- Hervé Bry
Tu vas nous parler, en premier toi Patrick, de la prisonnière de
- Patrick Servel
Bordeaux. Oui, alors qui est cette prisonnière de Bordeaux ? Est-ce que c'est Alma, une bourgeoise qui vit dans une grande maison en ville, une sorte d'hôtel particulier, richement décoré, richement fleuri, avec beaucoup de tableaux de valeur sur les murs ? Ou cette prisonnière de Bordeaux, est-ce que c'est Mina, une jeune mère venant d'une lointaine banlieue de Narbonne ? Alors... Elle arrive, là, flanquée de ses deux jeunes enfants, et elle ne porte pas que ses enfants aussi. Elle a beaucoup de problèmes, on le sent, des problèmes de la vie quotidienne. Alors, ce sera à vous de décider de l'une ou de l'autre laquelle vous allez considérer comme étant la prisonnière de Bordeaux. Alors, ce qui fait que ces deux femmes, totalement opposées, déjà par leur âge, par leur statut social, vont se rencontrer, c'est du fait que leurs maris respectifs sont, eux, prisonniers. Et au sens premier du terme, dans la prison de Bordeaux-Canéjean. Alors, c'est lors d'un parloir que les deux femmes vont se croiser pour la première fois et pour des raisons de logistique et aussi pour remplir cette grande maison et aussi pour remplir sa vie, Alma, la bourgeoise, va proposer à Mina d'emménager dans la dite maison et parallèlement aussi, elle lui trouvera un métier. Alors... Tout au long du film, on va en apprendre un peu plus sur ce qui a fait que les hommes se soient retrouvés incarcérés, mais ce n'est vraiment pas le sujet du film. Ce qui importe, c'est de suivre la relation qui va se créer entre ces deux femmes. La réalisatrice, c'est Patricia Mazui, elle a choisi de réunir deux actrices, Isabelle Huppert, la grande bourgeoise désabusée, et Afsia Herci, la jeune et néanmoins femme battante, on peut le dire. Alors, c'est une réunion de deux actrices qu'on a déjà vues, mais il n'y a vraiment que quelques semaines, en juillet. C'était dans le dernier film de Téchiné, dans Les gens d'à côté. Bon, là, je l'ai vu, ce film également. Je ne vais pas en parler, je vais plutôt rester sur la partie prisonnière de Bordeaux. C'est le film qui nous intéresse. Et peut-être qu'Hervé en fera...
- Hervé Bry
J'allais dire un petit mot.
- Patrick Servel
Quel résultat pour ce film ? Pas de souci. Alors, les deux actrices sont épatantes. Isabelle Huppert démontre, si c'était encore nécessaire qu'elle peut tout jouer, du mélo à la comédie, en passant par le film policier. Peut-être qu'il lui reste encore le peplum et le western. Le western, ce serait peut-être intéressant qu'elle fasse.
- Hervé Bry
C'est le napoléon américain, là.
- Patrick Servel
Oui, je me demande si elle... Ah ben, il y avait le grand film... Ça va nous revenir. Oui, ça va nous revenir. Oui, oui, oui. C'est vrai, le western. Oui, oui. Mais alors, donc là, pas de soucis là-dessus. Pas de soucis. Afia Herzi aussi, elle nous montre après des films comme Le Ravissement ou Borgo, qu'elle aussi, elle a beaucoup de cordes à son arc. Peut-être faudrait qu'elle aille un petit peu vers la comédie et qu'elle sourie peut-être un petit peu plus. Bon, ça c'est un conseil personnel. Bon là,
- Hervé Bry
il n'y a pas beaucoup de quoi sourire dans le film.
- Patrick Servel
Qu'elle ne suivra pas. Moi, je trouve que le souci est ailleurs. C'est le scénario, ou plutôt... pour moi, une absence de scénario. Alors, il y a bien derrière une histoire de vol de montre qui nous explique la raison de la prison pour le mari de Mina. Il y a un épisode que je ne vais pas narrer, un peu farfelu, que je trouve, là aussi, il ne tient pas trop la route. Alors, certains vont me dire Oui, mais tu oublies le côté chabrolien, etc. du fait de l'actrice, du fait de l'analyse de ce qui peut se passer dans une petite province, etc. Bon. Au final, moi, quand je vais voir un film, je n'ai pas juste envie de voir deux actrices de talent. Ce n'est pas la conception du cinéma que j'ai. Juste pour terminer, si vous pensez voir Bordeaux dans le film, n'y allez surtout pas, parce que ça aurait très bien pu être la prisonnière de Tours, de Blois, d'Angers ou de Pétaouchenoc, à la condition qu'à côté, il y ait une prison. Voilà ce que je pouvais dire sur la prisonnière de Bordeaux. Je pense que je n'ai pas été trop trop long. Et là, maintenant, il va en rajouter une couche.
- Hervé Bry
Encore une histoire qui nous montre la rencontre entre Carpe et Lapin, avec ces deux fameuses antipodes sociales qui vont copiner. Bon, alors le scénario que tu n'aimes pas, il est signé François Bégodot. Et c'est vrai qu'il comporte des faiblesses. Mais moi, je trouve que le film de Patricia Masui vaut essentiellement, en effet, pour les partitions jouées par les deux actrices. Moi, elle arrive encore à surprendre, Hupert. Elle est tellement parfaite dans la subtilité de son jeu de bourgeoise blessée. Je sais que ça finit par énerver certains que ces performances d'actrices commencent à lasser. Parce qu'en tant que spectateur, on ausculte l'actrice au détriment du personnage finalement. Bon, moi, j'en redemande. Et Afsah Herzi, magistrale aussi. Tu l'as dit, on a loué déjà son jeu magistral. Un des meilleurs films de 2023, c'était Le Ravissement. Et elle était aussi gardienne de prison très secrète dans le récent Borgo. Oui,
- Patrick Servel
je vous l'ai aimé, sûr.
- Hervé Bry
Là, on la retrouve en milieu carcéral, mais côté visiteur. Toujours dans la retenue butée, tellement subtile elle aussi. Alors, cette histoire d'amitié sur fond d'opposition de classe sociale, c'est vrai qu'il n'est pas si éloigné du dernier long-métrage d'André Téchiné, sorti en juin. Les gens d'à côté qui confrontaient les deux mêmes actrices. Huppert était flic et Afzia Herzi épouse d'un activiste black bloc. Avec un peu d'ailleurs la même impression personnelle, un jeu d'actrice. poussée à la perfection, mais au service d'un scénario qui pêche un peu par manque de crédibilité.