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#58 : Déforestation : "Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international"

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13min |30/04/2024
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Description

Déforestation : "Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international"

6,6 milliards d’hectares de forêt ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu’en 2021 signalait un rapport publié par un vingtaine d’organisations environnementales et d’instituts de recherche, quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste à l’UMR Sens.


𝐋𝐔𝐌 𝟐𝟏 / 𝐋'𝐚𝐩𝐩𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐫𝐞̂𝐭 🌳🐦
Des forêts françaises, à la mangrove en passant par les forêts boréales ou insulaires, c’est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l’on accède aux racines d’un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi riches que menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c’est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM.  

_________________________ 

📌  Retrouvez l'article : https://www.umontpellier.fr/articles/deforestation-une-partie-de-la-solution-se-trouve-au-niveau-du-commerce-international

📌  Retrouvez tous les articles des magazines LUM : https://www.umontpellier.fr/?type-contenu=magazine-lum   


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Caroline Quilis

    Des forêts françaises à la mongrove, en passant par les forêts boréales ou insulaires, c'est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l'on accède aux racines d'un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi risques menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c'est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM !

  • Aline Periault

    Déforestation

  • Alain Karsenty

    Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international.

  • Aline Periault

    6,6 milliards d'hectares de forêts ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu'en 2021, signalait un rapport publié par une vingtaine d'organisations environnementales et d'instituts de recherche quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste au laboratoire SENS. Alors pour commencer, quelle est la définition internationale de la forêt ?

  • Alain Karsenty

    Il y a de nombreuses définitions de la forêt, mais la plus connue et celle qui est reprise généralement dans beaucoup d'institutions comme celle du règlement européen sur la déforestation, c'est celle de la FAO. Pour la FAO, une forêt c'est une terre couverte d'arbres avec au minimum 10% de couverts forestiers sur une surface minimum de 0,5 hectare. De là, il faut considérer que les plantations de palmier à huile, les plantations d'arbres fruitiers et également les surfaces agroforestières ne sont pas considérées par la FAO comme des forêts.

  • Aline Periault

    Et quels sont les pays les plus touchés par la déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Depuis longtemps, c'est le Brésil qui détient les records mondiaux de déforestation, même si la déforestation est aujourd'hui en baisse depuis le retour du gouvernement dirigé par Lula. Et on a des pays qui sont touchés de manière plus récente par la déforestation. C'est le cas de la République démocratique du Congo ou la Bolivie. Par exemple, la Bolivie a connu un essor très important de l'agro-business avec le soja, avec l'élevage. Et on a des pays où, au contraire, la déforestation a plutôt tend à baisser, comme l'Indonésie. Depuis 4-5 ans, effectivement, il y a une baisse importante. Maintenant, il y a une question un peu nouvelle, c'est celle des méga-feux, qui est très liée au changement climatique, avec des incendies absolument gigantesques, comme on en a vu au Canada, en Australie, plus récemment au Brésil, en Indonésie et en Bolivie, justement, récemment.

  • Aline Periault

    Alors, en Amérique du Sud, quels sont les grands moteurs de cette déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Alors c'est le premier moteur, c'est quand même l'élevage bova extensif qui est le premier moteur au Brésil mais également dans toute une série de pays. Alors on a également le soja qui prend une place extrêmement importante, notamment qui se développe beaucoup en Bolivie par exemple, au Paraguay. Et on a depuis quelques temps, on s'est aperçu qu'également la production de coton était très importante, notamment dans une zone qui sont les Cerrados. Là où, alors que la déforestation a baissé en Amazonie brésilienne, ça s'est déplacé vers le sud du pays, vers des savannes boisées qui sont les cerados. Et donc c'est un problème parce que se développent des monocultures de soja et des monocultures de coton.

  • Aline Periault

    Alors ce phénomène de déforestation, il est plus récent en République démocratique du Congo ?

  • Alain Karsenty

    Il y a eu une aggravation récente, assez brutale, récente c'est-à-dire il y a une dizaine d'années, où on est passé à pratiquement 500 000 hectares de pertes de forêts primaires chaque année en République démocratique du Congo, ce qui est absolument énorme. Et là c'est une déforestation qui est liée à des pratiques agricoles extensiles, notamment liée aux pratiques agricoles de petits paysans qui cultivent une terre pendant 2, 3, 4 ans. Et quand la fertilité diminue et que le champ est envahi de mauvaises herbes, ils laissent ça en jachère et à ce moment-là, ils vont couper une nouvelle forêt. Donc c'est un système qui a fonctionné de manière assez stable pendant des millénaires, puisque après, dans la jachère secondaire, la forêt est repoussée. Mais le problème, c'est qu'avec une croissance démographique extrêmement importante, 3% de croissance démographique par an, c'est une population qui double à peu près tous les 25 ans. Et donc les jachères sont de plus en plus courtes, parfois disparaissent et ne laissent pas le temps à une forêt secondaire de s'établir. Il y a par ailleurs également un enjeu foncier, c'est-à-dire que... En Afrique, comme dans beaucoup d'autres pays, comme en Amazonie, mais aussi en Asie du Sud-Est, la mise en valeur d'une terre par la culture, ça légitime une sorte de revendication de propriété.

  • Aline Periault

    Et cette production, elle est destinée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Alors pas toujours. Disons que le Brésil, par exemple, consomme une grande partie de sa déforestation à travers la viande bovine issue de l'élevage. Ce sont les Brésiliens qui consomment leur bœuf. Le soja, par contre, qui est cultivé dans les Cerrado, notamment, lui, part vers la Chine et vers l'Europe pour nourrir le bétail. Ce qui pose donc la question de nos modèles économiques et de nos modèles d'élevage en particulier en Europe et dans d'autres pays. Alors en Afrique, 80 à 90% de la déforestation est liée, par contre, à la petite agriculture vivrière. On fait du manioc, on fait du maïs, on fait du riz, des haricots, des bananes. Et l'huile de palme, qui est un moteur de la déforestation en Asie du Sud-Est, en Afrique notamment, c'est une consommation locale, c'est-à-dire que ça alimente les marchés locaux. C'est de la consommation interne en Afrique la plupart du temps, sauf pour notamment le cacao en Afrique de l'Ouest, en Côte d'Ivoire, au Ghana notamment, qui est exporté vers l'Europe, et le café, qui est également exporté, mais qui, lui, est plutôt cultivé en Afrique de l'Est et qui est aussi un moteur de la déforestation.

  • Aline Periault

    Et en Asie, quelle est la situation ?

  • Alain Karsenty

    Alors en Asie, la déforestation a commencé beaucoup plus tôt, à des rythmes très très importants. Elle baisse aujourd'hui souvent parce qu'il n'y a plus assez de forêts accessibles, qui soient intéressantes pour la mise en culture, et parce que les forêts qui restent sont en zone montagneuse, ou protégées par des parcs nationaux, et il n'est pas assez rentable d'y planter du palmier à huile ou de lévers. Depuis une dizaine d'années, le palmier à huile, qui a été longtemps et qui reste toujours le premier moteur de déforestation, commence à être dépassé par d'autres moteurs, qui sont notamment la plantation de pâte à papier, d'arbres pour la pâte à papier. Et cette pâte à papier va être exportée un peu partout dans le monde. Il y en a beaucoup en Indonésie notamment, par exemple. et ce sont des plantations d'arbres à croissance rapide comme des acacias, des eucalyptus qui sont selon la définition de la FAO considérées comme des forêts donc elles ne vont pas apparaître dans les chiffres de la déforestation, ce qu'on appelle la déforestation nette c'est-à-dire qui prend en compte les plantations pourtant ce sont des plantations qui sont souvent associées à des coupes rases c'est-à-dire des forêts naturelles qui sont dégradées, sont complètement liquidées pour faire place à des plantations C'est un problème parce qu'on a une perte de biodiversité, puisque ces forêts naturelles que l'on détruit pour faire la place pour des eucalyptus pourraient se régénérer, offrir et offrir une très grande biodiversité.

  • Aline Periault

    Le charbon de bois utilisé pour la cuisson, c'est aussi un trame de fond un peu partout dans cette question ?

  • Alain Karsenty

    Oui, alors c'est notamment, dans beaucoup de pays en développement, c'est l'énergie principale pour la cuisson. On peut avoir du charbon de bois durable avec des plantations d'Eucalyptus ou d'Acacia, c'est ce qu'on essaie de faire, donc là c'est le côté positif des plantations, mais tout le problème c'est que dans, par exemple, ce sont des solutions qui sont valables dans les zones rurales, dans les zones urbaines, il faudrait effectivement abandonner assez rapidement le charbon de bois pour des raisons simplement de santé. et on a donc des alternatives qui peuvent être le bioéthanol, le gaz naturel liquéfié, même si c'est un fossile. Et puis on a également toute la possibilité de la production électrique qui pourrait se développer, notamment par exemple en RDC, avec des barrages qui sont en cours de construction depuis des années, mais qui pourraient effectivement apporter des solutions, des alternatives à la cuisson au charbon de bois.

  • Aline Periault

    Alors on n'a pas encore parlé de la Russie qui pourtant déforeste aussi énormément. C'est quoi la situation là-bas ?

  • Alain Karsenty

    La solution, alors la Russie est un très gros producteur de bois et notamment elle est très liée économiquement de plus en plus à la Chine. Et notamment vous avez des acteurs chinois qui les boisent pour à la fois avec des coupes rases pour le bois mais également pour d'autres utilisations. Et donc on a des forêts qui sont relativement homogènes, des forêts de bouleau notamment qui peuvent être... soumise à des coupes rases. C'est pour ça qu'on a des frantes de déforestation entre la frontière chinoise du côté de la partie est de la Fédération de Russie, très liées notamment à des activités économiques venant de Chine.

  • Aline Periault

    Et la France, elle se positionne comment dans cette géopolitique du bois ?

  • Alain Karsenty

    Alors nous, c'est assez paradoxal parce qu'il y a beaucoup de forêts en France. Je crois que c'est le troisième pays forestier d'Europe. Mais nous apportons beaucoup de bois, notamment nous apportons beaucoup de résineux venant de Scandinavie. Parce que notre forêt est une forêt plutôt dominée par des feuilles. Et notre appareil industriel, nos ciries, notamment toutes les transformations du bois, est beaucoup plus adapté, demande plutôt du bois de résineux, qui est beaucoup plus adapté à la transformation, en tout cas au mode de transformation qui sont développés en France. Et le problème, c'est qu'en France, nous n'avons pas suffisamment d'argent pour investir dans l'outil industriel qui permettrait justement d'utiliser la ressource en feuille, alors que c'est pour ça qu'on a un développement notamment du fameux pain de glace que les propriétaires... Privé plantes en masse parce que c'est quelque chose qui est demandé par l'industrie et ça provoque une forte opposition sociétale parce que ce sont des monocultures, parce que ça entraîne parfois des coupes rases avec des risques d'incendie et puis surtout ça transforme les paysages.

  • Aline Periault

    Alors est-ce qu'on sait estimer aujourd'hui la part de la déforestation liée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Oui, on sait qu'à peu près, c'est assez difficile à connaître précisément, mais on a les estimations les plus précises par l'environ 20 à 25% de la déforestation mondiale qui serait liée au commerce international. Donc on voit bien que c'est une partie de la solution. Une partie de la solution, c'est le commerce international. Donc il y a un certain nombre de mesures qui commencent à être prises par différents gouvernements, notamment par l'Union européenne. Mais la question est de savoir comment est-ce qu'on s'attaque aux causes, disons, de la déforestation profonde. Il y a le commerce, il y a la demande mondiale. Mais également, il y a tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui est déforestation liée aux consommations intérieures des pays en développement. Donc là, c'est comment est-ce qu'on s'attaque aux causes de la déforestation, comment est-ce qu'on réforme le foncier, comment est-ce qu'on transforme l'agriculture, comment est-ce qu'on modifie les modèles énergétiques et comment est-ce qu'on agit également sur la démographie.

  • Aline Periault

    Et alors, quel est le premier pays importateur de bois ?

  • Alain Karsenty

    De très très loin, c'est la Chine qui importe du bois de partout. Elle importe du bois d'Asie, d'Afrique, de Nouvelle-Zélande, de Russie, d'Allemagne, voire de France. Et souvent, d'ailleurs, le réexport vers l'Europe sous forme de produits transformés, par exemple de meubles. Mais la Chine, c'est 1,4 milliard d'habitants. Les besoins intérieurs sont gigantesques. Donc de toute façon, c'est une consommation chinoise pour les Chinois eux-mêmes qui est très importante. Alors on a maintenant des acheteurs, des puissances d'achat émergentes comme les Vietnamiens. et les Indiens qui sont aussi devenus de très gros acheteurs sur le marché international, et les Vietnamiens par exemple achètent beaucoup de bois d'Afrique centrale.

  • Aline Periault

    Alors la Chine jouera donc un rôle majeur dans le devenir de la forêt au niveau mondial ?

  • Alain Karsenty

    Oui, ça va beaucoup de choses pour se jouer en Chine. Et ce qui est intéressant, c'est que tout récemment, le gouvernement chinois a pris conscience d'un certain nombre de problèmes liés à des anticipations d'une pénurie de bois au niveau international. Et donc, le gouvernement chinois et les acteurs chinois commencent à s'intéresser sérieusement à la durabilité de la ressource. Donc pour eux, c'est une manière de sécuriser leur approvisionnement parce que c'est le premier acheteur de bois mondial. Et tout ça, c'est une excellente nouvelle pour les forêts. si véritablement ces acteurs commencent à jouer à, disons, les règles de la légalité et la gestion durable des forêts.

  • Aline Periault

    Merci Alain Karsenty. Et vous pouvez lire la suite de cet entretien sur le site de l'Université de Montpellier.

  • Caroline Quilis

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de LUM LU. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous laisser un avis sur Apple Podcasts ou sur Spotify. Et vous pouvez aussi le partager autour de vous. A la semaine prochaine pour un nouvel épisode.

Description

Déforestation : "Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international"

6,6 milliards d’hectares de forêt ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu’en 2021 signalait un rapport publié par un vingtaine d’organisations environnementales et d’instituts de recherche, quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste à l’UMR Sens.


𝐋𝐔𝐌 𝟐𝟏 / 𝐋'𝐚𝐩𝐩𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐫𝐞̂𝐭 🌳🐦
Des forêts françaises, à la mangrove en passant par les forêts boréales ou insulaires, c’est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l’on accède aux racines d’un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi riches que menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c’est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM.  

_________________________ 

📌  Retrouvez l'article : https://www.umontpellier.fr/articles/deforestation-une-partie-de-la-solution-se-trouve-au-niveau-du-commerce-international

📌  Retrouvez tous les articles des magazines LUM : https://www.umontpellier.fr/?type-contenu=magazine-lum   


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Caroline Quilis

    Des forêts françaises à la mongrove, en passant par les forêts boréales ou insulaires, c'est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l'on accède aux racines d'un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi risques menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c'est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM !

  • Aline Periault

    Déforestation

  • Alain Karsenty

    Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international.

  • Aline Periault

    6,6 milliards d'hectares de forêts ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu'en 2021, signalait un rapport publié par une vingtaine d'organisations environnementales et d'instituts de recherche quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste au laboratoire SENS. Alors pour commencer, quelle est la définition internationale de la forêt ?

  • Alain Karsenty

    Il y a de nombreuses définitions de la forêt, mais la plus connue et celle qui est reprise généralement dans beaucoup d'institutions comme celle du règlement européen sur la déforestation, c'est celle de la FAO. Pour la FAO, une forêt c'est une terre couverte d'arbres avec au minimum 10% de couverts forestiers sur une surface minimum de 0,5 hectare. De là, il faut considérer que les plantations de palmier à huile, les plantations d'arbres fruitiers et également les surfaces agroforestières ne sont pas considérées par la FAO comme des forêts.

  • Aline Periault

    Et quels sont les pays les plus touchés par la déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Depuis longtemps, c'est le Brésil qui détient les records mondiaux de déforestation, même si la déforestation est aujourd'hui en baisse depuis le retour du gouvernement dirigé par Lula. Et on a des pays qui sont touchés de manière plus récente par la déforestation. C'est le cas de la République démocratique du Congo ou la Bolivie. Par exemple, la Bolivie a connu un essor très important de l'agro-business avec le soja, avec l'élevage. Et on a des pays où, au contraire, la déforestation a plutôt tend à baisser, comme l'Indonésie. Depuis 4-5 ans, effectivement, il y a une baisse importante. Maintenant, il y a une question un peu nouvelle, c'est celle des méga-feux, qui est très liée au changement climatique, avec des incendies absolument gigantesques, comme on en a vu au Canada, en Australie, plus récemment au Brésil, en Indonésie et en Bolivie, justement, récemment.

  • Aline Periault

    Alors, en Amérique du Sud, quels sont les grands moteurs de cette déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Alors c'est le premier moteur, c'est quand même l'élevage bova extensif qui est le premier moteur au Brésil mais également dans toute une série de pays. Alors on a également le soja qui prend une place extrêmement importante, notamment qui se développe beaucoup en Bolivie par exemple, au Paraguay. Et on a depuis quelques temps, on s'est aperçu qu'également la production de coton était très importante, notamment dans une zone qui sont les Cerrados. Là où, alors que la déforestation a baissé en Amazonie brésilienne, ça s'est déplacé vers le sud du pays, vers des savannes boisées qui sont les cerados. Et donc c'est un problème parce que se développent des monocultures de soja et des monocultures de coton.

  • Aline Periault

    Alors ce phénomène de déforestation, il est plus récent en République démocratique du Congo ?

  • Alain Karsenty

    Il y a eu une aggravation récente, assez brutale, récente c'est-à-dire il y a une dizaine d'années, où on est passé à pratiquement 500 000 hectares de pertes de forêts primaires chaque année en République démocratique du Congo, ce qui est absolument énorme. Et là c'est une déforestation qui est liée à des pratiques agricoles extensiles, notamment liée aux pratiques agricoles de petits paysans qui cultivent une terre pendant 2, 3, 4 ans. Et quand la fertilité diminue et que le champ est envahi de mauvaises herbes, ils laissent ça en jachère et à ce moment-là, ils vont couper une nouvelle forêt. Donc c'est un système qui a fonctionné de manière assez stable pendant des millénaires, puisque après, dans la jachère secondaire, la forêt est repoussée. Mais le problème, c'est qu'avec une croissance démographique extrêmement importante, 3% de croissance démographique par an, c'est une population qui double à peu près tous les 25 ans. Et donc les jachères sont de plus en plus courtes, parfois disparaissent et ne laissent pas le temps à une forêt secondaire de s'établir. Il y a par ailleurs également un enjeu foncier, c'est-à-dire que... En Afrique, comme dans beaucoup d'autres pays, comme en Amazonie, mais aussi en Asie du Sud-Est, la mise en valeur d'une terre par la culture, ça légitime une sorte de revendication de propriété.

  • Aline Periault

    Et cette production, elle est destinée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Alors pas toujours. Disons que le Brésil, par exemple, consomme une grande partie de sa déforestation à travers la viande bovine issue de l'élevage. Ce sont les Brésiliens qui consomment leur bœuf. Le soja, par contre, qui est cultivé dans les Cerrado, notamment, lui, part vers la Chine et vers l'Europe pour nourrir le bétail. Ce qui pose donc la question de nos modèles économiques et de nos modèles d'élevage en particulier en Europe et dans d'autres pays. Alors en Afrique, 80 à 90% de la déforestation est liée, par contre, à la petite agriculture vivrière. On fait du manioc, on fait du maïs, on fait du riz, des haricots, des bananes. Et l'huile de palme, qui est un moteur de la déforestation en Asie du Sud-Est, en Afrique notamment, c'est une consommation locale, c'est-à-dire que ça alimente les marchés locaux. C'est de la consommation interne en Afrique la plupart du temps, sauf pour notamment le cacao en Afrique de l'Ouest, en Côte d'Ivoire, au Ghana notamment, qui est exporté vers l'Europe, et le café, qui est également exporté, mais qui, lui, est plutôt cultivé en Afrique de l'Est et qui est aussi un moteur de la déforestation.

  • Aline Periault

    Et en Asie, quelle est la situation ?

  • Alain Karsenty

    Alors en Asie, la déforestation a commencé beaucoup plus tôt, à des rythmes très très importants. Elle baisse aujourd'hui souvent parce qu'il n'y a plus assez de forêts accessibles, qui soient intéressantes pour la mise en culture, et parce que les forêts qui restent sont en zone montagneuse, ou protégées par des parcs nationaux, et il n'est pas assez rentable d'y planter du palmier à huile ou de lévers. Depuis une dizaine d'années, le palmier à huile, qui a été longtemps et qui reste toujours le premier moteur de déforestation, commence à être dépassé par d'autres moteurs, qui sont notamment la plantation de pâte à papier, d'arbres pour la pâte à papier. Et cette pâte à papier va être exportée un peu partout dans le monde. Il y en a beaucoup en Indonésie notamment, par exemple. et ce sont des plantations d'arbres à croissance rapide comme des acacias, des eucalyptus qui sont selon la définition de la FAO considérées comme des forêts donc elles ne vont pas apparaître dans les chiffres de la déforestation, ce qu'on appelle la déforestation nette c'est-à-dire qui prend en compte les plantations pourtant ce sont des plantations qui sont souvent associées à des coupes rases c'est-à-dire des forêts naturelles qui sont dégradées, sont complètement liquidées pour faire place à des plantations C'est un problème parce qu'on a une perte de biodiversité, puisque ces forêts naturelles que l'on détruit pour faire la place pour des eucalyptus pourraient se régénérer, offrir et offrir une très grande biodiversité.

  • Aline Periault

    Le charbon de bois utilisé pour la cuisson, c'est aussi un trame de fond un peu partout dans cette question ?

  • Alain Karsenty

    Oui, alors c'est notamment, dans beaucoup de pays en développement, c'est l'énergie principale pour la cuisson. On peut avoir du charbon de bois durable avec des plantations d'Eucalyptus ou d'Acacia, c'est ce qu'on essaie de faire, donc là c'est le côté positif des plantations, mais tout le problème c'est que dans, par exemple, ce sont des solutions qui sont valables dans les zones rurales, dans les zones urbaines, il faudrait effectivement abandonner assez rapidement le charbon de bois pour des raisons simplement de santé. et on a donc des alternatives qui peuvent être le bioéthanol, le gaz naturel liquéfié, même si c'est un fossile. Et puis on a également toute la possibilité de la production électrique qui pourrait se développer, notamment par exemple en RDC, avec des barrages qui sont en cours de construction depuis des années, mais qui pourraient effectivement apporter des solutions, des alternatives à la cuisson au charbon de bois.

  • Aline Periault

    Alors on n'a pas encore parlé de la Russie qui pourtant déforeste aussi énormément. C'est quoi la situation là-bas ?

  • Alain Karsenty

    La solution, alors la Russie est un très gros producteur de bois et notamment elle est très liée économiquement de plus en plus à la Chine. Et notamment vous avez des acteurs chinois qui les boisent pour à la fois avec des coupes rases pour le bois mais également pour d'autres utilisations. Et donc on a des forêts qui sont relativement homogènes, des forêts de bouleau notamment qui peuvent être... soumise à des coupes rases. C'est pour ça qu'on a des frantes de déforestation entre la frontière chinoise du côté de la partie est de la Fédération de Russie, très liées notamment à des activités économiques venant de Chine.

  • Aline Periault

    Et la France, elle se positionne comment dans cette géopolitique du bois ?

  • Alain Karsenty

    Alors nous, c'est assez paradoxal parce qu'il y a beaucoup de forêts en France. Je crois que c'est le troisième pays forestier d'Europe. Mais nous apportons beaucoup de bois, notamment nous apportons beaucoup de résineux venant de Scandinavie. Parce que notre forêt est une forêt plutôt dominée par des feuilles. Et notre appareil industriel, nos ciries, notamment toutes les transformations du bois, est beaucoup plus adapté, demande plutôt du bois de résineux, qui est beaucoup plus adapté à la transformation, en tout cas au mode de transformation qui sont développés en France. Et le problème, c'est qu'en France, nous n'avons pas suffisamment d'argent pour investir dans l'outil industriel qui permettrait justement d'utiliser la ressource en feuille, alors que c'est pour ça qu'on a un développement notamment du fameux pain de glace que les propriétaires... Privé plantes en masse parce que c'est quelque chose qui est demandé par l'industrie et ça provoque une forte opposition sociétale parce que ce sont des monocultures, parce que ça entraîne parfois des coupes rases avec des risques d'incendie et puis surtout ça transforme les paysages.

  • Aline Periault

    Alors est-ce qu'on sait estimer aujourd'hui la part de la déforestation liée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Oui, on sait qu'à peu près, c'est assez difficile à connaître précisément, mais on a les estimations les plus précises par l'environ 20 à 25% de la déforestation mondiale qui serait liée au commerce international. Donc on voit bien que c'est une partie de la solution. Une partie de la solution, c'est le commerce international. Donc il y a un certain nombre de mesures qui commencent à être prises par différents gouvernements, notamment par l'Union européenne. Mais la question est de savoir comment est-ce qu'on s'attaque aux causes, disons, de la déforestation profonde. Il y a le commerce, il y a la demande mondiale. Mais également, il y a tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui est déforestation liée aux consommations intérieures des pays en développement. Donc là, c'est comment est-ce qu'on s'attaque aux causes de la déforestation, comment est-ce qu'on réforme le foncier, comment est-ce qu'on transforme l'agriculture, comment est-ce qu'on modifie les modèles énergétiques et comment est-ce qu'on agit également sur la démographie.

  • Aline Periault

    Et alors, quel est le premier pays importateur de bois ?

  • Alain Karsenty

    De très très loin, c'est la Chine qui importe du bois de partout. Elle importe du bois d'Asie, d'Afrique, de Nouvelle-Zélande, de Russie, d'Allemagne, voire de France. Et souvent, d'ailleurs, le réexport vers l'Europe sous forme de produits transformés, par exemple de meubles. Mais la Chine, c'est 1,4 milliard d'habitants. Les besoins intérieurs sont gigantesques. Donc de toute façon, c'est une consommation chinoise pour les Chinois eux-mêmes qui est très importante. Alors on a maintenant des acheteurs, des puissances d'achat émergentes comme les Vietnamiens. et les Indiens qui sont aussi devenus de très gros acheteurs sur le marché international, et les Vietnamiens par exemple achètent beaucoup de bois d'Afrique centrale.

  • Aline Periault

    Alors la Chine jouera donc un rôle majeur dans le devenir de la forêt au niveau mondial ?

  • Alain Karsenty

    Oui, ça va beaucoup de choses pour se jouer en Chine. Et ce qui est intéressant, c'est que tout récemment, le gouvernement chinois a pris conscience d'un certain nombre de problèmes liés à des anticipations d'une pénurie de bois au niveau international. Et donc, le gouvernement chinois et les acteurs chinois commencent à s'intéresser sérieusement à la durabilité de la ressource. Donc pour eux, c'est une manière de sécuriser leur approvisionnement parce que c'est le premier acheteur de bois mondial. Et tout ça, c'est une excellente nouvelle pour les forêts. si véritablement ces acteurs commencent à jouer à, disons, les règles de la légalité et la gestion durable des forêts.

  • Aline Periault

    Merci Alain Karsenty. Et vous pouvez lire la suite de cet entretien sur le site de l'Université de Montpellier.

  • Caroline Quilis

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de LUM LU. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous laisser un avis sur Apple Podcasts ou sur Spotify. Et vous pouvez aussi le partager autour de vous. A la semaine prochaine pour un nouvel épisode.

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Déforestation : "Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international"

6,6 milliards d’hectares de forêt ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu’en 2021 signalait un rapport publié par un vingtaine d’organisations environnementales et d’instituts de recherche, quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste à l’UMR Sens.


𝐋𝐔𝐌 𝟐𝟏 / 𝐋'𝐚𝐩𝐩𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐫𝐞̂𝐭 🌳🐦
Des forêts françaises, à la mangrove en passant par les forêts boréales ou insulaires, c’est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l’on accède aux racines d’un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi riches que menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c’est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM.  

_________________________ 

📌  Retrouvez l'article : https://www.umontpellier.fr/articles/deforestation-une-partie-de-la-solution-se-trouve-au-niveau-du-commerce-international

📌  Retrouvez tous les articles des magazines LUM : https://www.umontpellier.fr/?type-contenu=magazine-lum   


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Caroline Quilis

    Des forêts françaises à la mongrove, en passant par les forêts boréales ou insulaires, c'est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l'on accède aux racines d'un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi risques menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c'est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM !

  • Aline Periault

    Déforestation

  • Alain Karsenty

    Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international.

  • Aline Periault

    6,6 milliards d'hectares de forêts ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu'en 2021, signalait un rapport publié par une vingtaine d'organisations environnementales et d'instituts de recherche quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste au laboratoire SENS. Alors pour commencer, quelle est la définition internationale de la forêt ?

  • Alain Karsenty

    Il y a de nombreuses définitions de la forêt, mais la plus connue et celle qui est reprise généralement dans beaucoup d'institutions comme celle du règlement européen sur la déforestation, c'est celle de la FAO. Pour la FAO, une forêt c'est une terre couverte d'arbres avec au minimum 10% de couverts forestiers sur une surface minimum de 0,5 hectare. De là, il faut considérer que les plantations de palmier à huile, les plantations d'arbres fruitiers et également les surfaces agroforestières ne sont pas considérées par la FAO comme des forêts.

  • Aline Periault

    Et quels sont les pays les plus touchés par la déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Depuis longtemps, c'est le Brésil qui détient les records mondiaux de déforestation, même si la déforestation est aujourd'hui en baisse depuis le retour du gouvernement dirigé par Lula. Et on a des pays qui sont touchés de manière plus récente par la déforestation. C'est le cas de la République démocratique du Congo ou la Bolivie. Par exemple, la Bolivie a connu un essor très important de l'agro-business avec le soja, avec l'élevage. Et on a des pays où, au contraire, la déforestation a plutôt tend à baisser, comme l'Indonésie. Depuis 4-5 ans, effectivement, il y a une baisse importante. Maintenant, il y a une question un peu nouvelle, c'est celle des méga-feux, qui est très liée au changement climatique, avec des incendies absolument gigantesques, comme on en a vu au Canada, en Australie, plus récemment au Brésil, en Indonésie et en Bolivie, justement, récemment.

  • Aline Periault

    Alors, en Amérique du Sud, quels sont les grands moteurs de cette déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Alors c'est le premier moteur, c'est quand même l'élevage bova extensif qui est le premier moteur au Brésil mais également dans toute une série de pays. Alors on a également le soja qui prend une place extrêmement importante, notamment qui se développe beaucoup en Bolivie par exemple, au Paraguay. Et on a depuis quelques temps, on s'est aperçu qu'également la production de coton était très importante, notamment dans une zone qui sont les Cerrados. Là où, alors que la déforestation a baissé en Amazonie brésilienne, ça s'est déplacé vers le sud du pays, vers des savannes boisées qui sont les cerados. Et donc c'est un problème parce que se développent des monocultures de soja et des monocultures de coton.

  • Aline Periault

    Alors ce phénomène de déforestation, il est plus récent en République démocratique du Congo ?

  • Alain Karsenty

    Il y a eu une aggravation récente, assez brutale, récente c'est-à-dire il y a une dizaine d'années, où on est passé à pratiquement 500 000 hectares de pertes de forêts primaires chaque année en République démocratique du Congo, ce qui est absolument énorme. Et là c'est une déforestation qui est liée à des pratiques agricoles extensiles, notamment liée aux pratiques agricoles de petits paysans qui cultivent une terre pendant 2, 3, 4 ans. Et quand la fertilité diminue et que le champ est envahi de mauvaises herbes, ils laissent ça en jachère et à ce moment-là, ils vont couper une nouvelle forêt. Donc c'est un système qui a fonctionné de manière assez stable pendant des millénaires, puisque après, dans la jachère secondaire, la forêt est repoussée. Mais le problème, c'est qu'avec une croissance démographique extrêmement importante, 3% de croissance démographique par an, c'est une population qui double à peu près tous les 25 ans. Et donc les jachères sont de plus en plus courtes, parfois disparaissent et ne laissent pas le temps à une forêt secondaire de s'établir. Il y a par ailleurs également un enjeu foncier, c'est-à-dire que... En Afrique, comme dans beaucoup d'autres pays, comme en Amazonie, mais aussi en Asie du Sud-Est, la mise en valeur d'une terre par la culture, ça légitime une sorte de revendication de propriété.

  • Aline Periault

    Et cette production, elle est destinée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Alors pas toujours. Disons que le Brésil, par exemple, consomme une grande partie de sa déforestation à travers la viande bovine issue de l'élevage. Ce sont les Brésiliens qui consomment leur bœuf. Le soja, par contre, qui est cultivé dans les Cerrado, notamment, lui, part vers la Chine et vers l'Europe pour nourrir le bétail. Ce qui pose donc la question de nos modèles économiques et de nos modèles d'élevage en particulier en Europe et dans d'autres pays. Alors en Afrique, 80 à 90% de la déforestation est liée, par contre, à la petite agriculture vivrière. On fait du manioc, on fait du maïs, on fait du riz, des haricots, des bananes. Et l'huile de palme, qui est un moteur de la déforestation en Asie du Sud-Est, en Afrique notamment, c'est une consommation locale, c'est-à-dire que ça alimente les marchés locaux. C'est de la consommation interne en Afrique la plupart du temps, sauf pour notamment le cacao en Afrique de l'Ouest, en Côte d'Ivoire, au Ghana notamment, qui est exporté vers l'Europe, et le café, qui est également exporté, mais qui, lui, est plutôt cultivé en Afrique de l'Est et qui est aussi un moteur de la déforestation.

  • Aline Periault

    Et en Asie, quelle est la situation ?

  • Alain Karsenty

    Alors en Asie, la déforestation a commencé beaucoup plus tôt, à des rythmes très très importants. Elle baisse aujourd'hui souvent parce qu'il n'y a plus assez de forêts accessibles, qui soient intéressantes pour la mise en culture, et parce que les forêts qui restent sont en zone montagneuse, ou protégées par des parcs nationaux, et il n'est pas assez rentable d'y planter du palmier à huile ou de lévers. Depuis une dizaine d'années, le palmier à huile, qui a été longtemps et qui reste toujours le premier moteur de déforestation, commence à être dépassé par d'autres moteurs, qui sont notamment la plantation de pâte à papier, d'arbres pour la pâte à papier. Et cette pâte à papier va être exportée un peu partout dans le monde. Il y en a beaucoup en Indonésie notamment, par exemple. et ce sont des plantations d'arbres à croissance rapide comme des acacias, des eucalyptus qui sont selon la définition de la FAO considérées comme des forêts donc elles ne vont pas apparaître dans les chiffres de la déforestation, ce qu'on appelle la déforestation nette c'est-à-dire qui prend en compte les plantations pourtant ce sont des plantations qui sont souvent associées à des coupes rases c'est-à-dire des forêts naturelles qui sont dégradées, sont complètement liquidées pour faire place à des plantations C'est un problème parce qu'on a une perte de biodiversité, puisque ces forêts naturelles que l'on détruit pour faire la place pour des eucalyptus pourraient se régénérer, offrir et offrir une très grande biodiversité.

  • Aline Periault

    Le charbon de bois utilisé pour la cuisson, c'est aussi un trame de fond un peu partout dans cette question ?

  • Alain Karsenty

    Oui, alors c'est notamment, dans beaucoup de pays en développement, c'est l'énergie principale pour la cuisson. On peut avoir du charbon de bois durable avec des plantations d'Eucalyptus ou d'Acacia, c'est ce qu'on essaie de faire, donc là c'est le côté positif des plantations, mais tout le problème c'est que dans, par exemple, ce sont des solutions qui sont valables dans les zones rurales, dans les zones urbaines, il faudrait effectivement abandonner assez rapidement le charbon de bois pour des raisons simplement de santé. et on a donc des alternatives qui peuvent être le bioéthanol, le gaz naturel liquéfié, même si c'est un fossile. Et puis on a également toute la possibilité de la production électrique qui pourrait se développer, notamment par exemple en RDC, avec des barrages qui sont en cours de construction depuis des années, mais qui pourraient effectivement apporter des solutions, des alternatives à la cuisson au charbon de bois.

  • Aline Periault

    Alors on n'a pas encore parlé de la Russie qui pourtant déforeste aussi énormément. C'est quoi la situation là-bas ?

  • Alain Karsenty

    La solution, alors la Russie est un très gros producteur de bois et notamment elle est très liée économiquement de plus en plus à la Chine. Et notamment vous avez des acteurs chinois qui les boisent pour à la fois avec des coupes rases pour le bois mais également pour d'autres utilisations. Et donc on a des forêts qui sont relativement homogènes, des forêts de bouleau notamment qui peuvent être... soumise à des coupes rases. C'est pour ça qu'on a des frantes de déforestation entre la frontière chinoise du côté de la partie est de la Fédération de Russie, très liées notamment à des activités économiques venant de Chine.

  • Aline Periault

    Et la France, elle se positionne comment dans cette géopolitique du bois ?

  • Alain Karsenty

    Alors nous, c'est assez paradoxal parce qu'il y a beaucoup de forêts en France. Je crois que c'est le troisième pays forestier d'Europe. Mais nous apportons beaucoup de bois, notamment nous apportons beaucoup de résineux venant de Scandinavie. Parce que notre forêt est une forêt plutôt dominée par des feuilles. Et notre appareil industriel, nos ciries, notamment toutes les transformations du bois, est beaucoup plus adapté, demande plutôt du bois de résineux, qui est beaucoup plus adapté à la transformation, en tout cas au mode de transformation qui sont développés en France. Et le problème, c'est qu'en France, nous n'avons pas suffisamment d'argent pour investir dans l'outil industriel qui permettrait justement d'utiliser la ressource en feuille, alors que c'est pour ça qu'on a un développement notamment du fameux pain de glace que les propriétaires... Privé plantes en masse parce que c'est quelque chose qui est demandé par l'industrie et ça provoque une forte opposition sociétale parce que ce sont des monocultures, parce que ça entraîne parfois des coupes rases avec des risques d'incendie et puis surtout ça transforme les paysages.

  • Aline Periault

    Alors est-ce qu'on sait estimer aujourd'hui la part de la déforestation liée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Oui, on sait qu'à peu près, c'est assez difficile à connaître précisément, mais on a les estimations les plus précises par l'environ 20 à 25% de la déforestation mondiale qui serait liée au commerce international. Donc on voit bien que c'est une partie de la solution. Une partie de la solution, c'est le commerce international. Donc il y a un certain nombre de mesures qui commencent à être prises par différents gouvernements, notamment par l'Union européenne. Mais la question est de savoir comment est-ce qu'on s'attaque aux causes, disons, de la déforestation profonde. Il y a le commerce, il y a la demande mondiale. Mais également, il y a tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui est déforestation liée aux consommations intérieures des pays en développement. Donc là, c'est comment est-ce qu'on s'attaque aux causes de la déforestation, comment est-ce qu'on réforme le foncier, comment est-ce qu'on transforme l'agriculture, comment est-ce qu'on modifie les modèles énergétiques et comment est-ce qu'on agit également sur la démographie.

  • Aline Periault

    Et alors, quel est le premier pays importateur de bois ?

  • Alain Karsenty

    De très très loin, c'est la Chine qui importe du bois de partout. Elle importe du bois d'Asie, d'Afrique, de Nouvelle-Zélande, de Russie, d'Allemagne, voire de France. Et souvent, d'ailleurs, le réexport vers l'Europe sous forme de produits transformés, par exemple de meubles. Mais la Chine, c'est 1,4 milliard d'habitants. Les besoins intérieurs sont gigantesques. Donc de toute façon, c'est une consommation chinoise pour les Chinois eux-mêmes qui est très importante. Alors on a maintenant des acheteurs, des puissances d'achat émergentes comme les Vietnamiens. et les Indiens qui sont aussi devenus de très gros acheteurs sur le marché international, et les Vietnamiens par exemple achètent beaucoup de bois d'Afrique centrale.

  • Aline Periault

    Alors la Chine jouera donc un rôle majeur dans le devenir de la forêt au niveau mondial ?

  • Alain Karsenty

    Oui, ça va beaucoup de choses pour se jouer en Chine. Et ce qui est intéressant, c'est que tout récemment, le gouvernement chinois a pris conscience d'un certain nombre de problèmes liés à des anticipations d'une pénurie de bois au niveau international. Et donc, le gouvernement chinois et les acteurs chinois commencent à s'intéresser sérieusement à la durabilité de la ressource. Donc pour eux, c'est une manière de sécuriser leur approvisionnement parce que c'est le premier acheteur de bois mondial. Et tout ça, c'est une excellente nouvelle pour les forêts. si véritablement ces acteurs commencent à jouer à, disons, les règles de la légalité et la gestion durable des forêts.

  • Aline Periault

    Merci Alain Karsenty. Et vous pouvez lire la suite de cet entretien sur le site de l'Université de Montpellier.

  • Caroline Quilis

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de LUM LU. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous laisser un avis sur Apple Podcasts ou sur Spotify. Et vous pouvez aussi le partager autour de vous. A la semaine prochaine pour un nouvel épisode.

Description

Déforestation : "Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international"

6,6 milliards d’hectares de forêt ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu’en 2021 signalait un rapport publié par un vingtaine d’organisations environnementales et d’instituts de recherche, quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste à l’UMR Sens.


𝐋𝐔𝐌 𝟐𝟏 / 𝐋'𝐚𝐩𝐩𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐫𝐞̂𝐭 🌳🐦
Des forêts françaises, à la mangrove en passant par les forêts boréales ou insulaires, c’est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l’on accède aux racines d’un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi riches que menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c’est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM.  

_________________________ 

📌  Retrouvez l'article : https://www.umontpellier.fr/articles/deforestation-une-partie-de-la-solution-se-trouve-au-niveau-du-commerce-international

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Caroline Quilis

    Des forêts françaises à la mongrove, en passant par les forêts boréales ou insulaires, c'est en écartant les feuillages qui abritent animaux, hommes et organismes que l'on accède aux racines d'un monde foisonnant de vie. Mais pour combien de temps encore ? Écosystèmes aussi risques menacés par le changement climatique et les activités anthropiques, c'est aux forêts que ce LUM 21 est consacré. Mettez-vous au vert en écoutant LUM !

  • Aline Periault

    Déforestation

  • Alain Karsenty

    Une partie de la solution se trouve au niveau du commerce international.

  • Aline Periault

    6,6 milliards d'hectares de forêts ont été perdus en 2022, soit 4% de plus qu'en 2021, signalait un rapport publié par une vingtaine d'organisations environnementales et d'instituts de recherche quelques jours seulement avant la COP 28 de Dubaï. Éclairage sur cette géopolitique du bois avec Alain Karsenty, économiste au laboratoire SENS. Alors pour commencer, quelle est la définition internationale de la forêt ?

  • Alain Karsenty

    Il y a de nombreuses définitions de la forêt, mais la plus connue et celle qui est reprise généralement dans beaucoup d'institutions comme celle du règlement européen sur la déforestation, c'est celle de la FAO. Pour la FAO, une forêt c'est une terre couverte d'arbres avec au minimum 10% de couverts forestiers sur une surface minimum de 0,5 hectare. De là, il faut considérer que les plantations de palmier à huile, les plantations d'arbres fruitiers et également les surfaces agroforestières ne sont pas considérées par la FAO comme des forêts.

  • Aline Periault

    Et quels sont les pays les plus touchés par la déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Depuis longtemps, c'est le Brésil qui détient les records mondiaux de déforestation, même si la déforestation est aujourd'hui en baisse depuis le retour du gouvernement dirigé par Lula. Et on a des pays qui sont touchés de manière plus récente par la déforestation. C'est le cas de la République démocratique du Congo ou la Bolivie. Par exemple, la Bolivie a connu un essor très important de l'agro-business avec le soja, avec l'élevage. Et on a des pays où, au contraire, la déforestation a plutôt tend à baisser, comme l'Indonésie. Depuis 4-5 ans, effectivement, il y a une baisse importante. Maintenant, il y a une question un peu nouvelle, c'est celle des méga-feux, qui est très liée au changement climatique, avec des incendies absolument gigantesques, comme on en a vu au Canada, en Australie, plus récemment au Brésil, en Indonésie et en Bolivie, justement, récemment.

  • Aline Periault

    Alors, en Amérique du Sud, quels sont les grands moteurs de cette déforestation ?

  • Alain Karsenty

    Alors c'est le premier moteur, c'est quand même l'élevage bova extensif qui est le premier moteur au Brésil mais également dans toute une série de pays. Alors on a également le soja qui prend une place extrêmement importante, notamment qui se développe beaucoup en Bolivie par exemple, au Paraguay. Et on a depuis quelques temps, on s'est aperçu qu'également la production de coton était très importante, notamment dans une zone qui sont les Cerrados. Là où, alors que la déforestation a baissé en Amazonie brésilienne, ça s'est déplacé vers le sud du pays, vers des savannes boisées qui sont les cerados. Et donc c'est un problème parce que se développent des monocultures de soja et des monocultures de coton.

  • Aline Periault

    Alors ce phénomène de déforestation, il est plus récent en République démocratique du Congo ?

  • Alain Karsenty

    Il y a eu une aggravation récente, assez brutale, récente c'est-à-dire il y a une dizaine d'années, où on est passé à pratiquement 500 000 hectares de pertes de forêts primaires chaque année en République démocratique du Congo, ce qui est absolument énorme. Et là c'est une déforestation qui est liée à des pratiques agricoles extensiles, notamment liée aux pratiques agricoles de petits paysans qui cultivent une terre pendant 2, 3, 4 ans. Et quand la fertilité diminue et que le champ est envahi de mauvaises herbes, ils laissent ça en jachère et à ce moment-là, ils vont couper une nouvelle forêt. Donc c'est un système qui a fonctionné de manière assez stable pendant des millénaires, puisque après, dans la jachère secondaire, la forêt est repoussée. Mais le problème, c'est qu'avec une croissance démographique extrêmement importante, 3% de croissance démographique par an, c'est une population qui double à peu près tous les 25 ans. Et donc les jachères sont de plus en plus courtes, parfois disparaissent et ne laissent pas le temps à une forêt secondaire de s'établir. Il y a par ailleurs également un enjeu foncier, c'est-à-dire que... En Afrique, comme dans beaucoup d'autres pays, comme en Amazonie, mais aussi en Asie du Sud-Est, la mise en valeur d'une terre par la culture, ça légitime une sorte de revendication de propriété.

  • Aline Periault

    Et cette production, elle est destinée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Alors pas toujours. Disons que le Brésil, par exemple, consomme une grande partie de sa déforestation à travers la viande bovine issue de l'élevage. Ce sont les Brésiliens qui consomment leur bœuf. Le soja, par contre, qui est cultivé dans les Cerrado, notamment, lui, part vers la Chine et vers l'Europe pour nourrir le bétail. Ce qui pose donc la question de nos modèles économiques et de nos modèles d'élevage en particulier en Europe et dans d'autres pays. Alors en Afrique, 80 à 90% de la déforestation est liée, par contre, à la petite agriculture vivrière. On fait du manioc, on fait du maïs, on fait du riz, des haricots, des bananes. Et l'huile de palme, qui est un moteur de la déforestation en Asie du Sud-Est, en Afrique notamment, c'est une consommation locale, c'est-à-dire que ça alimente les marchés locaux. C'est de la consommation interne en Afrique la plupart du temps, sauf pour notamment le cacao en Afrique de l'Ouest, en Côte d'Ivoire, au Ghana notamment, qui est exporté vers l'Europe, et le café, qui est également exporté, mais qui, lui, est plutôt cultivé en Afrique de l'Est et qui est aussi un moteur de la déforestation.

  • Aline Periault

    Et en Asie, quelle est la situation ?

  • Alain Karsenty

    Alors en Asie, la déforestation a commencé beaucoup plus tôt, à des rythmes très très importants. Elle baisse aujourd'hui souvent parce qu'il n'y a plus assez de forêts accessibles, qui soient intéressantes pour la mise en culture, et parce que les forêts qui restent sont en zone montagneuse, ou protégées par des parcs nationaux, et il n'est pas assez rentable d'y planter du palmier à huile ou de lévers. Depuis une dizaine d'années, le palmier à huile, qui a été longtemps et qui reste toujours le premier moteur de déforestation, commence à être dépassé par d'autres moteurs, qui sont notamment la plantation de pâte à papier, d'arbres pour la pâte à papier. Et cette pâte à papier va être exportée un peu partout dans le monde. Il y en a beaucoup en Indonésie notamment, par exemple. et ce sont des plantations d'arbres à croissance rapide comme des acacias, des eucalyptus qui sont selon la définition de la FAO considérées comme des forêts donc elles ne vont pas apparaître dans les chiffres de la déforestation, ce qu'on appelle la déforestation nette c'est-à-dire qui prend en compte les plantations pourtant ce sont des plantations qui sont souvent associées à des coupes rases c'est-à-dire des forêts naturelles qui sont dégradées, sont complètement liquidées pour faire place à des plantations C'est un problème parce qu'on a une perte de biodiversité, puisque ces forêts naturelles que l'on détruit pour faire la place pour des eucalyptus pourraient se régénérer, offrir et offrir une très grande biodiversité.

  • Aline Periault

    Le charbon de bois utilisé pour la cuisson, c'est aussi un trame de fond un peu partout dans cette question ?

  • Alain Karsenty

    Oui, alors c'est notamment, dans beaucoup de pays en développement, c'est l'énergie principale pour la cuisson. On peut avoir du charbon de bois durable avec des plantations d'Eucalyptus ou d'Acacia, c'est ce qu'on essaie de faire, donc là c'est le côté positif des plantations, mais tout le problème c'est que dans, par exemple, ce sont des solutions qui sont valables dans les zones rurales, dans les zones urbaines, il faudrait effectivement abandonner assez rapidement le charbon de bois pour des raisons simplement de santé. et on a donc des alternatives qui peuvent être le bioéthanol, le gaz naturel liquéfié, même si c'est un fossile. Et puis on a également toute la possibilité de la production électrique qui pourrait se développer, notamment par exemple en RDC, avec des barrages qui sont en cours de construction depuis des années, mais qui pourraient effectivement apporter des solutions, des alternatives à la cuisson au charbon de bois.

  • Aline Periault

    Alors on n'a pas encore parlé de la Russie qui pourtant déforeste aussi énormément. C'est quoi la situation là-bas ?

  • Alain Karsenty

    La solution, alors la Russie est un très gros producteur de bois et notamment elle est très liée économiquement de plus en plus à la Chine. Et notamment vous avez des acteurs chinois qui les boisent pour à la fois avec des coupes rases pour le bois mais également pour d'autres utilisations. Et donc on a des forêts qui sont relativement homogènes, des forêts de bouleau notamment qui peuvent être... soumise à des coupes rases. C'est pour ça qu'on a des frantes de déforestation entre la frontière chinoise du côté de la partie est de la Fédération de Russie, très liées notamment à des activités économiques venant de Chine.

  • Aline Periault

    Et la France, elle se positionne comment dans cette géopolitique du bois ?

  • Alain Karsenty

    Alors nous, c'est assez paradoxal parce qu'il y a beaucoup de forêts en France. Je crois que c'est le troisième pays forestier d'Europe. Mais nous apportons beaucoup de bois, notamment nous apportons beaucoup de résineux venant de Scandinavie. Parce que notre forêt est une forêt plutôt dominée par des feuilles. Et notre appareil industriel, nos ciries, notamment toutes les transformations du bois, est beaucoup plus adapté, demande plutôt du bois de résineux, qui est beaucoup plus adapté à la transformation, en tout cas au mode de transformation qui sont développés en France. Et le problème, c'est qu'en France, nous n'avons pas suffisamment d'argent pour investir dans l'outil industriel qui permettrait justement d'utiliser la ressource en feuille, alors que c'est pour ça qu'on a un développement notamment du fameux pain de glace que les propriétaires... Privé plantes en masse parce que c'est quelque chose qui est demandé par l'industrie et ça provoque une forte opposition sociétale parce que ce sont des monocultures, parce que ça entraîne parfois des coupes rases avec des risques d'incendie et puis surtout ça transforme les paysages.

  • Aline Periault

    Alors est-ce qu'on sait estimer aujourd'hui la part de la déforestation liée à l'exportation ?

  • Alain Karsenty

    Oui, on sait qu'à peu près, c'est assez difficile à connaître précisément, mais on a les estimations les plus précises par l'environ 20 à 25% de la déforestation mondiale qui serait liée au commerce international. Donc on voit bien que c'est une partie de la solution. Une partie de la solution, c'est le commerce international. Donc il y a un certain nombre de mesures qui commencent à être prises par différents gouvernements, notamment par l'Union européenne. Mais la question est de savoir comment est-ce qu'on s'attaque aux causes, disons, de la déforestation profonde. Il y a le commerce, il y a la demande mondiale. Mais également, il y a tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui est déforestation liée aux consommations intérieures des pays en développement. Donc là, c'est comment est-ce qu'on s'attaque aux causes de la déforestation, comment est-ce qu'on réforme le foncier, comment est-ce qu'on transforme l'agriculture, comment est-ce qu'on modifie les modèles énergétiques et comment est-ce qu'on agit également sur la démographie.

  • Aline Periault

    Et alors, quel est le premier pays importateur de bois ?

  • Alain Karsenty

    De très très loin, c'est la Chine qui importe du bois de partout. Elle importe du bois d'Asie, d'Afrique, de Nouvelle-Zélande, de Russie, d'Allemagne, voire de France. Et souvent, d'ailleurs, le réexport vers l'Europe sous forme de produits transformés, par exemple de meubles. Mais la Chine, c'est 1,4 milliard d'habitants. Les besoins intérieurs sont gigantesques. Donc de toute façon, c'est une consommation chinoise pour les Chinois eux-mêmes qui est très importante. Alors on a maintenant des acheteurs, des puissances d'achat émergentes comme les Vietnamiens. et les Indiens qui sont aussi devenus de très gros acheteurs sur le marché international, et les Vietnamiens par exemple achètent beaucoup de bois d'Afrique centrale.

  • Aline Periault

    Alors la Chine jouera donc un rôle majeur dans le devenir de la forêt au niveau mondial ?

  • Alain Karsenty

    Oui, ça va beaucoup de choses pour se jouer en Chine. Et ce qui est intéressant, c'est que tout récemment, le gouvernement chinois a pris conscience d'un certain nombre de problèmes liés à des anticipations d'une pénurie de bois au niveau international. Et donc, le gouvernement chinois et les acteurs chinois commencent à s'intéresser sérieusement à la durabilité de la ressource. Donc pour eux, c'est une manière de sécuriser leur approvisionnement parce que c'est le premier acheteur de bois mondial. Et tout ça, c'est une excellente nouvelle pour les forêts. si véritablement ces acteurs commencent à jouer à, disons, les règles de la légalité et la gestion durable des forêts.

  • Aline Periault

    Merci Alain Karsenty. Et vous pouvez lire la suite de cet entretien sur le site de l'Université de Montpellier.

  • Caroline Quilis

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de LUM LU. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous laisser un avis sur Apple Podcasts ou sur Spotify. Et vous pouvez aussi le partager autour de vous. A la semaine prochaine pour un nouvel épisode.

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