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Mirage

Le masculin ne l'emportera pas toujours sur le féminin | Iel te dit je t'aime 4/5

Le masculin ne l'emportera pas toujours sur le féminin | Iel te dit je t'aime 4/5

25min |27/05/2025
Play
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Description

Dans ce quatrième épisode de l'enquête Mirage dédiée aux inégalités de genre dans la langue française, on retrouve Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary pour parler de typographie et langage post-binaire pour tendre vers une plus grande inclusivité de notre langue.

Tu peux retrouver leurs typographies sur le site juste ici :
https://typotheque.genderfluid.space/fr


Mirage est un podcast indépendant imaginé et créé par Laureline Dargery.
Montage et mixage par Elsa Thumerel.
Pour nous soutenir tu peux t'abonner, commenter, partager et mettre des étoiles pour participer à cette grande révolution narrative. 

Tu peux nous retrouver sur :

Instagram = https://www.instagram.com/mirage_podcast/
Newsletter = https://substack.com/@laurelinedargery

Linkedin = www.linkedin.com/company/mirage-collectif


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Notre identité est une fiction. Paul Preciado Le masculin ne l'emportera pas toujours sur le féminin. Épisode 4 Yel te dit je t'aime Pendant des années, j'ai fait partie de cette catégorie de personnes qui rejetaient en bloc le mot autrice. Tout simplement parce que je trouvais ça moche et parce que auteur avec un E, c'était vachement plus élégant. Des années à ne pas interroger ce qui se cache derrière le dit bon goût, ce qu'il façonne et comment on nous le transmet, comment on parvient à nous faire croire que ce goût c'est le nôtre et qu'il est gage d'une bonne éducation. Remettre en cause ce bon goût, c'est remettre en cause tout un système et reconnaître que dans le cadre de la langue, ce goût préfabriqué fut pendant trop longtemps le meilleur allié d'une toute petite poignée de privilégiés et le garant d'un système d'inégalité. Dans le cadre de la langue, mais pas que. En me replongeant dans les trois premiers épisodes de cette enquête, je me rends compte combien les arguments des chercheuses et expertes qu'on a reçus sont rationnels et précis.

  • Speaker #1

    Que les femmes soient visibles dans la langue. Parlée et écrite, c'est normal dans un pays comme le nôtre qui depuis 70 ans se réclame de l'égalité.

  • Speaker #0

    Mais surtout qu'il y a un panel de propositions si large pour faire évoluer notre langage dans la bonne direction. Mais pour cela, il faut faire exploser le barrage médiatique et politique. Et ça, ça demande du temps. Je me rends également compte qu'on a essentiellement parlé d'égalité pour la moitié de la population, à savoir les femmes. C'est l'angle par lequel on a mené cette enquête. Pourtant, un langage inclusif se doit de l'aide pour toutes les parties de la population. Il faudrait alors faire tomber les frontières, décoloniser le langage, offrir un espace langagier plus libre et créatif pour que tout le monde y trouve sa place. Pourtant, je m'interroge. Comment parvient-on à s'ouvrir à un tel équilibre lorsque notre langue est construite sur une logique de binarité ? Est-il possible d'aller au-delà des fontes pour porter un langage d'égalité ? Est-ce que la survie de notre langue et de la démocratie ne se trouverait pas dans une destruction profonde de notre langue pour une meilleure réinvention ?

  • Speaker #2

    Et pour qu'on oublie l'histoire. L'histoire de France, l'histoire du monde. Complètement. Il n'y a plus aucune mémoire de ce qui a été vécu, c'est-à-dire de l'intolérable, sur tous les fonds, sur tous les points, tout cassé.

  • Speaker #0

    Tout cassé, tout réinventé, comme l'imaginait déjà Marguerite Duras à son époque. Mais avant de tout casser, j'ai découvert que des chercheuses et chercheurs de la francophonie travaillaient sur une nouvelle proposition typographique pour retirer la binarité de notre langage. faire tomber les frontières du genre pour une proposition langagière plus juste et inclusive. C'est ce qu'on appelle la typographie inclusive ou post-binaire, un mouvement qui crée des polices de caractère facilitant une écriture non genrée. J'ai trouvé le concept intelligent et particulièrement créatif. Il apporte une réponse concrète aux limites de notre langage. Pour en apprendre plus sur le sujet, j'ai décidé de me rendre à Bruxelles à la rencontre de Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary. Je te propose de venir avec moi à leur rencontre de l'autre côté du Thalys.

  • Speaker #1

    Alors la collective Bye Bye Binary s'est formée en 2018 à la suite d'un workshop commun de l'école de recherche graphique et de la Cambre à Bruxelles. On avait invité pour cette occasion, on avait ouvert les inscriptions à... toute une chaquine. Et donc, on a formé un groupe qui n'était pas exclusivement composé d'étudiants de ces deux écoles, mais plus large. Et donc, aujourd'hui, la collective est composée d'une vingtaine de membres qui sont graphistes, typographistes, chercheuses, auteure X, et même boulangers.

  • Speaker #0

    En me promenant sur leur site, j'ai découvert que la collective propose en libre accès et sous condition un nombre important de typographies post-binaires qu'il est possible d'utiliser dans ses propres communications. On y retrouve ainsi le travail des différents membres de la collective, et la première impression que j'ai eue, c'est l'immense créativité présente dans ces propositions typographiques. On y rentrera plus en détail par la suite, mais ces typographies proposent de nouvelles fontes et utilisations qui réinventent notre langage. Alors, je parle ici de typographie post-binaire. C'est le terme qui ressort le plus dans leur communication. Mais on retrouve aussi les appellations de typographie inclusive, ou bien encore typographie non-binaire. Pour bien comprendre son contenu, quelle est leur différence ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est un chemin épistémologique. Donc au départ, au tout début de la collective, on a utilisé typographie inclusive, simplement parce qu'à cette époque-là, dans les médias, et c'est toujours le cas aujourd'hui d'ailleurs, il y avait pas mal de crispations sur l'écriture inclusive. Et nous, pour jouer de similarité, pour être compréhensible dans notre démarche de recherche, on s'est dit qu'on allait utiliser typographie inclusive pour que les personnes puissent comprendre que c'était dans le champ de l'écriture inclusive. Mais c'est une partie, parce que l'écriture inclusive est bien plus vaste que la typographie. Et donc, on a joué de similitudes en employant ce terme. Et puis, en fait, on s'est rendu compte que c'est un terme qui pouvait poser question. L'inclusivité de qui, de comment, dans quel contexte ? Et qu'en fait, on ne pouvait pas se prétendre à l'inclusivité de tous. Par exemple, à cette époque-là, nos recherches n'étaient pas spécialement dédiées ou orientées vers des personnes ayant des troubles de la lecture, par exemple. Ce qui est le cas aujourd'hui. on a une cellule qui... qui travaille sur une typographie à haut potentiel de lisibilité. Donc, on a aussi évolué à plein d'endroits. Et donc, le terme inclusif nous posait problème. Et donc, on est revenu à typographie non binaire, qui nous semblait être l'enjeu qui nous intéressait le plus. C'est-à-dire que nous, on voulait sortir de la binarité qui était comprise dans l'usage du point médian, qui sépare la forme masculine de la forme féminine. C'était vraiment là que ça nous intéressait, parce qu'on avait envie de pouvoir rendre visibles des identités de genre qui ne se définissent pas dans la binarité. Et donc... Pour des personnes à genre, genderfluide, en transition, on avait envie de pouvoir les représenter presque par la typographie. Et donc, on a utilisé une typographie non binaire. Et puis, personnellement, je suivais un cursus de master en études de genre. Et dans le cadre de mon master, je devais créer un concept philosophique. Et donc, comme on galérait avec ces noms et avec cette épistémologie, j'ai eu envie de travailler là-dessus. Et du coup, j'ai proposé Post Binaire dans l'idée de pouvoir se définir dans un futur qui n'existe pas encore, qui serait au-delà de la binarité. Et aussi de ne pas devoir se définir en négation du système actuel. Parce que je trouve que ce n'est pas hyper... engageant et positif de se définir en commençant par « je suis non quelque chose » . Bien sûr, on peut se définir à plein d'endroits par la négation, mais c'est aussi intéressant de donner de l'espoir dans même la terminologie, même de la définition de nos travaux, mais aussi d'identité. On peut se définir aussi comme post-binaire.

  • Speaker #0

    Ce mouvement réinvente donc les fontes de la langue française qui aujourd'hui nous limitent dans la création d'un langage inclusif. Les procédés typographiques postbinaires reposent entre autres sur l'entrelacement de lettres, de nouvelles ligatures ou glyphes, ou le recours à des symboles ou caractères comme l'astérique sous l'arrobase. Alors, si tu ne connais pas la ligature, c'est la fusion de deux ou trois graphèmes d'une écriture pour en former un nouveau. Par exemple, le E dans l'eau, de cœur, c'est une ligature. Une fusion de ces deux lettres pour en créer une unique. La typographie post-binaire invente de nouvelles ligatures pour arriver sur un langage plus inclusif. Par exemple, pour écrire le mot « inclusif » en post-binaire, il y a une fusion du F et du V qui crée une seule et même lettre. Idem pour « curieux » qui fusionne le X et le S. Dans ce cas précis, on évite le point médian. Je te laisse explorer ça en ligne sur le site de ByeByeBinary pour te faire une meilleure idée. L'utilisation de préfixes, suffixes et pronoms inclusifs font également partie de la construction de ce langage. En général, on connaît plutôt bien le « yel » dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Mais avec la collective, j'en ai découvert d'autres, comme « all » par exemple, que je ne connaissais pas.

  • Speaker #1

    Il y en a certains qui sont très anciens, qui remontent parfois à des usages d'anciens français. Je ne suis pas historienne de la langue, donc je ne vais pas m'aventurer à cet endroit. Je laisserai Eliane Vinault faire cette partie. Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est la multiplicité de ces usages. Donc le YEL, il est intéressant parce qu'en plus, il est rentré dans le dictionnaire, en tout cas dans le petit Robert en ligne. Ça, c'est hyper intéressant parce qu'il est rentré dans le dictionnaire. parce qu'on en réporterie un nombre d'usages suffisamment conséquents que pour qu'il rentre dans le dictionnaire. Donc ce n'est pas une décision arbitraire de dire on fait rentrer, on ne fait pas rentrer. C'est vraiment le recensement des usages qui le fait rentrer. Donc ça, c'est plutôt engageant, c'est intéressant. Mais il comprend en lui une forme de binarité puisque c'est une contraction du il et du elle. Alors que le al, par exemple, qui est un pronom qui est utilisé énormément par... la linguiste Alferatz, qui a fait la grammaire du français inclusif basée sur ce pronom. Donc on a pas mal de suffixes aussi qui s'accordent un peu en sonorité avec ce pronom. Et donc ça, c'est assez intéressant. Et là, ça revient vraiment aussi à des usages passés d'un impersonnel où on pouvait dire aussi Alpleu pour Il pleut. Et donc c'est une réappropriation de cette période de la langue qui est remise un peu au goût du... Enfin... au goût du jour, il y a des usages non-binaires aujourd'hui. Et le ul, il est étudié aussi par une théoricienne qui s'appelle Priscille Touraille, qui est partie sur une autre sonorité en u, pour également débinariser la langue. Et nous, le pronom ol nous intéressait beaucoup au sein de la collective, parce qu'il a été utilisé par une autrice de science-fiction qui s'appelle Clara Pacotte, qui avait commencé à l'utiliser dans des nouvelles, mais de façon assez simple, avec juste le ol au singulier, puis le « als » au pluriel. Et ça nous a donné envie, au sein de la collective, de développer une grammaire, enfin un petit précis de grammaire, ça fait une page à quatre, ce n'est pas un gros bouquin de 500 pages, mais un petit précis de grammaire qui s'appelle l'acadème, qui est basé sur ce pronom « al » avec des consonances, du coup, aussi, qui fonctionnent bien avec à l'oral. La question de l'oralité t'intéressait aussi, donc on a des suffixes en « al » comme étudiant « al » qui vont s'accorder avec le « al » . Donc « all » et « étudiantle » , par exemple.

  • Speaker #0

    Effectivement, la question de l'oralité m'intéresse tout particulièrement dans ce langage post-binaire, car visuellement, je trouve ces typographies très belles et accessibles pour la plupart. Mais la question qui me taraude, c'est sa retranscription à l'oral. Comment fait-on pour transposer ce nouveau langage oralement ?

  • Speaker #1

    Au sein de la collective, on valorise beaucoup la recherche empirique, c'est-à-dire qu'on teste, on essaye, on fait des erreurs. Et ça fait partie aussi de la beauté de la création. On n'aime pas les systématismes ou les systèmes imposés ou trop rigides. Donc on a tendance à encourager les personnes à simplement se lancer, tenter, expérimenter à l'oral, avec plein de trucs et astuces qui peuvent se développer au fur et à mesure. C'est vrai qu'à l'oral, j'aime bien utiliser la cadame parce qu'il est sonore et il s'entend, ce qui ne va pas toujours être le cas de certains usages typographiques. Comme par exemple l'usage de l'astérisque qui vient sabrer la terminaison genrée des mots. Si je dis étudiant ou je vais mettre un astérisque, je ne vais pas faire la différence avec le masculin neutre. Alors que visuellement, on va le voir à l'écrit, mais à l'oral, on ne va pas l'entendre. Donc du coup, moi, je fais un espèce de... mais c'est mon usage personnel, de mixte entre l'usage de la cadame à l'oral et puis des ligatures et la typographie à l'écrit. Et des fois, j'utilise aussi la CADAM à l'écrit, qui ne nécessite pas de typographie particulière. Quand j'écris des mails et que je n'ai pas la possibilité d'ajouter nos caractères typographiques, je vais souvent utiliser la CADAM. Mais dès que je suis dans un document qui me permet de choisir le caractère typographique et donc de choisir la fonte, je vais charger nos fontes. Parce que visuellement, il y a quand même quelque chose de très intéressant qui se passe dans ces systèmes de ligature qui lient. les suffixes masculin, féminin, et qui est très beau, graphique.

  • Speaker #0

    Avant de me lancer dans cet épisode, je me disais que cette nouvelle pratique typographique pouvait être complexe et peu accessible, comme la lecture de hiéroglyphes. Donc pour me faire mon propre avis, je me suis procuré le livre que Camille a justement publié sur le sujet. La typographie post-binaire, la typographie au-delà de l'écriture inclusive. aux éditions B42. C'est un livre très accessible et pédagogique qui revient sur l'histoire de la typographie et qui explore la typographie post-binaire. Mais surtout, ce livre est intégralement écrit en typographie post-binaire avec la police basse-coeur-vol que tu peux retrouver sur leur site, ce qui permet de tester la lecture. Alors, la lecture de la première page était surprenante. J'ai dû me faire à cette nouvelle typo. Mais très vite, mon cerveau et mon regard l'ont assimilée et ma lecture est devenue aussi fluide qu'avec une typographie classique. Alors, pourquoi fait-on face à autant de critiques qui jugent que ces typographies post-binaires manquent de lisibilité et d'accessibilité ?

  • Speaker #1

    Déjà sur la question de la lisibilité, ce que tu as dit est tout à fait juste. C'est-à-dire que dès qu'on se penche sur un texte, qu'on rentre dans le texte et qu'on essaye de le lire, sans avoir un a priori en disant « je ne vais pas savoir lire » , enfin juste « essayons » , on voit que les personnes, même les plus réfractaires, finissent par s'adoucir sur la question et se dire « ah oui, en fait ça va » . La plupart du temps, c'est ça. Si les personnes sont disposées à être... ouverte et à lire le texte. Et donc, il y a aussi une petite phrase de Suzanne Alicot qu'on aime bien citer au sein de la collective, c'est ce que tu lis le plus, c'est ce que tu vas lire le mieux. Et donc, c'est en effet, plus tu rencontres les occurrences, plus son cerveau va s'habituer et c'est un apprentissage comme un autre et tu vas l'intégrer et après quelques, ça dépend pour les personnes, mais quelques jours, quelques semaines, quelques mois, il y a... plus de barrières, vraiment. Et donc, en fait, c'est ce que tentent aussi à prouver les premières études de lisibilité, notamment celle de Sophie Vella, pour le public des personnes qui rencontrent des troubles de la lecture, dyslexie, neuroatypie. Ces personnes finissent par dire que c'est un type d'apprentissage et qu'il ne faut pas non plus les sous-estimer dans l'apprentissage qu'elles peuvent faire. Ce n'est pas non plus correct. L'argument d'être illisible pour les personnes d'I.C.E. c'est aussi un argument qui est souvent récupéré par des personnes dont ce n'est pas la problématique. C'est le cas notamment de la circulaire blancaire, entre autres, qui disent cela alors qu'en fait il n'y a pas d'études scientifiques qui ont été menées. Et il y a le réseau d'études Indie Féministe qui est composé de personnes concernées, a même publié un billet il y a quelques années qui dénonçait cette récupération. des personnes d'IS pour dévoyer les recherches en écriture inclusive donc ça il faut toujours bien regarder qui prononce cette remarque et bien entendu être aussi hyper vigilant si c'est les personnes concernées qui en parlent bien entendu il faut être attentif et les accueillir et donc c'est ce qu'on a fait au sein de la collective puisqu'on est en train de avec des personnes concernées travailler et au dessin d'un caractère, au potentiel de lisibilité. Mais ça nous semble aller de pair avec aussi des expérimentations qui sont parfois illisibles, parce que les identités qu'on cherche à traduire le sont aussi, parfois. Et donc, la question d'être lisible à tout prix, dans tous les contextes, pour nous est quelque chose de... En fait, qui demande ça, qui veut ça ? C'est aussi une question de pouvoir à cet endroit-là.

  • Speaker #0

    On y revient, la mauvaise foi et la stratégie politique derrière ces décisions. D'autant que Camille m'a partagé que l'environnement semblait plutôt se rédire face à ces innovations plutôt que d'investir dans ces nouveaux langages. Il faut dire que la société globale ne tend pas vers une direction inclusive et égalitaire. Il suffit de se pencher sur l'actualité. Les droits des minorités et des populations vulnérables sont mis en danger à mesure que l'extrême droite émerge un peu partout sur la planète. Forcément, en effet miroir, le langage s'en fait ressentir avec un contrôle plus étroit. Car derrière ce mouvement typographique, il y a bien évidemment des engagements politiques. Au-delà de la typographie, c'est quoi le post-binaire pour Camille et toute la collective qui souhaite porter cette vision du monde ?

  • Speaker #1

    Post-binarisme politique, c'est dans le sens « je prends position » . Et donc c'est se définir ou définir certains objets graphiques ou autres. comme étant post-binaire ou se définir soi-même comme post-binaire, c'est un positionnement politique. Et en fait, je le tire, je l'hérite un peu ou je le développe à partir du concept de lesbianisme politique qui a été développé par Adrienne Rich et Monique Wittig dans les années 80, où là, l'idée, c'était peu importe le type de relation sexuelle ou pratique que j'ai, peu importe, à partir du moment où je me définis comme une lesbienne, j'endosse avec moi toute la problématique des... qu'est-ce qu'être lesbienne dans cette société ? Et donc, c'est un peu la même chose avec le post-binarisme, c'est-à-dire à partir du moment où je me dis post-binaire, c'est-à-dire que je m'efforce de voir la société sous un prisme post-binaire, et donc non-binaire, en permanence, et de toujours... C'est un peu comme si on... Enfin, la comparaison est facile à faire, mais on comprend mieux en général. C'est un peu comme quand on dit qu'on chausse les lunettes du féminisme. C'est une façon de voir le monde, de se positionner, et du coup aussi de faire des choix politiques.

  • Speaker #0

    Et justement, il ressemble à quoi notre futur avec ces lunettes post-binaires ?

  • Speaker #1

    C'est justement une question que je traite pas mal en ce moment, parce que j'espère sortir un petit ouvrage qui s'appellera Futur post-binaire, où justement j'essaye de voir au-delà de la typographie, parce que dans la typographie ça me paraît assez clair et évident, parce que c'est mon sujet de recherche et donc je me projette facilement, mais là l'idée ça serait de voir en dehors de cet objet typographique. Comment façonner un monde post-binaire sous d'autres aspects ? C'est une question qui est en réflexion pour le moment chez moi, et c'est vraiment parfois très difficile d'y penser, parce qu'on est tellement construit dans la binarité à tous les endroits, que c'est très difficile de déconstruire pas mal de choses. Et une des premières réflexions que je me suis faites, c'était que, avant de construire quelque chose de nouveau, quelque chose qui serait post, Il faut d'abord déconstruire... énormément de choses et donc on commencerait par ne plus faire certaines choses dans un monde post-binaire. On commencerait par ne plus genrer les personnes en leur disant bonjour. Après, en termes de représentation, en fait, ce serait aussi accueillir plus d'ambiguïté. Dans mon monde post-binaire, il serait ambigu à plein d'endroits. C'est justement ne pas définir quelque chose dans la binarité noir ou blanc mais d'avoir vraiment quelque chose qui soit ambigu. Et en cela, la figure du... de la drague cuir est assez parlante aussi, je l'utilise aussi dans le livre, en disant que la typographie post-binaire est une drague cuir qui vous parle, que Butler, avant moi, avait déjà utilisée pour parler de la performativité du genre, mais qui est aujourd'hui, en plus, avec tous les shows qu'on peut voir aussi, qui est assez dans une espèce de culture pop, qui me semble une figure intéressante à développer pour le futur. On devrait tous être des dragues cuir, quoi. dans mon futur post-binaire.

  • Speaker #0

    Et si c'était ça l'utopie de notre langue ? Faire tomber les murs des privilèges, effacer les frontières du genre et s'emparer de la créativité pour redonner vie à un langage plus juste, plus inclusif et plus libre. Dans le livre de Camille, un passage m'a marquée tant il représente bien le pouvoir de ces langages inclusifs. Si les outils du maître ne démantèleront jamais la maison du maître, Les nouvelles formes typographiques inclusives, non-binaires, post-binaires, permettent à minima d'ouvrir les imaginaires pour devenir des outils de résistance. Une technologie émancipatrice face à la masculinisation du français, qui prédomine depuis le XVIIe siècle et prône le masculin comme neutre et universel. Dans cette enquête, nous avons été accompagnés des archéologues, artistes et activistes linguistiques Qui souhaite ? ensemble démasculiniser le langage et détruire les frontières. Un collectif qui souhaite imaginer un futur égalitaire, à la hauteur de notre devise qui attend sa révolution linguistique, pour enfin voir briller ses promesses. Liberté, égalité, Adelphité. La langue française se réveille enfin d'un long sommeil patriarcal et déjà bien fissuré. Yel te dit je t'aime, Yel te dit je t'attends. pour chanter la révolution d'un nouveau récit post-binaire et enfin égalitaire. Un grand merci à Camille et la collectif Bye Bye Binary, nos invités de cet épisode. Pour la suite de cette enquête, on se retrouve le 10 juin pour l'interview spéciale qui viendra clôturer cette enquête aux côtés de la créatrice de contenu et autrice, Louise Ouléhu. Cet épisode a été écrit et réalisé par Lovoline Dargerie. Montage et mixage par Elsa Tumerel. Mirage est un podcast indépendant. Pour nous soutenir, tu peux t'abonner, liker, commenter, partager et mettre des étoiles pour participer à cette grande révolution narrative. À très vite !

  • Speaker #2

    C'est essentiel la manière dont on parle, c'est la manière dont on pense, donc la manière dont on agit. La langue est en train de changer. Le langage inclusif, c'est une intention en fait, c'est pas juste des outils. Les gens qui disaient « c'est moche, c'est trahi, c'est viril, c'est maladeux, c'est moche et... » Une fois, « théologues, c'est beau » « le poillon est grave » C'est parce que, encore une fois, la langue est une pratique sociale. Le féminisme, c'est l'idée radicale selon laquelle les femmes sont de percées. Je pense que nous faisons ce que tu veux.

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Dans ce quatrième épisode de l'enquête Mirage dédiée aux inégalités de genre dans la langue française, on retrouve Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary pour parler de typographie et langage post-binaire pour tendre vers une plus grande inclusivité de notre langue.

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  • Speaker #0

    Notre identité est une fiction. Paul Preciado Le masculin ne l'emportera pas toujours sur le féminin. Épisode 4 Yel te dit je t'aime Pendant des années, j'ai fait partie de cette catégorie de personnes qui rejetaient en bloc le mot autrice. Tout simplement parce que je trouvais ça moche et parce que auteur avec un E, c'était vachement plus élégant. Des années à ne pas interroger ce qui se cache derrière le dit bon goût, ce qu'il façonne et comment on nous le transmet, comment on parvient à nous faire croire que ce goût c'est le nôtre et qu'il est gage d'une bonne éducation. Remettre en cause ce bon goût, c'est remettre en cause tout un système et reconnaître que dans le cadre de la langue, ce goût préfabriqué fut pendant trop longtemps le meilleur allié d'une toute petite poignée de privilégiés et le garant d'un système d'inégalité. Dans le cadre de la langue, mais pas que. En me replongeant dans les trois premiers épisodes de cette enquête, je me rends compte combien les arguments des chercheuses et expertes qu'on a reçus sont rationnels et précis.

  • Speaker #1

    Que les femmes soient visibles dans la langue. Parlée et écrite, c'est normal dans un pays comme le nôtre qui depuis 70 ans se réclame de l'égalité.

  • Speaker #0

    Mais surtout qu'il y a un panel de propositions si large pour faire évoluer notre langage dans la bonne direction. Mais pour cela, il faut faire exploser le barrage médiatique et politique. Et ça, ça demande du temps. Je me rends également compte qu'on a essentiellement parlé d'égalité pour la moitié de la population, à savoir les femmes. C'est l'angle par lequel on a mené cette enquête. Pourtant, un langage inclusif se doit de l'aide pour toutes les parties de la population. Il faudrait alors faire tomber les frontières, décoloniser le langage, offrir un espace langagier plus libre et créatif pour que tout le monde y trouve sa place. Pourtant, je m'interroge. Comment parvient-on à s'ouvrir à un tel équilibre lorsque notre langue est construite sur une logique de binarité ? Est-il possible d'aller au-delà des fontes pour porter un langage d'égalité ? Est-ce que la survie de notre langue et de la démocratie ne se trouverait pas dans une destruction profonde de notre langue pour une meilleure réinvention ?

  • Speaker #2

    Et pour qu'on oublie l'histoire. L'histoire de France, l'histoire du monde. Complètement. Il n'y a plus aucune mémoire de ce qui a été vécu, c'est-à-dire de l'intolérable, sur tous les fonds, sur tous les points, tout cassé.

  • Speaker #0

    Tout cassé, tout réinventé, comme l'imaginait déjà Marguerite Duras à son époque. Mais avant de tout casser, j'ai découvert que des chercheuses et chercheurs de la francophonie travaillaient sur une nouvelle proposition typographique pour retirer la binarité de notre langage. faire tomber les frontières du genre pour une proposition langagière plus juste et inclusive. C'est ce qu'on appelle la typographie inclusive ou post-binaire, un mouvement qui crée des polices de caractère facilitant une écriture non genrée. J'ai trouvé le concept intelligent et particulièrement créatif. Il apporte une réponse concrète aux limites de notre langage. Pour en apprendre plus sur le sujet, j'ai décidé de me rendre à Bruxelles à la rencontre de Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary. Je te propose de venir avec moi à leur rencontre de l'autre côté du Thalys.

  • Speaker #1

    Alors la collective Bye Bye Binary s'est formée en 2018 à la suite d'un workshop commun de l'école de recherche graphique et de la Cambre à Bruxelles. On avait invité pour cette occasion, on avait ouvert les inscriptions à... toute une chaquine. Et donc, on a formé un groupe qui n'était pas exclusivement composé d'étudiants de ces deux écoles, mais plus large. Et donc, aujourd'hui, la collective est composée d'une vingtaine de membres qui sont graphistes, typographistes, chercheuses, auteure X, et même boulangers.

  • Speaker #0

    En me promenant sur leur site, j'ai découvert que la collective propose en libre accès et sous condition un nombre important de typographies post-binaires qu'il est possible d'utiliser dans ses propres communications. On y retrouve ainsi le travail des différents membres de la collective, et la première impression que j'ai eue, c'est l'immense créativité présente dans ces propositions typographiques. On y rentrera plus en détail par la suite, mais ces typographies proposent de nouvelles fontes et utilisations qui réinventent notre langage. Alors, je parle ici de typographie post-binaire. C'est le terme qui ressort le plus dans leur communication. Mais on retrouve aussi les appellations de typographie inclusive, ou bien encore typographie non-binaire. Pour bien comprendre son contenu, quelle est leur différence ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est un chemin épistémologique. Donc au départ, au tout début de la collective, on a utilisé typographie inclusive, simplement parce qu'à cette époque-là, dans les médias, et c'est toujours le cas aujourd'hui d'ailleurs, il y avait pas mal de crispations sur l'écriture inclusive. Et nous, pour jouer de similarité, pour être compréhensible dans notre démarche de recherche, on s'est dit qu'on allait utiliser typographie inclusive pour que les personnes puissent comprendre que c'était dans le champ de l'écriture inclusive. Mais c'est une partie, parce que l'écriture inclusive est bien plus vaste que la typographie. Et donc, on a joué de similitudes en employant ce terme. Et puis, en fait, on s'est rendu compte que c'est un terme qui pouvait poser question. L'inclusivité de qui, de comment, dans quel contexte ? Et qu'en fait, on ne pouvait pas se prétendre à l'inclusivité de tous. Par exemple, à cette époque-là, nos recherches n'étaient pas spécialement dédiées ou orientées vers des personnes ayant des troubles de la lecture, par exemple. Ce qui est le cas aujourd'hui. on a une cellule qui... qui travaille sur une typographie à haut potentiel de lisibilité. Donc, on a aussi évolué à plein d'endroits. Et donc, le terme inclusif nous posait problème. Et donc, on est revenu à typographie non binaire, qui nous semblait être l'enjeu qui nous intéressait le plus. C'est-à-dire que nous, on voulait sortir de la binarité qui était comprise dans l'usage du point médian, qui sépare la forme masculine de la forme féminine. C'était vraiment là que ça nous intéressait, parce qu'on avait envie de pouvoir rendre visibles des identités de genre qui ne se définissent pas dans la binarité. Et donc... Pour des personnes à genre, genderfluide, en transition, on avait envie de pouvoir les représenter presque par la typographie. Et donc, on a utilisé une typographie non binaire. Et puis, personnellement, je suivais un cursus de master en études de genre. Et dans le cadre de mon master, je devais créer un concept philosophique. Et donc, comme on galérait avec ces noms et avec cette épistémologie, j'ai eu envie de travailler là-dessus. Et du coup, j'ai proposé Post Binaire dans l'idée de pouvoir se définir dans un futur qui n'existe pas encore, qui serait au-delà de la binarité. Et aussi de ne pas devoir se définir en négation du système actuel. Parce que je trouve que ce n'est pas hyper... engageant et positif de se définir en commençant par « je suis non quelque chose » . Bien sûr, on peut se définir à plein d'endroits par la négation, mais c'est aussi intéressant de donner de l'espoir dans même la terminologie, même de la définition de nos travaux, mais aussi d'identité. On peut se définir aussi comme post-binaire.

  • Speaker #0

    Ce mouvement réinvente donc les fontes de la langue française qui aujourd'hui nous limitent dans la création d'un langage inclusif. Les procédés typographiques postbinaires reposent entre autres sur l'entrelacement de lettres, de nouvelles ligatures ou glyphes, ou le recours à des symboles ou caractères comme l'astérique sous l'arrobase. Alors, si tu ne connais pas la ligature, c'est la fusion de deux ou trois graphèmes d'une écriture pour en former un nouveau. Par exemple, le E dans l'eau, de cœur, c'est une ligature. Une fusion de ces deux lettres pour en créer une unique. La typographie post-binaire invente de nouvelles ligatures pour arriver sur un langage plus inclusif. Par exemple, pour écrire le mot « inclusif » en post-binaire, il y a une fusion du F et du V qui crée une seule et même lettre. Idem pour « curieux » qui fusionne le X et le S. Dans ce cas précis, on évite le point médian. Je te laisse explorer ça en ligne sur le site de ByeByeBinary pour te faire une meilleure idée. L'utilisation de préfixes, suffixes et pronoms inclusifs font également partie de la construction de ce langage. En général, on connaît plutôt bien le « yel » dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Mais avec la collective, j'en ai découvert d'autres, comme « all » par exemple, que je ne connaissais pas.

  • Speaker #1

    Il y en a certains qui sont très anciens, qui remontent parfois à des usages d'anciens français. Je ne suis pas historienne de la langue, donc je ne vais pas m'aventurer à cet endroit. Je laisserai Eliane Vinault faire cette partie. Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est la multiplicité de ces usages. Donc le YEL, il est intéressant parce qu'en plus, il est rentré dans le dictionnaire, en tout cas dans le petit Robert en ligne. Ça, c'est hyper intéressant parce qu'il est rentré dans le dictionnaire. parce qu'on en réporterie un nombre d'usages suffisamment conséquents que pour qu'il rentre dans le dictionnaire. Donc ce n'est pas une décision arbitraire de dire on fait rentrer, on ne fait pas rentrer. C'est vraiment le recensement des usages qui le fait rentrer. Donc ça, c'est plutôt engageant, c'est intéressant. Mais il comprend en lui une forme de binarité puisque c'est une contraction du il et du elle. Alors que le al, par exemple, qui est un pronom qui est utilisé énormément par... la linguiste Alferatz, qui a fait la grammaire du français inclusif basée sur ce pronom. Donc on a pas mal de suffixes aussi qui s'accordent un peu en sonorité avec ce pronom. Et donc ça, c'est assez intéressant. Et là, ça revient vraiment aussi à des usages passés d'un impersonnel où on pouvait dire aussi Alpleu pour Il pleut. Et donc c'est une réappropriation de cette période de la langue qui est remise un peu au goût du... Enfin... au goût du jour, il y a des usages non-binaires aujourd'hui. Et le ul, il est étudié aussi par une théoricienne qui s'appelle Priscille Touraille, qui est partie sur une autre sonorité en u, pour également débinariser la langue. Et nous, le pronom ol nous intéressait beaucoup au sein de la collective, parce qu'il a été utilisé par une autrice de science-fiction qui s'appelle Clara Pacotte, qui avait commencé à l'utiliser dans des nouvelles, mais de façon assez simple, avec juste le ol au singulier, puis le « als » au pluriel. Et ça nous a donné envie, au sein de la collective, de développer une grammaire, enfin un petit précis de grammaire, ça fait une page à quatre, ce n'est pas un gros bouquin de 500 pages, mais un petit précis de grammaire qui s'appelle l'acadème, qui est basé sur ce pronom « al » avec des consonances, du coup, aussi, qui fonctionnent bien avec à l'oral. La question de l'oralité t'intéressait aussi, donc on a des suffixes en « al » comme étudiant « al » qui vont s'accorder avec le « al » . Donc « all » et « étudiantle » , par exemple.

  • Speaker #0

    Effectivement, la question de l'oralité m'intéresse tout particulièrement dans ce langage post-binaire, car visuellement, je trouve ces typographies très belles et accessibles pour la plupart. Mais la question qui me taraude, c'est sa retranscription à l'oral. Comment fait-on pour transposer ce nouveau langage oralement ?

  • Speaker #1

    Au sein de la collective, on valorise beaucoup la recherche empirique, c'est-à-dire qu'on teste, on essaye, on fait des erreurs. Et ça fait partie aussi de la beauté de la création. On n'aime pas les systématismes ou les systèmes imposés ou trop rigides. Donc on a tendance à encourager les personnes à simplement se lancer, tenter, expérimenter à l'oral, avec plein de trucs et astuces qui peuvent se développer au fur et à mesure. C'est vrai qu'à l'oral, j'aime bien utiliser la cadame parce qu'il est sonore et il s'entend, ce qui ne va pas toujours être le cas de certains usages typographiques. Comme par exemple l'usage de l'astérisque qui vient sabrer la terminaison genrée des mots. Si je dis étudiant ou je vais mettre un astérisque, je ne vais pas faire la différence avec le masculin neutre. Alors que visuellement, on va le voir à l'écrit, mais à l'oral, on ne va pas l'entendre. Donc du coup, moi, je fais un espèce de... mais c'est mon usage personnel, de mixte entre l'usage de la cadame à l'oral et puis des ligatures et la typographie à l'écrit. Et des fois, j'utilise aussi la CADAM à l'écrit, qui ne nécessite pas de typographie particulière. Quand j'écris des mails et que je n'ai pas la possibilité d'ajouter nos caractères typographiques, je vais souvent utiliser la CADAM. Mais dès que je suis dans un document qui me permet de choisir le caractère typographique et donc de choisir la fonte, je vais charger nos fontes. Parce que visuellement, il y a quand même quelque chose de très intéressant qui se passe dans ces systèmes de ligature qui lient. les suffixes masculin, féminin, et qui est très beau, graphique.

  • Speaker #0

    Avant de me lancer dans cet épisode, je me disais que cette nouvelle pratique typographique pouvait être complexe et peu accessible, comme la lecture de hiéroglyphes. Donc pour me faire mon propre avis, je me suis procuré le livre que Camille a justement publié sur le sujet. La typographie post-binaire, la typographie au-delà de l'écriture inclusive. aux éditions B42. C'est un livre très accessible et pédagogique qui revient sur l'histoire de la typographie et qui explore la typographie post-binaire. Mais surtout, ce livre est intégralement écrit en typographie post-binaire avec la police basse-coeur-vol que tu peux retrouver sur leur site, ce qui permet de tester la lecture. Alors, la lecture de la première page était surprenante. J'ai dû me faire à cette nouvelle typo. Mais très vite, mon cerveau et mon regard l'ont assimilée et ma lecture est devenue aussi fluide qu'avec une typographie classique. Alors, pourquoi fait-on face à autant de critiques qui jugent que ces typographies post-binaires manquent de lisibilité et d'accessibilité ?

  • Speaker #1

    Déjà sur la question de la lisibilité, ce que tu as dit est tout à fait juste. C'est-à-dire que dès qu'on se penche sur un texte, qu'on rentre dans le texte et qu'on essaye de le lire, sans avoir un a priori en disant « je ne vais pas savoir lire » , enfin juste « essayons » , on voit que les personnes, même les plus réfractaires, finissent par s'adoucir sur la question et se dire « ah oui, en fait ça va » . La plupart du temps, c'est ça. Si les personnes sont disposées à être... ouverte et à lire le texte. Et donc, il y a aussi une petite phrase de Suzanne Alicot qu'on aime bien citer au sein de la collective, c'est ce que tu lis le plus, c'est ce que tu vas lire le mieux. Et donc, c'est en effet, plus tu rencontres les occurrences, plus son cerveau va s'habituer et c'est un apprentissage comme un autre et tu vas l'intégrer et après quelques, ça dépend pour les personnes, mais quelques jours, quelques semaines, quelques mois, il y a... plus de barrières, vraiment. Et donc, en fait, c'est ce que tentent aussi à prouver les premières études de lisibilité, notamment celle de Sophie Vella, pour le public des personnes qui rencontrent des troubles de la lecture, dyslexie, neuroatypie. Ces personnes finissent par dire que c'est un type d'apprentissage et qu'il ne faut pas non plus les sous-estimer dans l'apprentissage qu'elles peuvent faire. Ce n'est pas non plus correct. L'argument d'être illisible pour les personnes d'I.C.E. c'est aussi un argument qui est souvent récupéré par des personnes dont ce n'est pas la problématique. C'est le cas notamment de la circulaire blancaire, entre autres, qui disent cela alors qu'en fait il n'y a pas d'études scientifiques qui ont été menées. Et il y a le réseau d'études Indie Féministe qui est composé de personnes concernées, a même publié un billet il y a quelques années qui dénonçait cette récupération. des personnes d'IS pour dévoyer les recherches en écriture inclusive donc ça il faut toujours bien regarder qui prononce cette remarque et bien entendu être aussi hyper vigilant si c'est les personnes concernées qui en parlent bien entendu il faut être attentif et les accueillir et donc c'est ce qu'on a fait au sein de la collective puisqu'on est en train de avec des personnes concernées travailler et au dessin d'un caractère, au potentiel de lisibilité. Mais ça nous semble aller de pair avec aussi des expérimentations qui sont parfois illisibles, parce que les identités qu'on cherche à traduire le sont aussi, parfois. Et donc, la question d'être lisible à tout prix, dans tous les contextes, pour nous est quelque chose de... En fait, qui demande ça, qui veut ça ? C'est aussi une question de pouvoir à cet endroit-là.

  • Speaker #0

    On y revient, la mauvaise foi et la stratégie politique derrière ces décisions. D'autant que Camille m'a partagé que l'environnement semblait plutôt se rédire face à ces innovations plutôt que d'investir dans ces nouveaux langages. Il faut dire que la société globale ne tend pas vers une direction inclusive et égalitaire. Il suffit de se pencher sur l'actualité. Les droits des minorités et des populations vulnérables sont mis en danger à mesure que l'extrême droite émerge un peu partout sur la planète. Forcément, en effet miroir, le langage s'en fait ressentir avec un contrôle plus étroit. Car derrière ce mouvement typographique, il y a bien évidemment des engagements politiques. Au-delà de la typographie, c'est quoi le post-binaire pour Camille et toute la collective qui souhaite porter cette vision du monde ?

  • Speaker #1

    Post-binarisme politique, c'est dans le sens « je prends position » . Et donc c'est se définir ou définir certains objets graphiques ou autres. comme étant post-binaire ou se définir soi-même comme post-binaire, c'est un positionnement politique. Et en fait, je le tire, je l'hérite un peu ou je le développe à partir du concept de lesbianisme politique qui a été développé par Adrienne Rich et Monique Wittig dans les années 80, où là, l'idée, c'était peu importe le type de relation sexuelle ou pratique que j'ai, peu importe, à partir du moment où je me définis comme une lesbienne, j'endosse avec moi toute la problématique des... qu'est-ce qu'être lesbienne dans cette société ? Et donc, c'est un peu la même chose avec le post-binarisme, c'est-à-dire à partir du moment où je me dis post-binaire, c'est-à-dire que je m'efforce de voir la société sous un prisme post-binaire, et donc non-binaire, en permanence, et de toujours... C'est un peu comme si on... Enfin, la comparaison est facile à faire, mais on comprend mieux en général. C'est un peu comme quand on dit qu'on chausse les lunettes du féminisme. C'est une façon de voir le monde, de se positionner, et du coup aussi de faire des choix politiques.

  • Speaker #0

    Et justement, il ressemble à quoi notre futur avec ces lunettes post-binaires ?

  • Speaker #1

    C'est justement une question que je traite pas mal en ce moment, parce que j'espère sortir un petit ouvrage qui s'appellera Futur post-binaire, où justement j'essaye de voir au-delà de la typographie, parce que dans la typographie ça me paraît assez clair et évident, parce que c'est mon sujet de recherche et donc je me projette facilement, mais là l'idée ça serait de voir en dehors de cet objet typographique. Comment façonner un monde post-binaire sous d'autres aspects ? C'est une question qui est en réflexion pour le moment chez moi, et c'est vraiment parfois très difficile d'y penser, parce qu'on est tellement construit dans la binarité à tous les endroits, que c'est très difficile de déconstruire pas mal de choses. Et une des premières réflexions que je me suis faites, c'était que, avant de construire quelque chose de nouveau, quelque chose qui serait post, Il faut d'abord déconstruire... énormément de choses et donc on commencerait par ne plus faire certaines choses dans un monde post-binaire. On commencerait par ne plus genrer les personnes en leur disant bonjour. Après, en termes de représentation, en fait, ce serait aussi accueillir plus d'ambiguïté. Dans mon monde post-binaire, il serait ambigu à plein d'endroits. C'est justement ne pas définir quelque chose dans la binarité noir ou blanc mais d'avoir vraiment quelque chose qui soit ambigu. Et en cela, la figure du... de la drague cuir est assez parlante aussi, je l'utilise aussi dans le livre, en disant que la typographie post-binaire est une drague cuir qui vous parle, que Butler, avant moi, avait déjà utilisée pour parler de la performativité du genre, mais qui est aujourd'hui, en plus, avec tous les shows qu'on peut voir aussi, qui est assez dans une espèce de culture pop, qui me semble une figure intéressante à développer pour le futur. On devrait tous être des dragues cuir, quoi. dans mon futur post-binaire.

  • Speaker #0

    Et si c'était ça l'utopie de notre langue ? Faire tomber les murs des privilèges, effacer les frontières du genre et s'emparer de la créativité pour redonner vie à un langage plus juste, plus inclusif et plus libre. Dans le livre de Camille, un passage m'a marquée tant il représente bien le pouvoir de ces langages inclusifs. Si les outils du maître ne démantèleront jamais la maison du maître, Les nouvelles formes typographiques inclusives, non-binaires, post-binaires, permettent à minima d'ouvrir les imaginaires pour devenir des outils de résistance. Une technologie émancipatrice face à la masculinisation du français, qui prédomine depuis le XVIIe siècle et prône le masculin comme neutre et universel. Dans cette enquête, nous avons été accompagnés des archéologues, artistes et activistes linguistiques Qui souhaite ? ensemble démasculiniser le langage et détruire les frontières. Un collectif qui souhaite imaginer un futur égalitaire, à la hauteur de notre devise qui attend sa révolution linguistique, pour enfin voir briller ses promesses. Liberté, égalité, Adelphité. La langue française se réveille enfin d'un long sommeil patriarcal et déjà bien fissuré. Yel te dit je t'aime, Yel te dit je t'attends. pour chanter la révolution d'un nouveau récit post-binaire et enfin égalitaire. Un grand merci à Camille et la collectif Bye Bye Binary, nos invités de cet épisode. Pour la suite de cette enquête, on se retrouve le 10 juin pour l'interview spéciale qui viendra clôturer cette enquête aux côtés de la créatrice de contenu et autrice, Louise Ouléhu. Cet épisode a été écrit et réalisé par Lovoline Dargerie. Montage et mixage par Elsa Tumerel. Mirage est un podcast indépendant. Pour nous soutenir, tu peux t'abonner, liker, commenter, partager et mettre des étoiles pour participer à cette grande révolution narrative. À très vite !

  • Speaker #2

    C'est essentiel la manière dont on parle, c'est la manière dont on pense, donc la manière dont on agit. La langue est en train de changer. Le langage inclusif, c'est une intention en fait, c'est pas juste des outils. Les gens qui disaient « c'est moche, c'est trahi, c'est viril, c'est maladeux, c'est moche et... » Une fois, « théologues, c'est beau » « le poillon est grave » C'est parce que, encore une fois, la langue est une pratique sociale. Le féminisme, c'est l'idée radicale selon laquelle les femmes sont de percées. Je pense que nous faisons ce que tu veux.

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Description

Dans ce quatrième épisode de l'enquête Mirage dédiée aux inégalités de genre dans la langue française, on retrouve Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary pour parler de typographie et langage post-binaire pour tendre vers une plus grande inclusivité de notre langue.

Tu peux retrouver leurs typographies sur le site juste ici :
https://typotheque.genderfluid.space/fr


Mirage est un podcast indépendant imaginé et créé par Laureline Dargery.
Montage et mixage par Elsa Thumerel.
Pour nous soutenir tu peux t'abonner, commenter, partager et mettre des étoiles pour participer à cette grande révolution narrative. 

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Linkedin = www.linkedin.com/company/mirage-collectif


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Notre identité est une fiction. Paul Preciado Le masculin ne l'emportera pas toujours sur le féminin. Épisode 4 Yel te dit je t'aime Pendant des années, j'ai fait partie de cette catégorie de personnes qui rejetaient en bloc le mot autrice. Tout simplement parce que je trouvais ça moche et parce que auteur avec un E, c'était vachement plus élégant. Des années à ne pas interroger ce qui se cache derrière le dit bon goût, ce qu'il façonne et comment on nous le transmet, comment on parvient à nous faire croire que ce goût c'est le nôtre et qu'il est gage d'une bonne éducation. Remettre en cause ce bon goût, c'est remettre en cause tout un système et reconnaître que dans le cadre de la langue, ce goût préfabriqué fut pendant trop longtemps le meilleur allié d'une toute petite poignée de privilégiés et le garant d'un système d'inégalité. Dans le cadre de la langue, mais pas que. En me replongeant dans les trois premiers épisodes de cette enquête, je me rends compte combien les arguments des chercheuses et expertes qu'on a reçus sont rationnels et précis.

  • Speaker #1

    Que les femmes soient visibles dans la langue. Parlée et écrite, c'est normal dans un pays comme le nôtre qui depuis 70 ans se réclame de l'égalité.

  • Speaker #0

    Mais surtout qu'il y a un panel de propositions si large pour faire évoluer notre langage dans la bonne direction. Mais pour cela, il faut faire exploser le barrage médiatique et politique. Et ça, ça demande du temps. Je me rends également compte qu'on a essentiellement parlé d'égalité pour la moitié de la population, à savoir les femmes. C'est l'angle par lequel on a mené cette enquête. Pourtant, un langage inclusif se doit de l'aide pour toutes les parties de la population. Il faudrait alors faire tomber les frontières, décoloniser le langage, offrir un espace langagier plus libre et créatif pour que tout le monde y trouve sa place. Pourtant, je m'interroge. Comment parvient-on à s'ouvrir à un tel équilibre lorsque notre langue est construite sur une logique de binarité ? Est-il possible d'aller au-delà des fontes pour porter un langage d'égalité ? Est-ce que la survie de notre langue et de la démocratie ne se trouverait pas dans une destruction profonde de notre langue pour une meilleure réinvention ?

  • Speaker #2

    Et pour qu'on oublie l'histoire. L'histoire de France, l'histoire du monde. Complètement. Il n'y a plus aucune mémoire de ce qui a été vécu, c'est-à-dire de l'intolérable, sur tous les fonds, sur tous les points, tout cassé.

  • Speaker #0

    Tout cassé, tout réinventé, comme l'imaginait déjà Marguerite Duras à son époque. Mais avant de tout casser, j'ai découvert que des chercheuses et chercheurs de la francophonie travaillaient sur une nouvelle proposition typographique pour retirer la binarité de notre langage. faire tomber les frontières du genre pour une proposition langagière plus juste et inclusive. C'est ce qu'on appelle la typographie inclusive ou post-binaire, un mouvement qui crée des polices de caractère facilitant une écriture non genrée. J'ai trouvé le concept intelligent et particulièrement créatif. Il apporte une réponse concrète aux limites de notre langage. Pour en apprendre plus sur le sujet, j'ai décidé de me rendre à Bruxelles à la rencontre de Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary. Je te propose de venir avec moi à leur rencontre de l'autre côté du Thalys.

  • Speaker #1

    Alors la collective Bye Bye Binary s'est formée en 2018 à la suite d'un workshop commun de l'école de recherche graphique et de la Cambre à Bruxelles. On avait invité pour cette occasion, on avait ouvert les inscriptions à... toute une chaquine. Et donc, on a formé un groupe qui n'était pas exclusivement composé d'étudiants de ces deux écoles, mais plus large. Et donc, aujourd'hui, la collective est composée d'une vingtaine de membres qui sont graphistes, typographistes, chercheuses, auteure X, et même boulangers.

  • Speaker #0

    En me promenant sur leur site, j'ai découvert que la collective propose en libre accès et sous condition un nombre important de typographies post-binaires qu'il est possible d'utiliser dans ses propres communications. On y retrouve ainsi le travail des différents membres de la collective, et la première impression que j'ai eue, c'est l'immense créativité présente dans ces propositions typographiques. On y rentrera plus en détail par la suite, mais ces typographies proposent de nouvelles fontes et utilisations qui réinventent notre langage. Alors, je parle ici de typographie post-binaire. C'est le terme qui ressort le plus dans leur communication. Mais on retrouve aussi les appellations de typographie inclusive, ou bien encore typographie non-binaire. Pour bien comprendre son contenu, quelle est leur différence ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est un chemin épistémologique. Donc au départ, au tout début de la collective, on a utilisé typographie inclusive, simplement parce qu'à cette époque-là, dans les médias, et c'est toujours le cas aujourd'hui d'ailleurs, il y avait pas mal de crispations sur l'écriture inclusive. Et nous, pour jouer de similarité, pour être compréhensible dans notre démarche de recherche, on s'est dit qu'on allait utiliser typographie inclusive pour que les personnes puissent comprendre que c'était dans le champ de l'écriture inclusive. Mais c'est une partie, parce que l'écriture inclusive est bien plus vaste que la typographie. Et donc, on a joué de similitudes en employant ce terme. Et puis, en fait, on s'est rendu compte que c'est un terme qui pouvait poser question. L'inclusivité de qui, de comment, dans quel contexte ? Et qu'en fait, on ne pouvait pas se prétendre à l'inclusivité de tous. Par exemple, à cette époque-là, nos recherches n'étaient pas spécialement dédiées ou orientées vers des personnes ayant des troubles de la lecture, par exemple. Ce qui est le cas aujourd'hui. on a une cellule qui... qui travaille sur une typographie à haut potentiel de lisibilité. Donc, on a aussi évolué à plein d'endroits. Et donc, le terme inclusif nous posait problème. Et donc, on est revenu à typographie non binaire, qui nous semblait être l'enjeu qui nous intéressait le plus. C'est-à-dire que nous, on voulait sortir de la binarité qui était comprise dans l'usage du point médian, qui sépare la forme masculine de la forme féminine. C'était vraiment là que ça nous intéressait, parce qu'on avait envie de pouvoir rendre visibles des identités de genre qui ne se définissent pas dans la binarité. Et donc... Pour des personnes à genre, genderfluide, en transition, on avait envie de pouvoir les représenter presque par la typographie. Et donc, on a utilisé une typographie non binaire. Et puis, personnellement, je suivais un cursus de master en études de genre. Et dans le cadre de mon master, je devais créer un concept philosophique. Et donc, comme on galérait avec ces noms et avec cette épistémologie, j'ai eu envie de travailler là-dessus. Et du coup, j'ai proposé Post Binaire dans l'idée de pouvoir se définir dans un futur qui n'existe pas encore, qui serait au-delà de la binarité. Et aussi de ne pas devoir se définir en négation du système actuel. Parce que je trouve que ce n'est pas hyper... engageant et positif de se définir en commençant par « je suis non quelque chose » . Bien sûr, on peut se définir à plein d'endroits par la négation, mais c'est aussi intéressant de donner de l'espoir dans même la terminologie, même de la définition de nos travaux, mais aussi d'identité. On peut se définir aussi comme post-binaire.

  • Speaker #0

    Ce mouvement réinvente donc les fontes de la langue française qui aujourd'hui nous limitent dans la création d'un langage inclusif. Les procédés typographiques postbinaires reposent entre autres sur l'entrelacement de lettres, de nouvelles ligatures ou glyphes, ou le recours à des symboles ou caractères comme l'astérique sous l'arrobase. Alors, si tu ne connais pas la ligature, c'est la fusion de deux ou trois graphèmes d'une écriture pour en former un nouveau. Par exemple, le E dans l'eau, de cœur, c'est une ligature. Une fusion de ces deux lettres pour en créer une unique. La typographie post-binaire invente de nouvelles ligatures pour arriver sur un langage plus inclusif. Par exemple, pour écrire le mot « inclusif » en post-binaire, il y a une fusion du F et du V qui crée une seule et même lettre. Idem pour « curieux » qui fusionne le X et le S. Dans ce cas précis, on évite le point médian. Je te laisse explorer ça en ligne sur le site de ByeByeBinary pour te faire une meilleure idée. L'utilisation de préfixes, suffixes et pronoms inclusifs font également partie de la construction de ce langage. En général, on connaît plutôt bien le « yel » dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Mais avec la collective, j'en ai découvert d'autres, comme « all » par exemple, que je ne connaissais pas.

  • Speaker #1

    Il y en a certains qui sont très anciens, qui remontent parfois à des usages d'anciens français. Je ne suis pas historienne de la langue, donc je ne vais pas m'aventurer à cet endroit. Je laisserai Eliane Vinault faire cette partie. Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est la multiplicité de ces usages. Donc le YEL, il est intéressant parce qu'en plus, il est rentré dans le dictionnaire, en tout cas dans le petit Robert en ligne. Ça, c'est hyper intéressant parce qu'il est rentré dans le dictionnaire. parce qu'on en réporterie un nombre d'usages suffisamment conséquents que pour qu'il rentre dans le dictionnaire. Donc ce n'est pas une décision arbitraire de dire on fait rentrer, on ne fait pas rentrer. C'est vraiment le recensement des usages qui le fait rentrer. Donc ça, c'est plutôt engageant, c'est intéressant. Mais il comprend en lui une forme de binarité puisque c'est une contraction du il et du elle. Alors que le al, par exemple, qui est un pronom qui est utilisé énormément par... la linguiste Alferatz, qui a fait la grammaire du français inclusif basée sur ce pronom. Donc on a pas mal de suffixes aussi qui s'accordent un peu en sonorité avec ce pronom. Et donc ça, c'est assez intéressant. Et là, ça revient vraiment aussi à des usages passés d'un impersonnel où on pouvait dire aussi Alpleu pour Il pleut. Et donc c'est une réappropriation de cette période de la langue qui est remise un peu au goût du... Enfin... au goût du jour, il y a des usages non-binaires aujourd'hui. Et le ul, il est étudié aussi par une théoricienne qui s'appelle Priscille Touraille, qui est partie sur une autre sonorité en u, pour également débinariser la langue. Et nous, le pronom ol nous intéressait beaucoup au sein de la collective, parce qu'il a été utilisé par une autrice de science-fiction qui s'appelle Clara Pacotte, qui avait commencé à l'utiliser dans des nouvelles, mais de façon assez simple, avec juste le ol au singulier, puis le « als » au pluriel. Et ça nous a donné envie, au sein de la collective, de développer une grammaire, enfin un petit précis de grammaire, ça fait une page à quatre, ce n'est pas un gros bouquin de 500 pages, mais un petit précis de grammaire qui s'appelle l'acadème, qui est basé sur ce pronom « al » avec des consonances, du coup, aussi, qui fonctionnent bien avec à l'oral. La question de l'oralité t'intéressait aussi, donc on a des suffixes en « al » comme étudiant « al » qui vont s'accorder avec le « al » . Donc « all » et « étudiantle » , par exemple.

  • Speaker #0

    Effectivement, la question de l'oralité m'intéresse tout particulièrement dans ce langage post-binaire, car visuellement, je trouve ces typographies très belles et accessibles pour la plupart. Mais la question qui me taraude, c'est sa retranscription à l'oral. Comment fait-on pour transposer ce nouveau langage oralement ?

  • Speaker #1

    Au sein de la collective, on valorise beaucoup la recherche empirique, c'est-à-dire qu'on teste, on essaye, on fait des erreurs. Et ça fait partie aussi de la beauté de la création. On n'aime pas les systématismes ou les systèmes imposés ou trop rigides. Donc on a tendance à encourager les personnes à simplement se lancer, tenter, expérimenter à l'oral, avec plein de trucs et astuces qui peuvent se développer au fur et à mesure. C'est vrai qu'à l'oral, j'aime bien utiliser la cadame parce qu'il est sonore et il s'entend, ce qui ne va pas toujours être le cas de certains usages typographiques. Comme par exemple l'usage de l'astérisque qui vient sabrer la terminaison genrée des mots. Si je dis étudiant ou je vais mettre un astérisque, je ne vais pas faire la différence avec le masculin neutre. Alors que visuellement, on va le voir à l'écrit, mais à l'oral, on ne va pas l'entendre. Donc du coup, moi, je fais un espèce de... mais c'est mon usage personnel, de mixte entre l'usage de la cadame à l'oral et puis des ligatures et la typographie à l'écrit. Et des fois, j'utilise aussi la CADAM à l'écrit, qui ne nécessite pas de typographie particulière. Quand j'écris des mails et que je n'ai pas la possibilité d'ajouter nos caractères typographiques, je vais souvent utiliser la CADAM. Mais dès que je suis dans un document qui me permet de choisir le caractère typographique et donc de choisir la fonte, je vais charger nos fontes. Parce que visuellement, il y a quand même quelque chose de très intéressant qui se passe dans ces systèmes de ligature qui lient. les suffixes masculin, féminin, et qui est très beau, graphique.

  • Speaker #0

    Avant de me lancer dans cet épisode, je me disais que cette nouvelle pratique typographique pouvait être complexe et peu accessible, comme la lecture de hiéroglyphes. Donc pour me faire mon propre avis, je me suis procuré le livre que Camille a justement publié sur le sujet. La typographie post-binaire, la typographie au-delà de l'écriture inclusive. aux éditions B42. C'est un livre très accessible et pédagogique qui revient sur l'histoire de la typographie et qui explore la typographie post-binaire. Mais surtout, ce livre est intégralement écrit en typographie post-binaire avec la police basse-coeur-vol que tu peux retrouver sur leur site, ce qui permet de tester la lecture. Alors, la lecture de la première page était surprenante. J'ai dû me faire à cette nouvelle typo. Mais très vite, mon cerveau et mon regard l'ont assimilée et ma lecture est devenue aussi fluide qu'avec une typographie classique. Alors, pourquoi fait-on face à autant de critiques qui jugent que ces typographies post-binaires manquent de lisibilité et d'accessibilité ?

  • Speaker #1

    Déjà sur la question de la lisibilité, ce que tu as dit est tout à fait juste. C'est-à-dire que dès qu'on se penche sur un texte, qu'on rentre dans le texte et qu'on essaye de le lire, sans avoir un a priori en disant « je ne vais pas savoir lire » , enfin juste « essayons » , on voit que les personnes, même les plus réfractaires, finissent par s'adoucir sur la question et se dire « ah oui, en fait ça va » . La plupart du temps, c'est ça. Si les personnes sont disposées à être... ouverte et à lire le texte. Et donc, il y a aussi une petite phrase de Suzanne Alicot qu'on aime bien citer au sein de la collective, c'est ce que tu lis le plus, c'est ce que tu vas lire le mieux. Et donc, c'est en effet, plus tu rencontres les occurrences, plus son cerveau va s'habituer et c'est un apprentissage comme un autre et tu vas l'intégrer et après quelques, ça dépend pour les personnes, mais quelques jours, quelques semaines, quelques mois, il y a... plus de barrières, vraiment. Et donc, en fait, c'est ce que tentent aussi à prouver les premières études de lisibilité, notamment celle de Sophie Vella, pour le public des personnes qui rencontrent des troubles de la lecture, dyslexie, neuroatypie. Ces personnes finissent par dire que c'est un type d'apprentissage et qu'il ne faut pas non plus les sous-estimer dans l'apprentissage qu'elles peuvent faire. Ce n'est pas non plus correct. L'argument d'être illisible pour les personnes d'I.C.E. c'est aussi un argument qui est souvent récupéré par des personnes dont ce n'est pas la problématique. C'est le cas notamment de la circulaire blancaire, entre autres, qui disent cela alors qu'en fait il n'y a pas d'études scientifiques qui ont été menées. Et il y a le réseau d'études Indie Féministe qui est composé de personnes concernées, a même publié un billet il y a quelques années qui dénonçait cette récupération. des personnes d'IS pour dévoyer les recherches en écriture inclusive donc ça il faut toujours bien regarder qui prononce cette remarque et bien entendu être aussi hyper vigilant si c'est les personnes concernées qui en parlent bien entendu il faut être attentif et les accueillir et donc c'est ce qu'on a fait au sein de la collective puisqu'on est en train de avec des personnes concernées travailler et au dessin d'un caractère, au potentiel de lisibilité. Mais ça nous semble aller de pair avec aussi des expérimentations qui sont parfois illisibles, parce que les identités qu'on cherche à traduire le sont aussi, parfois. Et donc, la question d'être lisible à tout prix, dans tous les contextes, pour nous est quelque chose de... En fait, qui demande ça, qui veut ça ? C'est aussi une question de pouvoir à cet endroit-là.

  • Speaker #0

    On y revient, la mauvaise foi et la stratégie politique derrière ces décisions. D'autant que Camille m'a partagé que l'environnement semblait plutôt se rédire face à ces innovations plutôt que d'investir dans ces nouveaux langages. Il faut dire que la société globale ne tend pas vers une direction inclusive et égalitaire. Il suffit de se pencher sur l'actualité. Les droits des minorités et des populations vulnérables sont mis en danger à mesure que l'extrême droite émerge un peu partout sur la planète. Forcément, en effet miroir, le langage s'en fait ressentir avec un contrôle plus étroit. Car derrière ce mouvement typographique, il y a bien évidemment des engagements politiques. Au-delà de la typographie, c'est quoi le post-binaire pour Camille et toute la collective qui souhaite porter cette vision du monde ?

  • Speaker #1

    Post-binarisme politique, c'est dans le sens « je prends position » . Et donc c'est se définir ou définir certains objets graphiques ou autres. comme étant post-binaire ou se définir soi-même comme post-binaire, c'est un positionnement politique. Et en fait, je le tire, je l'hérite un peu ou je le développe à partir du concept de lesbianisme politique qui a été développé par Adrienne Rich et Monique Wittig dans les années 80, où là, l'idée, c'était peu importe le type de relation sexuelle ou pratique que j'ai, peu importe, à partir du moment où je me définis comme une lesbienne, j'endosse avec moi toute la problématique des... qu'est-ce qu'être lesbienne dans cette société ? Et donc, c'est un peu la même chose avec le post-binarisme, c'est-à-dire à partir du moment où je me dis post-binaire, c'est-à-dire que je m'efforce de voir la société sous un prisme post-binaire, et donc non-binaire, en permanence, et de toujours... C'est un peu comme si on... Enfin, la comparaison est facile à faire, mais on comprend mieux en général. C'est un peu comme quand on dit qu'on chausse les lunettes du féminisme. C'est une façon de voir le monde, de se positionner, et du coup aussi de faire des choix politiques.

  • Speaker #0

    Et justement, il ressemble à quoi notre futur avec ces lunettes post-binaires ?

  • Speaker #1

    C'est justement une question que je traite pas mal en ce moment, parce que j'espère sortir un petit ouvrage qui s'appellera Futur post-binaire, où justement j'essaye de voir au-delà de la typographie, parce que dans la typographie ça me paraît assez clair et évident, parce que c'est mon sujet de recherche et donc je me projette facilement, mais là l'idée ça serait de voir en dehors de cet objet typographique. Comment façonner un monde post-binaire sous d'autres aspects ? C'est une question qui est en réflexion pour le moment chez moi, et c'est vraiment parfois très difficile d'y penser, parce qu'on est tellement construit dans la binarité à tous les endroits, que c'est très difficile de déconstruire pas mal de choses. Et une des premières réflexions que je me suis faites, c'était que, avant de construire quelque chose de nouveau, quelque chose qui serait post, Il faut d'abord déconstruire... énormément de choses et donc on commencerait par ne plus faire certaines choses dans un monde post-binaire. On commencerait par ne plus genrer les personnes en leur disant bonjour. Après, en termes de représentation, en fait, ce serait aussi accueillir plus d'ambiguïté. Dans mon monde post-binaire, il serait ambigu à plein d'endroits. C'est justement ne pas définir quelque chose dans la binarité noir ou blanc mais d'avoir vraiment quelque chose qui soit ambigu. Et en cela, la figure du... de la drague cuir est assez parlante aussi, je l'utilise aussi dans le livre, en disant que la typographie post-binaire est une drague cuir qui vous parle, que Butler, avant moi, avait déjà utilisée pour parler de la performativité du genre, mais qui est aujourd'hui, en plus, avec tous les shows qu'on peut voir aussi, qui est assez dans une espèce de culture pop, qui me semble une figure intéressante à développer pour le futur. On devrait tous être des dragues cuir, quoi. dans mon futur post-binaire.

  • Speaker #0

    Et si c'était ça l'utopie de notre langue ? Faire tomber les murs des privilèges, effacer les frontières du genre et s'emparer de la créativité pour redonner vie à un langage plus juste, plus inclusif et plus libre. Dans le livre de Camille, un passage m'a marquée tant il représente bien le pouvoir de ces langages inclusifs. Si les outils du maître ne démantèleront jamais la maison du maître, Les nouvelles formes typographiques inclusives, non-binaires, post-binaires, permettent à minima d'ouvrir les imaginaires pour devenir des outils de résistance. Une technologie émancipatrice face à la masculinisation du français, qui prédomine depuis le XVIIe siècle et prône le masculin comme neutre et universel. Dans cette enquête, nous avons été accompagnés des archéologues, artistes et activistes linguistiques Qui souhaite ? ensemble démasculiniser le langage et détruire les frontières. Un collectif qui souhaite imaginer un futur égalitaire, à la hauteur de notre devise qui attend sa révolution linguistique, pour enfin voir briller ses promesses. Liberté, égalité, Adelphité. La langue française se réveille enfin d'un long sommeil patriarcal et déjà bien fissuré. Yel te dit je t'aime, Yel te dit je t'attends. pour chanter la révolution d'un nouveau récit post-binaire et enfin égalitaire. Un grand merci à Camille et la collectif Bye Bye Binary, nos invités de cet épisode. Pour la suite de cette enquête, on se retrouve le 10 juin pour l'interview spéciale qui viendra clôturer cette enquête aux côtés de la créatrice de contenu et autrice, Louise Ouléhu. Cet épisode a été écrit et réalisé par Lovoline Dargerie. Montage et mixage par Elsa Tumerel. Mirage est un podcast indépendant. Pour nous soutenir, tu peux t'abonner, liker, commenter, partager et mettre des étoiles pour participer à cette grande révolution narrative. À très vite !

  • Speaker #2

    C'est essentiel la manière dont on parle, c'est la manière dont on pense, donc la manière dont on agit. La langue est en train de changer. Le langage inclusif, c'est une intention en fait, c'est pas juste des outils. Les gens qui disaient « c'est moche, c'est trahi, c'est viril, c'est maladeux, c'est moche et... » Une fois, « théologues, c'est beau » « le poillon est grave » C'est parce que, encore une fois, la langue est une pratique sociale. Le féminisme, c'est l'idée radicale selon laquelle les femmes sont de percées. Je pense que nous faisons ce que tu veux.

Description

Dans ce quatrième épisode de l'enquête Mirage dédiée aux inégalités de genre dans la langue française, on retrouve Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary pour parler de typographie et langage post-binaire pour tendre vers une plus grande inclusivité de notre langue.

Tu peux retrouver leurs typographies sur le site juste ici :
https://typotheque.genderfluid.space/fr


Mirage est un podcast indépendant imaginé et créé par Laureline Dargery.
Montage et mixage par Elsa Thumerel.
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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Notre identité est une fiction. Paul Preciado Le masculin ne l'emportera pas toujours sur le féminin. Épisode 4 Yel te dit je t'aime Pendant des années, j'ai fait partie de cette catégorie de personnes qui rejetaient en bloc le mot autrice. Tout simplement parce que je trouvais ça moche et parce que auteur avec un E, c'était vachement plus élégant. Des années à ne pas interroger ce qui se cache derrière le dit bon goût, ce qu'il façonne et comment on nous le transmet, comment on parvient à nous faire croire que ce goût c'est le nôtre et qu'il est gage d'une bonne éducation. Remettre en cause ce bon goût, c'est remettre en cause tout un système et reconnaître que dans le cadre de la langue, ce goût préfabriqué fut pendant trop longtemps le meilleur allié d'une toute petite poignée de privilégiés et le garant d'un système d'inégalité. Dans le cadre de la langue, mais pas que. En me replongeant dans les trois premiers épisodes de cette enquête, je me rends compte combien les arguments des chercheuses et expertes qu'on a reçus sont rationnels et précis.

  • Speaker #1

    Que les femmes soient visibles dans la langue. Parlée et écrite, c'est normal dans un pays comme le nôtre qui depuis 70 ans se réclame de l'égalité.

  • Speaker #0

    Mais surtout qu'il y a un panel de propositions si large pour faire évoluer notre langage dans la bonne direction. Mais pour cela, il faut faire exploser le barrage médiatique et politique. Et ça, ça demande du temps. Je me rends également compte qu'on a essentiellement parlé d'égalité pour la moitié de la population, à savoir les femmes. C'est l'angle par lequel on a mené cette enquête. Pourtant, un langage inclusif se doit de l'aide pour toutes les parties de la population. Il faudrait alors faire tomber les frontières, décoloniser le langage, offrir un espace langagier plus libre et créatif pour que tout le monde y trouve sa place. Pourtant, je m'interroge. Comment parvient-on à s'ouvrir à un tel équilibre lorsque notre langue est construite sur une logique de binarité ? Est-il possible d'aller au-delà des fontes pour porter un langage d'égalité ? Est-ce que la survie de notre langue et de la démocratie ne se trouverait pas dans une destruction profonde de notre langue pour une meilleure réinvention ?

  • Speaker #2

    Et pour qu'on oublie l'histoire. L'histoire de France, l'histoire du monde. Complètement. Il n'y a plus aucune mémoire de ce qui a été vécu, c'est-à-dire de l'intolérable, sur tous les fonds, sur tous les points, tout cassé.

  • Speaker #0

    Tout cassé, tout réinventé, comme l'imaginait déjà Marguerite Duras à son époque. Mais avant de tout casser, j'ai découvert que des chercheuses et chercheurs de la francophonie travaillaient sur une nouvelle proposition typographique pour retirer la binarité de notre langage. faire tomber les frontières du genre pour une proposition langagière plus juste et inclusive. C'est ce qu'on appelle la typographie inclusive ou post-binaire, un mouvement qui crée des polices de caractère facilitant une écriture non genrée. J'ai trouvé le concept intelligent et particulièrement créatif. Il apporte une réponse concrète aux limites de notre langage. Pour en apprendre plus sur le sujet, j'ai décidé de me rendre à Bruxelles à la rencontre de Camille Circlude de la collective Bye Bye Binary. Je te propose de venir avec moi à leur rencontre de l'autre côté du Thalys.

  • Speaker #1

    Alors la collective Bye Bye Binary s'est formée en 2018 à la suite d'un workshop commun de l'école de recherche graphique et de la Cambre à Bruxelles. On avait invité pour cette occasion, on avait ouvert les inscriptions à... toute une chaquine. Et donc, on a formé un groupe qui n'était pas exclusivement composé d'étudiants de ces deux écoles, mais plus large. Et donc, aujourd'hui, la collective est composée d'une vingtaine de membres qui sont graphistes, typographistes, chercheuses, auteure X, et même boulangers.

  • Speaker #0

    En me promenant sur leur site, j'ai découvert que la collective propose en libre accès et sous condition un nombre important de typographies post-binaires qu'il est possible d'utiliser dans ses propres communications. On y retrouve ainsi le travail des différents membres de la collective, et la première impression que j'ai eue, c'est l'immense créativité présente dans ces propositions typographiques. On y rentrera plus en détail par la suite, mais ces typographies proposent de nouvelles fontes et utilisations qui réinventent notre langage. Alors, je parle ici de typographie post-binaire. C'est le terme qui ressort le plus dans leur communication. Mais on retrouve aussi les appellations de typographie inclusive, ou bien encore typographie non-binaire. Pour bien comprendre son contenu, quelle est leur différence ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est un chemin épistémologique. Donc au départ, au tout début de la collective, on a utilisé typographie inclusive, simplement parce qu'à cette époque-là, dans les médias, et c'est toujours le cas aujourd'hui d'ailleurs, il y avait pas mal de crispations sur l'écriture inclusive. Et nous, pour jouer de similarité, pour être compréhensible dans notre démarche de recherche, on s'est dit qu'on allait utiliser typographie inclusive pour que les personnes puissent comprendre que c'était dans le champ de l'écriture inclusive. Mais c'est une partie, parce que l'écriture inclusive est bien plus vaste que la typographie. Et donc, on a joué de similitudes en employant ce terme. Et puis, en fait, on s'est rendu compte que c'est un terme qui pouvait poser question. L'inclusivité de qui, de comment, dans quel contexte ? Et qu'en fait, on ne pouvait pas se prétendre à l'inclusivité de tous. Par exemple, à cette époque-là, nos recherches n'étaient pas spécialement dédiées ou orientées vers des personnes ayant des troubles de la lecture, par exemple. Ce qui est le cas aujourd'hui. on a une cellule qui... qui travaille sur une typographie à haut potentiel de lisibilité. Donc, on a aussi évolué à plein d'endroits. Et donc, le terme inclusif nous posait problème. Et donc, on est revenu à typographie non binaire, qui nous semblait être l'enjeu qui nous intéressait le plus. C'est-à-dire que nous, on voulait sortir de la binarité qui était comprise dans l'usage du point médian, qui sépare la forme masculine de la forme féminine. C'était vraiment là que ça nous intéressait, parce qu'on avait envie de pouvoir rendre visibles des identités de genre qui ne se définissent pas dans la binarité. Et donc... Pour des personnes à genre, genderfluide, en transition, on avait envie de pouvoir les représenter presque par la typographie. Et donc, on a utilisé une typographie non binaire. Et puis, personnellement, je suivais un cursus de master en études de genre. Et dans le cadre de mon master, je devais créer un concept philosophique. Et donc, comme on galérait avec ces noms et avec cette épistémologie, j'ai eu envie de travailler là-dessus. Et du coup, j'ai proposé Post Binaire dans l'idée de pouvoir se définir dans un futur qui n'existe pas encore, qui serait au-delà de la binarité. Et aussi de ne pas devoir se définir en négation du système actuel. Parce que je trouve que ce n'est pas hyper... engageant et positif de se définir en commençant par « je suis non quelque chose » . Bien sûr, on peut se définir à plein d'endroits par la négation, mais c'est aussi intéressant de donner de l'espoir dans même la terminologie, même de la définition de nos travaux, mais aussi d'identité. On peut se définir aussi comme post-binaire.

  • Speaker #0

    Ce mouvement réinvente donc les fontes de la langue française qui aujourd'hui nous limitent dans la création d'un langage inclusif. Les procédés typographiques postbinaires reposent entre autres sur l'entrelacement de lettres, de nouvelles ligatures ou glyphes, ou le recours à des symboles ou caractères comme l'astérique sous l'arrobase. Alors, si tu ne connais pas la ligature, c'est la fusion de deux ou trois graphèmes d'une écriture pour en former un nouveau. Par exemple, le E dans l'eau, de cœur, c'est une ligature. Une fusion de ces deux lettres pour en créer une unique. La typographie post-binaire invente de nouvelles ligatures pour arriver sur un langage plus inclusif. Par exemple, pour écrire le mot « inclusif » en post-binaire, il y a une fusion du F et du V qui crée une seule et même lettre. Idem pour « curieux » qui fusionne le X et le S. Dans ce cas précis, on évite le point médian. Je te laisse explorer ça en ligne sur le site de ByeByeBinary pour te faire une meilleure idée. L'utilisation de préfixes, suffixes et pronoms inclusifs font également partie de la construction de ce langage. En général, on connaît plutôt bien le « yel » dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Mais avec la collective, j'en ai découvert d'autres, comme « all » par exemple, que je ne connaissais pas.

  • Speaker #1

    Il y en a certains qui sont très anciens, qui remontent parfois à des usages d'anciens français. Je ne suis pas historienne de la langue, donc je ne vais pas m'aventurer à cet endroit. Je laisserai Eliane Vinault faire cette partie. Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est la multiplicité de ces usages. Donc le YEL, il est intéressant parce qu'en plus, il est rentré dans le dictionnaire, en tout cas dans le petit Robert en ligne. Ça, c'est hyper intéressant parce qu'il est rentré dans le dictionnaire. parce qu'on en réporterie un nombre d'usages suffisamment conséquents que pour qu'il rentre dans le dictionnaire. Donc ce n'est pas une décision arbitraire de dire on fait rentrer, on ne fait pas rentrer. C'est vraiment le recensement des usages qui le fait rentrer. Donc ça, c'est plutôt engageant, c'est intéressant. Mais il comprend en lui une forme de binarité puisque c'est une contraction du il et du elle. Alors que le al, par exemple, qui est un pronom qui est utilisé énormément par... la linguiste Alferatz, qui a fait la grammaire du français inclusif basée sur ce pronom. Donc on a pas mal de suffixes aussi qui s'accordent un peu en sonorité avec ce pronom. Et donc ça, c'est assez intéressant. Et là, ça revient vraiment aussi à des usages passés d'un impersonnel où on pouvait dire aussi Alpleu pour Il pleut. Et donc c'est une réappropriation de cette période de la langue qui est remise un peu au goût du... Enfin... au goût du jour, il y a des usages non-binaires aujourd'hui. Et le ul, il est étudié aussi par une théoricienne qui s'appelle Priscille Touraille, qui est partie sur une autre sonorité en u, pour également débinariser la langue. Et nous, le pronom ol nous intéressait beaucoup au sein de la collective, parce qu'il a été utilisé par une autrice de science-fiction qui s'appelle Clara Pacotte, qui avait commencé à l'utiliser dans des nouvelles, mais de façon assez simple, avec juste le ol au singulier, puis le « als » au pluriel. Et ça nous a donné envie, au sein de la collective, de développer une grammaire, enfin un petit précis de grammaire, ça fait une page à quatre, ce n'est pas un gros bouquin de 500 pages, mais un petit précis de grammaire qui s'appelle l'acadème, qui est basé sur ce pronom « al » avec des consonances, du coup, aussi, qui fonctionnent bien avec à l'oral. La question de l'oralité t'intéressait aussi, donc on a des suffixes en « al » comme étudiant « al » qui vont s'accorder avec le « al » . Donc « all » et « étudiantle » , par exemple.

  • Speaker #0

    Effectivement, la question de l'oralité m'intéresse tout particulièrement dans ce langage post-binaire, car visuellement, je trouve ces typographies très belles et accessibles pour la plupart. Mais la question qui me taraude, c'est sa retranscription à l'oral. Comment fait-on pour transposer ce nouveau langage oralement ?

  • Speaker #1

    Au sein de la collective, on valorise beaucoup la recherche empirique, c'est-à-dire qu'on teste, on essaye, on fait des erreurs. Et ça fait partie aussi de la beauté de la création. On n'aime pas les systématismes ou les systèmes imposés ou trop rigides. Donc on a tendance à encourager les personnes à simplement se lancer, tenter, expérimenter à l'oral, avec plein de trucs et astuces qui peuvent se développer au fur et à mesure. C'est vrai qu'à l'oral, j'aime bien utiliser la cadame parce qu'il est sonore et il s'entend, ce qui ne va pas toujours être le cas de certains usages typographiques. Comme par exemple l'usage de l'astérisque qui vient sabrer la terminaison genrée des mots. Si je dis étudiant ou je vais mettre un astérisque, je ne vais pas faire la différence avec le masculin neutre. Alors que visuellement, on va le voir à l'écrit, mais à l'oral, on ne va pas l'entendre. Donc du coup, moi, je fais un espèce de... mais c'est mon usage personnel, de mixte entre l'usage de la cadame à l'oral et puis des ligatures et la typographie à l'écrit. Et des fois, j'utilise aussi la CADAM à l'écrit, qui ne nécessite pas de typographie particulière. Quand j'écris des mails et que je n'ai pas la possibilité d'ajouter nos caractères typographiques, je vais souvent utiliser la CADAM. Mais dès que je suis dans un document qui me permet de choisir le caractère typographique et donc de choisir la fonte, je vais charger nos fontes. Parce que visuellement, il y a quand même quelque chose de très intéressant qui se passe dans ces systèmes de ligature qui lient. les suffixes masculin, féminin, et qui est très beau, graphique.

  • Speaker #0

    Avant de me lancer dans cet épisode, je me disais que cette nouvelle pratique typographique pouvait être complexe et peu accessible, comme la lecture de hiéroglyphes. Donc pour me faire mon propre avis, je me suis procuré le livre que Camille a justement publié sur le sujet. La typographie post-binaire, la typographie au-delà de l'écriture inclusive. aux éditions B42. C'est un livre très accessible et pédagogique qui revient sur l'histoire de la typographie et qui explore la typographie post-binaire. Mais surtout, ce livre est intégralement écrit en typographie post-binaire avec la police basse-coeur-vol que tu peux retrouver sur leur site, ce qui permet de tester la lecture. Alors, la lecture de la première page était surprenante. J'ai dû me faire à cette nouvelle typo. Mais très vite, mon cerveau et mon regard l'ont assimilée et ma lecture est devenue aussi fluide qu'avec une typographie classique. Alors, pourquoi fait-on face à autant de critiques qui jugent que ces typographies post-binaires manquent de lisibilité et d'accessibilité ?

  • Speaker #1

    Déjà sur la question de la lisibilité, ce que tu as dit est tout à fait juste. C'est-à-dire que dès qu'on se penche sur un texte, qu'on rentre dans le texte et qu'on essaye de le lire, sans avoir un a priori en disant « je ne vais pas savoir lire » , enfin juste « essayons » , on voit que les personnes, même les plus réfractaires, finissent par s'adoucir sur la question et se dire « ah oui, en fait ça va » . La plupart du temps, c'est ça. Si les personnes sont disposées à être... ouverte et à lire le texte. Et donc, il y a aussi une petite phrase de Suzanne Alicot qu'on aime bien citer au sein de la collective, c'est ce que tu lis le plus, c'est ce que tu vas lire le mieux. Et donc, c'est en effet, plus tu rencontres les occurrences, plus son cerveau va s'habituer et c'est un apprentissage comme un autre et tu vas l'intégrer et après quelques, ça dépend pour les personnes, mais quelques jours, quelques semaines, quelques mois, il y a... plus de barrières, vraiment. Et donc, en fait, c'est ce que tentent aussi à prouver les premières études de lisibilité, notamment celle de Sophie Vella, pour le public des personnes qui rencontrent des troubles de la lecture, dyslexie, neuroatypie. Ces personnes finissent par dire que c'est un type d'apprentissage et qu'il ne faut pas non plus les sous-estimer dans l'apprentissage qu'elles peuvent faire. Ce n'est pas non plus correct. L'argument d'être illisible pour les personnes d'I.C.E. c'est aussi un argument qui est souvent récupéré par des personnes dont ce n'est pas la problématique. C'est le cas notamment de la circulaire blancaire, entre autres, qui disent cela alors qu'en fait il n'y a pas d'études scientifiques qui ont été menées. Et il y a le réseau d'études Indie Féministe qui est composé de personnes concernées, a même publié un billet il y a quelques années qui dénonçait cette récupération. des personnes d'IS pour dévoyer les recherches en écriture inclusive donc ça il faut toujours bien regarder qui prononce cette remarque et bien entendu être aussi hyper vigilant si c'est les personnes concernées qui en parlent bien entendu il faut être attentif et les accueillir et donc c'est ce qu'on a fait au sein de la collective puisqu'on est en train de avec des personnes concernées travailler et au dessin d'un caractère, au potentiel de lisibilité. Mais ça nous semble aller de pair avec aussi des expérimentations qui sont parfois illisibles, parce que les identités qu'on cherche à traduire le sont aussi, parfois. Et donc, la question d'être lisible à tout prix, dans tous les contextes, pour nous est quelque chose de... En fait, qui demande ça, qui veut ça ? C'est aussi une question de pouvoir à cet endroit-là.

  • Speaker #0

    On y revient, la mauvaise foi et la stratégie politique derrière ces décisions. D'autant que Camille m'a partagé que l'environnement semblait plutôt se rédire face à ces innovations plutôt que d'investir dans ces nouveaux langages. Il faut dire que la société globale ne tend pas vers une direction inclusive et égalitaire. Il suffit de se pencher sur l'actualité. Les droits des minorités et des populations vulnérables sont mis en danger à mesure que l'extrême droite émerge un peu partout sur la planète. Forcément, en effet miroir, le langage s'en fait ressentir avec un contrôle plus étroit. Car derrière ce mouvement typographique, il y a bien évidemment des engagements politiques. Au-delà de la typographie, c'est quoi le post-binaire pour Camille et toute la collective qui souhaite porter cette vision du monde ?

  • Speaker #1

    Post-binarisme politique, c'est dans le sens « je prends position » . Et donc c'est se définir ou définir certains objets graphiques ou autres. comme étant post-binaire ou se définir soi-même comme post-binaire, c'est un positionnement politique. Et en fait, je le tire, je l'hérite un peu ou je le développe à partir du concept de lesbianisme politique qui a été développé par Adrienne Rich et Monique Wittig dans les années 80, où là, l'idée, c'était peu importe le type de relation sexuelle ou pratique que j'ai, peu importe, à partir du moment où je me définis comme une lesbienne, j'endosse avec moi toute la problématique des... qu'est-ce qu'être lesbienne dans cette société ? Et donc, c'est un peu la même chose avec le post-binarisme, c'est-à-dire à partir du moment où je me dis post-binaire, c'est-à-dire que je m'efforce de voir la société sous un prisme post-binaire, et donc non-binaire, en permanence, et de toujours... C'est un peu comme si on... Enfin, la comparaison est facile à faire, mais on comprend mieux en général. C'est un peu comme quand on dit qu'on chausse les lunettes du féminisme. C'est une façon de voir le monde, de se positionner, et du coup aussi de faire des choix politiques.

  • Speaker #0

    Et justement, il ressemble à quoi notre futur avec ces lunettes post-binaires ?

  • Speaker #1

    C'est justement une question que je traite pas mal en ce moment, parce que j'espère sortir un petit ouvrage qui s'appellera Futur post-binaire, où justement j'essaye de voir au-delà de la typographie, parce que dans la typographie ça me paraît assez clair et évident, parce que c'est mon sujet de recherche et donc je me projette facilement, mais là l'idée ça serait de voir en dehors de cet objet typographique. Comment façonner un monde post-binaire sous d'autres aspects ? C'est une question qui est en réflexion pour le moment chez moi, et c'est vraiment parfois très difficile d'y penser, parce qu'on est tellement construit dans la binarité à tous les endroits, que c'est très difficile de déconstruire pas mal de choses. Et une des premières réflexions que je me suis faites, c'était que, avant de construire quelque chose de nouveau, quelque chose qui serait post, Il faut d'abord déconstruire... énormément de choses et donc on commencerait par ne plus faire certaines choses dans un monde post-binaire. On commencerait par ne plus genrer les personnes en leur disant bonjour. Après, en termes de représentation, en fait, ce serait aussi accueillir plus d'ambiguïté. Dans mon monde post-binaire, il serait ambigu à plein d'endroits. C'est justement ne pas définir quelque chose dans la binarité noir ou blanc mais d'avoir vraiment quelque chose qui soit ambigu. Et en cela, la figure du... de la drague cuir est assez parlante aussi, je l'utilise aussi dans le livre, en disant que la typographie post-binaire est une drague cuir qui vous parle, que Butler, avant moi, avait déjà utilisée pour parler de la performativité du genre, mais qui est aujourd'hui, en plus, avec tous les shows qu'on peut voir aussi, qui est assez dans une espèce de culture pop, qui me semble une figure intéressante à développer pour le futur. On devrait tous être des dragues cuir, quoi. dans mon futur post-binaire.

  • Speaker #0

    Et si c'était ça l'utopie de notre langue ? Faire tomber les murs des privilèges, effacer les frontières du genre et s'emparer de la créativité pour redonner vie à un langage plus juste, plus inclusif et plus libre. Dans le livre de Camille, un passage m'a marquée tant il représente bien le pouvoir de ces langages inclusifs. Si les outils du maître ne démantèleront jamais la maison du maître, Les nouvelles formes typographiques inclusives, non-binaires, post-binaires, permettent à minima d'ouvrir les imaginaires pour devenir des outils de résistance. Une technologie émancipatrice face à la masculinisation du français, qui prédomine depuis le XVIIe siècle et prône le masculin comme neutre et universel. Dans cette enquête, nous avons été accompagnés des archéologues, artistes et activistes linguistiques Qui souhaite ? ensemble démasculiniser le langage et détruire les frontières. Un collectif qui souhaite imaginer un futur égalitaire, à la hauteur de notre devise qui attend sa révolution linguistique, pour enfin voir briller ses promesses. Liberté, égalité, Adelphité. La langue française se réveille enfin d'un long sommeil patriarcal et déjà bien fissuré. Yel te dit je t'aime, Yel te dit je t'attends. pour chanter la révolution d'un nouveau récit post-binaire et enfin égalitaire. Un grand merci à Camille et la collectif Bye Bye Binary, nos invités de cet épisode. Pour la suite de cette enquête, on se retrouve le 10 juin pour l'interview spéciale qui viendra clôturer cette enquête aux côtés de la créatrice de contenu et autrice, Louise Ouléhu. Cet épisode a été écrit et réalisé par Lovoline Dargerie. Montage et mixage par Elsa Tumerel. Mirage est un podcast indépendant. Pour nous soutenir, tu peux t'abonner, liker, commenter, partager et mettre des étoiles pour participer à cette grande révolution narrative. À très vite !

  • Speaker #2

    C'est essentiel la manière dont on parle, c'est la manière dont on pense, donc la manière dont on agit. La langue est en train de changer. Le langage inclusif, c'est une intention en fait, c'est pas juste des outils. Les gens qui disaient « c'est moche, c'est trahi, c'est viril, c'est maladeux, c'est moche et... » Une fois, « théologues, c'est beau » « le poillon est grave » C'est parce que, encore une fois, la langue est une pratique sociale. Le féminisme, c'est l'idée radicale selon laquelle les femmes sont de percées. Je pense que nous faisons ce que tu veux.

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