dire même tout ce qui est mon entourage. Quand t'as un bon son, les gens, ils t'oublient jamais. Malgré que j'ai fait du mal, j'ai fait aussi beaucoup de bien. Ce qui a fait que j'ai beaucoup de gens dans mon entourage. Il ne faut que me suivre. aller dans ma chasse. Il y en a beaucoup qui veulent mon bien, mais il y en a beaucoup qui veulent mon mal aussi. Donc, ce n'est pas facile. En fait, chez nous, c'est la famille qui trouve la femme. Donc après, la femme, elle doit aller voir soit les grands-parents, soit les personnes les plus âgées de la famille. Elle doit rester avec eux un petit moment. Il faut qu'elle montre que c'est une femme, ce n'est pas un enfant, ce n'est pas une gamine. Donc au bout de six mois de test, après, on prend la main de la femme, on donne la dot à la famille et puis on demande la femme. Je ne sais pas encore, moi je ne suis au courant de rien. On ne me dit rien de ce qui se passe là-bas. C'est comme moi, je ne leur dis rien de ce qui se passe ici.
- Speaker #1
Et ça te va ce système toi ?
- Speaker #4
Je ne leur pose même pas la question. Comme ça je me dis, laissez-moi tranquille ici. C'est bon. Moi, je veux juste une femme qui sait faire à manger, qui s'occuperait bien de mes enfants et de ma famille, c'est tout. Enfin, surtout de ma mère. En fait, chez nous, on ne laisse pas les mamans dans les maisons d'accueil ou les trucs des personnes âgées, là, en fait. On garde toujours la mère auprès de nous jusqu'à ses fins. Chez nous aussi, quand on touche la fille, la main de la fille, c'est dans les règles de la coutume. Il faut toujours la marier. Si tu traînes dans la Tchétchénie, à Grosny, dans la rue, tu touches une fille comme ça et t'es un homme, t'es obligé de la marier. Et après, il y a les parents aussi derrière. Si tu la touches et que tu ne la maries pas, il peut y avoir des conséquences.
- Speaker #1
Ok, je ne savais pas que ça se passait comme ça.
- Speaker #2
En fait,
- Speaker #1
telle fille, elle avait aucune chance.
- Speaker #4
Ouais, j'avais aucune chance en fait. Ah, moi je touche personne moi. Moi je touche personne. J'ai envie de partir moi.
- Speaker #1
Tu as envie d'aller où ?
- Speaker #4
Australie.
- Speaker #1
Ah ouais ? Ouais. Trop cool.
- Speaker #4
Mais déjà, moi je voulais voir beaucoup plus de nature, je voulais découvrir des animaux que j'ai jamais vus de ma vie. Donc je pense que le meilleur endroit c'est l'Australie. J'aime bien la nature, j'aime bien les animaux, découvrir des autres terres, je sais pas, aller voir d'autres pays, aller voir d'autres horizons quoi. Parce que moi j'ai vécu qu'en France, j'ai vécu aussi en Russie un peu. Et puis voilà quoi, j'ai pas vu grand chose pour moi. En fait, il y a Dieu au-dessus de la tête et je pense que lui, c'est lui qui peut gérer le mieux.
- Speaker #1
Tu as gardé la foi tout le temps ?
- Speaker #4
Ouais, heureusement, parce qu'en prison, il faut en avoir de la foi.
- Speaker #1
Physiquement, c'est vrai que c'est plus le petit ange de 12 ans et demi que j'ai connu. Mais il y a des choses qu'on retrouve. Ses yeux bleus, on les retrouve. Un peu son allure, on la retrouve. Son sourire, on le retrouve. Un sourire un peu en coin, un peu malicieux, un peu gêné. Où il regarde un petit peu vers le sol, ça c'est le même sourire qu'à l'époque. Évidemment, la vie, elle est passée par là. Et on sent que là, il y a des années de prison, il y a des années de souffrance, de difficultés qui sont passées par là. Et évidemment, ça marque, ça marque un physique. Je ne suis pas déçue. Je crois que c'est exactement ce que j'avais imaginé. Dans le sens où... Il se souvient de nous deux, il se souvient de nos bons moments. Ce qui est rigolo, c'est que lui, il se souvient de moments de mon... Moi, j'ai plus le souvenir et moi, je me souviens de choses dont lui ne se souvient pas. Et c'est peut-être le propre de toutes les histoires d'amour, en fait. Celle qu'on s'écrit dans notre tête, c'est pas celle qu'a vécue l'autre. Ça me touche qu'il ait regardé lui aussi ce que j'étais devenue. Il sache que je suis journaliste. Il se souvient aussi de nos copains de l'époque. Ça, ça me touche. Et à la fin, on se quitte et on se dit, si t'as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi. Lui, il me dit, ouais, vraiment, si t'as besoin de quoi que ce soit, Delphine, tu m'appelles. Et ça me touche. C'est bête, hein. Et tu vois, je pense qu'on s'écrira peut-être dans... Peut-être jamais. Peut-être dans 5 ans, peut-être dans 10 ans. Mais c'est pas grave. Je suis hyper heureuse d'avoir fait cette recherche. J'ai eu de la chance parce que, en fait, ce que j'ai trouvé à la fin, même si j'ai eu des illusions, j'ai ressenti de la tristesse quand j'ai su qu'il avait eu des problèmes judiciaires, qu'il était allé en prison, qu'il avait vécu beaucoup de malheurs. Malgré ça, malgré tout ça, je suis heureuse d'avoir fait cette recherche, de l'avoir retrouvée. Tu vois qu'on se soit souris. qu'on ait partagé deux heures de nos vies. À un moment, il dit, quand t'as un bon fond, les gens, ils t'oublient jamais. Et je crois que ça, c'est vrai. Et si moi, je l'ai jamais oublié, et si moi, j'ai jamais perdu espoir qu'on se retrouve et que ce soit un joli moment et qu'ils prennent pas mal ma démarche, je crois que c'est parce qu'au fond, pour une raison un peu inexplicable, je savais et je sais qu'il a un bon fond. Il veut découvrir le monde et voilà, je crois que je lui souhaite d'aller en Australie.
- Speaker #0
Vous venez d'écouter un épisode Love Better, le podcast qui explore les relations amoureuses.