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Chanter malgré la douleur : le parcours inspirant de Clémence face au syndrome d'Eagle cover
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Maux d'Espoir

Chanter malgré la douleur : le parcours inspirant de Clémence face au syndrome d'Eagle

Chanter malgré la douleur : le parcours inspirant de Clémence face au syndrome d'Eagle

53min |16/05/2025
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53min |16/05/2025
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Description

Pour ce premier épisode, je vous propose de découvrir le parcours poignant de Clémence, chanteuse et professeure de chant dont la passion pour la musique a été assombrie par les douleurs chroniques causées par le syndrome d'Eagle, une maladie rare très méconnue.

Pendant près de 30 ans, Clémence a dû jongler entre son amour du chant et des douleurs intenses que personnes n'expliquaient.

Dans cet échange, elle partage son errance médicale, son combat pour comprendre ce qui lui arrivait, ce qui lui a permis de tenir, et ce que cette épreuve lui a appris.

Un témoignage inspirant, qui parlera à beaucoup, au-delà de la rareté de cette pathologie, car il est question de reconnaissance, de persévérance et d’écoute de soi.

Bonne écoute.



Vous pouvez me suivre sur Instagram @mauxdespoir_podcast

Podcast créé, produit et monté par Marie Petitpas.


Tous droits réservés.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Marie Petitpas et je vous souhaite la bienvenue sur Mots d'espoir. Ici, vous entendrez des témoignages de personnes qui vivent avec une maladie chronique, un handicap ou des douleurs invisibles, ou qui ont traversé une maladie ou un trouble psychique. J'espère que leurs récits vous apporteront du réconfort, de la force et de l'inspiration. Je vous souhaite une très belle écoute. Dans ce premier épisode de Mots d'espoir, je vous invite à écouter le témoignage de Clémence, ma prof de chant. Elle a souffert pendant près de 30 ans de douleurs très intenses, surtout quand elle chantait. Et c'était d'autant plus dur que le chant, c'est sa passion, son métier, son souffle. Elle a fini par découvrir qu'elle avait le syndrome d'Higuel, une maladie rare, souvent méconnue. C'est un petit os au niveau du crâne, qu'on appelle le processus styloïde, qui est trop long ou mal positionné. Et ça peut provoquer des douleurs très vives dans la gorge, le cou, les oreilles, voire même dans certains cas des vertiges ou des troubles nerveux. Pendant des années, Clémence a été baladée de médecin en médecin sans qu'on la prenne vraiment au sérieux. On lui disait que c'était sûrement dans sa tête. Et comme beaucoup de femmes avec des douleurs invisibles, elle s'est sentie seule, pas crue, pas entendue. Son témoignage, ce n'est pas seulement celui d'une maladie rare, c'est celui d'une femme qui a tenu bon, qui a gardé sa passion vivante malgré tout et qui nous montre à quel point c'est dur mais possible de continuer à avancer quand le corps fait mal et que personne ne vous croit. Je vous souhaite une belle écoute.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je m'appelle Clémence. J'étais le professeur de chant de Marie. Je suis toujours professeure de chant et chanteuse, surtout depuis très très très très très longtemps.

  • Speaker #0

    Tu as commencé du coup en chanteuse d'opéra, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai tout de suite commencé à prendre des cours de lyrique. Donc j'ai commencé à prendre des cours de chant, j'avais 17 ans et j'avais une voix hyper facile, je chantais tout. J'étais un peu le petit singe savant de mes profs parce qu'ils me donnaient n'importe quoi et je chantais quoi, ça sortait tout seul. Jusqu'au jour où ça sortait plus, où tout d'un coup j'ai commencé à avoir des douleurs, à ne pas comprendre pourquoi. Et puis toujours du même côté.

  • Speaker #0

    Que quand tu chantais ou tu avais mal aussi en dehors ?

  • Speaker #1

    J'avais mal en parlant, en chantant et en utilisant ma voix.

  • Speaker #0

    À la déglutition, la mastication, tout ça ?

  • Speaker #1

    Au début, non. Et donc il n'y a pas très longtemps, ça fait trois ans que j'ai été opérée. Enfin, ce qu'on appelle un syndrome d'Eagle, comme l'aigle. Et Eagle, c'est un médecin qui a découvert ce syndrome, un médecin américain. Et c'est un syndrome qui est extrêmement méconnu. C'est très rare. aucun médecin que j'ai rencontré dans ma vie ne connaissait ce syndrome et donc ne pouvait évidemment découvrir que j'avais ça.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a commencé à quel âge ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a commencé vers 21 ans. Ok.

  • Speaker #0

    Donc, peu de temps finalement après que tu aies commencé.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà ta carrière à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, j'avais déjà des rôles, des messes, des petites choses, mais j'avais commencé.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu continues à travailler malgré les douleurs ?

  • Speaker #1

    Je continue à travailler malgré les douleurs parce qu'en tant que chanteur lyrique, on ne dit jamais qu'on a mal, jamais. C'est une sorte de silence sur tout ce qui est problèmes vocaux. On ne peut pas en parler parce que d'abord, ta carrière, tu as un risque de... de ne plus avoir la confiance des autres. C'est un drôle de monde quand même.

  • Speaker #0

    Du coup, personne n'était au courant de ce que tu vivais ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Tu en parlais quand même à ton entourage ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en parlais à ma prof de l'époque, qui ne comprenait pas. Elle me disait, mais non, mais ça m'a... Tout va bien. C'est dans ta tête. C'était toujours dans ma tête. Et en fait, il y a eu un clash avec elle parce que j'étais dans une troupe et je chantais le rôle de Suzanne dans les notes de Figaro. On répétait, c'est un rôle qui est très lourd, qui était trop lourd de toute façon pour moi, qui étais jeune chanteuse quand même. Mais bon, elle voulait absolument que je le fasse. En répétition, ça n'allait pas du tout. Je n'y arrivais pas. J'avais mal et les aigus ne sortaient plus. Je pense que ce n'était pas que la douleur, c'était aussi technique. Je n'avais pas encore la technique pour chanter ce truc-là. Mais elle ne voulait pas l'entendre. En fait, je n'avais pas le droit. Je n'avais pas le droit. Je n'avais pas mon mot à dire. Et un jour, je l'ai appelée, je lui ai dit, je ne peux pas le faire. Et ça a été terrible parce qu'elle m'a rejetée complètement. Elle m'a balayée de sa vie. Ça a été vraiment violent pour moi. J'avais fait un transfert sur elle. C'était une prof que j'aimais beaucoup. Elle était un peu comme une deuxième mère. Et là... Elle n'a même pas cherché à comprendre. Je ne l'ai plus jamais revue.

  • Speaker #0

    À partir du moment où tu lui as dit que tu ne ferais pas le rôle ?

  • Speaker #1

    Que je ne ferais pas le rôle parce que j'avais mal, parce que je n'y arrivais pas. Pour elle, ce n'était pas entendable. Donc, ça a été vraiment pour moi un choc. J'allais voir des médecins à l'époque. Je leur disais, j'ai mal, j'ai mal. Non, ils regardaient les cordes vocales. Voilà, il y avait tout. Mais on ne voit rien. Il n'y a rien. C'est dans votre tête. Il n'y a rien.

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais, toi, à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Alors, j'étais rassurée. Je me disais, les cordes vocales n'ont rien. Pour un chanteur, les cordes vocales, c'est un peu le... On met ça dans un écrin. Mais j'avais mal. Donc, je voulais savoir pourquoi j'avais mal. Mais je suis allée voir une orthophoniste géniale, franchement, super. Elle m'a beaucoup aidée à chanter avec la douleur. C'est-à-dire, bon, la douleur était là, mais la voix sortait mieux. Et puis, psychologiquement aussi, elle m'a beaucoup aidée à... À moins angoisser, à moins avoir peur de chanter.

  • Speaker #0

    Parce que tu finissais par avoir peur de chanter parce que tu savais que tu allais avoir mal ?

  • Speaker #1

    Oui. Ah oui, j'avais mal. De toute façon, je chantais, j'avais mal. Mais je vivais avec.

  • Speaker #0

    Et à aucun moment tu n'as envisagé de changer de carrière à cause de ces douleurs-là ?

  • Speaker #1

    Mouf ! Mille fois. Ah oui ? D'ailleurs, je ne sais pas, plusieurs fois dans ma vie, j'ai dit je ne veux plus chanter une note. J'arrête tout et je fais autre chose.

  • Speaker #0

    Parce que l'humeur était trop forte du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme toujours... buté contre un mur. L'impression qu'il y avait un mur devant moi et qu'il n'y avait aucune solution.

  • Speaker #0

    Et du coup, après cette orthophoniste-là, tu étais toujours limitée dans ce que tu pouvais faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, ça allait encore parce que, pour parler du syndrome d'Hegel, pour expliquer un petit peu, je pense que c'était suite à une opération très musclée de deux dents de sagesse à droite. je suis ressortie de là vraiment cabossée pendant longtemps ça a mis deux semaines à dégonfler j'avais une tête d'éléphant man pour le pauvre j'aime beaucoup l'éléphant man donc le syndrome d'Hegel c'est pour pas dire de bêtises je vais relire mes petites notes Eagle décrit en 1937 des douleurs dues à une élongation de l'apophyse styloïde. Dix ans plus tard, il rapporte 254 cas, donc 44 ont été opérés en 1937. Donc c'était quand même en 1937. Depuis, la douleur est typiquement sourde et unilatérale. D'accord. Elle est localisée dans l'oropharynx et peut irradier vers l'oreille. C'est exactement ça. Je me demandais toujours si je n'avais pas une otite, d'ailleurs. Elle augmente en avalant. Oui, donc, cette apophyse styloïde, ça se fait en une seule fois. Ça devient un cartilage qui saucifie, en fait. D'accord. Et qui pousse. augmente, ça fait comme une arête en fait. D'accord. Ça ressemble d'ailleurs à une grosse arête de poisson. Ok. Et ça part donc de l'oreille et ça se dirige vers le larynx. D'accord. Au début, ça devait être petit, donc j'arrivais encore à gérer, j'avais la bascule du larynx pour les aigus se faisait encore. Mais il y avait cette douleur, puisque ce truc-là me poussait littéralement dans les tissus. Je ne sais pas si c'est clair ce que j'ai dit. Si, si.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a augmenté au fur et à mesure, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a augmenté au fur et à mesure. D'ailleurs, j'ai continué à chanter. C'est hallucinant d'ailleurs. Après avoir vu Madame Gache, qui m'a vraiment remise sur pied psychologiquement et vocalement. Parce que la confiance, quand on perd confiance en la voix... On ne chante plus, on ne chante plus avec plaisir. C'est hyper important d'y croire. Et j'ai passé une audition pour aller à la Juilliard School à New York, qui est l'une des plus grandes écoles de musique du monde. C'est un endroit, c'est le Graal de tous les apprentis musiciens. Et j'ai été prise. D'accord.

  • Speaker #0

    Malgré ça,

  • Speaker #1

    en fait. Malgré ça. Ah oui, oui. Après, ça a été un peu l'enfer pour moi là-bas. Je ne me sentais pas du tout à ma place. De toute façon, le monde de l'opéra n'a jamais été un monde où je me suis sentie à ma place et bien. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé. En tout cas, j'ai été prise. J'ai fait deux ans là-bas. Je suis revenue, j'ai fait partie d'une compagnie d'opéra contemporain, Jeunes Publics.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Donc, voilà, je chantais, mais j'avais cette douleur persistante qui me pourrissait la vie. À un tel point qu'à un moment, j'ai arrêté de chanter du lyrique et j'ai fait de la comédie musicale, du jazz. Ou au moins... Oui, ça demande quand même moins de technique. Excusez-moi. Non, mais c'est vrai. C'est moins exigeant. C'est moins exigeant, oui. C'est qu'on peut vraiment se lâcher, enfin se lâcher dans le sens où musicalement, on n'est pas forcé de suivre la partition. Et puis, on va moins dans les aigus. C'était quand même plus facile pour moi. Mais la douleur était toujours là.

  • Speaker #0

    Comment tu gérais ? Est-ce que tu prenais des antalgiques ? Tu prenais des choses ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, je n'ai jamais pris d'antalgique. Je souffrais. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et là, tu continuais à consulter pendant ce temps ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, je consultais. Je suis allée voir des orthophonistes, je suis allée voir des... des rééducations, même si ma voix allait bien, mais bon. Parce qu'évidemment, la douleur fait qu'on se tend, il y a une tension qui se crée physiquement, j'ai mes muscles, ma gorge se serrait, il y avait des... La douleur n'était pas que à cause de ce truc-là. C'était aussi parce que ça créait des tensions. J'ai fait de la ostéovox. Ostéovox, oui. C'est de l'ostéopathie pour la voix. D'accord. Qui consiste à essayer de détendre, de manipuler vraiment le larynx. Ok. Et même là, pourtant à la palpation, ça peut se sentir.

  • Speaker #0

    Mais les médecins n'arrivaient pas à le sentir ?

  • Speaker #1

    Non. En tout cas, à la fin, ça se sentait très bien, la palpation.

  • Speaker #0

    Mais ça, du coup, au bout de 20 ans d'errance médicale.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, oui. Et puis un jour, je suis allée voir ce médecin. Ah oui, là, c'était la cerise sur le gâteau. Je vais chez un très grand professeur. C'était pendant le Covid. Et donc, je trouve de la place, c'était un miracle que je trouve de la place chez ce très grand médecin qui soignait toutes les chanteuses de l'Opéra de Paris. Et je me dis, ouais, ça y est, enfin, enfin. Et je vais chez lui. Grand bureau, hyper chic, au sculpte. Il regarde les cordes vocales, on tire la langue, comme ça, et puis... Et il voit si les cordes vocales sont blanches, si elles s'accolent bien. Voilà, c'est tout un... Et puis, les miennes, évidemment, c'était... Évidemment, comme toujours, très bien. Il n'y avait pas... On ne voyait rien. Donc, je ressors avec une ordonnance d'une crème et de bromure. Le bromure, je pense que c'était pour me calmer. Il fallait que je me calme. Parce que tout ça, j'imaginais la douleur. Il t'a dit ?

  • Speaker #0

    Il t'a dit la préception.

  • Speaker #1

    Il ne l'a pas dit.

  • Speaker #0

    Il ne t'a pas expliqué ?

  • Speaker #1

    Non. Il ne m'a rien expliqué. Non, non. J'avais l'impression qu'il voulait se débarrasser de moi. Il m'a juste dit, la crème, vous la mettez matin et soir, vous appliquez, vous massez la zone qui fait mal, la zone du cou, c'est donc dans le cou, au niveau du larynx. Et je vais à la pharmacie. Je montre mon ordonnance. Elle me donne le bromure. Et puis après, elle me dit, mais attendez, la crème n'existe plus depuis les années 70. Je dis, ah bon ? Vous êtes sûre ? Parce que c'est le médecin en haut de chez vous, là, qui me l'a prescrit. Ah non, non, je suis très étonnée qu'il vous ait prescrit ça, parce que ça n'existe plus. Bon.

  • Speaker #0

    Et le bromure, du coup, toi, tu savais à quoi ça servait ?

  • Speaker #1

    Alors, le bromure... Il me semble, moi j'ai toujours entendu dire que c'est ce qu'on donnait avant, il y a longtemps, aux soldats pour les calmer sexuellement. Oui, parce que les pauvres, pendant un an, c'était dur. Donc, ils prenaient du bromure, on leur donnait du bromure.

  • Speaker #0

    Mais donc, on a du mal à voir le lien avec ce qu'ils t'avaient amené chez ce médecin.

  • Speaker #1

    Alors, je me suis dit, bon, alors, OK, bromure, peut-être c'est pour que ça me calme un peu, pour me détendre, je ne sais pas. D'ailleurs, il m'a donné le bromure et cette crème était censée aussi détendre la zone où j'avais mal.

  • Speaker #0

    Donc, toi, tu y croyais quand même un petit peu, même en sortant ?

  • Speaker #1

    Non, j'y croyais pas trop. J'ai acheté les médicaments en me disant bon, allez. J'ai pris le bromure le lendemain matin. J'étais zombie toute la journée. Des pauvres soldats. Je sais pas comment ils pouvaient aller se battre dans cet état. Mais vraiment zombie, l'horreur je suis, mais c'est horrible ce truc. Et donc je l'ai pris une seule fois, le lendemain. Heureusement que quand même, je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais du coup ? Est-ce que tu avais eu beaucoup d'espoir, j'imagine, en voir ce médecin ?

  • Speaker #1

    Très déçue. Ah ouais ? Très déçue et puis toujours à me dire qu'il n'y a pas de solution. Mais je me disais, c'est certainement moi aussi qui imagine.

  • Speaker #0

    Donc toi, tu finissais par croire le fait que ça soit dans ta tête ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, complètement. Même si je sentais la douleur. Après ça, je crois que je suis encore allée voir une orthophoniste. Ah oui, il m'a prescrit des séances de rééducation quand même. D'accord.

  • Speaker #0

    Que t'as faite du coup ?

  • Speaker #1

    Que j'ai faite.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a rien changé ?

  • Speaker #1

    Non. Ça m'a aidée à me détendre quand même. Parce que, je l'ai dit plus tôt, je pense... Mais la douleur, ça crée des tensions. On a mal à l'épaule, on est tendu. On a mal... Le corps, il réagit par la défensive. Donc effectivement, ça m'aidait, les séances d'orthophonie. Ça m'aidait aussi d'être écoutée, parce que souvent les orthophonistes sont quand même des personnes qui écoutent, qui sont bienveillants.

  • Speaker #0

    Tu te sens plus entendue par les orthophonistes que par les médecins.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais bon, pareil, elle ne comprenait pas d'où venait cette douleur. Et c'est un jour, alors peut-être un an et demi après ça, j'ai trouvé sur Doctolib un rendez-vous chez une phoniatre que je ne connaissais pas à Paris. Parce que des phoniatres, il y en a très peu. Et je crois que c'est même voué à disparaître, la phoniatrie, cette spécialité. Il me semble, je dis peut-être des bêtises, mais... Et donc, je vois un rendez-vous de livre chez une phoniatre qui avait l'air sympa, une bonne tête, sur Doctolib, et qui avait des bonnes notes. Et donc, je me rends à ce rendez-vous, et là, je tombe sur une femme, une jeune femme, jeune médecin, sympa comme tout, vraiment... Et puis, je lui parle de mon problème. Elle regarde les cordes vocales. Tout va bien. Et je lui dis, mais vous savez, tout va toujours bien. On m'auscule, ça va. Et puis, j'ai toujours mal. Et elle me demande d'expliquer plus, vraiment en détail, mes sensations. Vraiment en détail. Donc, je lui dis, voilà, quand je déglutis, j'ai mal. Il y a un claquement. Il y a un claquement. C'est comme si j'avais un corps étranger dans la gorge. J'ai mal au cervical, parce qu'il y avait aussi ça, c'est que ça atteint aussi... toute la zone des cervicales. Je me réveillais tous les matins avec des maux de tête à me taper la tête contre les murs. Je suis allée aux urgences plusieurs fois, tellement la douleur était importante.

  • Speaker #0

    Qui était causée par le centre d'antiguel,

  • Speaker #1

    du coup ? Oui, parce que je ne l'ai plus... Alors, c'était aussi les tensions que ça causait, cette douleur, qui faisait que j'ai eu le nerf d'Arnold aussi pincé.

  • Speaker #0

    Donc, une névragie d'Arnold ? Oui.

  • Speaker #1

    qui est toujours parfois là, mais tellement espacée aujourd'hui. Avant, c'était tous les matins. À la fin, je prenais des médicaments tous les jours. Et c'est pour ça que j'ai appelé le médecin. Je me suis dit, ça ne peut pas continuer comme ça, à prendre du Doliprane ou de la Spigic tous les jours. Donc je lui explique ça, que j'avais les maux de tête, le claquement, mal à l'oreille. J'avais l'impression que j'avais mal aux dents. Trois mois avant, un dentiste m'a retiré une dent, m'a carrément arraché une dent en pensant que c'était ça. Enfin bon, voilà, donc j'ai eu tant de moins pour rien. Et c'était pas ça. Et donc elle m'écoute, et c'est marrant, elle me dit... Est-ce que ça vous pourrit la vie ? Je dis oui, ça me pourrit la vie. Ok. Eh bien, on va aller chercher en profondeur ce que vous avez. Et elle me dit, je pense à... Voilà, j'ai étudié un syndrome très rare, mais pourquoi pas, ça me fait penser à ça, ce que vous avez. Donc, on va aller chercher de ce côté-là. Et ça demande en fait un scanner très précis, des vues d'un certain angle, enfin... D'accord. Si j'ai... d'après ce que j'ai compris. Donc elle me fait une ordonnance pour ce scanner. Et voilà, c'était ça, c'était ce syndrome. Elle a tout de suite trouvé le truc.

  • Speaker #0

    Comment tu t'es sentie du coup quand elle t'a annoncé ?

  • Speaker #1

    Je me suis dit, mais je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. La douleur, elle est causée par un truc qui existe et pas par mon imagination. Ah ouais, c'était...

  • Speaker #0

    Un soulagement, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ouais. Un soulagement, ouais. Enfin, j'ai été entendue par quelqu'un qui a pris ça au sérieux, qui m'a prise au sérieux.

  • Speaker #0

    Au bout de 20 ans.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, ouais. Ah ouais, ouais. Surtout que c'était devenu insupportable. Les douleurs, les céphalées et tout ça, c'était très, très dur. Et puis, je ne chantais plus.

  • Speaker #0

    Tu ne pouvais plus du tout chanter à la fin.

  • Speaker #1

    Si, si, je l'exagère. Parce que je chantais, mais alors c'était dur. C'était dur, les aigus, c'était à l'arrache. Parce que la bascule du larynx ne se faisait plus correctement. Il y avait ce corps étranger qui bloquait les choses. Et puis les douleurs, enfin tout le...

  • Speaker #0

    Du coup, tu faisais uniquement des cours de chant à cet épargne ?

  • Speaker #1

    Non, non, je chantais. Je chantais avec la douleur. Et pas de plaisir ? Il y avait le plaisir musical qui était là, bien toujours ça, la musique. Mais le plaisir physique de chanter, l'abandon, le lâcher prise, tout ça, je ne l'avais pas du tout. Je souffrais. Il y avait le plaisir musical et la souffrance physique. Et donc, elle ne savait pas opérer ça. Il y avait deux médecins à l'époque, je crois, en tout cas sur Paris, qui connaissaient ce syndrome, qui savaient l'opérer. Donc, elle m'a conseillé d'aller voir un des médecins, qui était à Vincennes, super médecin ORL, qui, lui, savait opérer ça. Que j'étais allée voir, d'ailleurs. Très sympa, mais bon, il n'avait pas diagnostiqué ce syndrome.

  • Speaker #0

    Il n'avait pas réussi à voir que tu souffrais de ce syndrome à l'époque où tu l'avais consulté ?

  • Speaker #1

    S'il avait quand même vu que je souffrais, mais il n'a pas pensé à ça. Lui, il est ORL, il n'est pas fauniatre. la différence, je ne sais pas exactement ce que c'est, mais bon voilà, il sonne les oreilles, mais il n'y a pas pensé, et d'ailleurs il me l'a dit, il m'a dit écoutez, je suis, voilà, j'aurais jamais imaginé que c'était ça on a pris rendez-vous pour une opération à Rothschild et ce que j'ai adoré, c'est que Au moment, juste avant qu'on m'endorme, j'étais sur la table d'opération. Arrive le docteur Mailly qui me dit écoutez je suis venue parce que j'avais très envie d'assister à cette opération. Je trouve que c'est vraiment passionnant. Voilà si vous êtes d'accord et tout ça. Je lui dis bah oui bien sûr. Et j'avais des infirmières. Comme elles savaient que j'étais chanteuse, elles m'ont mis de l'opéra. C'était vraiment chouette. C'est un beau...

  • Speaker #0

    Un très bon moment et tu n'étais pas particulièrement stressée avant cette intervention.

  • Speaker #1

    Euh, non, parce que j'étais vraiment rassurée. Je pouvais être stressée parce que c'est un... Je veux dire, la gorge, il y a quand même pas mal de choses qui passent. Il y a le nerf facial, déjà. Je me suis dit, pourvu que je ne me réveille pas avec la moitié du visage avachi. Mais bon, j'avais confiance. Ok. Ouais, ouais, j'avais confiance.

  • Speaker #0

    Donc, tu devais t'hospitaliser pour être opérée ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai été hospitalisée trois jours. Ok. Oui, parce que c'est quand même une sacrée opération. Je veux dire, sur trois plans. D'accord. Ils vont chercher très loin le truc. L'arête, j'appelle ça l'arête. Voilà, donc j'ai été opérée, ça s'est très bien passé. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Ouais. Parce que c'est un endroit de la gorge où ça fait mal.

  • Speaker #0

    Comment ça s'est passé du coup l'après-intervention ?

  • Speaker #1

    Ce qui était dur, c'est que j'avais un drain qui sortait du côté de ma gorge, avec du liquide dedans, c'était vraiment dégueu. J'étais toute gonflée. Je me suis dit, j'avais plus de voix du tout.

  • Speaker #0

    Même pour parler, du coup ?

  • Speaker #1

    Non, il n'y avait plus de voix. La voix a mis du temps à revenir.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a fait peur, ça ?

  • Speaker #1

    Non, il m'avait prévenu.

  • Speaker #0

    Ok, il t'avait prévenu.

  • Speaker #1

    Oui, il m'avait prévenu. Mais bon, tout de suite, comme je m'ennuyais un peu à l'hôpital, mon drain, je ne pouvais pas trop bouger, j'ai fait un blog. dans mon site de professeur de chant. J'avais envie d'en parler. J'ai fait un blog que j'ai appelé Syndrome d'Igle, où j'ai raconté vraiment en détail tout, l'opération, l'errance, un peu ce que je raconte là. Ça m'a permis aussi d'évacuer, de sortir enfin de ce que j'avais à dire là-dessus. J'étais vraiment pleine de... J'avais mal. J'avais mal. Quand je me suis réveillée, j'avais très mal. On m'a mise sous tramadol. J'ai eu des antidouleurs pendant un bon moment.

  • Speaker #0

    Ça te soulageait, les antidouleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, ça me soulageait.

  • Speaker #0

    Et tu les supportais bien ?

  • Speaker #1

    Oh ben ouais ! Tramadol, c'est très agréable. J'ai de la pluie pour le tramadol. Non, non, dis ça, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas le cas de tout le monde. Il y a des personnes qui peuvent être très malades avec le tramadol. Il y en a qui ne peuvent pas du tout les prendre.

  • Speaker #1

    Ah, c'est vrai ?

  • Speaker #0

    Qui vomissent. Donc, c'est vrai que c'est bien quand on les supporte.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Même s'il y a des gros risques d'addiction. Attention à ce que je dis.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que d'avoir quand même des antalgiques qui nous soulagent, ça change beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    Ah oui. Non, non, évidemment, oui. Je ne fais pas la pub pour le tramadol parce qu'il faut en prendre les prix peut-être trois fois. ouais donc on a On va dire qu'au bout de trois mois, j'avais récupéré un aspect normal. Ok.

  • Speaker #0

    Ça a mis trois mois à dégonfler ?

  • Speaker #1

    Oui, un aspect normal dans le sens où la cicatrice était très rouge. J'ai fait même des séances de kiné, de palpation de la cicatrice. C'est vachement bien d'ailleurs. Je préconise une grosse cicatrice pour qu'il n'y ait pas d'adhérence. Une sorte de petite machine, c'est assez marrant, qui respire la peau. par intermittence, comme un... Comment on appelle ça ?

  • Speaker #0

    Une ventouse.

  • Speaker #1

    Une ventouse, voilà. Qui se promène sur la cicatrice pour éviter les adhérences. Parce que ça, c'est... Ça fait mal, les adhérences. Donc, j'ai fait ça. J'ai vraiment pris soin de moi après cette opération. Et de toute cette zone, j'avais toujours mal. En fait, la douleur... Elle ne disparaît pas quand tu as eu mal pendant 20 ans. Même quand la cause est partie, la douleur est là. Et elle a mis du temps à disparaître. Ok. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, est-ce que ça t'a inquiété du coup d'avoir encore mal après la préparation ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a inquiétée. Alors il faut dire que, oui, j'ai oublié de dire que le docteur, le lendemain, il m'a donné un petit flacon avec... mon styloïde là d'accord dedans c'était impressionnant ça faisait deux centimètres plus que ça deux trois centimètres et c'était très épais comme une grosse arête de poisson d'accord et donc t'avais ça dans la gorge pendant des années oui oui je vous le donne ça vous fera un souvenir je l'ai toujours Je me ferais enterrer avec. J'ai mis du temps à récupérer, à lâcher les tensions. C'était en fait les tensions liées à la douleur, la peur, la peur de chanter. Il y a eu tout un...

  • Speaker #0

    Une rééducation à ce niveau-là. Comme si mon corps s'accrochait finalement à cette douleur. Je ne la laissais pas partir. Tu vois ce que je veux dire ? Et d'ailleurs, j'ai consulté, même après, je suis retournée voir le docteur qui m'a rassurée. Il m'a dit, là, je vous assure qu'il n'y a plus de raison que vous ayez mal. Elle me disait, ça partira. Ça partira avec le temps. Essayez de ne pas y penser. Je lui ai dit, oui, mais... pas y penser. C'est difficile de ne pas y penser. Oui. La douleur, j'ai eu pendant au moins un an après.

  • Speaker #1

    D'accord. C'est long.

  • Speaker #0

    Mais avec la confiance qu'il n'y avait plus la cause de la douleur. Finalement, la douleur, je l'acceptais mieux en me disant, bon, elle est là, elle partira quand elle partira. Il n'y a plus de cause.

  • Speaker #1

    Oui, ça ne t'a pas mis le doute sur le fait qu'il y ait autre chose.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Tu arrivais à être sereine sur le fait que ça partirait.

  • Speaker #0

    Oui, et je me suis dit, elle doit être là parce que les tensions sont là. Donc, j'ai beaucoup travaillé seule, avec les connaissances que j'ai acquises en tant que professeure de chant et dans mes formations, puisque je me suis énormément formée aux techniques vocales et aussi à l'ostéovox, enfin, pas à l'ostéovox, mais tout ce qui est thérapie manuelle. Donc, je faisais des automassages, voilà, de les voir aussi. mon ostéopathe qui me... extraordinaire, c'était un horloger du larynx, il allait justement jouer, travailler sur les tensions musculaires, donc ça aidait beaucoup. Mais il y avait toujours l'appréhension de chanter, l'appréhension de me faire mal en chantant. Et c'est mon médecin traitant, un jour je vais la voir, je lui dis écoutez, je ne comprends pas, j'ai toujours mal, j'en ai marre et tout ça. Voilà, elle regarde la cicatrice, elle me dit, votre cicatrice, il n'y a pas d'adhérence. Parce que les adhérences peuvent faire mal. Et là, elle me dit, mais vous savez, parfois la douleur, quand on l'oublie, elle disparaît. Il y a aussi, quand il n'y a pas de, comment dire, de lésion, que la douleur est là. Parce que d'une certaine façon, le cerveau l'entretient, la douleur. Elle est là quelque part. C'est-à-dire que plus on y pense, plus on a mal. souvent Plus on pense à, je sais pas, et ça j'en suis persuadée, plus on pense à une douleur, plus elle fait mal. Et je lui ai fait confiance et je lui ai dit ok. Je me suis dit je n'y pense pas, j'arrête d'y penser.

  • Speaker #1

    T'as réussi à faire ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, j'ai réussi à faire ça. Elle me disait c'est pas grave, ok elle est pas là. J'oublie que j'ai mal. Et effectivement elle avait raison. La douleur est partie.

  • Speaker #1

    Peut-être parce que tu te crispais du coup dans l'appréhension et que c'est ça qui causait des douleurs ? Oui,

  • Speaker #0

    je pense qu'il y avait ça. Peut-être que je créais cette douleur par l'appréhension, tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    Parce qu'après, c'est vrai qu'on dit souvent que quand il y a des douleurs pendant très longtemps, il y a des modifications du système nerveux périphérique et central. Et du coup, il peut y avoir de la douleur sans qu'il y ait une lésion. une agression du corps, mais en fait des messages douloureux qui viennent du système nerveux. Oui,

  • Speaker #0

    c'est exactement ça. C'est ce qu'elle m'a expliqué.

  • Speaker #1

    Ah, elle t'a expliqué ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et elle m'a dit le seul, finalement, le moyen le plus efficace, ce serait de ne pas y penser.

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est vrai que ça, c'est bien que ça ait marché pour toi,

  • Speaker #0

    mais ça ne fonctionne pas pour tout le monde. C'est évident de ne pas penser à une douleur.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est des douleurs nociplastiques. Je ne sais pas si c'est ce que tu as eu, mais en tout cas, il y a une catégorie de douleurs, les douleurs nociplastiques. Il me semble que c'est ça le nom. Quand il y a une douleur pendant très longtemps et que le système nerveux, du coup, s'est modifié et continue à envoyer des signaux douloureux, des fois juste pour un toucher ou ça s'appelle de l'allodinie, mais des choses qui ne sont pas censées être douloureuses qu'envoient des signaux douloureux. Et c'est vrai que pour certaines personnes, ça ne disparaît pas. Même que le cerveau n'a pas forcément... qu'on ne peut pas, par le contrôle de la pensée, faire disparaître ces signaux.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a peut-être... J'imagine... Bon, moi, je n'ai jamais fait de sophrologie. On m'a souvent conseillé d'en faire. Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis jamais allée voir de sophrologue. Mais il paraît que la sophrologie est assez efficace dans ces cas-là. C'est-à-dire quand... quand... OK, on a trouvé la thérapie adéquate à une maladie, et pourtant, on souffre toujours. Il y a quand même des... Pendant 20 ans, tu souffres, et puis tout d'un coup, OK, on a trouvé le remède, mais t'as souffert 20 ans, quoi. Tu vois, donc... Ça fait presque partie de ton... Tu vois, de toi, finalement. Cette souffrance fait partie de ta personnalité.

  • Speaker #1

    Oui, toi, c'était l'impression que tu avais par rapport à ta douleur.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ah oui. Même si je ne le disais pas. Je disais à mon mari, lui il me disait mais je ne comprends pas pourquoi tu as mal, enfin il ne comprenait pas, mais il avait raison, il entendait que j'avais mal, mais il disait peut-être qu'il faudrait que tu arrêtes de chanter. Et là, c'est incroyable parce que c'est, donc ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Que tu as été opérée, du coup ?

  • Speaker #0

    Que j'ai été opérée, oui. J'ai toujours des sensations un peu désagréables au-dessus de la cicatrice. On m'a coupé plein de nerfs et tout ça. La peau, elle n'a pas retrouvé sa sensation. Mais en tout cas, ce qui est fou, c'est que... Alors, j'ai 58 ans, donc on ne récupère pas à 58 ans comme on récupère à 25. Il faut du temps, les muscles, les tissus ne sont pas aussi élastiques. que quand j'étais jeune. Mais en tout cas, je retrouve une voix de jeune femme, quoi. C'est fou. Les aigus et tout, c'est dingue.

  • Speaker #1

    Tu pensais ne pas les retrouver ?

  • Speaker #0

    Ouais. Ah ouais, ouais. En fait, j'avais oublié la sensation de ce que c'était quand la voix est libre et sort toute seule. J'avais oublié ça. Et ça, c'est extraordinaire. Alors, c'est pas comme ça tout le temps, mais de plus en plus.

  • Speaker #1

    Et ça s'est amélioré au bout de combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça s'est amélioré au bout de combien de temps ? J'ai beaucoup travaillé sur la détente, puisque ça avait créé beaucoup de tensions, cette histoire, sur la détente de la gorge, la détente physique aussi, en chantant. C'est hyper intéressant, en fait. Finalement, je remercie cette maladie, parce que je... Ça me passionne. Je pense que je n'aurais pas été aussi loin dans la curiosité. Tout ce que j'ai appris toutes ces dernières années est toujours... Je suis passionnée. Il n'y a pas un jour où je ne regarde pas des trucs sur Internet, sur la voix, où je n'essaye pas des nouveaux trucs. J'essaye toujours sur moi avant de les proposer à mes élèves. C'est assez marrant. Puis je fais des... Des petites vidéos où je me filme en train de faire des trucs complètement dingues. Justement pour détendre. Parce que chanter, il faut être dans une détente totale et dans un engagement physique global. Plus on est détendu, mieux c'est. Mais il ne faut pas être une loque. Il faut être engagé en même temps. Donc voilà. Là, je parle de la voix parce que c'est ma passion.

  • Speaker #1

    Mais tu ne serais pas autant renseignée, tu n'aurais pas poussé autant tes recherches si tu n'avais pas été concernée par... Par le syndrome d'Hegel, selon toi.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui.

  • Speaker #1

    C'est vraiment ça qui a été un moteur ?

  • Speaker #0

    Oui, ça a été un moteur. Oui, parce que souffrant moi-même, d'abord, je ne voulais pas que mes élèves souffrent. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je demande toujours, est-ce que ça va ? Oui, c'est vrai. Pendant les cours, il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de fatigue.

  • Speaker #1

    Parce qu'à un moment donné, tu pensais que c'était toi qui te provoquais ces douleurs-là, quoique il n'y avait pas. pas de cause physiologique, mais que c'était toi qui chantais de la mauvaise façon ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, pendant longtemps, j'ai cru ça. Alors je me demandais pourquoi c'était toujours du même côté que j'avais mal. Il y a un côté où je sens rien, et toujours le côté droit, c'est là où ça me faisait mal. Alors je me disais, je suis peut-être trop tendue du côté droit. Bon, le corps, c'est quand même un drôle de truc. Surtout toute la partie laryngée, c'est un bazar total. de muscles, de cartilage, de tendons. C'est toute une mécanique, c'est passionnant. Et savoir ce qui se passe là-dedans, quand on chante, on ne le sait toujours pas d'ailleurs, vraiment. On n'a pas encore... on ne sait pas tout sur la voix. Mais ce qu'on sait, en tout cas moi ce que je sais, c'est que le mental joue énormément. Et je pense que le mental joue énormément sur le corps. que la peur, on a peur de plonger. Tu es sur un plongeoir et au dernier moment, tu fais « Ah non, là tu fais le plat ! » La voix, c'est pareil. Tu as peur de faire un aigu, tu vas faire un couac terrible, tu vas serrer. Tu as peur de te faire mal, tu as peur… Oui, le mental, c'est un truc, c'est quand même puissant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as l'impression que ce que tu as traversé avec le syndrome d'Eagle, ça a changé ? Des choses dans ta façon de te percevoir ou de percevoir la vie ?

  • Speaker #0

    Déjà, oui. Finalement, je pense que toute maladie peut faire grandir. Tu te poses des questions. D'abord, pourquoi ? Pourquoi tu es malade ? Pourquoi on est malade ? C'est une grande question. Il y a tellement de réponses possibles. aucune réponse, tout simplement. Mais en tout cas, je pense que c'est comme l'aveugle, il va développer l'ouïe. Chaque maladie, j'imagine, peut te permettre de développer autre chose pour compenser finalement ton handicap. Si tu as le mental qui fonctionne, évidemment. Mais moi, j'aurais envie que tout le monde arrive justement à dépasser Voilà, comme toi qui crée ce podcast. Moi, je trouve ça génial parce qu'il y a énormément de possibilités autres que ce que nous empêche de faire notre maladie.

  • Speaker #1

    Oui, de ne pas se réduire à ça.

  • Speaker #0

    Ah ouais, et moi, je me suis formée, je me suis passionnée pendant des années. Je n'arrivais pas à chanter, je souffrais et tout ça, mais c'était extraordinaire de découvrir la mécanique du chant. C'est incroyable. Donc ça m'a fait vraiment grandir à ce niveau-là. En plus, moi, j'étais tellement pas faite pour les études quand j'avais 18 ans. L'horreur ! Ah non, j'ai même pas mon bac. J'ai pas mon bac et j'ai réussi quand même à obtenir un bac plus 4. Mais en tout cas, ça m'a permis de découvrir que je pouvais être faite pour les études aussi. C'est pas mal. Et puis j'ai vraiment pris confiance en moi. C'est vrai ? Ah ouais. Le fait de me dire... D'abord, de me former en tant que prof. Oui, parce qu'il y avait une chose. Je donnais des cours au début. J'ai commencé à donner des cours. Je ne savais pas trop, finalement, comment ça fonctionnait, cette histoire-là. Donc, je faisais faire des vocalises. On m'avait appris à faire comme ça. Je transmettais ce que j'avais appris, moi. C'est-à-dire, pas grand-chose, finalement. Mes profs... Excusez-moi, mais à part me faire faire des vocalises et me faire chanter des airs, il ne m'expliquait rien. Donc, je transmettais comme j'avais appris. Et le fait de me former, j'ai vraiment pris un plaisir après à donner des cours et à avoir tout un tas d'outils. J'ai une boîte à outils aujourd'hui, c'est fou. malgré le fait que j'avais du mal à chanter. Enfin, je pense à... Tiens, j'ai eu une prof aux États-Unis qui était hémiplégique. Et alors, c'était une chanteuse d'opéra. Et elle aussi avait développé, grâce à sa maladie, une proprioception incroyable. Et aussi, elle faisait de la technique Alexander, donc une technique de prise de conscience du corps. Les anglo-saxons, ils sont très là-dedans. Technique Alexander, Feldenkrais. Nous, on a très peu ça en France. Nous, le corps, nous, tout ça, non, il ne faut pas y toucher. On est vraiment quand même... C'est très français, ça. Là-bas, en tout cas aux États-Unis et en Angleterre, on est très à l'affût de la proprioception, d'avoir une meilleure utilisation de notre corps. Et donc, cette prof... C'est quand même l'exemple de la personne qui, quand même, naît avec un sérieux handicap et qui devient chanteuse d'opéra, avec une super voix magnifique et très bonne prof. Peut-être c'est son handicap qui a fait ce qu'elle est aujourd'hui, parce qu'elle était, je ne sais pas si elle est toujours là, mais c'était un bel exemple aussi, on appelle ça... De résilience ? Résilience, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des ressources, toi, qui t'ont particulièrement aidée pendant les périodes difficiles ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui m'ont aidée.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des personnes de ton entourage, du coup ?

  • Speaker #0

    Oui, des personnes, bon, comme cette Madame Gache, qui m'a beaucoup aidée psychologiquement, mais aussi vocalement. Il y a donc cette prof, Irene Goodrunt, ça s'appelait, qui m'a aidée. Il y en a qui ne m'ont pas aidée, à la Juilliard, j'avais une... prof, oh là là, c'était la cata quand même. Très très grande prof. J'étais chez la meilleure, paraît-il, et alors elle m'a massacrée, elle n'a rien compris. Elle, pas du tout, elle écoute.

  • Speaker #1

    Parce que tu lui avais parlé de tes douleurs, du coup ?

  • Speaker #0

    Je lui avais parlé de mes douleurs, oui. Je suis ressortie d'un an avec elle, avec plus de voix du tout. Donc c'est pour ça que je suis allée voir après l'autre prof. Je prenais des cours particuliers, en plus de mes cours à la Juilliard. Et elle m'a beaucoup aidée. À l'époque, le styloïd devait être pas aussi long qu'aujourd'hui. J'avais 28 ans. Non, j'avais pas 28 ans, j'avais 27 ans. Donc il y a... Ça a encore traîné au moins 15 ans. 17 ans, je n'ai plus. Mais des ressources, ce qui m'aidait, j'ai énormément regardé de choses sur Internet, en essayant de comprendre. Je n'ai jamais trouvé sur Internet.

  • Speaker #1

    En fait, avant que cette médecin te parle du syndrome d'Higuel, tu n'en avais jamais entendu parler ?

  • Speaker #0

    Non, non, jamais.

  • Speaker #1

    Et comment était ton entourage pendant toutes ces années ? Est-ce que tu étais soutenue ? Est-ce que les gens comprenaient tes douleurs ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors, j'étais très proche de ma mère pendant longtemps, jusqu'à sa mort. On était très proches. Et ma mère et mon beau-père, mon père est mort il y a très longtemps, avaient une sorte de... Ils avaient tout misé sur moi. J'étais un peu la sauveuse de la fratrie. Parce que mes frères, ils sont un peu... Ils ont tous pris des directions. Ils ont pris leurs directions, mais qui ne correspondaient pas vraiment à ce qu'auraient imaginé mes parents. Et moi, chanteuse d'opéra, à la Juilliard, j'étais un peu la sauveuse. Et ils n'ont pas compris que je refuse des rôles, par exemple. Mais t'es prête et tout ça. Mais si, mais... En fait, tu ne te sens pas prête, mais tu l'es. Et en fait, je ne me sentais pas prête parce que j'avais mal. Et je me disais, mais si j'ai mal, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, je n'avais pas m'engager dans un truc, comme ce qui était arrivé avec le rôle de Suzanne, où j'ai arrêté. J'avais peur, en fait, d'accepter des rôles et de ne pas arriver au bout. De ne pas pouvoir aller. Et donc, ma mère, elle ne comprenait pas. Oui, c'était psychologique, finalement, mon histoire. Elle ne l'aura jamais su, en fait. Mais bon, voilà, elle ne pouvait pas imaginer non plus. Bon, et puis aussi, ça aurait pu être psychologique. J'ai eu une enfance un peu mouvementée. Pourquoi pas ? J'étais quand même la bonne candidate à avoir un mental un peu dérangé.

  • Speaker #1

    Et toi, tu as eu le doute à un moment donné que ça soit psychologique ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais le doute, oui. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que quand j'étais jeune et que je voulais être chanteuse opéra et que j'avais ce truc-là qui me pourrissait la vie déjà, ça m'a beaucoup fragilisée à une époque où j'ai fait une dépression.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je pense que ça participait. C'est-à-dire que La seule chose au monde qui me donnait du plaisir, c'était de chanter, et c'était en train de disparaître. C'était très dur pour moi, et j'avais plus cet échappatoire à un mal-être profond, puisque j'avais un mal-être profond, et c'était un peu ma médecine, la voix. donc me retrouver démunie, c'était très dur. Après j'ai fait une dépression, j'ai pris des médicaments, pas longtemps, mais je me suis soignée, je suis allée voir une psy. Voilà, Donc ça fait partie finalement d'un... plein d'étapes de vie comme ça qui font ce que je suis aujourd'hui. Et ça me plaît ce que je suis aujourd'hui. Là, j'ai grandi et je me dis que finalement, où qu'on en soit dans la vie, l'intérêt, c'est de grandir de toute façon, d'arriver d'un point A à un point B en te disant... J'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai réussi à faire ça. Yes. Et de ne pas s'arrêter sur, ah, je suis une personne malade. Bon, ok, je suis une personne malade, mais il faut trouver les ressources. Alors après, tout le monde n'a pas les ressources. Oui. Oui. Ça, j'en suis consciente. Tout le monde n'a pas les ressources. Tout le monde n'a pas le... Ou n'est pas aidé au bon moment. Ou n'a pas la chance de rencontrer là où... Enfin, voilà, de... Mais...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a permis de tenir, toi, pendant toutes ces années ? Est-ce que tu sais ce qui t'a permis de tenir ?

  • Speaker #0

    Ma joie de vivre. Ouais. Ouais. Ah oui, oui. Oui, oui, c'est ma joie de vivre. l'émerveillement que j'ai. J'ai toujours eu sur tout. Et puis mes enfants, ma famille, mes amis, mon entourage, la musique. Ah ouais, la musique. Mes élèves. Voilà, tout ce qui m'entourait, qui créait de la joie.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu aurais des... Des choses que tu pourrais transmettre ou que tu conseillerais à quelqu'un qui vivrait quelque chose de similaire à ce que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je pourrais conseiller ? Déjà, de ne pas perdre espoir. Premièrement, parce que je pense qu'il y a toujours une solution. Il y a toujours une solution, il faut la trouver. Enfin, il y a toujours une solution, je dis ça, mais quand tu as une maladie grave dégénérative et qu'on sait ce qui se passe au bout, évidemment, je sais que... Qu'est-ce que je pourrais ? Moi, je dirais de mettre son nez dehors, d'aller regarder les arbres pousser, d'aller à... Se coller à un arbre, l'embrasser, regarder une fleur, regarder une poule, regarder un animal. Essayer de voir ce qui nous entoure et de ne pas être trop à l'intérieur de soi, tu vois, d'avoir une... de s'ouvrir à autre chose, écouter de la musique, essayer de regarder des films. Il y a tellement de belles choses, quoi, sur cette terre. L'art, de se faire aider comme ça par la beauté du monde. Voyager, pourquoi pas, si on peut.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je suis très fière d'être la première. C'est ça, hein ? Oui. Je suis la première à faire ce podcast. Merci, Marie. De rien. J'espère que ça pourra aider des personnes.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci beaucoup à Clémence d'avoir partagé son histoire avec nous. J'espère que son témoignage vous aura apporté un peu de réconfort, peut-être de l'espoir si vous traversez vous aussi une période d'errance médicale ou de doute. Ce qu'elle nous rappelle, c'est qu'on a le droit de s'écouter, de persévérer, même quand on se sent seul face à la douleur ou face au médecin. Vous n'êtes pas seul. Si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. à en parler ou à laisser une note et un petit commentaire sur votre plateforme d'écoute. C'est ce qui aide le podcast à toucher d'autres personnes qui en auraient besoin. Merci pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode de Mots d'espoir.

Description

Pour ce premier épisode, je vous propose de découvrir le parcours poignant de Clémence, chanteuse et professeure de chant dont la passion pour la musique a été assombrie par les douleurs chroniques causées par le syndrome d'Eagle, une maladie rare très méconnue.

Pendant près de 30 ans, Clémence a dû jongler entre son amour du chant et des douleurs intenses que personnes n'expliquaient.

Dans cet échange, elle partage son errance médicale, son combat pour comprendre ce qui lui arrivait, ce qui lui a permis de tenir, et ce que cette épreuve lui a appris.

Un témoignage inspirant, qui parlera à beaucoup, au-delà de la rareté de cette pathologie, car il est question de reconnaissance, de persévérance et d’écoute de soi.

Bonne écoute.



Vous pouvez me suivre sur Instagram @mauxdespoir_podcast

Podcast créé, produit et monté par Marie Petitpas.


Tous droits réservés.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Marie Petitpas et je vous souhaite la bienvenue sur Mots d'espoir. Ici, vous entendrez des témoignages de personnes qui vivent avec une maladie chronique, un handicap ou des douleurs invisibles, ou qui ont traversé une maladie ou un trouble psychique. J'espère que leurs récits vous apporteront du réconfort, de la force et de l'inspiration. Je vous souhaite une très belle écoute. Dans ce premier épisode de Mots d'espoir, je vous invite à écouter le témoignage de Clémence, ma prof de chant. Elle a souffert pendant près de 30 ans de douleurs très intenses, surtout quand elle chantait. Et c'était d'autant plus dur que le chant, c'est sa passion, son métier, son souffle. Elle a fini par découvrir qu'elle avait le syndrome d'Higuel, une maladie rare, souvent méconnue. C'est un petit os au niveau du crâne, qu'on appelle le processus styloïde, qui est trop long ou mal positionné. Et ça peut provoquer des douleurs très vives dans la gorge, le cou, les oreilles, voire même dans certains cas des vertiges ou des troubles nerveux. Pendant des années, Clémence a été baladée de médecin en médecin sans qu'on la prenne vraiment au sérieux. On lui disait que c'était sûrement dans sa tête. Et comme beaucoup de femmes avec des douleurs invisibles, elle s'est sentie seule, pas crue, pas entendue. Son témoignage, ce n'est pas seulement celui d'une maladie rare, c'est celui d'une femme qui a tenu bon, qui a gardé sa passion vivante malgré tout et qui nous montre à quel point c'est dur mais possible de continuer à avancer quand le corps fait mal et que personne ne vous croit. Je vous souhaite une belle écoute.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je m'appelle Clémence. J'étais le professeur de chant de Marie. Je suis toujours professeure de chant et chanteuse, surtout depuis très très très très très longtemps.

  • Speaker #0

    Tu as commencé du coup en chanteuse d'opéra, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai tout de suite commencé à prendre des cours de lyrique. Donc j'ai commencé à prendre des cours de chant, j'avais 17 ans et j'avais une voix hyper facile, je chantais tout. J'étais un peu le petit singe savant de mes profs parce qu'ils me donnaient n'importe quoi et je chantais quoi, ça sortait tout seul. Jusqu'au jour où ça sortait plus, où tout d'un coup j'ai commencé à avoir des douleurs, à ne pas comprendre pourquoi. Et puis toujours du même côté.

  • Speaker #0

    Que quand tu chantais ou tu avais mal aussi en dehors ?

  • Speaker #1

    J'avais mal en parlant, en chantant et en utilisant ma voix.

  • Speaker #0

    À la déglutition, la mastication, tout ça ?

  • Speaker #1

    Au début, non. Et donc il n'y a pas très longtemps, ça fait trois ans que j'ai été opérée. Enfin, ce qu'on appelle un syndrome d'Eagle, comme l'aigle. Et Eagle, c'est un médecin qui a découvert ce syndrome, un médecin américain. Et c'est un syndrome qui est extrêmement méconnu. C'est très rare. aucun médecin que j'ai rencontré dans ma vie ne connaissait ce syndrome et donc ne pouvait évidemment découvrir que j'avais ça.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a commencé à quel âge ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a commencé vers 21 ans. Ok.

  • Speaker #0

    Donc, peu de temps finalement après que tu aies commencé.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà ta carrière à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, j'avais déjà des rôles, des messes, des petites choses, mais j'avais commencé.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu continues à travailler malgré les douleurs ?

  • Speaker #1

    Je continue à travailler malgré les douleurs parce qu'en tant que chanteur lyrique, on ne dit jamais qu'on a mal, jamais. C'est une sorte de silence sur tout ce qui est problèmes vocaux. On ne peut pas en parler parce que d'abord, ta carrière, tu as un risque de... de ne plus avoir la confiance des autres. C'est un drôle de monde quand même.

  • Speaker #0

    Du coup, personne n'était au courant de ce que tu vivais ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Tu en parlais quand même à ton entourage ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en parlais à ma prof de l'époque, qui ne comprenait pas. Elle me disait, mais non, mais ça m'a... Tout va bien. C'est dans ta tête. C'était toujours dans ma tête. Et en fait, il y a eu un clash avec elle parce que j'étais dans une troupe et je chantais le rôle de Suzanne dans les notes de Figaro. On répétait, c'est un rôle qui est très lourd, qui était trop lourd de toute façon pour moi, qui étais jeune chanteuse quand même. Mais bon, elle voulait absolument que je le fasse. En répétition, ça n'allait pas du tout. Je n'y arrivais pas. J'avais mal et les aigus ne sortaient plus. Je pense que ce n'était pas que la douleur, c'était aussi technique. Je n'avais pas encore la technique pour chanter ce truc-là. Mais elle ne voulait pas l'entendre. En fait, je n'avais pas le droit. Je n'avais pas le droit. Je n'avais pas mon mot à dire. Et un jour, je l'ai appelée, je lui ai dit, je ne peux pas le faire. Et ça a été terrible parce qu'elle m'a rejetée complètement. Elle m'a balayée de sa vie. Ça a été vraiment violent pour moi. J'avais fait un transfert sur elle. C'était une prof que j'aimais beaucoup. Elle était un peu comme une deuxième mère. Et là... Elle n'a même pas cherché à comprendre. Je ne l'ai plus jamais revue.

  • Speaker #0

    À partir du moment où tu lui as dit que tu ne ferais pas le rôle ?

  • Speaker #1

    Que je ne ferais pas le rôle parce que j'avais mal, parce que je n'y arrivais pas. Pour elle, ce n'était pas entendable. Donc, ça a été vraiment pour moi un choc. J'allais voir des médecins à l'époque. Je leur disais, j'ai mal, j'ai mal. Non, ils regardaient les cordes vocales. Voilà, il y avait tout. Mais on ne voit rien. Il n'y a rien. C'est dans votre tête. Il n'y a rien.

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais, toi, à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Alors, j'étais rassurée. Je me disais, les cordes vocales n'ont rien. Pour un chanteur, les cordes vocales, c'est un peu le... On met ça dans un écrin. Mais j'avais mal. Donc, je voulais savoir pourquoi j'avais mal. Mais je suis allée voir une orthophoniste géniale, franchement, super. Elle m'a beaucoup aidée à chanter avec la douleur. C'est-à-dire, bon, la douleur était là, mais la voix sortait mieux. Et puis, psychologiquement aussi, elle m'a beaucoup aidée à... À moins angoisser, à moins avoir peur de chanter.

  • Speaker #0

    Parce que tu finissais par avoir peur de chanter parce que tu savais que tu allais avoir mal ?

  • Speaker #1

    Oui. Ah oui, j'avais mal. De toute façon, je chantais, j'avais mal. Mais je vivais avec.

  • Speaker #0

    Et à aucun moment tu n'as envisagé de changer de carrière à cause de ces douleurs-là ?

  • Speaker #1

    Mouf ! Mille fois. Ah oui ? D'ailleurs, je ne sais pas, plusieurs fois dans ma vie, j'ai dit je ne veux plus chanter une note. J'arrête tout et je fais autre chose.

  • Speaker #0

    Parce que l'humeur était trop forte du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme toujours... buté contre un mur. L'impression qu'il y avait un mur devant moi et qu'il n'y avait aucune solution.

  • Speaker #0

    Et du coup, après cette orthophoniste-là, tu étais toujours limitée dans ce que tu pouvais faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, ça allait encore parce que, pour parler du syndrome d'Hegel, pour expliquer un petit peu, je pense que c'était suite à une opération très musclée de deux dents de sagesse à droite. je suis ressortie de là vraiment cabossée pendant longtemps ça a mis deux semaines à dégonfler j'avais une tête d'éléphant man pour le pauvre j'aime beaucoup l'éléphant man donc le syndrome d'Hegel c'est pour pas dire de bêtises je vais relire mes petites notes Eagle décrit en 1937 des douleurs dues à une élongation de l'apophyse styloïde. Dix ans plus tard, il rapporte 254 cas, donc 44 ont été opérés en 1937. Donc c'était quand même en 1937. Depuis, la douleur est typiquement sourde et unilatérale. D'accord. Elle est localisée dans l'oropharynx et peut irradier vers l'oreille. C'est exactement ça. Je me demandais toujours si je n'avais pas une otite, d'ailleurs. Elle augmente en avalant. Oui, donc, cette apophyse styloïde, ça se fait en une seule fois. Ça devient un cartilage qui saucifie, en fait. D'accord. Et qui pousse. augmente, ça fait comme une arête en fait. D'accord. Ça ressemble d'ailleurs à une grosse arête de poisson. Ok. Et ça part donc de l'oreille et ça se dirige vers le larynx. D'accord. Au début, ça devait être petit, donc j'arrivais encore à gérer, j'avais la bascule du larynx pour les aigus se faisait encore. Mais il y avait cette douleur, puisque ce truc-là me poussait littéralement dans les tissus. Je ne sais pas si c'est clair ce que j'ai dit. Si, si.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a augmenté au fur et à mesure, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a augmenté au fur et à mesure. D'ailleurs, j'ai continué à chanter. C'est hallucinant d'ailleurs. Après avoir vu Madame Gache, qui m'a vraiment remise sur pied psychologiquement et vocalement. Parce que la confiance, quand on perd confiance en la voix... On ne chante plus, on ne chante plus avec plaisir. C'est hyper important d'y croire. Et j'ai passé une audition pour aller à la Juilliard School à New York, qui est l'une des plus grandes écoles de musique du monde. C'est un endroit, c'est le Graal de tous les apprentis musiciens. Et j'ai été prise. D'accord.

  • Speaker #0

    Malgré ça,

  • Speaker #1

    en fait. Malgré ça. Ah oui, oui. Après, ça a été un peu l'enfer pour moi là-bas. Je ne me sentais pas du tout à ma place. De toute façon, le monde de l'opéra n'a jamais été un monde où je me suis sentie à ma place et bien. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé. En tout cas, j'ai été prise. J'ai fait deux ans là-bas. Je suis revenue, j'ai fait partie d'une compagnie d'opéra contemporain, Jeunes Publics.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Donc, voilà, je chantais, mais j'avais cette douleur persistante qui me pourrissait la vie. À un tel point qu'à un moment, j'ai arrêté de chanter du lyrique et j'ai fait de la comédie musicale, du jazz. Ou au moins... Oui, ça demande quand même moins de technique. Excusez-moi. Non, mais c'est vrai. C'est moins exigeant. C'est moins exigeant, oui. C'est qu'on peut vraiment se lâcher, enfin se lâcher dans le sens où musicalement, on n'est pas forcé de suivre la partition. Et puis, on va moins dans les aigus. C'était quand même plus facile pour moi. Mais la douleur était toujours là.

  • Speaker #0

    Comment tu gérais ? Est-ce que tu prenais des antalgiques ? Tu prenais des choses ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, je n'ai jamais pris d'antalgique. Je souffrais. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et là, tu continuais à consulter pendant ce temps ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, je consultais. Je suis allée voir des orthophonistes, je suis allée voir des... des rééducations, même si ma voix allait bien, mais bon. Parce qu'évidemment, la douleur fait qu'on se tend, il y a une tension qui se crée physiquement, j'ai mes muscles, ma gorge se serrait, il y avait des... La douleur n'était pas que à cause de ce truc-là. C'était aussi parce que ça créait des tensions. J'ai fait de la ostéovox. Ostéovox, oui. C'est de l'ostéopathie pour la voix. D'accord. Qui consiste à essayer de détendre, de manipuler vraiment le larynx. Ok. Et même là, pourtant à la palpation, ça peut se sentir.

  • Speaker #0

    Mais les médecins n'arrivaient pas à le sentir ?

  • Speaker #1

    Non. En tout cas, à la fin, ça se sentait très bien, la palpation.

  • Speaker #0

    Mais ça, du coup, au bout de 20 ans d'errance médicale.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, oui. Et puis un jour, je suis allée voir ce médecin. Ah oui, là, c'était la cerise sur le gâteau. Je vais chez un très grand professeur. C'était pendant le Covid. Et donc, je trouve de la place, c'était un miracle que je trouve de la place chez ce très grand médecin qui soignait toutes les chanteuses de l'Opéra de Paris. Et je me dis, ouais, ça y est, enfin, enfin. Et je vais chez lui. Grand bureau, hyper chic, au sculpte. Il regarde les cordes vocales, on tire la langue, comme ça, et puis... Et il voit si les cordes vocales sont blanches, si elles s'accolent bien. Voilà, c'est tout un... Et puis, les miennes, évidemment, c'était... Évidemment, comme toujours, très bien. Il n'y avait pas... On ne voyait rien. Donc, je ressors avec une ordonnance d'une crème et de bromure. Le bromure, je pense que c'était pour me calmer. Il fallait que je me calme. Parce que tout ça, j'imaginais la douleur. Il t'a dit ?

  • Speaker #0

    Il t'a dit la préception.

  • Speaker #1

    Il ne l'a pas dit.

  • Speaker #0

    Il ne t'a pas expliqué ?

  • Speaker #1

    Non. Il ne m'a rien expliqué. Non, non. J'avais l'impression qu'il voulait se débarrasser de moi. Il m'a juste dit, la crème, vous la mettez matin et soir, vous appliquez, vous massez la zone qui fait mal, la zone du cou, c'est donc dans le cou, au niveau du larynx. Et je vais à la pharmacie. Je montre mon ordonnance. Elle me donne le bromure. Et puis après, elle me dit, mais attendez, la crème n'existe plus depuis les années 70. Je dis, ah bon ? Vous êtes sûre ? Parce que c'est le médecin en haut de chez vous, là, qui me l'a prescrit. Ah non, non, je suis très étonnée qu'il vous ait prescrit ça, parce que ça n'existe plus. Bon.

  • Speaker #0

    Et le bromure, du coup, toi, tu savais à quoi ça servait ?

  • Speaker #1

    Alors, le bromure... Il me semble, moi j'ai toujours entendu dire que c'est ce qu'on donnait avant, il y a longtemps, aux soldats pour les calmer sexuellement. Oui, parce que les pauvres, pendant un an, c'était dur. Donc, ils prenaient du bromure, on leur donnait du bromure.

  • Speaker #0

    Mais donc, on a du mal à voir le lien avec ce qu'ils t'avaient amené chez ce médecin.

  • Speaker #1

    Alors, je me suis dit, bon, alors, OK, bromure, peut-être c'est pour que ça me calme un peu, pour me détendre, je ne sais pas. D'ailleurs, il m'a donné le bromure et cette crème était censée aussi détendre la zone où j'avais mal.

  • Speaker #0

    Donc, toi, tu y croyais quand même un petit peu, même en sortant ?

  • Speaker #1

    Non, j'y croyais pas trop. J'ai acheté les médicaments en me disant bon, allez. J'ai pris le bromure le lendemain matin. J'étais zombie toute la journée. Des pauvres soldats. Je sais pas comment ils pouvaient aller se battre dans cet état. Mais vraiment zombie, l'horreur je suis, mais c'est horrible ce truc. Et donc je l'ai pris une seule fois, le lendemain. Heureusement que quand même, je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais du coup ? Est-ce que tu avais eu beaucoup d'espoir, j'imagine, en voir ce médecin ?

  • Speaker #1

    Très déçue. Ah ouais ? Très déçue et puis toujours à me dire qu'il n'y a pas de solution. Mais je me disais, c'est certainement moi aussi qui imagine.

  • Speaker #0

    Donc toi, tu finissais par croire le fait que ça soit dans ta tête ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, complètement. Même si je sentais la douleur. Après ça, je crois que je suis encore allée voir une orthophoniste. Ah oui, il m'a prescrit des séances de rééducation quand même. D'accord.

  • Speaker #0

    Que t'as faite du coup ?

  • Speaker #1

    Que j'ai faite.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a rien changé ?

  • Speaker #1

    Non. Ça m'a aidée à me détendre quand même. Parce que, je l'ai dit plus tôt, je pense... Mais la douleur, ça crée des tensions. On a mal à l'épaule, on est tendu. On a mal... Le corps, il réagit par la défensive. Donc effectivement, ça m'aidait, les séances d'orthophonie. Ça m'aidait aussi d'être écoutée, parce que souvent les orthophonistes sont quand même des personnes qui écoutent, qui sont bienveillants.

  • Speaker #0

    Tu te sens plus entendue par les orthophonistes que par les médecins.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais bon, pareil, elle ne comprenait pas d'où venait cette douleur. Et c'est un jour, alors peut-être un an et demi après ça, j'ai trouvé sur Doctolib un rendez-vous chez une phoniatre que je ne connaissais pas à Paris. Parce que des phoniatres, il y en a très peu. Et je crois que c'est même voué à disparaître, la phoniatrie, cette spécialité. Il me semble, je dis peut-être des bêtises, mais... Et donc, je vois un rendez-vous de livre chez une phoniatre qui avait l'air sympa, une bonne tête, sur Doctolib, et qui avait des bonnes notes. Et donc, je me rends à ce rendez-vous, et là, je tombe sur une femme, une jeune femme, jeune médecin, sympa comme tout, vraiment... Et puis, je lui parle de mon problème. Elle regarde les cordes vocales. Tout va bien. Et je lui dis, mais vous savez, tout va toujours bien. On m'auscule, ça va. Et puis, j'ai toujours mal. Et elle me demande d'expliquer plus, vraiment en détail, mes sensations. Vraiment en détail. Donc, je lui dis, voilà, quand je déglutis, j'ai mal. Il y a un claquement. Il y a un claquement. C'est comme si j'avais un corps étranger dans la gorge. J'ai mal au cervical, parce qu'il y avait aussi ça, c'est que ça atteint aussi... toute la zone des cervicales. Je me réveillais tous les matins avec des maux de tête à me taper la tête contre les murs. Je suis allée aux urgences plusieurs fois, tellement la douleur était importante.

  • Speaker #0

    Qui était causée par le centre d'antiguel,

  • Speaker #1

    du coup ? Oui, parce que je ne l'ai plus... Alors, c'était aussi les tensions que ça causait, cette douleur, qui faisait que j'ai eu le nerf d'Arnold aussi pincé.

  • Speaker #0

    Donc, une névragie d'Arnold ? Oui.

  • Speaker #1

    qui est toujours parfois là, mais tellement espacée aujourd'hui. Avant, c'était tous les matins. À la fin, je prenais des médicaments tous les jours. Et c'est pour ça que j'ai appelé le médecin. Je me suis dit, ça ne peut pas continuer comme ça, à prendre du Doliprane ou de la Spigic tous les jours. Donc je lui explique ça, que j'avais les maux de tête, le claquement, mal à l'oreille. J'avais l'impression que j'avais mal aux dents. Trois mois avant, un dentiste m'a retiré une dent, m'a carrément arraché une dent en pensant que c'était ça. Enfin bon, voilà, donc j'ai eu tant de moins pour rien. Et c'était pas ça. Et donc elle m'écoute, et c'est marrant, elle me dit... Est-ce que ça vous pourrit la vie ? Je dis oui, ça me pourrit la vie. Ok. Eh bien, on va aller chercher en profondeur ce que vous avez. Et elle me dit, je pense à... Voilà, j'ai étudié un syndrome très rare, mais pourquoi pas, ça me fait penser à ça, ce que vous avez. Donc, on va aller chercher de ce côté-là. Et ça demande en fait un scanner très précis, des vues d'un certain angle, enfin... D'accord. Si j'ai... d'après ce que j'ai compris. Donc elle me fait une ordonnance pour ce scanner. Et voilà, c'était ça, c'était ce syndrome. Elle a tout de suite trouvé le truc.

  • Speaker #0

    Comment tu t'es sentie du coup quand elle t'a annoncé ?

  • Speaker #1

    Je me suis dit, mais je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. La douleur, elle est causée par un truc qui existe et pas par mon imagination. Ah ouais, c'était...

  • Speaker #0

    Un soulagement, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ouais. Un soulagement, ouais. Enfin, j'ai été entendue par quelqu'un qui a pris ça au sérieux, qui m'a prise au sérieux.

  • Speaker #0

    Au bout de 20 ans.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, ouais. Ah ouais, ouais. Surtout que c'était devenu insupportable. Les douleurs, les céphalées et tout ça, c'était très, très dur. Et puis, je ne chantais plus.

  • Speaker #0

    Tu ne pouvais plus du tout chanter à la fin.

  • Speaker #1

    Si, si, je l'exagère. Parce que je chantais, mais alors c'était dur. C'était dur, les aigus, c'était à l'arrache. Parce que la bascule du larynx ne se faisait plus correctement. Il y avait ce corps étranger qui bloquait les choses. Et puis les douleurs, enfin tout le...

  • Speaker #0

    Du coup, tu faisais uniquement des cours de chant à cet épargne ?

  • Speaker #1

    Non, non, je chantais. Je chantais avec la douleur. Et pas de plaisir ? Il y avait le plaisir musical qui était là, bien toujours ça, la musique. Mais le plaisir physique de chanter, l'abandon, le lâcher prise, tout ça, je ne l'avais pas du tout. Je souffrais. Il y avait le plaisir musical et la souffrance physique. Et donc, elle ne savait pas opérer ça. Il y avait deux médecins à l'époque, je crois, en tout cas sur Paris, qui connaissaient ce syndrome, qui savaient l'opérer. Donc, elle m'a conseillé d'aller voir un des médecins, qui était à Vincennes, super médecin ORL, qui, lui, savait opérer ça. Que j'étais allée voir, d'ailleurs. Très sympa, mais bon, il n'avait pas diagnostiqué ce syndrome.

  • Speaker #0

    Il n'avait pas réussi à voir que tu souffrais de ce syndrome à l'époque où tu l'avais consulté ?

  • Speaker #1

    S'il avait quand même vu que je souffrais, mais il n'a pas pensé à ça. Lui, il est ORL, il n'est pas fauniatre. la différence, je ne sais pas exactement ce que c'est, mais bon voilà, il sonne les oreilles, mais il n'y a pas pensé, et d'ailleurs il me l'a dit, il m'a dit écoutez, je suis, voilà, j'aurais jamais imaginé que c'était ça on a pris rendez-vous pour une opération à Rothschild et ce que j'ai adoré, c'est que Au moment, juste avant qu'on m'endorme, j'étais sur la table d'opération. Arrive le docteur Mailly qui me dit écoutez je suis venue parce que j'avais très envie d'assister à cette opération. Je trouve que c'est vraiment passionnant. Voilà si vous êtes d'accord et tout ça. Je lui dis bah oui bien sûr. Et j'avais des infirmières. Comme elles savaient que j'étais chanteuse, elles m'ont mis de l'opéra. C'était vraiment chouette. C'est un beau...

  • Speaker #0

    Un très bon moment et tu n'étais pas particulièrement stressée avant cette intervention.

  • Speaker #1

    Euh, non, parce que j'étais vraiment rassurée. Je pouvais être stressée parce que c'est un... Je veux dire, la gorge, il y a quand même pas mal de choses qui passent. Il y a le nerf facial, déjà. Je me suis dit, pourvu que je ne me réveille pas avec la moitié du visage avachi. Mais bon, j'avais confiance. Ok. Ouais, ouais, j'avais confiance.

  • Speaker #0

    Donc, tu devais t'hospitaliser pour être opérée ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai été hospitalisée trois jours. Ok. Oui, parce que c'est quand même une sacrée opération. Je veux dire, sur trois plans. D'accord. Ils vont chercher très loin le truc. L'arête, j'appelle ça l'arête. Voilà, donc j'ai été opérée, ça s'est très bien passé. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Ouais. Parce que c'est un endroit de la gorge où ça fait mal.

  • Speaker #0

    Comment ça s'est passé du coup l'après-intervention ?

  • Speaker #1

    Ce qui était dur, c'est que j'avais un drain qui sortait du côté de ma gorge, avec du liquide dedans, c'était vraiment dégueu. J'étais toute gonflée. Je me suis dit, j'avais plus de voix du tout.

  • Speaker #0

    Même pour parler, du coup ?

  • Speaker #1

    Non, il n'y avait plus de voix. La voix a mis du temps à revenir.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a fait peur, ça ?

  • Speaker #1

    Non, il m'avait prévenu.

  • Speaker #0

    Ok, il t'avait prévenu.

  • Speaker #1

    Oui, il m'avait prévenu. Mais bon, tout de suite, comme je m'ennuyais un peu à l'hôpital, mon drain, je ne pouvais pas trop bouger, j'ai fait un blog. dans mon site de professeur de chant. J'avais envie d'en parler. J'ai fait un blog que j'ai appelé Syndrome d'Igle, où j'ai raconté vraiment en détail tout, l'opération, l'errance, un peu ce que je raconte là. Ça m'a permis aussi d'évacuer, de sortir enfin de ce que j'avais à dire là-dessus. J'étais vraiment pleine de... J'avais mal. J'avais mal. Quand je me suis réveillée, j'avais très mal. On m'a mise sous tramadol. J'ai eu des antidouleurs pendant un bon moment.

  • Speaker #0

    Ça te soulageait, les antidouleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, ça me soulageait.

  • Speaker #0

    Et tu les supportais bien ?

  • Speaker #1

    Oh ben ouais ! Tramadol, c'est très agréable. J'ai de la pluie pour le tramadol. Non, non, dis ça, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas le cas de tout le monde. Il y a des personnes qui peuvent être très malades avec le tramadol. Il y en a qui ne peuvent pas du tout les prendre.

  • Speaker #1

    Ah, c'est vrai ?

  • Speaker #0

    Qui vomissent. Donc, c'est vrai que c'est bien quand on les supporte.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Même s'il y a des gros risques d'addiction. Attention à ce que je dis.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que d'avoir quand même des antalgiques qui nous soulagent, ça change beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    Ah oui. Non, non, évidemment, oui. Je ne fais pas la pub pour le tramadol parce qu'il faut en prendre les prix peut-être trois fois. ouais donc on a On va dire qu'au bout de trois mois, j'avais récupéré un aspect normal. Ok.

  • Speaker #0

    Ça a mis trois mois à dégonfler ?

  • Speaker #1

    Oui, un aspect normal dans le sens où la cicatrice était très rouge. J'ai fait même des séances de kiné, de palpation de la cicatrice. C'est vachement bien d'ailleurs. Je préconise une grosse cicatrice pour qu'il n'y ait pas d'adhérence. Une sorte de petite machine, c'est assez marrant, qui respire la peau. par intermittence, comme un... Comment on appelle ça ?

  • Speaker #0

    Une ventouse.

  • Speaker #1

    Une ventouse, voilà. Qui se promène sur la cicatrice pour éviter les adhérences. Parce que ça, c'est... Ça fait mal, les adhérences. Donc, j'ai fait ça. J'ai vraiment pris soin de moi après cette opération. Et de toute cette zone, j'avais toujours mal. En fait, la douleur... Elle ne disparaît pas quand tu as eu mal pendant 20 ans. Même quand la cause est partie, la douleur est là. Et elle a mis du temps à disparaître. Ok. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, est-ce que ça t'a inquiété du coup d'avoir encore mal après la préparation ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a inquiétée. Alors il faut dire que, oui, j'ai oublié de dire que le docteur, le lendemain, il m'a donné un petit flacon avec... mon styloïde là d'accord dedans c'était impressionnant ça faisait deux centimètres plus que ça deux trois centimètres et c'était très épais comme une grosse arête de poisson d'accord et donc t'avais ça dans la gorge pendant des années oui oui je vous le donne ça vous fera un souvenir je l'ai toujours Je me ferais enterrer avec. J'ai mis du temps à récupérer, à lâcher les tensions. C'était en fait les tensions liées à la douleur, la peur, la peur de chanter. Il y a eu tout un...

  • Speaker #0

    Une rééducation à ce niveau-là. Comme si mon corps s'accrochait finalement à cette douleur. Je ne la laissais pas partir. Tu vois ce que je veux dire ? Et d'ailleurs, j'ai consulté, même après, je suis retournée voir le docteur qui m'a rassurée. Il m'a dit, là, je vous assure qu'il n'y a plus de raison que vous ayez mal. Elle me disait, ça partira. Ça partira avec le temps. Essayez de ne pas y penser. Je lui ai dit, oui, mais... pas y penser. C'est difficile de ne pas y penser. Oui. La douleur, j'ai eu pendant au moins un an après.

  • Speaker #1

    D'accord. C'est long.

  • Speaker #0

    Mais avec la confiance qu'il n'y avait plus la cause de la douleur. Finalement, la douleur, je l'acceptais mieux en me disant, bon, elle est là, elle partira quand elle partira. Il n'y a plus de cause.

  • Speaker #1

    Oui, ça ne t'a pas mis le doute sur le fait qu'il y ait autre chose.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Tu arrivais à être sereine sur le fait que ça partirait.

  • Speaker #0

    Oui, et je me suis dit, elle doit être là parce que les tensions sont là. Donc, j'ai beaucoup travaillé seule, avec les connaissances que j'ai acquises en tant que professeure de chant et dans mes formations, puisque je me suis énormément formée aux techniques vocales et aussi à l'ostéovox, enfin, pas à l'ostéovox, mais tout ce qui est thérapie manuelle. Donc, je faisais des automassages, voilà, de les voir aussi. mon ostéopathe qui me... extraordinaire, c'était un horloger du larynx, il allait justement jouer, travailler sur les tensions musculaires, donc ça aidait beaucoup. Mais il y avait toujours l'appréhension de chanter, l'appréhension de me faire mal en chantant. Et c'est mon médecin traitant, un jour je vais la voir, je lui dis écoutez, je ne comprends pas, j'ai toujours mal, j'en ai marre et tout ça. Voilà, elle regarde la cicatrice, elle me dit, votre cicatrice, il n'y a pas d'adhérence. Parce que les adhérences peuvent faire mal. Et là, elle me dit, mais vous savez, parfois la douleur, quand on l'oublie, elle disparaît. Il y a aussi, quand il n'y a pas de, comment dire, de lésion, que la douleur est là. Parce que d'une certaine façon, le cerveau l'entretient, la douleur. Elle est là quelque part. C'est-à-dire que plus on y pense, plus on a mal. souvent Plus on pense à, je sais pas, et ça j'en suis persuadée, plus on pense à une douleur, plus elle fait mal. Et je lui ai fait confiance et je lui ai dit ok. Je me suis dit je n'y pense pas, j'arrête d'y penser.

  • Speaker #1

    T'as réussi à faire ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, j'ai réussi à faire ça. Elle me disait c'est pas grave, ok elle est pas là. J'oublie que j'ai mal. Et effectivement elle avait raison. La douleur est partie.

  • Speaker #1

    Peut-être parce que tu te crispais du coup dans l'appréhension et que c'est ça qui causait des douleurs ? Oui,

  • Speaker #0

    je pense qu'il y avait ça. Peut-être que je créais cette douleur par l'appréhension, tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    Parce qu'après, c'est vrai qu'on dit souvent que quand il y a des douleurs pendant très longtemps, il y a des modifications du système nerveux périphérique et central. Et du coup, il peut y avoir de la douleur sans qu'il y ait une lésion. une agression du corps, mais en fait des messages douloureux qui viennent du système nerveux. Oui,

  • Speaker #0

    c'est exactement ça. C'est ce qu'elle m'a expliqué.

  • Speaker #1

    Ah, elle t'a expliqué ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et elle m'a dit le seul, finalement, le moyen le plus efficace, ce serait de ne pas y penser.

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est vrai que ça, c'est bien que ça ait marché pour toi,

  • Speaker #0

    mais ça ne fonctionne pas pour tout le monde. C'est évident de ne pas penser à une douleur.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est des douleurs nociplastiques. Je ne sais pas si c'est ce que tu as eu, mais en tout cas, il y a une catégorie de douleurs, les douleurs nociplastiques. Il me semble que c'est ça le nom. Quand il y a une douleur pendant très longtemps et que le système nerveux, du coup, s'est modifié et continue à envoyer des signaux douloureux, des fois juste pour un toucher ou ça s'appelle de l'allodinie, mais des choses qui ne sont pas censées être douloureuses qu'envoient des signaux douloureux. Et c'est vrai que pour certaines personnes, ça ne disparaît pas. Même que le cerveau n'a pas forcément... qu'on ne peut pas, par le contrôle de la pensée, faire disparaître ces signaux.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a peut-être... J'imagine... Bon, moi, je n'ai jamais fait de sophrologie. On m'a souvent conseillé d'en faire. Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis jamais allée voir de sophrologue. Mais il paraît que la sophrologie est assez efficace dans ces cas-là. C'est-à-dire quand... quand... OK, on a trouvé la thérapie adéquate à une maladie, et pourtant, on souffre toujours. Il y a quand même des... Pendant 20 ans, tu souffres, et puis tout d'un coup, OK, on a trouvé le remède, mais t'as souffert 20 ans, quoi. Tu vois, donc... Ça fait presque partie de ton... Tu vois, de toi, finalement. Cette souffrance fait partie de ta personnalité.

  • Speaker #1

    Oui, toi, c'était l'impression que tu avais par rapport à ta douleur.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ah oui. Même si je ne le disais pas. Je disais à mon mari, lui il me disait mais je ne comprends pas pourquoi tu as mal, enfin il ne comprenait pas, mais il avait raison, il entendait que j'avais mal, mais il disait peut-être qu'il faudrait que tu arrêtes de chanter. Et là, c'est incroyable parce que c'est, donc ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Que tu as été opérée, du coup ?

  • Speaker #0

    Que j'ai été opérée, oui. J'ai toujours des sensations un peu désagréables au-dessus de la cicatrice. On m'a coupé plein de nerfs et tout ça. La peau, elle n'a pas retrouvé sa sensation. Mais en tout cas, ce qui est fou, c'est que... Alors, j'ai 58 ans, donc on ne récupère pas à 58 ans comme on récupère à 25. Il faut du temps, les muscles, les tissus ne sont pas aussi élastiques. que quand j'étais jeune. Mais en tout cas, je retrouve une voix de jeune femme, quoi. C'est fou. Les aigus et tout, c'est dingue.

  • Speaker #1

    Tu pensais ne pas les retrouver ?

  • Speaker #0

    Ouais. Ah ouais, ouais. En fait, j'avais oublié la sensation de ce que c'était quand la voix est libre et sort toute seule. J'avais oublié ça. Et ça, c'est extraordinaire. Alors, c'est pas comme ça tout le temps, mais de plus en plus.

  • Speaker #1

    Et ça s'est amélioré au bout de combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça s'est amélioré au bout de combien de temps ? J'ai beaucoup travaillé sur la détente, puisque ça avait créé beaucoup de tensions, cette histoire, sur la détente de la gorge, la détente physique aussi, en chantant. C'est hyper intéressant, en fait. Finalement, je remercie cette maladie, parce que je... Ça me passionne. Je pense que je n'aurais pas été aussi loin dans la curiosité. Tout ce que j'ai appris toutes ces dernières années est toujours... Je suis passionnée. Il n'y a pas un jour où je ne regarde pas des trucs sur Internet, sur la voix, où je n'essaye pas des nouveaux trucs. J'essaye toujours sur moi avant de les proposer à mes élèves. C'est assez marrant. Puis je fais des... Des petites vidéos où je me filme en train de faire des trucs complètement dingues. Justement pour détendre. Parce que chanter, il faut être dans une détente totale et dans un engagement physique global. Plus on est détendu, mieux c'est. Mais il ne faut pas être une loque. Il faut être engagé en même temps. Donc voilà. Là, je parle de la voix parce que c'est ma passion.

  • Speaker #1

    Mais tu ne serais pas autant renseignée, tu n'aurais pas poussé autant tes recherches si tu n'avais pas été concernée par... Par le syndrome d'Hegel, selon toi.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui.

  • Speaker #1

    C'est vraiment ça qui a été un moteur ?

  • Speaker #0

    Oui, ça a été un moteur. Oui, parce que souffrant moi-même, d'abord, je ne voulais pas que mes élèves souffrent. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je demande toujours, est-ce que ça va ? Oui, c'est vrai. Pendant les cours, il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de fatigue.

  • Speaker #1

    Parce qu'à un moment donné, tu pensais que c'était toi qui te provoquais ces douleurs-là, quoique il n'y avait pas. pas de cause physiologique, mais que c'était toi qui chantais de la mauvaise façon ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, pendant longtemps, j'ai cru ça. Alors je me demandais pourquoi c'était toujours du même côté que j'avais mal. Il y a un côté où je sens rien, et toujours le côté droit, c'est là où ça me faisait mal. Alors je me disais, je suis peut-être trop tendue du côté droit. Bon, le corps, c'est quand même un drôle de truc. Surtout toute la partie laryngée, c'est un bazar total. de muscles, de cartilage, de tendons. C'est toute une mécanique, c'est passionnant. Et savoir ce qui se passe là-dedans, quand on chante, on ne le sait toujours pas d'ailleurs, vraiment. On n'a pas encore... on ne sait pas tout sur la voix. Mais ce qu'on sait, en tout cas moi ce que je sais, c'est que le mental joue énormément. Et je pense que le mental joue énormément sur le corps. que la peur, on a peur de plonger. Tu es sur un plongeoir et au dernier moment, tu fais « Ah non, là tu fais le plat ! » La voix, c'est pareil. Tu as peur de faire un aigu, tu vas faire un couac terrible, tu vas serrer. Tu as peur de te faire mal, tu as peur… Oui, le mental, c'est un truc, c'est quand même puissant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as l'impression que ce que tu as traversé avec le syndrome d'Eagle, ça a changé ? Des choses dans ta façon de te percevoir ou de percevoir la vie ?

  • Speaker #0

    Déjà, oui. Finalement, je pense que toute maladie peut faire grandir. Tu te poses des questions. D'abord, pourquoi ? Pourquoi tu es malade ? Pourquoi on est malade ? C'est une grande question. Il y a tellement de réponses possibles. aucune réponse, tout simplement. Mais en tout cas, je pense que c'est comme l'aveugle, il va développer l'ouïe. Chaque maladie, j'imagine, peut te permettre de développer autre chose pour compenser finalement ton handicap. Si tu as le mental qui fonctionne, évidemment. Mais moi, j'aurais envie que tout le monde arrive justement à dépasser Voilà, comme toi qui crée ce podcast. Moi, je trouve ça génial parce qu'il y a énormément de possibilités autres que ce que nous empêche de faire notre maladie.

  • Speaker #1

    Oui, de ne pas se réduire à ça.

  • Speaker #0

    Ah ouais, et moi, je me suis formée, je me suis passionnée pendant des années. Je n'arrivais pas à chanter, je souffrais et tout ça, mais c'était extraordinaire de découvrir la mécanique du chant. C'est incroyable. Donc ça m'a fait vraiment grandir à ce niveau-là. En plus, moi, j'étais tellement pas faite pour les études quand j'avais 18 ans. L'horreur ! Ah non, j'ai même pas mon bac. J'ai pas mon bac et j'ai réussi quand même à obtenir un bac plus 4. Mais en tout cas, ça m'a permis de découvrir que je pouvais être faite pour les études aussi. C'est pas mal. Et puis j'ai vraiment pris confiance en moi. C'est vrai ? Ah ouais. Le fait de me dire... D'abord, de me former en tant que prof. Oui, parce qu'il y avait une chose. Je donnais des cours au début. J'ai commencé à donner des cours. Je ne savais pas trop, finalement, comment ça fonctionnait, cette histoire-là. Donc, je faisais faire des vocalises. On m'avait appris à faire comme ça. Je transmettais ce que j'avais appris, moi. C'est-à-dire, pas grand-chose, finalement. Mes profs... Excusez-moi, mais à part me faire faire des vocalises et me faire chanter des airs, il ne m'expliquait rien. Donc, je transmettais comme j'avais appris. Et le fait de me former, j'ai vraiment pris un plaisir après à donner des cours et à avoir tout un tas d'outils. J'ai une boîte à outils aujourd'hui, c'est fou. malgré le fait que j'avais du mal à chanter. Enfin, je pense à... Tiens, j'ai eu une prof aux États-Unis qui était hémiplégique. Et alors, c'était une chanteuse d'opéra. Et elle aussi avait développé, grâce à sa maladie, une proprioception incroyable. Et aussi, elle faisait de la technique Alexander, donc une technique de prise de conscience du corps. Les anglo-saxons, ils sont très là-dedans. Technique Alexander, Feldenkrais. Nous, on a très peu ça en France. Nous, le corps, nous, tout ça, non, il ne faut pas y toucher. On est vraiment quand même... C'est très français, ça. Là-bas, en tout cas aux États-Unis et en Angleterre, on est très à l'affût de la proprioception, d'avoir une meilleure utilisation de notre corps. Et donc, cette prof... C'est quand même l'exemple de la personne qui, quand même, naît avec un sérieux handicap et qui devient chanteuse d'opéra, avec une super voix magnifique et très bonne prof. Peut-être c'est son handicap qui a fait ce qu'elle est aujourd'hui, parce qu'elle était, je ne sais pas si elle est toujours là, mais c'était un bel exemple aussi, on appelle ça... De résilience ? Résilience, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des ressources, toi, qui t'ont particulièrement aidée pendant les périodes difficiles ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui m'ont aidée.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des personnes de ton entourage, du coup ?

  • Speaker #0

    Oui, des personnes, bon, comme cette Madame Gache, qui m'a beaucoup aidée psychologiquement, mais aussi vocalement. Il y a donc cette prof, Irene Goodrunt, ça s'appelait, qui m'a aidée. Il y en a qui ne m'ont pas aidée, à la Juilliard, j'avais une... prof, oh là là, c'était la cata quand même. Très très grande prof. J'étais chez la meilleure, paraît-il, et alors elle m'a massacrée, elle n'a rien compris. Elle, pas du tout, elle écoute.

  • Speaker #1

    Parce que tu lui avais parlé de tes douleurs, du coup ?

  • Speaker #0

    Je lui avais parlé de mes douleurs, oui. Je suis ressortie d'un an avec elle, avec plus de voix du tout. Donc c'est pour ça que je suis allée voir après l'autre prof. Je prenais des cours particuliers, en plus de mes cours à la Juilliard. Et elle m'a beaucoup aidée. À l'époque, le styloïd devait être pas aussi long qu'aujourd'hui. J'avais 28 ans. Non, j'avais pas 28 ans, j'avais 27 ans. Donc il y a... Ça a encore traîné au moins 15 ans. 17 ans, je n'ai plus. Mais des ressources, ce qui m'aidait, j'ai énormément regardé de choses sur Internet, en essayant de comprendre. Je n'ai jamais trouvé sur Internet.

  • Speaker #1

    En fait, avant que cette médecin te parle du syndrome d'Higuel, tu n'en avais jamais entendu parler ?

  • Speaker #0

    Non, non, jamais.

  • Speaker #1

    Et comment était ton entourage pendant toutes ces années ? Est-ce que tu étais soutenue ? Est-ce que les gens comprenaient tes douleurs ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors, j'étais très proche de ma mère pendant longtemps, jusqu'à sa mort. On était très proches. Et ma mère et mon beau-père, mon père est mort il y a très longtemps, avaient une sorte de... Ils avaient tout misé sur moi. J'étais un peu la sauveuse de la fratrie. Parce que mes frères, ils sont un peu... Ils ont tous pris des directions. Ils ont pris leurs directions, mais qui ne correspondaient pas vraiment à ce qu'auraient imaginé mes parents. Et moi, chanteuse d'opéra, à la Juilliard, j'étais un peu la sauveuse. Et ils n'ont pas compris que je refuse des rôles, par exemple. Mais t'es prête et tout ça. Mais si, mais... En fait, tu ne te sens pas prête, mais tu l'es. Et en fait, je ne me sentais pas prête parce que j'avais mal. Et je me disais, mais si j'ai mal, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, je n'avais pas m'engager dans un truc, comme ce qui était arrivé avec le rôle de Suzanne, où j'ai arrêté. J'avais peur, en fait, d'accepter des rôles et de ne pas arriver au bout. De ne pas pouvoir aller. Et donc, ma mère, elle ne comprenait pas. Oui, c'était psychologique, finalement, mon histoire. Elle ne l'aura jamais su, en fait. Mais bon, voilà, elle ne pouvait pas imaginer non plus. Bon, et puis aussi, ça aurait pu être psychologique. J'ai eu une enfance un peu mouvementée. Pourquoi pas ? J'étais quand même la bonne candidate à avoir un mental un peu dérangé.

  • Speaker #1

    Et toi, tu as eu le doute à un moment donné que ça soit psychologique ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais le doute, oui. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que quand j'étais jeune et que je voulais être chanteuse opéra et que j'avais ce truc-là qui me pourrissait la vie déjà, ça m'a beaucoup fragilisée à une époque où j'ai fait une dépression.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je pense que ça participait. C'est-à-dire que La seule chose au monde qui me donnait du plaisir, c'était de chanter, et c'était en train de disparaître. C'était très dur pour moi, et j'avais plus cet échappatoire à un mal-être profond, puisque j'avais un mal-être profond, et c'était un peu ma médecine, la voix. donc me retrouver démunie, c'était très dur. Après j'ai fait une dépression, j'ai pris des médicaments, pas longtemps, mais je me suis soignée, je suis allée voir une psy. Voilà, Donc ça fait partie finalement d'un... plein d'étapes de vie comme ça qui font ce que je suis aujourd'hui. Et ça me plaît ce que je suis aujourd'hui. Là, j'ai grandi et je me dis que finalement, où qu'on en soit dans la vie, l'intérêt, c'est de grandir de toute façon, d'arriver d'un point A à un point B en te disant... J'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai réussi à faire ça. Yes. Et de ne pas s'arrêter sur, ah, je suis une personne malade. Bon, ok, je suis une personne malade, mais il faut trouver les ressources. Alors après, tout le monde n'a pas les ressources. Oui. Oui. Ça, j'en suis consciente. Tout le monde n'a pas les ressources. Tout le monde n'a pas le... Ou n'est pas aidé au bon moment. Ou n'a pas la chance de rencontrer là où... Enfin, voilà, de... Mais...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a permis de tenir, toi, pendant toutes ces années ? Est-ce que tu sais ce qui t'a permis de tenir ?

  • Speaker #0

    Ma joie de vivre. Ouais. Ouais. Ah oui, oui. Oui, oui, c'est ma joie de vivre. l'émerveillement que j'ai. J'ai toujours eu sur tout. Et puis mes enfants, ma famille, mes amis, mon entourage, la musique. Ah ouais, la musique. Mes élèves. Voilà, tout ce qui m'entourait, qui créait de la joie.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu aurais des... Des choses que tu pourrais transmettre ou que tu conseillerais à quelqu'un qui vivrait quelque chose de similaire à ce que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je pourrais conseiller ? Déjà, de ne pas perdre espoir. Premièrement, parce que je pense qu'il y a toujours une solution. Il y a toujours une solution, il faut la trouver. Enfin, il y a toujours une solution, je dis ça, mais quand tu as une maladie grave dégénérative et qu'on sait ce qui se passe au bout, évidemment, je sais que... Qu'est-ce que je pourrais ? Moi, je dirais de mettre son nez dehors, d'aller regarder les arbres pousser, d'aller à... Se coller à un arbre, l'embrasser, regarder une fleur, regarder une poule, regarder un animal. Essayer de voir ce qui nous entoure et de ne pas être trop à l'intérieur de soi, tu vois, d'avoir une... de s'ouvrir à autre chose, écouter de la musique, essayer de regarder des films. Il y a tellement de belles choses, quoi, sur cette terre. L'art, de se faire aider comme ça par la beauté du monde. Voyager, pourquoi pas, si on peut.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je suis très fière d'être la première. C'est ça, hein ? Oui. Je suis la première à faire ce podcast. Merci, Marie. De rien. J'espère que ça pourra aider des personnes.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci beaucoup à Clémence d'avoir partagé son histoire avec nous. J'espère que son témoignage vous aura apporté un peu de réconfort, peut-être de l'espoir si vous traversez vous aussi une période d'errance médicale ou de doute. Ce qu'elle nous rappelle, c'est qu'on a le droit de s'écouter, de persévérer, même quand on se sent seul face à la douleur ou face au médecin. Vous n'êtes pas seul. Si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. à en parler ou à laisser une note et un petit commentaire sur votre plateforme d'écoute. C'est ce qui aide le podcast à toucher d'autres personnes qui en auraient besoin. Merci pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode de Mots d'espoir.

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Description

Pour ce premier épisode, je vous propose de découvrir le parcours poignant de Clémence, chanteuse et professeure de chant dont la passion pour la musique a été assombrie par les douleurs chroniques causées par le syndrome d'Eagle, une maladie rare très méconnue.

Pendant près de 30 ans, Clémence a dû jongler entre son amour du chant et des douleurs intenses que personnes n'expliquaient.

Dans cet échange, elle partage son errance médicale, son combat pour comprendre ce qui lui arrivait, ce qui lui a permis de tenir, et ce que cette épreuve lui a appris.

Un témoignage inspirant, qui parlera à beaucoup, au-delà de la rareté de cette pathologie, car il est question de reconnaissance, de persévérance et d’écoute de soi.

Bonne écoute.



Vous pouvez me suivre sur Instagram @mauxdespoir_podcast

Podcast créé, produit et monté par Marie Petitpas.


Tous droits réservés.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Marie Petitpas et je vous souhaite la bienvenue sur Mots d'espoir. Ici, vous entendrez des témoignages de personnes qui vivent avec une maladie chronique, un handicap ou des douleurs invisibles, ou qui ont traversé une maladie ou un trouble psychique. J'espère que leurs récits vous apporteront du réconfort, de la force et de l'inspiration. Je vous souhaite une très belle écoute. Dans ce premier épisode de Mots d'espoir, je vous invite à écouter le témoignage de Clémence, ma prof de chant. Elle a souffert pendant près de 30 ans de douleurs très intenses, surtout quand elle chantait. Et c'était d'autant plus dur que le chant, c'est sa passion, son métier, son souffle. Elle a fini par découvrir qu'elle avait le syndrome d'Higuel, une maladie rare, souvent méconnue. C'est un petit os au niveau du crâne, qu'on appelle le processus styloïde, qui est trop long ou mal positionné. Et ça peut provoquer des douleurs très vives dans la gorge, le cou, les oreilles, voire même dans certains cas des vertiges ou des troubles nerveux. Pendant des années, Clémence a été baladée de médecin en médecin sans qu'on la prenne vraiment au sérieux. On lui disait que c'était sûrement dans sa tête. Et comme beaucoup de femmes avec des douleurs invisibles, elle s'est sentie seule, pas crue, pas entendue. Son témoignage, ce n'est pas seulement celui d'une maladie rare, c'est celui d'une femme qui a tenu bon, qui a gardé sa passion vivante malgré tout et qui nous montre à quel point c'est dur mais possible de continuer à avancer quand le corps fait mal et que personne ne vous croit. Je vous souhaite une belle écoute.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je m'appelle Clémence. J'étais le professeur de chant de Marie. Je suis toujours professeure de chant et chanteuse, surtout depuis très très très très très longtemps.

  • Speaker #0

    Tu as commencé du coup en chanteuse d'opéra, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai tout de suite commencé à prendre des cours de lyrique. Donc j'ai commencé à prendre des cours de chant, j'avais 17 ans et j'avais une voix hyper facile, je chantais tout. J'étais un peu le petit singe savant de mes profs parce qu'ils me donnaient n'importe quoi et je chantais quoi, ça sortait tout seul. Jusqu'au jour où ça sortait plus, où tout d'un coup j'ai commencé à avoir des douleurs, à ne pas comprendre pourquoi. Et puis toujours du même côté.

  • Speaker #0

    Que quand tu chantais ou tu avais mal aussi en dehors ?

  • Speaker #1

    J'avais mal en parlant, en chantant et en utilisant ma voix.

  • Speaker #0

    À la déglutition, la mastication, tout ça ?

  • Speaker #1

    Au début, non. Et donc il n'y a pas très longtemps, ça fait trois ans que j'ai été opérée. Enfin, ce qu'on appelle un syndrome d'Eagle, comme l'aigle. Et Eagle, c'est un médecin qui a découvert ce syndrome, un médecin américain. Et c'est un syndrome qui est extrêmement méconnu. C'est très rare. aucun médecin que j'ai rencontré dans ma vie ne connaissait ce syndrome et donc ne pouvait évidemment découvrir que j'avais ça.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a commencé à quel âge ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a commencé vers 21 ans. Ok.

  • Speaker #0

    Donc, peu de temps finalement après que tu aies commencé.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà ta carrière à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, j'avais déjà des rôles, des messes, des petites choses, mais j'avais commencé.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu continues à travailler malgré les douleurs ?

  • Speaker #1

    Je continue à travailler malgré les douleurs parce qu'en tant que chanteur lyrique, on ne dit jamais qu'on a mal, jamais. C'est une sorte de silence sur tout ce qui est problèmes vocaux. On ne peut pas en parler parce que d'abord, ta carrière, tu as un risque de... de ne plus avoir la confiance des autres. C'est un drôle de monde quand même.

  • Speaker #0

    Du coup, personne n'était au courant de ce que tu vivais ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Tu en parlais quand même à ton entourage ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en parlais à ma prof de l'époque, qui ne comprenait pas. Elle me disait, mais non, mais ça m'a... Tout va bien. C'est dans ta tête. C'était toujours dans ma tête. Et en fait, il y a eu un clash avec elle parce que j'étais dans une troupe et je chantais le rôle de Suzanne dans les notes de Figaro. On répétait, c'est un rôle qui est très lourd, qui était trop lourd de toute façon pour moi, qui étais jeune chanteuse quand même. Mais bon, elle voulait absolument que je le fasse. En répétition, ça n'allait pas du tout. Je n'y arrivais pas. J'avais mal et les aigus ne sortaient plus. Je pense que ce n'était pas que la douleur, c'était aussi technique. Je n'avais pas encore la technique pour chanter ce truc-là. Mais elle ne voulait pas l'entendre. En fait, je n'avais pas le droit. Je n'avais pas le droit. Je n'avais pas mon mot à dire. Et un jour, je l'ai appelée, je lui ai dit, je ne peux pas le faire. Et ça a été terrible parce qu'elle m'a rejetée complètement. Elle m'a balayée de sa vie. Ça a été vraiment violent pour moi. J'avais fait un transfert sur elle. C'était une prof que j'aimais beaucoup. Elle était un peu comme une deuxième mère. Et là... Elle n'a même pas cherché à comprendre. Je ne l'ai plus jamais revue.

  • Speaker #0

    À partir du moment où tu lui as dit que tu ne ferais pas le rôle ?

  • Speaker #1

    Que je ne ferais pas le rôle parce que j'avais mal, parce que je n'y arrivais pas. Pour elle, ce n'était pas entendable. Donc, ça a été vraiment pour moi un choc. J'allais voir des médecins à l'époque. Je leur disais, j'ai mal, j'ai mal. Non, ils regardaient les cordes vocales. Voilà, il y avait tout. Mais on ne voit rien. Il n'y a rien. C'est dans votre tête. Il n'y a rien.

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais, toi, à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Alors, j'étais rassurée. Je me disais, les cordes vocales n'ont rien. Pour un chanteur, les cordes vocales, c'est un peu le... On met ça dans un écrin. Mais j'avais mal. Donc, je voulais savoir pourquoi j'avais mal. Mais je suis allée voir une orthophoniste géniale, franchement, super. Elle m'a beaucoup aidée à chanter avec la douleur. C'est-à-dire, bon, la douleur était là, mais la voix sortait mieux. Et puis, psychologiquement aussi, elle m'a beaucoup aidée à... À moins angoisser, à moins avoir peur de chanter.

  • Speaker #0

    Parce que tu finissais par avoir peur de chanter parce que tu savais que tu allais avoir mal ?

  • Speaker #1

    Oui. Ah oui, j'avais mal. De toute façon, je chantais, j'avais mal. Mais je vivais avec.

  • Speaker #0

    Et à aucun moment tu n'as envisagé de changer de carrière à cause de ces douleurs-là ?

  • Speaker #1

    Mouf ! Mille fois. Ah oui ? D'ailleurs, je ne sais pas, plusieurs fois dans ma vie, j'ai dit je ne veux plus chanter une note. J'arrête tout et je fais autre chose.

  • Speaker #0

    Parce que l'humeur était trop forte du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme toujours... buté contre un mur. L'impression qu'il y avait un mur devant moi et qu'il n'y avait aucune solution.

  • Speaker #0

    Et du coup, après cette orthophoniste-là, tu étais toujours limitée dans ce que tu pouvais faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, ça allait encore parce que, pour parler du syndrome d'Hegel, pour expliquer un petit peu, je pense que c'était suite à une opération très musclée de deux dents de sagesse à droite. je suis ressortie de là vraiment cabossée pendant longtemps ça a mis deux semaines à dégonfler j'avais une tête d'éléphant man pour le pauvre j'aime beaucoup l'éléphant man donc le syndrome d'Hegel c'est pour pas dire de bêtises je vais relire mes petites notes Eagle décrit en 1937 des douleurs dues à une élongation de l'apophyse styloïde. Dix ans plus tard, il rapporte 254 cas, donc 44 ont été opérés en 1937. Donc c'était quand même en 1937. Depuis, la douleur est typiquement sourde et unilatérale. D'accord. Elle est localisée dans l'oropharynx et peut irradier vers l'oreille. C'est exactement ça. Je me demandais toujours si je n'avais pas une otite, d'ailleurs. Elle augmente en avalant. Oui, donc, cette apophyse styloïde, ça se fait en une seule fois. Ça devient un cartilage qui saucifie, en fait. D'accord. Et qui pousse. augmente, ça fait comme une arête en fait. D'accord. Ça ressemble d'ailleurs à une grosse arête de poisson. Ok. Et ça part donc de l'oreille et ça se dirige vers le larynx. D'accord. Au début, ça devait être petit, donc j'arrivais encore à gérer, j'avais la bascule du larynx pour les aigus se faisait encore. Mais il y avait cette douleur, puisque ce truc-là me poussait littéralement dans les tissus. Je ne sais pas si c'est clair ce que j'ai dit. Si, si.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a augmenté au fur et à mesure, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a augmenté au fur et à mesure. D'ailleurs, j'ai continué à chanter. C'est hallucinant d'ailleurs. Après avoir vu Madame Gache, qui m'a vraiment remise sur pied psychologiquement et vocalement. Parce que la confiance, quand on perd confiance en la voix... On ne chante plus, on ne chante plus avec plaisir. C'est hyper important d'y croire. Et j'ai passé une audition pour aller à la Juilliard School à New York, qui est l'une des plus grandes écoles de musique du monde. C'est un endroit, c'est le Graal de tous les apprentis musiciens. Et j'ai été prise. D'accord.

  • Speaker #0

    Malgré ça,

  • Speaker #1

    en fait. Malgré ça. Ah oui, oui. Après, ça a été un peu l'enfer pour moi là-bas. Je ne me sentais pas du tout à ma place. De toute façon, le monde de l'opéra n'a jamais été un monde où je me suis sentie à ma place et bien. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé. En tout cas, j'ai été prise. J'ai fait deux ans là-bas. Je suis revenue, j'ai fait partie d'une compagnie d'opéra contemporain, Jeunes Publics.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Donc, voilà, je chantais, mais j'avais cette douleur persistante qui me pourrissait la vie. À un tel point qu'à un moment, j'ai arrêté de chanter du lyrique et j'ai fait de la comédie musicale, du jazz. Ou au moins... Oui, ça demande quand même moins de technique. Excusez-moi. Non, mais c'est vrai. C'est moins exigeant. C'est moins exigeant, oui. C'est qu'on peut vraiment se lâcher, enfin se lâcher dans le sens où musicalement, on n'est pas forcé de suivre la partition. Et puis, on va moins dans les aigus. C'était quand même plus facile pour moi. Mais la douleur était toujours là.

  • Speaker #0

    Comment tu gérais ? Est-ce que tu prenais des antalgiques ? Tu prenais des choses ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, je n'ai jamais pris d'antalgique. Je souffrais. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et là, tu continuais à consulter pendant ce temps ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, je consultais. Je suis allée voir des orthophonistes, je suis allée voir des... des rééducations, même si ma voix allait bien, mais bon. Parce qu'évidemment, la douleur fait qu'on se tend, il y a une tension qui se crée physiquement, j'ai mes muscles, ma gorge se serrait, il y avait des... La douleur n'était pas que à cause de ce truc-là. C'était aussi parce que ça créait des tensions. J'ai fait de la ostéovox. Ostéovox, oui. C'est de l'ostéopathie pour la voix. D'accord. Qui consiste à essayer de détendre, de manipuler vraiment le larynx. Ok. Et même là, pourtant à la palpation, ça peut se sentir.

  • Speaker #0

    Mais les médecins n'arrivaient pas à le sentir ?

  • Speaker #1

    Non. En tout cas, à la fin, ça se sentait très bien, la palpation.

  • Speaker #0

    Mais ça, du coup, au bout de 20 ans d'errance médicale.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, oui. Et puis un jour, je suis allée voir ce médecin. Ah oui, là, c'était la cerise sur le gâteau. Je vais chez un très grand professeur. C'était pendant le Covid. Et donc, je trouve de la place, c'était un miracle que je trouve de la place chez ce très grand médecin qui soignait toutes les chanteuses de l'Opéra de Paris. Et je me dis, ouais, ça y est, enfin, enfin. Et je vais chez lui. Grand bureau, hyper chic, au sculpte. Il regarde les cordes vocales, on tire la langue, comme ça, et puis... Et il voit si les cordes vocales sont blanches, si elles s'accolent bien. Voilà, c'est tout un... Et puis, les miennes, évidemment, c'était... Évidemment, comme toujours, très bien. Il n'y avait pas... On ne voyait rien. Donc, je ressors avec une ordonnance d'une crème et de bromure. Le bromure, je pense que c'était pour me calmer. Il fallait que je me calme. Parce que tout ça, j'imaginais la douleur. Il t'a dit ?

  • Speaker #0

    Il t'a dit la préception.

  • Speaker #1

    Il ne l'a pas dit.

  • Speaker #0

    Il ne t'a pas expliqué ?

  • Speaker #1

    Non. Il ne m'a rien expliqué. Non, non. J'avais l'impression qu'il voulait se débarrasser de moi. Il m'a juste dit, la crème, vous la mettez matin et soir, vous appliquez, vous massez la zone qui fait mal, la zone du cou, c'est donc dans le cou, au niveau du larynx. Et je vais à la pharmacie. Je montre mon ordonnance. Elle me donne le bromure. Et puis après, elle me dit, mais attendez, la crème n'existe plus depuis les années 70. Je dis, ah bon ? Vous êtes sûre ? Parce que c'est le médecin en haut de chez vous, là, qui me l'a prescrit. Ah non, non, je suis très étonnée qu'il vous ait prescrit ça, parce que ça n'existe plus. Bon.

  • Speaker #0

    Et le bromure, du coup, toi, tu savais à quoi ça servait ?

  • Speaker #1

    Alors, le bromure... Il me semble, moi j'ai toujours entendu dire que c'est ce qu'on donnait avant, il y a longtemps, aux soldats pour les calmer sexuellement. Oui, parce que les pauvres, pendant un an, c'était dur. Donc, ils prenaient du bromure, on leur donnait du bromure.

  • Speaker #0

    Mais donc, on a du mal à voir le lien avec ce qu'ils t'avaient amené chez ce médecin.

  • Speaker #1

    Alors, je me suis dit, bon, alors, OK, bromure, peut-être c'est pour que ça me calme un peu, pour me détendre, je ne sais pas. D'ailleurs, il m'a donné le bromure et cette crème était censée aussi détendre la zone où j'avais mal.

  • Speaker #0

    Donc, toi, tu y croyais quand même un petit peu, même en sortant ?

  • Speaker #1

    Non, j'y croyais pas trop. J'ai acheté les médicaments en me disant bon, allez. J'ai pris le bromure le lendemain matin. J'étais zombie toute la journée. Des pauvres soldats. Je sais pas comment ils pouvaient aller se battre dans cet état. Mais vraiment zombie, l'horreur je suis, mais c'est horrible ce truc. Et donc je l'ai pris une seule fois, le lendemain. Heureusement que quand même, je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais du coup ? Est-ce que tu avais eu beaucoup d'espoir, j'imagine, en voir ce médecin ?

  • Speaker #1

    Très déçue. Ah ouais ? Très déçue et puis toujours à me dire qu'il n'y a pas de solution. Mais je me disais, c'est certainement moi aussi qui imagine.

  • Speaker #0

    Donc toi, tu finissais par croire le fait que ça soit dans ta tête ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, complètement. Même si je sentais la douleur. Après ça, je crois que je suis encore allée voir une orthophoniste. Ah oui, il m'a prescrit des séances de rééducation quand même. D'accord.

  • Speaker #0

    Que t'as faite du coup ?

  • Speaker #1

    Que j'ai faite.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a rien changé ?

  • Speaker #1

    Non. Ça m'a aidée à me détendre quand même. Parce que, je l'ai dit plus tôt, je pense... Mais la douleur, ça crée des tensions. On a mal à l'épaule, on est tendu. On a mal... Le corps, il réagit par la défensive. Donc effectivement, ça m'aidait, les séances d'orthophonie. Ça m'aidait aussi d'être écoutée, parce que souvent les orthophonistes sont quand même des personnes qui écoutent, qui sont bienveillants.

  • Speaker #0

    Tu te sens plus entendue par les orthophonistes que par les médecins.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais bon, pareil, elle ne comprenait pas d'où venait cette douleur. Et c'est un jour, alors peut-être un an et demi après ça, j'ai trouvé sur Doctolib un rendez-vous chez une phoniatre que je ne connaissais pas à Paris. Parce que des phoniatres, il y en a très peu. Et je crois que c'est même voué à disparaître, la phoniatrie, cette spécialité. Il me semble, je dis peut-être des bêtises, mais... Et donc, je vois un rendez-vous de livre chez une phoniatre qui avait l'air sympa, une bonne tête, sur Doctolib, et qui avait des bonnes notes. Et donc, je me rends à ce rendez-vous, et là, je tombe sur une femme, une jeune femme, jeune médecin, sympa comme tout, vraiment... Et puis, je lui parle de mon problème. Elle regarde les cordes vocales. Tout va bien. Et je lui dis, mais vous savez, tout va toujours bien. On m'auscule, ça va. Et puis, j'ai toujours mal. Et elle me demande d'expliquer plus, vraiment en détail, mes sensations. Vraiment en détail. Donc, je lui dis, voilà, quand je déglutis, j'ai mal. Il y a un claquement. Il y a un claquement. C'est comme si j'avais un corps étranger dans la gorge. J'ai mal au cervical, parce qu'il y avait aussi ça, c'est que ça atteint aussi... toute la zone des cervicales. Je me réveillais tous les matins avec des maux de tête à me taper la tête contre les murs. Je suis allée aux urgences plusieurs fois, tellement la douleur était importante.

  • Speaker #0

    Qui était causée par le centre d'antiguel,

  • Speaker #1

    du coup ? Oui, parce que je ne l'ai plus... Alors, c'était aussi les tensions que ça causait, cette douleur, qui faisait que j'ai eu le nerf d'Arnold aussi pincé.

  • Speaker #0

    Donc, une névragie d'Arnold ? Oui.

  • Speaker #1

    qui est toujours parfois là, mais tellement espacée aujourd'hui. Avant, c'était tous les matins. À la fin, je prenais des médicaments tous les jours. Et c'est pour ça que j'ai appelé le médecin. Je me suis dit, ça ne peut pas continuer comme ça, à prendre du Doliprane ou de la Spigic tous les jours. Donc je lui explique ça, que j'avais les maux de tête, le claquement, mal à l'oreille. J'avais l'impression que j'avais mal aux dents. Trois mois avant, un dentiste m'a retiré une dent, m'a carrément arraché une dent en pensant que c'était ça. Enfin bon, voilà, donc j'ai eu tant de moins pour rien. Et c'était pas ça. Et donc elle m'écoute, et c'est marrant, elle me dit... Est-ce que ça vous pourrit la vie ? Je dis oui, ça me pourrit la vie. Ok. Eh bien, on va aller chercher en profondeur ce que vous avez. Et elle me dit, je pense à... Voilà, j'ai étudié un syndrome très rare, mais pourquoi pas, ça me fait penser à ça, ce que vous avez. Donc, on va aller chercher de ce côté-là. Et ça demande en fait un scanner très précis, des vues d'un certain angle, enfin... D'accord. Si j'ai... d'après ce que j'ai compris. Donc elle me fait une ordonnance pour ce scanner. Et voilà, c'était ça, c'était ce syndrome. Elle a tout de suite trouvé le truc.

  • Speaker #0

    Comment tu t'es sentie du coup quand elle t'a annoncé ?

  • Speaker #1

    Je me suis dit, mais je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. La douleur, elle est causée par un truc qui existe et pas par mon imagination. Ah ouais, c'était...

  • Speaker #0

    Un soulagement, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ouais. Un soulagement, ouais. Enfin, j'ai été entendue par quelqu'un qui a pris ça au sérieux, qui m'a prise au sérieux.

  • Speaker #0

    Au bout de 20 ans.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, ouais. Ah ouais, ouais. Surtout que c'était devenu insupportable. Les douleurs, les céphalées et tout ça, c'était très, très dur. Et puis, je ne chantais plus.

  • Speaker #0

    Tu ne pouvais plus du tout chanter à la fin.

  • Speaker #1

    Si, si, je l'exagère. Parce que je chantais, mais alors c'était dur. C'était dur, les aigus, c'était à l'arrache. Parce que la bascule du larynx ne se faisait plus correctement. Il y avait ce corps étranger qui bloquait les choses. Et puis les douleurs, enfin tout le...

  • Speaker #0

    Du coup, tu faisais uniquement des cours de chant à cet épargne ?

  • Speaker #1

    Non, non, je chantais. Je chantais avec la douleur. Et pas de plaisir ? Il y avait le plaisir musical qui était là, bien toujours ça, la musique. Mais le plaisir physique de chanter, l'abandon, le lâcher prise, tout ça, je ne l'avais pas du tout. Je souffrais. Il y avait le plaisir musical et la souffrance physique. Et donc, elle ne savait pas opérer ça. Il y avait deux médecins à l'époque, je crois, en tout cas sur Paris, qui connaissaient ce syndrome, qui savaient l'opérer. Donc, elle m'a conseillé d'aller voir un des médecins, qui était à Vincennes, super médecin ORL, qui, lui, savait opérer ça. Que j'étais allée voir, d'ailleurs. Très sympa, mais bon, il n'avait pas diagnostiqué ce syndrome.

  • Speaker #0

    Il n'avait pas réussi à voir que tu souffrais de ce syndrome à l'époque où tu l'avais consulté ?

  • Speaker #1

    S'il avait quand même vu que je souffrais, mais il n'a pas pensé à ça. Lui, il est ORL, il n'est pas fauniatre. la différence, je ne sais pas exactement ce que c'est, mais bon voilà, il sonne les oreilles, mais il n'y a pas pensé, et d'ailleurs il me l'a dit, il m'a dit écoutez, je suis, voilà, j'aurais jamais imaginé que c'était ça on a pris rendez-vous pour une opération à Rothschild et ce que j'ai adoré, c'est que Au moment, juste avant qu'on m'endorme, j'étais sur la table d'opération. Arrive le docteur Mailly qui me dit écoutez je suis venue parce que j'avais très envie d'assister à cette opération. Je trouve que c'est vraiment passionnant. Voilà si vous êtes d'accord et tout ça. Je lui dis bah oui bien sûr. Et j'avais des infirmières. Comme elles savaient que j'étais chanteuse, elles m'ont mis de l'opéra. C'était vraiment chouette. C'est un beau...

  • Speaker #0

    Un très bon moment et tu n'étais pas particulièrement stressée avant cette intervention.

  • Speaker #1

    Euh, non, parce que j'étais vraiment rassurée. Je pouvais être stressée parce que c'est un... Je veux dire, la gorge, il y a quand même pas mal de choses qui passent. Il y a le nerf facial, déjà. Je me suis dit, pourvu que je ne me réveille pas avec la moitié du visage avachi. Mais bon, j'avais confiance. Ok. Ouais, ouais, j'avais confiance.

  • Speaker #0

    Donc, tu devais t'hospitaliser pour être opérée ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai été hospitalisée trois jours. Ok. Oui, parce que c'est quand même une sacrée opération. Je veux dire, sur trois plans. D'accord. Ils vont chercher très loin le truc. L'arête, j'appelle ça l'arête. Voilà, donc j'ai été opérée, ça s'est très bien passé. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Ouais. Parce que c'est un endroit de la gorge où ça fait mal.

  • Speaker #0

    Comment ça s'est passé du coup l'après-intervention ?

  • Speaker #1

    Ce qui était dur, c'est que j'avais un drain qui sortait du côté de ma gorge, avec du liquide dedans, c'était vraiment dégueu. J'étais toute gonflée. Je me suis dit, j'avais plus de voix du tout.

  • Speaker #0

    Même pour parler, du coup ?

  • Speaker #1

    Non, il n'y avait plus de voix. La voix a mis du temps à revenir.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a fait peur, ça ?

  • Speaker #1

    Non, il m'avait prévenu.

  • Speaker #0

    Ok, il t'avait prévenu.

  • Speaker #1

    Oui, il m'avait prévenu. Mais bon, tout de suite, comme je m'ennuyais un peu à l'hôpital, mon drain, je ne pouvais pas trop bouger, j'ai fait un blog. dans mon site de professeur de chant. J'avais envie d'en parler. J'ai fait un blog que j'ai appelé Syndrome d'Igle, où j'ai raconté vraiment en détail tout, l'opération, l'errance, un peu ce que je raconte là. Ça m'a permis aussi d'évacuer, de sortir enfin de ce que j'avais à dire là-dessus. J'étais vraiment pleine de... J'avais mal. J'avais mal. Quand je me suis réveillée, j'avais très mal. On m'a mise sous tramadol. J'ai eu des antidouleurs pendant un bon moment.

  • Speaker #0

    Ça te soulageait, les antidouleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, ça me soulageait.

  • Speaker #0

    Et tu les supportais bien ?

  • Speaker #1

    Oh ben ouais ! Tramadol, c'est très agréable. J'ai de la pluie pour le tramadol. Non, non, dis ça, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas le cas de tout le monde. Il y a des personnes qui peuvent être très malades avec le tramadol. Il y en a qui ne peuvent pas du tout les prendre.

  • Speaker #1

    Ah, c'est vrai ?

  • Speaker #0

    Qui vomissent. Donc, c'est vrai que c'est bien quand on les supporte.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Même s'il y a des gros risques d'addiction. Attention à ce que je dis.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que d'avoir quand même des antalgiques qui nous soulagent, ça change beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    Ah oui. Non, non, évidemment, oui. Je ne fais pas la pub pour le tramadol parce qu'il faut en prendre les prix peut-être trois fois. ouais donc on a On va dire qu'au bout de trois mois, j'avais récupéré un aspect normal. Ok.

  • Speaker #0

    Ça a mis trois mois à dégonfler ?

  • Speaker #1

    Oui, un aspect normal dans le sens où la cicatrice était très rouge. J'ai fait même des séances de kiné, de palpation de la cicatrice. C'est vachement bien d'ailleurs. Je préconise une grosse cicatrice pour qu'il n'y ait pas d'adhérence. Une sorte de petite machine, c'est assez marrant, qui respire la peau. par intermittence, comme un... Comment on appelle ça ?

  • Speaker #0

    Une ventouse.

  • Speaker #1

    Une ventouse, voilà. Qui se promène sur la cicatrice pour éviter les adhérences. Parce que ça, c'est... Ça fait mal, les adhérences. Donc, j'ai fait ça. J'ai vraiment pris soin de moi après cette opération. Et de toute cette zone, j'avais toujours mal. En fait, la douleur... Elle ne disparaît pas quand tu as eu mal pendant 20 ans. Même quand la cause est partie, la douleur est là. Et elle a mis du temps à disparaître. Ok. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, est-ce que ça t'a inquiété du coup d'avoir encore mal après la préparation ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a inquiétée. Alors il faut dire que, oui, j'ai oublié de dire que le docteur, le lendemain, il m'a donné un petit flacon avec... mon styloïde là d'accord dedans c'était impressionnant ça faisait deux centimètres plus que ça deux trois centimètres et c'était très épais comme une grosse arête de poisson d'accord et donc t'avais ça dans la gorge pendant des années oui oui je vous le donne ça vous fera un souvenir je l'ai toujours Je me ferais enterrer avec. J'ai mis du temps à récupérer, à lâcher les tensions. C'était en fait les tensions liées à la douleur, la peur, la peur de chanter. Il y a eu tout un...

  • Speaker #0

    Une rééducation à ce niveau-là. Comme si mon corps s'accrochait finalement à cette douleur. Je ne la laissais pas partir. Tu vois ce que je veux dire ? Et d'ailleurs, j'ai consulté, même après, je suis retournée voir le docteur qui m'a rassurée. Il m'a dit, là, je vous assure qu'il n'y a plus de raison que vous ayez mal. Elle me disait, ça partira. Ça partira avec le temps. Essayez de ne pas y penser. Je lui ai dit, oui, mais... pas y penser. C'est difficile de ne pas y penser. Oui. La douleur, j'ai eu pendant au moins un an après.

  • Speaker #1

    D'accord. C'est long.

  • Speaker #0

    Mais avec la confiance qu'il n'y avait plus la cause de la douleur. Finalement, la douleur, je l'acceptais mieux en me disant, bon, elle est là, elle partira quand elle partira. Il n'y a plus de cause.

  • Speaker #1

    Oui, ça ne t'a pas mis le doute sur le fait qu'il y ait autre chose.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Tu arrivais à être sereine sur le fait que ça partirait.

  • Speaker #0

    Oui, et je me suis dit, elle doit être là parce que les tensions sont là. Donc, j'ai beaucoup travaillé seule, avec les connaissances que j'ai acquises en tant que professeure de chant et dans mes formations, puisque je me suis énormément formée aux techniques vocales et aussi à l'ostéovox, enfin, pas à l'ostéovox, mais tout ce qui est thérapie manuelle. Donc, je faisais des automassages, voilà, de les voir aussi. mon ostéopathe qui me... extraordinaire, c'était un horloger du larynx, il allait justement jouer, travailler sur les tensions musculaires, donc ça aidait beaucoup. Mais il y avait toujours l'appréhension de chanter, l'appréhension de me faire mal en chantant. Et c'est mon médecin traitant, un jour je vais la voir, je lui dis écoutez, je ne comprends pas, j'ai toujours mal, j'en ai marre et tout ça. Voilà, elle regarde la cicatrice, elle me dit, votre cicatrice, il n'y a pas d'adhérence. Parce que les adhérences peuvent faire mal. Et là, elle me dit, mais vous savez, parfois la douleur, quand on l'oublie, elle disparaît. Il y a aussi, quand il n'y a pas de, comment dire, de lésion, que la douleur est là. Parce que d'une certaine façon, le cerveau l'entretient, la douleur. Elle est là quelque part. C'est-à-dire que plus on y pense, plus on a mal. souvent Plus on pense à, je sais pas, et ça j'en suis persuadée, plus on pense à une douleur, plus elle fait mal. Et je lui ai fait confiance et je lui ai dit ok. Je me suis dit je n'y pense pas, j'arrête d'y penser.

  • Speaker #1

    T'as réussi à faire ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, j'ai réussi à faire ça. Elle me disait c'est pas grave, ok elle est pas là. J'oublie que j'ai mal. Et effectivement elle avait raison. La douleur est partie.

  • Speaker #1

    Peut-être parce que tu te crispais du coup dans l'appréhension et que c'est ça qui causait des douleurs ? Oui,

  • Speaker #0

    je pense qu'il y avait ça. Peut-être que je créais cette douleur par l'appréhension, tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    Parce qu'après, c'est vrai qu'on dit souvent que quand il y a des douleurs pendant très longtemps, il y a des modifications du système nerveux périphérique et central. Et du coup, il peut y avoir de la douleur sans qu'il y ait une lésion. une agression du corps, mais en fait des messages douloureux qui viennent du système nerveux. Oui,

  • Speaker #0

    c'est exactement ça. C'est ce qu'elle m'a expliqué.

  • Speaker #1

    Ah, elle t'a expliqué ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et elle m'a dit le seul, finalement, le moyen le plus efficace, ce serait de ne pas y penser.

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est vrai que ça, c'est bien que ça ait marché pour toi,

  • Speaker #0

    mais ça ne fonctionne pas pour tout le monde. C'est évident de ne pas penser à une douleur.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est des douleurs nociplastiques. Je ne sais pas si c'est ce que tu as eu, mais en tout cas, il y a une catégorie de douleurs, les douleurs nociplastiques. Il me semble que c'est ça le nom. Quand il y a une douleur pendant très longtemps et que le système nerveux, du coup, s'est modifié et continue à envoyer des signaux douloureux, des fois juste pour un toucher ou ça s'appelle de l'allodinie, mais des choses qui ne sont pas censées être douloureuses qu'envoient des signaux douloureux. Et c'est vrai que pour certaines personnes, ça ne disparaît pas. Même que le cerveau n'a pas forcément... qu'on ne peut pas, par le contrôle de la pensée, faire disparaître ces signaux.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a peut-être... J'imagine... Bon, moi, je n'ai jamais fait de sophrologie. On m'a souvent conseillé d'en faire. Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis jamais allée voir de sophrologue. Mais il paraît que la sophrologie est assez efficace dans ces cas-là. C'est-à-dire quand... quand... OK, on a trouvé la thérapie adéquate à une maladie, et pourtant, on souffre toujours. Il y a quand même des... Pendant 20 ans, tu souffres, et puis tout d'un coup, OK, on a trouvé le remède, mais t'as souffert 20 ans, quoi. Tu vois, donc... Ça fait presque partie de ton... Tu vois, de toi, finalement. Cette souffrance fait partie de ta personnalité.

  • Speaker #1

    Oui, toi, c'était l'impression que tu avais par rapport à ta douleur.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ah oui. Même si je ne le disais pas. Je disais à mon mari, lui il me disait mais je ne comprends pas pourquoi tu as mal, enfin il ne comprenait pas, mais il avait raison, il entendait que j'avais mal, mais il disait peut-être qu'il faudrait que tu arrêtes de chanter. Et là, c'est incroyable parce que c'est, donc ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Que tu as été opérée, du coup ?

  • Speaker #0

    Que j'ai été opérée, oui. J'ai toujours des sensations un peu désagréables au-dessus de la cicatrice. On m'a coupé plein de nerfs et tout ça. La peau, elle n'a pas retrouvé sa sensation. Mais en tout cas, ce qui est fou, c'est que... Alors, j'ai 58 ans, donc on ne récupère pas à 58 ans comme on récupère à 25. Il faut du temps, les muscles, les tissus ne sont pas aussi élastiques. que quand j'étais jeune. Mais en tout cas, je retrouve une voix de jeune femme, quoi. C'est fou. Les aigus et tout, c'est dingue.

  • Speaker #1

    Tu pensais ne pas les retrouver ?

  • Speaker #0

    Ouais. Ah ouais, ouais. En fait, j'avais oublié la sensation de ce que c'était quand la voix est libre et sort toute seule. J'avais oublié ça. Et ça, c'est extraordinaire. Alors, c'est pas comme ça tout le temps, mais de plus en plus.

  • Speaker #1

    Et ça s'est amélioré au bout de combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça s'est amélioré au bout de combien de temps ? J'ai beaucoup travaillé sur la détente, puisque ça avait créé beaucoup de tensions, cette histoire, sur la détente de la gorge, la détente physique aussi, en chantant. C'est hyper intéressant, en fait. Finalement, je remercie cette maladie, parce que je... Ça me passionne. Je pense que je n'aurais pas été aussi loin dans la curiosité. Tout ce que j'ai appris toutes ces dernières années est toujours... Je suis passionnée. Il n'y a pas un jour où je ne regarde pas des trucs sur Internet, sur la voix, où je n'essaye pas des nouveaux trucs. J'essaye toujours sur moi avant de les proposer à mes élèves. C'est assez marrant. Puis je fais des... Des petites vidéos où je me filme en train de faire des trucs complètement dingues. Justement pour détendre. Parce que chanter, il faut être dans une détente totale et dans un engagement physique global. Plus on est détendu, mieux c'est. Mais il ne faut pas être une loque. Il faut être engagé en même temps. Donc voilà. Là, je parle de la voix parce que c'est ma passion.

  • Speaker #1

    Mais tu ne serais pas autant renseignée, tu n'aurais pas poussé autant tes recherches si tu n'avais pas été concernée par... Par le syndrome d'Hegel, selon toi.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui.

  • Speaker #1

    C'est vraiment ça qui a été un moteur ?

  • Speaker #0

    Oui, ça a été un moteur. Oui, parce que souffrant moi-même, d'abord, je ne voulais pas que mes élèves souffrent. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je demande toujours, est-ce que ça va ? Oui, c'est vrai. Pendant les cours, il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de fatigue.

  • Speaker #1

    Parce qu'à un moment donné, tu pensais que c'était toi qui te provoquais ces douleurs-là, quoique il n'y avait pas. pas de cause physiologique, mais que c'était toi qui chantais de la mauvaise façon ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, pendant longtemps, j'ai cru ça. Alors je me demandais pourquoi c'était toujours du même côté que j'avais mal. Il y a un côté où je sens rien, et toujours le côté droit, c'est là où ça me faisait mal. Alors je me disais, je suis peut-être trop tendue du côté droit. Bon, le corps, c'est quand même un drôle de truc. Surtout toute la partie laryngée, c'est un bazar total. de muscles, de cartilage, de tendons. C'est toute une mécanique, c'est passionnant. Et savoir ce qui se passe là-dedans, quand on chante, on ne le sait toujours pas d'ailleurs, vraiment. On n'a pas encore... on ne sait pas tout sur la voix. Mais ce qu'on sait, en tout cas moi ce que je sais, c'est que le mental joue énormément. Et je pense que le mental joue énormément sur le corps. que la peur, on a peur de plonger. Tu es sur un plongeoir et au dernier moment, tu fais « Ah non, là tu fais le plat ! » La voix, c'est pareil. Tu as peur de faire un aigu, tu vas faire un couac terrible, tu vas serrer. Tu as peur de te faire mal, tu as peur… Oui, le mental, c'est un truc, c'est quand même puissant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as l'impression que ce que tu as traversé avec le syndrome d'Eagle, ça a changé ? Des choses dans ta façon de te percevoir ou de percevoir la vie ?

  • Speaker #0

    Déjà, oui. Finalement, je pense que toute maladie peut faire grandir. Tu te poses des questions. D'abord, pourquoi ? Pourquoi tu es malade ? Pourquoi on est malade ? C'est une grande question. Il y a tellement de réponses possibles. aucune réponse, tout simplement. Mais en tout cas, je pense que c'est comme l'aveugle, il va développer l'ouïe. Chaque maladie, j'imagine, peut te permettre de développer autre chose pour compenser finalement ton handicap. Si tu as le mental qui fonctionne, évidemment. Mais moi, j'aurais envie que tout le monde arrive justement à dépasser Voilà, comme toi qui crée ce podcast. Moi, je trouve ça génial parce qu'il y a énormément de possibilités autres que ce que nous empêche de faire notre maladie.

  • Speaker #1

    Oui, de ne pas se réduire à ça.

  • Speaker #0

    Ah ouais, et moi, je me suis formée, je me suis passionnée pendant des années. Je n'arrivais pas à chanter, je souffrais et tout ça, mais c'était extraordinaire de découvrir la mécanique du chant. C'est incroyable. Donc ça m'a fait vraiment grandir à ce niveau-là. En plus, moi, j'étais tellement pas faite pour les études quand j'avais 18 ans. L'horreur ! Ah non, j'ai même pas mon bac. J'ai pas mon bac et j'ai réussi quand même à obtenir un bac plus 4. Mais en tout cas, ça m'a permis de découvrir que je pouvais être faite pour les études aussi. C'est pas mal. Et puis j'ai vraiment pris confiance en moi. C'est vrai ? Ah ouais. Le fait de me dire... D'abord, de me former en tant que prof. Oui, parce qu'il y avait une chose. Je donnais des cours au début. J'ai commencé à donner des cours. Je ne savais pas trop, finalement, comment ça fonctionnait, cette histoire-là. Donc, je faisais faire des vocalises. On m'avait appris à faire comme ça. Je transmettais ce que j'avais appris, moi. C'est-à-dire, pas grand-chose, finalement. Mes profs... Excusez-moi, mais à part me faire faire des vocalises et me faire chanter des airs, il ne m'expliquait rien. Donc, je transmettais comme j'avais appris. Et le fait de me former, j'ai vraiment pris un plaisir après à donner des cours et à avoir tout un tas d'outils. J'ai une boîte à outils aujourd'hui, c'est fou. malgré le fait que j'avais du mal à chanter. Enfin, je pense à... Tiens, j'ai eu une prof aux États-Unis qui était hémiplégique. Et alors, c'était une chanteuse d'opéra. Et elle aussi avait développé, grâce à sa maladie, une proprioception incroyable. Et aussi, elle faisait de la technique Alexander, donc une technique de prise de conscience du corps. Les anglo-saxons, ils sont très là-dedans. Technique Alexander, Feldenkrais. Nous, on a très peu ça en France. Nous, le corps, nous, tout ça, non, il ne faut pas y toucher. On est vraiment quand même... C'est très français, ça. Là-bas, en tout cas aux États-Unis et en Angleterre, on est très à l'affût de la proprioception, d'avoir une meilleure utilisation de notre corps. Et donc, cette prof... C'est quand même l'exemple de la personne qui, quand même, naît avec un sérieux handicap et qui devient chanteuse d'opéra, avec une super voix magnifique et très bonne prof. Peut-être c'est son handicap qui a fait ce qu'elle est aujourd'hui, parce qu'elle était, je ne sais pas si elle est toujours là, mais c'était un bel exemple aussi, on appelle ça... De résilience ? Résilience, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des ressources, toi, qui t'ont particulièrement aidée pendant les périodes difficiles ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui m'ont aidée.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des personnes de ton entourage, du coup ?

  • Speaker #0

    Oui, des personnes, bon, comme cette Madame Gache, qui m'a beaucoup aidée psychologiquement, mais aussi vocalement. Il y a donc cette prof, Irene Goodrunt, ça s'appelait, qui m'a aidée. Il y en a qui ne m'ont pas aidée, à la Juilliard, j'avais une... prof, oh là là, c'était la cata quand même. Très très grande prof. J'étais chez la meilleure, paraît-il, et alors elle m'a massacrée, elle n'a rien compris. Elle, pas du tout, elle écoute.

  • Speaker #1

    Parce que tu lui avais parlé de tes douleurs, du coup ?

  • Speaker #0

    Je lui avais parlé de mes douleurs, oui. Je suis ressortie d'un an avec elle, avec plus de voix du tout. Donc c'est pour ça que je suis allée voir après l'autre prof. Je prenais des cours particuliers, en plus de mes cours à la Juilliard. Et elle m'a beaucoup aidée. À l'époque, le styloïd devait être pas aussi long qu'aujourd'hui. J'avais 28 ans. Non, j'avais pas 28 ans, j'avais 27 ans. Donc il y a... Ça a encore traîné au moins 15 ans. 17 ans, je n'ai plus. Mais des ressources, ce qui m'aidait, j'ai énormément regardé de choses sur Internet, en essayant de comprendre. Je n'ai jamais trouvé sur Internet.

  • Speaker #1

    En fait, avant que cette médecin te parle du syndrome d'Higuel, tu n'en avais jamais entendu parler ?

  • Speaker #0

    Non, non, jamais.

  • Speaker #1

    Et comment était ton entourage pendant toutes ces années ? Est-ce que tu étais soutenue ? Est-ce que les gens comprenaient tes douleurs ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors, j'étais très proche de ma mère pendant longtemps, jusqu'à sa mort. On était très proches. Et ma mère et mon beau-père, mon père est mort il y a très longtemps, avaient une sorte de... Ils avaient tout misé sur moi. J'étais un peu la sauveuse de la fratrie. Parce que mes frères, ils sont un peu... Ils ont tous pris des directions. Ils ont pris leurs directions, mais qui ne correspondaient pas vraiment à ce qu'auraient imaginé mes parents. Et moi, chanteuse d'opéra, à la Juilliard, j'étais un peu la sauveuse. Et ils n'ont pas compris que je refuse des rôles, par exemple. Mais t'es prête et tout ça. Mais si, mais... En fait, tu ne te sens pas prête, mais tu l'es. Et en fait, je ne me sentais pas prête parce que j'avais mal. Et je me disais, mais si j'ai mal, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, je n'avais pas m'engager dans un truc, comme ce qui était arrivé avec le rôle de Suzanne, où j'ai arrêté. J'avais peur, en fait, d'accepter des rôles et de ne pas arriver au bout. De ne pas pouvoir aller. Et donc, ma mère, elle ne comprenait pas. Oui, c'était psychologique, finalement, mon histoire. Elle ne l'aura jamais su, en fait. Mais bon, voilà, elle ne pouvait pas imaginer non plus. Bon, et puis aussi, ça aurait pu être psychologique. J'ai eu une enfance un peu mouvementée. Pourquoi pas ? J'étais quand même la bonne candidate à avoir un mental un peu dérangé.

  • Speaker #1

    Et toi, tu as eu le doute à un moment donné que ça soit psychologique ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais le doute, oui. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que quand j'étais jeune et que je voulais être chanteuse opéra et que j'avais ce truc-là qui me pourrissait la vie déjà, ça m'a beaucoup fragilisée à une époque où j'ai fait une dépression.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je pense que ça participait. C'est-à-dire que La seule chose au monde qui me donnait du plaisir, c'était de chanter, et c'était en train de disparaître. C'était très dur pour moi, et j'avais plus cet échappatoire à un mal-être profond, puisque j'avais un mal-être profond, et c'était un peu ma médecine, la voix. donc me retrouver démunie, c'était très dur. Après j'ai fait une dépression, j'ai pris des médicaments, pas longtemps, mais je me suis soignée, je suis allée voir une psy. Voilà, Donc ça fait partie finalement d'un... plein d'étapes de vie comme ça qui font ce que je suis aujourd'hui. Et ça me plaît ce que je suis aujourd'hui. Là, j'ai grandi et je me dis que finalement, où qu'on en soit dans la vie, l'intérêt, c'est de grandir de toute façon, d'arriver d'un point A à un point B en te disant... J'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai réussi à faire ça. Yes. Et de ne pas s'arrêter sur, ah, je suis une personne malade. Bon, ok, je suis une personne malade, mais il faut trouver les ressources. Alors après, tout le monde n'a pas les ressources. Oui. Oui. Ça, j'en suis consciente. Tout le monde n'a pas les ressources. Tout le monde n'a pas le... Ou n'est pas aidé au bon moment. Ou n'a pas la chance de rencontrer là où... Enfin, voilà, de... Mais...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a permis de tenir, toi, pendant toutes ces années ? Est-ce que tu sais ce qui t'a permis de tenir ?

  • Speaker #0

    Ma joie de vivre. Ouais. Ouais. Ah oui, oui. Oui, oui, c'est ma joie de vivre. l'émerveillement que j'ai. J'ai toujours eu sur tout. Et puis mes enfants, ma famille, mes amis, mon entourage, la musique. Ah ouais, la musique. Mes élèves. Voilà, tout ce qui m'entourait, qui créait de la joie.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu aurais des... Des choses que tu pourrais transmettre ou que tu conseillerais à quelqu'un qui vivrait quelque chose de similaire à ce que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je pourrais conseiller ? Déjà, de ne pas perdre espoir. Premièrement, parce que je pense qu'il y a toujours une solution. Il y a toujours une solution, il faut la trouver. Enfin, il y a toujours une solution, je dis ça, mais quand tu as une maladie grave dégénérative et qu'on sait ce qui se passe au bout, évidemment, je sais que... Qu'est-ce que je pourrais ? Moi, je dirais de mettre son nez dehors, d'aller regarder les arbres pousser, d'aller à... Se coller à un arbre, l'embrasser, regarder une fleur, regarder une poule, regarder un animal. Essayer de voir ce qui nous entoure et de ne pas être trop à l'intérieur de soi, tu vois, d'avoir une... de s'ouvrir à autre chose, écouter de la musique, essayer de regarder des films. Il y a tellement de belles choses, quoi, sur cette terre. L'art, de se faire aider comme ça par la beauté du monde. Voyager, pourquoi pas, si on peut.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je suis très fière d'être la première. C'est ça, hein ? Oui. Je suis la première à faire ce podcast. Merci, Marie. De rien. J'espère que ça pourra aider des personnes.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci beaucoup à Clémence d'avoir partagé son histoire avec nous. J'espère que son témoignage vous aura apporté un peu de réconfort, peut-être de l'espoir si vous traversez vous aussi une période d'errance médicale ou de doute. Ce qu'elle nous rappelle, c'est qu'on a le droit de s'écouter, de persévérer, même quand on se sent seul face à la douleur ou face au médecin. Vous n'êtes pas seul. Si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. à en parler ou à laisser une note et un petit commentaire sur votre plateforme d'écoute. C'est ce qui aide le podcast à toucher d'autres personnes qui en auraient besoin. Merci pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode de Mots d'espoir.

Description

Pour ce premier épisode, je vous propose de découvrir le parcours poignant de Clémence, chanteuse et professeure de chant dont la passion pour la musique a été assombrie par les douleurs chroniques causées par le syndrome d'Eagle, une maladie rare très méconnue.

Pendant près de 30 ans, Clémence a dû jongler entre son amour du chant et des douleurs intenses que personnes n'expliquaient.

Dans cet échange, elle partage son errance médicale, son combat pour comprendre ce qui lui arrivait, ce qui lui a permis de tenir, et ce que cette épreuve lui a appris.

Un témoignage inspirant, qui parlera à beaucoup, au-delà de la rareté de cette pathologie, car il est question de reconnaissance, de persévérance et d’écoute de soi.

Bonne écoute.



Vous pouvez me suivre sur Instagram @mauxdespoir_podcast

Podcast créé, produit et monté par Marie Petitpas.


Tous droits réservés.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Marie Petitpas et je vous souhaite la bienvenue sur Mots d'espoir. Ici, vous entendrez des témoignages de personnes qui vivent avec une maladie chronique, un handicap ou des douleurs invisibles, ou qui ont traversé une maladie ou un trouble psychique. J'espère que leurs récits vous apporteront du réconfort, de la force et de l'inspiration. Je vous souhaite une très belle écoute. Dans ce premier épisode de Mots d'espoir, je vous invite à écouter le témoignage de Clémence, ma prof de chant. Elle a souffert pendant près de 30 ans de douleurs très intenses, surtout quand elle chantait. Et c'était d'autant plus dur que le chant, c'est sa passion, son métier, son souffle. Elle a fini par découvrir qu'elle avait le syndrome d'Higuel, une maladie rare, souvent méconnue. C'est un petit os au niveau du crâne, qu'on appelle le processus styloïde, qui est trop long ou mal positionné. Et ça peut provoquer des douleurs très vives dans la gorge, le cou, les oreilles, voire même dans certains cas des vertiges ou des troubles nerveux. Pendant des années, Clémence a été baladée de médecin en médecin sans qu'on la prenne vraiment au sérieux. On lui disait que c'était sûrement dans sa tête. Et comme beaucoup de femmes avec des douleurs invisibles, elle s'est sentie seule, pas crue, pas entendue. Son témoignage, ce n'est pas seulement celui d'une maladie rare, c'est celui d'une femme qui a tenu bon, qui a gardé sa passion vivante malgré tout et qui nous montre à quel point c'est dur mais possible de continuer à avancer quand le corps fait mal et que personne ne vous croit. Je vous souhaite une belle écoute.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je m'appelle Clémence. J'étais le professeur de chant de Marie. Je suis toujours professeure de chant et chanteuse, surtout depuis très très très très très longtemps.

  • Speaker #0

    Tu as commencé du coup en chanteuse d'opéra, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai tout de suite commencé à prendre des cours de lyrique. Donc j'ai commencé à prendre des cours de chant, j'avais 17 ans et j'avais une voix hyper facile, je chantais tout. J'étais un peu le petit singe savant de mes profs parce qu'ils me donnaient n'importe quoi et je chantais quoi, ça sortait tout seul. Jusqu'au jour où ça sortait plus, où tout d'un coup j'ai commencé à avoir des douleurs, à ne pas comprendre pourquoi. Et puis toujours du même côté.

  • Speaker #0

    Que quand tu chantais ou tu avais mal aussi en dehors ?

  • Speaker #1

    J'avais mal en parlant, en chantant et en utilisant ma voix.

  • Speaker #0

    À la déglutition, la mastication, tout ça ?

  • Speaker #1

    Au début, non. Et donc il n'y a pas très longtemps, ça fait trois ans que j'ai été opérée. Enfin, ce qu'on appelle un syndrome d'Eagle, comme l'aigle. Et Eagle, c'est un médecin qui a découvert ce syndrome, un médecin américain. Et c'est un syndrome qui est extrêmement méconnu. C'est très rare. aucun médecin que j'ai rencontré dans ma vie ne connaissait ce syndrome et donc ne pouvait évidemment découvrir que j'avais ça.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a commencé à quel âge ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a commencé vers 21 ans. Ok.

  • Speaker #0

    Donc, peu de temps finalement après que tu aies commencé.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà ta carrière à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, j'avais déjà des rôles, des messes, des petites choses, mais j'avais commencé.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu continues à travailler malgré les douleurs ?

  • Speaker #1

    Je continue à travailler malgré les douleurs parce qu'en tant que chanteur lyrique, on ne dit jamais qu'on a mal, jamais. C'est une sorte de silence sur tout ce qui est problèmes vocaux. On ne peut pas en parler parce que d'abord, ta carrière, tu as un risque de... de ne plus avoir la confiance des autres. C'est un drôle de monde quand même.

  • Speaker #0

    Du coup, personne n'était au courant de ce que tu vivais ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Tu en parlais quand même à ton entourage ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en parlais à ma prof de l'époque, qui ne comprenait pas. Elle me disait, mais non, mais ça m'a... Tout va bien. C'est dans ta tête. C'était toujours dans ma tête. Et en fait, il y a eu un clash avec elle parce que j'étais dans une troupe et je chantais le rôle de Suzanne dans les notes de Figaro. On répétait, c'est un rôle qui est très lourd, qui était trop lourd de toute façon pour moi, qui étais jeune chanteuse quand même. Mais bon, elle voulait absolument que je le fasse. En répétition, ça n'allait pas du tout. Je n'y arrivais pas. J'avais mal et les aigus ne sortaient plus. Je pense que ce n'était pas que la douleur, c'était aussi technique. Je n'avais pas encore la technique pour chanter ce truc-là. Mais elle ne voulait pas l'entendre. En fait, je n'avais pas le droit. Je n'avais pas le droit. Je n'avais pas mon mot à dire. Et un jour, je l'ai appelée, je lui ai dit, je ne peux pas le faire. Et ça a été terrible parce qu'elle m'a rejetée complètement. Elle m'a balayée de sa vie. Ça a été vraiment violent pour moi. J'avais fait un transfert sur elle. C'était une prof que j'aimais beaucoup. Elle était un peu comme une deuxième mère. Et là... Elle n'a même pas cherché à comprendre. Je ne l'ai plus jamais revue.

  • Speaker #0

    À partir du moment où tu lui as dit que tu ne ferais pas le rôle ?

  • Speaker #1

    Que je ne ferais pas le rôle parce que j'avais mal, parce que je n'y arrivais pas. Pour elle, ce n'était pas entendable. Donc, ça a été vraiment pour moi un choc. J'allais voir des médecins à l'époque. Je leur disais, j'ai mal, j'ai mal. Non, ils regardaient les cordes vocales. Voilà, il y avait tout. Mais on ne voit rien. Il n'y a rien. C'est dans votre tête. Il n'y a rien.

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais, toi, à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Alors, j'étais rassurée. Je me disais, les cordes vocales n'ont rien. Pour un chanteur, les cordes vocales, c'est un peu le... On met ça dans un écrin. Mais j'avais mal. Donc, je voulais savoir pourquoi j'avais mal. Mais je suis allée voir une orthophoniste géniale, franchement, super. Elle m'a beaucoup aidée à chanter avec la douleur. C'est-à-dire, bon, la douleur était là, mais la voix sortait mieux. Et puis, psychologiquement aussi, elle m'a beaucoup aidée à... À moins angoisser, à moins avoir peur de chanter.

  • Speaker #0

    Parce que tu finissais par avoir peur de chanter parce que tu savais que tu allais avoir mal ?

  • Speaker #1

    Oui. Ah oui, j'avais mal. De toute façon, je chantais, j'avais mal. Mais je vivais avec.

  • Speaker #0

    Et à aucun moment tu n'as envisagé de changer de carrière à cause de ces douleurs-là ?

  • Speaker #1

    Mouf ! Mille fois. Ah oui ? D'ailleurs, je ne sais pas, plusieurs fois dans ma vie, j'ai dit je ne veux plus chanter une note. J'arrête tout et je fais autre chose.

  • Speaker #0

    Parce que l'humeur était trop forte du coup ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme toujours... buté contre un mur. L'impression qu'il y avait un mur devant moi et qu'il n'y avait aucune solution.

  • Speaker #0

    Et du coup, après cette orthophoniste-là, tu étais toujours limitée dans ce que tu pouvais faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, ça allait encore parce que, pour parler du syndrome d'Hegel, pour expliquer un petit peu, je pense que c'était suite à une opération très musclée de deux dents de sagesse à droite. je suis ressortie de là vraiment cabossée pendant longtemps ça a mis deux semaines à dégonfler j'avais une tête d'éléphant man pour le pauvre j'aime beaucoup l'éléphant man donc le syndrome d'Hegel c'est pour pas dire de bêtises je vais relire mes petites notes Eagle décrit en 1937 des douleurs dues à une élongation de l'apophyse styloïde. Dix ans plus tard, il rapporte 254 cas, donc 44 ont été opérés en 1937. Donc c'était quand même en 1937. Depuis, la douleur est typiquement sourde et unilatérale. D'accord. Elle est localisée dans l'oropharynx et peut irradier vers l'oreille. C'est exactement ça. Je me demandais toujours si je n'avais pas une otite, d'ailleurs. Elle augmente en avalant. Oui, donc, cette apophyse styloïde, ça se fait en une seule fois. Ça devient un cartilage qui saucifie, en fait. D'accord. Et qui pousse. augmente, ça fait comme une arête en fait. D'accord. Ça ressemble d'ailleurs à une grosse arête de poisson. Ok. Et ça part donc de l'oreille et ça se dirige vers le larynx. D'accord. Au début, ça devait être petit, donc j'arrivais encore à gérer, j'avais la bascule du larynx pour les aigus se faisait encore. Mais il y avait cette douleur, puisque ce truc-là me poussait littéralement dans les tissus. Je ne sais pas si c'est clair ce que j'ai dit. Si, si.

  • Speaker #0

    Et du coup, ça a augmenté au fur et à mesure, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a augmenté au fur et à mesure. D'ailleurs, j'ai continué à chanter. C'est hallucinant d'ailleurs. Après avoir vu Madame Gache, qui m'a vraiment remise sur pied psychologiquement et vocalement. Parce que la confiance, quand on perd confiance en la voix... On ne chante plus, on ne chante plus avec plaisir. C'est hyper important d'y croire. Et j'ai passé une audition pour aller à la Juilliard School à New York, qui est l'une des plus grandes écoles de musique du monde. C'est un endroit, c'est le Graal de tous les apprentis musiciens. Et j'ai été prise. D'accord.

  • Speaker #0

    Malgré ça,

  • Speaker #1

    en fait. Malgré ça. Ah oui, oui. Après, ça a été un peu l'enfer pour moi là-bas. Je ne me sentais pas du tout à ma place. De toute façon, le monde de l'opéra n'a jamais été un monde où je me suis sentie à ma place et bien. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé. En tout cas, j'ai été prise. J'ai fait deux ans là-bas. Je suis revenue, j'ai fait partie d'une compagnie d'opéra contemporain, Jeunes Publics.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Donc, voilà, je chantais, mais j'avais cette douleur persistante qui me pourrissait la vie. À un tel point qu'à un moment, j'ai arrêté de chanter du lyrique et j'ai fait de la comédie musicale, du jazz. Ou au moins... Oui, ça demande quand même moins de technique. Excusez-moi. Non, mais c'est vrai. C'est moins exigeant. C'est moins exigeant, oui. C'est qu'on peut vraiment se lâcher, enfin se lâcher dans le sens où musicalement, on n'est pas forcé de suivre la partition. Et puis, on va moins dans les aigus. C'était quand même plus facile pour moi. Mais la douleur était toujours là.

  • Speaker #0

    Comment tu gérais ? Est-ce que tu prenais des antalgiques ? Tu prenais des choses ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, je n'ai jamais pris d'antalgique. Je souffrais. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et là, tu continuais à consulter pendant ce temps ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, je consultais. Je suis allée voir des orthophonistes, je suis allée voir des... des rééducations, même si ma voix allait bien, mais bon. Parce qu'évidemment, la douleur fait qu'on se tend, il y a une tension qui se crée physiquement, j'ai mes muscles, ma gorge se serrait, il y avait des... La douleur n'était pas que à cause de ce truc-là. C'était aussi parce que ça créait des tensions. J'ai fait de la ostéovox. Ostéovox, oui. C'est de l'ostéopathie pour la voix. D'accord. Qui consiste à essayer de détendre, de manipuler vraiment le larynx. Ok. Et même là, pourtant à la palpation, ça peut se sentir.

  • Speaker #0

    Mais les médecins n'arrivaient pas à le sentir ?

  • Speaker #1

    Non. En tout cas, à la fin, ça se sentait très bien, la palpation.

  • Speaker #0

    Mais ça, du coup, au bout de 20 ans d'errance médicale.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, oui. Et puis un jour, je suis allée voir ce médecin. Ah oui, là, c'était la cerise sur le gâteau. Je vais chez un très grand professeur. C'était pendant le Covid. Et donc, je trouve de la place, c'était un miracle que je trouve de la place chez ce très grand médecin qui soignait toutes les chanteuses de l'Opéra de Paris. Et je me dis, ouais, ça y est, enfin, enfin. Et je vais chez lui. Grand bureau, hyper chic, au sculpte. Il regarde les cordes vocales, on tire la langue, comme ça, et puis... Et il voit si les cordes vocales sont blanches, si elles s'accolent bien. Voilà, c'est tout un... Et puis, les miennes, évidemment, c'était... Évidemment, comme toujours, très bien. Il n'y avait pas... On ne voyait rien. Donc, je ressors avec une ordonnance d'une crème et de bromure. Le bromure, je pense que c'était pour me calmer. Il fallait que je me calme. Parce que tout ça, j'imaginais la douleur. Il t'a dit ?

  • Speaker #0

    Il t'a dit la préception.

  • Speaker #1

    Il ne l'a pas dit.

  • Speaker #0

    Il ne t'a pas expliqué ?

  • Speaker #1

    Non. Il ne m'a rien expliqué. Non, non. J'avais l'impression qu'il voulait se débarrasser de moi. Il m'a juste dit, la crème, vous la mettez matin et soir, vous appliquez, vous massez la zone qui fait mal, la zone du cou, c'est donc dans le cou, au niveau du larynx. Et je vais à la pharmacie. Je montre mon ordonnance. Elle me donne le bromure. Et puis après, elle me dit, mais attendez, la crème n'existe plus depuis les années 70. Je dis, ah bon ? Vous êtes sûre ? Parce que c'est le médecin en haut de chez vous, là, qui me l'a prescrit. Ah non, non, je suis très étonnée qu'il vous ait prescrit ça, parce que ça n'existe plus. Bon.

  • Speaker #0

    Et le bromure, du coup, toi, tu savais à quoi ça servait ?

  • Speaker #1

    Alors, le bromure... Il me semble, moi j'ai toujours entendu dire que c'est ce qu'on donnait avant, il y a longtemps, aux soldats pour les calmer sexuellement. Oui, parce que les pauvres, pendant un an, c'était dur. Donc, ils prenaient du bromure, on leur donnait du bromure.

  • Speaker #0

    Mais donc, on a du mal à voir le lien avec ce qu'ils t'avaient amené chez ce médecin.

  • Speaker #1

    Alors, je me suis dit, bon, alors, OK, bromure, peut-être c'est pour que ça me calme un peu, pour me détendre, je ne sais pas. D'ailleurs, il m'a donné le bromure et cette crème était censée aussi détendre la zone où j'avais mal.

  • Speaker #0

    Donc, toi, tu y croyais quand même un petit peu, même en sortant ?

  • Speaker #1

    Non, j'y croyais pas trop. J'ai acheté les médicaments en me disant bon, allez. J'ai pris le bromure le lendemain matin. J'étais zombie toute la journée. Des pauvres soldats. Je sais pas comment ils pouvaient aller se battre dans cet état. Mais vraiment zombie, l'horreur je suis, mais c'est horrible ce truc. Et donc je l'ai pris une seule fois, le lendemain. Heureusement que quand même, je ne suis pas non plus...

  • Speaker #0

    Et comment tu te sentais du coup ? Est-ce que tu avais eu beaucoup d'espoir, j'imagine, en voir ce médecin ?

  • Speaker #1

    Très déçue. Ah ouais ? Très déçue et puis toujours à me dire qu'il n'y a pas de solution. Mais je me disais, c'est certainement moi aussi qui imagine.

  • Speaker #0

    Donc toi, tu finissais par croire le fait que ça soit dans ta tête ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, complètement. Même si je sentais la douleur. Après ça, je crois que je suis encore allée voir une orthophoniste. Ah oui, il m'a prescrit des séances de rééducation quand même. D'accord.

  • Speaker #0

    Que t'as faite du coup ?

  • Speaker #1

    Que j'ai faite.

  • Speaker #0

    Mais ça n'a rien changé ?

  • Speaker #1

    Non. Ça m'a aidée à me détendre quand même. Parce que, je l'ai dit plus tôt, je pense... Mais la douleur, ça crée des tensions. On a mal à l'épaule, on est tendu. On a mal... Le corps, il réagit par la défensive. Donc effectivement, ça m'aidait, les séances d'orthophonie. Ça m'aidait aussi d'être écoutée, parce que souvent les orthophonistes sont quand même des personnes qui écoutent, qui sont bienveillants.

  • Speaker #0

    Tu te sens plus entendue par les orthophonistes que par les médecins.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais bon, pareil, elle ne comprenait pas d'où venait cette douleur. Et c'est un jour, alors peut-être un an et demi après ça, j'ai trouvé sur Doctolib un rendez-vous chez une phoniatre que je ne connaissais pas à Paris. Parce que des phoniatres, il y en a très peu. Et je crois que c'est même voué à disparaître, la phoniatrie, cette spécialité. Il me semble, je dis peut-être des bêtises, mais... Et donc, je vois un rendez-vous de livre chez une phoniatre qui avait l'air sympa, une bonne tête, sur Doctolib, et qui avait des bonnes notes. Et donc, je me rends à ce rendez-vous, et là, je tombe sur une femme, une jeune femme, jeune médecin, sympa comme tout, vraiment... Et puis, je lui parle de mon problème. Elle regarde les cordes vocales. Tout va bien. Et je lui dis, mais vous savez, tout va toujours bien. On m'auscule, ça va. Et puis, j'ai toujours mal. Et elle me demande d'expliquer plus, vraiment en détail, mes sensations. Vraiment en détail. Donc, je lui dis, voilà, quand je déglutis, j'ai mal. Il y a un claquement. Il y a un claquement. C'est comme si j'avais un corps étranger dans la gorge. J'ai mal au cervical, parce qu'il y avait aussi ça, c'est que ça atteint aussi... toute la zone des cervicales. Je me réveillais tous les matins avec des maux de tête à me taper la tête contre les murs. Je suis allée aux urgences plusieurs fois, tellement la douleur était importante.

  • Speaker #0

    Qui était causée par le centre d'antiguel,

  • Speaker #1

    du coup ? Oui, parce que je ne l'ai plus... Alors, c'était aussi les tensions que ça causait, cette douleur, qui faisait que j'ai eu le nerf d'Arnold aussi pincé.

  • Speaker #0

    Donc, une névragie d'Arnold ? Oui.

  • Speaker #1

    qui est toujours parfois là, mais tellement espacée aujourd'hui. Avant, c'était tous les matins. À la fin, je prenais des médicaments tous les jours. Et c'est pour ça que j'ai appelé le médecin. Je me suis dit, ça ne peut pas continuer comme ça, à prendre du Doliprane ou de la Spigic tous les jours. Donc je lui explique ça, que j'avais les maux de tête, le claquement, mal à l'oreille. J'avais l'impression que j'avais mal aux dents. Trois mois avant, un dentiste m'a retiré une dent, m'a carrément arraché une dent en pensant que c'était ça. Enfin bon, voilà, donc j'ai eu tant de moins pour rien. Et c'était pas ça. Et donc elle m'écoute, et c'est marrant, elle me dit... Est-ce que ça vous pourrit la vie ? Je dis oui, ça me pourrit la vie. Ok. Eh bien, on va aller chercher en profondeur ce que vous avez. Et elle me dit, je pense à... Voilà, j'ai étudié un syndrome très rare, mais pourquoi pas, ça me fait penser à ça, ce que vous avez. Donc, on va aller chercher de ce côté-là. Et ça demande en fait un scanner très précis, des vues d'un certain angle, enfin... D'accord. Si j'ai... d'après ce que j'ai compris. Donc elle me fait une ordonnance pour ce scanner. Et voilà, c'était ça, c'était ce syndrome. Elle a tout de suite trouvé le truc.

  • Speaker #0

    Comment tu t'es sentie du coup quand elle t'a annoncé ?

  • Speaker #1

    Je me suis dit, mais je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. La douleur, elle est causée par un truc qui existe et pas par mon imagination. Ah ouais, c'était...

  • Speaker #0

    Un soulagement, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ouais. Un soulagement, ouais. Enfin, j'ai été entendue par quelqu'un qui a pris ça au sérieux, qui m'a prise au sérieux.

  • Speaker #0

    Au bout de 20 ans.

  • Speaker #1

    Au bout de 20 ans, ouais. Ah ouais, ouais. Surtout que c'était devenu insupportable. Les douleurs, les céphalées et tout ça, c'était très, très dur. Et puis, je ne chantais plus.

  • Speaker #0

    Tu ne pouvais plus du tout chanter à la fin.

  • Speaker #1

    Si, si, je l'exagère. Parce que je chantais, mais alors c'était dur. C'était dur, les aigus, c'était à l'arrache. Parce que la bascule du larynx ne se faisait plus correctement. Il y avait ce corps étranger qui bloquait les choses. Et puis les douleurs, enfin tout le...

  • Speaker #0

    Du coup, tu faisais uniquement des cours de chant à cet épargne ?

  • Speaker #1

    Non, non, je chantais. Je chantais avec la douleur. Et pas de plaisir ? Il y avait le plaisir musical qui était là, bien toujours ça, la musique. Mais le plaisir physique de chanter, l'abandon, le lâcher prise, tout ça, je ne l'avais pas du tout. Je souffrais. Il y avait le plaisir musical et la souffrance physique. Et donc, elle ne savait pas opérer ça. Il y avait deux médecins à l'époque, je crois, en tout cas sur Paris, qui connaissaient ce syndrome, qui savaient l'opérer. Donc, elle m'a conseillé d'aller voir un des médecins, qui était à Vincennes, super médecin ORL, qui, lui, savait opérer ça. Que j'étais allée voir, d'ailleurs. Très sympa, mais bon, il n'avait pas diagnostiqué ce syndrome.

  • Speaker #0

    Il n'avait pas réussi à voir que tu souffrais de ce syndrome à l'époque où tu l'avais consulté ?

  • Speaker #1

    S'il avait quand même vu que je souffrais, mais il n'a pas pensé à ça. Lui, il est ORL, il n'est pas fauniatre. la différence, je ne sais pas exactement ce que c'est, mais bon voilà, il sonne les oreilles, mais il n'y a pas pensé, et d'ailleurs il me l'a dit, il m'a dit écoutez, je suis, voilà, j'aurais jamais imaginé que c'était ça on a pris rendez-vous pour une opération à Rothschild et ce que j'ai adoré, c'est que Au moment, juste avant qu'on m'endorme, j'étais sur la table d'opération. Arrive le docteur Mailly qui me dit écoutez je suis venue parce que j'avais très envie d'assister à cette opération. Je trouve que c'est vraiment passionnant. Voilà si vous êtes d'accord et tout ça. Je lui dis bah oui bien sûr. Et j'avais des infirmières. Comme elles savaient que j'étais chanteuse, elles m'ont mis de l'opéra. C'était vraiment chouette. C'est un beau...

  • Speaker #0

    Un très bon moment et tu n'étais pas particulièrement stressée avant cette intervention.

  • Speaker #1

    Euh, non, parce que j'étais vraiment rassurée. Je pouvais être stressée parce que c'est un... Je veux dire, la gorge, il y a quand même pas mal de choses qui passent. Il y a le nerf facial, déjà. Je me suis dit, pourvu que je ne me réveille pas avec la moitié du visage avachi. Mais bon, j'avais confiance. Ok. Ouais, ouais, j'avais confiance.

  • Speaker #0

    Donc, tu devais t'hospitaliser pour être opérée ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai été hospitalisée trois jours. Ok. Oui, parce que c'est quand même une sacrée opération. Je veux dire, sur trois plans. D'accord. Ils vont chercher très loin le truc. L'arête, j'appelle ça l'arête. Voilà, donc j'ai été opérée, ça s'est très bien passé. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Ouais. Parce que c'est un endroit de la gorge où ça fait mal.

  • Speaker #0

    Comment ça s'est passé du coup l'après-intervention ?

  • Speaker #1

    Ce qui était dur, c'est que j'avais un drain qui sortait du côté de ma gorge, avec du liquide dedans, c'était vraiment dégueu. J'étais toute gonflée. Je me suis dit, j'avais plus de voix du tout.

  • Speaker #0

    Même pour parler, du coup ?

  • Speaker #1

    Non, il n'y avait plus de voix. La voix a mis du temps à revenir.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a fait peur, ça ?

  • Speaker #1

    Non, il m'avait prévenu.

  • Speaker #0

    Ok, il t'avait prévenu.

  • Speaker #1

    Oui, il m'avait prévenu. Mais bon, tout de suite, comme je m'ennuyais un peu à l'hôpital, mon drain, je ne pouvais pas trop bouger, j'ai fait un blog. dans mon site de professeur de chant. J'avais envie d'en parler. J'ai fait un blog que j'ai appelé Syndrome d'Igle, où j'ai raconté vraiment en détail tout, l'opération, l'errance, un peu ce que je raconte là. Ça m'a permis aussi d'évacuer, de sortir enfin de ce que j'avais à dire là-dessus. J'étais vraiment pleine de... J'avais mal. J'avais mal. Quand je me suis réveillée, j'avais très mal. On m'a mise sous tramadol. J'ai eu des antidouleurs pendant un bon moment.

  • Speaker #0

    Ça te soulageait, les antidouleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, ça me soulageait.

  • Speaker #0

    Et tu les supportais bien ?

  • Speaker #1

    Oh ben ouais ! Tramadol, c'est très agréable. J'ai de la pluie pour le tramadol. Non, non, dis ça, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas le cas de tout le monde. Il y a des personnes qui peuvent être très malades avec le tramadol. Il y en a qui ne peuvent pas du tout les prendre.

  • Speaker #1

    Ah, c'est vrai ?

  • Speaker #0

    Qui vomissent. Donc, c'est vrai que c'est bien quand on les supporte.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Même s'il y a des gros risques d'addiction. Attention à ce que je dis.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que d'avoir quand même des antalgiques qui nous soulagent, ça change beaucoup de choses.

  • Speaker #1

    Ah oui. Non, non, évidemment, oui. Je ne fais pas la pub pour le tramadol parce qu'il faut en prendre les prix peut-être trois fois. ouais donc on a On va dire qu'au bout de trois mois, j'avais récupéré un aspect normal. Ok.

  • Speaker #0

    Ça a mis trois mois à dégonfler ?

  • Speaker #1

    Oui, un aspect normal dans le sens où la cicatrice était très rouge. J'ai fait même des séances de kiné, de palpation de la cicatrice. C'est vachement bien d'ailleurs. Je préconise une grosse cicatrice pour qu'il n'y ait pas d'adhérence. Une sorte de petite machine, c'est assez marrant, qui respire la peau. par intermittence, comme un... Comment on appelle ça ?

  • Speaker #0

    Une ventouse.

  • Speaker #1

    Une ventouse, voilà. Qui se promène sur la cicatrice pour éviter les adhérences. Parce que ça, c'est... Ça fait mal, les adhérences. Donc, j'ai fait ça. J'ai vraiment pris soin de moi après cette opération. Et de toute cette zone, j'avais toujours mal. En fait, la douleur... Elle ne disparaît pas quand tu as eu mal pendant 20 ans. Même quand la cause est partie, la douleur est là. Et elle a mis du temps à disparaître. Ok. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, est-ce que ça t'a inquiété du coup d'avoir encore mal après la préparation ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a inquiétée. Alors il faut dire que, oui, j'ai oublié de dire que le docteur, le lendemain, il m'a donné un petit flacon avec... mon styloïde là d'accord dedans c'était impressionnant ça faisait deux centimètres plus que ça deux trois centimètres et c'était très épais comme une grosse arête de poisson d'accord et donc t'avais ça dans la gorge pendant des années oui oui je vous le donne ça vous fera un souvenir je l'ai toujours Je me ferais enterrer avec. J'ai mis du temps à récupérer, à lâcher les tensions. C'était en fait les tensions liées à la douleur, la peur, la peur de chanter. Il y a eu tout un...

  • Speaker #0

    Une rééducation à ce niveau-là. Comme si mon corps s'accrochait finalement à cette douleur. Je ne la laissais pas partir. Tu vois ce que je veux dire ? Et d'ailleurs, j'ai consulté, même après, je suis retournée voir le docteur qui m'a rassurée. Il m'a dit, là, je vous assure qu'il n'y a plus de raison que vous ayez mal. Elle me disait, ça partira. Ça partira avec le temps. Essayez de ne pas y penser. Je lui ai dit, oui, mais... pas y penser. C'est difficile de ne pas y penser. Oui. La douleur, j'ai eu pendant au moins un an après.

  • Speaker #1

    D'accord. C'est long.

  • Speaker #0

    Mais avec la confiance qu'il n'y avait plus la cause de la douleur. Finalement, la douleur, je l'acceptais mieux en me disant, bon, elle est là, elle partira quand elle partira. Il n'y a plus de cause.

  • Speaker #1

    Oui, ça ne t'a pas mis le doute sur le fait qu'il y ait autre chose.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Tu arrivais à être sereine sur le fait que ça partirait.

  • Speaker #0

    Oui, et je me suis dit, elle doit être là parce que les tensions sont là. Donc, j'ai beaucoup travaillé seule, avec les connaissances que j'ai acquises en tant que professeure de chant et dans mes formations, puisque je me suis énormément formée aux techniques vocales et aussi à l'ostéovox, enfin, pas à l'ostéovox, mais tout ce qui est thérapie manuelle. Donc, je faisais des automassages, voilà, de les voir aussi. mon ostéopathe qui me... extraordinaire, c'était un horloger du larynx, il allait justement jouer, travailler sur les tensions musculaires, donc ça aidait beaucoup. Mais il y avait toujours l'appréhension de chanter, l'appréhension de me faire mal en chantant. Et c'est mon médecin traitant, un jour je vais la voir, je lui dis écoutez, je ne comprends pas, j'ai toujours mal, j'en ai marre et tout ça. Voilà, elle regarde la cicatrice, elle me dit, votre cicatrice, il n'y a pas d'adhérence. Parce que les adhérences peuvent faire mal. Et là, elle me dit, mais vous savez, parfois la douleur, quand on l'oublie, elle disparaît. Il y a aussi, quand il n'y a pas de, comment dire, de lésion, que la douleur est là. Parce que d'une certaine façon, le cerveau l'entretient, la douleur. Elle est là quelque part. C'est-à-dire que plus on y pense, plus on a mal. souvent Plus on pense à, je sais pas, et ça j'en suis persuadée, plus on pense à une douleur, plus elle fait mal. Et je lui ai fait confiance et je lui ai dit ok. Je me suis dit je n'y pense pas, j'arrête d'y penser.

  • Speaker #1

    T'as réussi à faire ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, j'ai réussi à faire ça. Elle me disait c'est pas grave, ok elle est pas là. J'oublie que j'ai mal. Et effectivement elle avait raison. La douleur est partie.

  • Speaker #1

    Peut-être parce que tu te crispais du coup dans l'appréhension et que c'est ça qui causait des douleurs ? Oui,

  • Speaker #0

    je pense qu'il y avait ça. Peut-être que je créais cette douleur par l'appréhension, tu vois ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    Parce qu'après, c'est vrai qu'on dit souvent que quand il y a des douleurs pendant très longtemps, il y a des modifications du système nerveux périphérique et central. Et du coup, il peut y avoir de la douleur sans qu'il y ait une lésion. une agression du corps, mais en fait des messages douloureux qui viennent du système nerveux. Oui,

  • Speaker #0

    c'est exactement ça. C'est ce qu'elle m'a expliqué.

  • Speaker #1

    Ah, elle t'a expliqué ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et elle m'a dit le seul, finalement, le moyen le plus efficace, ce serait de ne pas y penser.

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est vrai que ça, c'est bien que ça ait marché pour toi,

  • Speaker #0

    mais ça ne fonctionne pas pour tout le monde. C'est évident de ne pas penser à une douleur.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est des douleurs nociplastiques. Je ne sais pas si c'est ce que tu as eu, mais en tout cas, il y a une catégorie de douleurs, les douleurs nociplastiques. Il me semble que c'est ça le nom. Quand il y a une douleur pendant très longtemps et que le système nerveux, du coup, s'est modifié et continue à envoyer des signaux douloureux, des fois juste pour un toucher ou ça s'appelle de l'allodinie, mais des choses qui ne sont pas censées être douloureuses qu'envoient des signaux douloureux. Et c'est vrai que pour certaines personnes, ça ne disparaît pas. Même que le cerveau n'a pas forcément... qu'on ne peut pas, par le contrôle de la pensée, faire disparaître ces signaux.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a peut-être... J'imagine... Bon, moi, je n'ai jamais fait de sophrologie. On m'a souvent conseillé d'en faire. Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis jamais allée voir de sophrologue. Mais il paraît que la sophrologie est assez efficace dans ces cas-là. C'est-à-dire quand... quand... OK, on a trouvé la thérapie adéquate à une maladie, et pourtant, on souffre toujours. Il y a quand même des... Pendant 20 ans, tu souffres, et puis tout d'un coup, OK, on a trouvé le remède, mais t'as souffert 20 ans, quoi. Tu vois, donc... Ça fait presque partie de ton... Tu vois, de toi, finalement. Cette souffrance fait partie de ta personnalité.

  • Speaker #1

    Oui, toi, c'était l'impression que tu avais par rapport à ta douleur.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ah oui. Même si je ne le disais pas. Je disais à mon mari, lui il me disait mais je ne comprends pas pourquoi tu as mal, enfin il ne comprenait pas, mais il avait raison, il entendait que j'avais mal, mais il disait peut-être qu'il faudrait que tu arrêtes de chanter. Et là, c'est incroyable parce que c'est, donc ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Que tu as été opérée, du coup ?

  • Speaker #0

    Que j'ai été opérée, oui. J'ai toujours des sensations un peu désagréables au-dessus de la cicatrice. On m'a coupé plein de nerfs et tout ça. La peau, elle n'a pas retrouvé sa sensation. Mais en tout cas, ce qui est fou, c'est que... Alors, j'ai 58 ans, donc on ne récupère pas à 58 ans comme on récupère à 25. Il faut du temps, les muscles, les tissus ne sont pas aussi élastiques. que quand j'étais jeune. Mais en tout cas, je retrouve une voix de jeune femme, quoi. C'est fou. Les aigus et tout, c'est dingue.

  • Speaker #1

    Tu pensais ne pas les retrouver ?

  • Speaker #0

    Ouais. Ah ouais, ouais. En fait, j'avais oublié la sensation de ce que c'était quand la voix est libre et sort toute seule. J'avais oublié ça. Et ça, c'est extraordinaire. Alors, c'est pas comme ça tout le temps, mais de plus en plus.

  • Speaker #1

    Et ça s'est amélioré au bout de combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça s'est amélioré au bout de combien de temps ? J'ai beaucoup travaillé sur la détente, puisque ça avait créé beaucoup de tensions, cette histoire, sur la détente de la gorge, la détente physique aussi, en chantant. C'est hyper intéressant, en fait. Finalement, je remercie cette maladie, parce que je... Ça me passionne. Je pense que je n'aurais pas été aussi loin dans la curiosité. Tout ce que j'ai appris toutes ces dernières années est toujours... Je suis passionnée. Il n'y a pas un jour où je ne regarde pas des trucs sur Internet, sur la voix, où je n'essaye pas des nouveaux trucs. J'essaye toujours sur moi avant de les proposer à mes élèves. C'est assez marrant. Puis je fais des... Des petites vidéos où je me filme en train de faire des trucs complètement dingues. Justement pour détendre. Parce que chanter, il faut être dans une détente totale et dans un engagement physique global. Plus on est détendu, mieux c'est. Mais il ne faut pas être une loque. Il faut être engagé en même temps. Donc voilà. Là, je parle de la voix parce que c'est ma passion.

  • Speaker #1

    Mais tu ne serais pas autant renseignée, tu n'aurais pas poussé autant tes recherches si tu n'avais pas été concernée par... Par le syndrome d'Hegel, selon toi.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui.

  • Speaker #1

    C'est vraiment ça qui a été un moteur ?

  • Speaker #0

    Oui, ça a été un moteur. Oui, parce que souffrant moi-même, d'abord, je ne voulais pas que mes élèves souffrent. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je demande toujours, est-ce que ça va ? Oui, c'est vrai. Pendant les cours, il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de fatigue.

  • Speaker #1

    Parce qu'à un moment donné, tu pensais que c'était toi qui te provoquais ces douleurs-là, quoique il n'y avait pas. pas de cause physiologique, mais que c'était toi qui chantais de la mauvaise façon ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, pendant longtemps, j'ai cru ça. Alors je me demandais pourquoi c'était toujours du même côté que j'avais mal. Il y a un côté où je sens rien, et toujours le côté droit, c'est là où ça me faisait mal. Alors je me disais, je suis peut-être trop tendue du côté droit. Bon, le corps, c'est quand même un drôle de truc. Surtout toute la partie laryngée, c'est un bazar total. de muscles, de cartilage, de tendons. C'est toute une mécanique, c'est passionnant. Et savoir ce qui se passe là-dedans, quand on chante, on ne le sait toujours pas d'ailleurs, vraiment. On n'a pas encore... on ne sait pas tout sur la voix. Mais ce qu'on sait, en tout cas moi ce que je sais, c'est que le mental joue énormément. Et je pense que le mental joue énormément sur le corps. que la peur, on a peur de plonger. Tu es sur un plongeoir et au dernier moment, tu fais « Ah non, là tu fais le plat ! » La voix, c'est pareil. Tu as peur de faire un aigu, tu vas faire un couac terrible, tu vas serrer. Tu as peur de te faire mal, tu as peur… Oui, le mental, c'est un truc, c'est quand même puissant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as l'impression que ce que tu as traversé avec le syndrome d'Eagle, ça a changé ? Des choses dans ta façon de te percevoir ou de percevoir la vie ?

  • Speaker #0

    Déjà, oui. Finalement, je pense que toute maladie peut faire grandir. Tu te poses des questions. D'abord, pourquoi ? Pourquoi tu es malade ? Pourquoi on est malade ? C'est une grande question. Il y a tellement de réponses possibles. aucune réponse, tout simplement. Mais en tout cas, je pense que c'est comme l'aveugle, il va développer l'ouïe. Chaque maladie, j'imagine, peut te permettre de développer autre chose pour compenser finalement ton handicap. Si tu as le mental qui fonctionne, évidemment. Mais moi, j'aurais envie que tout le monde arrive justement à dépasser Voilà, comme toi qui crée ce podcast. Moi, je trouve ça génial parce qu'il y a énormément de possibilités autres que ce que nous empêche de faire notre maladie.

  • Speaker #1

    Oui, de ne pas se réduire à ça.

  • Speaker #0

    Ah ouais, et moi, je me suis formée, je me suis passionnée pendant des années. Je n'arrivais pas à chanter, je souffrais et tout ça, mais c'était extraordinaire de découvrir la mécanique du chant. C'est incroyable. Donc ça m'a fait vraiment grandir à ce niveau-là. En plus, moi, j'étais tellement pas faite pour les études quand j'avais 18 ans. L'horreur ! Ah non, j'ai même pas mon bac. J'ai pas mon bac et j'ai réussi quand même à obtenir un bac plus 4. Mais en tout cas, ça m'a permis de découvrir que je pouvais être faite pour les études aussi. C'est pas mal. Et puis j'ai vraiment pris confiance en moi. C'est vrai ? Ah ouais. Le fait de me dire... D'abord, de me former en tant que prof. Oui, parce qu'il y avait une chose. Je donnais des cours au début. J'ai commencé à donner des cours. Je ne savais pas trop, finalement, comment ça fonctionnait, cette histoire-là. Donc, je faisais faire des vocalises. On m'avait appris à faire comme ça. Je transmettais ce que j'avais appris, moi. C'est-à-dire, pas grand-chose, finalement. Mes profs... Excusez-moi, mais à part me faire faire des vocalises et me faire chanter des airs, il ne m'expliquait rien. Donc, je transmettais comme j'avais appris. Et le fait de me former, j'ai vraiment pris un plaisir après à donner des cours et à avoir tout un tas d'outils. J'ai une boîte à outils aujourd'hui, c'est fou. malgré le fait que j'avais du mal à chanter. Enfin, je pense à... Tiens, j'ai eu une prof aux États-Unis qui était hémiplégique. Et alors, c'était une chanteuse d'opéra. Et elle aussi avait développé, grâce à sa maladie, une proprioception incroyable. Et aussi, elle faisait de la technique Alexander, donc une technique de prise de conscience du corps. Les anglo-saxons, ils sont très là-dedans. Technique Alexander, Feldenkrais. Nous, on a très peu ça en France. Nous, le corps, nous, tout ça, non, il ne faut pas y toucher. On est vraiment quand même... C'est très français, ça. Là-bas, en tout cas aux États-Unis et en Angleterre, on est très à l'affût de la proprioception, d'avoir une meilleure utilisation de notre corps. Et donc, cette prof... C'est quand même l'exemple de la personne qui, quand même, naît avec un sérieux handicap et qui devient chanteuse d'opéra, avec une super voix magnifique et très bonne prof. Peut-être c'est son handicap qui a fait ce qu'elle est aujourd'hui, parce qu'elle était, je ne sais pas si elle est toujours là, mais c'était un bel exemple aussi, on appelle ça... De résilience ? Résilience, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des ressources, toi, qui t'ont particulièrement aidée pendant les périodes difficiles ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui m'ont aidée.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des personnes de ton entourage, du coup ?

  • Speaker #0

    Oui, des personnes, bon, comme cette Madame Gache, qui m'a beaucoup aidée psychologiquement, mais aussi vocalement. Il y a donc cette prof, Irene Goodrunt, ça s'appelait, qui m'a aidée. Il y en a qui ne m'ont pas aidée, à la Juilliard, j'avais une... prof, oh là là, c'était la cata quand même. Très très grande prof. J'étais chez la meilleure, paraît-il, et alors elle m'a massacrée, elle n'a rien compris. Elle, pas du tout, elle écoute.

  • Speaker #1

    Parce que tu lui avais parlé de tes douleurs, du coup ?

  • Speaker #0

    Je lui avais parlé de mes douleurs, oui. Je suis ressortie d'un an avec elle, avec plus de voix du tout. Donc c'est pour ça que je suis allée voir après l'autre prof. Je prenais des cours particuliers, en plus de mes cours à la Juilliard. Et elle m'a beaucoup aidée. À l'époque, le styloïd devait être pas aussi long qu'aujourd'hui. J'avais 28 ans. Non, j'avais pas 28 ans, j'avais 27 ans. Donc il y a... Ça a encore traîné au moins 15 ans. 17 ans, je n'ai plus. Mais des ressources, ce qui m'aidait, j'ai énormément regardé de choses sur Internet, en essayant de comprendre. Je n'ai jamais trouvé sur Internet.

  • Speaker #1

    En fait, avant que cette médecin te parle du syndrome d'Higuel, tu n'en avais jamais entendu parler ?

  • Speaker #0

    Non, non, jamais.

  • Speaker #1

    Et comment était ton entourage pendant toutes ces années ? Est-ce que tu étais soutenue ? Est-ce que les gens comprenaient tes douleurs ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors, j'étais très proche de ma mère pendant longtemps, jusqu'à sa mort. On était très proches. Et ma mère et mon beau-père, mon père est mort il y a très longtemps, avaient une sorte de... Ils avaient tout misé sur moi. J'étais un peu la sauveuse de la fratrie. Parce que mes frères, ils sont un peu... Ils ont tous pris des directions. Ils ont pris leurs directions, mais qui ne correspondaient pas vraiment à ce qu'auraient imaginé mes parents. Et moi, chanteuse d'opéra, à la Juilliard, j'étais un peu la sauveuse. Et ils n'ont pas compris que je refuse des rôles, par exemple. Mais t'es prête et tout ça. Mais si, mais... En fait, tu ne te sens pas prête, mais tu l'es. Et en fait, je ne me sentais pas prête parce que j'avais mal. Et je me disais, mais si j'ai mal, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, je n'avais pas m'engager dans un truc, comme ce qui était arrivé avec le rôle de Suzanne, où j'ai arrêté. J'avais peur, en fait, d'accepter des rôles et de ne pas arriver au bout. De ne pas pouvoir aller. Et donc, ma mère, elle ne comprenait pas. Oui, c'était psychologique, finalement, mon histoire. Elle ne l'aura jamais su, en fait. Mais bon, voilà, elle ne pouvait pas imaginer non plus. Bon, et puis aussi, ça aurait pu être psychologique. J'ai eu une enfance un peu mouvementée. Pourquoi pas ? J'étais quand même la bonne candidate à avoir un mental un peu dérangé.

  • Speaker #1

    Et toi, tu as eu le doute à un moment donné que ça soit psychologique ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais le doute, oui. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que quand j'étais jeune et que je voulais être chanteuse opéra et que j'avais ce truc-là qui me pourrissait la vie déjà, ça m'a beaucoup fragilisée à une époque où j'ai fait une dépression.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je pense que ça participait. C'est-à-dire que La seule chose au monde qui me donnait du plaisir, c'était de chanter, et c'était en train de disparaître. C'était très dur pour moi, et j'avais plus cet échappatoire à un mal-être profond, puisque j'avais un mal-être profond, et c'était un peu ma médecine, la voix. donc me retrouver démunie, c'était très dur. Après j'ai fait une dépression, j'ai pris des médicaments, pas longtemps, mais je me suis soignée, je suis allée voir une psy. Voilà, Donc ça fait partie finalement d'un... plein d'étapes de vie comme ça qui font ce que je suis aujourd'hui. Et ça me plaît ce que je suis aujourd'hui. Là, j'ai grandi et je me dis que finalement, où qu'on en soit dans la vie, l'intérêt, c'est de grandir de toute façon, d'arriver d'un point A à un point B en te disant... J'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai réussi à faire ça. Yes. Et de ne pas s'arrêter sur, ah, je suis une personne malade. Bon, ok, je suis une personne malade, mais il faut trouver les ressources. Alors après, tout le monde n'a pas les ressources. Oui. Oui. Ça, j'en suis consciente. Tout le monde n'a pas les ressources. Tout le monde n'a pas le... Ou n'est pas aidé au bon moment. Ou n'a pas la chance de rencontrer là où... Enfin, voilà, de... Mais...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a permis de tenir, toi, pendant toutes ces années ? Est-ce que tu sais ce qui t'a permis de tenir ?

  • Speaker #0

    Ma joie de vivre. Ouais. Ouais. Ah oui, oui. Oui, oui, c'est ma joie de vivre. l'émerveillement que j'ai. J'ai toujours eu sur tout. Et puis mes enfants, ma famille, mes amis, mon entourage, la musique. Ah ouais, la musique. Mes élèves. Voilà, tout ce qui m'entourait, qui créait de la joie.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu aurais des... Des choses que tu pourrais transmettre ou que tu conseillerais à quelqu'un qui vivrait quelque chose de similaire à ce que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je pourrais conseiller ? Déjà, de ne pas perdre espoir. Premièrement, parce que je pense qu'il y a toujours une solution. Il y a toujours une solution, il faut la trouver. Enfin, il y a toujours une solution, je dis ça, mais quand tu as une maladie grave dégénérative et qu'on sait ce qui se passe au bout, évidemment, je sais que... Qu'est-ce que je pourrais ? Moi, je dirais de mettre son nez dehors, d'aller regarder les arbres pousser, d'aller à... Se coller à un arbre, l'embrasser, regarder une fleur, regarder une poule, regarder un animal. Essayer de voir ce qui nous entoure et de ne pas être trop à l'intérieur de soi, tu vois, d'avoir une... de s'ouvrir à autre chose, écouter de la musique, essayer de regarder des films. Il y a tellement de belles choses, quoi, sur cette terre. L'art, de se faire aider comme ça par la beauté du monde. Voyager, pourquoi pas, si on peut.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je suis très fière d'être la première. C'est ça, hein ? Oui. Je suis la première à faire ce podcast. Merci, Marie. De rien. J'espère que ça pourra aider des personnes.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci beaucoup à Clémence d'avoir partagé son histoire avec nous. J'espère que son témoignage vous aura apporté un peu de réconfort, peut-être de l'espoir si vous traversez vous aussi une période d'errance médicale ou de doute. Ce qu'elle nous rappelle, c'est qu'on a le droit de s'écouter, de persévérer, même quand on se sent seul face à la douleur ou face au médecin. Vous n'êtes pas seul. Si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à le partager autour de vous. à en parler ou à laisser une note et un petit commentaire sur votre plateforme d'écoute. C'est ce qui aide le podcast à toucher d'autres personnes qui en auraient besoin. Merci pour votre écoute et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode de Mots d'espoir.

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