Patrick Servel de la Ciotat pour être exact. C'est une histoire qui a déjà été racontée de nombreuses fois, comment lutter pour échapper à un avenir déjà tracé par ses parents, et souvent d'ailleurs c'est souvent le plus, c'est par le paternel, par le père. alors si bon Pour la plupart du temps, le cinéma s'intéresse à des jeunes qui veulent sortir du monde sain, voire étriquer de leur milieu social, aspirer à aller vers le haut, rêver plus haut que les ambitions personnelles. Et bien là, Enzo, et ça donne le titre au film, est un jeune... Oui, désolé, mais j'avais coupé ton micro parce que je voulais être tranquille pendant que je parlais. Alors donc on a Enzo, jeune garçon de 16 ans, il vit dans une luxueuse maison qui surplombe la Méditerranée, donc je l'ai dit, vers la Ciota. Alors ses parents, c'est plutôt classe socio-professionnelle plus, le père est un prof de maths, enfin pas un prof de collège, mais un de ceux qui encadrent des doctorants. Elle... Là déjà elle le dit, elle n'ose pas le dire mais elle a un salaire plus élevé, c'est une ingénieure, ingénieure en quoi on ne sait pas exactement. Et on a le frère aîné qui devrait bientôt suivre de grandes études. Lui Enzo c'est plutôt ce qu'on appelle des décrocheurs, c'est ce que dit son père même si sa mère n'aime pas trop le mot. Et donc il est dans un CFA, un centre de formation des apprentis et sa spécialité c'est la maçonnerie. Il n'y a pas de sommetier mais quand même le père ouvert et prêt à tout pour que... Son puce puisse s'exprimer différemment, pourquoi pas dans les beaux-arts, puisqu'il dessine bien. Mais Enzo, il ne sait pas bien ce qu'il veut. Il dit que la maison n'est pas la sienne, qu'il ne fait pas partie de cette famille. Enzo, en fait, il s'interroge sur l'empreinte qu'il pourrait laisser dans ce monde. Il dit que construire une maison, ça, ça laisse des traces. Alors, qu'enseigner des maths ? Pour autant, Enzo, on ne peut pas dire non plus qu'il excelle dans le métier qu'il envisage de suivre. faudrait peut-être d'ailleurs pour ça qu'il y croit un petit peu. Mais là, est-ce qu'il y croit Enzo ? Mais Enzo, qu'est-ce qu'il a Enzo ? Il est tout simplement un adolescent. Et puis, comme les murs qu'il monte, je pourrais dire qu'il est work in progress. Il est en travaux, le Enzo. Alors, le paradoxe de l'adolescent, à l'extérieur, dans le monde des ouvriers, certains lui ont posé la question, mais qu'est-ce que tu fiches là avec nous, nous, dans ta situation ? C'est sûr qu'on ne fera pas ce métier. Nous, on est obligés de le faire. Pas toi. Et quand on se met à l'intérieur de la famille, une famille, c'est sûr, compréhensif. Ils essayent, et ce que fait le lot de la plupart des parents, ils essayent de comprendre ce qui est incompréhensible. Être ado, c'est incompréhensible. Il n'y a que quand on est ado qu'on comprend pourquoi on est incompréhensible, mais les parents, ils ne comprennent jamais. Dans cette histoire va apparaître un personnage, c'est Vlad, il y a des petites musiques qui viennent. C'est pas moi. Non, non, mais je sais pas, ça doit être de mon micro. Alors donc on a Vlad, c'est un collègue, un collègue de travail qui vient d'Ukraine. Et lui, il va permettre à Enzo de s'ouvrir vers d'autres perspectives. Ça va être une sorte de révélateur, il va être une fenêtre sur un horizon plus vaste, un monde où on a peut-être plus de... possibilités, où on est en dehors des limites imposées par son environnement immédiat. Alors la relation entre les deux personnages est assez intéressante. Vlad, j'en dis pas plus, mais devra être ferme à certains moments face à un Enzo qui est en recherche affective peut-être même certainement plus. Alors, le film, je ne l'ai pas dit, a été réalisé au début, si vous voyez le générique, c'est marqué, un film de Laurent Cantet réalisé par j'ai plus son prénom, Robert Campillo. Alors, moi j'ai trouvé des choses intéressantes dans leur mise en scène. On a par exemple cette ambiance de chantier, avec cette atmosphère bruyante, alors bruyante et aussi les interactions sont assez brutales dans ce lieu très vivant qui est en fort contraste avec, je ne vais pas dire un espace confiné. Parce que là, on est sur des belles terrasses, mais il y a quand même cette ambiance un peu confinée et austère, ensoleillée quand même, de cette villa familiale. On a aussi ce qui est intéressant, je trouve, les paysages qui sont filmés. Ça sert un peu de miroir à l'évolution d'Enzo. Ça nous amplifie. Je ne dis rien non plus sur le film, mais on sent qu'il a des moments de doute, il a des moments de révolte, il a des moments aussi de découverte. Une très belle photographie qui sait capturer cette lumière crue du sud de la France. Et puis aussi, je le redis, cette vie au... quotidien des ouvriers, et là on peut le dire actuellement, nous dans cette période de canicule qui commence, moi j'ai trouvé que cette approche était vraiment intéressante. Ce film aussi met en évidence, s'il en était encore besoin, que les interrogations, les aspirations d'un adolescent dépassent souvent les frontières culturelles et économiques. C'est bien dit dans le film, cet ado, il est... Je l'ai dit en construction, il n'est pas bien, il est malheureux, mais ce n'est pas son environnement familial qui fait ça. Ça pourrait être un peu n'importe où qu'il soit. Alors, au niveau de l'interprétation, moi je trouve qu'en tant que spectateur, on est assez gâté. Alors, le jeune, il a un jeu vraiment très subtil, très intelligent. On a aussi Pierfrancesco Favino, l'Italien, qui est un Un père qui s'interroge peut-être un peu trop. Et c'est sûr que même s'il s'y prend mal, c'est sûr, on le sent bien, que c'est un père qui souhaite le meilleur pour ses fils, pour son fils. On a aussi la mère Élodie Bouchèze, plus en retrait, mais je trouve qu'elle joue merveilleusement cette mère attentive qui donne une impression d'être moins impliquée. mais qu'il l'est, bien évidemment. On a peut-être quelques faiblesses narratives dans la relation Enzo et Vlad, parce qu'il y a des choses... C'est assez émouvant, mais il y a des moments où c'est un peu prévisible, ce qui peut un petit peu gêner. Et ce qui m'a gêné aussi, le plan final, les scènes finales, m'ont gêné. J'ai pas aimé.
Patrick Servel Et puis on nous donne... On nous donne une clé, on nous donne une réponse que je n'ai pas aimé entendre. Alors, bien qu'il y ait ces quelques imperfections, moi je trouve que c'est un film qui arrive à nous captiver par une telle authenticité, un regard lucide sur ces jeunes face aux attentes personnelles, familiales, sociales, avec dans ce film une performance impeccable, une mise en scène très réaliste. C'est un film qui invite à une réflexion profonde. sur ce que signifie tracer son propre chemin dans la ville. Alors, tout à l'heure, je l'ai à peine évoqué, c'est un film posthume, puisque c'est le dernier film de Laurent Cantet qui avait été palme d'or pour Entre les murs en 2008. Il est décédé en 2024 suite d'une maladie. Donc, il l'avait co-écrit avec son ami de longue date, Robin Campillot. Robin Campillot, juste pour mémoire, c'est 120 battements par minute. Alors, comme il n'a pas pu assurer la réalisation de son film, Il a demandé à son ami de faire ce film. Alors, je précise, les deux jeunes, enfin, le jeune et le Vlad, sont deux acteurs qui n'avaient jamais... Ah,
Hervé Bryun film de réalisé par un, c'est peu commun de voir ça au début d'un générique. Bon alors Laurent Canté et Romain Campigliet a été complices artistiques de longue date. Le second ayant scénarisé et monté la plupart des films du premier. Ouais tu citais Entre les murs, c'est le cas La Palme d'Or 2018. Et leur sensibilité partagée nous donne le très beau portrait d'un adolescent qui sait plus trop où il habite. Ou plutôt il veut plus habiter où il habite. C'est à dire dans un milieu aisé qui lui semble un peu factice. Mais les parents ils sont quand même... aimant, il essaie d'être compréhensif les pauvres, c'est une sorte de transfus de classe à l'envers comme tu l'as soufflé Céline, qui se cherche au niveau professionnel, affectif, amical, sentimental moi je trouve que le récit brasse adroitement de nombreux thèmes, de l'intime au social, en passant par le politique aussi, comme celui sur l'engagement dans le conflit ukrainien, le réalisateur prend son temps de filmer des ouvriers au travail. C'est pas si commun dans le cinéma contemporain français qui s'intéresse en général davantage au métier des CSP+, aux activités intellectuelles ou artistiques, plutôt que manuels. Moi, j'ai aussi aimé les moments où la caméra s'attarde, pour rien, sur de belles choses, une crique sous le soleil, un ciel nocturne, ou un travelling vertical sur un gigantesque pan de roche. Ça fait pas avancer le récit. mais ça lui offre des respirations. Tous les acteurs sont magnifiques. Alors, le grand-père Francesco Favino, je ne savais pas qu'il était francophone. Il parle très bien français. Et le Dibouchez, ils sont impériaux en parents désorientés. Je donne son nom du jeune à Eloy Pohou, il s'appelle en enzo, insondable et émouvant. Et Maxime Slivinsky en Vlad, le camarade maçon ukrainien que j'ai trouvé magnétique. C'est Enzo et beaucoup plus convaincant que le précédent et quatrième long métrage de Robin Campillo. Ça s'appelait L'île rouge, il y a deux ans. C'était une fiction sur la décolonisation de Madagascar. De tous les films évoqués aujourd'hui, c'est pour moi sans hésiter celui que je conseillerais le plus. Les autres me paraissent bien légers à côté. Mais je n'ai pas vu Vera dont tu vas nous parler tout à l'heure.