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Soigner le cancer avec l'IA par le Dr Sarah Watson

Soigner le cancer avec l'IA par le Dr Sarah Watson

46min |12/01/2024
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Soigner le cancer avec l'IA par le Dr Sarah Watson

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Description

Dans ce nouvel épisode, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l’Institut Curie. Si son nom vous évoque quelque chose, c’est peut-être car vous avez entendu parler récemment de ses travaux qui intègrent l’intelligence artificielle aux diagnostics de cancers rares.


Passionnée par son métier, et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu’elle mène, comment l’IA est devenu un outil indispensable pour sauver ses patients, et sa vision de l’apport des nouvelles technologies en médecine.


Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain.


Je vous souhaite une très belle écoute.

-

Je suis Morgane Soulier,  consultante, conférencière, passionnée de nouvelles technologies.

"Now Futures" est le podcast qui décode et démystifie le monde de demain. Il offre un éclairage sur les grandes tendances qui façonnent notre époque. Dans chaque épisode, nous vous invitons à nous rejoindre avec un panel d'experts aussi variés que prestigieux afin d'obtenir une exhaustivité des opinions sur la compréhension de l'évolution de notre société : environnement, santé, alimentation, éducation, numérique... Tous les aspects de notre quotidien sont abordés. Ensemble, nous découvrons comment les innovations influenceront notre vie quotidienne et notre avenir.

Que vous soyez geek ou simplement curieux de ce que demain nous réserve, il y aura quelque chose pour vous ici, dans "Now futures". 

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour un nouvel épisode de The Now Futures, le podcast qui nous aide à mieux comprendre le monde et à nous projeter dans celui à venir. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies, spécialisée en pédagogie sur l'intelligence artificielle et sur le métaverse. Pour bien commencer l'année, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l'Institut Curie. quelque chose, c'est peut-être que vous avez entendu parler récemment de ces travaux qui intègrent l'intelligence artificielle au diagnostic de cancers rares. Passionnée par son métier et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu'elle mène, comment l'intelligence artificielle est devenue un outil indispensable pour sauver ses patients et sa vision de l'apport des nouvelles technologies en médecine. Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain. Je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour docteur.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Docteur Sarah Watson, on dit de vous que vous êtes une oncologue et biologiste en mission contre des cancers incurables. Vous partagez votre temps entre votre activité d'oncologue médicale et de chercheuse à l'Institut Curie. Alors, avant de rentrer dans les détails de vos recherches et de vos dernières publications qui mettent en avant l'impact positif de l'intelligence artificielle et du numérique dans vos recherches, J'aurais aimé que vous nous parliez un petit peu de vous, de votre parcours et de ce qui vous a conduit à vous spécialiser dans l'oncologie et en particulier sur les tumeurs rares.

  • Speaker #1

    Oui absolument, j'ai cette chance d'avoir une activité qui est mixte aujourd'hui où je peux partager mon temps entre mon activité clinique où je m'occupe des patients qui ont effectivement dans l'immense majorité des cas des cancers avancés. des cancers dont on sait qu'aujourd'hui avec les moyens de la médecine on n'est pas capable de les guérir mais que le but des traitements qu'on propose c'est d'améliorer finalement la survie des gens, leur qualité de vie et d'aller le plus loin possible avec eux donc ça c'est mon activité clinique ce qui représente à peu près 60% de ma semaine et puis le reste du temps j'ai la chance d'avoir également une activité scientifique de recherche au sein du centre de recherche de l'Institut Curie où j'ai une petite équipe où on travaille sur la biologie des maladies que je vois tous les jours auprès de mes patients. Alors pourquoi les cancers rares ? C'est une vraie bonne question. Je dirais qu'un peu comme dans tout mon parcours, ça a été vraiment une histoire de hasard et de rencontre. Je suis fille de deux parents profs d'anglais, donc on n'a aucun background scientifique dans la famille, en tout cas aucun background médical. mais c'est vrai que moi j'ai été vraiment du hasard parce que j'étais moi-même malade quand j'étais en terminale hospitalisée plusieurs mois et ça m'a fait grandir très vite et ça m'a vraiment fait me questionner sur ce que j'avais envie de faire et je pense qu'aujourd'hui je peux dire que la médecine m'a sauvée à ce moment-là et que j'ai eu envie de pouvoir faire la même chose qu'on avait fait pour moi et donc c'est ce que j'ai fait faire médecine, ça a été une évidence très rapidement. J'ai passé ma première année de médecine, c'était maintenant il y a plus de 20 ans. Et puis, à l'issue de cette première année de médecine, on m'a proposé de me présenter au concours de l'école normale supérieure pour faire une double formation médecine-science. Donc ça, c'était un hasard parce que je ne savais même pas que ça existait. Et en fait, c'était le tout début de ce qu'on appelle les doubles cursus qui permettent aux étudiants en médecine d'avoir à la fois une formation médicale et une formation scientifique très tôt dans leur parcours. Et donc ça, je l'ai fait un petit peu par hasard, encore une fois, parce que je ne connaissais pas, je n'étais pas au courant de cette possibilité. Et ça a été probablement une des choses qui m'a… pouvoir être formée scientifiquement très tôt, ça a été probablement une des choses qui m'a ouvert le plus de portes pour la suite de ma carrière rétrospectivement. Je dois dire que sur le moment, ça a été des années qui étaient difficiles parce qu'il fallait faire deux types d'études à la fois et à l'époque, ce n'était pas très bien organisé, donc ça a été assez lourd. Mais rétrospectivement, s'il fallait refaire, je referais exactement la même chose parce que ça m'a permis très tôt de comprendre les liens entre la science et la médecine et de me poser des questions biologiques quand je voyais des patients et inversement quand je voyais des patients. de me donner des idées sur les projets de recherche. Donc ça, ça a été vraiment le début de mes années de médecine. Et puis j'ai découvert ensuite la cancérologie, là encore par hasard. On passe, quand on est étudiant en médecine, dans des stages les uns après les autres et on passe en cardiologie, en pneumologie, en chirurgie, etc. Et puis par hasard, je suis passée en… en oncologie, dans un service où on prenait en charge des malades extrêmement avancés atteints de cancer digestif. Et j'ai eu une espèce de, vraiment, ça paraît des fois un peu too much de dire ça, mais vraiment comme une révélation. Et je veux dire qu'après une demi-journée de stage, je savais que c'était ça que je voulais faire. Et pourquoi l'oncologie ? Parce que j'avais trouvé que tout de suite, on était dans le vrai. On était dans une relation qui était vraiment très forte avec les patients, qui avait un aspect qui était très technique. très médicale, parce qu'on prend en charge une maladie complexe, il y a beaucoup de médicaments, beaucoup de stratégies thérapeutiques à élaborer, mais quelque chose qui était aussi extrêmement humain, parce qu'on touchait très vite des sujets extrêmement graves, et donc ça a créé une relation de proximité qui m'a beaucoup touchée, qui m'a donné beaucoup envie d'aller plus loin dans cette spécialité-là. Donc j'ai choisi l'oncologie, j'ai passé l'internat. Et puis au cours de mon internat, là encore, on passe de stage en stage, et j'ai découvert la prise en charge de cancers rares dans une unité dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes. Donc à l'Institut Curie, j'étais interne à ce moment-là. Et j'étais vraiment frappée par le fait que ces maladies étaient extrêmement complexes et qu'on n'y connaissait pas grand-chose. Et donc je me suis dit, mais les cancers fréquents, il y a plein de solutions thérapeutiques, alors ça ne sert jamais assez. Il y a quand même beaucoup de gens qui s'y intéressent, il y a beaucoup de recherche, mais les cancers rares, ça n'intéresse personne, ça n'intéresse ni la recherche, ni l'industrie. Et finalement, il y a quand même des patients qui sont là. Et quand on additionne tous les cancers rares qui existent, 20% des cancers sont en fait des cancers rares. Donc, c'est plus si rare que ça d'avoir un cancer rare. Et donc, ça m'a vraiment intéressée. Et donc, j'ai décidé de faire ma thèse de sciences. Je me suis interrompue pendant mon internat. J'ai fait ma thèse de sciences en me travaillant sur un... un sous-type de cancer rare qui s'appelle les sarcomes. C'était le début de la génétique, de la biologie moléculaire, de ce qu'on appelle le séquençage à haut débit. C'est une technique qui consiste à vraiment aller décortiquer la carte d'identité génétique et moléculaire des cancers. C'était le début, on était dans les années 2010-2015. Et donc j'ai travaillé sur la caractérisation moléculaire de ces cancers rares. Ça a permis d'identifier de nouveaux sous-types de maladies, de montrer que ces techniques-là étaient très puissantes. pour permettre de mieux diagnostiquer et donc de mieux prendre en charge ces maladies. Et puis ensuite, je terminais mon internat et aujourd'hui, j'ai un poste de médecin-chercheur à Curie et où je suis restée sur cette thématique des cancers rares qui me passionne. Et donc, je travaille à la fois sur les sarcomes, qui sont ces maladies rares qui peuvent toucher les enfants comme les adultes, et puis un autre type de cancer rare. C'est un petit peu plus récent et ça a fait suite à nos travaux de recherche, mais qui sont les cancers de primitifs indéterminés ou de primitifs inconnus. C'est un petit peu l'état des lieux.

  • Speaker #0

    C'était très intéressant, on vous sent vraiment passionnés. Et ce qu'on retire de ce que vous dites, c'est qu'à la fois votre parcours est en même temps le fruit d'une réelle vocation, mais aussi... des hasards de la vie qui ont fait que finalement votre vocation est venue à vous de façon assez naturelle. Et du coup, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, vous êtes à vous écouter extrêmement passionnés par ce que vous faites. En tout cas, on a énormément entendu parler de l'Institut Curie et de vous depuis ces dernières années, mais encore plus à la fin de l'année 2023, parce que vous êtes à la tête d'un protocole de recherche, d'une étude. dont on a beaucoup parlé dans la presse, qui est que vous utilisez l'intelligence artificielle pour identifier finalement l'origine des cancers primitifs inconnus dont vous venez de parler. Et finalement, est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur ce protocole de recherche qui est en cours, parce que je pense qu'il n'est pas encore terminé et que vous êtes en train de le mener. Et comment l'idée d'utiliser l'intelligence artificielle pour identifier l'origine de ces cancers a-t-elle émergé à l'Institut Curie ?

  • Speaker #1

    Absolument, donc c'est vrai qu'il y a eu beaucoup d'emballements médiatiques auxquels je ne m'attendais pas du tout. Donc ce projet, c'est un projet qui remonte à un petit moment maintenant, parce qu'il a commencé en 2019-2020. Et en fait, on travaillait sur, à l'époque, je ne m'intéressais pas particulièrement au cancer de primitif inconnu, j'avais une thématique qui était vraiment celle des sarcomes. Et donc, comme je suis un peu dans la continuité de mes travaux de thèse, on utilise vraiment les données, on travaille à utiliser au laboratoire les données de biologie moléculaire, donc les données de séquençage, pour essayer de mieux classer ces sarcomes, qui sont des maladies extrêmement hétérogènes, extrêmement complexes. Et donc, à l'époque, moi, je travaillais avec un étudiant en thèse qui s'appelle Julien Wiber, et qui était avec moi au laboratoire. Et donc, on avait... récupérer des cartes d'identité moléculaire de plein de types de cancers. Il faut savoir qu'il y a des bases de données publiques aujourd'hui où les données de séquençage de plein de types de cancers sont accessibles à n'importe qui. On peut bien sûr anonymiser, mais on n'a pas les informations sur les patients. Mais on a les données de séquençage, donc on a finalement tous ces codes de matériel génétique de dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs qu'on avait récupérés parce qu'on voulait... essayer de créer un outil qui nous permettait de très bien discriminer nos sarcomes, qui sont des maladies dures à diagnostiquer, et on voulait bien les discriminer des autres types de cancers. Et donc, sachant qu'on avait énormément de données, il faut imaginer qu'on avait des dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs, et qu'au sein de chacun de ces échantillons, on a des données de séquençage de plus de 25 000 gènes. Donc, il faut imaginer des données qui sont d'une... complexité immense, c'est 25 000 gènes par tumeur, plus de 20 000 échantillons de tumeur, donc on avait des données très très, ce qu'on appelle des big data, vraiment. Julien, qui était à l'époque passionné par les débuts de l'intelligence artificielle, enfin le boom de l'intelligence, c'est pas les débuts, mais le boom de l'intelligence artificielle dans les années 2020, avait eu envie de tester un petit peu des outils d'IA pour voir si on faisait mieux qu'avec des outils classiques d'analyse. Et donc, ils travaillaient un petit peu sur la mise en place d'un outil qui permette de bien discriminer les sarcomes, des autres types de cancers. Et donc, en fait, ce qui s'est passé, c'est que là encore, c'est un hasard. Moi, en tant que médecin, il y a un patient qui m'a adressé pour une suspicion d'un sarcomme, d'un cancer rare. Et j'ai vu ce jeune patient qui avait 30 ans, qui avait des métastases à différents endroits. Et en fait, on a fait une biopsie. Ce n'était pas un sarcomme. C'était un carcinome, un type de cancer beaucoup plus fréquent que les sarcomes. Mais ce qui se passait, c'est qu'on était incapable de savoir d'où venaient ces métastases. On était face à un tableau typique de ce qu'on appelle un cancer de primitif inconnu, qui est donc une maladie qui se présente au stade métastatique. Il y a différentes masses dans différents organes, mais on n'est pas capable, avec les scanners, les TEP-scanners, les examens d'anatomopathologie standard, de savoir d'où viennent ces métastases. Et ça, c'est un vrai problème parce que... Il faut savoir que même si on est à l'heure de la médecine de précision, la plus grande précision qu'on ait en tant qu'oncologue, le premier paramètre qui nous fait choisir le type de traitement qu'on va proposer à un patient, c'est d'où vient son cancer. On ne va pas traiter de la même façon des métastases d'un cancer du côlon ou d'un cancer du poumon ou d'un cancer du sein. Et donc là, on est dans cette situation de cancer du primitif inconnu. On sait que c'est une entité qui existe. Ça représente environ 2% des cancers aujourd'hui. Donc, ce n'est pas nul. C'est environ 6 000 à 7 000 patients par an en France. qui sont affectés par ce type de maladie. Et c'est des maladies qui ont un pronostic qui est assez effrayant parce qu'on passe beaucoup de temps à essayer de chercher d'où ça vient, on ne trouve pas forcément, puis on finit par faire un traitement qui est le traitement recommandé, qui est une chimiothérapie très peu spécifique qui va pouvoir éventuellement taper sur différentes origines, mais qui a des résultats extrêmement médiocres et globalement des médianes de survie qui sont inférieures à un an. Donc, c'est des patients qui ont un pronostic qui est très réservé. Et l'idée qu'on a eue, c'est de se dire… Pourquoi on ne ferait pas une carte d'identité génétique de cette maladie ? Et pourquoi on ne l'analyserait pas avec les outils que Julien a essayé de mettre au point pour discriminer les différents types de sarcomes par rapport à plein d'autres types de cancers ? On s'est dit, s'il y a des métastases qui viennent d'un endroit, on ne sait pas d'où elles viennent, mais elles devraient garder une signature de leur organe d'origine. Et donc... L'outil d'intelligence artificielle que je viens développer était un outil qui était vraiment entraîné à reconnaître plein de types de cancers différents. On avait entraîné sur ces dizaines de milliers d'échantillons publics, avec des échantillons très bien annotés de cancers du rein, de cancers du sein, de cancers du côlon, etc. Et l'hypothèse qu'on a eue, c'est de se dire, si on fait la carte d'identité moléculaire de notre patient et qu'on le soumet à cet outil d'intelligence artificielle, est-ce qu'il va être capable de nous dire… votre tumeur se rapproche soit d'un cancer du côlon, soit d'un cancer du poumon, ou bien est-ce qu'au contraire c'est un cancer de primitif inconnu et que ça va se rapprocher de rien parce que ça ne ressemble à rien ? Et on n'avait pas la réponse. Et donc on a fait l'analyse, il faut savoir que c'est une analyse qui ne prend pas beaucoup de temps, séquencer une tumeur ça prend quelques jours, donc on l'a fait. Et puis je me souviens encore, j'étais en consultation, et de Julien qui m'appelle et qui me dit mais ton patient, il a un cancer du rein Et ça, c'était quelque chose auquel on ne s'attendait pas du tout, parce que déjà, c'est un diagnostic qui n'est pas très fréquent, et puis moi, je ne m'attendais pas à ce que l'outil d'intelligence artificielle soit capable d'aller me reclasser la tumeur, alors qu'on n'avait pas réussi à la classer avec des moyens standards. et donc finalement on a réfléchi on s'est dit qu'est ce qu'on fait de ce résultat qui encore de la recherche est ce qu'il faut l'appliquer aux soins est ce que voilà donc on a rediscuté avec nos pathologistes on leur a dit est ce que pour vous ça pourrait coller quand même avec un cancer du rein et ah oui c'est vrai ça pourrait coller avec un cancer du rein le profil est compatible et donc on a traité ce patient comme s'il avait un cancer du rein alors qu'il y avait aucune lésion sur le rein et le traitement a très bien fonctionné et il faut savoir que le traitement d'un cancer du rein, ça n'a rien à voir avec le traitement recommandé pour un cancer de primitif inconnu.

  • Speaker #0

    Donc sans cette intelligence artificielle, vous auriez traité le patient avec une chine classique ?

  • Speaker #1

    Avec une chine classique, dans ces maladies-là, et ça n'aurait pas marché, parce que ça ne marche pas sur les cancers du rein.

  • Speaker #0

    Ça n'aurait pas marché, il aurait pas marché.

  • Speaker #1

    Donc ça a été un premier patient, mais en fait qui a lancé tout le truc, et je me revois derrière juste après. solliciter tous mes collègues à l'Institut Curie en leur disant si vous avez des patients avec des cancers de primitif inconnu dites-le moi on va séquencer toutes les tumeurs on va les analyser pour voir parce que n égal 1 c'est bien mais est-ce que ça marche dans tous les cas ? Donc voilà ça a été vraiment le début du projet et on s'est mis à s'intéresser à cette pathologie là et donc on a récupéré une... une série d'une cinquantaine de tumeurs de cancers de primitifs inconnus. Alors, il y en avait un certain nombre, c'était des patients qui étaient malheureusement déjà décédés, mais on a quand même récupéré les tumeurs. Et on a regardé si l'outil arrivait à les classer. On a optimisé l'outil pour qu'il classe un maximum de tumeurs. Et on a vu que finalement, cet IA, cet outil qu'on a appelé TransCupTomics, parce que c'est basé sur de la transcriptomique, et on l'a appelé TransCupTomics parce que Cup, c'est les cancers de primitifs inconnus. cet outil était capable finalement de trouver l'origine dans environ 80% des cas. Ce n'est pas 100%, mais c'est quand même 80% des cas pour lesquels initialement il n'y avait pas d'orientation diagnostique et que l'outil arrivait à reclasser avec des scores de probabilité. L'IA reste la probabilité mathématique, mais avec des scores de probabilité qu'on a jugés élevés et suffisamment élevés pour qu'on puisse lui faire confiance. Et donc ça, on a publié le... le premier papier en 2021, sur cette petite série d'une cinquantaine de patients. Et je dois dire qu'à l'époque, on n'a pas énormément communiqué dessus, il y a eu quelques brèves communications dans les médias, mais très peu à l'époque. Et ce qui a mis en lumière ce travail, c'est que, Ça a vraiment, et là encore, c'est les hasards, mais ça a été l'explosion de tchats GPT, de l'intelligence artificielle, à la fin 2022, début 2023, où tout d'un coup, on s'est mis à se dire, mais l'IA arrive de tous les côtés. Et donc, l'IA dans la santé, c'est un sujet qui passionne, parce qu'il dérange aussi beaucoup. Et donc, c'est vrai qu'à ce moment-là, on a été beaucoup ressolicité pour reparler de ça. Et entre-temps, il s'était passé deux ans. Et pendant ces deux ans, en fait, on a eu le temps de vraiment… de faire sortir cet outil du laboratoire. C'est un outil qui était vraiment designé au centre de recherche, sorti d'un laboratoire, et on s'est rendu compte qu'il était super utile. D'abord, les anatomopathologistes de l'Institut de Paris, c'est les médecins qui posent les diagnostics de cancer, qui disent, quand il y a un prélèvement, ils disent ça c'est un cancer du sein ou ça c'est un cancer du côlon Là, ils se sont mis sur des cas difficiles à se dire mais il faut que je demande un séquençage et qu'on applique l'outil d'IA pour aider à ce qu'on diagnostique Donc déjà, au sein de l'institution, nos pathologistes se sont appropriés l'outil. Donc ça, c'était formidable parce que ça voulait dire qu'ils y croyaient et qu'on n'était pas tout seul. Mais ce qui a donné une impulsion plus importante à l'outil, ça a été le fait qu'on ait pu transférer cet outil dans le cadre sur le plan national.

  • Speaker #0

    Mais alors voilà, c'était ma prochaine question parce que c'est absolument passionnant. Et du coup, ça amène à tout un tas de réflexions. La première qui est, quel est le coût de développement d'un tel outil ? Et du coup, est-ce qu'il est duplicable ? pour les autres centres de recherche ou même les autres centres de suivi de cancer sur tout le territoire, voire à l'international, parce que j'ai l'impression que vous avez quand même quelque chose. Si on garde en tête ce que vous nous avez dit il y a 10 minutes sur ce patient qui avait un cancer du rein et qui n'aurait jamais été détecté, on se pose la question de savoir si cet outil fonctionne, pourquoi est-ce qu'il est duplicable, à quel coût, et voilà. Et mon autre question qui n'a rien à voir, mais à laquelle vous pourrez probablement me répondre après, c'est quels sont les profils de personnes qui constituent votre équipe ? Est-ce qu'il n'y a que des médecins ? Est-ce qu'il y a, typiquement, Julien dont vous parlez, est-ce qu'il est médecin ? Est-ce qu'il est chercheur ? Est-ce qu'il est ingénieur ? Est-ce qu'il est… Voilà, j'imagine que vous avez des algorithmiens avec vous, des mathématiciens, voilà.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Ce n'est pas du tout un travail personnel, c'est un travail d'équipe. Oui. Alors, pour répondre à la première question concernant le coût et l'applicabilité. Il faut savoir qu'en soi, l'outil, c'est une ligne de code qu'on fait tourner sur des données de séquence. Ça ne coûte rien de faire tourner l'outil. C'est vraiment le code, il est établi. Alors, il y a eu du temps humain pour la mise en place de ce code. Et ça, c'est difficilement quantifiable en termes financiers. Mais je dirais qu'aujourd'hui, faire tourner la ligne de code, ça ne coûte rien. Ça prend 10 secondes. On fait tourner une fois qu'on a les données de séquençage. Ce qui coûte de l'argent, c'est le séquençage. de la tumeur. Faire un transcriptome, donc une analyse de tous les gènes qui sont exprimés dans une tumeur, ça coûte de l'argent, ça coûte aujourd'hui environ 400 euros pour un patient, donc c'est pas non plus énorme dans le domaine de la santé, des fois il y a des frais qui sont beaucoup plus importants, mais c'est environ 400 euros. Et ce qu'il faut savoir c'est que c'est une technique, le séquençage ARN, qui n'est pas forcément accessible dans tous les hôpitaux. de tous les centres qui prennent en charge des patients avec des cancers. Pourquoi aujourd'hui ? Parce que ça nécessite une infrastructure un petit peu particulière. Il faut avoir des machines de séquençage qui, elles, pour le coup, coûtent très cher. Il faut avoir une expertise, une équipe de biologie moléculaire, de génétique, et puis des gens qui sont capables d'analyser les données. Il y a beaucoup de traitements de données à faire. Donc, ce n'est pas fait partout, mais il y en a quand même de plus en plus. Sur la région parisienne, il y a plusieurs centres. Gustave Roussy, l'Institut Curie et d'autres, et à la PHP aussi.

  • Speaker #0

    On peut imaginer que des centres dans des régions plus éloignées de Paris puissent vous envoyer leur séquençage ?

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on a fait, c'est encore plus collaboratif que juste envoyer le séquençage. C'est qu'on a mis en place ce qu'on appelle une heure. C'est un terme, c'est du jargon. Une réunion de concertation pluridisciplinaire, donc en gros, c'est une réunion de médecins de différentes disciplines. Donc là, on a des oncologues médicaux, donc les médecins qui, comme moi, donnent les médicaments anticancéreux. On a des anatomopathologistes qui posent les diagnostics. Et puis, on a les biologistes moléculaires, qui sont les médecins spécialistes de l'analyse de ces données moléculaires compliquées. Et donc, c'est ce qu'on appelle une réunion de concertation pluridisciplinaire. On se retrouve tous les 15 jours. tout ensemble et c'est une réunion de concertation pluridisciplinaire qu'on coordonne mais qui inclut tous les médecins sur le territoire national. Donc vraiment tous les pathologistes, tous les oncologues qui sont intéressés par vraiment se présenter à un patient peuvent se connecter. Cette RCP est vraiment dédiée aux cancers de primitif inconnu donc on a mis ça en place en 2020. Et on a intégré notre outil d'intelligence artificielle dans le cadre des analyses moléculaires qui sont faites en routine dans le cadre de cette RCP. Donc s'il y a un patient, je dis n'importe quoi, qui habite au fin fond du Berry, je n'ai rien du tout contre le Berry, mais il n'a pas accès à une plateforme de séquençage qui nous présente le dossier de son patient à cette RCP, on va coordonner le circuit du prélèvement. pour que la tumeur soit séquencée sur la bonne plateforme et pour que les analyses puissent être faites et que le patient qui est loin d'un centre, je dirais, un peu expert puisse avoir accès à ces analyses-là. Et ensuite, on étudie les résultats tous ensemble et on rend le résultat tous ensemble. On y viendra peut-être après, mais on ne rend pas juste un score d'intelligence artificielle, on intègre ça avec beaucoup de choses. C'est tout l'intérêt de cette réunion qui est très humaine pour le coup et pas du tout artificielle, qui permet finalement de critiquer les résultats, de les intégrer dans un contexte et de proposer un traitement aux patients. C'est comme ça que l'outil, on a réussi à le diffuser sur le plan national. C'est probablement ça notre plus grande fierté, c'est de se dire qu'aujourd'hui, on l'utilise en routine. On travaille aussi en parallèle sur une version améliorée parce qu'un outil d'IA, ça peut toujours s'améliorer et ça s'améliore toujours. Donc, il y a une phase de recherche qui est en cours, bien évidemment, pour améliorer ses performances, parce qu'on pense qu'on peut encore améliorer ses performances. Mais la version 1, en tout cas, est utilisable et est utilisée en routine clinique, aujourd'hui, sur le territoire national.

  • Speaker #0

    D'accord. On reviendra après à ma deuxième question, qui était les profils type professionnels des gens qui composent votre équipe. Mais j'ai une autre question qui m'est venue entre-temps. qui va compléter la précédente. Est-ce que des patients vous contactent de façon autonome ? Absolument et de plus en plus. Et c'est là que le rôle des médias et de la communication a été très important. Parce que c'est vrai que nous, moi je suis médecin, je ne suis pas du tout formée à la communication et au fait de parler, m'adresser sur un plan grand public à ce qu'on développe. Et pour autant, ça a été vraiment cette communication autour de ce tout-ci qu'il y a eu en 2023, qui a permis qu'il y ait des patients qui nous contactent. qui demandent à leurs médecins d'avoir accès à cet outil. Donc du coup, les médecins nous ont dit, mais comment on fait ? Et ça a été… Moi, j'ai reçu beaucoup de messages de patients sur LinkedIn, sur mon mail personnel, sur des choses qui disaient… Mais voilà, et pas uniquement en France, en Europe, dans le monde, des gens qui voulaient avoir accès à cet outil-là. Donc il a fallu expliquer les modalités, cadrer les choses, parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe quoi. comment bien sûr ce que fait dans un cadre et que les données soient soit vraiment de qualité pour qu'on puisse les analyser et surtout ne pas donner de fausses espérances aux gens quand on sait que c'est pas réalisable dans certaines situations mais mais en tout cas oui il ya eu beaucoup de beaucoup de demandes qui sont venus spontanément de des

  • Speaker #1

    patients tout à fait super en tout cas quoi qu'il soit c'est très porteur d'espoir quoi C'est très important, l'espoir. Et donc, sur le profil type des personnes qui constituent l'équipe ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Alors, moi, je suis médecin-chercheur. Dans l'équipe, aujourd'hui, on a une petite équipe qui est rattachée à une plus grosse équipe. Mais donc, vraiment, les gens qui travaillent sur ce projet. Donc, c'est… Alors, Julien, effectivement, est travaillé avec moi pendant sa thèse de sciences. Maintenant, il est parti. Merci. Il a aussi le même profil que moi. Il a fait une médecine et un cursus scientifique en parallèle à Normalsup. Donc, on a vraiment un profil très similaire. Sachant que lui, il est très geek, très passionné par les maths et par tout ce qui est informatique. Alors que moi, j'étais assez béotienne dans ce domaine-là avant que n'arrive tout ce projet. Donc voilà, on a effectivement des profils de médecins et puis j'ai des étudiants en médecine qui sont passionnés et qui veulent faire des projets de recherche ensuite sur que deviennent les patients qui sont traités en fonction des propositions thérapeutiques qu'on a tirées de l'utilisation de l'outil. Donc ça a créé plein de projets derrière pour des étudiants en médecine et ça c'est formidable. Et puis au sein de l'équipe, on a aussi des mathématiciens purs et purs et ce qu'on appelle des bioinformaticiens. Donc ça, c'est vraiment une classe de métier qui est devenue le nerf de la guerre dans le domaine de la biologie moléculaire et de la génétique. Aujourd'hui, c'est ces chercheurs qui sont vraiment spécialisés dans l'analyse de données. Ils ne sont pas à la paillasse avec des fioles et des tubes à essai, mais ils sont derrière un ordinateur toute la journée. Et leur travail, c'est d'analyser ces séquences de pouvoir. à la fois finalement tirer l'information de ces séquences et puis créer des nouveaux outils pour savoir les gènes qui sont soit anormaux dans une tumeur ou au contraire les gènes qui sont normaux, en quoi une tumeur se différencie d'une autre sur son profil d'expression. Donc on travaille énormément avec les bioinformatistes sur ce projet parce qu'on est sur de l'analyse de données, donc là vraiment on est sur des maths et des aspects. Et là la dernière personne qui nous a rejoint, Loïc, qui est... et un étudiant qui sort d'une école d'IA, qui n'avait lui-même aucune formation en biologie. C'est ça qui est vraiment intéressant, c'est qu'on a des profils très différents. Lui, il était super fort en IA, il avait travaillé sur de l'analyse d'images pour faire des films et des choses comme ça. Il arrive dans le domaine de la biologie, il ne connaît pas la biologie, mais il arrive avec vraiment ses connaissances en intelligence artificielle. C'est vraiment des métiers très différents qui vont s'entrecroiser, qui vont discuter, c'est ça qui est passionnant.

  • Speaker #1

    Très complémentaire et très pluridisciplinaire. Et avec le recul que vous avez, parce que donc effectivement, vous dites, ça fait maintenant presque quatre ans que vous travaillez avec cette technologie d'intelligence artificielle, quelles sont les limites actuelles que vous voyez sur la technologie ? Quels sont les défis que vous pouvez rencontrer au quotidien dans son application clinique ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors il en reste, déjà, il y a le fait que l'outil n'est pas 100% performant. Donc je vous ai dit sur la première petite série, on a à peu près 80% d'identification de la tumeur. Donc ça veut dire qu'il reste 20% où on ne trouve pas. Alors, jusqu'où on peut augmenter la performance de cet outil, c'est une question à laquelle je n'ai pas la réponse. Je pense qu'il y a des paramètres qu'on peut améliorer et qu'on est en train d'essayer d'améliorer. En particulier, le fait qu'il faut bien savoir qu'un outil d'IA n'est capable de reconnaître ou d'imiter ou de classer que ce qu'il a appris et que ce qu'il a déjà rencontré. Un outil d'IA n'est pas capable d'imaginer des choses. Même une IA qu'on va appeler générative, genre ChatGPT, ChatGPT ne va pas pouvoir imaginer des choses. ChatGPT va donner des réponses basées sur les choses qu'il a apprises auparavant. Et donc nous, on a appris à notre outil à reconnaître un certain nombre de cancers. Mais très clairement, on n'est pas exhaustif dans tout ce qu'on lui a appris à reconnaître. Donc on peut se dire qu'il y a peut-être une petite proportion de nos 20% de cas pour lesquels on n'a pas réussi à trouver. Ou si on avait mieux appris... à notre outil à reconnaître des sous-types de cancers plus rares, on serait capable finalement de grappiller un petit peu de performance si on avait appris plus de choses à notre outil. Donc on essaye d'enrichir ce qu'on appelle le jeu de données d'entraînement. Le jeu de données d'entraînement, c'est les données sur lesquelles on va utiliser pour que l'ordinateur ingurgite du savoir avant d'être capable de… donner des décisions, donner des résultats.

  • Speaker #1

    Quel est votre avis, je suis désolée, je vous ai coupé, quel est votre avis, vous, justement, sur ces spéculations, sur cette anxiété générale d'une intelligence artificielle ? Alors, pour le coup, pour vous, ce serait quelque chose de plutôt bénéfique, mais cette anxiété générale d'une intelligence artificielle qui deviendrait super intelligente et qui pourrait apprendre toute seule, et qui, du coup, vous, peut-être que vos 20% l'intelligence artificielle pourrait pallier à ce déficit. Mais est-ce que vous avez un avis, une vision, des perspectives quand vous échangez justement avec les jeunes chercheurs en IA ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, nous, dans le domaine de la médecine, on n'a pas de... Moi, alors je suis... J'ai 38 ans, je suis très enthousiaste par rapport au développement de l'intelligence artificielle parce que je vois ce que ça peut nous apporter qu'on n'est pas capable de faire aujourd'hui et je vois tout ce que ça apporte en termes de gain de temps pour des tâches très banales qui peuvent être automatisées et faites de façon plus fiable avec de l'IA qu'avec des moyens humains. Je peux voir ce que ça nous apporte en termes de génération de nouveaux contenus qu'on n'est pas capable de créer nous-mêmes parce que... Juste, on n'est pas capable d'emmagasiner tout ce savoir qui est pour le coup accessible à l'IA. Je vois surtout les aspects positifs. C'est vrai qu'on peut très vite fantasmer sur une IA qui prendrait le contrôle et qui, si vous voulez, pourrait même usurper des données de santé des patients et rentrer dans la vie des patients. On peut très vite partir sur des choses un peu comme ça. Je pense qu'en fait, c'est... Ces craintes-là sont liées au fait qu'aujourd'hui, la réglementation de l'IA est quelque chose qui est extrêmement obscur, et en particulier la réglementation dans l'usage de la santé. Pour vous donner un exemple, nous, notre outil d'IA, on l'a mis en place, on l'a appliqué en routine diagnostique. Aujourd'hui, on l'utilise en routine diagnostique sur le plan national. À aucun moment, quelqu'un m'a demandé… d'évaluer cet outil, d'évaluer sa performance, sa pertinence, et on l'utilise. Ça paraît complètement fou. On n'imagine pas que dans un avion, un nouveau système de pilotage automatique qui est en fait de l'intelligence artificielle n'ait pas été évalué, testé dans tous les sens, comparé à d'autres choses. Mais dans le domaine de la santé, il y a ce flou total. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est-à-dire que si vous aviez voulu… le faire évaluer, tester avant de pouvoir l'utiliser, vous ne pourriez certainement pas encore l'utiliser parce que les délais protocolaires de régulation sont immenses.

  • Speaker #0

    Et puis aujourd'hui, je dirais même que la structure de régulation à qui il faut soumettre ce type de nouveau dispositif, elle est très, très obscure. Je ne sais pas. Autant je veux développer un nouveau médicament. Je veux évaluer ce médicament dans une indication thérapeutique. On connaît très bien le circuit. Il y a toutes des étapes. On appelle des essais cliniques, essais cliniques de première administration chez l'homme, essais cliniques, blablabla. Ça, c'est très bien codifié jusqu'à ce qu'on arrive à ce qu'on appelle l'autorisation de mise sur le marché qui aboutit au remboursement d'un médicament. Un dispositif d'intelligence artificielle, aujourd'hui, on ne connaît pas du tout son parcours de développement. de la sortie du laboratoire jusqu'à l'utilisation en routine, qui est censé évaluer la performance, qui est censé le benchmarker contre d'autres outils, parce que si ça se trouve, on est dans une autre équipe, en Belgique ou aux États-Unis ou en Asie, il y a un outil qui est bien meilleur que le nôtre, c'est tout à fait possible, parce qu'on a eu l'idée, mais il y en a d'autres qui ont des idées, et donc si ça se trouve, il y a un outil qui est bien plus performant, mais sauf qu'on n'a jamais comparé l'un à l'autre. On n'a jamais... Voilà. Donc il y a encore beaucoup de flou, et je pense que c'est ce flou qui est la source des potentielles inquiétudes.

  • Speaker #1

    Ce sont les mêmes débats qu'on avait déjà finalement il y a 5-6 ans sur tous les logiciels de santé connectée, pour lesquels de nombreux entrepreneurs finalement n'osaient pas mettre sur le marché leur application de santé connectée, et du coup ont vu leur entreprise péricliter avant même de pouvoir... aller au bout de leur démarche. Moi, j'avais une entreprise dans le domaine de la santé connectée il y a quelques années, et comme vous, vous l'avez fait pour votre outil d'intelligence artificielle, je l'ai publié sur les plateformes avant même de demander l'autorisation à une quelque autorisation de santé, et finalement, elle a été téléchargée plus de 200 000 fois, et elle n'a jamais gêné personne, finalement. Mais du coup, je vous rejoins tout à fait, oui. Et du coup, quel conseil vous pourriez donner à des jeunes chercheurs qui seraient intéressés par l'intégration de l'intelligence artificielle dans la recherche médicale ? Comment est-ce que vous abordez finalement, comment vous voyez l'évolution de l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine de l'oncologie, mais aussi de façon plus générale dans la médecine ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors, je pense que déjà, pour bien utiliser l'intelligence artificielle, il y a différentes choses. Je dirais que déjà, il faut avoir une bonne question. Vouloir faire de l'IA pour faire de l'IA, ça ne sert pas à grand-chose, parce qu'il y a plein de choses où on n'a pas de besoin, si vous voulez. Et on voit aujourd'hui, si on fait des recherches bibliographiques, on voit qu'il y a je ne sais pas combien de milliers d'outils d'IA qui sortent chaque semaine. Et je vais vous dire, 99,99% de ces outils ne sont jamais utilisés en routine. parce que soit il n'y a pas d'application, soit l'outil n'est pas bon. Faire de l'IA pour faire de l'IA, pourquoi on fait de l'IA ? On fait de l'IA pour répondre à une question. Et pour répondre à cette question, il faut se dire que l'IA est un moyen, comme un autre. L'IA, ce n'est pas magique, c'est un moyen. C'est finalement une méthode d'analyse statistique un peu particulière, très puissante, qui va être basée sur l'analyse de ce qu'on appelle des big data, vraiment des données de très haute complexité. et ce qu'on appelle des données multidimensionnelles. Alors ça peut paraître un petit peu compliqué, mais l'exemple typique, c'est l'exemple que je peux vous donner là, qui est cet exemple du séquençage, où on a 25 000 gènes dans une tumeur, et chaque gène est exprimé de façon différente. Donc on a finalement 25 000 dimensions dans notre donnée de séquençage. Ça, c'est inaccessible à notre cerveau. Un outil d'IA, ça ne nous pose aucun problème qu'il y ait 25 000 dimensions. Donc voilà. Plus il va y avoir de dimensions, plus il va être performant. Même chose dans l'analyse d'images. Quand on prend une image, en fait, une image, c'est des centaines de milliers de petits points qu'on appelle des pixels, qui sont des petits points qui vont pouvoir être extraits par ces outils informatiques et que notre œil n'est absolument pas capable de voir. Donc, c'est aussi pour ça qu'il y a une très forte pour analyser des images. Donc, vraiment, les conseils que je donnerais, c'est déjà la bonne question. Ensuite, s'assurer qu'on a des données. qui sont des données utilisables par l'IA. Si on a des données qui ne sont pas très multidimensionnelles, qui sont des données très hétérogènes, si on a des données juste sur 50 patients, par exemple, ça, ce n'est pas une bonne chose pour l'outil d'intelligence artificielle. Il ne va pas être bon là-dedans. Il va être bon sur des très grosses données. Donc, avoir ces big data et avoir ces big data qui soient propres. Il faut savoir que dans le développement d'un outil d'IA, 90% du temps qu'on passe, c'est vraiment le nettoyage du jeu de données d'apprentissage. Si on a appris des mauvaises données au départ, même si la ligne de code est extraordinaire, si l'informaticien est super bon, c'est le meilleur geek de la Terre, s'il a appris sur des mauvaises données, il donnera des mauvais résultats. Donc vraiment, c'est très laborieux, l'intelligence artificielle. Ce n'est pas quelque chose de magique, on crée des codes dans tous les sens. Finalement, la phase du code, c'est presque la phase la moins compliquée. La phase la plus longue, la phase la plus laborieuse, celle qui prend le plus de temps et qui n'est pas facile, c'est vraiment de construire un jeu de données qui soit hyper solide, qui soit propre et surtout qui reflète la population sur laquelle on a envie d'explorer une question. Si j'ai appris… à mon outil d'IA à reconnaître, je dis n'importe quoi, plein de types de cancers et je lui ai appris à reconnaître ça mais uniquement sur des patients de l'Institut Curie et que derrière je vais en Asie et que je regarde s'il est capable d'identifier les types de cancers des patients asiatiques et bien très clairement ça va pas marcher parce qu'il y a des choses qui sont différentes. On a appris sur un jeu de données très restreint de patients d'un seul centre. on va l'appliquer dans un autre pays, dans un autre centre. Ma population d'apprentissage ne correspond pas à ma population d'études. Donc, l'outil va être mauvais. Donc, vraiment, il faut réfléchir d'emblée pour répondre à une question. Comment j'entraîne mon outil ? C'est vraiment ça, la phase la plus importante.

  • Speaker #1

    Oui, pour ne pas biaiser, bien sûr. Tout à l'heure, vous parliez de ChatGPT, c'est exactement la même chose.

  • Speaker #0

    C'est exactement la même chose.

  • Speaker #1

    Les données qu'on donne à ChatGPT sont des données uniquement, des articles uniquement parlant d'une certaine population, d'une certaine… Et si d'un certain sexe, d'une certaine catégorie de socioprofessionnel ou je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    les réponses qui sont les biens de la machine vont être exactement les mêmes que les biens dans le chat GPT ou que les biens dans un domaine social. Ça va être exactement la même chose. C'est globalement l'exhaustivité de ce sur quoi on a entraîné la machine pour qu'elle puisse être juste. Et donc le troisième conseil qui vient derrière ça, c'est vraiment, je dirais, être capable de critiquer les résultats. il faut toujours rester dans le fait que l'IA c'est un outil statistique être bien conscient des biais qu'il y a et alors ces biais avec le développement de nouvelles techniques et l'augmentation exponentielle des données qu'on génère aujourd'hui, ils réduisent bien évidemment mais ils existent et ils existeront toujours et donc il faut toujours nous humains derrière la machine être capables de critiquer les résultats et pour revenir sur notre outil à nous toutes les semaines on a cette réunion où on se rejoint entre médecins et on regarde les résultats qui ont été rendus par la machine et où on les intègre avec d'autres paramètres. Si la machine nous rend que c'est un cancer de l'utérus mais que le patient est un homme, très clairement l'information homme va être beaucoup plus importante que l'information donnée par la machine. Donc ça paraît trivial, mais l'IA reste des statistiques donc toute statistique peut être fausse. L'IRS des scores de probabilité, on n'est jamais à une probabilité de 100%. Et donc du coup voilà, avoir ce regard critique, on peut toujours, il faut tester, retester, rechallenger la machine, et c'est ça qui est passionnant, c'est qu'on voit qu'on est capable de la faire progresser, qu'on voit un petit peu toutes les portes que ça ouvre, mais il faut rester très humble par rapport à l'IA parce que ça reste un outil formidable, mais c'est pas une science qui est juste à 100%, c'est un outil extraordinaire. On s'en sert et on va s'en servir le plus possible et le plus souvent possible. Et en médecine, ça va être formidable. Ça va nous faire gagner un gain de temps et ça va nous apporter des connaissances qu'on n'est pas capable d'avoir. Même pour les patients, je pense que ça va être très utile au quotidien. Mais je reste vraiment persuadée que derrière, on restera derrière pour être là, critiquer les choses. Et puis surtout comprendre comment ça marche, parce que c'est passionnant et que ça permet d'ouvrir plein d'autres questions dans le domaine à la fois médical et le domaine de la recherche.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Dr Watson. C'était vraiment passionnant. Bravo pour ce que vous faites. Merci surtout pour ce que vous faites.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    On voit que le domaine médical et surtout, comme on se l'est dit en préparation de ce podcast, dans le domaine de l'oncologie, avec un sujet ultra sensible, une population qui est de plus en plus concernée, en tout cas évolue positivement grâce à vous donc vraiment merci infiniment vous le savez on termine toujours cette interview par un portrait numérique quelques petites questions très courtes qui vont nous permettre de d'en apprendre un petit peu plus sur vous et sur et sur votre rapport au numérique vous êtes prête allez

  • Speaker #0

    c'est parti alors quelles sont les applications qui vous sont indispensables au quotidien alors au quotidien mes mails malheureusement je suis beaucoup trop rattaché à mes mails whatsapp Et puis, allez, LinkedIn.

  • Speaker #1

    Super. Quelle est la dernière application que vous ayez téléchargée ?

  • Speaker #0

    Ah, le marathon 2024 pour tous. J'essaye de finir mes points pour pouvoir courir le marathon 2024 des Jeux Olympiques.

  • Speaker #1

    Wow, ok, on croit que le gars pour vous. Les applications, celles ou celles avec un S ou au singulier, que vous n'ouvrez jamais malgré leur ou sa présence dans votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors... Instagram, alors ça je l'aime et je ne sais même pas comment ça marche, et puis l'autre que je n'ouvre plus et je suis vraiment bien contente,

  • Speaker #1

    c'est TousAntiCovid qu'il faudrait quand même que j'enlève Vous êtes très nombreux à dire TousAntiCovid effectivement, on est bien contents de la mettre derrière nous La dernière recherche Google ou ChatGPT que vous ayez faite ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai regardé télécharger un podcast qui s'appelle Résistante un podcast de France Inter qui s'appelle Reste distante parce que je suis passionnée par l'histoire et j'écoute plein de podcasts.

  • Speaker #1

    Parfait. Le fond d'écran de votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Une photo des Caraïbes vues par l'espace Thomas Pesquet.

  • Speaker #1

    On a envie d'y être. Et vous êtes plutôt iPhone ou Android ?

  • Speaker #0

    iPhone.

  • Speaker #1

    Super. En tout cas, merci de vous être prêté au jeu de l'interview. Merci infiniment pour votre temps. C'est très précieux. Et puis, on va vraiment suivre avec la plus grande attention la suite de vos recherches. Et à nouveau, merci pour vos patients, merci pour les patients et merci pour nous tous parce qu'on est tous concernés. Merci beaucoup, docteur.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Et voilà, au cours de cet épisode passionnant, le docteur Watson nous a démontré comment l'IA était devenu un outil précieux pour mieux diagnostiquer et mieux soigner les patients. Bien sûr, elle évoque l'indispensable recours à l'humain pour challenger l'outil et pallier à ses erreurs potentielles. Je vous encourage à suivre le Dr Watson sur son compte LinkedIn où elle partage régulièrement ses avancées et le fruit de ses recherches. Je vous remercie de nous avoir écouté jusqu'au bout. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies. Je me réjouis de vous retrouver lors de notre prochaine exploration du futur. Et n'oubliez pas de partager ce podcast au plus grand nombre. N'hésitez pas aussi à me contacter si vous souhaitez être accompagné dans la compréhension du monde qui change. A très bientôt !

Description

Dans ce nouvel épisode, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l’Institut Curie. Si son nom vous évoque quelque chose, c’est peut-être car vous avez entendu parler récemment de ses travaux qui intègrent l’intelligence artificielle aux diagnostics de cancers rares.


Passionnée par son métier, et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu’elle mène, comment l’IA est devenu un outil indispensable pour sauver ses patients, et sa vision de l’apport des nouvelles technologies en médecine.


Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain.


Je vous souhaite une très belle écoute.

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Je suis Morgane Soulier,  consultante, conférencière, passionnée de nouvelles technologies.

"Now Futures" est le podcast qui décode et démystifie le monde de demain. Il offre un éclairage sur les grandes tendances qui façonnent notre époque. Dans chaque épisode, nous vous invitons à nous rejoindre avec un panel d'experts aussi variés que prestigieux afin d'obtenir une exhaustivité des opinions sur la compréhension de l'évolution de notre société : environnement, santé, alimentation, éducation, numérique... Tous les aspects de notre quotidien sont abordés. Ensemble, nous découvrons comment les innovations influenceront notre vie quotidienne et notre avenir.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour un nouvel épisode de The Now Futures, le podcast qui nous aide à mieux comprendre le monde et à nous projeter dans celui à venir. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies, spécialisée en pédagogie sur l'intelligence artificielle et sur le métaverse. Pour bien commencer l'année, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l'Institut Curie. quelque chose, c'est peut-être que vous avez entendu parler récemment de ces travaux qui intègrent l'intelligence artificielle au diagnostic de cancers rares. Passionnée par son métier et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu'elle mène, comment l'intelligence artificielle est devenue un outil indispensable pour sauver ses patients et sa vision de l'apport des nouvelles technologies en médecine. Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain. Je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour docteur.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Docteur Sarah Watson, on dit de vous que vous êtes une oncologue et biologiste en mission contre des cancers incurables. Vous partagez votre temps entre votre activité d'oncologue médicale et de chercheuse à l'Institut Curie. Alors, avant de rentrer dans les détails de vos recherches et de vos dernières publications qui mettent en avant l'impact positif de l'intelligence artificielle et du numérique dans vos recherches, J'aurais aimé que vous nous parliez un petit peu de vous, de votre parcours et de ce qui vous a conduit à vous spécialiser dans l'oncologie et en particulier sur les tumeurs rares.

  • Speaker #1

    Oui absolument, j'ai cette chance d'avoir une activité qui est mixte aujourd'hui où je peux partager mon temps entre mon activité clinique où je m'occupe des patients qui ont effectivement dans l'immense majorité des cas des cancers avancés. des cancers dont on sait qu'aujourd'hui avec les moyens de la médecine on n'est pas capable de les guérir mais que le but des traitements qu'on propose c'est d'améliorer finalement la survie des gens, leur qualité de vie et d'aller le plus loin possible avec eux donc ça c'est mon activité clinique ce qui représente à peu près 60% de ma semaine et puis le reste du temps j'ai la chance d'avoir également une activité scientifique de recherche au sein du centre de recherche de l'Institut Curie où j'ai une petite équipe où on travaille sur la biologie des maladies que je vois tous les jours auprès de mes patients. Alors pourquoi les cancers rares ? C'est une vraie bonne question. Je dirais qu'un peu comme dans tout mon parcours, ça a été vraiment une histoire de hasard et de rencontre. Je suis fille de deux parents profs d'anglais, donc on n'a aucun background scientifique dans la famille, en tout cas aucun background médical. mais c'est vrai que moi j'ai été vraiment du hasard parce que j'étais moi-même malade quand j'étais en terminale hospitalisée plusieurs mois et ça m'a fait grandir très vite et ça m'a vraiment fait me questionner sur ce que j'avais envie de faire et je pense qu'aujourd'hui je peux dire que la médecine m'a sauvée à ce moment-là et que j'ai eu envie de pouvoir faire la même chose qu'on avait fait pour moi et donc c'est ce que j'ai fait faire médecine, ça a été une évidence très rapidement. J'ai passé ma première année de médecine, c'était maintenant il y a plus de 20 ans. Et puis, à l'issue de cette première année de médecine, on m'a proposé de me présenter au concours de l'école normale supérieure pour faire une double formation médecine-science. Donc ça, c'était un hasard parce que je ne savais même pas que ça existait. Et en fait, c'était le tout début de ce qu'on appelle les doubles cursus qui permettent aux étudiants en médecine d'avoir à la fois une formation médicale et une formation scientifique très tôt dans leur parcours. Et donc ça, je l'ai fait un petit peu par hasard, encore une fois, parce que je ne connaissais pas, je n'étais pas au courant de cette possibilité. Et ça a été probablement une des choses qui m'a… pouvoir être formée scientifiquement très tôt, ça a été probablement une des choses qui m'a ouvert le plus de portes pour la suite de ma carrière rétrospectivement. Je dois dire que sur le moment, ça a été des années qui étaient difficiles parce qu'il fallait faire deux types d'études à la fois et à l'époque, ce n'était pas très bien organisé, donc ça a été assez lourd. Mais rétrospectivement, s'il fallait refaire, je referais exactement la même chose parce que ça m'a permis très tôt de comprendre les liens entre la science et la médecine et de me poser des questions biologiques quand je voyais des patients et inversement quand je voyais des patients. de me donner des idées sur les projets de recherche. Donc ça, ça a été vraiment le début de mes années de médecine. Et puis j'ai découvert ensuite la cancérologie, là encore par hasard. On passe, quand on est étudiant en médecine, dans des stages les uns après les autres et on passe en cardiologie, en pneumologie, en chirurgie, etc. Et puis par hasard, je suis passée en… en oncologie, dans un service où on prenait en charge des malades extrêmement avancés atteints de cancer digestif. Et j'ai eu une espèce de, vraiment, ça paraît des fois un peu too much de dire ça, mais vraiment comme une révélation. Et je veux dire qu'après une demi-journée de stage, je savais que c'était ça que je voulais faire. Et pourquoi l'oncologie ? Parce que j'avais trouvé que tout de suite, on était dans le vrai. On était dans une relation qui était vraiment très forte avec les patients, qui avait un aspect qui était très technique. très médicale, parce qu'on prend en charge une maladie complexe, il y a beaucoup de médicaments, beaucoup de stratégies thérapeutiques à élaborer, mais quelque chose qui était aussi extrêmement humain, parce qu'on touchait très vite des sujets extrêmement graves, et donc ça a créé une relation de proximité qui m'a beaucoup touchée, qui m'a donné beaucoup envie d'aller plus loin dans cette spécialité-là. Donc j'ai choisi l'oncologie, j'ai passé l'internat. Et puis au cours de mon internat, là encore, on passe de stage en stage, et j'ai découvert la prise en charge de cancers rares dans une unité dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes. Donc à l'Institut Curie, j'étais interne à ce moment-là. Et j'étais vraiment frappée par le fait que ces maladies étaient extrêmement complexes et qu'on n'y connaissait pas grand-chose. Et donc je me suis dit, mais les cancers fréquents, il y a plein de solutions thérapeutiques, alors ça ne sert jamais assez. Il y a quand même beaucoup de gens qui s'y intéressent, il y a beaucoup de recherche, mais les cancers rares, ça n'intéresse personne, ça n'intéresse ni la recherche, ni l'industrie. Et finalement, il y a quand même des patients qui sont là. Et quand on additionne tous les cancers rares qui existent, 20% des cancers sont en fait des cancers rares. Donc, c'est plus si rare que ça d'avoir un cancer rare. Et donc, ça m'a vraiment intéressée. Et donc, j'ai décidé de faire ma thèse de sciences. Je me suis interrompue pendant mon internat. J'ai fait ma thèse de sciences en me travaillant sur un... un sous-type de cancer rare qui s'appelle les sarcomes. C'était le début de la génétique, de la biologie moléculaire, de ce qu'on appelle le séquençage à haut débit. C'est une technique qui consiste à vraiment aller décortiquer la carte d'identité génétique et moléculaire des cancers. C'était le début, on était dans les années 2010-2015. Et donc j'ai travaillé sur la caractérisation moléculaire de ces cancers rares. Ça a permis d'identifier de nouveaux sous-types de maladies, de montrer que ces techniques-là étaient très puissantes. pour permettre de mieux diagnostiquer et donc de mieux prendre en charge ces maladies. Et puis ensuite, je terminais mon internat et aujourd'hui, j'ai un poste de médecin-chercheur à Curie et où je suis restée sur cette thématique des cancers rares qui me passionne. Et donc, je travaille à la fois sur les sarcomes, qui sont ces maladies rares qui peuvent toucher les enfants comme les adultes, et puis un autre type de cancer rare. C'est un petit peu plus récent et ça a fait suite à nos travaux de recherche, mais qui sont les cancers de primitifs indéterminés ou de primitifs inconnus. C'est un petit peu l'état des lieux.

  • Speaker #0

    C'était très intéressant, on vous sent vraiment passionnés. Et ce qu'on retire de ce que vous dites, c'est qu'à la fois votre parcours est en même temps le fruit d'une réelle vocation, mais aussi... des hasards de la vie qui ont fait que finalement votre vocation est venue à vous de façon assez naturelle. Et du coup, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, vous êtes à vous écouter extrêmement passionnés par ce que vous faites. En tout cas, on a énormément entendu parler de l'Institut Curie et de vous depuis ces dernières années, mais encore plus à la fin de l'année 2023, parce que vous êtes à la tête d'un protocole de recherche, d'une étude. dont on a beaucoup parlé dans la presse, qui est que vous utilisez l'intelligence artificielle pour identifier finalement l'origine des cancers primitifs inconnus dont vous venez de parler. Et finalement, est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur ce protocole de recherche qui est en cours, parce que je pense qu'il n'est pas encore terminé et que vous êtes en train de le mener. Et comment l'idée d'utiliser l'intelligence artificielle pour identifier l'origine de ces cancers a-t-elle émergé à l'Institut Curie ?

  • Speaker #1

    Absolument, donc c'est vrai qu'il y a eu beaucoup d'emballements médiatiques auxquels je ne m'attendais pas du tout. Donc ce projet, c'est un projet qui remonte à un petit moment maintenant, parce qu'il a commencé en 2019-2020. Et en fait, on travaillait sur, à l'époque, je ne m'intéressais pas particulièrement au cancer de primitif inconnu, j'avais une thématique qui était vraiment celle des sarcomes. Et donc, comme je suis un peu dans la continuité de mes travaux de thèse, on utilise vraiment les données, on travaille à utiliser au laboratoire les données de biologie moléculaire, donc les données de séquençage, pour essayer de mieux classer ces sarcomes, qui sont des maladies extrêmement hétérogènes, extrêmement complexes. Et donc, à l'époque, moi, je travaillais avec un étudiant en thèse qui s'appelle Julien Wiber, et qui était avec moi au laboratoire. Et donc, on avait... récupérer des cartes d'identité moléculaire de plein de types de cancers. Il faut savoir qu'il y a des bases de données publiques aujourd'hui où les données de séquençage de plein de types de cancers sont accessibles à n'importe qui. On peut bien sûr anonymiser, mais on n'a pas les informations sur les patients. Mais on a les données de séquençage, donc on a finalement tous ces codes de matériel génétique de dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs qu'on avait récupérés parce qu'on voulait... essayer de créer un outil qui nous permettait de très bien discriminer nos sarcomes, qui sont des maladies dures à diagnostiquer, et on voulait bien les discriminer des autres types de cancers. Et donc, sachant qu'on avait énormément de données, il faut imaginer qu'on avait des dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs, et qu'au sein de chacun de ces échantillons, on a des données de séquençage de plus de 25 000 gènes. Donc, il faut imaginer des données qui sont d'une... complexité immense, c'est 25 000 gènes par tumeur, plus de 20 000 échantillons de tumeur, donc on avait des données très très, ce qu'on appelle des big data, vraiment. Julien, qui était à l'époque passionné par les débuts de l'intelligence artificielle, enfin le boom de l'intelligence, c'est pas les débuts, mais le boom de l'intelligence artificielle dans les années 2020, avait eu envie de tester un petit peu des outils d'IA pour voir si on faisait mieux qu'avec des outils classiques d'analyse. Et donc, ils travaillaient un petit peu sur la mise en place d'un outil qui permette de bien discriminer les sarcomes, des autres types de cancers. Et donc, en fait, ce qui s'est passé, c'est que là encore, c'est un hasard. Moi, en tant que médecin, il y a un patient qui m'a adressé pour une suspicion d'un sarcomme, d'un cancer rare. Et j'ai vu ce jeune patient qui avait 30 ans, qui avait des métastases à différents endroits. Et en fait, on a fait une biopsie. Ce n'était pas un sarcomme. C'était un carcinome, un type de cancer beaucoup plus fréquent que les sarcomes. Mais ce qui se passait, c'est qu'on était incapable de savoir d'où venaient ces métastases. On était face à un tableau typique de ce qu'on appelle un cancer de primitif inconnu, qui est donc une maladie qui se présente au stade métastatique. Il y a différentes masses dans différents organes, mais on n'est pas capable, avec les scanners, les TEP-scanners, les examens d'anatomopathologie standard, de savoir d'où viennent ces métastases. Et ça, c'est un vrai problème parce que... Il faut savoir que même si on est à l'heure de la médecine de précision, la plus grande précision qu'on ait en tant qu'oncologue, le premier paramètre qui nous fait choisir le type de traitement qu'on va proposer à un patient, c'est d'où vient son cancer. On ne va pas traiter de la même façon des métastases d'un cancer du côlon ou d'un cancer du poumon ou d'un cancer du sein. Et donc là, on est dans cette situation de cancer du primitif inconnu. On sait que c'est une entité qui existe. Ça représente environ 2% des cancers aujourd'hui. Donc, ce n'est pas nul. C'est environ 6 000 à 7 000 patients par an en France. qui sont affectés par ce type de maladie. Et c'est des maladies qui ont un pronostic qui est assez effrayant parce qu'on passe beaucoup de temps à essayer de chercher d'où ça vient, on ne trouve pas forcément, puis on finit par faire un traitement qui est le traitement recommandé, qui est une chimiothérapie très peu spécifique qui va pouvoir éventuellement taper sur différentes origines, mais qui a des résultats extrêmement médiocres et globalement des médianes de survie qui sont inférieures à un an. Donc, c'est des patients qui ont un pronostic qui est très réservé. Et l'idée qu'on a eue, c'est de se dire… Pourquoi on ne ferait pas une carte d'identité génétique de cette maladie ? Et pourquoi on ne l'analyserait pas avec les outils que Julien a essayé de mettre au point pour discriminer les différents types de sarcomes par rapport à plein d'autres types de cancers ? On s'est dit, s'il y a des métastases qui viennent d'un endroit, on ne sait pas d'où elles viennent, mais elles devraient garder une signature de leur organe d'origine. Et donc... L'outil d'intelligence artificielle que je viens développer était un outil qui était vraiment entraîné à reconnaître plein de types de cancers différents. On avait entraîné sur ces dizaines de milliers d'échantillons publics, avec des échantillons très bien annotés de cancers du rein, de cancers du sein, de cancers du côlon, etc. Et l'hypothèse qu'on a eue, c'est de se dire, si on fait la carte d'identité moléculaire de notre patient et qu'on le soumet à cet outil d'intelligence artificielle, est-ce qu'il va être capable de nous dire… votre tumeur se rapproche soit d'un cancer du côlon, soit d'un cancer du poumon, ou bien est-ce qu'au contraire c'est un cancer de primitif inconnu et que ça va se rapprocher de rien parce que ça ne ressemble à rien ? Et on n'avait pas la réponse. Et donc on a fait l'analyse, il faut savoir que c'est une analyse qui ne prend pas beaucoup de temps, séquencer une tumeur ça prend quelques jours, donc on l'a fait. Et puis je me souviens encore, j'étais en consultation, et de Julien qui m'appelle et qui me dit mais ton patient, il a un cancer du rein Et ça, c'était quelque chose auquel on ne s'attendait pas du tout, parce que déjà, c'est un diagnostic qui n'est pas très fréquent, et puis moi, je ne m'attendais pas à ce que l'outil d'intelligence artificielle soit capable d'aller me reclasser la tumeur, alors qu'on n'avait pas réussi à la classer avec des moyens standards. et donc finalement on a réfléchi on s'est dit qu'est ce qu'on fait de ce résultat qui encore de la recherche est ce qu'il faut l'appliquer aux soins est ce que voilà donc on a rediscuté avec nos pathologistes on leur a dit est ce que pour vous ça pourrait coller quand même avec un cancer du rein et ah oui c'est vrai ça pourrait coller avec un cancer du rein le profil est compatible et donc on a traité ce patient comme s'il avait un cancer du rein alors qu'il y avait aucune lésion sur le rein et le traitement a très bien fonctionné et il faut savoir que le traitement d'un cancer du rein, ça n'a rien à voir avec le traitement recommandé pour un cancer de primitif inconnu.

  • Speaker #0

    Donc sans cette intelligence artificielle, vous auriez traité le patient avec une chine classique ?

  • Speaker #1

    Avec une chine classique, dans ces maladies-là, et ça n'aurait pas marché, parce que ça ne marche pas sur les cancers du rein.

  • Speaker #0

    Ça n'aurait pas marché, il aurait pas marché.

  • Speaker #1

    Donc ça a été un premier patient, mais en fait qui a lancé tout le truc, et je me revois derrière juste après. solliciter tous mes collègues à l'Institut Curie en leur disant si vous avez des patients avec des cancers de primitif inconnu dites-le moi on va séquencer toutes les tumeurs on va les analyser pour voir parce que n égal 1 c'est bien mais est-ce que ça marche dans tous les cas ? Donc voilà ça a été vraiment le début du projet et on s'est mis à s'intéresser à cette pathologie là et donc on a récupéré une... une série d'une cinquantaine de tumeurs de cancers de primitifs inconnus. Alors, il y en avait un certain nombre, c'était des patients qui étaient malheureusement déjà décédés, mais on a quand même récupéré les tumeurs. Et on a regardé si l'outil arrivait à les classer. On a optimisé l'outil pour qu'il classe un maximum de tumeurs. Et on a vu que finalement, cet IA, cet outil qu'on a appelé TransCupTomics, parce que c'est basé sur de la transcriptomique, et on l'a appelé TransCupTomics parce que Cup, c'est les cancers de primitifs inconnus. cet outil était capable finalement de trouver l'origine dans environ 80% des cas. Ce n'est pas 100%, mais c'est quand même 80% des cas pour lesquels initialement il n'y avait pas d'orientation diagnostique et que l'outil arrivait à reclasser avec des scores de probabilité. L'IA reste la probabilité mathématique, mais avec des scores de probabilité qu'on a jugés élevés et suffisamment élevés pour qu'on puisse lui faire confiance. Et donc ça, on a publié le... le premier papier en 2021, sur cette petite série d'une cinquantaine de patients. Et je dois dire qu'à l'époque, on n'a pas énormément communiqué dessus, il y a eu quelques brèves communications dans les médias, mais très peu à l'époque. Et ce qui a mis en lumière ce travail, c'est que, Ça a vraiment, et là encore, c'est les hasards, mais ça a été l'explosion de tchats GPT, de l'intelligence artificielle, à la fin 2022, début 2023, où tout d'un coup, on s'est mis à se dire, mais l'IA arrive de tous les côtés. Et donc, l'IA dans la santé, c'est un sujet qui passionne, parce qu'il dérange aussi beaucoup. Et donc, c'est vrai qu'à ce moment-là, on a été beaucoup ressolicité pour reparler de ça. Et entre-temps, il s'était passé deux ans. Et pendant ces deux ans, en fait, on a eu le temps de vraiment… de faire sortir cet outil du laboratoire. C'est un outil qui était vraiment designé au centre de recherche, sorti d'un laboratoire, et on s'est rendu compte qu'il était super utile. D'abord, les anatomopathologistes de l'Institut de Paris, c'est les médecins qui posent les diagnostics de cancer, qui disent, quand il y a un prélèvement, ils disent ça c'est un cancer du sein ou ça c'est un cancer du côlon Là, ils se sont mis sur des cas difficiles à se dire mais il faut que je demande un séquençage et qu'on applique l'outil d'IA pour aider à ce qu'on diagnostique Donc déjà, au sein de l'institution, nos pathologistes se sont appropriés l'outil. Donc ça, c'était formidable parce que ça voulait dire qu'ils y croyaient et qu'on n'était pas tout seul. Mais ce qui a donné une impulsion plus importante à l'outil, ça a été le fait qu'on ait pu transférer cet outil dans le cadre sur le plan national.

  • Speaker #0

    Mais alors voilà, c'était ma prochaine question parce que c'est absolument passionnant. Et du coup, ça amène à tout un tas de réflexions. La première qui est, quel est le coût de développement d'un tel outil ? Et du coup, est-ce qu'il est duplicable ? pour les autres centres de recherche ou même les autres centres de suivi de cancer sur tout le territoire, voire à l'international, parce que j'ai l'impression que vous avez quand même quelque chose. Si on garde en tête ce que vous nous avez dit il y a 10 minutes sur ce patient qui avait un cancer du rein et qui n'aurait jamais été détecté, on se pose la question de savoir si cet outil fonctionne, pourquoi est-ce qu'il est duplicable, à quel coût, et voilà. Et mon autre question qui n'a rien à voir, mais à laquelle vous pourrez probablement me répondre après, c'est quels sont les profils de personnes qui constituent votre équipe ? Est-ce qu'il n'y a que des médecins ? Est-ce qu'il y a, typiquement, Julien dont vous parlez, est-ce qu'il est médecin ? Est-ce qu'il est chercheur ? Est-ce qu'il est ingénieur ? Est-ce qu'il est… Voilà, j'imagine que vous avez des algorithmiens avec vous, des mathématiciens, voilà.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Ce n'est pas du tout un travail personnel, c'est un travail d'équipe. Oui. Alors, pour répondre à la première question concernant le coût et l'applicabilité. Il faut savoir qu'en soi, l'outil, c'est une ligne de code qu'on fait tourner sur des données de séquence. Ça ne coûte rien de faire tourner l'outil. C'est vraiment le code, il est établi. Alors, il y a eu du temps humain pour la mise en place de ce code. Et ça, c'est difficilement quantifiable en termes financiers. Mais je dirais qu'aujourd'hui, faire tourner la ligne de code, ça ne coûte rien. Ça prend 10 secondes. On fait tourner une fois qu'on a les données de séquençage. Ce qui coûte de l'argent, c'est le séquençage. de la tumeur. Faire un transcriptome, donc une analyse de tous les gènes qui sont exprimés dans une tumeur, ça coûte de l'argent, ça coûte aujourd'hui environ 400 euros pour un patient, donc c'est pas non plus énorme dans le domaine de la santé, des fois il y a des frais qui sont beaucoup plus importants, mais c'est environ 400 euros. Et ce qu'il faut savoir c'est que c'est une technique, le séquençage ARN, qui n'est pas forcément accessible dans tous les hôpitaux. de tous les centres qui prennent en charge des patients avec des cancers. Pourquoi aujourd'hui ? Parce que ça nécessite une infrastructure un petit peu particulière. Il faut avoir des machines de séquençage qui, elles, pour le coup, coûtent très cher. Il faut avoir une expertise, une équipe de biologie moléculaire, de génétique, et puis des gens qui sont capables d'analyser les données. Il y a beaucoup de traitements de données à faire. Donc, ce n'est pas fait partout, mais il y en a quand même de plus en plus. Sur la région parisienne, il y a plusieurs centres. Gustave Roussy, l'Institut Curie et d'autres, et à la PHP aussi.

  • Speaker #0

    On peut imaginer que des centres dans des régions plus éloignées de Paris puissent vous envoyer leur séquençage ?

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on a fait, c'est encore plus collaboratif que juste envoyer le séquençage. C'est qu'on a mis en place ce qu'on appelle une heure. C'est un terme, c'est du jargon. Une réunion de concertation pluridisciplinaire, donc en gros, c'est une réunion de médecins de différentes disciplines. Donc là, on a des oncologues médicaux, donc les médecins qui, comme moi, donnent les médicaments anticancéreux. On a des anatomopathologistes qui posent les diagnostics. Et puis, on a les biologistes moléculaires, qui sont les médecins spécialistes de l'analyse de ces données moléculaires compliquées. Et donc, c'est ce qu'on appelle une réunion de concertation pluridisciplinaire. On se retrouve tous les 15 jours. tout ensemble et c'est une réunion de concertation pluridisciplinaire qu'on coordonne mais qui inclut tous les médecins sur le territoire national. Donc vraiment tous les pathologistes, tous les oncologues qui sont intéressés par vraiment se présenter à un patient peuvent se connecter. Cette RCP est vraiment dédiée aux cancers de primitif inconnu donc on a mis ça en place en 2020. Et on a intégré notre outil d'intelligence artificielle dans le cadre des analyses moléculaires qui sont faites en routine dans le cadre de cette RCP. Donc s'il y a un patient, je dis n'importe quoi, qui habite au fin fond du Berry, je n'ai rien du tout contre le Berry, mais il n'a pas accès à une plateforme de séquençage qui nous présente le dossier de son patient à cette RCP, on va coordonner le circuit du prélèvement. pour que la tumeur soit séquencée sur la bonne plateforme et pour que les analyses puissent être faites et que le patient qui est loin d'un centre, je dirais, un peu expert puisse avoir accès à ces analyses-là. Et ensuite, on étudie les résultats tous ensemble et on rend le résultat tous ensemble. On y viendra peut-être après, mais on ne rend pas juste un score d'intelligence artificielle, on intègre ça avec beaucoup de choses. C'est tout l'intérêt de cette réunion qui est très humaine pour le coup et pas du tout artificielle, qui permet finalement de critiquer les résultats, de les intégrer dans un contexte et de proposer un traitement aux patients. C'est comme ça que l'outil, on a réussi à le diffuser sur le plan national. C'est probablement ça notre plus grande fierté, c'est de se dire qu'aujourd'hui, on l'utilise en routine. On travaille aussi en parallèle sur une version améliorée parce qu'un outil d'IA, ça peut toujours s'améliorer et ça s'améliore toujours. Donc, il y a une phase de recherche qui est en cours, bien évidemment, pour améliorer ses performances, parce qu'on pense qu'on peut encore améliorer ses performances. Mais la version 1, en tout cas, est utilisable et est utilisée en routine clinique, aujourd'hui, sur le territoire national.

  • Speaker #0

    D'accord. On reviendra après à ma deuxième question, qui était les profils type professionnels des gens qui composent votre équipe. Mais j'ai une autre question qui m'est venue entre-temps. qui va compléter la précédente. Est-ce que des patients vous contactent de façon autonome ? Absolument et de plus en plus. Et c'est là que le rôle des médias et de la communication a été très important. Parce que c'est vrai que nous, moi je suis médecin, je ne suis pas du tout formée à la communication et au fait de parler, m'adresser sur un plan grand public à ce qu'on développe. Et pour autant, ça a été vraiment cette communication autour de ce tout-ci qu'il y a eu en 2023, qui a permis qu'il y ait des patients qui nous contactent. qui demandent à leurs médecins d'avoir accès à cet outil. Donc du coup, les médecins nous ont dit, mais comment on fait ? Et ça a été… Moi, j'ai reçu beaucoup de messages de patients sur LinkedIn, sur mon mail personnel, sur des choses qui disaient… Mais voilà, et pas uniquement en France, en Europe, dans le monde, des gens qui voulaient avoir accès à cet outil-là. Donc il a fallu expliquer les modalités, cadrer les choses, parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe quoi. comment bien sûr ce que fait dans un cadre et que les données soient soit vraiment de qualité pour qu'on puisse les analyser et surtout ne pas donner de fausses espérances aux gens quand on sait que c'est pas réalisable dans certaines situations mais mais en tout cas oui il ya eu beaucoup de beaucoup de demandes qui sont venus spontanément de des

  • Speaker #1

    patients tout à fait super en tout cas quoi qu'il soit c'est très porteur d'espoir quoi C'est très important, l'espoir. Et donc, sur le profil type des personnes qui constituent l'équipe ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Alors, moi, je suis médecin-chercheur. Dans l'équipe, aujourd'hui, on a une petite équipe qui est rattachée à une plus grosse équipe. Mais donc, vraiment, les gens qui travaillent sur ce projet. Donc, c'est… Alors, Julien, effectivement, est travaillé avec moi pendant sa thèse de sciences. Maintenant, il est parti. Merci. Il a aussi le même profil que moi. Il a fait une médecine et un cursus scientifique en parallèle à Normalsup. Donc, on a vraiment un profil très similaire. Sachant que lui, il est très geek, très passionné par les maths et par tout ce qui est informatique. Alors que moi, j'étais assez béotienne dans ce domaine-là avant que n'arrive tout ce projet. Donc voilà, on a effectivement des profils de médecins et puis j'ai des étudiants en médecine qui sont passionnés et qui veulent faire des projets de recherche ensuite sur que deviennent les patients qui sont traités en fonction des propositions thérapeutiques qu'on a tirées de l'utilisation de l'outil. Donc ça a créé plein de projets derrière pour des étudiants en médecine et ça c'est formidable. Et puis au sein de l'équipe, on a aussi des mathématiciens purs et purs et ce qu'on appelle des bioinformaticiens. Donc ça, c'est vraiment une classe de métier qui est devenue le nerf de la guerre dans le domaine de la biologie moléculaire et de la génétique. Aujourd'hui, c'est ces chercheurs qui sont vraiment spécialisés dans l'analyse de données. Ils ne sont pas à la paillasse avec des fioles et des tubes à essai, mais ils sont derrière un ordinateur toute la journée. Et leur travail, c'est d'analyser ces séquences de pouvoir. à la fois finalement tirer l'information de ces séquences et puis créer des nouveaux outils pour savoir les gènes qui sont soit anormaux dans une tumeur ou au contraire les gènes qui sont normaux, en quoi une tumeur se différencie d'une autre sur son profil d'expression. Donc on travaille énormément avec les bioinformatistes sur ce projet parce qu'on est sur de l'analyse de données, donc là vraiment on est sur des maths et des aspects. Et là la dernière personne qui nous a rejoint, Loïc, qui est... et un étudiant qui sort d'une école d'IA, qui n'avait lui-même aucune formation en biologie. C'est ça qui est vraiment intéressant, c'est qu'on a des profils très différents. Lui, il était super fort en IA, il avait travaillé sur de l'analyse d'images pour faire des films et des choses comme ça. Il arrive dans le domaine de la biologie, il ne connaît pas la biologie, mais il arrive avec vraiment ses connaissances en intelligence artificielle. C'est vraiment des métiers très différents qui vont s'entrecroiser, qui vont discuter, c'est ça qui est passionnant.

  • Speaker #1

    Très complémentaire et très pluridisciplinaire. Et avec le recul que vous avez, parce que donc effectivement, vous dites, ça fait maintenant presque quatre ans que vous travaillez avec cette technologie d'intelligence artificielle, quelles sont les limites actuelles que vous voyez sur la technologie ? Quels sont les défis que vous pouvez rencontrer au quotidien dans son application clinique ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors il en reste, déjà, il y a le fait que l'outil n'est pas 100% performant. Donc je vous ai dit sur la première petite série, on a à peu près 80% d'identification de la tumeur. Donc ça veut dire qu'il reste 20% où on ne trouve pas. Alors, jusqu'où on peut augmenter la performance de cet outil, c'est une question à laquelle je n'ai pas la réponse. Je pense qu'il y a des paramètres qu'on peut améliorer et qu'on est en train d'essayer d'améliorer. En particulier, le fait qu'il faut bien savoir qu'un outil d'IA n'est capable de reconnaître ou d'imiter ou de classer que ce qu'il a appris et que ce qu'il a déjà rencontré. Un outil d'IA n'est pas capable d'imaginer des choses. Même une IA qu'on va appeler générative, genre ChatGPT, ChatGPT ne va pas pouvoir imaginer des choses. ChatGPT va donner des réponses basées sur les choses qu'il a apprises auparavant. Et donc nous, on a appris à notre outil à reconnaître un certain nombre de cancers. Mais très clairement, on n'est pas exhaustif dans tout ce qu'on lui a appris à reconnaître. Donc on peut se dire qu'il y a peut-être une petite proportion de nos 20% de cas pour lesquels on n'a pas réussi à trouver. Ou si on avait mieux appris... à notre outil à reconnaître des sous-types de cancers plus rares, on serait capable finalement de grappiller un petit peu de performance si on avait appris plus de choses à notre outil. Donc on essaye d'enrichir ce qu'on appelle le jeu de données d'entraînement. Le jeu de données d'entraînement, c'est les données sur lesquelles on va utiliser pour que l'ordinateur ingurgite du savoir avant d'être capable de… donner des décisions, donner des résultats.

  • Speaker #1

    Quel est votre avis, je suis désolée, je vous ai coupé, quel est votre avis, vous, justement, sur ces spéculations, sur cette anxiété générale d'une intelligence artificielle ? Alors, pour le coup, pour vous, ce serait quelque chose de plutôt bénéfique, mais cette anxiété générale d'une intelligence artificielle qui deviendrait super intelligente et qui pourrait apprendre toute seule, et qui, du coup, vous, peut-être que vos 20% l'intelligence artificielle pourrait pallier à ce déficit. Mais est-ce que vous avez un avis, une vision, des perspectives quand vous échangez justement avec les jeunes chercheurs en IA ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, nous, dans le domaine de la médecine, on n'a pas de... Moi, alors je suis... J'ai 38 ans, je suis très enthousiaste par rapport au développement de l'intelligence artificielle parce que je vois ce que ça peut nous apporter qu'on n'est pas capable de faire aujourd'hui et je vois tout ce que ça apporte en termes de gain de temps pour des tâches très banales qui peuvent être automatisées et faites de façon plus fiable avec de l'IA qu'avec des moyens humains. Je peux voir ce que ça nous apporte en termes de génération de nouveaux contenus qu'on n'est pas capable de créer nous-mêmes parce que... Juste, on n'est pas capable d'emmagasiner tout ce savoir qui est pour le coup accessible à l'IA. Je vois surtout les aspects positifs. C'est vrai qu'on peut très vite fantasmer sur une IA qui prendrait le contrôle et qui, si vous voulez, pourrait même usurper des données de santé des patients et rentrer dans la vie des patients. On peut très vite partir sur des choses un peu comme ça. Je pense qu'en fait, c'est... Ces craintes-là sont liées au fait qu'aujourd'hui, la réglementation de l'IA est quelque chose qui est extrêmement obscur, et en particulier la réglementation dans l'usage de la santé. Pour vous donner un exemple, nous, notre outil d'IA, on l'a mis en place, on l'a appliqué en routine diagnostique. Aujourd'hui, on l'utilise en routine diagnostique sur le plan national. À aucun moment, quelqu'un m'a demandé… d'évaluer cet outil, d'évaluer sa performance, sa pertinence, et on l'utilise. Ça paraît complètement fou. On n'imagine pas que dans un avion, un nouveau système de pilotage automatique qui est en fait de l'intelligence artificielle n'ait pas été évalué, testé dans tous les sens, comparé à d'autres choses. Mais dans le domaine de la santé, il y a ce flou total. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est-à-dire que si vous aviez voulu… le faire évaluer, tester avant de pouvoir l'utiliser, vous ne pourriez certainement pas encore l'utiliser parce que les délais protocolaires de régulation sont immenses.

  • Speaker #0

    Et puis aujourd'hui, je dirais même que la structure de régulation à qui il faut soumettre ce type de nouveau dispositif, elle est très, très obscure. Je ne sais pas. Autant je veux développer un nouveau médicament. Je veux évaluer ce médicament dans une indication thérapeutique. On connaît très bien le circuit. Il y a toutes des étapes. On appelle des essais cliniques, essais cliniques de première administration chez l'homme, essais cliniques, blablabla. Ça, c'est très bien codifié jusqu'à ce qu'on arrive à ce qu'on appelle l'autorisation de mise sur le marché qui aboutit au remboursement d'un médicament. Un dispositif d'intelligence artificielle, aujourd'hui, on ne connaît pas du tout son parcours de développement. de la sortie du laboratoire jusqu'à l'utilisation en routine, qui est censé évaluer la performance, qui est censé le benchmarker contre d'autres outils, parce que si ça se trouve, on est dans une autre équipe, en Belgique ou aux États-Unis ou en Asie, il y a un outil qui est bien meilleur que le nôtre, c'est tout à fait possible, parce qu'on a eu l'idée, mais il y en a d'autres qui ont des idées, et donc si ça se trouve, il y a un outil qui est bien plus performant, mais sauf qu'on n'a jamais comparé l'un à l'autre. On n'a jamais... Voilà. Donc il y a encore beaucoup de flou, et je pense que c'est ce flou qui est la source des potentielles inquiétudes.

  • Speaker #1

    Ce sont les mêmes débats qu'on avait déjà finalement il y a 5-6 ans sur tous les logiciels de santé connectée, pour lesquels de nombreux entrepreneurs finalement n'osaient pas mettre sur le marché leur application de santé connectée, et du coup ont vu leur entreprise péricliter avant même de pouvoir... aller au bout de leur démarche. Moi, j'avais une entreprise dans le domaine de la santé connectée il y a quelques années, et comme vous, vous l'avez fait pour votre outil d'intelligence artificielle, je l'ai publié sur les plateformes avant même de demander l'autorisation à une quelque autorisation de santé, et finalement, elle a été téléchargée plus de 200 000 fois, et elle n'a jamais gêné personne, finalement. Mais du coup, je vous rejoins tout à fait, oui. Et du coup, quel conseil vous pourriez donner à des jeunes chercheurs qui seraient intéressés par l'intégration de l'intelligence artificielle dans la recherche médicale ? Comment est-ce que vous abordez finalement, comment vous voyez l'évolution de l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine de l'oncologie, mais aussi de façon plus générale dans la médecine ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors, je pense que déjà, pour bien utiliser l'intelligence artificielle, il y a différentes choses. Je dirais que déjà, il faut avoir une bonne question. Vouloir faire de l'IA pour faire de l'IA, ça ne sert pas à grand-chose, parce qu'il y a plein de choses où on n'a pas de besoin, si vous voulez. Et on voit aujourd'hui, si on fait des recherches bibliographiques, on voit qu'il y a je ne sais pas combien de milliers d'outils d'IA qui sortent chaque semaine. Et je vais vous dire, 99,99% de ces outils ne sont jamais utilisés en routine. parce que soit il n'y a pas d'application, soit l'outil n'est pas bon. Faire de l'IA pour faire de l'IA, pourquoi on fait de l'IA ? On fait de l'IA pour répondre à une question. Et pour répondre à cette question, il faut se dire que l'IA est un moyen, comme un autre. L'IA, ce n'est pas magique, c'est un moyen. C'est finalement une méthode d'analyse statistique un peu particulière, très puissante, qui va être basée sur l'analyse de ce qu'on appelle des big data, vraiment des données de très haute complexité. et ce qu'on appelle des données multidimensionnelles. Alors ça peut paraître un petit peu compliqué, mais l'exemple typique, c'est l'exemple que je peux vous donner là, qui est cet exemple du séquençage, où on a 25 000 gènes dans une tumeur, et chaque gène est exprimé de façon différente. Donc on a finalement 25 000 dimensions dans notre donnée de séquençage. Ça, c'est inaccessible à notre cerveau. Un outil d'IA, ça ne nous pose aucun problème qu'il y ait 25 000 dimensions. Donc voilà. Plus il va y avoir de dimensions, plus il va être performant. Même chose dans l'analyse d'images. Quand on prend une image, en fait, une image, c'est des centaines de milliers de petits points qu'on appelle des pixels, qui sont des petits points qui vont pouvoir être extraits par ces outils informatiques et que notre œil n'est absolument pas capable de voir. Donc, c'est aussi pour ça qu'il y a une très forte pour analyser des images. Donc, vraiment, les conseils que je donnerais, c'est déjà la bonne question. Ensuite, s'assurer qu'on a des données. qui sont des données utilisables par l'IA. Si on a des données qui ne sont pas très multidimensionnelles, qui sont des données très hétérogènes, si on a des données juste sur 50 patients, par exemple, ça, ce n'est pas une bonne chose pour l'outil d'intelligence artificielle. Il ne va pas être bon là-dedans. Il va être bon sur des très grosses données. Donc, avoir ces big data et avoir ces big data qui soient propres. Il faut savoir que dans le développement d'un outil d'IA, 90% du temps qu'on passe, c'est vraiment le nettoyage du jeu de données d'apprentissage. Si on a appris des mauvaises données au départ, même si la ligne de code est extraordinaire, si l'informaticien est super bon, c'est le meilleur geek de la Terre, s'il a appris sur des mauvaises données, il donnera des mauvais résultats. Donc vraiment, c'est très laborieux, l'intelligence artificielle. Ce n'est pas quelque chose de magique, on crée des codes dans tous les sens. Finalement, la phase du code, c'est presque la phase la moins compliquée. La phase la plus longue, la phase la plus laborieuse, celle qui prend le plus de temps et qui n'est pas facile, c'est vraiment de construire un jeu de données qui soit hyper solide, qui soit propre et surtout qui reflète la population sur laquelle on a envie d'explorer une question. Si j'ai appris… à mon outil d'IA à reconnaître, je dis n'importe quoi, plein de types de cancers et je lui ai appris à reconnaître ça mais uniquement sur des patients de l'Institut Curie et que derrière je vais en Asie et que je regarde s'il est capable d'identifier les types de cancers des patients asiatiques et bien très clairement ça va pas marcher parce qu'il y a des choses qui sont différentes. On a appris sur un jeu de données très restreint de patients d'un seul centre. on va l'appliquer dans un autre pays, dans un autre centre. Ma population d'apprentissage ne correspond pas à ma population d'études. Donc, l'outil va être mauvais. Donc, vraiment, il faut réfléchir d'emblée pour répondre à une question. Comment j'entraîne mon outil ? C'est vraiment ça, la phase la plus importante.

  • Speaker #1

    Oui, pour ne pas biaiser, bien sûr. Tout à l'heure, vous parliez de ChatGPT, c'est exactement la même chose.

  • Speaker #0

    C'est exactement la même chose.

  • Speaker #1

    Les données qu'on donne à ChatGPT sont des données uniquement, des articles uniquement parlant d'une certaine population, d'une certaine… Et si d'un certain sexe, d'une certaine catégorie de socioprofessionnel ou je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    les réponses qui sont les biens de la machine vont être exactement les mêmes que les biens dans le chat GPT ou que les biens dans un domaine social. Ça va être exactement la même chose. C'est globalement l'exhaustivité de ce sur quoi on a entraîné la machine pour qu'elle puisse être juste. Et donc le troisième conseil qui vient derrière ça, c'est vraiment, je dirais, être capable de critiquer les résultats. il faut toujours rester dans le fait que l'IA c'est un outil statistique être bien conscient des biais qu'il y a et alors ces biais avec le développement de nouvelles techniques et l'augmentation exponentielle des données qu'on génère aujourd'hui, ils réduisent bien évidemment mais ils existent et ils existeront toujours et donc il faut toujours nous humains derrière la machine être capables de critiquer les résultats et pour revenir sur notre outil à nous toutes les semaines on a cette réunion où on se rejoint entre médecins et on regarde les résultats qui ont été rendus par la machine et où on les intègre avec d'autres paramètres. Si la machine nous rend que c'est un cancer de l'utérus mais que le patient est un homme, très clairement l'information homme va être beaucoup plus importante que l'information donnée par la machine. Donc ça paraît trivial, mais l'IA reste des statistiques donc toute statistique peut être fausse. L'IRS des scores de probabilité, on n'est jamais à une probabilité de 100%. Et donc du coup voilà, avoir ce regard critique, on peut toujours, il faut tester, retester, rechallenger la machine, et c'est ça qui est passionnant, c'est qu'on voit qu'on est capable de la faire progresser, qu'on voit un petit peu toutes les portes que ça ouvre, mais il faut rester très humble par rapport à l'IA parce que ça reste un outil formidable, mais c'est pas une science qui est juste à 100%, c'est un outil extraordinaire. On s'en sert et on va s'en servir le plus possible et le plus souvent possible. Et en médecine, ça va être formidable. Ça va nous faire gagner un gain de temps et ça va nous apporter des connaissances qu'on n'est pas capable d'avoir. Même pour les patients, je pense que ça va être très utile au quotidien. Mais je reste vraiment persuadée que derrière, on restera derrière pour être là, critiquer les choses. Et puis surtout comprendre comment ça marche, parce que c'est passionnant et que ça permet d'ouvrir plein d'autres questions dans le domaine à la fois médical et le domaine de la recherche.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Dr Watson. C'était vraiment passionnant. Bravo pour ce que vous faites. Merci surtout pour ce que vous faites.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    On voit que le domaine médical et surtout, comme on se l'est dit en préparation de ce podcast, dans le domaine de l'oncologie, avec un sujet ultra sensible, une population qui est de plus en plus concernée, en tout cas évolue positivement grâce à vous donc vraiment merci infiniment vous le savez on termine toujours cette interview par un portrait numérique quelques petites questions très courtes qui vont nous permettre de d'en apprendre un petit peu plus sur vous et sur et sur votre rapport au numérique vous êtes prête allez

  • Speaker #0

    c'est parti alors quelles sont les applications qui vous sont indispensables au quotidien alors au quotidien mes mails malheureusement je suis beaucoup trop rattaché à mes mails whatsapp Et puis, allez, LinkedIn.

  • Speaker #1

    Super. Quelle est la dernière application que vous ayez téléchargée ?

  • Speaker #0

    Ah, le marathon 2024 pour tous. J'essaye de finir mes points pour pouvoir courir le marathon 2024 des Jeux Olympiques.

  • Speaker #1

    Wow, ok, on croit que le gars pour vous. Les applications, celles ou celles avec un S ou au singulier, que vous n'ouvrez jamais malgré leur ou sa présence dans votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors... Instagram, alors ça je l'aime et je ne sais même pas comment ça marche, et puis l'autre que je n'ouvre plus et je suis vraiment bien contente,

  • Speaker #1

    c'est TousAntiCovid qu'il faudrait quand même que j'enlève Vous êtes très nombreux à dire TousAntiCovid effectivement, on est bien contents de la mettre derrière nous La dernière recherche Google ou ChatGPT que vous ayez faite ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai regardé télécharger un podcast qui s'appelle Résistante un podcast de France Inter qui s'appelle Reste distante parce que je suis passionnée par l'histoire et j'écoute plein de podcasts.

  • Speaker #1

    Parfait. Le fond d'écran de votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Une photo des Caraïbes vues par l'espace Thomas Pesquet.

  • Speaker #1

    On a envie d'y être. Et vous êtes plutôt iPhone ou Android ?

  • Speaker #0

    iPhone.

  • Speaker #1

    Super. En tout cas, merci de vous être prêté au jeu de l'interview. Merci infiniment pour votre temps. C'est très précieux. Et puis, on va vraiment suivre avec la plus grande attention la suite de vos recherches. Et à nouveau, merci pour vos patients, merci pour les patients et merci pour nous tous parce qu'on est tous concernés. Merci beaucoup, docteur.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Et voilà, au cours de cet épisode passionnant, le docteur Watson nous a démontré comment l'IA était devenu un outil précieux pour mieux diagnostiquer et mieux soigner les patients. Bien sûr, elle évoque l'indispensable recours à l'humain pour challenger l'outil et pallier à ses erreurs potentielles. Je vous encourage à suivre le Dr Watson sur son compte LinkedIn où elle partage régulièrement ses avancées et le fruit de ses recherches. Je vous remercie de nous avoir écouté jusqu'au bout. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies. Je me réjouis de vous retrouver lors de notre prochaine exploration du futur. Et n'oubliez pas de partager ce podcast au plus grand nombre. N'hésitez pas aussi à me contacter si vous souhaitez être accompagné dans la compréhension du monde qui change. A très bientôt !

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Description

Dans ce nouvel épisode, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l’Institut Curie. Si son nom vous évoque quelque chose, c’est peut-être car vous avez entendu parler récemment de ses travaux qui intègrent l’intelligence artificielle aux diagnostics de cancers rares.


Passionnée par son métier, et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu’elle mène, comment l’IA est devenu un outil indispensable pour sauver ses patients, et sa vision de l’apport des nouvelles technologies en médecine.


Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain.


Je vous souhaite une très belle écoute.

-

Je suis Morgane Soulier,  consultante, conférencière, passionnée de nouvelles technologies.

"Now Futures" est le podcast qui décode et démystifie le monde de demain. Il offre un éclairage sur les grandes tendances qui façonnent notre époque. Dans chaque épisode, nous vous invitons à nous rejoindre avec un panel d'experts aussi variés que prestigieux afin d'obtenir une exhaustivité des opinions sur la compréhension de l'évolution de notre société : environnement, santé, alimentation, éducation, numérique... Tous les aspects de notre quotidien sont abordés. Ensemble, nous découvrons comment les innovations influenceront notre vie quotidienne et notre avenir.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour un nouvel épisode de The Now Futures, le podcast qui nous aide à mieux comprendre le monde et à nous projeter dans celui à venir. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies, spécialisée en pédagogie sur l'intelligence artificielle et sur le métaverse. Pour bien commencer l'année, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l'Institut Curie. quelque chose, c'est peut-être que vous avez entendu parler récemment de ces travaux qui intègrent l'intelligence artificielle au diagnostic de cancers rares. Passionnée par son métier et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu'elle mène, comment l'intelligence artificielle est devenue un outil indispensable pour sauver ses patients et sa vision de l'apport des nouvelles technologies en médecine. Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain. Je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour docteur.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Docteur Sarah Watson, on dit de vous que vous êtes une oncologue et biologiste en mission contre des cancers incurables. Vous partagez votre temps entre votre activité d'oncologue médicale et de chercheuse à l'Institut Curie. Alors, avant de rentrer dans les détails de vos recherches et de vos dernières publications qui mettent en avant l'impact positif de l'intelligence artificielle et du numérique dans vos recherches, J'aurais aimé que vous nous parliez un petit peu de vous, de votre parcours et de ce qui vous a conduit à vous spécialiser dans l'oncologie et en particulier sur les tumeurs rares.

  • Speaker #1

    Oui absolument, j'ai cette chance d'avoir une activité qui est mixte aujourd'hui où je peux partager mon temps entre mon activité clinique où je m'occupe des patients qui ont effectivement dans l'immense majorité des cas des cancers avancés. des cancers dont on sait qu'aujourd'hui avec les moyens de la médecine on n'est pas capable de les guérir mais que le but des traitements qu'on propose c'est d'améliorer finalement la survie des gens, leur qualité de vie et d'aller le plus loin possible avec eux donc ça c'est mon activité clinique ce qui représente à peu près 60% de ma semaine et puis le reste du temps j'ai la chance d'avoir également une activité scientifique de recherche au sein du centre de recherche de l'Institut Curie où j'ai une petite équipe où on travaille sur la biologie des maladies que je vois tous les jours auprès de mes patients. Alors pourquoi les cancers rares ? C'est une vraie bonne question. Je dirais qu'un peu comme dans tout mon parcours, ça a été vraiment une histoire de hasard et de rencontre. Je suis fille de deux parents profs d'anglais, donc on n'a aucun background scientifique dans la famille, en tout cas aucun background médical. mais c'est vrai que moi j'ai été vraiment du hasard parce que j'étais moi-même malade quand j'étais en terminale hospitalisée plusieurs mois et ça m'a fait grandir très vite et ça m'a vraiment fait me questionner sur ce que j'avais envie de faire et je pense qu'aujourd'hui je peux dire que la médecine m'a sauvée à ce moment-là et que j'ai eu envie de pouvoir faire la même chose qu'on avait fait pour moi et donc c'est ce que j'ai fait faire médecine, ça a été une évidence très rapidement. J'ai passé ma première année de médecine, c'était maintenant il y a plus de 20 ans. Et puis, à l'issue de cette première année de médecine, on m'a proposé de me présenter au concours de l'école normale supérieure pour faire une double formation médecine-science. Donc ça, c'était un hasard parce que je ne savais même pas que ça existait. Et en fait, c'était le tout début de ce qu'on appelle les doubles cursus qui permettent aux étudiants en médecine d'avoir à la fois une formation médicale et une formation scientifique très tôt dans leur parcours. Et donc ça, je l'ai fait un petit peu par hasard, encore une fois, parce que je ne connaissais pas, je n'étais pas au courant de cette possibilité. Et ça a été probablement une des choses qui m'a… pouvoir être formée scientifiquement très tôt, ça a été probablement une des choses qui m'a ouvert le plus de portes pour la suite de ma carrière rétrospectivement. Je dois dire que sur le moment, ça a été des années qui étaient difficiles parce qu'il fallait faire deux types d'études à la fois et à l'époque, ce n'était pas très bien organisé, donc ça a été assez lourd. Mais rétrospectivement, s'il fallait refaire, je referais exactement la même chose parce que ça m'a permis très tôt de comprendre les liens entre la science et la médecine et de me poser des questions biologiques quand je voyais des patients et inversement quand je voyais des patients. de me donner des idées sur les projets de recherche. Donc ça, ça a été vraiment le début de mes années de médecine. Et puis j'ai découvert ensuite la cancérologie, là encore par hasard. On passe, quand on est étudiant en médecine, dans des stages les uns après les autres et on passe en cardiologie, en pneumologie, en chirurgie, etc. Et puis par hasard, je suis passée en… en oncologie, dans un service où on prenait en charge des malades extrêmement avancés atteints de cancer digestif. Et j'ai eu une espèce de, vraiment, ça paraît des fois un peu too much de dire ça, mais vraiment comme une révélation. Et je veux dire qu'après une demi-journée de stage, je savais que c'était ça que je voulais faire. Et pourquoi l'oncologie ? Parce que j'avais trouvé que tout de suite, on était dans le vrai. On était dans une relation qui était vraiment très forte avec les patients, qui avait un aspect qui était très technique. très médicale, parce qu'on prend en charge une maladie complexe, il y a beaucoup de médicaments, beaucoup de stratégies thérapeutiques à élaborer, mais quelque chose qui était aussi extrêmement humain, parce qu'on touchait très vite des sujets extrêmement graves, et donc ça a créé une relation de proximité qui m'a beaucoup touchée, qui m'a donné beaucoup envie d'aller plus loin dans cette spécialité-là. Donc j'ai choisi l'oncologie, j'ai passé l'internat. Et puis au cours de mon internat, là encore, on passe de stage en stage, et j'ai découvert la prise en charge de cancers rares dans une unité dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes. Donc à l'Institut Curie, j'étais interne à ce moment-là. Et j'étais vraiment frappée par le fait que ces maladies étaient extrêmement complexes et qu'on n'y connaissait pas grand-chose. Et donc je me suis dit, mais les cancers fréquents, il y a plein de solutions thérapeutiques, alors ça ne sert jamais assez. Il y a quand même beaucoup de gens qui s'y intéressent, il y a beaucoup de recherche, mais les cancers rares, ça n'intéresse personne, ça n'intéresse ni la recherche, ni l'industrie. Et finalement, il y a quand même des patients qui sont là. Et quand on additionne tous les cancers rares qui existent, 20% des cancers sont en fait des cancers rares. Donc, c'est plus si rare que ça d'avoir un cancer rare. Et donc, ça m'a vraiment intéressée. Et donc, j'ai décidé de faire ma thèse de sciences. Je me suis interrompue pendant mon internat. J'ai fait ma thèse de sciences en me travaillant sur un... un sous-type de cancer rare qui s'appelle les sarcomes. C'était le début de la génétique, de la biologie moléculaire, de ce qu'on appelle le séquençage à haut débit. C'est une technique qui consiste à vraiment aller décortiquer la carte d'identité génétique et moléculaire des cancers. C'était le début, on était dans les années 2010-2015. Et donc j'ai travaillé sur la caractérisation moléculaire de ces cancers rares. Ça a permis d'identifier de nouveaux sous-types de maladies, de montrer que ces techniques-là étaient très puissantes. pour permettre de mieux diagnostiquer et donc de mieux prendre en charge ces maladies. Et puis ensuite, je terminais mon internat et aujourd'hui, j'ai un poste de médecin-chercheur à Curie et où je suis restée sur cette thématique des cancers rares qui me passionne. Et donc, je travaille à la fois sur les sarcomes, qui sont ces maladies rares qui peuvent toucher les enfants comme les adultes, et puis un autre type de cancer rare. C'est un petit peu plus récent et ça a fait suite à nos travaux de recherche, mais qui sont les cancers de primitifs indéterminés ou de primitifs inconnus. C'est un petit peu l'état des lieux.

  • Speaker #0

    C'était très intéressant, on vous sent vraiment passionnés. Et ce qu'on retire de ce que vous dites, c'est qu'à la fois votre parcours est en même temps le fruit d'une réelle vocation, mais aussi... des hasards de la vie qui ont fait que finalement votre vocation est venue à vous de façon assez naturelle. Et du coup, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, vous êtes à vous écouter extrêmement passionnés par ce que vous faites. En tout cas, on a énormément entendu parler de l'Institut Curie et de vous depuis ces dernières années, mais encore plus à la fin de l'année 2023, parce que vous êtes à la tête d'un protocole de recherche, d'une étude. dont on a beaucoup parlé dans la presse, qui est que vous utilisez l'intelligence artificielle pour identifier finalement l'origine des cancers primitifs inconnus dont vous venez de parler. Et finalement, est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur ce protocole de recherche qui est en cours, parce que je pense qu'il n'est pas encore terminé et que vous êtes en train de le mener. Et comment l'idée d'utiliser l'intelligence artificielle pour identifier l'origine de ces cancers a-t-elle émergé à l'Institut Curie ?

  • Speaker #1

    Absolument, donc c'est vrai qu'il y a eu beaucoup d'emballements médiatiques auxquels je ne m'attendais pas du tout. Donc ce projet, c'est un projet qui remonte à un petit moment maintenant, parce qu'il a commencé en 2019-2020. Et en fait, on travaillait sur, à l'époque, je ne m'intéressais pas particulièrement au cancer de primitif inconnu, j'avais une thématique qui était vraiment celle des sarcomes. Et donc, comme je suis un peu dans la continuité de mes travaux de thèse, on utilise vraiment les données, on travaille à utiliser au laboratoire les données de biologie moléculaire, donc les données de séquençage, pour essayer de mieux classer ces sarcomes, qui sont des maladies extrêmement hétérogènes, extrêmement complexes. Et donc, à l'époque, moi, je travaillais avec un étudiant en thèse qui s'appelle Julien Wiber, et qui était avec moi au laboratoire. Et donc, on avait... récupérer des cartes d'identité moléculaire de plein de types de cancers. Il faut savoir qu'il y a des bases de données publiques aujourd'hui où les données de séquençage de plein de types de cancers sont accessibles à n'importe qui. On peut bien sûr anonymiser, mais on n'a pas les informations sur les patients. Mais on a les données de séquençage, donc on a finalement tous ces codes de matériel génétique de dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs qu'on avait récupérés parce qu'on voulait... essayer de créer un outil qui nous permettait de très bien discriminer nos sarcomes, qui sont des maladies dures à diagnostiquer, et on voulait bien les discriminer des autres types de cancers. Et donc, sachant qu'on avait énormément de données, il faut imaginer qu'on avait des dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs, et qu'au sein de chacun de ces échantillons, on a des données de séquençage de plus de 25 000 gènes. Donc, il faut imaginer des données qui sont d'une... complexité immense, c'est 25 000 gènes par tumeur, plus de 20 000 échantillons de tumeur, donc on avait des données très très, ce qu'on appelle des big data, vraiment. Julien, qui était à l'époque passionné par les débuts de l'intelligence artificielle, enfin le boom de l'intelligence, c'est pas les débuts, mais le boom de l'intelligence artificielle dans les années 2020, avait eu envie de tester un petit peu des outils d'IA pour voir si on faisait mieux qu'avec des outils classiques d'analyse. Et donc, ils travaillaient un petit peu sur la mise en place d'un outil qui permette de bien discriminer les sarcomes, des autres types de cancers. Et donc, en fait, ce qui s'est passé, c'est que là encore, c'est un hasard. Moi, en tant que médecin, il y a un patient qui m'a adressé pour une suspicion d'un sarcomme, d'un cancer rare. Et j'ai vu ce jeune patient qui avait 30 ans, qui avait des métastases à différents endroits. Et en fait, on a fait une biopsie. Ce n'était pas un sarcomme. C'était un carcinome, un type de cancer beaucoup plus fréquent que les sarcomes. Mais ce qui se passait, c'est qu'on était incapable de savoir d'où venaient ces métastases. On était face à un tableau typique de ce qu'on appelle un cancer de primitif inconnu, qui est donc une maladie qui se présente au stade métastatique. Il y a différentes masses dans différents organes, mais on n'est pas capable, avec les scanners, les TEP-scanners, les examens d'anatomopathologie standard, de savoir d'où viennent ces métastases. Et ça, c'est un vrai problème parce que... Il faut savoir que même si on est à l'heure de la médecine de précision, la plus grande précision qu'on ait en tant qu'oncologue, le premier paramètre qui nous fait choisir le type de traitement qu'on va proposer à un patient, c'est d'où vient son cancer. On ne va pas traiter de la même façon des métastases d'un cancer du côlon ou d'un cancer du poumon ou d'un cancer du sein. Et donc là, on est dans cette situation de cancer du primitif inconnu. On sait que c'est une entité qui existe. Ça représente environ 2% des cancers aujourd'hui. Donc, ce n'est pas nul. C'est environ 6 000 à 7 000 patients par an en France. qui sont affectés par ce type de maladie. Et c'est des maladies qui ont un pronostic qui est assez effrayant parce qu'on passe beaucoup de temps à essayer de chercher d'où ça vient, on ne trouve pas forcément, puis on finit par faire un traitement qui est le traitement recommandé, qui est une chimiothérapie très peu spécifique qui va pouvoir éventuellement taper sur différentes origines, mais qui a des résultats extrêmement médiocres et globalement des médianes de survie qui sont inférieures à un an. Donc, c'est des patients qui ont un pronostic qui est très réservé. Et l'idée qu'on a eue, c'est de se dire… Pourquoi on ne ferait pas une carte d'identité génétique de cette maladie ? Et pourquoi on ne l'analyserait pas avec les outils que Julien a essayé de mettre au point pour discriminer les différents types de sarcomes par rapport à plein d'autres types de cancers ? On s'est dit, s'il y a des métastases qui viennent d'un endroit, on ne sait pas d'où elles viennent, mais elles devraient garder une signature de leur organe d'origine. Et donc... L'outil d'intelligence artificielle que je viens développer était un outil qui était vraiment entraîné à reconnaître plein de types de cancers différents. On avait entraîné sur ces dizaines de milliers d'échantillons publics, avec des échantillons très bien annotés de cancers du rein, de cancers du sein, de cancers du côlon, etc. Et l'hypothèse qu'on a eue, c'est de se dire, si on fait la carte d'identité moléculaire de notre patient et qu'on le soumet à cet outil d'intelligence artificielle, est-ce qu'il va être capable de nous dire… votre tumeur se rapproche soit d'un cancer du côlon, soit d'un cancer du poumon, ou bien est-ce qu'au contraire c'est un cancer de primitif inconnu et que ça va se rapprocher de rien parce que ça ne ressemble à rien ? Et on n'avait pas la réponse. Et donc on a fait l'analyse, il faut savoir que c'est une analyse qui ne prend pas beaucoup de temps, séquencer une tumeur ça prend quelques jours, donc on l'a fait. Et puis je me souviens encore, j'étais en consultation, et de Julien qui m'appelle et qui me dit mais ton patient, il a un cancer du rein Et ça, c'était quelque chose auquel on ne s'attendait pas du tout, parce que déjà, c'est un diagnostic qui n'est pas très fréquent, et puis moi, je ne m'attendais pas à ce que l'outil d'intelligence artificielle soit capable d'aller me reclasser la tumeur, alors qu'on n'avait pas réussi à la classer avec des moyens standards. et donc finalement on a réfléchi on s'est dit qu'est ce qu'on fait de ce résultat qui encore de la recherche est ce qu'il faut l'appliquer aux soins est ce que voilà donc on a rediscuté avec nos pathologistes on leur a dit est ce que pour vous ça pourrait coller quand même avec un cancer du rein et ah oui c'est vrai ça pourrait coller avec un cancer du rein le profil est compatible et donc on a traité ce patient comme s'il avait un cancer du rein alors qu'il y avait aucune lésion sur le rein et le traitement a très bien fonctionné et il faut savoir que le traitement d'un cancer du rein, ça n'a rien à voir avec le traitement recommandé pour un cancer de primitif inconnu.

  • Speaker #0

    Donc sans cette intelligence artificielle, vous auriez traité le patient avec une chine classique ?

  • Speaker #1

    Avec une chine classique, dans ces maladies-là, et ça n'aurait pas marché, parce que ça ne marche pas sur les cancers du rein.

  • Speaker #0

    Ça n'aurait pas marché, il aurait pas marché.

  • Speaker #1

    Donc ça a été un premier patient, mais en fait qui a lancé tout le truc, et je me revois derrière juste après. solliciter tous mes collègues à l'Institut Curie en leur disant si vous avez des patients avec des cancers de primitif inconnu dites-le moi on va séquencer toutes les tumeurs on va les analyser pour voir parce que n égal 1 c'est bien mais est-ce que ça marche dans tous les cas ? Donc voilà ça a été vraiment le début du projet et on s'est mis à s'intéresser à cette pathologie là et donc on a récupéré une... une série d'une cinquantaine de tumeurs de cancers de primitifs inconnus. Alors, il y en avait un certain nombre, c'était des patients qui étaient malheureusement déjà décédés, mais on a quand même récupéré les tumeurs. Et on a regardé si l'outil arrivait à les classer. On a optimisé l'outil pour qu'il classe un maximum de tumeurs. Et on a vu que finalement, cet IA, cet outil qu'on a appelé TransCupTomics, parce que c'est basé sur de la transcriptomique, et on l'a appelé TransCupTomics parce que Cup, c'est les cancers de primitifs inconnus. cet outil était capable finalement de trouver l'origine dans environ 80% des cas. Ce n'est pas 100%, mais c'est quand même 80% des cas pour lesquels initialement il n'y avait pas d'orientation diagnostique et que l'outil arrivait à reclasser avec des scores de probabilité. L'IA reste la probabilité mathématique, mais avec des scores de probabilité qu'on a jugés élevés et suffisamment élevés pour qu'on puisse lui faire confiance. Et donc ça, on a publié le... le premier papier en 2021, sur cette petite série d'une cinquantaine de patients. Et je dois dire qu'à l'époque, on n'a pas énormément communiqué dessus, il y a eu quelques brèves communications dans les médias, mais très peu à l'époque. Et ce qui a mis en lumière ce travail, c'est que, Ça a vraiment, et là encore, c'est les hasards, mais ça a été l'explosion de tchats GPT, de l'intelligence artificielle, à la fin 2022, début 2023, où tout d'un coup, on s'est mis à se dire, mais l'IA arrive de tous les côtés. Et donc, l'IA dans la santé, c'est un sujet qui passionne, parce qu'il dérange aussi beaucoup. Et donc, c'est vrai qu'à ce moment-là, on a été beaucoup ressolicité pour reparler de ça. Et entre-temps, il s'était passé deux ans. Et pendant ces deux ans, en fait, on a eu le temps de vraiment… de faire sortir cet outil du laboratoire. C'est un outil qui était vraiment designé au centre de recherche, sorti d'un laboratoire, et on s'est rendu compte qu'il était super utile. D'abord, les anatomopathologistes de l'Institut de Paris, c'est les médecins qui posent les diagnostics de cancer, qui disent, quand il y a un prélèvement, ils disent ça c'est un cancer du sein ou ça c'est un cancer du côlon Là, ils se sont mis sur des cas difficiles à se dire mais il faut que je demande un séquençage et qu'on applique l'outil d'IA pour aider à ce qu'on diagnostique Donc déjà, au sein de l'institution, nos pathologistes se sont appropriés l'outil. Donc ça, c'était formidable parce que ça voulait dire qu'ils y croyaient et qu'on n'était pas tout seul. Mais ce qui a donné une impulsion plus importante à l'outil, ça a été le fait qu'on ait pu transférer cet outil dans le cadre sur le plan national.

  • Speaker #0

    Mais alors voilà, c'était ma prochaine question parce que c'est absolument passionnant. Et du coup, ça amène à tout un tas de réflexions. La première qui est, quel est le coût de développement d'un tel outil ? Et du coup, est-ce qu'il est duplicable ? pour les autres centres de recherche ou même les autres centres de suivi de cancer sur tout le territoire, voire à l'international, parce que j'ai l'impression que vous avez quand même quelque chose. Si on garde en tête ce que vous nous avez dit il y a 10 minutes sur ce patient qui avait un cancer du rein et qui n'aurait jamais été détecté, on se pose la question de savoir si cet outil fonctionne, pourquoi est-ce qu'il est duplicable, à quel coût, et voilà. Et mon autre question qui n'a rien à voir, mais à laquelle vous pourrez probablement me répondre après, c'est quels sont les profils de personnes qui constituent votre équipe ? Est-ce qu'il n'y a que des médecins ? Est-ce qu'il y a, typiquement, Julien dont vous parlez, est-ce qu'il est médecin ? Est-ce qu'il est chercheur ? Est-ce qu'il est ingénieur ? Est-ce qu'il est… Voilà, j'imagine que vous avez des algorithmiens avec vous, des mathématiciens, voilà.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Ce n'est pas du tout un travail personnel, c'est un travail d'équipe. Oui. Alors, pour répondre à la première question concernant le coût et l'applicabilité. Il faut savoir qu'en soi, l'outil, c'est une ligne de code qu'on fait tourner sur des données de séquence. Ça ne coûte rien de faire tourner l'outil. C'est vraiment le code, il est établi. Alors, il y a eu du temps humain pour la mise en place de ce code. Et ça, c'est difficilement quantifiable en termes financiers. Mais je dirais qu'aujourd'hui, faire tourner la ligne de code, ça ne coûte rien. Ça prend 10 secondes. On fait tourner une fois qu'on a les données de séquençage. Ce qui coûte de l'argent, c'est le séquençage. de la tumeur. Faire un transcriptome, donc une analyse de tous les gènes qui sont exprimés dans une tumeur, ça coûte de l'argent, ça coûte aujourd'hui environ 400 euros pour un patient, donc c'est pas non plus énorme dans le domaine de la santé, des fois il y a des frais qui sont beaucoup plus importants, mais c'est environ 400 euros. Et ce qu'il faut savoir c'est que c'est une technique, le séquençage ARN, qui n'est pas forcément accessible dans tous les hôpitaux. de tous les centres qui prennent en charge des patients avec des cancers. Pourquoi aujourd'hui ? Parce que ça nécessite une infrastructure un petit peu particulière. Il faut avoir des machines de séquençage qui, elles, pour le coup, coûtent très cher. Il faut avoir une expertise, une équipe de biologie moléculaire, de génétique, et puis des gens qui sont capables d'analyser les données. Il y a beaucoup de traitements de données à faire. Donc, ce n'est pas fait partout, mais il y en a quand même de plus en plus. Sur la région parisienne, il y a plusieurs centres. Gustave Roussy, l'Institut Curie et d'autres, et à la PHP aussi.

  • Speaker #0

    On peut imaginer que des centres dans des régions plus éloignées de Paris puissent vous envoyer leur séquençage ?

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on a fait, c'est encore plus collaboratif que juste envoyer le séquençage. C'est qu'on a mis en place ce qu'on appelle une heure. C'est un terme, c'est du jargon. Une réunion de concertation pluridisciplinaire, donc en gros, c'est une réunion de médecins de différentes disciplines. Donc là, on a des oncologues médicaux, donc les médecins qui, comme moi, donnent les médicaments anticancéreux. On a des anatomopathologistes qui posent les diagnostics. Et puis, on a les biologistes moléculaires, qui sont les médecins spécialistes de l'analyse de ces données moléculaires compliquées. Et donc, c'est ce qu'on appelle une réunion de concertation pluridisciplinaire. On se retrouve tous les 15 jours. tout ensemble et c'est une réunion de concertation pluridisciplinaire qu'on coordonne mais qui inclut tous les médecins sur le territoire national. Donc vraiment tous les pathologistes, tous les oncologues qui sont intéressés par vraiment se présenter à un patient peuvent se connecter. Cette RCP est vraiment dédiée aux cancers de primitif inconnu donc on a mis ça en place en 2020. Et on a intégré notre outil d'intelligence artificielle dans le cadre des analyses moléculaires qui sont faites en routine dans le cadre de cette RCP. Donc s'il y a un patient, je dis n'importe quoi, qui habite au fin fond du Berry, je n'ai rien du tout contre le Berry, mais il n'a pas accès à une plateforme de séquençage qui nous présente le dossier de son patient à cette RCP, on va coordonner le circuit du prélèvement. pour que la tumeur soit séquencée sur la bonne plateforme et pour que les analyses puissent être faites et que le patient qui est loin d'un centre, je dirais, un peu expert puisse avoir accès à ces analyses-là. Et ensuite, on étudie les résultats tous ensemble et on rend le résultat tous ensemble. On y viendra peut-être après, mais on ne rend pas juste un score d'intelligence artificielle, on intègre ça avec beaucoup de choses. C'est tout l'intérêt de cette réunion qui est très humaine pour le coup et pas du tout artificielle, qui permet finalement de critiquer les résultats, de les intégrer dans un contexte et de proposer un traitement aux patients. C'est comme ça que l'outil, on a réussi à le diffuser sur le plan national. C'est probablement ça notre plus grande fierté, c'est de se dire qu'aujourd'hui, on l'utilise en routine. On travaille aussi en parallèle sur une version améliorée parce qu'un outil d'IA, ça peut toujours s'améliorer et ça s'améliore toujours. Donc, il y a une phase de recherche qui est en cours, bien évidemment, pour améliorer ses performances, parce qu'on pense qu'on peut encore améliorer ses performances. Mais la version 1, en tout cas, est utilisable et est utilisée en routine clinique, aujourd'hui, sur le territoire national.

  • Speaker #0

    D'accord. On reviendra après à ma deuxième question, qui était les profils type professionnels des gens qui composent votre équipe. Mais j'ai une autre question qui m'est venue entre-temps. qui va compléter la précédente. Est-ce que des patients vous contactent de façon autonome ? Absolument et de plus en plus. Et c'est là que le rôle des médias et de la communication a été très important. Parce que c'est vrai que nous, moi je suis médecin, je ne suis pas du tout formée à la communication et au fait de parler, m'adresser sur un plan grand public à ce qu'on développe. Et pour autant, ça a été vraiment cette communication autour de ce tout-ci qu'il y a eu en 2023, qui a permis qu'il y ait des patients qui nous contactent. qui demandent à leurs médecins d'avoir accès à cet outil. Donc du coup, les médecins nous ont dit, mais comment on fait ? Et ça a été… Moi, j'ai reçu beaucoup de messages de patients sur LinkedIn, sur mon mail personnel, sur des choses qui disaient… Mais voilà, et pas uniquement en France, en Europe, dans le monde, des gens qui voulaient avoir accès à cet outil-là. Donc il a fallu expliquer les modalités, cadrer les choses, parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe quoi. comment bien sûr ce que fait dans un cadre et que les données soient soit vraiment de qualité pour qu'on puisse les analyser et surtout ne pas donner de fausses espérances aux gens quand on sait que c'est pas réalisable dans certaines situations mais mais en tout cas oui il ya eu beaucoup de beaucoup de demandes qui sont venus spontanément de des

  • Speaker #1

    patients tout à fait super en tout cas quoi qu'il soit c'est très porteur d'espoir quoi C'est très important, l'espoir. Et donc, sur le profil type des personnes qui constituent l'équipe ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Alors, moi, je suis médecin-chercheur. Dans l'équipe, aujourd'hui, on a une petite équipe qui est rattachée à une plus grosse équipe. Mais donc, vraiment, les gens qui travaillent sur ce projet. Donc, c'est… Alors, Julien, effectivement, est travaillé avec moi pendant sa thèse de sciences. Maintenant, il est parti. Merci. Il a aussi le même profil que moi. Il a fait une médecine et un cursus scientifique en parallèle à Normalsup. Donc, on a vraiment un profil très similaire. Sachant que lui, il est très geek, très passionné par les maths et par tout ce qui est informatique. Alors que moi, j'étais assez béotienne dans ce domaine-là avant que n'arrive tout ce projet. Donc voilà, on a effectivement des profils de médecins et puis j'ai des étudiants en médecine qui sont passionnés et qui veulent faire des projets de recherche ensuite sur que deviennent les patients qui sont traités en fonction des propositions thérapeutiques qu'on a tirées de l'utilisation de l'outil. Donc ça a créé plein de projets derrière pour des étudiants en médecine et ça c'est formidable. Et puis au sein de l'équipe, on a aussi des mathématiciens purs et purs et ce qu'on appelle des bioinformaticiens. Donc ça, c'est vraiment une classe de métier qui est devenue le nerf de la guerre dans le domaine de la biologie moléculaire et de la génétique. Aujourd'hui, c'est ces chercheurs qui sont vraiment spécialisés dans l'analyse de données. Ils ne sont pas à la paillasse avec des fioles et des tubes à essai, mais ils sont derrière un ordinateur toute la journée. Et leur travail, c'est d'analyser ces séquences de pouvoir. à la fois finalement tirer l'information de ces séquences et puis créer des nouveaux outils pour savoir les gènes qui sont soit anormaux dans une tumeur ou au contraire les gènes qui sont normaux, en quoi une tumeur se différencie d'une autre sur son profil d'expression. Donc on travaille énormément avec les bioinformatistes sur ce projet parce qu'on est sur de l'analyse de données, donc là vraiment on est sur des maths et des aspects. Et là la dernière personne qui nous a rejoint, Loïc, qui est... et un étudiant qui sort d'une école d'IA, qui n'avait lui-même aucune formation en biologie. C'est ça qui est vraiment intéressant, c'est qu'on a des profils très différents. Lui, il était super fort en IA, il avait travaillé sur de l'analyse d'images pour faire des films et des choses comme ça. Il arrive dans le domaine de la biologie, il ne connaît pas la biologie, mais il arrive avec vraiment ses connaissances en intelligence artificielle. C'est vraiment des métiers très différents qui vont s'entrecroiser, qui vont discuter, c'est ça qui est passionnant.

  • Speaker #1

    Très complémentaire et très pluridisciplinaire. Et avec le recul que vous avez, parce que donc effectivement, vous dites, ça fait maintenant presque quatre ans que vous travaillez avec cette technologie d'intelligence artificielle, quelles sont les limites actuelles que vous voyez sur la technologie ? Quels sont les défis que vous pouvez rencontrer au quotidien dans son application clinique ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors il en reste, déjà, il y a le fait que l'outil n'est pas 100% performant. Donc je vous ai dit sur la première petite série, on a à peu près 80% d'identification de la tumeur. Donc ça veut dire qu'il reste 20% où on ne trouve pas. Alors, jusqu'où on peut augmenter la performance de cet outil, c'est une question à laquelle je n'ai pas la réponse. Je pense qu'il y a des paramètres qu'on peut améliorer et qu'on est en train d'essayer d'améliorer. En particulier, le fait qu'il faut bien savoir qu'un outil d'IA n'est capable de reconnaître ou d'imiter ou de classer que ce qu'il a appris et que ce qu'il a déjà rencontré. Un outil d'IA n'est pas capable d'imaginer des choses. Même une IA qu'on va appeler générative, genre ChatGPT, ChatGPT ne va pas pouvoir imaginer des choses. ChatGPT va donner des réponses basées sur les choses qu'il a apprises auparavant. Et donc nous, on a appris à notre outil à reconnaître un certain nombre de cancers. Mais très clairement, on n'est pas exhaustif dans tout ce qu'on lui a appris à reconnaître. Donc on peut se dire qu'il y a peut-être une petite proportion de nos 20% de cas pour lesquels on n'a pas réussi à trouver. Ou si on avait mieux appris... à notre outil à reconnaître des sous-types de cancers plus rares, on serait capable finalement de grappiller un petit peu de performance si on avait appris plus de choses à notre outil. Donc on essaye d'enrichir ce qu'on appelle le jeu de données d'entraînement. Le jeu de données d'entraînement, c'est les données sur lesquelles on va utiliser pour que l'ordinateur ingurgite du savoir avant d'être capable de… donner des décisions, donner des résultats.

  • Speaker #1

    Quel est votre avis, je suis désolée, je vous ai coupé, quel est votre avis, vous, justement, sur ces spéculations, sur cette anxiété générale d'une intelligence artificielle ? Alors, pour le coup, pour vous, ce serait quelque chose de plutôt bénéfique, mais cette anxiété générale d'une intelligence artificielle qui deviendrait super intelligente et qui pourrait apprendre toute seule, et qui, du coup, vous, peut-être que vos 20% l'intelligence artificielle pourrait pallier à ce déficit. Mais est-ce que vous avez un avis, une vision, des perspectives quand vous échangez justement avec les jeunes chercheurs en IA ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, nous, dans le domaine de la médecine, on n'a pas de... Moi, alors je suis... J'ai 38 ans, je suis très enthousiaste par rapport au développement de l'intelligence artificielle parce que je vois ce que ça peut nous apporter qu'on n'est pas capable de faire aujourd'hui et je vois tout ce que ça apporte en termes de gain de temps pour des tâches très banales qui peuvent être automatisées et faites de façon plus fiable avec de l'IA qu'avec des moyens humains. Je peux voir ce que ça nous apporte en termes de génération de nouveaux contenus qu'on n'est pas capable de créer nous-mêmes parce que... Juste, on n'est pas capable d'emmagasiner tout ce savoir qui est pour le coup accessible à l'IA. Je vois surtout les aspects positifs. C'est vrai qu'on peut très vite fantasmer sur une IA qui prendrait le contrôle et qui, si vous voulez, pourrait même usurper des données de santé des patients et rentrer dans la vie des patients. On peut très vite partir sur des choses un peu comme ça. Je pense qu'en fait, c'est... Ces craintes-là sont liées au fait qu'aujourd'hui, la réglementation de l'IA est quelque chose qui est extrêmement obscur, et en particulier la réglementation dans l'usage de la santé. Pour vous donner un exemple, nous, notre outil d'IA, on l'a mis en place, on l'a appliqué en routine diagnostique. Aujourd'hui, on l'utilise en routine diagnostique sur le plan national. À aucun moment, quelqu'un m'a demandé… d'évaluer cet outil, d'évaluer sa performance, sa pertinence, et on l'utilise. Ça paraît complètement fou. On n'imagine pas que dans un avion, un nouveau système de pilotage automatique qui est en fait de l'intelligence artificielle n'ait pas été évalué, testé dans tous les sens, comparé à d'autres choses. Mais dans le domaine de la santé, il y a ce flou total. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est-à-dire que si vous aviez voulu… le faire évaluer, tester avant de pouvoir l'utiliser, vous ne pourriez certainement pas encore l'utiliser parce que les délais protocolaires de régulation sont immenses.

  • Speaker #0

    Et puis aujourd'hui, je dirais même que la structure de régulation à qui il faut soumettre ce type de nouveau dispositif, elle est très, très obscure. Je ne sais pas. Autant je veux développer un nouveau médicament. Je veux évaluer ce médicament dans une indication thérapeutique. On connaît très bien le circuit. Il y a toutes des étapes. On appelle des essais cliniques, essais cliniques de première administration chez l'homme, essais cliniques, blablabla. Ça, c'est très bien codifié jusqu'à ce qu'on arrive à ce qu'on appelle l'autorisation de mise sur le marché qui aboutit au remboursement d'un médicament. Un dispositif d'intelligence artificielle, aujourd'hui, on ne connaît pas du tout son parcours de développement. de la sortie du laboratoire jusqu'à l'utilisation en routine, qui est censé évaluer la performance, qui est censé le benchmarker contre d'autres outils, parce que si ça se trouve, on est dans une autre équipe, en Belgique ou aux États-Unis ou en Asie, il y a un outil qui est bien meilleur que le nôtre, c'est tout à fait possible, parce qu'on a eu l'idée, mais il y en a d'autres qui ont des idées, et donc si ça se trouve, il y a un outil qui est bien plus performant, mais sauf qu'on n'a jamais comparé l'un à l'autre. On n'a jamais... Voilà. Donc il y a encore beaucoup de flou, et je pense que c'est ce flou qui est la source des potentielles inquiétudes.

  • Speaker #1

    Ce sont les mêmes débats qu'on avait déjà finalement il y a 5-6 ans sur tous les logiciels de santé connectée, pour lesquels de nombreux entrepreneurs finalement n'osaient pas mettre sur le marché leur application de santé connectée, et du coup ont vu leur entreprise péricliter avant même de pouvoir... aller au bout de leur démarche. Moi, j'avais une entreprise dans le domaine de la santé connectée il y a quelques années, et comme vous, vous l'avez fait pour votre outil d'intelligence artificielle, je l'ai publié sur les plateformes avant même de demander l'autorisation à une quelque autorisation de santé, et finalement, elle a été téléchargée plus de 200 000 fois, et elle n'a jamais gêné personne, finalement. Mais du coup, je vous rejoins tout à fait, oui. Et du coup, quel conseil vous pourriez donner à des jeunes chercheurs qui seraient intéressés par l'intégration de l'intelligence artificielle dans la recherche médicale ? Comment est-ce que vous abordez finalement, comment vous voyez l'évolution de l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine de l'oncologie, mais aussi de façon plus générale dans la médecine ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors, je pense que déjà, pour bien utiliser l'intelligence artificielle, il y a différentes choses. Je dirais que déjà, il faut avoir une bonne question. Vouloir faire de l'IA pour faire de l'IA, ça ne sert pas à grand-chose, parce qu'il y a plein de choses où on n'a pas de besoin, si vous voulez. Et on voit aujourd'hui, si on fait des recherches bibliographiques, on voit qu'il y a je ne sais pas combien de milliers d'outils d'IA qui sortent chaque semaine. Et je vais vous dire, 99,99% de ces outils ne sont jamais utilisés en routine. parce que soit il n'y a pas d'application, soit l'outil n'est pas bon. Faire de l'IA pour faire de l'IA, pourquoi on fait de l'IA ? On fait de l'IA pour répondre à une question. Et pour répondre à cette question, il faut se dire que l'IA est un moyen, comme un autre. L'IA, ce n'est pas magique, c'est un moyen. C'est finalement une méthode d'analyse statistique un peu particulière, très puissante, qui va être basée sur l'analyse de ce qu'on appelle des big data, vraiment des données de très haute complexité. et ce qu'on appelle des données multidimensionnelles. Alors ça peut paraître un petit peu compliqué, mais l'exemple typique, c'est l'exemple que je peux vous donner là, qui est cet exemple du séquençage, où on a 25 000 gènes dans une tumeur, et chaque gène est exprimé de façon différente. Donc on a finalement 25 000 dimensions dans notre donnée de séquençage. Ça, c'est inaccessible à notre cerveau. Un outil d'IA, ça ne nous pose aucun problème qu'il y ait 25 000 dimensions. Donc voilà. Plus il va y avoir de dimensions, plus il va être performant. Même chose dans l'analyse d'images. Quand on prend une image, en fait, une image, c'est des centaines de milliers de petits points qu'on appelle des pixels, qui sont des petits points qui vont pouvoir être extraits par ces outils informatiques et que notre œil n'est absolument pas capable de voir. Donc, c'est aussi pour ça qu'il y a une très forte pour analyser des images. Donc, vraiment, les conseils que je donnerais, c'est déjà la bonne question. Ensuite, s'assurer qu'on a des données. qui sont des données utilisables par l'IA. Si on a des données qui ne sont pas très multidimensionnelles, qui sont des données très hétérogènes, si on a des données juste sur 50 patients, par exemple, ça, ce n'est pas une bonne chose pour l'outil d'intelligence artificielle. Il ne va pas être bon là-dedans. Il va être bon sur des très grosses données. Donc, avoir ces big data et avoir ces big data qui soient propres. Il faut savoir que dans le développement d'un outil d'IA, 90% du temps qu'on passe, c'est vraiment le nettoyage du jeu de données d'apprentissage. Si on a appris des mauvaises données au départ, même si la ligne de code est extraordinaire, si l'informaticien est super bon, c'est le meilleur geek de la Terre, s'il a appris sur des mauvaises données, il donnera des mauvais résultats. Donc vraiment, c'est très laborieux, l'intelligence artificielle. Ce n'est pas quelque chose de magique, on crée des codes dans tous les sens. Finalement, la phase du code, c'est presque la phase la moins compliquée. La phase la plus longue, la phase la plus laborieuse, celle qui prend le plus de temps et qui n'est pas facile, c'est vraiment de construire un jeu de données qui soit hyper solide, qui soit propre et surtout qui reflète la population sur laquelle on a envie d'explorer une question. Si j'ai appris… à mon outil d'IA à reconnaître, je dis n'importe quoi, plein de types de cancers et je lui ai appris à reconnaître ça mais uniquement sur des patients de l'Institut Curie et que derrière je vais en Asie et que je regarde s'il est capable d'identifier les types de cancers des patients asiatiques et bien très clairement ça va pas marcher parce qu'il y a des choses qui sont différentes. On a appris sur un jeu de données très restreint de patients d'un seul centre. on va l'appliquer dans un autre pays, dans un autre centre. Ma population d'apprentissage ne correspond pas à ma population d'études. Donc, l'outil va être mauvais. Donc, vraiment, il faut réfléchir d'emblée pour répondre à une question. Comment j'entraîne mon outil ? C'est vraiment ça, la phase la plus importante.

  • Speaker #1

    Oui, pour ne pas biaiser, bien sûr. Tout à l'heure, vous parliez de ChatGPT, c'est exactement la même chose.

  • Speaker #0

    C'est exactement la même chose.

  • Speaker #1

    Les données qu'on donne à ChatGPT sont des données uniquement, des articles uniquement parlant d'une certaine population, d'une certaine… Et si d'un certain sexe, d'une certaine catégorie de socioprofessionnel ou je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    les réponses qui sont les biens de la machine vont être exactement les mêmes que les biens dans le chat GPT ou que les biens dans un domaine social. Ça va être exactement la même chose. C'est globalement l'exhaustivité de ce sur quoi on a entraîné la machine pour qu'elle puisse être juste. Et donc le troisième conseil qui vient derrière ça, c'est vraiment, je dirais, être capable de critiquer les résultats. il faut toujours rester dans le fait que l'IA c'est un outil statistique être bien conscient des biais qu'il y a et alors ces biais avec le développement de nouvelles techniques et l'augmentation exponentielle des données qu'on génère aujourd'hui, ils réduisent bien évidemment mais ils existent et ils existeront toujours et donc il faut toujours nous humains derrière la machine être capables de critiquer les résultats et pour revenir sur notre outil à nous toutes les semaines on a cette réunion où on se rejoint entre médecins et on regarde les résultats qui ont été rendus par la machine et où on les intègre avec d'autres paramètres. Si la machine nous rend que c'est un cancer de l'utérus mais que le patient est un homme, très clairement l'information homme va être beaucoup plus importante que l'information donnée par la machine. Donc ça paraît trivial, mais l'IA reste des statistiques donc toute statistique peut être fausse. L'IRS des scores de probabilité, on n'est jamais à une probabilité de 100%. Et donc du coup voilà, avoir ce regard critique, on peut toujours, il faut tester, retester, rechallenger la machine, et c'est ça qui est passionnant, c'est qu'on voit qu'on est capable de la faire progresser, qu'on voit un petit peu toutes les portes que ça ouvre, mais il faut rester très humble par rapport à l'IA parce que ça reste un outil formidable, mais c'est pas une science qui est juste à 100%, c'est un outil extraordinaire. On s'en sert et on va s'en servir le plus possible et le plus souvent possible. Et en médecine, ça va être formidable. Ça va nous faire gagner un gain de temps et ça va nous apporter des connaissances qu'on n'est pas capable d'avoir. Même pour les patients, je pense que ça va être très utile au quotidien. Mais je reste vraiment persuadée que derrière, on restera derrière pour être là, critiquer les choses. Et puis surtout comprendre comment ça marche, parce que c'est passionnant et que ça permet d'ouvrir plein d'autres questions dans le domaine à la fois médical et le domaine de la recherche.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Dr Watson. C'était vraiment passionnant. Bravo pour ce que vous faites. Merci surtout pour ce que vous faites.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    On voit que le domaine médical et surtout, comme on se l'est dit en préparation de ce podcast, dans le domaine de l'oncologie, avec un sujet ultra sensible, une population qui est de plus en plus concernée, en tout cas évolue positivement grâce à vous donc vraiment merci infiniment vous le savez on termine toujours cette interview par un portrait numérique quelques petites questions très courtes qui vont nous permettre de d'en apprendre un petit peu plus sur vous et sur et sur votre rapport au numérique vous êtes prête allez

  • Speaker #0

    c'est parti alors quelles sont les applications qui vous sont indispensables au quotidien alors au quotidien mes mails malheureusement je suis beaucoup trop rattaché à mes mails whatsapp Et puis, allez, LinkedIn.

  • Speaker #1

    Super. Quelle est la dernière application que vous ayez téléchargée ?

  • Speaker #0

    Ah, le marathon 2024 pour tous. J'essaye de finir mes points pour pouvoir courir le marathon 2024 des Jeux Olympiques.

  • Speaker #1

    Wow, ok, on croit que le gars pour vous. Les applications, celles ou celles avec un S ou au singulier, que vous n'ouvrez jamais malgré leur ou sa présence dans votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors... Instagram, alors ça je l'aime et je ne sais même pas comment ça marche, et puis l'autre que je n'ouvre plus et je suis vraiment bien contente,

  • Speaker #1

    c'est TousAntiCovid qu'il faudrait quand même que j'enlève Vous êtes très nombreux à dire TousAntiCovid effectivement, on est bien contents de la mettre derrière nous La dernière recherche Google ou ChatGPT que vous ayez faite ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai regardé télécharger un podcast qui s'appelle Résistante un podcast de France Inter qui s'appelle Reste distante parce que je suis passionnée par l'histoire et j'écoute plein de podcasts.

  • Speaker #1

    Parfait. Le fond d'écran de votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Une photo des Caraïbes vues par l'espace Thomas Pesquet.

  • Speaker #1

    On a envie d'y être. Et vous êtes plutôt iPhone ou Android ?

  • Speaker #0

    iPhone.

  • Speaker #1

    Super. En tout cas, merci de vous être prêté au jeu de l'interview. Merci infiniment pour votre temps. C'est très précieux. Et puis, on va vraiment suivre avec la plus grande attention la suite de vos recherches. Et à nouveau, merci pour vos patients, merci pour les patients et merci pour nous tous parce qu'on est tous concernés. Merci beaucoup, docteur.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Et voilà, au cours de cet épisode passionnant, le docteur Watson nous a démontré comment l'IA était devenu un outil précieux pour mieux diagnostiquer et mieux soigner les patients. Bien sûr, elle évoque l'indispensable recours à l'humain pour challenger l'outil et pallier à ses erreurs potentielles. Je vous encourage à suivre le Dr Watson sur son compte LinkedIn où elle partage régulièrement ses avancées et le fruit de ses recherches. Je vous remercie de nous avoir écouté jusqu'au bout. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies. Je me réjouis de vous retrouver lors de notre prochaine exploration du futur. Et n'oubliez pas de partager ce podcast au plus grand nombre. N'hésitez pas aussi à me contacter si vous souhaitez être accompagné dans la compréhension du monde qui change. A très bientôt !

Description

Dans ce nouvel épisode, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l’Institut Curie. Si son nom vous évoque quelque chose, c’est peut-être car vous avez entendu parler récemment de ses travaux qui intègrent l’intelligence artificielle aux diagnostics de cancers rares.


Passionnée par son métier, et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu’elle mène, comment l’IA est devenu un outil indispensable pour sauver ses patients, et sa vision de l’apport des nouvelles technologies en médecine.


Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain.


Je vous souhaite une très belle écoute.

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Je suis Morgane Soulier,  consultante, conférencière, passionnée de nouvelles technologies.

"Now Futures" est le podcast qui décode et démystifie le monde de demain. Il offre un éclairage sur les grandes tendances qui façonnent notre époque. Dans chaque épisode, nous vous invitons à nous rejoindre avec un panel d'experts aussi variés que prestigieux afin d'obtenir une exhaustivité des opinions sur la compréhension de l'évolution de notre société : environnement, santé, alimentation, éducation, numérique... Tous les aspects de notre quotidien sont abordés. Ensemble, nous découvrons comment les innovations influenceront notre vie quotidienne et notre avenir.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour un nouvel épisode de The Now Futures, le podcast qui nous aide à mieux comprendre le monde et à nous projeter dans celui à venir. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies, spécialisée en pédagogie sur l'intelligence artificielle et sur le métaverse. Pour bien commencer l'année, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec le Dr Sarah Watson, oncologue, biologiste, chercheuse au sein de l'Institut Curie. quelque chose, c'est peut-être que vous avez entendu parler récemment de ces travaux qui intègrent l'intelligence artificielle au diagnostic de cancers rares. Passionnée par son métier et passionnante, le Dr Watson nous décrit son parcours professionnel, les travaux qu'elle mène, comment l'intelligence artificielle est devenue un outil indispensable pour sauver ses patients et sa vision de l'apport des nouvelles technologies en médecine. Un épisode clé pour mieux comprendre comment nous serons tous soignés demain. Je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour docteur.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Docteur Sarah Watson, on dit de vous que vous êtes une oncologue et biologiste en mission contre des cancers incurables. Vous partagez votre temps entre votre activité d'oncologue médicale et de chercheuse à l'Institut Curie. Alors, avant de rentrer dans les détails de vos recherches et de vos dernières publications qui mettent en avant l'impact positif de l'intelligence artificielle et du numérique dans vos recherches, J'aurais aimé que vous nous parliez un petit peu de vous, de votre parcours et de ce qui vous a conduit à vous spécialiser dans l'oncologie et en particulier sur les tumeurs rares.

  • Speaker #1

    Oui absolument, j'ai cette chance d'avoir une activité qui est mixte aujourd'hui où je peux partager mon temps entre mon activité clinique où je m'occupe des patients qui ont effectivement dans l'immense majorité des cas des cancers avancés. des cancers dont on sait qu'aujourd'hui avec les moyens de la médecine on n'est pas capable de les guérir mais que le but des traitements qu'on propose c'est d'améliorer finalement la survie des gens, leur qualité de vie et d'aller le plus loin possible avec eux donc ça c'est mon activité clinique ce qui représente à peu près 60% de ma semaine et puis le reste du temps j'ai la chance d'avoir également une activité scientifique de recherche au sein du centre de recherche de l'Institut Curie où j'ai une petite équipe où on travaille sur la biologie des maladies que je vois tous les jours auprès de mes patients. Alors pourquoi les cancers rares ? C'est une vraie bonne question. Je dirais qu'un peu comme dans tout mon parcours, ça a été vraiment une histoire de hasard et de rencontre. Je suis fille de deux parents profs d'anglais, donc on n'a aucun background scientifique dans la famille, en tout cas aucun background médical. mais c'est vrai que moi j'ai été vraiment du hasard parce que j'étais moi-même malade quand j'étais en terminale hospitalisée plusieurs mois et ça m'a fait grandir très vite et ça m'a vraiment fait me questionner sur ce que j'avais envie de faire et je pense qu'aujourd'hui je peux dire que la médecine m'a sauvée à ce moment-là et que j'ai eu envie de pouvoir faire la même chose qu'on avait fait pour moi et donc c'est ce que j'ai fait faire médecine, ça a été une évidence très rapidement. J'ai passé ma première année de médecine, c'était maintenant il y a plus de 20 ans. Et puis, à l'issue de cette première année de médecine, on m'a proposé de me présenter au concours de l'école normale supérieure pour faire une double formation médecine-science. Donc ça, c'était un hasard parce que je ne savais même pas que ça existait. Et en fait, c'était le tout début de ce qu'on appelle les doubles cursus qui permettent aux étudiants en médecine d'avoir à la fois une formation médicale et une formation scientifique très tôt dans leur parcours. Et donc ça, je l'ai fait un petit peu par hasard, encore une fois, parce que je ne connaissais pas, je n'étais pas au courant de cette possibilité. Et ça a été probablement une des choses qui m'a… pouvoir être formée scientifiquement très tôt, ça a été probablement une des choses qui m'a ouvert le plus de portes pour la suite de ma carrière rétrospectivement. Je dois dire que sur le moment, ça a été des années qui étaient difficiles parce qu'il fallait faire deux types d'études à la fois et à l'époque, ce n'était pas très bien organisé, donc ça a été assez lourd. Mais rétrospectivement, s'il fallait refaire, je referais exactement la même chose parce que ça m'a permis très tôt de comprendre les liens entre la science et la médecine et de me poser des questions biologiques quand je voyais des patients et inversement quand je voyais des patients. de me donner des idées sur les projets de recherche. Donc ça, ça a été vraiment le début de mes années de médecine. Et puis j'ai découvert ensuite la cancérologie, là encore par hasard. On passe, quand on est étudiant en médecine, dans des stages les uns après les autres et on passe en cardiologie, en pneumologie, en chirurgie, etc. Et puis par hasard, je suis passée en… en oncologie, dans un service où on prenait en charge des malades extrêmement avancés atteints de cancer digestif. Et j'ai eu une espèce de, vraiment, ça paraît des fois un peu too much de dire ça, mais vraiment comme une révélation. Et je veux dire qu'après une demi-journée de stage, je savais que c'était ça que je voulais faire. Et pourquoi l'oncologie ? Parce que j'avais trouvé que tout de suite, on était dans le vrai. On était dans une relation qui était vraiment très forte avec les patients, qui avait un aspect qui était très technique. très médicale, parce qu'on prend en charge une maladie complexe, il y a beaucoup de médicaments, beaucoup de stratégies thérapeutiques à élaborer, mais quelque chose qui était aussi extrêmement humain, parce qu'on touchait très vite des sujets extrêmement graves, et donc ça a créé une relation de proximité qui m'a beaucoup touchée, qui m'a donné beaucoup envie d'aller plus loin dans cette spécialité-là. Donc j'ai choisi l'oncologie, j'ai passé l'internat. Et puis au cours de mon internat, là encore, on passe de stage en stage, et j'ai découvert la prise en charge de cancers rares dans une unité dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes. Donc à l'Institut Curie, j'étais interne à ce moment-là. Et j'étais vraiment frappée par le fait que ces maladies étaient extrêmement complexes et qu'on n'y connaissait pas grand-chose. Et donc je me suis dit, mais les cancers fréquents, il y a plein de solutions thérapeutiques, alors ça ne sert jamais assez. Il y a quand même beaucoup de gens qui s'y intéressent, il y a beaucoup de recherche, mais les cancers rares, ça n'intéresse personne, ça n'intéresse ni la recherche, ni l'industrie. Et finalement, il y a quand même des patients qui sont là. Et quand on additionne tous les cancers rares qui existent, 20% des cancers sont en fait des cancers rares. Donc, c'est plus si rare que ça d'avoir un cancer rare. Et donc, ça m'a vraiment intéressée. Et donc, j'ai décidé de faire ma thèse de sciences. Je me suis interrompue pendant mon internat. J'ai fait ma thèse de sciences en me travaillant sur un... un sous-type de cancer rare qui s'appelle les sarcomes. C'était le début de la génétique, de la biologie moléculaire, de ce qu'on appelle le séquençage à haut débit. C'est une technique qui consiste à vraiment aller décortiquer la carte d'identité génétique et moléculaire des cancers. C'était le début, on était dans les années 2010-2015. Et donc j'ai travaillé sur la caractérisation moléculaire de ces cancers rares. Ça a permis d'identifier de nouveaux sous-types de maladies, de montrer que ces techniques-là étaient très puissantes. pour permettre de mieux diagnostiquer et donc de mieux prendre en charge ces maladies. Et puis ensuite, je terminais mon internat et aujourd'hui, j'ai un poste de médecin-chercheur à Curie et où je suis restée sur cette thématique des cancers rares qui me passionne. Et donc, je travaille à la fois sur les sarcomes, qui sont ces maladies rares qui peuvent toucher les enfants comme les adultes, et puis un autre type de cancer rare. C'est un petit peu plus récent et ça a fait suite à nos travaux de recherche, mais qui sont les cancers de primitifs indéterminés ou de primitifs inconnus. C'est un petit peu l'état des lieux.

  • Speaker #0

    C'était très intéressant, on vous sent vraiment passionnés. Et ce qu'on retire de ce que vous dites, c'est qu'à la fois votre parcours est en même temps le fruit d'une réelle vocation, mais aussi... des hasards de la vie qui ont fait que finalement votre vocation est venue à vous de façon assez naturelle. Et du coup, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, vous êtes à vous écouter extrêmement passionnés par ce que vous faites. En tout cas, on a énormément entendu parler de l'Institut Curie et de vous depuis ces dernières années, mais encore plus à la fin de l'année 2023, parce que vous êtes à la tête d'un protocole de recherche, d'une étude. dont on a beaucoup parlé dans la presse, qui est que vous utilisez l'intelligence artificielle pour identifier finalement l'origine des cancers primitifs inconnus dont vous venez de parler. Et finalement, est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur ce protocole de recherche qui est en cours, parce que je pense qu'il n'est pas encore terminé et que vous êtes en train de le mener. Et comment l'idée d'utiliser l'intelligence artificielle pour identifier l'origine de ces cancers a-t-elle émergé à l'Institut Curie ?

  • Speaker #1

    Absolument, donc c'est vrai qu'il y a eu beaucoup d'emballements médiatiques auxquels je ne m'attendais pas du tout. Donc ce projet, c'est un projet qui remonte à un petit moment maintenant, parce qu'il a commencé en 2019-2020. Et en fait, on travaillait sur, à l'époque, je ne m'intéressais pas particulièrement au cancer de primitif inconnu, j'avais une thématique qui était vraiment celle des sarcomes. Et donc, comme je suis un peu dans la continuité de mes travaux de thèse, on utilise vraiment les données, on travaille à utiliser au laboratoire les données de biologie moléculaire, donc les données de séquençage, pour essayer de mieux classer ces sarcomes, qui sont des maladies extrêmement hétérogènes, extrêmement complexes. Et donc, à l'époque, moi, je travaillais avec un étudiant en thèse qui s'appelle Julien Wiber, et qui était avec moi au laboratoire. Et donc, on avait... récupérer des cartes d'identité moléculaire de plein de types de cancers. Il faut savoir qu'il y a des bases de données publiques aujourd'hui où les données de séquençage de plein de types de cancers sont accessibles à n'importe qui. On peut bien sûr anonymiser, mais on n'a pas les informations sur les patients. Mais on a les données de séquençage, donc on a finalement tous ces codes de matériel génétique de dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs qu'on avait récupérés parce qu'on voulait... essayer de créer un outil qui nous permettait de très bien discriminer nos sarcomes, qui sont des maladies dures à diagnostiquer, et on voulait bien les discriminer des autres types de cancers. Et donc, sachant qu'on avait énormément de données, il faut imaginer qu'on avait des dizaines de milliers d'échantillons de tumeurs, et qu'au sein de chacun de ces échantillons, on a des données de séquençage de plus de 25 000 gènes. Donc, il faut imaginer des données qui sont d'une... complexité immense, c'est 25 000 gènes par tumeur, plus de 20 000 échantillons de tumeur, donc on avait des données très très, ce qu'on appelle des big data, vraiment. Julien, qui était à l'époque passionné par les débuts de l'intelligence artificielle, enfin le boom de l'intelligence, c'est pas les débuts, mais le boom de l'intelligence artificielle dans les années 2020, avait eu envie de tester un petit peu des outils d'IA pour voir si on faisait mieux qu'avec des outils classiques d'analyse. Et donc, ils travaillaient un petit peu sur la mise en place d'un outil qui permette de bien discriminer les sarcomes, des autres types de cancers. Et donc, en fait, ce qui s'est passé, c'est que là encore, c'est un hasard. Moi, en tant que médecin, il y a un patient qui m'a adressé pour une suspicion d'un sarcomme, d'un cancer rare. Et j'ai vu ce jeune patient qui avait 30 ans, qui avait des métastases à différents endroits. Et en fait, on a fait une biopsie. Ce n'était pas un sarcomme. C'était un carcinome, un type de cancer beaucoup plus fréquent que les sarcomes. Mais ce qui se passait, c'est qu'on était incapable de savoir d'où venaient ces métastases. On était face à un tableau typique de ce qu'on appelle un cancer de primitif inconnu, qui est donc une maladie qui se présente au stade métastatique. Il y a différentes masses dans différents organes, mais on n'est pas capable, avec les scanners, les TEP-scanners, les examens d'anatomopathologie standard, de savoir d'où viennent ces métastases. Et ça, c'est un vrai problème parce que... Il faut savoir que même si on est à l'heure de la médecine de précision, la plus grande précision qu'on ait en tant qu'oncologue, le premier paramètre qui nous fait choisir le type de traitement qu'on va proposer à un patient, c'est d'où vient son cancer. On ne va pas traiter de la même façon des métastases d'un cancer du côlon ou d'un cancer du poumon ou d'un cancer du sein. Et donc là, on est dans cette situation de cancer du primitif inconnu. On sait que c'est une entité qui existe. Ça représente environ 2% des cancers aujourd'hui. Donc, ce n'est pas nul. C'est environ 6 000 à 7 000 patients par an en France. qui sont affectés par ce type de maladie. Et c'est des maladies qui ont un pronostic qui est assez effrayant parce qu'on passe beaucoup de temps à essayer de chercher d'où ça vient, on ne trouve pas forcément, puis on finit par faire un traitement qui est le traitement recommandé, qui est une chimiothérapie très peu spécifique qui va pouvoir éventuellement taper sur différentes origines, mais qui a des résultats extrêmement médiocres et globalement des médianes de survie qui sont inférieures à un an. Donc, c'est des patients qui ont un pronostic qui est très réservé. Et l'idée qu'on a eue, c'est de se dire… Pourquoi on ne ferait pas une carte d'identité génétique de cette maladie ? Et pourquoi on ne l'analyserait pas avec les outils que Julien a essayé de mettre au point pour discriminer les différents types de sarcomes par rapport à plein d'autres types de cancers ? On s'est dit, s'il y a des métastases qui viennent d'un endroit, on ne sait pas d'où elles viennent, mais elles devraient garder une signature de leur organe d'origine. Et donc... L'outil d'intelligence artificielle que je viens développer était un outil qui était vraiment entraîné à reconnaître plein de types de cancers différents. On avait entraîné sur ces dizaines de milliers d'échantillons publics, avec des échantillons très bien annotés de cancers du rein, de cancers du sein, de cancers du côlon, etc. Et l'hypothèse qu'on a eue, c'est de se dire, si on fait la carte d'identité moléculaire de notre patient et qu'on le soumet à cet outil d'intelligence artificielle, est-ce qu'il va être capable de nous dire… votre tumeur se rapproche soit d'un cancer du côlon, soit d'un cancer du poumon, ou bien est-ce qu'au contraire c'est un cancer de primitif inconnu et que ça va se rapprocher de rien parce que ça ne ressemble à rien ? Et on n'avait pas la réponse. Et donc on a fait l'analyse, il faut savoir que c'est une analyse qui ne prend pas beaucoup de temps, séquencer une tumeur ça prend quelques jours, donc on l'a fait. Et puis je me souviens encore, j'étais en consultation, et de Julien qui m'appelle et qui me dit mais ton patient, il a un cancer du rein Et ça, c'était quelque chose auquel on ne s'attendait pas du tout, parce que déjà, c'est un diagnostic qui n'est pas très fréquent, et puis moi, je ne m'attendais pas à ce que l'outil d'intelligence artificielle soit capable d'aller me reclasser la tumeur, alors qu'on n'avait pas réussi à la classer avec des moyens standards. et donc finalement on a réfléchi on s'est dit qu'est ce qu'on fait de ce résultat qui encore de la recherche est ce qu'il faut l'appliquer aux soins est ce que voilà donc on a rediscuté avec nos pathologistes on leur a dit est ce que pour vous ça pourrait coller quand même avec un cancer du rein et ah oui c'est vrai ça pourrait coller avec un cancer du rein le profil est compatible et donc on a traité ce patient comme s'il avait un cancer du rein alors qu'il y avait aucune lésion sur le rein et le traitement a très bien fonctionné et il faut savoir que le traitement d'un cancer du rein, ça n'a rien à voir avec le traitement recommandé pour un cancer de primitif inconnu.

  • Speaker #0

    Donc sans cette intelligence artificielle, vous auriez traité le patient avec une chine classique ?

  • Speaker #1

    Avec une chine classique, dans ces maladies-là, et ça n'aurait pas marché, parce que ça ne marche pas sur les cancers du rein.

  • Speaker #0

    Ça n'aurait pas marché, il aurait pas marché.

  • Speaker #1

    Donc ça a été un premier patient, mais en fait qui a lancé tout le truc, et je me revois derrière juste après. solliciter tous mes collègues à l'Institut Curie en leur disant si vous avez des patients avec des cancers de primitif inconnu dites-le moi on va séquencer toutes les tumeurs on va les analyser pour voir parce que n égal 1 c'est bien mais est-ce que ça marche dans tous les cas ? Donc voilà ça a été vraiment le début du projet et on s'est mis à s'intéresser à cette pathologie là et donc on a récupéré une... une série d'une cinquantaine de tumeurs de cancers de primitifs inconnus. Alors, il y en avait un certain nombre, c'était des patients qui étaient malheureusement déjà décédés, mais on a quand même récupéré les tumeurs. Et on a regardé si l'outil arrivait à les classer. On a optimisé l'outil pour qu'il classe un maximum de tumeurs. Et on a vu que finalement, cet IA, cet outil qu'on a appelé TransCupTomics, parce que c'est basé sur de la transcriptomique, et on l'a appelé TransCupTomics parce que Cup, c'est les cancers de primitifs inconnus. cet outil était capable finalement de trouver l'origine dans environ 80% des cas. Ce n'est pas 100%, mais c'est quand même 80% des cas pour lesquels initialement il n'y avait pas d'orientation diagnostique et que l'outil arrivait à reclasser avec des scores de probabilité. L'IA reste la probabilité mathématique, mais avec des scores de probabilité qu'on a jugés élevés et suffisamment élevés pour qu'on puisse lui faire confiance. Et donc ça, on a publié le... le premier papier en 2021, sur cette petite série d'une cinquantaine de patients. Et je dois dire qu'à l'époque, on n'a pas énormément communiqué dessus, il y a eu quelques brèves communications dans les médias, mais très peu à l'époque. Et ce qui a mis en lumière ce travail, c'est que, Ça a vraiment, et là encore, c'est les hasards, mais ça a été l'explosion de tchats GPT, de l'intelligence artificielle, à la fin 2022, début 2023, où tout d'un coup, on s'est mis à se dire, mais l'IA arrive de tous les côtés. Et donc, l'IA dans la santé, c'est un sujet qui passionne, parce qu'il dérange aussi beaucoup. Et donc, c'est vrai qu'à ce moment-là, on a été beaucoup ressolicité pour reparler de ça. Et entre-temps, il s'était passé deux ans. Et pendant ces deux ans, en fait, on a eu le temps de vraiment… de faire sortir cet outil du laboratoire. C'est un outil qui était vraiment designé au centre de recherche, sorti d'un laboratoire, et on s'est rendu compte qu'il était super utile. D'abord, les anatomopathologistes de l'Institut de Paris, c'est les médecins qui posent les diagnostics de cancer, qui disent, quand il y a un prélèvement, ils disent ça c'est un cancer du sein ou ça c'est un cancer du côlon Là, ils se sont mis sur des cas difficiles à se dire mais il faut que je demande un séquençage et qu'on applique l'outil d'IA pour aider à ce qu'on diagnostique Donc déjà, au sein de l'institution, nos pathologistes se sont appropriés l'outil. Donc ça, c'était formidable parce que ça voulait dire qu'ils y croyaient et qu'on n'était pas tout seul. Mais ce qui a donné une impulsion plus importante à l'outil, ça a été le fait qu'on ait pu transférer cet outil dans le cadre sur le plan national.

  • Speaker #0

    Mais alors voilà, c'était ma prochaine question parce que c'est absolument passionnant. Et du coup, ça amène à tout un tas de réflexions. La première qui est, quel est le coût de développement d'un tel outil ? Et du coup, est-ce qu'il est duplicable ? pour les autres centres de recherche ou même les autres centres de suivi de cancer sur tout le territoire, voire à l'international, parce que j'ai l'impression que vous avez quand même quelque chose. Si on garde en tête ce que vous nous avez dit il y a 10 minutes sur ce patient qui avait un cancer du rein et qui n'aurait jamais été détecté, on se pose la question de savoir si cet outil fonctionne, pourquoi est-ce qu'il est duplicable, à quel coût, et voilà. Et mon autre question qui n'a rien à voir, mais à laquelle vous pourrez probablement me répondre après, c'est quels sont les profils de personnes qui constituent votre équipe ? Est-ce qu'il n'y a que des médecins ? Est-ce qu'il y a, typiquement, Julien dont vous parlez, est-ce qu'il est médecin ? Est-ce qu'il est chercheur ? Est-ce qu'il est ingénieur ? Est-ce qu'il est… Voilà, j'imagine que vous avez des algorithmiens avec vous, des mathématiciens, voilà.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Ce n'est pas du tout un travail personnel, c'est un travail d'équipe. Oui. Alors, pour répondre à la première question concernant le coût et l'applicabilité. Il faut savoir qu'en soi, l'outil, c'est une ligne de code qu'on fait tourner sur des données de séquence. Ça ne coûte rien de faire tourner l'outil. C'est vraiment le code, il est établi. Alors, il y a eu du temps humain pour la mise en place de ce code. Et ça, c'est difficilement quantifiable en termes financiers. Mais je dirais qu'aujourd'hui, faire tourner la ligne de code, ça ne coûte rien. Ça prend 10 secondes. On fait tourner une fois qu'on a les données de séquençage. Ce qui coûte de l'argent, c'est le séquençage. de la tumeur. Faire un transcriptome, donc une analyse de tous les gènes qui sont exprimés dans une tumeur, ça coûte de l'argent, ça coûte aujourd'hui environ 400 euros pour un patient, donc c'est pas non plus énorme dans le domaine de la santé, des fois il y a des frais qui sont beaucoup plus importants, mais c'est environ 400 euros. Et ce qu'il faut savoir c'est que c'est une technique, le séquençage ARN, qui n'est pas forcément accessible dans tous les hôpitaux. de tous les centres qui prennent en charge des patients avec des cancers. Pourquoi aujourd'hui ? Parce que ça nécessite une infrastructure un petit peu particulière. Il faut avoir des machines de séquençage qui, elles, pour le coup, coûtent très cher. Il faut avoir une expertise, une équipe de biologie moléculaire, de génétique, et puis des gens qui sont capables d'analyser les données. Il y a beaucoup de traitements de données à faire. Donc, ce n'est pas fait partout, mais il y en a quand même de plus en plus. Sur la région parisienne, il y a plusieurs centres. Gustave Roussy, l'Institut Curie et d'autres, et à la PHP aussi.

  • Speaker #0

    On peut imaginer que des centres dans des régions plus éloignées de Paris puissent vous envoyer leur séquençage ?

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on a fait, c'est encore plus collaboratif que juste envoyer le séquençage. C'est qu'on a mis en place ce qu'on appelle une heure. C'est un terme, c'est du jargon. Une réunion de concertation pluridisciplinaire, donc en gros, c'est une réunion de médecins de différentes disciplines. Donc là, on a des oncologues médicaux, donc les médecins qui, comme moi, donnent les médicaments anticancéreux. On a des anatomopathologistes qui posent les diagnostics. Et puis, on a les biologistes moléculaires, qui sont les médecins spécialistes de l'analyse de ces données moléculaires compliquées. Et donc, c'est ce qu'on appelle une réunion de concertation pluridisciplinaire. On se retrouve tous les 15 jours. tout ensemble et c'est une réunion de concertation pluridisciplinaire qu'on coordonne mais qui inclut tous les médecins sur le territoire national. Donc vraiment tous les pathologistes, tous les oncologues qui sont intéressés par vraiment se présenter à un patient peuvent se connecter. Cette RCP est vraiment dédiée aux cancers de primitif inconnu donc on a mis ça en place en 2020. Et on a intégré notre outil d'intelligence artificielle dans le cadre des analyses moléculaires qui sont faites en routine dans le cadre de cette RCP. Donc s'il y a un patient, je dis n'importe quoi, qui habite au fin fond du Berry, je n'ai rien du tout contre le Berry, mais il n'a pas accès à une plateforme de séquençage qui nous présente le dossier de son patient à cette RCP, on va coordonner le circuit du prélèvement. pour que la tumeur soit séquencée sur la bonne plateforme et pour que les analyses puissent être faites et que le patient qui est loin d'un centre, je dirais, un peu expert puisse avoir accès à ces analyses-là. Et ensuite, on étudie les résultats tous ensemble et on rend le résultat tous ensemble. On y viendra peut-être après, mais on ne rend pas juste un score d'intelligence artificielle, on intègre ça avec beaucoup de choses. C'est tout l'intérêt de cette réunion qui est très humaine pour le coup et pas du tout artificielle, qui permet finalement de critiquer les résultats, de les intégrer dans un contexte et de proposer un traitement aux patients. C'est comme ça que l'outil, on a réussi à le diffuser sur le plan national. C'est probablement ça notre plus grande fierté, c'est de se dire qu'aujourd'hui, on l'utilise en routine. On travaille aussi en parallèle sur une version améliorée parce qu'un outil d'IA, ça peut toujours s'améliorer et ça s'améliore toujours. Donc, il y a une phase de recherche qui est en cours, bien évidemment, pour améliorer ses performances, parce qu'on pense qu'on peut encore améliorer ses performances. Mais la version 1, en tout cas, est utilisable et est utilisée en routine clinique, aujourd'hui, sur le territoire national.

  • Speaker #0

    D'accord. On reviendra après à ma deuxième question, qui était les profils type professionnels des gens qui composent votre équipe. Mais j'ai une autre question qui m'est venue entre-temps. qui va compléter la précédente. Est-ce que des patients vous contactent de façon autonome ? Absolument et de plus en plus. Et c'est là que le rôle des médias et de la communication a été très important. Parce que c'est vrai que nous, moi je suis médecin, je ne suis pas du tout formée à la communication et au fait de parler, m'adresser sur un plan grand public à ce qu'on développe. Et pour autant, ça a été vraiment cette communication autour de ce tout-ci qu'il y a eu en 2023, qui a permis qu'il y ait des patients qui nous contactent. qui demandent à leurs médecins d'avoir accès à cet outil. Donc du coup, les médecins nous ont dit, mais comment on fait ? Et ça a été… Moi, j'ai reçu beaucoup de messages de patients sur LinkedIn, sur mon mail personnel, sur des choses qui disaient… Mais voilà, et pas uniquement en France, en Europe, dans le monde, des gens qui voulaient avoir accès à cet outil-là. Donc il a fallu expliquer les modalités, cadrer les choses, parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe quoi. comment bien sûr ce que fait dans un cadre et que les données soient soit vraiment de qualité pour qu'on puisse les analyser et surtout ne pas donner de fausses espérances aux gens quand on sait que c'est pas réalisable dans certaines situations mais mais en tout cas oui il ya eu beaucoup de beaucoup de demandes qui sont venus spontanément de des

  • Speaker #1

    patients tout à fait super en tout cas quoi qu'il soit c'est très porteur d'espoir quoi C'est très important, l'espoir. Et donc, sur le profil type des personnes qui constituent l'équipe ?

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Alors, moi, je suis médecin-chercheur. Dans l'équipe, aujourd'hui, on a une petite équipe qui est rattachée à une plus grosse équipe. Mais donc, vraiment, les gens qui travaillent sur ce projet. Donc, c'est… Alors, Julien, effectivement, est travaillé avec moi pendant sa thèse de sciences. Maintenant, il est parti. Merci. Il a aussi le même profil que moi. Il a fait une médecine et un cursus scientifique en parallèle à Normalsup. Donc, on a vraiment un profil très similaire. Sachant que lui, il est très geek, très passionné par les maths et par tout ce qui est informatique. Alors que moi, j'étais assez béotienne dans ce domaine-là avant que n'arrive tout ce projet. Donc voilà, on a effectivement des profils de médecins et puis j'ai des étudiants en médecine qui sont passionnés et qui veulent faire des projets de recherche ensuite sur que deviennent les patients qui sont traités en fonction des propositions thérapeutiques qu'on a tirées de l'utilisation de l'outil. Donc ça a créé plein de projets derrière pour des étudiants en médecine et ça c'est formidable. Et puis au sein de l'équipe, on a aussi des mathématiciens purs et purs et ce qu'on appelle des bioinformaticiens. Donc ça, c'est vraiment une classe de métier qui est devenue le nerf de la guerre dans le domaine de la biologie moléculaire et de la génétique. Aujourd'hui, c'est ces chercheurs qui sont vraiment spécialisés dans l'analyse de données. Ils ne sont pas à la paillasse avec des fioles et des tubes à essai, mais ils sont derrière un ordinateur toute la journée. Et leur travail, c'est d'analyser ces séquences de pouvoir. à la fois finalement tirer l'information de ces séquences et puis créer des nouveaux outils pour savoir les gènes qui sont soit anormaux dans une tumeur ou au contraire les gènes qui sont normaux, en quoi une tumeur se différencie d'une autre sur son profil d'expression. Donc on travaille énormément avec les bioinformatistes sur ce projet parce qu'on est sur de l'analyse de données, donc là vraiment on est sur des maths et des aspects. Et là la dernière personne qui nous a rejoint, Loïc, qui est... et un étudiant qui sort d'une école d'IA, qui n'avait lui-même aucune formation en biologie. C'est ça qui est vraiment intéressant, c'est qu'on a des profils très différents. Lui, il était super fort en IA, il avait travaillé sur de l'analyse d'images pour faire des films et des choses comme ça. Il arrive dans le domaine de la biologie, il ne connaît pas la biologie, mais il arrive avec vraiment ses connaissances en intelligence artificielle. C'est vraiment des métiers très différents qui vont s'entrecroiser, qui vont discuter, c'est ça qui est passionnant.

  • Speaker #1

    Très complémentaire et très pluridisciplinaire. Et avec le recul que vous avez, parce que donc effectivement, vous dites, ça fait maintenant presque quatre ans que vous travaillez avec cette technologie d'intelligence artificielle, quelles sont les limites actuelles que vous voyez sur la technologie ? Quels sont les défis que vous pouvez rencontrer au quotidien dans son application clinique ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors il en reste, déjà, il y a le fait que l'outil n'est pas 100% performant. Donc je vous ai dit sur la première petite série, on a à peu près 80% d'identification de la tumeur. Donc ça veut dire qu'il reste 20% où on ne trouve pas. Alors, jusqu'où on peut augmenter la performance de cet outil, c'est une question à laquelle je n'ai pas la réponse. Je pense qu'il y a des paramètres qu'on peut améliorer et qu'on est en train d'essayer d'améliorer. En particulier, le fait qu'il faut bien savoir qu'un outil d'IA n'est capable de reconnaître ou d'imiter ou de classer que ce qu'il a appris et que ce qu'il a déjà rencontré. Un outil d'IA n'est pas capable d'imaginer des choses. Même une IA qu'on va appeler générative, genre ChatGPT, ChatGPT ne va pas pouvoir imaginer des choses. ChatGPT va donner des réponses basées sur les choses qu'il a apprises auparavant. Et donc nous, on a appris à notre outil à reconnaître un certain nombre de cancers. Mais très clairement, on n'est pas exhaustif dans tout ce qu'on lui a appris à reconnaître. Donc on peut se dire qu'il y a peut-être une petite proportion de nos 20% de cas pour lesquels on n'a pas réussi à trouver. Ou si on avait mieux appris... à notre outil à reconnaître des sous-types de cancers plus rares, on serait capable finalement de grappiller un petit peu de performance si on avait appris plus de choses à notre outil. Donc on essaye d'enrichir ce qu'on appelle le jeu de données d'entraînement. Le jeu de données d'entraînement, c'est les données sur lesquelles on va utiliser pour que l'ordinateur ingurgite du savoir avant d'être capable de… donner des décisions, donner des résultats.

  • Speaker #1

    Quel est votre avis, je suis désolée, je vous ai coupé, quel est votre avis, vous, justement, sur ces spéculations, sur cette anxiété générale d'une intelligence artificielle ? Alors, pour le coup, pour vous, ce serait quelque chose de plutôt bénéfique, mais cette anxiété générale d'une intelligence artificielle qui deviendrait super intelligente et qui pourrait apprendre toute seule, et qui, du coup, vous, peut-être que vos 20% l'intelligence artificielle pourrait pallier à ce déficit. Mais est-ce que vous avez un avis, une vision, des perspectives quand vous échangez justement avec les jeunes chercheurs en IA ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, nous, dans le domaine de la médecine, on n'a pas de... Moi, alors je suis... J'ai 38 ans, je suis très enthousiaste par rapport au développement de l'intelligence artificielle parce que je vois ce que ça peut nous apporter qu'on n'est pas capable de faire aujourd'hui et je vois tout ce que ça apporte en termes de gain de temps pour des tâches très banales qui peuvent être automatisées et faites de façon plus fiable avec de l'IA qu'avec des moyens humains. Je peux voir ce que ça nous apporte en termes de génération de nouveaux contenus qu'on n'est pas capable de créer nous-mêmes parce que... Juste, on n'est pas capable d'emmagasiner tout ce savoir qui est pour le coup accessible à l'IA. Je vois surtout les aspects positifs. C'est vrai qu'on peut très vite fantasmer sur une IA qui prendrait le contrôle et qui, si vous voulez, pourrait même usurper des données de santé des patients et rentrer dans la vie des patients. On peut très vite partir sur des choses un peu comme ça. Je pense qu'en fait, c'est... Ces craintes-là sont liées au fait qu'aujourd'hui, la réglementation de l'IA est quelque chose qui est extrêmement obscur, et en particulier la réglementation dans l'usage de la santé. Pour vous donner un exemple, nous, notre outil d'IA, on l'a mis en place, on l'a appliqué en routine diagnostique. Aujourd'hui, on l'utilise en routine diagnostique sur le plan national. À aucun moment, quelqu'un m'a demandé… d'évaluer cet outil, d'évaluer sa performance, sa pertinence, et on l'utilise. Ça paraît complètement fou. On n'imagine pas que dans un avion, un nouveau système de pilotage automatique qui est en fait de l'intelligence artificielle n'ait pas été évalué, testé dans tous les sens, comparé à d'autres choses. Mais dans le domaine de la santé, il y a ce flou total. Oui,

  • Speaker #1

    mais c'est-à-dire que si vous aviez voulu… le faire évaluer, tester avant de pouvoir l'utiliser, vous ne pourriez certainement pas encore l'utiliser parce que les délais protocolaires de régulation sont immenses.

  • Speaker #0

    Et puis aujourd'hui, je dirais même que la structure de régulation à qui il faut soumettre ce type de nouveau dispositif, elle est très, très obscure. Je ne sais pas. Autant je veux développer un nouveau médicament. Je veux évaluer ce médicament dans une indication thérapeutique. On connaît très bien le circuit. Il y a toutes des étapes. On appelle des essais cliniques, essais cliniques de première administration chez l'homme, essais cliniques, blablabla. Ça, c'est très bien codifié jusqu'à ce qu'on arrive à ce qu'on appelle l'autorisation de mise sur le marché qui aboutit au remboursement d'un médicament. Un dispositif d'intelligence artificielle, aujourd'hui, on ne connaît pas du tout son parcours de développement. de la sortie du laboratoire jusqu'à l'utilisation en routine, qui est censé évaluer la performance, qui est censé le benchmarker contre d'autres outils, parce que si ça se trouve, on est dans une autre équipe, en Belgique ou aux États-Unis ou en Asie, il y a un outil qui est bien meilleur que le nôtre, c'est tout à fait possible, parce qu'on a eu l'idée, mais il y en a d'autres qui ont des idées, et donc si ça se trouve, il y a un outil qui est bien plus performant, mais sauf qu'on n'a jamais comparé l'un à l'autre. On n'a jamais... Voilà. Donc il y a encore beaucoup de flou, et je pense que c'est ce flou qui est la source des potentielles inquiétudes.

  • Speaker #1

    Ce sont les mêmes débats qu'on avait déjà finalement il y a 5-6 ans sur tous les logiciels de santé connectée, pour lesquels de nombreux entrepreneurs finalement n'osaient pas mettre sur le marché leur application de santé connectée, et du coup ont vu leur entreprise péricliter avant même de pouvoir... aller au bout de leur démarche. Moi, j'avais une entreprise dans le domaine de la santé connectée il y a quelques années, et comme vous, vous l'avez fait pour votre outil d'intelligence artificielle, je l'ai publié sur les plateformes avant même de demander l'autorisation à une quelque autorisation de santé, et finalement, elle a été téléchargée plus de 200 000 fois, et elle n'a jamais gêné personne, finalement. Mais du coup, je vous rejoins tout à fait, oui. Et du coup, quel conseil vous pourriez donner à des jeunes chercheurs qui seraient intéressés par l'intégration de l'intelligence artificielle dans la recherche médicale ? Comment est-ce que vous abordez finalement, comment vous voyez l'évolution de l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine de l'oncologie, mais aussi de façon plus générale dans la médecine ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors, je pense que déjà, pour bien utiliser l'intelligence artificielle, il y a différentes choses. Je dirais que déjà, il faut avoir une bonne question. Vouloir faire de l'IA pour faire de l'IA, ça ne sert pas à grand-chose, parce qu'il y a plein de choses où on n'a pas de besoin, si vous voulez. Et on voit aujourd'hui, si on fait des recherches bibliographiques, on voit qu'il y a je ne sais pas combien de milliers d'outils d'IA qui sortent chaque semaine. Et je vais vous dire, 99,99% de ces outils ne sont jamais utilisés en routine. parce que soit il n'y a pas d'application, soit l'outil n'est pas bon. Faire de l'IA pour faire de l'IA, pourquoi on fait de l'IA ? On fait de l'IA pour répondre à une question. Et pour répondre à cette question, il faut se dire que l'IA est un moyen, comme un autre. L'IA, ce n'est pas magique, c'est un moyen. C'est finalement une méthode d'analyse statistique un peu particulière, très puissante, qui va être basée sur l'analyse de ce qu'on appelle des big data, vraiment des données de très haute complexité. et ce qu'on appelle des données multidimensionnelles. Alors ça peut paraître un petit peu compliqué, mais l'exemple typique, c'est l'exemple que je peux vous donner là, qui est cet exemple du séquençage, où on a 25 000 gènes dans une tumeur, et chaque gène est exprimé de façon différente. Donc on a finalement 25 000 dimensions dans notre donnée de séquençage. Ça, c'est inaccessible à notre cerveau. Un outil d'IA, ça ne nous pose aucun problème qu'il y ait 25 000 dimensions. Donc voilà. Plus il va y avoir de dimensions, plus il va être performant. Même chose dans l'analyse d'images. Quand on prend une image, en fait, une image, c'est des centaines de milliers de petits points qu'on appelle des pixels, qui sont des petits points qui vont pouvoir être extraits par ces outils informatiques et que notre œil n'est absolument pas capable de voir. Donc, c'est aussi pour ça qu'il y a une très forte pour analyser des images. Donc, vraiment, les conseils que je donnerais, c'est déjà la bonne question. Ensuite, s'assurer qu'on a des données. qui sont des données utilisables par l'IA. Si on a des données qui ne sont pas très multidimensionnelles, qui sont des données très hétérogènes, si on a des données juste sur 50 patients, par exemple, ça, ce n'est pas une bonne chose pour l'outil d'intelligence artificielle. Il ne va pas être bon là-dedans. Il va être bon sur des très grosses données. Donc, avoir ces big data et avoir ces big data qui soient propres. Il faut savoir que dans le développement d'un outil d'IA, 90% du temps qu'on passe, c'est vraiment le nettoyage du jeu de données d'apprentissage. Si on a appris des mauvaises données au départ, même si la ligne de code est extraordinaire, si l'informaticien est super bon, c'est le meilleur geek de la Terre, s'il a appris sur des mauvaises données, il donnera des mauvais résultats. Donc vraiment, c'est très laborieux, l'intelligence artificielle. Ce n'est pas quelque chose de magique, on crée des codes dans tous les sens. Finalement, la phase du code, c'est presque la phase la moins compliquée. La phase la plus longue, la phase la plus laborieuse, celle qui prend le plus de temps et qui n'est pas facile, c'est vraiment de construire un jeu de données qui soit hyper solide, qui soit propre et surtout qui reflète la population sur laquelle on a envie d'explorer une question. Si j'ai appris… à mon outil d'IA à reconnaître, je dis n'importe quoi, plein de types de cancers et je lui ai appris à reconnaître ça mais uniquement sur des patients de l'Institut Curie et que derrière je vais en Asie et que je regarde s'il est capable d'identifier les types de cancers des patients asiatiques et bien très clairement ça va pas marcher parce qu'il y a des choses qui sont différentes. On a appris sur un jeu de données très restreint de patients d'un seul centre. on va l'appliquer dans un autre pays, dans un autre centre. Ma population d'apprentissage ne correspond pas à ma population d'études. Donc, l'outil va être mauvais. Donc, vraiment, il faut réfléchir d'emblée pour répondre à une question. Comment j'entraîne mon outil ? C'est vraiment ça, la phase la plus importante.

  • Speaker #1

    Oui, pour ne pas biaiser, bien sûr. Tout à l'heure, vous parliez de ChatGPT, c'est exactement la même chose.

  • Speaker #0

    C'est exactement la même chose.

  • Speaker #1

    Les données qu'on donne à ChatGPT sont des données uniquement, des articles uniquement parlant d'une certaine population, d'une certaine… Et si d'un certain sexe, d'une certaine catégorie de socioprofessionnel ou je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    les réponses qui sont les biens de la machine vont être exactement les mêmes que les biens dans le chat GPT ou que les biens dans un domaine social. Ça va être exactement la même chose. C'est globalement l'exhaustivité de ce sur quoi on a entraîné la machine pour qu'elle puisse être juste. Et donc le troisième conseil qui vient derrière ça, c'est vraiment, je dirais, être capable de critiquer les résultats. il faut toujours rester dans le fait que l'IA c'est un outil statistique être bien conscient des biais qu'il y a et alors ces biais avec le développement de nouvelles techniques et l'augmentation exponentielle des données qu'on génère aujourd'hui, ils réduisent bien évidemment mais ils existent et ils existeront toujours et donc il faut toujours nous humains derrière la machine être capables de critiquer les résultats et pour revenir sur notre outil à nous toutes les semaines on a cette réunion où on se rejoint entre médecins et on regarde les résultats qui ont été rendus par la machine et où on les intègre avec d'autres paramètres. Si la machine nous rend que c'est un cancer de l'utérus mais que le patient est un homme, très clairement l'information homme va être beaucoup plus importante que l'information donnée par la machine. Donc ça paraît trivial, mais l'IA reste des statistiques donc toute statistique peut être fausse. L'IRS des scores de probabilité, on n'est jamais à une probabilité de 100%. Et donc du coup voilà, avoir ce regard critique, on peut toujours, il faut tester, retester, rechallenger la machine, et c'est ça qui est passionnant, c'est qu'on voit qu'on est capable de la faire progresser, qu'on voit un petit peu toutes les portes que ça ouvre, mais il faut rester très humble par rapport à l'IA parce que ça reste un outil formidable, mais c'est pas une science qui est juste à 100%, c'est un outil extraordinaire. On s'en sert et on va s'en servir le plus possible et le plus souvent possible. Et en médecine, ça va être formidable. Ça va nous faire gagner un gain de temps et ça va nous apporter des connaissances qu'on n'est pas capable d'avoir. Même pour les patients, je pense que ça va être très utile au quotidien. Mais je reste vraiment persuadée que derrière, on restera derrière pour être là, critiquer les choses. Et puis surtout comprendre comment ça marche, parce que c'est passionnant et que ça permet d'ouvrir plein d'autres questions dans le domaine à la fois médical et le domaine de la recherche.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Dr Watson. C'était vraiment passionnant. Bravo pour ce que vous faites. Merci surtout pour ce que vous faites.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    On voit que le domaine médical et surtout, comme on se l'est dit en préparation de ce podcast, dans le domaine de l'oncologie, avec un sujet ultra sensible, une population qui est de plus en plus concernée, en tout cas évolue positivement grâce à vous donc vraiment merci infiniment vous le savez on termine toujours cette interview par un portrait numérique quelques petites questions très courtes qui vont nous permettre de d'en apprendre un petit peu plus sur vous et sur et sur votre rapport au numérique vous êtes prête allez

  • Speaker #0

    c'est parti alors quelles sont les applications qui vous sont indispensables au quotidien alors au quotidien mes mails malheureusement je suis beaucoup trop rattaché à mes mails whatsapp Et puis, allez, LinkedIn.

  • Speaker #1

    Super. Quelle est la dernière application que vous ayez téléchargée ?

  • Speaker #0

    Ah, le marathon 2024 pour tous. J'essaye de finir mes points pour pouvoir courir le marathon 2024 des Jeux Olympiques.

  • Speaker #1

    Wow, ok, on croit que le gars pour vous. Les applications, celles ou celles avec un S ou au singulier, que vous n'ouvrez jamais malgré leur ou sa présence dans votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Alors... Instagram, alors ça je l'aime et je ne sais même pas comment ça marche, et puis l'autre que je n'ouvre plus et je suis vraiment bien contente,

  • Speaker #1

    c'est TousAntiCovid qu'il faudrait quand même que j'enlève Vous êtes très nombreux à dire TousAntiCovid effectivement, on est bien contents de la mettre derrière nous La dernière recherche Google ou ChatGPT que vous ayez faite ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai regardé télécharger un podcast qui s'appelle Résistante un podcast de France Inter qui s'appelle Reste distante parce que je suis passionnée par l'histoire et j'écoute plein de podcasts.

  • Speaker #1

    Parfait. Le fond d'écran de votre smartphone ?

  • Speaker #0

    Une photo des Caraïbes vues par l'espace Thomas Pesquet.

  • Speaker #1

    On a envie d'y être. Et vous êtes plutôt iPhone ou Android ?

  • Speaker #0

    iPhone.

  • Speaker #1

    Super. En tout cas, merci de vous être prêté au jeu de l'interview. Merci infiniment pour votre temps. C'est très précieux. Et puis, on va vraiment suivre avec la plus grande attention la suite de vos recherches. Et à nouveau, merci pour vos patients, merci pour les patients et merci pour nous tous parce qu'on est tous concernés. Merci beaucoup, docteur.

  • Speaker #0

    Merci à vous pour l'invitation.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Et voilà, au cours de cet épisode passionnant, le docteur Watson nous a démontré comment l'IA était devenu un outil précieux pour mieux diagnostiquer et mieux soigner les patients. Bien sûr, elle évoque l'indispensable recours à l'humain pour challenger l'outil et pallier à ses erreurs potentielles. Je vous encourage à suivre le Dr Watson sur son compte LinkedIn où elle partage régulièrement ses avancées et le fruit de ses recherches. Je vous remercie de nous avoir écouté jusqu'au bout. Je suis Morgane Soulier, consultante en nouvelles technologies. Je me réjouis de vous retrouver lors de notre prochaine exploration du futur. Et n'oubliez pas de partager ce podcast au plus grand nombre. N'hésitez pas aussi à me contacter si vous souhaitez être accompagné dans la compréhension du monde qui change. A très bientôt !

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