Ma Parole telle qu'elle est cover
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Majora Prod

Ma Parole telle qu'elle est

Ma Parole telle qu'elle est

50min |16/07/2024
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Ma Parole telle qu'elle est cover
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Ma Parole telle qu'elle est

Ma Parole telle qu'elle est

50min |16/07/2024
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Description

Gaëtan, 28 ans, vit avec un bégaiement depuis l'âge de 8 ans. Ce bégaiement, il l'a honni, caché. Aujourd'hui, il nous raconte le chemin parcouru pour l'accepter. Aux côtés de son orthophoniste, de ses proches et d'autres personnes bègues rencontrées à l'occasion d'un concours d'éloquence du bégaiement qu'il a remporté en 2022, il se bat pour assumer son droit à la parole.


« Ma parole telle qu’elle est », un documentaire sonore de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon


Composition musicale, réalisation, mixage : Pierre Chaffanjon de Majora Prod.


Merci à Gaëtan, Malick, Ryad et ses parents, Caroline Devaux, Renaud et JP.

Merci à nos partenaires : l’Association Parole Bégaiement, l’AGEFIPH (l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion professionnelle des Personnes Handicapées) et le cabinet Personnalité.

Merci à Sophie Herrouet de Maison Bavard pour son travail de communication autour de ce projet.

Et merci à vous pour votre écoute !


Si vous avez aimé ce documentaire sonore, n'hésitez pas à le partager autour de vous !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, je voudrais prendre rendez-vous pour lundi soir. Ok, d'accord. Mardi, ok, super. Est-ce que vous avez de la place à partir de 6h ? Pendant 18 ? Ben ok, super. Alors, je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy, t'as raison. J'ai 26 ans. Et comme vous pouvez l'entendre... j'ai un bégaiement. En général, chaque personne qui est bégaie n'arrive pas à dire son prénom. On ne peut pas trouver un mot qui va à la place de notre prénom. Ma parole telle qu'elle est. Un documentaire de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. J'ai remarqué que la plupart des mots, commençant par A, sont compliqués. Par exemple, j'ai du mal à dire au revoir. au revoir j'ai du mal à le dire et ce que vous pensez tous à ce moment là c'est que oui mais le son c'est haut mais il ya des mots comme ça on sait que ça commence par un A donc on le visualise comme un A et on a du mal à le dire longtemps j'ai pensé que j'étais trop bête pour enfin On m'a fait comprendre que j'étais trop bête parce que je n'arrivais pas à parler correctement alors qu'il y a des enfants de 5 ans qui peuvent faire des phrases sans rayer. Mon médecin de famille nous avait dit que ça allait disparaître en grandissant. et pour certains enfants qui bégayent, c'est le cas. Certains bégayent pendant quelques mois, ils vont voir un orthophoniste et ils ne bégayeront plus de leur vie. Ma mère y a cru, donc elle a dû se dire que ça allait passer, et je croyais aussi. Parce que pendant toute ma vie, j'ai fait l'autruche et j'attendais ce moment promis que oui, un jour ça va disparaître. Mon père, lorsque je baignais, s'énervait et me disait de faire un effort. Et un jour, je devais avoir 21 ans. 21 ou 22 ans, j'ai dû me dire un truc du genre bon bah c'est bien beau tout ça mais j'en ai marre. J'ai fait des recherches sur le sujet. J'ai vu qu'en fait, il y a des gens qui ont mon âge et qui bégayent toujours. Donc là, j'ai commencé à me dire, bon, qu'est-ce que je peux faire ? On va aller voir l'ordophoniste.

  • Speaker #1

    Cher

  • Speaker #2

    Béguément, j'ai réécrit cette lettre des dizaines de fois. Sans trouver, trouver,

  • Speaker #0

    dans ton éduction satisfaisante. M'adresser aux autres à l'oral est déjà une source d'angoisse, et voilà que je découvre que les mots me manquent à l'idée de t'écrire. Aujourd'hui, je m'adresse à toi, comme à une personne, pour te faire exister. Le simple fait d'écrire ton nom me fait grimacer et bégayer. J'ai passé une grande partie de notre cohabitation à faire comme si tu n'existais pas, croyant que mettre un tabou sur ton nom te rendrait moins fort. que tu te vexerais et que tu disparaîtrais aussi subitement que tu es apparu il y a plus de 19 ans aujourd'hui. Avant j'étais un enfant qui parlait librement, comme tous les enfants le font. Et quand j'ai commencé à bégayer, j'ai adopté une posture plus taciturne. Notre confiance en nous est fragilisée, le fait qu'on a honte. J'ai peur d'être jugé sur tout.

  • Speaker #2

    Où est-ce que c'est ? C'est là, quand j'étais... On y va ensemble, là ? J'ai essayé, c'est ça ? On fait pareil, je commence avec vous et puis vous continuez tout seul. Si jamais vous avez besoin, on refait une pause et on recommence ensemble. J'ai essayé de te voir comme quelque chose de mignon et j'ai cherché ce que tu m'avais apporté.

  • Speaker #0

    Je te le promets, mais je n'y arrive pas. Au moment où tu es arrivé dans ma vie, tu as tué celui que j'aurais pu être. et fais naître celui qui est écrit aujourd'hui. J'ignore si je pourrais te le pardonner un jour. Téléphoner pour prendre un quelconque rendez-vous ? Hors de question. Pas de cinéma ou de McDo si les bornes sont en panne. Pas de rencontres dans les bars, pas de vie amoureuse. Le bégaiement, c'est un problème neurologique qui fait que le cerveau envoie les mauvaises impulsions électriques aux mauvais muscles. Ce qui fait que lorsque je veux parler, il y a les mauvais muscles qui vont se mettre en action. À chaque fois ? Tous ces tics faciaux, tous ces sons en fait. À chaque fois ? Que je n'ai pas envie de produire. à chaque fois qu'ils sortent quand même, que je pense un mot, mon corps est véritablement tordu par mon égaiement. C'est-à-dire que je tremble. J'ai le regard fuyant, je rougis, j'ai chaud, je me passe la main dans les cheveux, j'ai toujours une espèce de boule derrière le sternum, j'ai ma mâchoire qui va se serrer, j'ai ma gorge qui va se serrer, je vais avoir des tics faciaux. Je mime aussi ce que je veux dire. J'ai mon regard qui se bloque. Je me tortille sur ma chaise. Et ça, c'est ce qu'on voit. Frustration. Alors moi je suis technicien de préservation des collections du patrimoine. Le titre a rallongé, je pourrais pas se le tibéguer au secours. J'exécute toutes les actions qui font que les œuvres d'art ne vont pas s'endommager plus qu'elles ne le sont déjà. Et bien souvent c'est vrai que je suis dans des réserves à plusieurs étages. étage sous terre, où il n'y a strictement personne, et ça me va très bien.

  • Speaker #2

    Bonjour, je m'appelle Caroline Deveau, je suis orthophoniste et je travaille dans le 14e, et je me suis spécialisée dans les troubles de l'affluence. Un jour, quand j'ai fait une formation, on était 22 orthophonistes et il y a la directrice de la formation qui a dit, donc on était toutes là pour se former sur le bégaiement, et elle a dit mais est-ce que vous êtes touchés dans votre entourage par le bégaiement ? Je crois qu'il y en a 20 qui ont levé la main en disant on est touchés par le bégaiement dans nos propres familles Donc je pense qu'il y a quelque chose de l'ordre de réparer quelque chose qui a touché nos familles, avec la difficulté d'en parler. Mon grand-père, il savait que j'étais orthophonie spécialiste dans le bégaiement. On n'a jamais abordé la question.

  • Speaker #3

    Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été bég. Mes parents disent que j'ai commencé vers 3 ans. Tous mes souvenirs sont liés au bégayement. Je suis Malik Ndiaye, j'ai 38 ans. Je suis né au Sénégal, donc j'ai grandi là-bas et je suis arrivé en France en tant qu'étudiant. Je viens d'une famille de personnes qui bégayent. Dans ma famille, il y a surtout des hommes, des grands-parents, des oncles. J'ai également un frère qui bégait comme moi. Et mes parents disaient que j'imitais mon frère qui bégait à l'époque. Donc c'est vrai que chez moi, on ne parlait pas beaucoup du bégayement. Je l'ai vécu de manière très mal déjà et je pense que je ne l'avais pas accepté. Les moments où je bégaye, c'est vraiment la fatigue. La fatigue et le stress et l'énervement. Et en général, il n'y a aucun mot qui sort. Donc je peux rester bloqué pendant une demi-heure, le temps de reprendre mon souffle. Les moqueries, je pense que ce sont des schémas. que beaucoup de personnes qui bégayent, je pense qu'ils ont rencontré. Les autres se moquaient de moi, de ma manière de parler. Donc soit tu joues le jeu, c'est l'autodérision, ou bien comme moi, tu le... Je les vis très mal.

  • Speaker #0

    J'étais en scène quand mon bégaiement est apparu. Et là, on commençait des moqueries, du harcèlement.

  • Speaker #3

    Les simples faits de lever la main, demander un... un effort important.

  • Speaker #0

    En classe, je ne participais pas parce que je ne voulais pas que je faisais tout pour ne pas l'évaluer. Que ça s'entende. Si on avait un exposé à faire,

  • Speaker #3

    les souvenirs les plus douloureux,

  • Speaker #0

    c'est vraiment ou si je devais lire un texte lors des récitations de poésie, eh bien mes professeurs me faisaient lire.

  • Speaker #3

    Des rires, des poufs.

  • Speaker #0

    Si la consigne c'était de faire moins de 10 minutes, et on me disait t'avais plus de 10 minutes, tu ne rentres pas devant le barème

  • Speaker #3

    Ouais, des rires étouffés.

  • Speaker #0

    Ben non, je ne rentre pas devant le barème, vu qu'il est fait pour des personnes qui ne sont pas handicapées.

  • Speaker #3

    Ce qui est très dur, c'est le silence qu'on peut avoir dans la classe sans avoir une aide de l'enseignant. Tu ne te proposes pas les mots qui te laissent dans ta souffrance du moment. Ce qui est frustrant, c'est que tu as la réponse, tu sais ce que tu veux dire, c'est clair dans ta tête. Tu as des réponses, des répliques, sauf que tu n'y arrives pas.

  • Speaker #1

    Un garçon gentil et... Faire attention aux autres, mais quand ils parlent, des fois ils bégayent. Ah, ça tourne ! Je m'appelle Riyad, j'ai 9 ans. Quand j'étais petit, j'avais 8 ans, j'étais en train de dessiner. Un moment, je parlais à mon père, je ne sais plus ce que je lui disais, mais à un moment, j'ai bégayé, il a vu que j'avais bégayé, du coup après il m'a emmené chez l'orthophoniste. Et c'est à ce moment-là qu'on a pris des rendez-vous avec mon enseigneur de tennis, quand on habitait à côté de Bordeaux. Oui, je n'arrivais pas à sortir les mots, les mots, ils ne voulaient pas sortir. Quand je veux dire merci à mes copains, je n'y arrive pas, à l'école. Et depuis, maintenant, j'ai déménagé à Paris. Maintenant, à l'école, ça se passe bien. Hier, quand je voulais dire merci à ma maîtresse, j'y arrivais pas. Et après, elle m'a dit d'en parler à mon orthophoniste. J'avais pris un livre pour le ramener chez moi, parce qu'elle m'avait autorisé. Et après, elle m'a dit de rien pour que je lui dise merci. Et après, je bégayais pour lui dire merci. Du coup, elle m'a dit, t'inquiète pas, prends ton temps. Et après, j'ai recommencé. Mais elle m'a dit, bon, c'est pas grave, tu peux en parler à ton orthophoniste. Il y a juste des fois où je bloque. Mais il y a plus de fois où j'arrive à le dire. Merci. Enfin, il y a beaucoup de choses que je n'arrive pas à dire. Bonjour. D'abord, il y a le B que je n'arrive pas à dire. Et après, un moment, deux secondes après, ça ressort tout seul. C'est des mots de politesse. Je n'ai pas envie d'être mal poli si je ne dis pas merci et bonjour. Parce que je bégaye trop avec ça. C'est ma mère qui sait mieux que moi en fait. Quand il va commencer à parler, la première phrase, le premier mot qu'il va lui dire, il bloque, ça bloque. Le premier. Oui enfin c'est le premier, le premier mot, la première. Voilà, le premier. Même des fois, s'il est tout seul, il parle dans sa chambre comme ça, s'il joue et tout ça, il est bégui. Oui. C'est tout le temps en fait. Oui c'est tout le temps. J'ai pas envie d'en parler dans l'absolu avec personne. Je trouve ce sujet secret. Ça me gêne de le dire à mes copains. Ça me gêne beaucoup. Parce que j'ai pas envie qu'ils le sachent. J'ai cinq copains. Je les connais depuis que je suis dans cette école. Ils savent rien. C'est ma maîtresse qui a compris tout seul. que je bégayais. Je suis en classe de 7 ans. Dans ma classe, il n'y a personne qui bégaye, il n'y a que moi. On ne s'est pas moqué de moi. Parce qu'en fait, dans mon école, les enfants ne savaient pas que je bégayais. Ils ne voyaient pas clairement que je bégayais. Et là, je pense aussi que c'est pareil. Un jour j'ai fait un exposé sur Hollywood et j'ai pas bégayé. Parce que j'aime pas les exposés, c'était juste cette fois, je voulais tenter ma chance, et j'ai réussi, mais maintenant ça me tente plus de le faire, de refaire un autre. Parce que je me suis desté, j'ai réussi, je prouvais que j'étais capable, et maintenant je sais que je peux refaire un autre, sauf que j'ai pas envie, parce que j'étais vraiment très stercé. Même si je n'ai pas bégayé, je me suis dit que la deuxième fois que je ferais un exposé, j'allais bégayer. Du coup, c'est pour ça. C'est pour ça que je ne voulais pas en faire un deuxième. Ça me gêne. Et je pense que ça va aussi gêner les autres pendant l'exposé. Parce que je pense qu'ils n'aiment pas quand je bégaye les enfants dans ma classe. Parce que de toute façon, je vais les calmer si ils se moquent de moi. Je dirais, toi, si tu avais un bégaiement, je ne t'aimerais pas que je me moque de toi, alors tu vas te calmer. Je pense que quand je serai en CM2, ça ne va pas s'arrêter, mais quand je serai en 6e, je pense que ça va commencer à s'améliorer pour que ça s'enlève, pour que ça parte. Parce que moi, ça me gêne de bégayer, j'ai pas envie de bégayer. Ah, avec le bégayement, je ressens de la tristesse et du malheur. C'est pas normal, là,

  • Speaker #2

    c'est trop pire.

  • Speaker #1

    Si tu bégues,

  • Speaker #2

    ça te fait rien.

  • Speaker #1

    C'est pas grave. C'est pas grave. Pourquoi tu dis ça ? Parce que c'est la vérité. Je trouve que c'est normal. Il faut prendre le temps. Il faut vraiment prendre son temps et parler comme il peut. C'est pas grave, c'est ébigué. Pour moi, c'est un problème parce que... Parce que moi je trouve ça nul le bégaiement, je trouve ça dégueu en fait, nul et ça gaspille ma parole. Je veux que ça parte. Je pourrais plus parler à un moment, si je bégaie trop, je pense que je pourrais plus parler. J'ai peur qu'il y a d'autres mots où je bégaie. Car pas que merci et bonjour. J'en ai marre en fait. J'en ai marre.

  • Speaker #0

    Vous qui m'écoutez, bégayer, c'est un verbe intransitif. Je bégaye, c'est moi qui fais l'action. Si c'est moi qui fais l'action, eh bien c'est de ma faute. Je bégaye, non, en fait, il y a quelque chose qui me fait bégayer. Comme quand on dit je suis bég si on analyse cette phrase mot à mot, Je suis bég, mon identité se limite à ça. Je suis bég, c'est moi. Le bégayement, c'est moi.

  • Speaker #2

    Finalement, dans les choses que je répète souvent à mes patients, c'est l'idée d'avoir en tête que le bégayement, il a deux facettes. Il y a autant les disfluences, mais il y a tout le ressenti de la personne qui est... beaucoup plus important encore, je trouve, que les disfluences. Il faut prendre en compte les deux. Est-ce que vous voulez faire le... Moi, ça me plaît de faire l'iceberg aujourd'hui pour voir ce que vous ressentez.

  • Speaker #0

    Donc la partie supérieure. On bat toujours la répétition.

  • Speaker #2

    Au début de la rééducation, ça m'arrive très souvent de proposer cet exercice. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est un exercice classique pour les orthophonistes. pour lequel la personne va écrire à la fois ce que l'on entend et ce que l'on voit de son bégaiement, mais ce qu'il y a à l'intérieur d'elle.

  • Speaker #0

    Une pétition, le regard fixe.

  • Speaker #2

    La quantité des disfluences, vous pensez qu'elle est identique à avant ? Alors, c'est une feuille sur laquelle on dessine un iceberg avec une ligne de flottaison. Moi, je dessine juste les contours de l'iceberg, mais j'ai des très beaux icebergs vides en photo. Je ne suis jamais sortie, mais j'en ai. Et l'idée, c'est que le patient écrive tout ce qu'il a envie d'écrire en haut dans la partie vide et en bas dans la partie vide. C'est une métaphore par rapport au bégaiement. Il y a ce que l'on entend et ce que l'on voit comme la partie émergée de l'iceberg, la partie qui dépasse, qui correspondrait aux répétitions de la parole, au blocage, aux crispations, à toutes les hésitations que l'on peut entendre. Tout ce qui représente la partie cachée de l'iceberg, c'est-à-dire les émotions, ce que la personne ressent, avec des sentiments qui peuvent être la honte, la culpabilité, la gêne, la colère, la frustration très souvent, qui sont des sentiments qui sont la plupart du temps partagés par toutes les personnes qui bégayent. Mais comme ces sentiments ne se voient pas ou ne s'entendent pas, c'est caché et c'est rarement partagé. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est les orthophonistes en général. c'est de faire fondre l'iceberg, de s'occuper à la fois de ce que l'on entend et de ce que l'on voit, mais également de ce que la personne ressent. Et raser seulement la partie du dessus, ça n'a pas autant d'intérêt que de s'occuper de faire fondre la totalité de l'iceberg.

  • Speaker #1

    Là, c'est Kid Danger. Kid Danger, c'est un super-héros dans la série Henry Danger. Il a des gants rouges et noirs. Enfin là, je n'ai pas encore colorié, mais il ressemble à ça. Et ça, c'est Haaland. C'est un joueur de foot norvégien. Enfin, c'est tous des dessins que j'ai faits il y a quelques jours. Ça, c'est... J'ai juste marqué dessin en anglais parce qu'à chaque fois je marque dessin en anglais. Je marque drawing parce que j'ai la flemme de marquer en français. Du coup je marque en anglais.

  • Speaker #0

    Une grande partie de mon adolescence je l'ai passée seule avec mon ordinateur. J'ai eu beaucoup de relations avec des personnes que je n'ai jamais vues, mais avec qui je conversais par écriture et sur MSN. C'était ça à l'époque. J'avais pas de limites et j'étais comme les autres. On écrivait, on faisait ce qu'on appelle des fanfictions. Donc ça c'est quand on réalise une fiction à partir d'un univers qui est déjà créé. J'écrivais sur Naruto à l'époque et donc j'ai développé un vrai goût pour l'écriture. C'était génial parce que je pouvais dire absolument tout ce que je voulais et je pouvais passer pour une personne normale, une personne comme les autres. Alors ? Le charme ici. Ah ouais c'est vrai que ça y va.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #2

    Quand tu rencontres toi un mec,

  • Speaker #3

    je sais plus,

  • Speaker #2

    et que ça se passe pas comme tu l'imaginerais avec le mec, et ben là tu l'as acté, bien sûr que ça te fait chier, au fond toi, mais au final, allez c'est pas grave c'est parti pour autre chose, nan nan nan.

  • Speaker #0

    Mais c'est ce que j'étais en train de te raconter, c'est que... C'est que ça ne s'est pas passé comme...

  • Speaker #1

    Moi c'est Jean-Pierre, DJB, et j'ai rencontré Gaëtan ici, depuis, ça a collé. À cette soirée, on était assis, il y avait plein de monde, il y avait peut-être 6-8 personnes que je connaissais à peu près. Et puis je l'ai vu, il était assis sur une espèce de fauteuil rouge comme ça. Il m'a touché. J'ai regardé, je me suis dit, tiens, je sens qu'il a quelque chose en plus que les autres.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a déconstruisé vraiment... Quoi ? De l'amour. Enfin, le thème des épisodes, c'était l'amour.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Renaud. J'ai rencontré Gigi pour la première fois sur une application de rencontre. On n'a jamais eu d'histoire. Ça a toujours été amical. Et la première impression c'est, il est un peu chelou ce mec. Mais j'aime bien les gens chelous de manière générale. Il est un peu sombre, il est un peu réservé. Voilà la première impression. Mais c'est petit à petit que j'ai vu que c'était pas qu'une simple différence, que c'était un réel handicap. Que c'était vraiment compliqué pour lui. Compliqué dans son quotidien avec ses amis à parler. D'ailleurs quand il parle, il faut pas le couper. il y a des petites règles comme ça qu'on essaye d'établir pour lui donner la parole, mais du coup pour lui c'est compliqué de pouvoir s'exprimer. Donc ça, ça n'est arrivé qu'après cette perception de ce handicap.

  • Speaker #3

    Alors que toi, du coup, tu vas t'interdire des trucs par peur de...

  • Speaker #0

    Non, c'est que... Non, j'aime pas, je préfère être seul que... Je préfère être seul que mal accompagné. Quand je fais l'effort que je veux.

  • Speaker #2

    De faire quelque chose, il faut que ça arrive. Non, non,

  • Speaker #0

    quand je fais l'effort d'aller voir une personne.

  • Speaker #2

    Lui m'a déjà dit de ne pas le couper. Moi qui coupe souvent des gens.

  • Speaker #1

    Moi qui parle beaucoup, j'ai la parole facile. Ça me fait un peu redescendre. Et quand ça nous est arrivé, par exemple, de passer une soirée, on n'était que tous les deux. même à discuter de sujets d'art, de musique, de tout, c'est de prendre mon temps. Pourquoi ? Tu vois, c'est pas mon rythme, c'est notre rythme. Donc je m'adapte. Dans ma tête, je dis, laisse-le parler. Laisse-le aller jusqu'à la fin, tu vois.

  • Speaker #2

    Passager J, on est obligé un peu de se taire et d'écouter. Mais c'est apprendre à le laisser finir sa phrase. Apprendre à ne pas essayer de finir sa phrase non plus à sa place. Parce qu'on se trompe une fois sur une presque.

  • Speaker #1

    C'est parfois la bonne parole, c'est ça qui est... Non, non, non, non, c'est... Donc, ou souvent, par exemple, il va plus répondre par message, c'est plus facile. Et là, même les derniers temps, il m'a envoyé un message vocal. Il m'a dit Bravo ! Ou alors, la dernière fois, c'est Tu voudrais qu'on s'appelle ? Ok, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais il y a plein de gens qui pensent qu'on est en couple 12 années. Ah ouais ?

  • Speaker #2

    J'ai l'impression que les parents de Gaëtan l'ont... perçus comme un poids et qui n'ont jamais compris Gaëtan dans ses multiples différences, comme le bégaiement, comme son homosexualité. Ses parents n'ont jamais vraiment compris ces différences. Je pense que son père n'a jamais vraiment posé de questions sur son bégaiement. Sa mère davantage. Mais son père, c'était un truc bizarre et c'est un truc bizarre et on s'arrêta.

  • Speaker #0

    On va savoir pourquoi je peux parler sans aucun bégayage et un moment. Oh là je me casse verbalement la gueule. Là, deux plans d'attaque. Soit je fais comme s'il ne s'était rien passé et je prie pour que ça se passe bien après. Soit, quand je suis face à des personnes qui ne me connaissent pas, je ne fais pas comme s'il y avait un éléphant dans la pièce et je dis, bon, en fait, je ne vous l'ai pas dit, mais j'ai un bégayement. Donc, en toute logique, le mieux, c'est de le dire tout le temps. Souvent, je le fais. C'est que, par exemple, pour des dates, je préviens en amont. Oui, au fait, tu verras, mais j'ai un bégayement.

  • Speaker #2

    Il s'affranchit un petit peu, c'est-à-dire qu'il bégait, mais il s'en fiche. Et ça ne le bloque pas pour communiquer avec autrui. Et ça, c'est plutôt nouveau. Il ose de plus en plus échanger et parler. Il met le pied à l'étrier et il communique de plus en plus, sans avoir peur qu'on le coupe ou qu'on le juge. Avec nous, OK, mais avec les autres aussi. On sent qu'il gravit les marches.

  • Speaker #0

    Il s'est entraîné sans relâche. Il a découvert qu'il aimait rencontrer le public et le faire rire. Ce n'est que le début. Il va répondre à la question Faut-il chercher à décrocher la lune ? Merci d'applaudir chaleureusement Gaëtan. Un beau jour, un amoureux transi, à prononcer ces quelques mots à son ou sa bien-aimée, pour toi, je pourrais te décrocher la lune. Rien de tel que de commencer une relation amoureuse par un bon son.

  • Speaker #2

    Au concours de l'éloquence, il a presque pas bégayé.

  • Speaker #1

    C'est là le tour de force, c'est qu'il a réussi à dire son texte, mais à tenir le public, donc à le faire rire, avoir le rythme. C'est ça qui m'a... Moi je lui ai dit c'est super.

  • Speaker #0

    Décrocher la lune est devenu le slogan des menteurs poétiques, du dépassement de soi et des projets irréalisables. Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, mettez-vous dans la tête une bonne fois pour toutes qu'il y a des choses que vous ne ferez jamais. Par exemple, on ne peut pas se lécher le coude. Il y en a qui essayent, un ici, un là-bas. Qu'est-ce que j'ai dit ? On ne peut pas vivre sans oxygène. Monsieur, n'essayez pas ça non plus. Et surtout, surtout, mes colloques ne jetteront jamais le rouleau devant les toilettes. Jamais. Ce sont trois exemples plus concrets que ça, il n'y a pas, je pense. Mais pourtant, l'humanité se donne toujours des objectifs beaucoup plus hauts, beaucoup plus loin, beaucoup plus forts. Comme le fort Boyard, d'ailleurs. Le 18 janvier 1986, la fusée Challenger décolle. Vous voyez venir. Et après 73 secondes de vol, explose en ne laissant aucun survivant. Et après ça, Amel Bent a osé écrire...

  • Speaker #2

    C'était un peu soudain ce concours. Je crois qu'il l'a découvert assez tardivement. Une fois qu'il l'a découvert, il avait un pied dedans. Les week-ends avant le concours, il le passait un peu tout seul à répéter. On ne savait même pas trop ce qu'il faisait. Et du jour au lendemain, on le voit sur scène en train de gagner un concours. Donc c'était...

  • Speaker #1

    À quand la prochaine scène ?

  • Speaker #0

    J'aurais dû rester terre à terre lorsque mon bégaiement est apparu. A l'époque, j'avais 8 ans. Et il m'est tombé dessus tel une météorite. Une météorite qui tombe sur un enfant de 8 ans. J'ai voulu qu'il disparaisse. Il était en train d'éclipser la personne que j'étais. Alors... Alors, j'ai attendu une semaine, quelques mois, 18 ans. 18 ans à espérer, à m'en vouloir et à m'épuiser pour essayer de le décrocher de moi. Finalement, j'ai compris que je ne pouvais plus parler sans bégayer. En revanche, je peux vous parler. Avec ce bégaiement, en acceptant sa présence et en me détournant de l'illusion d'une parole parfaite, j'ai enfin pu commencer une vie imparfaite mais concrète.

  • Speaker #4

    On arrête l'enregistrement, merci. Est-ce que pour vous, l'entraînement pour le concours a été difficile ? Et est-ce qu'il y a eu des moments où vous avez vraiment pris du plaisir à préparer ce concours ?

  • Speaker #0

    Eh bien, vraiment, c'était aller à 80% du plaisir. Si j'ai passé autant de temps dans ma salle de bain à répéter, répéter, répéter, c'est parce que... Parce que j'aimais vraiment ce que j'étais en train de faire.

  • Speaker #4

    Les progrès se font à la fois sur le plan du contrôle de la parole. Ça, c'est la partie que l'on entend quand on ne bégaye pas. Les progrès se font parce que la parole est plus fluide. Mais également sur le plan du ressenti, du vécu, ce que Gaëtan a accompli. Je suis remplie d'admiration, c'est-à-dire monter sur scène, parler devant tous ces gens qui vous écoutent. C'est très impressionnant. Et ça, ça fait partie des victoires à inscrire, mais qui sont des victoires visibles pour le soir de la finale, mais qui sont parfois invisibles et qui se passent au quotidien, dans le vécu du patient. Et ça, c'est fantastique. Et Gaëtan a, je pense, beaucoup changé entre le moment où on a commencé à se voir et aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Alors j'ai fait la première édition du concours en 2019, donc j'ai fini demi-finaliste et naturellement, bien sûr, j'ai tellement appris que ça m'a paru normal de revenir m'investir dans l'organisation l'année suivante. Donc depuis 2020, je suis dans l'organisation et je m'occupe de tout ce qui est formation pour le concours. Parce qu'en général, les personnes qui bégayent, nous avons du mal à parler de nous. Donc l'intérêt aussi de ce concours, c'est de nous ramener à parler de nous et d'utiliser ce cadre-là, parce que plus on parle de nous, plus on va chercher à s'accepter comme on est. Je m'étais déjà accepté avant avec l'orthophonie, mais je manquais quand même de confiance. Est-ce que... Le concours m'a permis de gagner en confiance en moi-même et surtout sur mes capacités à être un bon communicant malgré les bégaiements.

  • Speaker #2

    Tout à l'heure, je parlais du handicap de Gigi et pour moi, c'est un réel handicap. Je me suis posé la question entre presque être aveugle et bégayer, qu'est-ce qu'elle serait le pire ? Je dirais que c'est pire de bégayer parce que aveugle c'est reconnu. C'est reconnu, t'as un chien, les gens voient que t'es aveugle. Quand tu bégais, tu le sais pas, ça se voit pas sur la tête du juge qui bégait. En fait pour moi c'est vraiment important de communiquer, de parler, et d'être dans l'incapacité. Avec des amis, ça va parce que les amis comprennent, les amis ont l'habitude, prennent le rythme. La parole est une parole fluide et rapide. C'est tellement valorisé dans notre société, même pas valorisé en fait, c'est tellement un attendu. Bégayer, ça doit être horrible, horrible, horrible,

  • Speaker #0

    horrible.

  • Speaker #2

    Au quotidien, dans un travail, c'est pas possible. Il a tenté d'être prof pendant un moment. Impossible d'être prof avec un bégayement dans le 93 ou même ailleurs.

  • Speaker #3

    Et maintenant, je suis professeur. Voilà, je suis professeur Fkibege. Voilà, c'est ça. Bon, avant de commencer, bien sûr, j'ai posé naturellement beaucoup de questions. Est-ce qu'ils vont se moquer de ma manière de parler ? Comment ça va réellement se passer ? Surtout, est-ce que je vais être légitime en tant que professeur Fkibege ? Donc ça, ça a été vraiment la question du début. La première année, ça a été compliqué parce qu'il fallait que j'aie confiance en moi-même. en tant que professeur et surtout que j'arrive à trouver le moyen de gérer ce bégaiement-là. Alors le moyen que j'ai trouvé c'est de parler du bégaiement. Donc maintenant c'est devenu une sorte de routine. Au début de chaque année je parle de mon bégaiement. Alors je leur parle d'abord de ma manière de bégaier parce qu'il y a autant de personnes qui bégaient que de manière de bégaier. les mimiques, les tensions du visage, les clignes des yeux et la tension au niveau du cou et surtout la moite. C'est vraiment la pression, elle est énorme. Plus on le met en lumière et plus on va réussir à vivre en paix avec le bégaiement. d'horreur qu'on cache parce qu'elle arrive tôt ou tard à ressurgir. Et la pression de se demander à quel moment je vais bégayer, c'est vraiment une énergie folle qu'on va dépenser à essayer de gérer. Je me suis rendu compte que les personnes souvent réagissent mal, si on peut dire comme ça, parce qu'elles ne savent pas comment réagir face à nous. Donc, peut-être que c'est à nous de les aider en leur parlant. Aujourd'hui, quand même, je suis professeur, donc la parole est en première ligne. Donc, c'est possible, il y a l'orthophonie, pour moi, c'est super important. L'accès à l'orthophonie, pour moi, ça va être un combat. Ça ne doit pas être quelque chose qui va nous freiner. On peut être un avocat, brillant, être un beg, on peut être un communicant. On peut être un professeur aussi, mais il n'y a pas de limite. Et nous sommes la preuve que tout est possible.

  • Speaker #4

    Quand j'ai commencé à travailler, on demandait à nos patients de changer leur façon de parler du matin jusqu'au soir. On demandait de contrôler sa parole tout le temps et c'était épuisant et en plus culpabilisant. Parce que quand on n'arrivait pas à le faire alors qu'on y passait des heures et des heures d'entraînement, parce que c'est ça l'idée, c'est de s'entraîner et demander un entraînement, quand on n'arrive pas à faire ça, on se dit mais pourquoi moi j'y arrive pas et pourquoi j'arrive pas à changer les choses. Aujourd'hui, c'est pas du tout la même façon de voir les choses. On dit à nos patients... Voilà comment vous pouvez contrôler votre parole, voilà ce que vous pouvez faire pour modifier les choses, mais vous devez le faire à l'envie et en fonction du besoin. Si vous vous sentez bien avec votre parole telle qu'elle est, vous n'avez rien à modifier, c'est très bien comme ça. Et c'est ça le message qu'on essaye de faire passer, c'est vous êtes très bien tel que vous êtes, ne changez rien, mais apprenez à dompter, à informer aussi énormément, beaucoup plus qu'avant sur, ben voilà, oui ça m'arrive de bégayer ou j'ai un bégayement. Et j'attends de vous que vous fassiez ça, ça, ça m'aide ou ça, ça me gêne. Et communiquer et expliquer aux autres, c'est la meilleure des choses à faire.

  • Speaker #0

    Il y a surtout eu un travail d'acceptation. Je ne pouvais pas me sentir libre tant que j'étais en conflit avec... avec ce béaiement. Par exemple, avant, je m'excusais de prendre le temps nécessaire pour faire une phrase. C'est presque un geste politique d'essayer de moins la déformer pour que des gens comprennent ce que c'est, qu'ils voient que non, je ne suis pas bourré, non, je ne suis pas défoncé, il est 14h. Maintenant, je sais que ma parole est telle qu'elle est et elle a le droit d'être telle qu'elle est. Ma parole est telle qu'elle est. J'ai compris ici.

  • Speaker #5

    Merci à Gaëtan pour sa confiance, son temps et sa parole. Merci à Malik, à Riyad et à ses parents, à Caroline Deveau, l'orthophoniste de Gaëtan, à ses amis Renaud et JP. Ma parole telle qu'elle est est un documentaire sonore écrit et réalisé par Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. Composition musicale, réalisation, mixage, Pierre Chaffanjon de Majora Prod. Merci à nos partenaires, l'association Parole Béguément, l'AGFIP, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, et le cabinet Personnalité. Merci à Sophie Héroé de Maison Bavard pour son travail et son implication dans ce projet. Merci à Chloé et Maxence, à Pierrick et Elouan. Et merci à vous pour votre écoute. Si vous avez aimé Ma Parole telle qu'elle est, n'hésitez pas à partager ce documentaire autour de vous.

Chapters

  • 1 - Prologue

    00:00

  • 2 - Enfance

    02:35

  • 3 - Extérieur

    08:05

  • 4 - École

    11:57

  • 5 - Iceberg

    23:18

  • 6 - Mondes intérieurs

    26:43

  • 7 - Amitié

    28:39

  • 8 - Concours d’éloquence

    35:39

  • 9 - Assumer

    42:57

Description

Gaëtan, 28 ans, vit avec un bégaiement depuis l'âge de 8 ans. Ce bégaiement, il l'a honni, caché. Aujourd'hui, il nous raconte le chemin parcouru pour l'accepter. Aux côtés de son orthophoniste, de ses proches et d'autres personnes bègues rencontrées à l'occasion d'un concours d'éloquence du bégaiement qu'il a remporté en 2022, il se bat pour assumer son droit à la parole.


« Ma parole telle qu’elle est », un documentaire sonore de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon


Composition musicale, réalisation, mixage : Pierre Chaffanjon de Majora Prod.


Merci à Gaëtan, Malick, Ryad et ses parents, Caroline Devaux, Renaud et JP.

Merci à nos partenaires : l’Association Parole Bégaiement, l’AGEFIPH (l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion professionnelle des Personnes Handicapées) et le cabinet Personnalité.

Merci à Sophie Herrouet de Maison Bavard pour son travail de communication autour de ce projet.

Et merci à vous pour votre écoute !


Si vous avez aimé ce documentaire sonore, n'hésitez pas à le partager autour de vous !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, je voudrais prendre rendez-vous pour lundi soir. Ok, d'accord. Mardi, ok, super. Est-ce que vous avez de la place à partir de 6h ? Pendant 18 ? Ben ok, super. Alors, je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy, t'as raison. J'ai 26 ans. Et comme vous pouvez l'entendre... j'ai un bégaiement. En général, chaque personne qui est bégaie n'arrive pas à dire son prénom. On ne peut pas trouver un mot qui va à la place de notre prénom. Ma parole telle qu'elle est. Un documentaire de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. J'ai remarqué que la plupart des mots, commençant par A, sont compliqués. Par exemple, j'ai du mal à dire au revoir. au revoir j'ai du mal à le dire et ce que vous pensez tous à ce moment là c'est que oui mais le son c'est haut mais il ya des mots comme ça on sait que ça commence par un A donc on le visualise comme un A et on a du mal à le dire longtemps j'ai pensé que j'étais trop bête pour enfin On m'a fait comprendre que j'étais trop bête parce que je n'arrivais pas à parler correctement alors qu'il y a des enfants de 5 ans qui peuvent faire des phrases sans rayer. Mon médecin de famille nous avait dit que ça allait disparaître en grandissant. et pour certains enfants qui bégayent, c'est le cas. Certains bégayent pendant quelques mois, ils vont voir un orthophoniste et ils ne bégayeront plus de leur vie. Ma mère y a cru, donc elle a dû se dire que ça allait passer, et je croyais aussi. Parce que pendant toute ma vie, j'ai fait l'autruche et j'attendais ce moment promis que oui, un jour ça va disparaître. Mon père, lorsque je baignais, s'énervait et me disait de faire un effort. Et un jour, je devais avoir 21 ans. 21 ou 22 ans, j'ai dû me dire un truc du genre bon bah c'est bien beau tout ça mais j'en ai marre. J'ai fait des recherches sur le sujet. J'ai vu qu'en fait, il y a des gens qui ont mon âge et qui bégayent toujours. Donc là, j'ai commencé à me dire, bon, qu'est-ce que je peux faire ? On va aller voir l'ordophoniste.

  • Speaker #1

    Cher

  • Speaker #2

    Béguément, j'ai réécrit cette lettre des dizaines de fois. Sans trouver, trouver,

  • Speaker #0

    dans ton éduction satisfaisante. M'adresser aux autres à l'oral est déjà une source d'angoisse, et voilà que je découvre que les mots me manquent à l'idée de t'écrire. Aujourd'hui, je m'adresse à toi, comme à une personne, pour te faire exister. Le simple fait d'écrire ton nom me fait grimacer et bégayer. J'ai passé une grande partie de notre cohabitation à faire comme si tu n'existais pas, croyant que mettre un tabou sur ton nom te rendrait moins fort. que tu te vexerais et que tu disparaîtrais aussi subitement que tu es apparu il y a plus de 19 ans aujourd'hui. Avant j'étais un enfant qui parlait librement, comme tous les enfants le font. Et quand j'ai commencé à bégayer, j'ai adopté une posture plus taciturne. Notre confiance en nous est fragilisée, le fait qu'on a honte. J'ai peur d'être jugé sur tout.

  • Speaker #2

    Où est-ce que c'est ? C'est là, quand j'étais... On y va ensemble, là ? J'ai essayé, c'est ça ? On fait pareil, je commence avec vous et puis vous continuez tout seul. Si jamais vous avez besoin, on refait une pause et on recommence ensemble. J'ai essayé de te voir comme quelque chose de mignon et j'ai cherché ce que tu m'avais apporté.

  • Speaker #0

    Je te le promets, mais je n'y arrive pas. Au moment où tu es arrivé dans ma vie, tu as tué celui que j'aurais pu être. et fais naître celui qui est écrit aujourd'hui. J'ignore si je pourrais te le pardonner un jour. Téléphoner pour prendre un quelconque rendez-vous ? Hors de question. Pas de cinéma ou de McDo si les bornes sont en panne. Pas de rencontres dans les bars, pas de vie amoureuse. Le bégaiement, c'est un problème neurologique qui fait que le cerveau envoie les mauvaises impulsions électriques aux mauvais muscles. Ce qui fait que lorsque je veux parler, il y a les mauvais muscles qui vont se mettre en action. À chaque fois ? Tous ces tics faciaux, tous ces sons en fait. À chaque fois ? Que je n'ai pas envie de produire. à chaque fois qu'ils sortent quand même, que je pense un mot, mon corps est véritablement tordu par mon égaiement. C'est-à-dire que je tremble. J'ai le regard fuyant, je rougis, j'ai chaud, je me passe la main dans les cheveux, j'ai toujours une espèce de boule derrière le sternum, j'ai ma mâchoire qui va se serrer, j'ai ma gorge qui va se serrer, je vais avoir des tics faciaux. Je mime aussi ce que je veux dire. J'ai mon regard qui se bloque. Je me tortille sur ma chaise. Et ça, c'est ce qu'on voit. Frustration. Alors moi je suis technicien de préservation des collections du patrimoine. Le titre a rallongé, je pourrais pas se le tibéguer au secours. J'exécute toutes les actions qui font que les œuvres d'art ne vont pas s'endommager plus qu'elles ne le sont déjà. Et bien souvent c'est vrai que je suis dans des réserves à plusieurs étages. étage sous terre, où il n'y a strictement personne, et ça me va très bien.

  • Speaker #2

    Bonjour, je m'appelle Caroline Deveau, je suis orthophoniste et je travaille dans le 14e, et je me suis spécialisée dans les troubles de l'affluence. Un jour, quand j'ai fait une formation, on était 22 orthophonistes et il y a la directrice de la formation qui a dit, donc on était toutes là pour se former sur le bégaiement, et elle a dit mais est-ce que vous êtes touchés dans votre entourage par le bégaiement ? Je crois qu'il y en a 20 qui ont levé la main en disant on est touchés par le bégaiement dans nos propres familles Donc je pense qu'il y a quelque chose de l'ordre de réparer quelque chose qui a touché nos familles, avec la difficulté d'en parler. Mon grand-père, il savait que j'étais orthophonie spécialiste dans le bégaiement. On n'a jamais abordé la question.

  • Speaker #3

    Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été bég. Mes parents disent que j'ai commencé vers 3 ans. Tous mes souvenirs sont liés au bégayement. Je suis Malik Ndiaye, j'ai 38 ans. Je suis né au Sénégal, donc j'ai grandi là-bas et je suis arrivé en France en tant qu'étudiant. Je viens d'une famille de personnes qui bégayent. Dans ma famille, il y a surtout des hommes, des grands-parents, des oncles. J'ai également un frère qui bégait comme moi. Et mes parents disaient que j'imitais mon frère qui bégait à l'époque. Donc c'est vrai que chez moi, on ne parlait pas beaucoup du bégayement. Je l'ai vécu de manière très mal déjà et je pense que je ne l'avais pas accepté. Les moments où je bégaye, c'est vraiment la fatigue. La fatigue et le stress et l'énervement. Et en général, il n'y a aucun mot qui sort. Donc je peux rester bloqué pendant une demi-heure, le temps de reprendre mon souffle. Les moqueries, je pense que ce sont des schémas. que beaucoup de personnes qui bégayent, je pense qu'ils ont rencontré. Les autres se moquaient de moi, de ma manière de parler. Donc soit tu joues le jeu, c'est l'autodérision, ou bien comme moi, tu le... Je les vis très mal.

  • Speaker #0

    J'étais en scène quand mon bégaiement est apparu. Et là, on commençait des moqueries, du harcèlement.

  • Speaker #3

    Les simples faits de lever la main, demander un... un effort important.

  • Speaker #0

    En classe, je ne participais pas parce que je ne voulais pas que je faisais tout pour ne pas l'évaluer. Que ça s'entende. Si on avait un exposé à faire,

  • Speaker #3

    les souvenirs les plus douloureux,

  • Speaker #0

    c'est vraiment ou si je devais lire un texte lors des récitations de poésie, eh bien mes professeurs me faisaient lire.

  • Speaker #3

    Des rires, des poufs.

  • Speaker #0

    Si la consigne c'était de faire moins de 10 minutes, et on me disait t'avais plus de 10 minutes, tu ne rentres pas devant le barème

  • Speaker #3

    Ouais, des rires étouffés.

  • Speaker #0

    Ben non, je ne rentre pas devant le barème, vu qu'il est fait pour des personnes qui ne sont pas handicapées.

  • Speaker #3

    Ce qui est très dur, c'est le silence qu'on peut avoir dans la classe sans avoir une aide de l'enseignant. Tu ne te proposes pas les mots qui te laissent dans ta souffrance du moment. Ce qui est frustrant, c'est que tu as la réponse, tu sais ce que tu veux dire, c'est clair dans ta tête. Tu as des réponses, des répliques, sauf que tu n'y arrives pas.

  • Speaker #1

    Un garçon gentil et... Faire attention aux autres, mais quand ils parlent, des fois ils bégayent. Ah, ça tourne ! Je m'appelle Riyad, j'ai 9 ans. Quand j'étais petit, j'avais 8 ans, j'étais en train de dessiner. Un moment, je parlais à mon père, je ne sais plus ce que je lui disais, mais à un moment, j'ai bégayé, il a vu que j'avais bégayé, du coup après il m'a emmené chez l'orthophoniste. Et c'est à ce moment-là qu'on a pris des rendez-vous avec mon enseigneur de tennis, quand on habitait à côté de Bordeaux. Oui, je n'arrivais pas à sortir les mots, les mots, ils ne voulaient pas sortir. Quand je veux dire merci à mes copains, je n'y arrive pas, à l'école. Et depuis, maintenant, j'ai déménagé à Paris. Maintenant, à l'école, ça se passe bien. Hier, quand je voulais dire merci à ma maîtresse, j'y arrivais pas. Et après, elle m'a dit d'en parler à mon orthophoniste. J'avais pris un livre pour le ramener chez moi, parce qu'elle m'avait autorisé. Et après, elle m'a dit de rien pour que je lui dise merci. Et après, je bégayais pour lui dire merci. Du coup, elle m'a dit, t'inquiète pas, prends ton temps. Et après, j'ai recommencé. Mais elle m'a dit, bon, c'est pas grave, tu peux en parler à ton orthophoniste. Il y a juste des fois où je bloque. Mais il y a plus de fois où j'arrive à le dire. Merci. Enfin, il y a beaucoup de choses que je n'arrive pas à dire. Bonjour. D'abord, il y a le B que je n'arrive pas à dire. Et après, un moment, deux secondes après, ça ressort tout seul. C'est des mots de politesse. Je n'ai pas envie d'être mal poli si je ne dis pas merci et bonjour. Parce que je bégaye trop avec ça. C'est ma mère qui sait mieux que moi en fait. Quand il va commencer à parler, la première phrase, le premier mot qu'il va lui dire, il bloque, ça bloque. Le premier. Oui enfin c'est le premier, le premier mot, la première. Voilà, le premier. Même des fois, s'il est tout seul, il parle dans sa chambre comme ça, s'il joue et tout ça, il est bégui. Oui. C'est tout le temps en fait. Oui c'est tout le temps. J'ai pas envie d'en parler dans l'absolu avec personne. Je trouve ce sujet secret. Ça me gêne de le dire à mes copains. Ça me gêne beaucoup. Parce que j'ai pas envie qu'ils le sachent. J'ai cinq copains. Je les connais depuis que je suis dans cette école. Ils savent rien. C'est ma maîtresse qui a compris tout seul. que je bégayais. Je suis en classe de 7 ans. Dans ma classe, il n'y a personne qui bégaye, il n'y a que moi. On ne s'est pas moqué de moi. Parce qu'en fait, dans mon école, les enfants ne savaient pas que je bégayais. Ils ne voyaient pas clairement que je bégayais. Et là, je pense aussi que c'est pareil. Un jour j'ai fait un exposé sur Hollywood et j'ai pas bégayé. Parce que j'aime pas les exposés, c'était juste cette fois, je voulais tenter ma chance, et j'ai réussi, mais maintenant ça me tente plus de le faire, de refaire un autre. Parce que je me suis desté, j'ai réussi, je prouvais que j'étais capable, et maintenant je sais que je peux refaire un autre, sauf que j'ai pas envie, parce que j'étais vraiment très stercé. Même si je n'ai pas bégayé, je me suis dit que la deuxième fois que je ferais un exposé, j'allais bégayer. Du coup, c'est pour ça. C'est pour ça que je ne voulais pas en faire un deuxième. Ça me gêne. Et je pense que ça va aussi gêner les autres pendant l'exposé. Parce que je pense qu'ils n'aiment pas quand je bégaye les enfants dans ma classe. Parce que de toute façon, je vais les calmer si ils se moquent de moi. Je dirais, toi, si tu avais un bégaiement, je ne t'aimerais pas que je me moque de toi, alors tu vas te calmer. Je pense que quand je serai en CM2, ça ne va pas s'arrêter, mais quand je serai en 6e, je pense que ça va commencer à s'améliorer pour que ça s'enlève, pour que ça parte. Parce que moi, ça me gêne de bégayer, j'ai pas envie de bégayer. Ah, avec le bégayement, je ressens de la tristesse et du malheur. C'est pas normal, là,

  • Speaker #2

    c'est trop pire.

  • Speaker #1

    Si tu bégues,

  • Speaker #2

    ça te fait rien.

  • Speaker #1

    C'est pas grave. C'est pas grave. Pourquoi tu dis ça ? Parce que c'est la vérité. Je trouve que c'est normal. Il faut prendre le temps. Il faut vraiment prendre son temps et parler comme il peut. C'est pas grave, c'est ébigué. Pour moi, c'est un problème parce que... Parce que moi je trouve ça nul le bégaiement, je trouve ça dégueu en fait, nul et ça gaspille ma parole. Je veux que ça parte. Je pourrais plus parler à un moment, si je bégaie trop, je pense que je pourrais plus parler. J'ai peur qu'il y a d'autres mots où je bégaie. Car pas que merci et bonjour. J'en ai marre en fait. J'en ai marre.

  • Speaker #0

    Vous qui m'écoutez, bégayer, c'est un verbe intransitif. Je bégaye, c'est moi qui fais l'action. Si c'est moi qui fais l'action, eh bien c'est de ma faute. Je bégaye, non, en fait, il y a quelque chose qui me fait bégayer. Comme quand on dit je suis bég si on analyse cette phrase mot à mot, Je suis bég, mon identité se limite à ça. Je suis bég, c'est moi. Le bégayement, c'est moi.

  • Speaker #2

    Finalement, dans les choses que je répète souvent à mes patients, c'est l'idée d'avoir en tête que le bégayement, il a deux facettes. Il y a autant les disfluences, mais il y a tout le ressenti de la personne qui est... beaucoup plus important encore, je trouve, que les disfluences. Il faut prendre en compte les deux. Est-ce que vous voulez faire le... Moi, ça me plaît de faire l'iceberg aujourd'hui pour voir ce que vous ressentez.

  • Speaker #0

    Donc la partie supérieure. On bat toujours la répétition.

  • Speaker #2

    Au début de la rééducation, ça m'arrive très souvent de proposer cet exercice. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est un exercice classique pour les orthophonistes. pour lequel la personne va écrire à la fois ce que l'on entend et ce que l'on voit de son bégaiement, mais ce qu'il y a à l'intérieur d'elle.

  • Speaker #0

    Une pétition, le regard fixe.

  • Speaker #2

    La quantité des disfluences, vous pensez qu'elle est identique à avant ? Alors, c'est une feuille sur laquelle on dessine un iceberg avec une ligne de flottaison. Moi, je dessine juste les contours de l'iceberg, mais j'ai des très beaux icebergs vides en photo. Je ne suis jamais sortie, mais j'en ai. Et l'idée, c'est que le patient écrive tout ce qu'il a envie d'écrire en haut dans la partie vide et en bas dans la partie vide. C'est une métaphore par rapport au bégaiement. Il y a ce que l'on entend et ce que l'on voit comme la partie émergée de l'iceberg, la partie qui dépasse, qui correspondrait aux répétitions de la parole, au blocage, aux crispations, à toutes les hésitations que l'on peut entendre. Tout ce qui représente la partie cachée de l'iceberg, c'est-à-dire les émotions, ce que la personne ressent, avec des sentiments qui peuvent être la honte, la culpabilité, la gêne, la colère, la frustration très souvent, qui sont des sentiments qui sont la plupart du temps partagés par toutes les personnes qui bégayent. Mais comme ces sentiments ne se voient pas ou ne s'entendent pas, c'est caché et c'est rarement partagé. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est les orthophonistes en général. c'est de faire fondre l'iceberg, de s'occuper à la fois de ce que l'on entend et de ce que l'on voit, mais également de ce que la personne ressent. Et raser seulement la partie du dessus, ça n'a pas autant d'intérêt que de s'occuper de faire fondre la totalité de l'iceberg.

  • Speaker #1

    Là, c'est Kid Danger. Kid Danger, c'est un super-héros dans la série Henry Danger. Il a des gants rouges et noirs. Enfin là, je n'ai pas encore colorié, mais il ressemble à ça. Et ça, c'est Haaland. C'est un joueur de foot norvégien. Enfin, c'est tous des dessins que j'ai faits il y a quelques jours. Ça, c'est... J'ai juste marqué dessin en anglais parce qu'à chaque fois je marque dessin en anglais. Je marque drawing parce que j'ai la flemme de marquer en français. Du coup je marque en anglais.

  • Speaker #0

    Une grande partie de mon adolescence je l'ai passée seule avec mon ordinateur. J'ai eu beaucoup de relations avec des personnes que je n'ai jamais vues, mais avec qui je conversais par écriture et sur MSN. C'était ça à l'époque. J'avais pas de limites et j'étais comme les autres. On écrivait, on faisait ce qu'on appelle des fanfictions. Donc ça c'est quand on réalise une fiction à partir d'un univers qui est déjà créé. J'écrivais sur Naruto à l'époque et donc j'ai développé un vrai goût pour l'écriture. C'était génial parce que je pouvais dire absolument tout ce que je voulais et je pouvais passer pour une personne normale, une personne comme les autres. Alors ? Le charme ici. Ah ouais c'est vrai que ça y va.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #2

    Quand tu rencontres toi un mec,

  • Speaker #3

    je sais plus,

  • Speaker #2

    et que ça se passe pas comme tu l'imaginerais avec le mec, et ben là tu l'as acté, bien sûr que ça te fait chier, au fond toi, mais au final, allez c'est pas grave c'est parti pour autre chose, nan nan nan.

  • Speaker #0

    Mais c'est ce que j'étais en train de te raconter, c'est que... C'est que ça ne s'est pas passé comme...

  • Speaker #1

    Moi c'est Jean-Pierre, DJB, et j'ai rencontré Gaëtan ici, depuis, ça a collé. À cette soirée, on était assis, il y avait plein de monde, il y avait peut-être 6-8 personnes que je connaissais à peu près. Et puis je l'ai vu, il était assis sur une espèce de fauteuil rouge comme ça. Il m'a touché. J'ai regardé, je me suis dit, tiens, je sens qu'il a quelque chose en plus que les autres.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a déconstruisé vraiment... Quoi ? De l'amour. Enfin, le thème des épisodes, c'était l'amour.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Renaud. J'ai rencontré Gigi pour la première fois sur une application de rencontre. On n'a jamais eu d'histoire. Ça a toujours été amical. Et la première impression c'est, il est un peu chelou ce mec. Mais j'aime bien les gens chelous de manière générale. Il est un peu sombre, il est un peu réservé. Voilà la première impression. Mais c'est petit à petit que j'ai vu que c'était pas qu'une simple différence, que c'était un réel handicap. Que c'était vraiment compliqué pour lui. Compliqué dans son quotidien avec ses amis à parler. D'ailleurs quand il parle, il faut pas le couper. il y a des petites règles comme ça qu'on essaye d'établir pour lui donner la parole, mais du coup pour lui c'est compliqué de pouvoir s'exprimer. Donc ça, ça n'est arrivé qu'après cette perception de ce handicap.

  • Speaker #3

    Alors que toi, du coup, tu vas t'interdire des trucs par peur de...

  • Speaker #0

    Non, c'est que... Non, j'aime pas, je préfère être seul que... Je préfère être seul que mal accompagné. Quand je fais l'effort que je veux.

  • Speaker #2

    De faire quelque chose, il faut que ça arrive. Non, non,

  • Speaker #0

    quand je fais l'effort d'aller voir une personne.

  • Speaker #2

    Lui m'a déjà dit de ne pas le couper. Moi qui coupe souvent des gens.

  • Speaker #1

    Moi qui parle beaucoup, j'ai la parole facile. Ça me fait un peu redescendre. Et quand ça nous est arrivé, par exemple, de passer une soirée, on n'était que tous les deux. même à discuter de sujets d'art, de musique, de tout, c'est de prendre mon temps. Pourquoi ? Tu vois, c'est pas mon rythme, c'est notre rythme. Donc je m'adapte. Dans ma tête, je dis, laisse-le parler. Laisse-le aller jusqu'à la fin, tu vois.

  • Speaker #2

    Passager J, on est obligé un peu de se taire et d'écouter. Mais c'est apprendre à le laisser finir sa phrase. Apprendre à ne pas essayer de finir sa phrase non plus à sa place. Parce qu'on se trompe une fois sur une presque.

  • Speaker #1

    C'est parfois la bonne parole, c'est ça qui est... Non, non, non, non, c'est... Donc, ou souvent, par exemple, il va plus répondre par message, c'est plus facile. Et là, même les derniers temps, il m'a envoyé un message vocal. Il m'a dit Bravo ! Ou alors, la dernière fois, c'est Tu voudrais qu'on s'appelle ? Ok, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais il y a plein de gens qui pensent qu'on est en couple 12 années. Ah ouais ?

  • Speaker #2

    J'ai l'impression que les parents de Gaëtan l'ont... perçus comme un poids et qui n'ont jamais compris Gaëtan dans ses multiples différences, comme le bégaiement, comme son homosexualité. Ses parents n'ont jamais vraiment compris ces différences. Je pense que son père n'a jamais vraiment posé de questions sur son bégaiement. Sa mère davantage. Mais son père, c'était un truc bizarre et c'est un truc bizarre et on s'arrêta.

  • Speaker #0

    On va savoir pourquoi je peux parler sans aucun bégayage et un moment. Oh là je me casse verbalement la gueule. Là, deux plans d'attaque. Soit je fais comme s'il ne s'était rien passé et je prie pour que ça se passe bien après. Soit, quand je suis face à des personnes qui ne me connaissent pas, je ne fais pas comme s'il y avait un éléphant dans la pièce et je dis, bon, en fait, je ne vous l'ai pas dit, mais j'ai un bégayement. Donc, en toute logique, le mieux, c'est de le dire tout le temps. Souvent, je le fais. C'est que, par exemple, pour des dates, je préviens en amont. Oui, au fait, tu verras, mais j'ai un bégayement.

  • Speaker #2

    Il s'affranchit un petit peu, c'est-à-dire qu'il bégait, mais il s'en fiche. Et ça ne le bloque pas pour communiquer avec autrui. Et ça, c'est plutôt nouveau. Il ose de plus en plus échanger et parler. Il met le pied à l'étrier et il communique de plus en plus, sans avoir peur qu'on le coupe ou qu'on le juge. Avec nous, OK, mais avec les autres aussi. On sent qu'il gravit les marches.

  • Speaker #0

    Il s'est entraîné sans relâche. Il a découvert qu'il aimait rencontrer le public et le faire rire. Ce n'est que le début. Il va répondre à la question Faut-il chercher à décrocher la lune ? Merci d'applaudir chaleureusement Gaëtan. Un beau jour, un amoureux transi, à prononcer ces quelques mots à son ou sa bien-aimée, pour toi, je pourrais te décrocher la lune. Rien de tel que de commencer une relation amoureuse par un bon son.

  • Speaker #2

    Au concours de l'éloquence, il a presque pas bégayé.

  • Speaker #1

    C'est là le tour de force, c'est qu'il a réussi à dire son texte, mais à tenir le public, donc à le faire rire, avoir le rythme. C'est ça qui m'a... Moi je lui ai dit c'est super.

  • Speaker #0

    Décrocher la lune est devenu le slogan des menteurs poétiques, du dépassement de soi et des projets irréalisables. Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, mettez-vous dans la tête une bonne fois pour toutes qu'il y a des choses que vous ne ferez jamais. Par exemple, on ne peut pas se lécher le coude. Il y en a qui essayent, un ici, un là-bas. Qu'est-ce que j'ai dit ? On ne peut pas vivre sans oxygène. Monsieur, n'essayez pas ça non plus. Et surtout, surtout, mes colloques ne jetteront jamais le rouleau devant les toilettes. Jamais. Ce sont trois exemples plus concrets que ça, il n'y a pas, je pense. Mais pourtant, l'humanité se donne toujours des objectifs beaucoup plus hauts, beaucoup plus loin, beaucoup plus forts. Comme le fort Boyard, d'ailleurs. Le 18 janvier 1986, la fusée Challenger décolle. Vous voyez venir. Et après 73 secondes de vol, explose en ne laissant aucun survivant. Et après ça, Amel Bent a osé écrire...

  • Speaker #2

    C'était un peu soudain ce concours. Je crois qu'il l'a découvert assez tardivement. Une fois qu'il l'a découvert, il avait un pied dedans. Les week-ends avant le concours, il le passait un peu tout seul à répéter. On ne savait même pas trop ce qu'il faisait. Et du jour au lendemain, on le voit sur scène en train de gagner un concours. Donc c'était...

  • Speaker #1

    À quand la prochaine scène ?

  • Speaker #0

    J'aurais dû rester terre à terre lorsque mon bégaiement est apparu. A l'époque, j'avais 8 ans. Et il m'est tombé dessus tel une météorite. Une météorite qui tombe sur un enfant de 8 ans. J'ai voulu qu'il disparaisse. Il était en train d'éclipser la personne que j'étais. Alors... Alors, j'ai attendu une semaine, quelques mois, 18 ans. 18 ans à espérer, à m'en vouloir et à m'épuiser pour essayer de le décrocher de moi. Finalement, j'ai compris que je ne pouvais plus parler sans bégayer. En revanche, je peux vous parler. Avec ce bégaiement, en acceptant sa présence et en me détournant de l'illusion d'une parole parfaite, j'ai enfin pu commencer une vie imparfaite mais concrète.

  • Speaker #4

    On arrête l'enregistrement, merci. Est-ce que pour vous, l'entraînement pour le concours a été difficile ? Et est-ce qu'il y a eu des moments où vous avez vraiment pris du plaisir à préparer ce concours ?

  • Speaker #0

    Eh bien, vraiment, c'était aller à 80% du plaisir. Si j'ai passé autant de temps dans ma salle de bain à répéter, répéter, répéter, c'est parce que... Parce que j'aimais vraiment ce que j'étais en train de faire.

  • Speaker #4

    Les progrès se font à la fois sur le plan du contrôle de la parole. Ça, c'est la partie que l'on entend quand on ne bégaye pas. Les progrès se font parce que la parole est plus fluide. Mais également sur le plan du ressenti, du vécu, ce que Gaëtan a accompli. Je suis remplie d'admiration, c'est-à-dire monter sur scène, parler devant tous ces gens qui vous écoutent. C'est très impressionnant. Et ça, ça fait partie des victoires à inscrire, mais qui sont des victoires visibles pour le soir de la finale, mais qui sont parfois invisibles et qui se passent au quotidien, dans le vécu du patient. Et ça, c'est fantastique. Et Gaëtan a, je pense, beaucoup changé entre le moment où on a commencé à se voir et aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Alors j'ai fait la première édition du concours en 2019, donc j'ai fini demi-finaliste et naturellement, bien sûr, j'ai tellement appris que ça m'a paru normal de revenir m'investir dans l'organisation l'année suivante. Donc depuis 2020, je suis dans l'organisation et je m'occupe de tout ce qui est formation pour le concours. Parce qu'en général, les personnes qui bégayent, nous avons du mal à parler de nous. Donc l'intérêt aussi de ce concours, c'est de nous ramener à parler de nous et d'utiliser ce cadre-là, parce que plus on parle de nous, plus on va chercher à s'accepter comme on est. Je m'étais déjà accepté avant avec l'orthophonie, mais je manquais quand même de confiance. Est-ce que... Le concours m'a permis de gagner en confiance en moi-même et surtout sur mes capacités à être un bon communicant malgré les bégaiements.

  • Speaker #2

    Tout à l'heure, je parlais du handicap de Gigi et pour moi, c'est un réel handicap. Je me suis posé la question entre presque être aveugle et bégayer, qu'est-ce qu'elle serait le pire ? Je dirais que c'est pire de bégayer parce que aveugle c'est reconnu. C'est reconnu, t'as un chien, les gens voient que t'es aveugle. Quand tu bégais, tu le sais pas, ça se voit pas sur la tête du juge qui bégait. En fait pour moi c'est vraiment important de communiquer, de parler, et d'être dans l'incapacité. Avec des amis, ça va parce que les amis comprennent, les amis ont l'habitude, prennent le rythme. La parole est une parole fluide et rapide. C'est tellement valorisé dans notre société, même pas valorisé en fait, c'est tellement un attendu. Bégayer, ça doit être horrible, horrible, horrible,

  • Speaker #0

    horrible.

  • Speaker #2

    Au quotidien, dans un travail, c'est pas possible. Il a tenté d'être prof pendant un moment. Impossible d'être prof avec un bégayement dans le 93 ou même ailleurs.

  • Speaker #3

    Et maintenant, je suis professeur. Voilà, je suis professeur Fkibege. Voilà, c'est ça. Bon, avant de commencer, bien sûr, j'ai posé naturellement beaucoup de questions. Est-ce qu'ils vont se moquer de ma manière de parler ? Comment ça va réellement se passer ? Surtout, est-ce que je vais être légitime en tant que professeur Fkibege ? Donc ça, ça a été vraiment la question du début. La première année, ça a été compliqué parce qu'il fallait que j'aie confiance en moi-même. en tant que professeur et surtout que j'arrive à trouver le moyen de gérer ce bégaiement-là. Alors le moyen que j'ai trouvé c'est de parler du bégaiement. Donc maintenant c'est devenu une sorte de routine. Au début de chaque année je parle de mon bégaiement. Alors je leur parle d'abord de ma manière de bégaier parce qu'il y a autant de personnes qui bégaient que de manière de bégaier. les mimiques, les tensions du visage, les clignes des yeux et la tension au niveau du cou et surtout la moite. C'est vraiment la pression, elle est énorme. Plus on le met en lumière et plus on va réussir à vivre en paix avec le bégaiement. d'horreur qu'on cache parce qu'elle arrive tôt ou tard à ressurgir. Et la pression de se demander à quel moment je vais bégayer, c'est vraiment une énergie folle qu'on va dépenser à essayer de gérer. Je me suis rendu compte que les personnes souvent réagissent mal, si on peut dire comme ça, parce qu'elles ne savent pas comment réagir face à nous. Donc, peut-être que c'est à nous de les aider en leur parlant. Aujourd'hui, quand même, je suis professeur, donc la parole est en première ligne. Donc, c'est possible, il y a l'orthophonie, pour moi, c'est super important. L'accès à l'orthophonie, pour moi, ça va être un combat. Ça ne doit pas être quelque chose qui va nous freiner. On peut être un avocat, brillant, être un beg, on peut être un communicant. On peut être un professeur aussi, mais il n'y a pas de limite. Et nous sommes la preuve que tout est possible.

  • Speaker #4

    Quand j'ai commencé à travailler, on demandait à nos patients de changer leur façon de parler du matin jusqu'au soir. On demandait de contrôler sa parole tout le temps et c'était épuisant et en plus culpabilisant. Parce que quand on n'arrivait pas à le faire alors qu'on y passait des heures et des heures d'entraînement, parce que c'est ça l'idée, c'est de s'entraîner et demander un entraînement, quand on n'arrive pas à faire ça, on se dit mais pourquoi moi j'y arrive pas et pourquoi j'arrive pas à changer les choses. Aujourd'hui, c'est pas du tout la même façon de voir les choses. On dit à nos patients... Voilà comment vous pouvez contrôler votre parole, voilà ce que vous pouvez faire pour modifier les choses, mais vous devez le faire à l'envie et en fonction du besoin. Si vous vous sentez bien avec votre parole telle qu'elle est, vous n'avez rien à modifier, c'est très bien comme ça. Et c'est ça le message qu'on essaye de faire passer, c'est vous êtes très bien tel que vous êtes, ne changez rien, mais apprenez à dompter, à informer aussi énormément, beaucoup plus qu'avant sur, ben voilà, oui ça m'arrive de bégayer ou j'ai un bégayement. Et j'attends de vous que vous fassiez ça, ça, ça m'aide ou ça, ça me gêne. Et communiquer et expliquer aux autres, c'est la meilleure des choses à faire.

  • Speaker #0

    Il y a surtout eu un travail d'acceptation. Je ne pouvais pas me sentir libre tant que j'étais en conflit avec... avec ce béaiement. Par exemple, avant, je m'excusais de prendre le temps nécessaire pour faire une phrase. C'est presque un geste politique d'essayer de moins la déformer pour que des gens comprennent ce que c'est, qu'ils voient que non, je ne suis pas bourré, non, je ne suis pas défoncé, il est 14h. Maintenant, je sais que ma parole est telle qu'elle est et elle a le droit d'être telle qu'elle est. Ma parole est telle qu'elle est. J'ai compris ici.

  • Speaker #5

    Merci à Gaëtan pour sa confiance, son temps et sa parole. Merci à Malik, à Riyad et à ses parents, à Caroline Deveau, l'orthophoniste de Gaëtan, à ses amis Renaud et JP. Ma parole telle qu'elle est est un documentaire sonore écrit et réalisé par Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. Composition musicale, réalisation, mixage, Pierre Chaffanjon de Majora Prod. Merci à nos partenaires, l'association Parole Béguément, l'AGFIP, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, et le cabinet Personnalité. Merci à Sophie Héroé de Maison Bavard pour son travail et son implication dans ce projet. Merci à Chloé et Maxence, à Pierrick et Elouan. Et merci à vous pour votre écoute. Si vous avez aimé Ma Parole telle qu'elle est, n'hésitez pas à partager ce documentaire autour de vous.

Chapters

  • 1 - Prologue

    00:00

  • 2 - Enfance

    02:35

  • 3 - Extérieur

    08:05

  • 4 - École

    11:57

  • 5 - Iceberg

    23:18

  • 6 - Mondes intérieurs

    26:43

  • 7 - Amitié

    28:39

  • 8 - Concours d’éloquence

    35:39

  • 9 - Assumer

    42:57

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Description

Gaëtan, 28 ans, vit avec un bégaiement depuis l'âge de 8 ans. Ce bégaiement, il l'a honni, caché. Aujourd'hui, il nous raconte le chemin parcouru pour l'accepter. Aux côtés de son orthophoniste, de ses proches et d'autres personnes bègues rencontrées à l'occasion d'un concours d'éloquence du bégaiement qu'il a remporté en 2022, il se bat pour assumer son droit à la parole.


« Ma parole telle qu’elle est », un documentaire sonore de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon


Composition musicale, réalisation, mixage : Pierre Chaffanjon de Majora Prod.


Merci à Gaëtan, Malick, Ryad et ses parents, Caroline Devaux, Renaud et JP.

Merci à nos partenaires : l’Association Parole Bégaiement, l’AGEFIPH (l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion professionnelle des Personnes Handicapées) et le cabinet Personnalité.

Merci à Sophie Herrouet de Maison Bavard pour son travail de communication autour de ce projet.

Et merci à vous pour votre écoute !


Si vous avez aimé ce documentaire sonore, n'hésitez pas à le partager autour de vous !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, je voudrais prendre rendez-vous pour lundi soir. Ok, d'accord. Mardi, ok, super. Est-ce que vous avez de la place à partir de 6h ? Pendant 18 ? Ben ok, super. Alors, je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy, t'as raison. J'ai 26 ans. Et comme vous pouvez l'entendre... j'ai un bégaiement. En général, chaque personne qui est bégaie n'arrive pas à dire son prénom. On ne peut pas trouver un mot qui va à la place de notre prénom. Ma parole telle qu'elle est. Un documentaire de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. J'ai remarqué que la plupart des mots, commençant par A, sont compliqués. Par exemple, j'ai du mal à dire au revoir. au revoir j'ai du mal à le dire et ce que vous pensez tous à ce moment là c'est que oui mais le son c'est haut mais il ya des mots comme ça on sait que ça commence par un A donc on le visualise comme un A et on a du mal à le dire longtemps j'ai pensé que j'étais trop bête pour enfin On m'a fait comprendre que j'étais trop bête parce que je n'arrivais pas à parler correctement alors qu'il y a des enfants de 5 ans qui peuvent faire des phrases sans rayer. Mon médecin de famille nous avait dit que ça allait disparaître en grandissant. et pour certains enfants qui bégayent, c'est le cas. Certains bégayent pendant quelques mois, ils vont voir un orthophoniste et ils ne bégayeront plus de leur vie. Ma mère y a cru, donc elle a dû se dire que ça allait passer, et je croyais aussi. Parce que pendant toute ma vie, j'ai fait l'autruche et j'attendais ce moment promis que oui, un jour ça va disparaître. Mon père, lorsque je baignais, s'énervait et me disait de faire un effort. Et un jour, je devais avoir 21 ans. 21 ou 22 ans, j'ai dû me dire un truc du genre bon bah c'est bien beau tout ça mais j'en ai marre. J'ai fait des recherches sur le sujet. J'ai vu qu'en fait, il y a des gens qui ont mon âge et qui bégayent toujours. Donc là, j'ai commencé à me dire, bon, qu'est-ce que je peux faire ? On va aller voir l'ordophoniste.

  • Speaker #1

    Cher

  • Speaker #2

    Béguément, j'ai réécrit cette lettre des dizaines de fois. Sans trouver, trouver,

  • Speaker #0

    dans ton éduction satisfaisante. M'adresser aux autres à l'oral est déjà une source d'angoisse, et voilà que je découvre que les mots me manquent à l'idée de t'écrire. Aujourd'hui, je m'adresse à toi, comme à une personne, pour te faire exister. Le simple fait d'écrire ton nom me fait grimacer et bégayer. J'ai passé une grande partie de notre cohabitation à faire comme si tu n'existais pas, croyant que mettre un tabou sur ton nom te rendrait moins fort. que tu te vexerais et que tu disparaîtrais aussi subitement que tu es apparu il y a plus de 19 ans aujourd'hui. Avant j'étais un enfant qui parlait librement, comme tous les enfants le font. Et quand j'ai commencé à bégayer, j'ai adopté une posture plus taciturne. Notre confiance en nous est fragilisée, le fait qu'on a honte. J'ai peur d'être jugé sur tout.

  • Speaker #2

    Où est-ce que c'est ? C'est là, quand j'étais... On y va ensemble, là ? J'ai essayé, c'est ça ? On fait pareil, je commence avec vous et puis vous continuez tout seul. Si jamais vous avez besoin, on refait une pause et on recommence ensemble. J'ai essayé de te voir comme quelque chose de mignon et j'ai cherché ce que tu m'avais apporté.

  • Speaker #0

    Je te le promets, mais je n'y arrive pas. Au moment où tu es arrivé dans ma vie, tu as tué celui que j'aurais pu être. et fais naître celui qui est écrit aujourd'hui. J'ignore si je pourrais te le pardonner un jour. Téléphoner pour prendre un quelconque rendez-vous ? Hors de question. Pas de cinéma ou de McDo si les bornes sont en panne. Pas de rencontres dans les bars, pas de vie amoureuse. Le bégaiement, c'est un problème neurologique qui fait que le cerveau envoie les mauvaises impulsions électriques aux mauvais muscles. Ce qui fait que lorsque je veux parler, il y a les mauvais muscles qui vont se mettre en action. À chaque fois ? Tous ces tics faciaux, tous ces sons en fait. À chaque fois ? Que je n'ai pas envie de produire. à chaque fois qu'ils sortent quand même, que je pense un mot, mon corps est véritablement tordu par mon égaiement. C'est-à-dire que je tremble. J'ai le regard fuyant, je rougis, j'ai chaud, je me passe la main dans les cheveux, j'ai toujours une espèce de boule derrière le sternum, j'ai ma mâchoire qui va se serrer, j'ai ma gorge qui va se serrer, je vais avoir des tics faciaux. Je mime aussi ce que je veux dire. J'ai mon regard qui se bloque. Je me tortille sur ma chaise. Et ça, c'est ce qu'on voit. Frustration. Alors moi je suis technicien de préservation des collections du patrimoine. Le titre a rallongé, je pourrais pas se le tibéguer au secours. J'exécute toutes les actions qui font que les œuvres d'art ne vont pas s'endommager plus qu'elles ne le sont déjà. Et bien souvent c'est vrai que je suis dans des réserves à plusieurs étages. étage sous terre, où il n'y a strictement personne, et ça me va très bien.

  • Speaker #2

    Bonjour, je m'appelle Caroline Deveau, je suis orthophoniste et je travaille dans le 14e, et je me suis spécialisée dans les troubles de l'affluence. Un jour, quand j'ai fait une formation, on était 22 orthophonistes et il y a la directrice de la formation qui a dit, donc on était toutes là pour se former sur le bégaiement, et elle a dit mais est-ce que vous êtes touchés dans votre entourage par le bégaiement ? Je crois qu'il y en a 20 qui ont levé la main en disant on est touchés par le bégaiement dans nos propres familles Donc je pense qu'il y a quelque chose de l'ordre de réparer quelque chose qui a touché nos familles, avec la difficulté d'en parler. Mon grand-père, il savait que j'étais orthophonie spécialiste dans le bégaiement. On n'a jamais abordé la question.

  • Speaker #3

    Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été bég. Mes parents disent que j'ai commencé vers 3 ans. Tous mes souvenirs sont liés au bégayement. Je suis Malik Ndiaye, j'ai 38 ans. Je suis né au Sénégal, donc j'ai grandi là-bas et je suis arrivé en France en tant qu'étudiant. Je viens d'une famille de personnes qui bégayent. Dans ma famille, il y a surtout des hommes, des grands-parents, des oncles. J'ai également un frère qui bégait comme moi. Et mes parents disaient que j'imitais mon frère qui bégait à l'époque. Donc c'est vrai que chez moi, on ne parlait pas beaucoup du bégayement. Je l'ai vécu de manière très mal déjà et je pense que je ne l'avais pas accepté. Les moments où je bégaye, c'est vraiment la fatigue. La fatigue et le stress et l'énervement. Et en général, il n'y a aucun mot qui sort. Donc je peux rester bloqué pendant une demi-heure, le temps de reprendre mon souffle. Les moqueries, je pense que ce sont des schémas. que beaucoup de personnes qui bégayent, je pense qu'ils ont rencontré. Les autres se moquaient de moi, de ma manière de parler. Donc soit tu joues le jeu, c'est l'autodérision, ou bien comme moi, tu le... Je les vis très mal.

  • Speaker #0

    J'étais en scène quand mon bégaiement est apparu. Et là, on commençait des moqueries, du harcèlement.

  • Speaker #3

    Les simples faits de lever la main, demander un... un effort important.

  • Speaker #0

    En classe, je ne participais pas parce que je ne voulais pas que je faisais tout pour ne pas l'évaluer. Que ça s'entende. Si on avait un exposé à faire,

  • Speaker #3

    les souvenirs les plus douloureux,

  • Speaker #0

    c'est vraiment ou si je devais lire un texte lors des récitations de poésie, eh bien mes professeurs me faisaient lire.

  • Speaker #3

    Des rires, des poufs.

  • Speaker #0

    Si la consigne c'était de faire moins de 10 minutes, et on me disait t'avais plus de 10 minutes, tu ne rentres pas devant le barème

  • Speaker #3

    Ouais, des rires étouffés.

  • Speaker #0

    Ben non, je ne rentre pas devant le barème, vu qu'il est fait pour des personnes qui ne sont pas handicapées.

  • Speaker #3

    Ce qui est très dur, c'est le silence qu'on peut avoir dans la classe sans avoir une aide de l'enseignant. Tu ne te proposes pas les mots qui te laissent dans ta souffrance du moment. Ce qui est frustrant, c'est que tu as la réponse, tu sais ce que tu veux dire, c'est clair dans ta tête. Tu as des réponses, des répliques, sauf que tu n'y arrives pas.

  • Speaker #1

    Un garçon gentil et... Faire attention aux autres, mais quand ils parlent, des fois ils bégayent. Ah, ça tourne ! Je m'appelle Riyad, j'ai 9 ans. Quand j'étais petit, j'avais 8 ans, j'étais en train de dessiner. Un moment, je parlais à mon père, je ne sais plus ce que je lui disais, mais à un moment, j'ai bégayé, il a vu que j'avais bégayé, du coup après il m'a emmené chez l'orthophoniste. Et c'est à ce moment-là qu'on a pris des rendez-vous avec mon enseigneur de tennis, quand on habitait à côté de Bordeaux. Oui, je n'arrivais pas à sortir les mots, les mots, ils ne voulaient pas sortir. Quand je veux dire merci à mes copains, je n'y arrive pas, à l'école. Et depuis, maintenant, j'ai déménagé à Paris. Maintenant, à l'école, ça se passe bien. Hier, quand je voulais dire merci à ma maîtresse, j'y arrivais pas. Et après, elle m'a dit d'en parler à mon orthophoniste. J'avais pris un livre pour le ramener chez moi, parce qu'elle m'avait autorisé. Et après, elle m'a dit de rien pour que je lui dise merci. Et après, je bégayais pour lui dire merci. Du coup, elle m'a dit, t'inquiète pas, prends ton temps. Et après, j'ai recommencé. Mais elle m'a dit, bon, c'est pas grave, tu peux en parler à ton orthophoniste. Il y a juste des fois où je bloque. Mais il y a plus de fois où j'arrive à le dire. Merci. Enfin, il y a beaucoup de choses que je n'arrive pas à dire. Bonjour. D'abord, il y a le B que je n'arrive pas à dire. Et après, un moment, deux secondes après, ça ressort tout seul. C'est des mots de politesse. Je n'ai pas envie d'être mal poli si je ne dis pas merci et bonjour. Parce que je bégaye trop avec ça. C'est ma mère qui sait mieux que moi en fait. Quand il va commencer à parler, la première phrase, le premier mot qu'il va lui dire, il bloque, ça bloque. Le premier. Oui enfin c'est le premier, le premier mot, la première. Voilà, le premier. Même des fois, s'il est tout seul, il parle dans sa chambre comme ça, s'il joue et tout ça, il est bégui. Oui. C'est tout le temps en fait. Oui c'est tout le temps. J'ai pas envie d'en parler dans l'absolu avec personne. Je trouve ce sujet secret. Ça me gêne de le dire à mes copains. Ça me gêne beaucoup. Parce que j'ai pas envie qu'ils le sachent. J'ai cinq copains. Je les connais depuis que je suis dans cette école. Ils savent rien. C'est ma maîtresse qui a compris tout seul. que je bégayais. Je suis en classe de 7 ans. Dans ma classe, il n'y a personne qui bégaye, il n'y a que moi. On ne s'est pas moqué de moi. Parce qu'en fait, dans mon école, les enfants ne savaient pas que je bégayais. Ils ne voyaient pas clairement que je bégayais. Et là, je pense aussi que c'est pareil. Un jour j'ai fait un exposé sur Hollywood et j'ai pas bégayé. Parce que j'aime pas les exposés, c'était juste cette fois, je voulais tenter ma chance, et j'ai réussi, mais maintenant ça me tente plus de le faire, de refaire un autre. Parce que je me suis desté, j'ai réussi, je prouvais que j'étais capable, et maintenant je sais que je peux refaire un autre, sauf que j'ai pas envie, parce que j'étais vraiment très stercé. Même si je n'ai pas bégayé, je me suis dit que la deuxième fois que je ferais un exposé, j'allais bégayer. Du coup, c'est pour ça. C'est pour ça que je ne voulais pas en faire un deuxième. Ça me gêne. Et je pense que ça va aussi gêner les autres pendant l'exposé. Parce que je pense qu'ils n'aiment pas quand je bégaye les enfants dans ma classe. Parce que de toute façon, je vais les calmer si ils se moquent de moi. Je dirais, toi, si tu avais un bégaiement, je ne t'aimerais pas que je me moque de toi, alors tu vas te calmer. Je pense que quand je serai en CM2, ça ne va pas s'arrêter, mais quand je serai en 6e, je pense que ça va commencer à s'améliorer pour que ça s'enlève, pour que ça parte. Parce que moi, ça me gêne de bégayer, j'ai pas envie de bégayer. Ah, avec le bégayement, je ressens de la tristesse et du malheur. C'est pas normal, là,

  • Speaker #2

    c'est trop pire.

  • Speaker #1

    Si tu bégues,

  • Speaker #2

    ça te fait rien.

  • Speaker #1

    C'est pas grave. C'est pas grave. Pourquoi tu dis ça ? Parce que c'est la vérité. Je trouve que c'est normal. Il faut prendre le temps. Il faut vraiment prendre son temps et parler comme il peut. C'est pas grave, c'est ébigué. Pour moi, c'est un problème parce que... Parce que moi je trouve ça nul le bégaiement, je trouve ça dégueu en fait, nul et ça gaspille ma parole. Je veux que ça parte. Je pourrais plus parler à un moment, si je bégaie trop, je pense que je pourrais plus parler. J'ai peur qu'il y a d'autres mots où je bégaie. Car pas que merci et bonjour. J'en ai marre en fait. J'en ai marre.

  • Speaker #0

    Vous qui m'écoutez, bégayer, c'est un verbe intransitif. Je bégaye, c'est moi qui fais l'action. Si c'est moi qui fais l'action, eh bien c'est de ma faute. Je bégaye, non, en fait, il y a quelque chose qui me fait bégayer. Comme quand on dit je suis bég si on analyse cette phrase mot à mot, Je suis bég, mon identité se limite à ça. Je suis bég, c'est moi. Le bégayement, c'est moi.

  • Speaker #2

    Finalement, dans les choses que je répète souvent à mes patients, c'est l'idée d'avoir en tête que le bégayement, il a deux facettes. Il y a autant les disfluences, mais il y a tout le ressenti de la personne qui est... beaucoup plus important encore, je trouve, que les disfluences. Il faut prendre en compte les deux. Est-ce que vous voulez faire le... Moi, ça me plaît de faire l'iceberg aujourd'hui pour voir ce que vous ressentez.

  • Speaker #0

    Donc la partie supérieure. On bat toujours la répétition.

  • Speaker #2

    Au début de la rééducation, ça m'arrive très souvent de proposer cet exercice. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est un exercice classique pour les orthophonistes. pour lequel la personne va écrire à la fois ce que l'on entend et ce que l'on voit de son bégaiement, mais ce qu'il y a à l'intérieur d'elle.

  • Speaker #0

    Une pétition, le regard fixe.

  • Speaker #2

    La quantité des disfluences, vous pensez qu'elle est identique à avant ? Alors, c'est une feuille sur laquelle on dessine un iceberg avec une ligne de flottaison. Moi, je dessine juste les contours de l'iceberg, mais j'ai des très beaux icebergs vides en photo. Je ne suis jamais sortie, mais j'en ai. Et l'idée, c'est que le patient écrive tout ce qu'il a envie d'écrire en haut dans la partie vide et en bas dans la partie vide. C'est une métaphore par rapport au bégaiement. Il y a ce que l'on entend et ce que l'on voit comme la partie émergée de l'iceberg, la partie qui dépasse, qui correspondrait aux répétitions de la parole, au blocage, aux crispations, à toutes les hésitations que l'on peut entendre. Tout ce qui représente la partie cachée de l'iceberg, c'est-à-dire les émotions, ce que la personne ressent, avec des sentiments qui peuvent être la honte, la culpabilité, la gêne, la colère, la frustration très souvent, qui sont des sentiments qui sont la plupart du temps partagés par toutes les personnes qui bégayent. Mais comme ces sentiments ne se voient pas ou ne s'entendent pas, c'est caché et c'est rarement partagé. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est les orthophonistes en général. c'est de faire fondre l'iceberg, de s'occuper à la fois de ce que l'on entend et de ce que l'on voit, mais également de ce que la personne ressent. Et raser seulement la partie du dessus, ça n'a pas autant d'intérêt que de s'occuper de faire fondre la totalité de l'iceberg.

  • Speaker #1

    Là, c'est Kid Danger. Kid Danger, c'est un super-héros dans la série Henry Danger. Il a des gants rouges et noirs. Enfin là, je n'ai pas encore colorié, mais il ressemble à ça. Et ça, c'est Haaland. C'est un joueur de foot norvégien. Enfin, c'est tous des dessins que j'ai faits il y a quelques jours. Ça, c'est... J'ai juste marqué dessin en anglais parce qu'à chaque fois je marque dessin en anglais. Je marque drawing parce que j'ai la flemme de marquer en français. Du coup je marque en anglais.

  • Speaker #0

    Une grande partie de mon adolescence je l'ai passée seule avec mon ordinateur. J'ai eu beaucoup de relations avec des personnes que je n'ai jamais vues, mais avec qui je conversais par écriture et sur MSN. C'était ça à l'époque. J'avais pas de limites et j'étais comme les autres. On écrivait, on faisait ce qu'on appelle des fanfictions. Donc ça c'est quand on réalise une fiction à partir d'un univers qui est déjà créé. J'écrivais sur Naruto à l'époque et donc j'ai développé un vrai goût pour l'écriture. C'était génial parce que je pouvais dire absolument tout ce que je voulais et je pouvais passer pour une personne normale, une personne comme les autres. Alors ? Le charme ici. Ah ouais c'est vrai que ça y va.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #2

    Quand tu rencontres toi un mec,

  • Speaker #3

    je sais plus,

  • Speaker #2

    et que ça se passe pas comme tu l'imaginerais avec le mec, et ben là tu l'as acté, bien sûr que ça te fait chier, au fond toi, mais au final, allez c'est pas grave c'est parti pour autre chose, nan nan nan.

  • Speaker #0

    Mais c'est ce que j'étais en train de te raconter, c'est que... C'est que ça ne s'est pas passé comme...

  • Speaker #1

    Moi c'est Jean-Pierre, DJB, et j'ai rencontré Gaëtan ici, depuis, ça a collé. À cette soirée, on était assis, il y avait plein de monde, il y avait peut-être 6-8 personnes que je connaissais à peu près. Et puis je l'ai vu, il était assis sur une espèce de fauteuil rouge comme ça. Il m'a touché. J'ai regardé, je me suis dit, tiens, je sens qu'il a quelque chose en plus que les autres.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a déconstruisé vraiment... Quoi ? De l'amour. Enfin, le thème des épisodes, c'était l'amour.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Renaud. J'ai rencontré Gigi pour la première fois sur une application de rencontre. On n'a jamais eu d'histoire. Ça a toujours été amical. Et la première impression c'est, il est un peu chelou ce mec. Mais j'aime bien les gens chelous de manière générale. Il est un peu sombre, il est un peu réservé. Voilà la première impression. Mais c'est petit à petit que j'ai vu que c'était pas qu'une simple différence, que c'était un réel handicap. Que c'était vraiment compliqué pour lui. Compliqué dans son quotidien avec ses amis à parler. D'ailleurs quand il parle, il faut pas le couper. il y a des petites règles comme ça qu'on essaye d'établir pour lui donner la parole, mais du coup pour lui c'est compliqué de pouvoir s'exprimer. Donc ça, ça n'est arrivé qu'après cette perception de ce handicap.

  • Speaker #3

    Alors que toi, du coup, tu vas t'interdire des trucs par peur de...

  • Speaker #0

    Non, c'est que... Non, j'aime pas, je préfère être seul que... Je préfère être seul que mal accompagné. Quand je fais l'effort que je veux.

  • Speaker #2

    De faire quelque chose, il faut que ça arrive. Non, non,

  • Speaker #0

    quand je fais l'effort d'aller voir une personne.

  • Speaker #2

    Lui m'a déjà dit de ne pas le couper. Moi qui coupe souvent des gens.

  • Speaker #1

    Moi qui parle beaucoup, j'ai la parole facile. Ça me fait un peu redescendre. Et quand ça nous est arrivé, par exemple, de passer une soirée, on n'était que tous les deux. même à discuter de sujets d'art, de musique, de tout, c'est de prendre mon temps. Pourquoi ? Tu vois, c'est pas mon rythme, c'est notre rythme. Donc je m'adapte. Dans ma tête, je dis, laisse-le parler. Laisse-le aller jusqu'à la fin, tu vois.

  • Speaker #2

    Passager J, on est obligé un peu de se taire et d'écouter. Mais c'est apprendre à le laisser finir sa phrase. Apprendre à ne pas essayer de finir sa phrase non plus à sa place. Parce qu'on se trompe une fois sur une presque.

  • Speaker #1

    C'est parfois la bonne parole, c'est ça qui est... Non, non, non, non, c'est... Donc, ou souvent, par exemple, il va plus répondre par message, c'est plus facile. Et là, même les derniers temps, il m'a envoyé un message vocal. Il m'a dit Bravo ! Ou alors, la dernière fois, c'est Tu voudrais qu'on s'appelle ? Ok, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais il y a plein de gens qui pensent qu'on est en couple 12 années. Ah ouais ?

  • Speaker #2

    J'ai l'impression que les parents de Gaëtan l'ont... perçus comme un poids et qui n'ont jamais compris Gaëtan dans ses multiples différences, comme le bégaiement, comme son homosexualité. Ses parents n'ont jamais vraiment compris ces différences. Je pense que son père n'a jamais vraiment posé de questions sur son bégaiement. Sa mère davantage. Mais son père, c'était un truc bizarre et c'est un truc bizarre et on s'arrêta.

  • Speaker #0

    On va savoir pourquoi je peux parler sans aucun bégayage et un moment. Oh là je me casse verbalement la gueule. Là, deux plans d'attaque. Soit je fais comme s'il ne s'était rien passé et je prie pour que ça se passe bien après. Soit, quand je suis face à des personnes qui ne me connaissent pas, je ne fais pas comme s'il y avait un éléphant dans la pièce et je dis, bon, en fait, je ne vous l'ai pas dit, mais j'ai un bégayement. Donc, en toute logique, le mieux, c'est de le dire tout le temps. Souvent, je le fais. C'est que, par exemple, pour des dates, je préviens en amont. Oui, au fait, tu verras, mais j'ai un bégayement.

  • Speaker #2

    Il s'affranchit un petit peu, c'est-à-dire qu'il bégait, mais il s'en fiche. Et ça ne le bloque pas pour communiquer avec autrui. Et ça, c'est plutôt nouveau. Il ose de plus en plus échanger et parler. Il met le pied à l'étrier et il communique de plus en plus, sans avoir peur qu'on le coupe ou qu'on le juge. Avec nous, OK, mais avec les autres aussi. On sent qu'il gravit les marches.

  • Speaker #0

    Il s'est entraîné sans relâche. Il a découvert qu'il aimait rencontrer le public et le faire rire. Ce n'est que le début. Il va répondre à la question Faut-il chercher à décrocher la lune ? Merci d'applaudir chaleureusement Gaëtan. Un beau jour, un amoureux transi, à prononcer ces quelques mots à son ou sa bien-aimée, pour toi, je pourrais te décrocher la lune. Rien de tel que de commencer une relation amoureuse par un bon son.

  • Speaker #2

    Au concours de l'éloquence, il a presque pas bégayé.

  • Speaker #1

    C'est là le tour de force, c'est qu'il a réussi à dire son texte, mais à tenir le public, donc à le faire rire, avoir le rythme. C'est ça qui m'a... Moi je lui ai dit c'est super.

  • Speaker #0

    Décrocher la lune est devenu le slogan des menteurs poétiques, du dépassement de soi et des projets irréalisables. Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, mettez-vous dans la tête une bonne fois pour toutes qu'il y a des choses que vous ne ferez jamais. Par exemple, on ne peut pas se lécher le coude. Il y en a qui essayent, un ici, un là-bas. Qu'est-ce que j'ai dit ? On ne peut pas vivre sans oxygène. Monsieur, n'essayez pas ça non plus. Et surtout, surtout, mes colloques ne jetteront jamais le rouleau devant les toilettes. Jamais. Ce sont trois exemples plus concrets que ça, il n'y a pas, je pense. Mais pourtant, l'humanité se donne toujours des objectifs beaucoup plus hauts, beaucoup plus loin, beaucoup plus forts. Comme le fort Boyard, d'ailleurs. Le 18 janvier 1986, la fusée Challenger décolle. Vous voyez venir. Et après 73 secondes de vol, explose en ne laissant aucun survivant. Et après ça, Amel Bent a osé écrire...

  • Speaker #2

    C'était un peu soudain ce concours. Je crois qu'il l'a découvert assez tardivement. Une fois qu'il l'a découvert, il avait un pied dedans. Les week-ends avant le concours, il le passait un peu tout seul à répéter. On ne savait même pas trop ce qu'il faisait. Et du jour au lendemain, on le voit sur scène en train de gagner un concours. Donc c'était...

  • Speaker #1

    À quand la prochaine scène ?

  • Speaker #0

    J'aurais dû rester terre à terre lorsque mon bégaiement est apparu. A l'époque, j'avais 8 ans. Et il m'est tombé dessus tel une météorite. Une météorite qui tombe sur un enfant de 8 ans. J'ai voulu qu'il disparaisse. Il était en train d'éclipser la personne que j'étais. Alors... Alors, j'ai attendu une semaine, quelques mois, 18 ans. 18 ans à espérer, à m'en vouloir et à m'épuiser pour essayer de le décrocher de moi. Finalement, j'ai compris que je ne pouvais plus parler sans bégayer. En revanche, je peux vous parler. Avec ce bégaiement, en acceptant sa présence et en me détournant de l'illusion d'une parole parfaite, j'ai enfin pu commencer une vie imparfaite mais concrète.

  • Speaker #4

    On arrête l'enregistrement, merci. Est-ce que pour vous, l'entraînement pour le concours a été difficile ? Et est-ce qu'il y a eu des moments où vous avez vraiment pris du plaisir à préparer ce concours ?

  • Speaker #0

    Eh bien, vraiment, c'était aller à 80% du plaisir. Si j'ai passé autant de temps dans ma salle de bain à répéter, répéter, répéter, c'est parce que... Parce que j'aimais vraiment ce que j'étais en train de faire.

  • Speaker #4

    Les progrès se font à la fois sur le plan du contrôle de la parole. Ça, c'est la partie que l'on entend quand on ne bégaye pas. Les progrès se font parce que la parole est plus fluide. Mais également sur le plan du ressenti, du vécu, ce que Gaëtan a accompli. Je suis remplie d'admiration, c'est-à-dire monter sur scène, parler devant tous ces gens qui vous écoutent. C'est très impressionnant. Et ça, ça fait partie des victoires à inscrire, mais qui sont des victoires visibles pour le soir de la finale, mais qui sont parfois invisibles et qui se passent au quotidien, dans le vécu du patient. Et ça, c'est fantastique. Et Gaëtan a, je pense, beaucoup changé entre le moment où on a commencé à se voir et aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Alors j'ai fait la première édition du concours en 2019, donc j'ai fini demi-finaliste et naturellement, bien sûr, j'ai tellement appris que ça m'a paru normal de revenir m'investir dans l'organisation l'année suivante. Donc depuis 2020, je suis dans l'organisation et je m'occupe de tout ce qui est formation pour le concours. Parce qu'en général, les personnes qui bégayent, nous avons du mal à parler de nous. Donc l'intérêt aussi de ce concours, c'est de nous ramener à parler de nous et d'utiliser ce cadre-là, parce que plus on parle de nous, plus on va chercher à s'accepter comme on est. Je m'étais déjà accepté avant avec l'orthophonie, mais je manquais quand même de confiance. Est-ce que... Le concours m'a permis de gagner en confiance en moi-même et surtout sur mes capacités à être un bon communicant malgré les bégaiements.

  • Speaker #2

    Tout à l'heure, je parlais du handicap de Gigi et pour moi, c'est un réel handicap. Je me suis posé la question entre presque être aveugle et bégayer, qu'est-ce qu'elle serait le pire ? Je dirais que c'est pire de bégayer parce que aveugle c'est reconnu. C'est reconnu, t'as un chien, les gens voient que t'es aveugle. Quand tu bégais, tu le sais pas, ça se voit pas sur la tête du juge qui bégait. En fait pour moi c'est vraiment important de communiquer, de parler, et d'être dans l'incapacité. Avec des amis, ça va parce que les amis comprennent, les amis ont l'habitude, prennent le rythme. La parole est une parole fluide et rapide. C'est tellement valorisé dans notre société, même pas valorisé en fait, c'est tellement un attendu. Bégayer, ça doit être horrible, horrible, horrible,

  • Speaker #0

    horrible.

  • Speaker #2

    Au quotidien, dans un travail, c'est pas possible. Il a tenté d'être prof pendant un moment. Impossible d'être prof avec un bégayement dans le 93 ou même ailleurs.

  • Speaker #3

    Et maintenant, je suis professeur. Voilà, je suis professeur Fkibege. Voilà, c'est ça. Bon, avant de commencer, bien sûr, j'ai posé naturellement beaucoup de questions. Est-ce qu'ils vont se moquer de ma manière de parler ? Comment ça va réellement se passer ? Surtout, est-ce que je vais être légitime en tant que professeur Fkibege ? Donc ça, ça a été vraiment la question du début. La première année, ça a été compliqué parce qu'il fallait que j'aie confiance en moi-même. en tant que professeur et surtout que j'arrive à trouver le moyen de gérer ce bégaiement-là. Alors le moyen que j'ai trouvé c'est de parler du bégaiement. Donc maintenant c'est devenu une sorte de routine. Au début de chaque année je parle de mon bégaiement. Alors je leur parle d'abord de ma manière de bégaier parce qu'il y a autant de personnes qui bégaient que de manière de bégaier. les mimiques, les tensions du visage, les clignes des yeux et la tension au niveau du cou et surtout la moite. C'est vraiment la pression, elle est énorme. Plus on le met en lumière et plus on va réussir à vivre en paix avec le bégaiement. d'horreur qu'on cache parce qu'elle arrive tôt ou tard à ressurgir. Et la pression de se demander à quel moment je vais bégayer, c'est vraiment une énergie folle qu'on va dépenser à essayer de gérer. Je me suis rendu compte que les personnes souvent réagissent mal, si on peut dire comme ça, parce qu'elles ne savent pas comment réagir face à nous. Donc, peut-être que c'est à nous de les aider en leur parlant. Aujourd'hui, quand même, je suis professeur, donc la parole est en première ligne. Donc, c'est possible, il y a l'orthophonie, pour moi, c'est super important. L'accès à l'orthophonie, pour moi, ça va être un combat. Ça ne doit pas être quelque chose qui va nous freiner. On peut être un avocat, brillant, être un beg, on peut être un communicant. On peut être un professeur aussi, mais il n'y a pas de limite. Et nous sommes la preuve que tout est possible.

  • Speaker #4

    Quand j'ai commencé à travailler, on demandait à nos patients de changer leur façon de parler du matin jusqu'au soir. On demandait de contrôler sa parole tout le temps et c'était épuisant et en plus culpabilisant. Parce que quand on n'arrivait pas à le faire alors qu'on y passait des heures et des heures d'entraînement, parce que c'est ça l'idée, c'est de s'entraîner et demander un entraînement, quand on n'arrive pas à faire ça, on se dit mais pourquoi moi j'y arrive pas et pourquoi j'arrive pas à changer les choses. Aujourd'hui, c'est pas du tout la même façon de voir les choses. On dit à nos patients... Voilà comment vous pouvez contrôler votre parole, voilà ce que vous pouvez faire pour modifier les choses, mais vous devez le faire à l'envie et en fonction du besoin. Si vous vous sentez bien avec votre parole telle qu'elle est, vous n'avez rien à modifier, c'est très bien comme ça. Et c'est ça le message qu'on essaye de faire passer, c'est vous êtes très bien tel que vous êtes, ne changez rien, mais apprenez à dompter, à informer aussi énormément, beaucoup plus qu'avant sur, ben voilà, oui ça m'arrive de bégayer ou j'ai un bégayement. Et j'attends de vous que vous fassiez ça, ça, ça m'aide ou ça, ça me gêne. Et communiquer et expliquer aux autres, c'est la meilleure des choses à faire.

  • Speaker #0

    Il y a surtout eu un travail d'acceptation. Je ne pouvais pas me sentir libre tant que j'étais en conflit avec... avec ce béaiement. Par exemple, avant, je m'excusais de prendre le temps nécessaire pour faire une phrase. C'est presque un geste politique d'essayer de moins la déformer pour que des gens comprennent ce que c'est, qu'ils voient que non, je ne suis pas bourré, non, je ne suis pas défoncé, il est 14h. Maintenant, je sais que ma parole est telle qu'elle est et elle a le droit d'être telle qu'elle est. Ma parole est telle qu'elle est. J'ai compris ici.

  • Speaker #5

    Merci à Gaëtan pour sa confiance, son temps et sa parole. Merci à Malik, à Riyad et à ses parents, à Caroline Deveau, l'orthophoniste de Gaëtan, à ses amis Renaud et JP. Ma parole telle qu'elle est est un documentaire sonore écrit et réalisé par Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. Composition musicale, réalisation, mixage, Pierre Chaffanjon de Majora Prod. Merci à nos partenaires, l'association Parole Béguément, l'AGFIP, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, et le cabinet Personnalité. Merci à Sophie Héroé de Maison Bavard pour son travail et son implication dans ce projet. Merci à Chloé et Maxence, à Pierrick et Elouan. Et merci à vous pour votre écoute. Si vous avez aimé Ma Parole telle qu'elle est, n'hésitez pas à partager ce documentaire autour de vous.

Chapters

  • 1 - Prologue

    00:00

  • 2 - Enfance

    02:35

  • 3 - Extérieur

    08:05

  • 4 - École

    11:57

  • 5 - Iceberg

    23:18

  • 6 - Mondes intérieurs

    26:43

  • 7 - Amitié

    28:39

  • 8 - Concours d’éloquence

    35:39

  • 9 - Assumer

    42:57

Description

Gaëtan, 28 ans, vit avec un bégaiement depuis l'âge de 8 ans. Ce bégaiement, il l'a honni, caché. Aujourd'hui, il nous raconte le chemin parcouru pour l'accepter. Aux côtés de son orthophoniste, de ses proches et d'autres personnes bègues rencontrées à l'occasion d'un concours d'éloquence du bégaiement qu'il a remporté en 2022, il se bat pour assumer son droit à la parole.


« Ma parole telle qu’elle est », un documentaire sonore de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon


Composition musicale, réalisation, mixage : Pierre Chaffanjon de Majora Prod.


Merci à Gaëtan, Malick, Ryad et ses parents, Caroline Devaux, Renaud et JP.

Merci à nos partenaires : l’Association Parole Bégaiement, l’AGEFIPH (l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion professionnelle des Personnes Handicapées) et le cabinet Personnalité.

Merci à Sophie Herrouet de Maison Bavard pour son travail de communication autour de ce projet.

Et merci à vous pour votre écoute !


Si vous avez aimé ce documentaire sonore, n'hésitez pas à le partager autour de vous !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, je voudrais prendre rendez-vous pour lundi soir. Ok, d'accord. Mardi, ok, super. Est-ce que vous avez de la place à partir de 6h ? Pendant 18 ? Ben ok, super. Alors, je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy. Je suis Guy, t'as raison. J'ai 26 ans. Et comme vous pouvez l'entendre... j'ai un bégaiement. En général, chaque personne qui est bégaie n'arrive pas à dire son prénom. On ne peut pas trouver un mot qui va à la place de notre prénom. Ma parole telle qu'elle est. Un documentaire de Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. J'ai remarqué que la plupart des mots, commençant par A, sont compliqués. Par exemple, j'ai du mal à dire au revoir. au revoir j'ai du mal à le dire et ce que vous pensez tous à ce moment là c'est que oui mais le son c'est haut mais il ya des mots comme ça on sait que ça commence par un A donc on le visualise comme un A et on a du mal à le dire longtemps j'ai pensé que j'étais trop bête pour enfin On m'a fait comprendre que j'étais trop bête parce que je n'arrivais pas à parler correctement alors qu'il y a des enfants de 5 ans qui peuvent faire des phrases sans rayer. Mon médecin de famille nous avait dit que ça allait disparaître en grandissant. et pour certains enfants qui bégayent, c'est le cas. Certains bégayent pendant quelques mois, ils vont voir un orthophoniste et ils ne bégayeront plus de leur vie. Ma mère y a cru, donc elle a dû se dire que ça allait passer, et je croyais aussi. Parce que pendant toute ma vie, j'ai fait l'autruche et j'attendais ce moment promis que oui, un jour ça va disparaître. Mon père, lorsque je baignais, s'énervait et me disait de faire un effort. Et un jour, je devais avoir 21 ans. 21 ou 22 ans, j'ai dû me dire un truc du genre bon bah c'est bien beau tout ça mais j'en ai marre. J'ai fait des recherches sur le sujet. J'ai vu qu'en fait, il y a des gens qui ont mon âge et qui bégayent toujours. Donc là, j'ai commencé à me dire, bon, qu'est-ce que je peux faire ? On va aller voir l'ordophoniste.

  • Speaker #1

    Cher

  • Speaker #2

    Béguément, j'ai réécrit cette lettre des dizaines de fois. Sans trouver, trouver,

  • Speaker #0

    dans ton éduction satisfaisante. M'adresser aux autres à l'oral est déjà une source d'angoisse, et voilà que je découvre que les mots me manquent à l'idée de t'écrire. Aujourd'hui, je m'adresse à toi, comme à une personne, pour te faire exister. Le simple fait d'écrire ton nom me fait grimacer et bégayer. J'ai passé une grande partie de notre cohabitation à faire comme si tu n'existais pas, croyant que mettre un tabou sur ton nom te rendrait moins fort. que tu te vexerais et que tu disparaîtrais aussi subitement que tu es apparu il y a plus de 19 ans aujourd'hui. Avant j'étais un enfant qui parlait librement, comme tous les enfants le font. Et quand j'ai commencé à bégayer, j'ai adopté une posture plus taciturne. Notre confiance en nous est fragilisée, le fait qu'on a honte. J'ai peur d'être jugé sur tout.

  • Speaker #2

    Où est-ce que c'est ? C'est là, quand j'étais... On y va ensemble, là ? J'ai essayé, c'est ça ? On fait pareil, je commence avec vous et puis vous continuez tout seul. Si jamais vous avez besoin, on refait une pause et on recommence ensemble. J'ai essayé de te voir comme quelque chose de mignon et j'ai cherché ce que tu m'avais apporté.

  • Speaker #0

    Je te le promets, mais je n'y arrive pas. Au moment où tu es arrivé dans ma vie, tu as tué celui que j'aurais pu être. et fais naître celui qui est écrit aujourd'hui. J'ignore si je pourrais te le pardonner un jour. Téléphoner pour prendre un quelconque rendez-vous ? Hors de question. Pas de cinéma ou de McDo si les bornes sont en panne. Pas de rencontres dans les bars, pas de vie amoureuse. Le bégaiement, c'est un problème neurologique qui fait que le cerveau envoie les mauvaises impulsions électriques aux mauvais muscles. Ce qui fait que lorsque je veux parler, il y a les mauvais muscles qui vont se mettre en action. À chaque fois ? Tous ces tics faciaux, tous ces sons en fait. À chaque fois ? Que je n'ai pas envie de produire. à chaque fois qu'ils sortent quand même, que je pense un mot, mon corps est véritablement tordu par mon égaiement. C'est-à-dire que je tremble. J'ai le regard fuyant, je rougis, j'ai chaud, je me passe la main dans les cheveux, j'ai toujours une espèce de boule derrière le sternum, j'ai ma mâchoire qui va se serrer, j'ai ma gorge qui va se serrer, je vais avoir des tics faciaux. Je mime aussi ce que je veux dire. J'ai mon regard qui se bloque. Je me tortille sur ma chaise. Et ça, c'est ce qu'on voit. Frustration. Alors moi je suis technicien de préservation des collections du patrimoine. Le titre a rallongé, je pourrais pas se le tibéguer au secours. J'exécute toutes les actions qui font que les œuvres d'art ne vont pas s'endommager plus qu'elles ne le sont déjà. Et bien souvent c'est vrai que je suis dans des réserves à plusieurs étages. étage sous terre, où il n'y a strictement personne, et ça me va très bien.

  • Speaker #2

    Bonjour, je m'appelle Caroline Deveau, je suis orthophoniste et je travaille dans le 14e, et je me suis spécialisée dans les troubles de l'affluence. Un jour, quand j'ai fait une formation, on était 22 orthophonistes et il y a la directrice de la formation qui a dit, donc on était toutes là pour se former sur le bégaiement, et elle a dit mais est-ce que vous êtes touchés dans votre entourage par le bégaiement ? Je crois qu'il y en a 20 qui ont levé la main en disant on est touchés par le bégaiement dans nos propres familles Donc je pense qu'il y a quelque chose de l'ordre de réparer quelque chose qui a touché nos familles, avec la difficulté d'en parler. Mon grand-père, il savait que j'étais orthophonie spécialiste dans le bégaiement. On n'a jamais abordé la question.

  • Speaker #3

    Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été bég. Mes parents disent que j'ai commencé vers 3 ans. Tous mes souvenirs sont liés au bégayement. Je suis Malik Ndiaye, j'ai 38 ans. Je suis né au Sénégal, donc j'ai grandi là-bas et je suis arrivé en France en tant qu'étudiant. Je viens d'une famille de personnes qui bégayent. Dans ma famille, il y a surtout des hommes, des grands-parents, des oncles. J'ai également un frère qui bégait comme moi. Et mes parents disaient que j'imitais mon frère qui bégait à l'époque. Donc c'est vrai que chez moi, on ne parlait pas beaucoup du bégayement. Je l'ai vécu de manière très mal déjà et je pense que je ne l'avais pas accepté. Les moments où je bégaye, c'est vraiment la fatigue. La fatigue et le stress et l'énervement. Et en général, il n'y a aucun mot qui sort. Donc je peux rester bloqué pendant une demi-heure, le temps de reprendre mon souffle. Les moqueries, je pense que ce sont des schémas. que beaucoup de personnes qui bégayent, je pense qu'ils ont rencontré. Les autres se moquaient de moi, de ma manière de parler. Donc soit tu joues le jeu, c'est l'autodérision, ou bien comme moi, tu le... Je les vis très mal.

  • Speaker #0

    J'étais en scène quand mon bégaiement est apparu. Et là, on commençait des moqueries, du harcèlement.

  • Speaker #3

    Les simples faits de lever la main, demander un... un effort important.

  • Speaker #0

    En classe, je ne participais pas parce que je ne voulais pas que je faisais tout pour ne pas l'évaluer. Que ça s'entende. Si on avait un exposé à faire,

  • Speaker #3

    les souvenirs les plus douloureux,

  • Speaker #0

    c'est vraiment ou si je devais lire un texte lors des récitations de poésie, eh bien mes professeurs me faisaient lire.

  • Speaker #3

    Des rires, des poufs.

  • Speaker #0

    Si la consigne c'était de faire moins de 10 minutes, et on me disait t'avais plus de 10 minutes, tu ne rentres pas devant le barème

  • Speaker #3

    Ouais, des rires étouffés.

  • Speaker #0

    Ben non, je ne rentre pas devant le barème, vu qu'il est fait pour des personnes qui ne sont pas handicapées.

  • Speaker #3

    Ce qui est très dur, c'est le silence qu'on peut avoir dans la classe sans avoir une aide de l'enseignant. Tu ne te proposes pas les mots qui te laissent dans ta souffrance du moment. Ce qui est frustrant, c'est que tu as la réponse, tu sais ce que tu veux dire, c'est clair dans ta tête. Tu as des réponses, des répliques, sauf que tu n'y arrives pas.

  • Speaker #1

    Un garçon gentil et... Faire attention aux autres, mais quand ils parlent, des fois ils bégayent. Ah, ça tourne ! Je m'appelle Riyad, j'ai 9 ans. Quand j'étais petit, j'avais 8 ans, j'étais en train de dessiner. Un moment, je parlais à mon père, je ne sais plus ce que je lui disais, mais à un moment, j'ai bégayé, il a vu que j'avais bégayé, du coup après il m'a emmené chez l'orthophoniste. Et c'est à ce moment-là qu'on a pris des rendez-vous avec mon enseigneur de tennis, quand on habitait à côté de Bordeaux. Oui, je n'arrivais pas à sortir les mots, les mots, ils ne voulaient pas sortir. Quand je veux dire merci à mes copains, je n'y arrive pas, à l'école. Et depuis, maintenant, j'ai déménagé à Paris. Maintenant, à l'école, ça se passe bien. Hier, quand je voulais dire merci à ma maîtresse, j'y arrivais pas. Et après, elle m'a dit d'en parler à mon orthophoniste. J'avais pris un livre pour le ramener chez moi, parce qu'elle m'avait autorisé. Et après, elle m'a dit de rien pour que je lui dise merci. Et après, je bégayais pour lui dire merci. Du coup, elle m'a dit, t'inquiète pas, prends ton temps. Et après, j'ai recommencé. Mais elle m'a dit, bon, c'est pas grave, tu peux en parler à ton orthophoniste. Il y a juste des fois où je bloque. Mais il y a plus de fois où j'arrive à le dire. Merci. Enfin, il y a beaucoup de choses que je n'arrive pas à dire. Bonjour. D'abord, il y a le B que je n'arrive pas à dire. Et après, un moment, deux secondes après, ça ressort tout seul. C'est des mots de politesse. Je n'ai pas envie d'être mal poli si je ne dis pas merci et bonjour. Parce que je bégaye trop avec ça. C'est ma mère qui sait mieux que moi en fait. Quand il va commencer à parler, la première phrase, le premier mot qu'il va lui dire, il bloque, ça bloque. Le premier. Oui enfin c'est le premier, le premier mot, la première. Voilà, le premier. Même des fois, s'il est tout seul, il parle dans sa chambre comme ça, s'il joue et tout ça, il est bégui. Oui. C'est tout le temps en fait. Oui c'est tout le temps. J'ai pas envie d'en parler dans l'absolu avec personne. Je trouve ce sujet secret. Ça me gêne de le dire à mes copains. Ça me gêne beaucoup. Parce que j'ai pas envie qu'ils le sachent. J'ai cinq copains. Je les connais depuis que je suis dans cette école. Ils savent rien. C'est ma maîtresse qui a compris tout seul. que je bégayais. Je suis en classe de 7 ans. Dans ma classe, il n'y a personne qui bégaye, il n'y a que moi. On ne s'est pas moqué de moi. Parce qu'en fait, dans mon école, les enfants ne savaient pas que je bégayais. Ils ne voyaient pas clairement que je bégayais. Et là, je pense aussi que c'est pareil. Un jour j'ai fait un exposé sur Hollywood et j'ai pas bégayé. Parce que j'aime pas les exposés, c'était juste cette fois, je voulais tenter ma chance, et j'ai réussi, mais maintenant ça me tente plus de le faire, de refaire un autre. Parce que je me suis desté, j'ai réussi, je prouvais que j'étais capable, et maintenant je sais que je peux refaire un autre, sauf que j'ai pas envie, parce que j'étais vraiment très stercé. Même si je n'ai pas bégayé, je me suis dit que la deuxième fois que je ferais un exposé, j'allais bégayer. Du coup, c'est pour ça. C'est pour ça que je ne voulais pas en faire un deuxième. Ça me gêne. Et je pense que ça va aussi gêner les autres pendant l'exposé. Parce que je pense qu'ils n'aiment pas quand je bégaye les enfants dans ma classe. Parce que de toute façon, je vais les calmer si ils se moquent de moi. Je dirais, toi, si tu avais un bégaiement, je ne t'aimerais pas que je me moque de toi, alors tu vas te calmer. Je pense que quand je serai en CM2, ça ne va pas s'arrêter, mais quand je serai en 6e, je pense que ça va commencer à s'améliorer pour que ça s'enlève, pour que ça parte. Parce que moi, ça me gêne de bégayer, j'ai pas envie de bégayer. Ah, avec le bégayement, je ressens de la tristesse et du malheur. C'est pas normal, là,

  • Speaker #2

    c'est trop pire.

  • Speaker #1

    Si tu bégues,

  • Speaker #2

    ça te fait rien.

  • Speaker #1

    C'est pas grave. C'est pas grave. Pourquoi tu dis ça ? Parce que c'est la vérité. Je trouve que c'est normal. Il faut prendre le temps. Il faut vraiment prendre son temps et parler comme il peut. C'est pas grave, c'est ébigué. Pour moi, c'est un problème parce que... Parce que moi je trouve ça nul le bégaiement, je trouve ça dégueu en fait, nul et ça gaspille ma parole. Je veux que ça parte. Je pourrais plus parler à un moment, si je bégaie trop, je pense que je pourrais plus parler. J'ai peur qu'il y a d'autres mots où je bégaie. Car pas que merci et bonjour. J'en ai marre en fait. J'en ai marre.

  • Speaker #0

    Vous qui m'écoutez, bégayer, c'est un verbe intransitif. Je bégaye, c'est moi qui fais l'action. Si c'est moi qui fais l'action, eh bien c'est de ma faute. Je bégaye, non, en fait, il y a quelque chose qui me fait bégayer. Comme quand on dit je suis bég si on analyse cette phrase mot à mot, Je suis bég, mon identité se limite à ça. Je suis bég, c'est moi. Le bégayement, c'est moi.

  • Speaker #2

    Finalement, dans les choses que je répète souvent à mes patients, c'est l'idée d'avoir en tête que le bégayement, il a deux facettes. Il y a autant les disfluences, mais il y a tout le ressenti de la personne qui est... beaucoup plus important encore, je trouve, que les disfluences. Il faut prendre en compte les deux. Est-ce que vous voulez faire le... Moi, ça me plaît de faire l'iceberg aujourd'hui pour voir ce que vous ressentez.

  • Speaker #0

    Donc la partie supérieure. On bat toujours la répétition.

  • Speaker #2

    Au début de la rééducation, ça m'arrive très souvent de proposer cet exercice. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est un exercice classique pour les orthophonistes. pour lequel la personne va écrire à la fois ce que l'on entend et ce que l'on voit de son bégaiement, mais ce qu'il y a à l'intérieur d'elle.

  • Speaker #0

    Une pétition, le regard fixe.

  • Speaker #2

    La quantité des disfluences, vous pensez qu'elle est identique à avant ? Alors, c'est une feuille sur laquelle on dessine un iceberg avec une ligne de flottaison. Moi, je dessine juste les contours de l'iceberg, mais j'ai des très beaux icebergs vides en photo. Je ne suis jamais sortie, mais j'en ai. Et l'idée, c'est que le patient écrive tout ce qu'il a envie d'écrire en haut dans la partie vide et en bas dans la partie vide. C'est une métaphore par rapport au bégaiement. Il y a ce que l'on entend et ce que l'on voit comme la partie émergée de l'iceberg, la partie qui dépasse, qui correspondrait aux répétitions de la parole, au blocage, aux crispations, à toutes les hésitations que l'on peut entendre. Tout ce qui représente la partie cachée de l'iceberg, c'est-à-dire les émotions, ce que la personne ressent, avec des sentiments qui peuvent être la honte, la culpabilité, la gêne, la colère, la frustration très souvent, qui sont des sentiments qui sont la plupart du temps partagés par toutes les personnes qui bégayent. Mais comme ces sentiments ne se voient pas ou ne s'entendent pas, c'est caché et c'est rarement partagé. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est les orthophonistes en général. c'est de faire fondre l'iceberg, de s'occuper à la fois de ce que l'on entend et de ce que l'on voit, mais également de ce que la personne ressent. Et raser seulement la partie du dessus, ça n'a pas autant d'intérêt que de s'occuper de faire fondre la totalité de l'iceberg.

  • Speaker #1

    Là, c'est Kid Danger. Kid Danger, c'est un super-héros dans la série Henry Danger. Il a des gants rouges et noirs. Enfin là, je n'ai pas encore colorié, mais il ressemble à ça. Et ça, c'est Haaland. C'est un joueur de foot norvégien. Enfin, c'est tous des dessins que j'ai faits il y a quelques jours. Ça, c'est... J'ai juste marqué dessin en anglais parce qu'à chaque fois je marque dessin en anglais. Je marque drawing parce que j'ai la flemme de marquer en français. Du coup je marque en anglais.

  • Speaker #0

    Une grande partie de mon adolescence je l'ai passée seule avec mon ordinateur. J'ai eu beaucoup de relations avec des personnes que je n'ai jamais vues, mais avec qui je conversais par écriture et sur MSN. C'était ça à l'époque. J'avais pas de limites et j'étais comme les autres. On écrivait, on faisait ce qu'on appelle des fanfictions. Donc ça c'est quand on réalise une fiction à partir d'un univers qui est déjà créé. J'écrivais sur Naruto à l'époque et donc j'ai développé un vrai goût pour l'écriture. C'était génial parce que je pouvais dire absolument tout ce que je voulais et je pouvais passer pour une personne normale, une personne comme les autres. Alors ? Le charme ici. Ah ouais c'est vrai que ça y va.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #2

    Quand tu rencontres toi un mec,

  • Speaker #3

    je sais plus,

  • Speaker #2

    et que ça se passe pas comme tu l'imaginerais avec le mec, et ben là tu l'as acté, bien sûr que ça te fait chier, au fond toi, mais au final, allez c'est pas grave c'est parti pour autre chose, nan nan nan.

  • Speaker #0

    Mais c'est ce que j'étais en train de te raconter, c'est que... C'est que ça ne s'est pas passé comme...

  • Speaker #1

    Moi c'est Jean-Pierre, DJB, et j'ai rencontré Gaëtan ici, depuis, ça a collé. À cette soirée, on était assis, il y avait plein de monde, il y avait peut-être 6-8 personnes que je connaissais à peu près. Et puis je l'ai vu, il était assis sur une espèce de fauteuil rouge comme ça. Il m'a touché. J'ai regardé, je me suis dit, tiens, je sens qu'il a quelque chose en plus que les autres.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a déconstruisé vraiment... Quoi ? De l'amour. Enfin, le thème des épisodes, c'était l'amour.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Renaud. J'ai rencontré Gigi pour la première fois sur une application de rencontre. On n'a jamais eu d'histoire. Ça a toujours été amical. Et la première impression c'est, il est un peu chelou ce mec. Mais j'aime bien les gens chelous de manière générale. Il est un peu sombre, il est un peu réservé. Voilà la première impression. Mais c'est petit à petit que j'ai vu que c'était pas qu'une simple différence, que c'était un réel handicap. Que c'était vraiment compliqué pour lui. Compliqué dans son quotidien avec ses amis à parler. D'ailleurs quand il parle, il faut pas le couper. il y a des petites règles comme ça qu'on essaye d'établir pour lui donner la parole, mais du coup pour lui c'est compliqué de pouvoir s'exprimer. Donc ça, ça n'est arrivé qu'après cette perception de ce handicap.

  • Speaker #3

    Alors que toi, du coup, tu vas t'interdire des trucs par peur de...

  • Speaker #0

    Non, c'est que... Non, j'aime pas, je préfère être seul que... Je préfère être seul que mal accompagné. Quand je fais l'effort que je veux.

  • Speaker #2

    De faire quelque chose, il faut que ça arrive. Non, non,

  • Speaker #0

    quand je fais l'effort d'aller voir une personne.

  • Speaker #2

    Lui m'a déjà dit de ne pas le couper. Moi qui coupe souvent des gens.

  • Speaker #1

    Moi qui parle beaucoup, j'ai la parole facile. Ça me fait un peu redescendre. Et quand ça nous est arrivé, par exemple, de passer une soirée, on n'était que tous les deux. même à discuter de sujets d'art, de musique, de tout, c'est de prendre mon temps. Pourquoi ? Tu vois, c'est pas mon rythme, c'est notre rythme. Donc je m'adapte. Dans ma tête, je dis, laisse-le parler. Laisse-le aller jusqu'à la fin, tu vois.

  • Speaker #2

    Passager J, on est obligé un peu de se taire et d'écouter. Mais c'est apprendre à le laisser finir sa phrase. Apprendre à ne pas essayer de finir sa phrase non plus à sa place. Parce qu'on se trompe une fois sur une presque.

  • Speaker #1

    C'est parfois la bonne parole, c'est ça qui est... Non, non, non, non, c'est... Donc, ou souvent, par exemple, il va plus répondre par message, c'est plus facile. Et là, même les derniers temps, il m'a envoyé un message vocal. Il m'a dit Bravo ! Ou alors, la dernière fois, c'est Tu voudrais qu'on s'appelle ? Ok, bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais il y a plein de gens qui pensent qu'on est en couple 12 années. Ah ouais ?

  • Speaker #2

    J'ai l'impression que les parents de Gaëtan l'ont... perçus comme un poids et qui n'ont jamais compris Gaëtan dans ses multiples différences, comme le bégaiement, comme son homosexualité. Ses parents n'ont jamais vraiment compris ces différences. Je pense que son père n'a jamais vraiment posé de questions sur son bégaiement. Sa mère davantage. Mais son père, c'était un truc bizarre et c'est un truc bizarre et on s'arrêta.

  • Speaker #0

    On va savoir pourquoi je peux parler sans aucun bégayage et un moment. Oh là je me casse verbalement la gueule. Là, deux plans d'attaque. Soit je fais comme s'il ne s'était rien passé et je prie pour que ça se passe bien après. Soit, quand je suis face à des personnes qui ne me connaissent pas, je ne fais pas comme s'il y avait un éléphant dans la pièce et je dis, bon, en fait, je ne vous l'ai pas dit, mais j'ai un bégayement. Donc, en toute logique, le mieux, c'est de le dire tout le temps. Souvent, je le fais. C'est que, par exemple, pour des dates, je préviens en amont. Oui, au fait, tu verras, mais j'ai un bégayement.

  • Speaker #2

    Il s'affranchit un petit peu, c'est-à-dire qu'il bégait, mais il s'en fiche. Et ça ne le bloque pas pour communiquer avec autrui. Et ça, c'est plutôt nouveau. Il ose de plus en plus échanger et parler. Il met le pied à l'étrier et il communique de plus en plus, sans avoir peur qu'on le coupe ou qu'on le juge. Avec nous, OK, mais avec les autres aussi. On sent qu'il gravit les marches.

  • Speaker #0

    Il s'est entraîné sans relâche. Il a découvert qu'il aimait rencontrer le public et le faire rire. Ce n'est que le début. Il va répondre à la question Faut-il chercher à décrocher la lune ? Merci d'applaudir chaleureusement Gaëtan. Un beau jour, un amoureux transi, à prononcer ces quelques mots à son ou sa bien-aimée, pour toi, je pourrais te décrocher la lune. Rien de tel que de commencer une relation amoureuse par un bon son.

  • Speaker #2

    Au concours de l'éloquence, il a presque pas bégayé.

  • Speaker #1

    C'est là le tour de force, c'est qu'il a réussi à dire son texte, mais à tenir le public, donc à le faire rire, avoir le rythme. C'est ça qui m'a... Moi je lui ai dit c'est super.

  • Speaker #0

    Décrocher la lune est devenu le slogan des menteurs poétiques, du dépassement de soi et des projets irréalisables. Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, mettez-vous dans la tête une bonne fois pour toutes qu'il y a des choses que vous ne ferez jamais. Par exemple, on ne peut pas se lécher le coude. Il y en a qui essayent, un ici, un là-bas. Qu'est-ce que j'ai dit ? On ne peut pas vivre sans oxygène. Monsieur, n'essayez pas ça non plus. Et surtout, surtout, mes colloques ne jetteront jamais le rouleau devant les toilettes. Jamais. Ce sont trois exemples plus concrets que ça, il n'y a pas, je pense. Mais pourtant, l'humanité se donne toujours des objectifs beaucoup plus hauts, beaucoup plus loin, beaucoup plus forts. Comme le fort Boyard, d'ailleurs. Le 18 janvier 1986, la fusée Challenger décolle. Vous voyez venir. Et après 73 secondes de vol, explose en ne laissant aucun survivant. Et après ça, Amel Bent a osé écrire...

  • Speaker #2

    C'était un peu soudain ce concours. Je crois qu'il l'a découvert assez tardivement. Une fois qu'il l'a découvert, il avait un pied dedans. Les week-ends avant le concours, il le passait un peu tout seul à répéter. On ne savait même pas trop ce qu'il faisait. Et du jour au lendemain, on le voit sur scène en train de gagner un concours. Donc c'était...

  • Speaker #1

    À quand la prochaine scène ?

  • Speaker #0

    J'aurais dû rester terre à terre lorsque mon bégaiement est apparu. A l'époque, j'avais 8 ans. Et il m'est tombé dessus tel une météorite. Une météorite qui tombe sur un enfant de 8 ans. J'ai voulu qu'il disparaisse. Il était en train d'éclipser la personne que j'étais. Alors... Alors, j'ai attendu une semaine, quelques mois, 18 ans. 18 ans à espérer, à m'en vouloir et à m'épuiser pour essayer de le décrocher de moi. Finalement, j'ai compris que je ne pouvais plus parler sans bégayer. En revanche, je peux vous parler. Avec ce bégaiement, en acceptant sa présence et en me détournant de l'illusion d'une parole parfaite, j'ai enfin pu commencer une vie imparfaite mais concrète.

  • Speaker #4

    On arrête l'enregistrement, merci. Est-ce que pour vous, l'entraînement pour le concours a été difficile ? Et est-ce qu'il y a eu des moments où vous avez vraiment pris du plaisir à préparer ce concours ?

  • Speaker #0

    Eh bien, vraiment, c'était aller à 80% du plaisir. Si j'ai passé autant de temps dans ma salle de bain à répéter, répéter, répéter, c'est parce que... Parce que j'aimais vraiment ce que j'étais en train de faire.

  • Speaker #4

    Les progrès se font à la fois sur le plan du contrôle de la parole. Ça, c'est la partie que l'on entend quand on ne bégaye pas. Les progrès se font parce que la parole est plus fluide. Mais également sur le plan du ressenti, du vécu, ce que Gaëtan a accompli. Je suis remplie d'admiration, c'est-à-dire monter sur scène, parler devant tous ces gens qui vous écoutent. C'est très impressionnant. Et ça, ça fait partie des victoires à inscrire, mais qui sont des victoires visibles pour le soir de la finale, mais qui sont parfois invisibles et qui se passent au quotidien, dans le vécu du patient. Et ça, c'est fantastique. Et Gaëtan a, je pense, beaucoup changé entre le moment où on a commencé à se voir et aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Alors j'ai fait la première édition du concours en 2019, donc j'ai fini demi-finaliste et naturellement, bien sûr, j'ai tellement appris que ça m'a paru normal de revenir m'investir dans l'organisation l'année suivante. Donc depuis 2020, je suis dans l'organisation et je m'occupe de tout ce qui est formation pour le concours. Parce qu'en général, les personnes qui bégayent, nous avons du mal à parler de nous. Donc l'intérêt aussi de ce concours, c'est de nous ramener à parler de nous et d'utiliser ce cadre-là, parce que plus on parle de nous, plus on va chercher à s'accepter comme on est. Je m'étais déjà accepté avant avec l'orthophonie, mais je manquais quand même de confiance. Est-ce que... Le concours m'a permis de gagner en confiance en moi-même et surtout sur mes capacités à être un bon communicant malgré les bégaiements.

  • Speaker #2

    Tout à l'heure, je parlais du handicap de Gigi et pour moi, c'est un réel handicap. Je me suis posé la question entre presque être aveugle et bégayer, qu'est-ce qu'elle serait le pire ? Je dirais que c'est pire de bégayer parce que aveugle c'est reconnu. C'est reconnu, t'as un chien, les gens voient que t'es aveugle. Quand tu bégais, tu le sais pas, ça se voit pas sur la tête du juge qui bégait. En fait pour moi c'est vraiment important de communiquer, de parler, et d'être dans l'incapacité. Avec des amis, ça va parce que les amis comprennent, les amis ont l'habitude, prennent le rythme. La parole est une parole fluide et rapide. C'est tellement valorisé dans notre société, même pas valorisé en fait, c'est tellement un attendu. Bégayer, ça doit être horrible, horrible, horrible,

  • Speaker #0

    horrible.

  • Speaker #2

    Au quotidien, dans un travail, c'est pas possible. Il a tenté d'être prof pendant un moment. Impossible d'être prof avec un bégayement dans le 93 ou même ailleurs.

  • Speaker #3

    Et maintenant, je suis professeur. Voilà, je suis professeur Fkibege. Voilà, c'est ça. Bon, avant de commencer, bien sûr, j'ai posé naturellement beaucoup de questions. Est-ce qu'ils vont se moquer de ma manière de parler ? Comment ça va réellement se passer ? Surtout, est-ce que je vais être légitime en tant que professeur Fkibege ? Donc ça, ça a été vraiment la question du début. La première année, ça a été compliqué parce qu'il fallait que j'aie confiance en moi-même. en tant que professeur et surtout que j'arrive à trouver le moyen de gérer ce bégaiement-là. Alors le moyen que j'ai trouvé c'est de parler du bégaiement. Donc maintenant c'est devenu une sorte de routine. Au début de chaque année je parle de mon bégaiement. Alors je leur parle d'abord de ma manière de bégaier parce qu'il y a autant de personnes qui bégaient que de manière de bégaier. les mimiques, les tensions du visage, les clignes des yeux et la tension au niveau du cou et surtout la moite. C'est vraiment la pression, elle est énorme. Plus on le met en lumière et plus on va réussir à vivre en paix avec le bégaiement. d'horreur qu'on cache parce qu'elle arrive tôt ou tard à ressurgir. Et la pression de se demander à quel moment je vais bégayer, c'est vraiment une énergie folle qu'on va dépenser à essayer de gérer. Je me suis rendu compte que les personnes souvent réagissent mal, si on peut dire comme ça, parce qu'elles ne savent pas comment réagir face à nous. Donc, peut-être que c'est à nous de les aider en leur parlant. Aujourd'hui, quand même, je suis professeur, donc la parole est en première ligne. Donc, c'est possible, il y a l'orthophonie, pour moi, c'est super important. L'accès à l'orthophonie, pour moi, ça va être un combat. Ça ne doit pas être quelque chose qui va nous freiner. On peut être un avocat, brillant, être un beg, on peut être un communicant. On peut être un professeur aussi, mais il n'y a pas de limite. Et nous sommes la preuve que tout est possible.

  • Speaker #4

    Quand j'ai commencé à travailler, on demandait à nos patients de changer leur façon de parler du matin jusqu'au soir. On demandait de contrôler sa parole tout le temps et c'était épuisant et en plus culpabilisant. Parce que quand on n'arrivait pas à le faire alors qu'on y passait des heures et des heures d'entraînement, parce que c'est ça l'idée, c'est de s'entraîner et demander un entraînement, quand on n'arrive pas à faire ça, on se dit mais pourquoi moi j'y arrive pas et pourquoi j'arrive pas à changer les choses. Aujourd'hui, c'est pas du tout la même façon de voir les choses. On dit à nos patients... Voilà comment vous pouvez contrôler votre parole, voilà ce que vous pouvez faire pour modifier les choses, mais vous devez le faire à l'envie et en fonction du besoin. Si vous vous sentez bien avec votre parole telle qu'elle est, vous n'avez rien à modifier, c'est très bien comme ça. Et c'est ça le message qu'on essaye de faire passer, c'est vous êtes très bien tel que vous êtes, ne changez rien, mais apprenez à dompter, à informer aussi énormément, beaucoup plus qu'avant sur, ben voilà, oui ça m'arrive de bégayer ou j'ai un bégayement. Et j'attends de vous que vous fassiez ça, ça, ça m'aide ou ça, ça me gêne. Et communiquer et expliquer aux autres, c'est la meilleure des choses à faire.

  • Speaker #0

    Il y a surtout eu un travail d'acceptation. Je ne pouvais pas me sentir libre tant que j'étais en conflit avec... avec ce béaiement. Par exemple, avant, je m'excusais de prendre le temps nécessaire pour faire une phrase. C'est presque un geste politique d'essayer de moins la déformer pour que des gens comprennent ce que c'est, qu'ils voient que non, je ne suis pas bourré, non, je ne suis pas défoncé, il est 14h. Maintenant, je sais que ma parole est telle qu'elle est et elle a le droit d'être telle qu'elle est. Ma parole est telle qu'elle est. J'ai compris ici.

  • Speaker #5

    Merci à Gaëtan pour sa confiance, son temps et sa parole. Merci à Malik, à Riyad et à ses parents, à Caroline Deveau, l'orthophoniste de Gaëtan, à ses amis Renaud et JP. Ma parole telle qu'elle est est un documentaire sonore écrit et réalisé par Charlie Dupiot et Pierre Chaffanjon. Composition musicale, réalisation, mixage, Pierre Chaffanjon de Majora Prod. Merci à nos partenaires, l'association Parole Béguément, l'AGFIP, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, et le cabinet Personnalité. Merci à Sophie Héroé de Maison Bavard pour son travail et son implication dans ce projet. Merci à Chloé et Maxence, à Pierrick et Elouan. Et merci à vous pour votre écoute. Si vous avez aimé Ma Parole telle qu'elle est, n'hésitez pas à partager ce documentaire autour de vous.

Chapters

  • 1 - Prologue

    00:00

  • 2 - Enfance

    02:35

  • 3 - Extérieur

    08:05

  • 4 - École

    11:57

  • 5 - Iceberg

    23:18

  • 6 - Mondes intérieurs

    26:43

  • 7 - Amitié

    28:39

  • 8 - Concours d’éloquence

    35:39

  • 9 - Assumer

    42:57

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