Speaker #0Bonjour à tous, c'est Madame Tout-le-Monde qui parle. Bienvenue dans cet épisode 1. Je m'appelle Gwanaëlle, Gwen pour les intimes, et je suis Madame Tout-le-Monde qui parle de tout et du monde. On se retrouve ce dimanche pour discuter de littérature. Le livre dont je vais vous parler est de Jack London. Il s'intitule Le peuple de l'abîme. C'est un reportage que l'auteur américain a fait dans le East End de Londres en 1902. J'ai choisi Le Peuple de l'Abîme de Jack London pour plusieurs raisons. Déjà, je l'ai terminé récemment, c'est assez facile pour moi d'en parler dans ce premier podcast. Deuxièmement, c'est un livre que l'un de mes professeurs nous a conseillé cette année pour écrire une critique littéraire. C'est la rencontre parfaite entre la littérature et le journalisme. Parlons un peu de l'auteur. Vous connaissez peut-être Jack London pour ses romans comme Croc Blanc ou encore L'Appel de la Forêt. mais Le Peuple de l'Abîme est un peu différent. Ce n'est pas son oeuvre la plus connue, pourtant elle est tout aussi remarquable. D'ailleurs, je trouve que le sujet qu'il a choisi rejoint en un certain sens les thèmes et l'atmosphère générale de ses autres romans. C'est un peu comme s'il avait quand même rattaché ce reportage aux autres oeuvres. Dans Le Peuple de l'Abîme, Jack London échange sa casquette de romancier pour celle de journaliste. Ce que je trouve vraiment incroyable, c'est la façon dont il narre chaque détail de son travail de journaliste. Il montre dès le premier chapitre comment le journaliste se heurte à des obstacles classiques, comme le fait qu'on ne le prenne pas au sérieux, qu'il risque sa vie, qu'on doit prévoir un plan B, C, D, jusqu'à Z. En bref, il décrit les coulisses du reportage. Il nous embarque clairement en caméra cachée. Il l'écrit dès la première page, je cite, Ils étaient persuadés d'avoir affaire à un simple fou, doté de plus de lettres de recommandation que de bon sens. Mis à part son aspect littéraire, ce livre a aussi, et je dirais même d'abord, une vocation de reportage. Et Jack London nous le fait très clairement savoir. Je vais être honnête avec vous, notre prof nous l'a conseillé également pour qu'on se familiarise avec l'écriture journalistique du reportage. Eh bien, vous savez quoi ? C'est pas encore dans mes capacités. J'ai beaucoup de pratiques qui m'attendent. Mais cessons de parler de mes talents journalistiques et revenons à notre reporter. À travers l'œuvre, London partage le travail qu'il fait. Il mentionne ses sources, certaines qui l'avouent être... plus ou moins fiables, les chiffres, il a pu lire des rapports de police, assister à des procès, et a aussi lu de nombreuses œuvres sur le sujet. Ce travail conséquent est à la racine même du travail de reporter, et il le raconte. C'est certes un livre sur les bas-fonds de liste end, mais je pense que c'est aussi un journal de bord du journaliste en terrain. Aussi, dans Le Peuple de l'Abîme, London fait son travail de reporter en y mêlant ses sentiments. Ça rend son œuvre encore plus poignante. Comme lui, on est parfois dégoûté, rebuté ou même traumatisé, et ce, même s'il dit à travers son livre qu'il faut voir... ou encore vivre dans cet abîme pour le comprendre. J'aime beaucoup comment il rappelle finalement qu'être reporter, c'est se mettre dans la peau du sujet dont on va traiter. Il écrit, toujours sur cette première page, je cite, Ce que je veux, c'est pénétrer tout seul dans l'East End et constater par moi-même ce qui s'y passe. Je veux savoir comment les gens vivent là-bas, pourquoi ils y vivent et ce qu'ils y font. Je veux, en un mot, partager leur existence. Même si c'est un livre que nous lisons, en vérité, on en apprend... énormément sur l'envers du décor de Londres à cette époque. Car, pour donner quelques éléments de contexte, en 1902, Londres a atteint son apogée. C'est-à-dire que la ville bat son plein, c'est la première place financière au monde avec le quartier de la City, on est proche des 7 millions d'habitants pour le Grand Londres. D'ailleurs, le tableau de Nils Moller-Lund, le cœur de l'Empire, est très représentatif de ce Londres économique. Bref, Londres rayonne, tout comme l'Empire britannique. On dit merci au cours d'Histoire de Cagnes sur les mondialisations, comme quoi ça peut servir dans la vie. D'un point de vue journalistique, Jack London restitue des informations sur la réalité de Londres le plus factuellement possible, mais aussi en y rajoutant son point de vue d'étranger. Sur la forme, London n'a absolument pas négligé sa plume littéraire au détriment de l'écriture journalistique. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je trouve que ce livre se lit si bien, qu'il est très accessible, surtout si on veut renouer doucement avec la littérature. Il est relativement court, le vocabulaire que l'auteur utilise est à la fois précis et compréhensible par tous. Je vais simplement vous lire un des paragraphes de ma critique qui résume la façon dont Jack London écrit. Il décrit, je cite, Pendant toute la lecture, Jack London expose l'horreur du tableau de Londres. En vérité, sa plume littéraire est mise au service de descriptions très froides, dessinant une réalité que la plupart des gens préféreraient regarder en se cachant les yeux. Il amène à la conscience de son lecteur l'atrocité de celle qu'on surnomme Je cite la ville de la terrible monotonie. On assiste au spectacle où, entre guillemets, tout y est sans espoir, sans avenir, monotone et sale. Le pire, c'est qu'on comprend assez rapidement que ce tableau est bien réel, c'est le spectacle de ce peuple. Et ce que je trouve fascinant, c'est comment avec littérarité et précision, on saisit l'objectif que se donne Jack London. L'information est transmise de façon captivante, avec émotion et justesse. Le Peuple de l'Abîme est une sorte de journal où le lecteur est face à une multitude d'histoires de ceux que Jack London nomme les pauvres diables. Il y a une grande variété de mini-portraits à travers toute l'œuvre. Ces portraits sont plus ou moins détaillés, parfois on ne connaît ni le nom et le prénom de la personne, d'autres fois on connaît sa situation familiale. Par exemple, le deuxième chapitre s'intitule Johnny Upright et dans les grandes lignes, c'est une longue description de ce personnage, du rôle qu'il va jouer pour Jack London. Cela en dit long sur son importance pour l'auteur. A l'inverse, dans le cinquième chapitre, intitulé Ceux qui côtoient l'abîme on peut retrouver un portrait d'une femme quelconque, sans nom, avec une description de son travail acharné. Et le fait même que ce soit ceux accentue déjà l'idée qu'il n'est pas nécessaire de s'attarder sur une personne en particulier. En vérité, ils sont des milliers à vivre la même chose. Comme je l'ai dit précédemment, le peuple de l'abîme ne dénote pas complètement des autres œuvres de son auteur. J'ai remarqué plus précisément comment il recrée toujours la même atmosphère dans ses descriptions. Par exemple, Au chapitre 6, intitulé Coup d'œil sur l'enfer il décrit le jardin de Spitalfields à l'ombre de Christchurch. Immédiatement, le tableau est répugnant, c'est macabre, tous les termes qu'il emploie sont simples et pourtant très justes, comme, je cite, une confusion de loques, de saletés, de maladies repoussantes, de plaies suppurantes, de chères meurtries, de monstruosités ricanantes et de figures bestiales En faisant un petit parallèle avec ses autres œuvres, il est aisé d'imaginer de telles descriptions dans ses autres romans. En mettant de côté le fait que j'apprécie la littérature, je vous recommande sincèrement ce livre. Primo, il est vraiment facile à lire. Deuxio, on sait que les personnes décrites ont réellement existé, et pourtant, en lisant, on se crée un imaginaire de ce qu'était ce Londres du début du XXe siècle. Je le conseille aussi à ceux qui en général n'aiment pas la littérature, ou du moins n'en sont pas passionnés. Lire Le Peuple de l'Abîme, ce n'est pas lire... Proust, même si je me réserve le droit de vous dire que Proust se lit bien, mais pas de panique, je prévois un podcast spécialement pour lui. Jack London sait équilibrer le littéraire et le journalistique dans toute l'oeuvre et je trouve que c'est ce qui la rend d'autant plus facile à lire. C'était tout pour cet épisode, merci de m'avoir écouté jusque là. On se retrouve dimanche prochain à 19h pour parler de ce qui entoure Madame Tout-le-Monde. N'hésitez pas à partager ce podcast avec vos amis, vos proches et avec tous ceux qui pourraient l'apprécier. A bientôt le monde !