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PRÉVOST, MANON LESCAUT #10 Un roman picaresque ? cover
PRÉVOST, MANON LESCAUT #10 Un roman picaresque ? cover
Objectif : bac français !

PRÉVOST, MANON LESCAUT #10 Un roman picaresque ?

PRÉVOST, MANON LESCAUT #10 Un roman picaresque ?

13min |13/04/2024|

1138

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Description

https://www.aufonddelaclasse.com/

Le roman picaresque est un genre littéraire né en Espagne à la fin du XVIe siècle avec des œuvres comme La Vie de Lazarillo de Tormes. Il met en scène un anti-héros, généralement issu des classes défavorisées, qui parcourt le monde en rencontrant divers personnages et en vivant des aventures souvent burlesques et moralement ambigües. Ces récits offrent souvent une critique sociale implicite tout en étant divertissants.

Manon Lescaut partage certaines caractéristiques avec le genre picaresque. Le protagoniste, Des Grieux, peut être considéré comme un anti-héros dans la mesure où il est passionné, impulsif, et souvent conduit par ses désirs. Il traverse différentes situations et rencontres, notamment des moments de détresse et d'errance, ce qui rappelle le schéma narratif du roman picaresque.

Cependant, Manon Lescaut se distingue aussi du genre picaresque par certains aspects. Par exemple, Des Grieux appartient à la noblesse, ce qui le différencie des protagonistes typiques du roman picaresque qui sont souvent issus des classes populaires.

Toutefois, si le ton général du roman semble plus mélancolique et tragique que le ton souvent satirique et comique des œuvres picaresques, on peut y trouver en commun une sorte de désenchantement assumé. Ce que Des Grieux aime en Manon, c'est l'éclat, l'insouciance, la promesse du plaisir, tout ce qui définit un mirage. Il poursuivra jusqu'à la mort, consciemment, une fausse image du bonheur. Prévost voit dans la vie du cœur un élan vers un bonheur chimérique, source d'erreur et de souffrance sans fin. La vie romanesque est vouée au malheur, mais elle est la seule qui vaut d'être vécue...



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons nous demander si on peut lire Manon Lescaut comme un roman picaresque. Pour essayer d'interpréter ce roman de l'abbé Prévost, Manon Lescaut, on peut essayer de le rapprocher d'un certain nombre de genres, de formes littéraires qui existent déjà en son temps. On a parlé de la tragédie, on a évoqué aussi le modèle de la comédie pour certaines scènes, on a parlé aussi des aventures, du romanesque, dans le début de ces épisodes. Ce qu'on va essayer d'examiner aujourd'hui, c'est une interprétation possible qu'on pourrait appeler picaresque. Les romans picaresques, ce sont des romans qui, sur le mode autobiographique, racontent l'histoire d'un héros qui en général est pauvre, généralement lié à des jeunes gens qui sont en marge de la société. Donc de fait, ça peut nous intéresser au moins pour ça. Et ces romans, qui sont d'origine espagnole, le grand modèle, c'est celui de Lazario de Tormes, eh bien, racontent des aventures qui sont extravagantes, Et la qualité sociale des héros, c'est-à-dire des héros de basse condition, font penser que ces aventures sont plus amusantes, plus variées, que celles des nobles, des chevaliers qu'on pourrait trouver d'habitude dans les romans héroïques qui existaient au Moyen-Âge ou encore au début de l'époque moderne. Et donc le roman picaresque, c'est aussi une manière de faire entrer la réalité de la vie quotidienne de la majorité des gens dans la littérature et de faire voir. à travers ce héros qui se promène dans le pays, eh bien plusieurs couches de la société, et pas seulement les plus hautes, celles de l'élite. Et pour développer un petit peu ce que c'est que ce genre picaresque, on peut donner quelques éléments. Le picaro, c'est-à-dire celui qui est le héros de ce genre de livre, il cherche à améliorer sa condition sociale, mais il n'y arrive jamais. Alors avec des grilleux, on n'a pas vraiment ça. D'abord parce que Desgrieux n'est pas de basse condition sociale et il ne cherche pas à améliorer sa condition sociale. Mais en tout cas, on peut dire qu'il échoue dans la quête qui est la sienne et qu'il restera toujours l'amoureux qui n'arrive pas à faire développer son histoire et à lui donner une réalité acceptable et durable dans la société dans laquelle il vit. Le roman picaresque c'est aussi une tentation moralisante et une vision de la vie qui est assez pessimiste. Traditionnellement dans un roman picaresque, on a affaire à un cas. Un cas qui est donc un exemple, on pourrait le dire aussi comme ça, d'une conduite aberrante qui est systématiquement punie par la société et qui aboutit au repentir du héros. Et là évidemment on a plus de choses en commun à évoquer avec notre dégrieux. Et le picaresque, c'est aussi, je l'ai dit un peu avant, un roman qui est fondé sur une structure itinérante. C'est-à-dire que le protagoniste se promène dans toutes les strates de la société, en général avec une certaine satire de cette société. Et ce héros, il assiste, en spectateur, et derrière lui le lecteur, la lectrice du roman picaresque, à l'hypocrisie qui est incarnée par chacun des puissants qui sont critiqués à partir de sa condition à lui. qui est celle d'un déshérité et d'un héros qui ne se pose pas en modèle de conduite. Et le picaresque, c'est aussi une forme de réalisme, c'est ce que je disais au début, y compris dans la description de certains des aspects les moins plaisants de la réalité sociale, qui n'est jamais idéalisée, mais qui, au contraire, est présentée avec moquerie comme une désillusion, mais aussi dans ses aspects les plus sordides, on l'a évoqué dans un autre épisode. Alors... Le mélange des genres, on peut dire vraiment que c'est quelque chose qui définit bien Manon Lescaut. Manon Lescaut, c'est une oeuvre qu'on peut rapprocher de beaucoup de genres différents. Et c'est vrai aussi du roman picaresque. Parce que comme il se termine mal, on peut le rapprocher du grand modèle de la tragédie et aussi de la comédie dans la mesure où il est relativement léger et qu'il crée un très grand nombre de situations comiques. Et on peut penser... que les différents styles, comiques, tragiques, ou même celui qu'on peut rapprocher de la religion, du serment religieux, sont tous des éléments qu'on retrouve dans Manon Lescaut, et qu'on retrouve en particulier dans la bouche de Dégri. Puisqu'il utilise lui-même ces différents styles, comiques, tragiques, sérieux, mais il est aussi la victime de tout ça. Et d'ailleurs, il est conscient du caractère banal et misérable de ses aventures. Et il lui arrive même, deux fois, d'avouer sa honte quand il pratique la tricherie ou l'hypocrisie en compromettant sa qualité aristocratique à cette occasion. Et on pourrait dire qu'à cette occasion-là, dans ces deux occasions en tout cas, il se donne à lui-même et à ses problèmes, à ses déboires, une sorte de comique désenchanté. Et ce comique désenchanté, on peut le nommer picaresque. On pense à l'excuse préférée de Dégrieux pour justifier ses actions, en particulier celle de la triche au jeu, celle qui consiste à entretenir une maîtresse. Son excuse préférée... Consiste à dire mais moi je fais comme tout le monde, à commencer d'ailleurs par les princes, les ducs, les grands de ce monde. Et sur le plan de la religion, il dit aussi que mettre ensemble le libertinage et la carrière ecclésiastique, après tout, encore une fois, c'est faire comme tout le monde. C'est à dire, comme il le dit lui-même, faire comme la plupart des évêques et autres prêtres, comme il le dit une fois à Tiberge. C'est dans ces termes-là que Desgrieux rapporte ce qu'il disait à Tiberge. Je vous cite un passage du roman. Quelquefois je le raillais agréablement, en présence même de Manon, et je l'exhortais à n'être pas plus scrupuleux qu'un grand nombre d'évêques et d'autres prêtres qui savent accorder fort bien une maîtresse avec un bénéfice. On voit ici son argument principal pour justifier sa conduite, tout le monde fait ça. Et donc pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne tricherais pas comme les autres ? Pourquoi je ne volerais pas les honnêtes gens ? Et pourquoi je n'entretiendrais pas une maîtresse tout en étant quelqu'un de religieux et de conforme à la morale de la société ? On voit ici qu'il s'agit vraiment de quelque chose de picaresque dans la mesure où c'est lié à une forme de comique désenchanté. Comique parce que c'est prendre les choses à la légère, et désenchanté parce que c'est avec la conscience en même temps que tout ça n'est pas très bien. Et il y a là un désenchantement qui est assez évident. C'est le comique de celui qui sait qu'il a perdu ses illusions, qui sait qu'il agit mal et qui tente de le prendre à la légère. Et ça, ça correspond assez bien avec ce qu'est un héros picaresque et avec l'esprit picaresque d'une façon générale. Et on pourrait ajouter un autre élément, c'est le goût que prend Desgrieux à jouer, à faire la comédie même. Il est en cela instruit par Manon, par Lescaut, par Monsieur Dete aussi, et il mène plusieurs jeux comme un vrai rusé. Et même, on pourrait dire qu'il apporte à la Dupri, dans un certain nombre de moments du roman, un certain style. Il aime la mise en scène et il aime faire un chef-d'oeuvre du genre de la Dupri. s'amuser de ça. Et ça, ça colle très bien avec ce qu'est un héros picaresque qui est drôle, qui fait rire le public de son habileté, un peu comme un valet de comédie finalement, à tromper les autres. Et dans le cas du vieux GM, le luxe de l'intrigue consiste à jouer une comédie qui est extrêmement dangereuse. Parce qu'on va très très près d'être démasqué. Et des grilleux qui est déguisé, multiplie les équivoques dans un passage dont on a déjà parlé, où il est censé être le frère de Manon, et il va jusqu'à faire le portrait du vieux GM, alors qu'il est là, à table, pour se moquer de lui, ce qui fait rire Manon, rire Lescaut, mais qui en même temps est un jeu qui est extrêmement risqué, et qui les fait aussi très fortement trembler Manon et son frère Lescaut. Et avec le jeune GM, le fils de l'autre, qui est un rival très adroit, la Dupree de Dégrius consiste à lui donner l'illusion de gagner pour finalement le frustrer de sa victoire. Et Dégrius le présente de cette façon-là, c'est-à-dire comme un défi, un... comment dire... comme s'il allait lancer avec le plus grand style possible une vraie mise en scène, un chef-d'oeuvre. De tromperie. Je vous cite le texte. Alors dans ce passage là, évidemment il y a une fantaisie, une part d'insouciance qui les excuse d'une certaine manière dans leur désir d'oublier la réalité et de vivre tout entier à leur caprice. Mais on peut dire que les amants jouent avec le feu et en particulier le héros picaresque, on va l'appeler comme ça pour le moment, des grilleux. Et le problème évidemment c'est que chacune de ces petites comédies s'achève de manière tragique. Et comme le dit... le critique Jean Segar, dont j'ai déjà parlé à l'occasion d'autres épisodes, des grilleux plaisantent, mais ils plaisantent sur le bord de l'abîme. C'est-à-dire qu'ils plaisantent à l'endroit même où ils risquent de tomber de très haut. Et tout ce qu'il y a de comique dans Manon Lescaut s'explique en fait par le désir, qui est finalement vain, de montrer que la vie n'a pas beaucoup de valeur, que les actes n'engagent pas. Et en fait, évidemment, la réalité rattrape. Dégriu. Pour conclure ces quelques réflexions, on peut dire que dans Manon Lescaut, la vie est faite d'une suite d'illusions, de cauchemars, et dont le héros se réveille finalement innocent et comme chaos, comme assommé. Et Dégriu possède, lui, la liberté tragique. C'est-à-dire qu'il consent de manière lucide au destin. Il ne le subit pas complètement. Il ne renie pas la passion, c'est sa raison d'être, et au dénouement, il reste fidèle à lui-même et aux souvenirs de Manon. En ce sens-là, c'est un homme qui est libre, qui est tout de même victime d'une fatalité, mais qui choisit de l'accepter. est longtemps aveuglé, il est éclairé à la fin en apparence par les lumières de la grâce, mais en tout cas il est engagé tout entier dans cette passion parfaite qu'il veut vivre et il a choisi de vivre par l'amour et pour l'amour. Et donc il ne regrette rien et son récit est une apologie de la déraison d'une certaine manière, une apologie de l'amour même s'il mène à la catastrophe finale ou à l'ensemble des catastrophes finales. Et à cet égard il y a un oxymore dans le texte qui est assez significatif, Desgrieux parle de sa fatale tendresse et cette fatale tendresse donc l'amour, comment dire, qui va le mener. par le destin au malheur, eh bien, c'est son choix. Et finalement, c'est sa seule raison de vivre. Et n'importe quel autre type de vie lui aurait paru morne, monotone. Et tout ça ne l'empêche pas, donc, de défier sa famille, de défier la société, et même de défier Dieu. Et sur le corps de Manon, à la fin du récit, au moment où elle meurt et qu'il l'enterre, eh bien, il ferme les yeux et il refuse de regarder et il dit... le ciel, défiant de cette manière-là jusqu'à Dieu. Et on peut donc dire enfin que Manon Lescaut est une sorte d'apologie picaresque de l'amour, une défense, un éloge de l'amour, sous une forme qui a bien des ressemblances avec le ton picaresque. Parce que ce que Desgrieux aime dans Manon, c'est l'éclat, c'est ce qui brille, c'est l'insouciance, c'est la promesse du plaisir, c'est-à-dire tout ce qui définit un mirage, quelque chose qui ne va pas se vérifier dans la réalité. Et Desgrieux poursuit jusqu'en enfer cette fausse image du bonheur. Et on peut dire donc plus largement, en prenant un petit peu plus de distance, que l'abbé Prévost fait une sorte d'éloge d'une vie picaresque, c'est-à-dire d'une vie qui est portée par le cœur, et qui est portée par un élan qui va vers un bonheur, mais un bonheur qui est consciemment chimérique, c'est-à-dire que le héros c'est une illusion, et même une source d'erreurs et de souffrances infinies. Mais on y va quand même. Et d'une certaine manière, on peut y voir une espèce d'éthique. Euh, picaresque. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur l'opportunité de lire Manon Lescaut comme un récit picaresque. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com. Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté, et à très bientôt ! Ciao ciao !

Description

https://www.aufonddelaclasse.com/

Le roman picaresque est un genre littéraire né en Espagne à la fin du XVIe siècle avec des œuvres comme La Vie de Lazarillo de Tormes. Il met en scène un anti-héros, généralement issu des classes défavorisées, qui parcourt le monde en rencontrant divers personnages et en vivant des aventures souvent burlesques et moralement ambigües. Ces récits offrent souvent une critique sociale implicite tout en étant divertissants.

Manon Lescaut partage certaines caractéristiques avec le genre picaresque. Le protagoniste, Des Grieux, peut être considéré comme un anti-héros dans la mesure où il est passionné, impulsif, et souvent conduit par ses désirs. Il traverse différentes situations et rencontres, notamment des moments de détresse et d'errance, ce qui rappelle le schéma narratif du roman picaresque.

Cependant, Manon Lescaut se distingue aussi du genre picaresque par certains aspects. Par exemple, Des Grieux appartient à la noblesse, ce qui le différencie des protagonistes typiques du roman picaresque qui sont souvent issus des classes populaires.

Toutefois, si le ton général du roman semble plus mélancolique et tragique que le ton souvent satirique et comique des œuvres picaresques, on peut y trouver en commun une sorte de désenchantement assumé. Ce que Des Grieux aime en Manon, c'est l'éclat, l'insouciance, la promesse du plaisir, tout ce qui définit un mirage. Il poursuivra jusqu'à la mort, consciemment, une fausse image du bonheur. Prévost voit dans la vie du cœur un élan vers un bonheur chimérique, source d'erreur et de souffrance sans fin. La vie romanesque est vouée au malheur, mais elle est la seule qui vaut d'être vécue...



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons nous demander si on peut lire Manon Lescaut comme un roman picaresque. Pour essayer d'interpréter ce roman de l'abbé Prévost, Manon Lescaut, on peut essayer de le rapprocher d'un certain nombre de genres, de formes littéraires qui existent déjà en son temps. On a parlé de la tragédie, on a évoqué aussi le modèle de la comédie pour certaines scènes, on a parlé aussi des aventures, du romanesque, dans le début de ces épisodes. Ce qu'on va essayer d'examiner aujourd'hui, c'est une interprétation possible qu'on pourrait appeler picaresque. Les romans picaresques, ce sont des romans qui, sur le mode autobiographique, racontent l'histoire d'un héros qui en général est pauvre, généralement lié à des jeunes gens qui sont en marge de la société. Donc de fait, ça peut nous intéresser au moins pour ça. Et ces romans, qui sont d'origine espagnole, le grand modèle, c'est celui de Lazario de Tormes, eh bien, racontent des aventures qui sont extravagantes, Et la qualité sociale des héros, c'est-à-dire des héros de basse condition, font penser que ces aventures sont plus amusantes, plus variées, que celles des nobles, des chevaliers qu'on pourrait trouver d'habitude dans les romans héroïques qui existaient au Moyen-Âge ou encore au début de l'époque moderne. Et donc le roman picaresque, c'est aussi une manière de faire entrer la réalité de la vie quotidienne de la majorité des gens dans la littérature et de faire voir. à travers ce héros qui se promène dans le pays, eh bien plusieurs couches de la société, et pas seulement les plus hautes, celles de l'élite. Et pour développer un petit peu ce que c'est que ce genre picaresque, on peut donner quelques éléments. Le picaro, c'est-à-dire celui qui est le héros de ce genre de livre, il cherche à améliorer sa condition sociale, mais il n'y arrive jamais. Alors avec des grilleux, on n'a pas vraiment ça. D'abord parce que Desgrieux n'est pas de basse condition sociale et il ne cherche pas à améliorer sa condition sociale. Mais en tout cas, on peut dire qu'il échoue dans la quête qui est la sienne et qu'il restera toujours l'amoureux qui n'arrive pas à faire développer son histoire et à lui donner une réalité acceptable et durable dans la société dans laquelle il vit. Le roman picaresque c'est aussi une tentation moralisante et une vision de la vie qui est assez pessimiste. Traditionnellement dans un roman picaresque, on a affaire à un cas. Un cas qui est donc un exemple, on pourrait le dire aussi comme ça, d'une conduite aberrante qui est systématiquement punie par la société et qui aboutit au repentir du héros. Et là évidemment on a plus de choses en commun à évoquer avec notre dégrieux. Et le picaresque, c'est aussi, je l'ai dit un peu avant, un roman qui est fondé sur une structure itinérante. C'est-à-dire que le protagoniste se promène dans toutes les strates de la société, en général avec une certaine satire de cette société. Et ce héros, il assiste, en spectateur, et derrière lui le lecteur, la lectrice du roman picaresque, à l'hypocrisie qui est incarnée par chacun des puissants qui sont critiqués à partir de sa condition à lui. qui est celle d'un déshérité et d'un héros qui ne se pose pas en modèle de conduite. Et le picaresque, c'est aussi une forme de réalisme, c'est ce que je disais au début, y compris dans la description de certains des aspects les moins plaisants de la réalité sociale, qui n'est jamais idéalisée, mais qui, au contraire, est présentée avec moquerie comme une désillusion, mais aussi dans ses aspects les plus sordides, on l'a évoqué dans un autre épisode. Alors... Le mélange des genres, on peut dire vraiment que c'est quelque chose qui définit bien Manon Lescaut. Manon Lescaut, c'est une oeuvre qu'on peut rapprocher de beaucoup de genres différents. Et c'est vrai aussi du roman picaresque. Parce que comme il se termine mal, on peut le rapprocher du grand modèle de la tragédie et aussi de la comédie dans la mesure où il est relativement léger et qu'il crée un très grand nombre de situations comiques. Et on peut penser... que les différents styles, comiques, tragiques, ou même celui qu'on peut rapprocher de la religion, du serment religieux, sont tous des éléments qu'on retrouve dans Manon Lescaut, et qu'on retrouve en particulier dans la bouche de Dégri. Puisqu'il utilise lui-même ces différents styles, comiques, tragiques, sérieux, mais il est aussi la victime de tout ça. Et d'ailleurs, il est conscient du caractère banal et misérable de ses aventures. Et il lui arrive même, deux fois, d'avouer sa honte quand il pratique la tricherie ou l'hypocrisie en compromettant sa qualité aristocratique à cette occasion. Et on pourrait dire qu'à cette occasion-là, dans ces deux occasions en tout cas, il se donne à lui-même et à ses problèmes, à ses déboires, une sorte de comique désenchanté. Et ce comique désenchanté, on peut le nommer picaresque. On pense à l'excuse préférée de Dégrieux pour justifier ses actions, en particulier celle de la triche au jeu, celle qui consiste à entretenir une maîtresse. Son excuse préférée... Consiste à dire mais moi je fais comme tout le monde, à commencer d'ailleurs par les princes, les ducs, les grands de ce monde. Et sur le plan de la religion, il dit aussi que mettre ensemble le libertinage et la carrière ecclésiastique, après tout, encore une fois, c'est faire comme tout le monde. C'est à dire, comme il le dit lui-même, faire comme la plupart des évêques et autres prêtres, comme il le dit une fois à Tiberge. C'est dans ces termes-là que Desgrieux rapporte ce qu'il disait à Tiberge. Je vous cite un passage du roman. Quelquefois je le raillais agréablement, en présence même de Manon, et je l'exhortais à n'être pas plus scrupuleux qu'un grand nombre d'évêques et d'autres prêtres qui savent accorder fort bien une maîtresse avec un bénéfice. On voit ici son argument principal pour justifier sa conduite, tout le monde fait ça. Et donc pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne tricherais pas comme les autres ? Pourquoi je ne volerais pas les honnêtes gens ? Et pourquoi je n'entretiendrais pas une maîtresse tout en étant quelqu'un de religieux et de conforme à la morale de la société ? On voit ici qu'il s'agit vraiment de quelque chose de picaresque dans la mesure où c'est lié à une forme de comique désenchanté. Comique parce que c'est prendre les choses à la légère, et désenchanté parce que c'est avec la conscience en même temps que tout ça n'est pas très bien. Et il y a là un désenchantement qui est assez évident. C'est le comique de celui qui sait qu'il a perdu ses illusions, qui sait qu'il agit mal et qui tente de le prendre à la légère. Et ça, ça correspond assez bien avec ce qu'est un héros picaresque et avec l'esprit picaresque d'une façon générale. Et on pourrait ajouter un autre élément, c'est le goût que prend Desgrieux à jouer, à faire la comédie même. Il est en cela instruit par Manon, par Lescaut, par Monsieur Dete aussi, et il mène plusieurs jeux comme un vrai rusé. Et même, on pourrait dire qu'il apporte à la Dupri, dans un certain nombre de moments du roman, un certain style. Il aime la mise en scène et il aime faire un chef-d'oeuvre du genre de la Dupri. s'amuser de ça. Et ça, ça colle très bien avec ce qu'est un héros picaresque qui est drôle, qui fait rire le public de son habileté, un peu comme un valet de comédie finalement, à tromper les autres. Et dans le cas du vieux GM, le luxe de l'intrigue consiste à jouer une comédie qui est extrêmement dangereuse. Parce qu'on va très très près d'être démasqué. Et des grilleux qui est déguisé, multiplie les équivoques dans un passage dont on a déjà parlé, où il est censé être le frère de Manon, et il va jusqu'à faire le portrait du vieux GM, alors qu'il est là, à table, pour se moquer de lui, ce qui fait rire Manon, rire Lescaut, mais qui en même temps est un jeu qui est extrêmement risqué, et qui les fait aussi très fortement trembler Manon et son frère Lescaut. Et avec le jeune GM, le fils de l'autre, qui est un rival très adroit, la Dupree de Dégrius consiste à lui donner l'illusion de gagner pour finalement le frustrer de sa victoire. Et Dégrius le présente de cette façon-là, c'est-à-dire comme un défi, un... comment dire... comme s'il allait lancer avec le plus grand style possible une vraie mise en scène, un chef-d'oeuvre. De tromperie. Je vous cite le texte. Alors dans ce passage là, évidemment il y a une fantaisie, une part d'insouciance qui les excuse d'une certaine manière dans leur désir d'oublier la réalité et de vivre tout entier à leur caprice. Mais on peut dire que les amants jouent avec le feu et en particulier le héros picaresque, on va l'appeler comme ça pour le moment, des grilleux. Et le problème évidemment c'est que chacune de ces petites comédies s'achève de manière tragique. Et comme le dit... le critique Jean Segar, dont j'ai déjà parlé à l'occasion d'autres épisodes, des grilleux plaisantent, mais ils plaisantent sur le bord de l'abîme. C'est-à-dire qu'ils plaisantent à l'endroit même où ils risquent de tomber de très haut. Et tout ce qu'il y a de comique dans Manon Lescaut s'explique en fait par le désir, qui est finalement vain, de montrer que la vie n'a pas beaucoup de valeur, que les actes n'engagent pas. Et en fait, évidemment, la réalité rattrape. Dégriu. Pour conclure ces quelques réflexions, on peut dire que dans Manon Lescaut, la vie est faite d'une suite d'illusions, de cauchemars, et dont le héros se réveille finalement innocent et comme chaos, comme assommé. Et Dégriu possède, lui, la liberté tragique. C'est-à-dire qu'il consent de manière lucide au destin. Il ne le subit pas complètement. Il ne renie pas la passion, c'est sa raison d'être, et au dénouement, il reste fidèle à lui-même et aux souvenirs de Manon. En ce sens-là, c'est un homme qui est libre, qui est tout de même victime d'une fatalité, mais qui choisit de l'accepter. est longtemps aveuglé, il est éclairé à la fin en apparence par les lumières de la grâce, mais en tout cas il est engagé tout entier dans cette passion parfaite qu'il veut vivre et il a choisi de vivre par l'amour et pour l'amour. Et donc il ne regrette rien et son récit est une apologie de la déraison d'une certaine manière, une apologie de l'amour même s'il mène à la catastrophe finale ou à l'ensemble des catastrophes finales. Et à cet égard il y a un oxymore dans le texte qui est assez significatif, Desgrieux parle de sa fatale tendresse et cette fatale tendresse donc l'amour, comment dire, qui va le mener. par le destin au malheur, eh bien, c'est son choix. Et finalement, c'est sa seule raison de vivre. Et n'importe quel autre type de vie lui aurait paru morne, monotone. Et tout ça ne l'empêche pas, donc, de défier sa famille, de défier la société, et même de défier Dieu. Et sur le corps de Manon, à la fin du récit, au moment où elle meurt et qu'il l'enterre, eh bien, il ferme les yeux et il refuse de regarder et il dit... le ciel, défiant de cette manière-là jusqu'à Dieu. Et on peut donc dire enfin que Manon Lescaut est une sorte d'apologie picaresque de l'amour, une défense, un éloge de l'amour, sous une forme qui a bien des ressemblances avec le ton picaresque. Parce que ce que Desgrieux aime dans Manon, c'est l'éclat, c'est ce qui brille, c'est l'insouciance, c'est la promesse du plaisir, c'est-à-dire tout ce qui définit un mirage, quelque chose qui ne va pas se vérifier dans la réalité. Et Desgrieux poursuit jusqu'en enfer cette fausse image du bonheur. Et on peut dire donc plus largement, en prenant un petit peu plus de distance, que l'abbé Prévost fait une sorte d'éloge d'une vie picaresque, c'est-à-dire d'une vie qui est portée par le cœur, et qui est portée par un élan qui va vers un bonheur, mais un bonheur qui est consciemment chimérique, c'est-à-dire que le héros c'est une illusion, et même une source d'erreurs et de souffrances infinies. Mais on y va quand même. Et d'une certaine manière, on peut y voir une espèce d'éthique. Euh, picaresque. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur l'opportunité de lire Manon Lescaut comme un récit picaresque. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com. Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté, et à très bientôt ! Ciao ciao !

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Le roman picaresque est un genre littéraire né en Espagne à la fin du XVIe siècle avec des œuvres comme La Vie de Lazarillo de Tormes. Il met en scène un anti-héros, généralement issu des classes défavorisées, qui parcourt le monde en rencontrant divers personnages et en vivant des aventures souvent burlesques et moralement ambigües. Ces récits offrent souvent une critique sociale implicite tout en étant divertissants.

Manon Lescaut partage certaines caractéristiques avec le genre picaresque. Le protagoniste, Des Grieux, peut être considéré comme un anti-héros dans la mesure où il est passionné, impulsif, et souvent conduit par ses désirs. Il traverse différentes situations et rencontres, notamment des moments de détresse et d'errance, ce qui rappelle le schéma narratif du roman picaresque.

Cependant, Manon Lescaut se distingue aussi du genre picaresque par certains aspects. Par exemple, Des Grieux appartient à la noblesse, ce qui le différencie des protagonistes typiques du roman picaresque qui sont souvent issus des classes populaires.

Toutefois, si le ton général du roman semble plus mélancolique et tragique que le ton souvent satirique et comique des œuvres picaresques, on peut y trouver en commun une sorte de désenchantement assumé. Ce que Des Grieux aime en Manon, c'est l'éclat, l'insouciance, la promesse du plaisir, tout ce qui définit un mirage. Il poursuivra jusqu'à la mort, consciemment, une fausse image du bonheur. Prévost voit dans la vie du cœur un élan vers un bonheur chimérique, source d'erreur et de souffrance sans fin. La vie romanesque est vouée au malheur, mais elle est la seule qui vaut d'être vécue...



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    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons nous demander si on peut lire Manon Lescaut comme un roman picaresque. Pour essayer d'interpréter ce roman de l'abbé Prévost, Manon Lescaut, on peut essayer de le rapprocher d'un certain nombre de genres, de formes littéraires qui existent déjà en son temps. On a parlé de la tragédie, on a évoqué aussi le modèle de la comédie pour certaines scènes, on a parlé aussi des aventures, du romanesque, dans le début de ces épisodes. Ce qu'on va essayer d'examiner aujourd'hui, c'est une interprétation possible qu'on pourrait appeler picaresque. Les romans picaresques, ce sont des romans qui, sur le mode autobiographique, racontent l'histoire d'un héros qui en général est pauvre, généralement lié à des jeunes gens qui sont en marge de la société. Donc de fait, ça peut nous intéresser au moins pour ça. Et ces romans, qui sont d'origine espagnole, le grand modèle, c'est celui de Lazario de Tormes, eh bien, racontent des aventures qui sont extravagantes, Et la qualité sociale des héros, c'est-à-dire des héros de basse condition, font penser que ces aventures sont plus amusantes, plus variées, que celles des nobles, des chevaliers qu'on pourrait trouver d'habitude dans les romans héroïques qui existaient au Moyen-Âge ou encore au début de l'époque moderne. Et donc le roman picaresque, c'est aussi une manière de faire entrer la réalité de la vie quotidienne de la majorité des gens dans la littérature et de faire voir. à travers ce héros qui se promène dans le pays, eh bien plusieurs couches de la société, et pas seulement les plus hautes, celles de l'élite. Et pour développer un petit peu ce que c'est que ce genre picaresque, on peut donner quelques éléments. Le picaro, c'est-à-dire celui qui est le héros de ce genre de livre, il cherche à améliorer sa condition sociale, mais il n'y arrive jamais. Alors avec des grilleux, on n'a pas vraiment ça. D'abord parce que Desgrieux n'est pas de basse condition sociale et il ne cherche pas à améliorer sa condition sociale. Mais en tout cas, on peut dire qu'il échoue dans la quête qui est la sienne et qu'il restera toujours l'amoureux qui n'arrive pas à faire développer son histoire et à lui donner une réalité acceptable et durable dans la société dans laquelle il vit. Le roman picaresque c'est aussi une tentation moralisante et une vision de la vie qui est assez pessimiste. Traditionnellement dans un roman picaresque, on a affaire à un cas. Un cas qui est donc un exemple, on pourrait le dire aussi comme ça, d'une conduite aberrante qui est systématiquement punie par la société et qui aboutit au repentir du héros. Et là évidemment on a plus de choses en commun à évoquer avec notre dégrieux. Et le picaresque, c'est aussi, je l'ai dit un peu avant, un roman qui est fondé sur une structure itinérante. C'est-à-dire que le protagoniste se promène dans toutes les strates de la société, en général avec une certaine satire de cette société. Et ce héros, il assiste, en spectateur, et derrière lui le lecteur, la lectrice du roman picaresque, à l'hypocrisie qui est incarnée par chacun des puissants qui sont critiqués à partir de sa condition à lui. qui est celle d'un déshérité et d'un héros qui ne se pose pas en modèle de conduite. Et le picaresque, c'est aussi une forme de réalisme, c'est ce que je disais au début, y compris dans la description de certains des aspects les moins plaisants de la réalité sociale, qui n'est jamais idéalisée, mais qui, au contraire, est présentée avec moquerie comme une désillusion, mais aussi dans ses aspects les plus sordides, on l'a évoqué dans un autre épisode. Alors... Le mélange des genres, on peut dire vraiment que c'est quelque chose qui définit bien Manon Lescaut. Manon Lescaut, c'est une oeuvre qu'on peut rapprocher de beaucoup de genres différents. Et c'est vrai aussi du roman picaresque. Parce que comme il se termine mal, on peut le rapprocher du grand modèle de la tragédie et aussi de la comédie dans la mesure où il est relativement léger et qu'il crée un très grand nombre de situations comiques. Et on peut penser... que les différents styles, comiques, tragiques, ou même celui qu'on peut rapprocher de la religion, du serment religieux, sont tous des éléments qu'on retrouve dans Manon Lescaut, et qu'on retrouve en particulier dans la bouche de Dégri. Puisqu'il utilise lui-même ces différents styles, comiques, tragiques, sérieux, mais il est aussi la victime de tout ça. Et d'ailleurs, il est conscient du caractère banal et misérable de ses aventures. Et il lui arrive même, deux fois, d'avouer sa honte quand il pratique la tricherie ou l'hypocrisie en compromettant sa qualité aristocratique à cette occasion. Et on pourrait dire qu'à cette occasion-là, dans ces deux occasions en tout cas, il se donne à lui-même et à ses problèmes, à ses déboires, une sorte de comique désenchanté. Et ce comique désenchanté, on peut le nommer picaresque. On pense à l'excuse préférée de Dégrieux pour justifier ses actions, en particulier celle de la triche au jeu, celle qui consiste à entretenir une maîtresse. Son excuse préférée... Consiste à dire mais moi je fais comme tout le monde, à commencer d'ailleurs par les princes, les ducs, les grands de ce monde. Et sur le plan de la religion, il dit aussi que mettre ensemble le libertinage et la carrière ecclésiastique, après tout, encore une fois, c'est faire comme tout le monde. C'est à dire, comme il le dit lui-même, faire comme la plupart des évêques et autres prêtres, comme il le dit une fois à Tiberge. C'est dans ces termes-là que Desgrieux rapporte ce qu'il disait à Tiberge. Je vous cite un passage du roman. Quelquefois je le raillais agréablement, en présence même de Manon, et je l'exhortais à n'être pas plus scrupuleux qu'un grand nombre d'évêques et d'autres prêtres qui savent accorder fort bien une maîtresse avec un bénéfice. On voit ici son argument principal pour justifier sa conduite, tout le monde fait ça. Et donc pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne tricherais pas comme les autres ? Pourquoi je ne volerais pas les honnêtes gens ? Et pourquoi je n'entretiendrais pas une maîtresse tout en étant quelqu'un de religieux et de conforme à la morale de la société ? On voit ici qu'il s'agit vraiment de quelque chose de picaresque dans la mesure où c'est lié à une forme de comique désenchanté. Comique parce que c'est prendre les choses à la légère, et désenchanté parce que c'est avec la conscience en même temps que tout ça n'est pas très bien. Et il y a là un désenchantement qui est assez évident. C'est le comique de celui qui sait qu'il a perdu ses illusions, qui sait qu'il agit mal et qui tente de le prendre à la légère. Et ça, ça correspond assez bien avec ce qu'est un héros picaresque et avec l'esprit picaresque d'une façon générale. Et on pourrait ajouter un autre élément, c'est le goût que prend Desgrieux à jouer, à faire la comédie même. Il est en cela instruit par Manon, par Lescaut, par Monsieur Dete aussi, et il mène plusieurs jeux comme un vrai rusé. Et même, on pourrait dire qu'il apporte à la Dupri, dans un certain nombre de moments du roman, un certain style. Il aime la mise en scène et il aime faire un chef-d'oeuvre du genre de la Dupri. s'amuser de ça. Et ça, ça colle très bien avec ce qu'est un héros picaresque qui est drôle, qui fait rire le public de son habileté, un peu comme un valet de comédie finalement, à tromper les autres. Et dans le cas du vieux GM, le luxe de l'intrigue consiste à jouer une comédie qui est extrêmement dangereuse. Parce qu'on va très très près d'être démasqué. Et des grilleux qui est déguisé, multiplie les équivoques dans un passage dont on a déjà parlé, où il est censé être le frère de Manon, et il va jusqu'à faire le portrait du vieux GM, alors qu'il est là, à table, pour se moquer de lui, ce qui fait rire Manon, rire Lescaut, mais qui en même temps est un jeu qui est extrêmement risqué, et qui les fait aussi très fortement trembler Manon et son frère Lescaut. Et avec le jeune GM, le fils de l'autre, qui est un rival très adroit, la Dupree de Dégrius consiste à lui donner l'illusion de gagner pour finalement le frustrer de sa victoire. Et Dégrius le présente de cette façon-là, c'est-à-dire comme un défi, un... comment dire... comme s'il allait lancer avec le plus grand style possible une vraie mise en scène, un chef-d'oeuvre. De tromperie. Je vous cite le texte. Alors dans ce passage là, évidemment il y a une fantaisie, une part d'insouciance qui les excuse d'une certaine manière dans leur désir d'oublier la réalité et de vivre tout entier à leur caprice. Mais on peut dire que les amants jouent avec le feu et en particulier le héros picaresque, on va l'appeler comme ça pour le moment, des grilleux. Et le problème évidemment c'est que chacune de ces petites comédies s'achève de manière tragique. Et comme le dit... le critique Jean Segar, dont j'ai déjà parlé à l'occasion d'autres épisodes, des grilleux plaisantent, mais ils plaisantent sur le bord de l'abîme. C'est-à-dire qu'ils plaisantent à l'endroit même où ils risquent de tomber de très haut. Et tout ce qu'il y a de comique dans Manon Lescaut s'explique en fait par le désir, qui est finalement vain, de montrer que la vie n'a pas beaucoup de valeur, que les actes n'engagent pas. Et en fait, évidemment, la réalité rattrape. Dégriu. Pour conclure ces quelques réflexions, on peut dire que dans Manon Lescaut, la vie est faite d'une suite d'illusions, de cauchemars, et dont le héros se réveille finalement innocent et comme chaos, comme assommé. Et Dégriu possède, lui, la liberté tragique. C'est-à-dire qu'il consent de manière lucide au destin. Il ne le subit pas complètement. Il ne renie pas la passion, c'est sa raison d'être, et au dénouement, il reste fidèle à lui-même et aux souvenirs de Manon. En ce sens-là, c'est un homme qui est libre, qui est tout de même victime d'une fatalité, mais qui choisit de l'accepter. est longtemps aveuglé, il est éclairé à la fin en apparence par les lumières de la grâce, mais en tout cas il est engagé tout entier dans cette passion parfaite qu'il veut vivre et il a choisi de vivre par l'amour et pour l'amour. Et donc il ne regrette rien et son récit est une apologie de la déraison d'une certaine manière, une apologie de l'amour même s'il mène à la catastrophe finale ou à l'ensemble des catastrophes finales. Et à cet égard il y a un oxymore dans le texte qui est assez significatif, Desgrieux parle de sa fatale tendresse et cette fatale tendresse donc l'amour, comment dire, qui va le mener. par le destin au malheur, eh bien, c'est son choix. Et finalement, c'est sa seule raison de vivre. Et n'importe quel autre type de vie lui aurait paru morne, monotone. Et tout ça ne l'empêche pas, donc, de défier sa famille, de défier la société, et même de défier Dieu. Et sur le corps de Manon, à la fin du récit, au moment où elle meurt et qu'il l'enterre, eh bien, il ferme les yeux et il refuse de regarder et il dit... le ciel, défiant de cette manière-là jusqu'à Dieu. Et on peut donc dire enfin que Manon Lescaut est une sorte d'apologie picaresque de l'amour, une défense, un éloge de l'amour, sous une forme qui a bien des ressemblances avec le ton picaresque. Parce que ce que Desgrieux aime dans Manon, c'est l'éclat, c'est ce qui brille, c'est l'insouciance, c'est la promesse du plaisir, c'est-à-dire tout ce qui définit un mirage, quelque chose qui ne va pas se vérifier dans la réalité. Et Desgrieux poursuit jusqu'en enfer cette fausse image du bonheur. Et on peut dire donc plus largement, en prenant un petit peu plus de distance, que l'abbé Prévost fait une sorte d'éloge d'une vie picaresque, c'est-à-dire d'une vie qui est portée par le cœur, et qui est portée par un élan qui va vers un bonheur, mais un bonheur qui est consciemment chimérique, c'est-à-dire que le héros c'est une illusion, et même une source d'erreurs et de souffrances infinies. Mais on y va quand même. Et d'une certaine manière, on peut y voir une espèce d'éthique. Euh, picaresque. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur l'opportunité de lire Manon Lescaut comme un récit picaresque. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com. Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté, et à très bientôt ! Ciao ciao !

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Le roman picaresque est un genre littéraire né en Espagne à la fin du XVIe siècle avec des œuvres comme La Vie de Lazarillo de Tormes. Il met en scène un anti-héros, généralement issu des classes défavorisées, qui parcourt le monde en rencontrant divers personnages et en vivant des aventures souvent burlesques et moralement ambigües. Ces récits offrent souvent une critique sociale implicite tout en étant divertissants.

Manon Lescaut partage certaines caractéristiques avec le genre picaresque. Le protagoniste, Des Grieux, peut être considéré comme un anti-héros dans la mesure où il est passionné, impulsif, et souvent conduit par ses désirs. Il traverse différentes situations et rencontres, notamment des moments de détresse et d'errance, ce qui rappelle le schéma narratif du roman picaresque.

Cependant, Manon Lescaut se distingue aussi du genre picaresque par certains aspects. Par exemple, Des Grieux appartient à la noblesse, ce qui le différencie des protagonistes typiques du roman picaresque qui sont souvent issus des classes populaires.

Toutefois, si le ton général du roman semble plus mélancolique et tragique que le ton souvent satirique et comique des œuvres picaresques, on peut y trouver en commun une sorte de désenchantement assumé. Ce que Des Grieux aime en Manon, c'est l'éclat, l'insouciance, la promesse du plaisir, tout ce qui définit un mirage. Il poursuivra jusqu'à la mort, consciemment, une fausse image du bonheur. Prévost voit dans la vie du cœur un élan vers un bonheur chimérique, source d'erreur et de souffrance sans fin. La vie romanesque est vouée au malheur, mais elle est la seule qui vaut d'être vécue...



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    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons nous demander si on peut lire Manon Lescaut comme un roman picaresque. Pour essayer d'interpréter ce roman de l'abbé Prévost, Manon Lescaut, on peut essayer de le rapprocher d'un certain nombre de genres, de formes littéraires qui existent déjà en son temps. On a parlé de la tragédie, on a évoqué aussi le modèle de la comédie pour certaines scènes, on a parlé aussi des aventures, du romanesque, dans le début de ces épisodes. Ce qu'on va essayer d'examiner aujourd'hui, c'est une interprétation possible qu'on pourrait appeler picaresque. Les romans picaresques, ce sont des romans qui, sur le mode autobiographique, racontent l'histoire d'un héros qui en général est pauvre, généralement lié à des jeunes gens qui sont en marge de la société. Donc de fait, ça peut nous intéresser au moins pour ça. Et ces romans, qui sont d'origine espagnole, le grand modèle, c'est celui de Lazario de Tormes, eh bien, racontent des aventures qui sont extravagantes, Et la qualité sociale des héros, c'est-à-dire des héros de basse condition, font penser que ces aventures sont plus amusantes, plus variées, que celles des nobles, des chevaliers qu'on pourrait trouver d'habitude dans les romans héroïques qui existaient au Moyen-Âge ou encore au début de l'époque moderne. Et donc le roman picaresque, c'est aussi une manière de faire entrer la réalité de la vie quotidienne de la majorité des gens dans la littérature et de faire voir. à travers ce héros qui se promène dans le pays, eh bien plusieurs couches de la société, et pas seulement les plus hautes, celles de l'élite. Et pour développer un petit peu ce que c'est que ce genre picaresque, on peut donner quelques éléments. Le picaro, c'est-à-dire celui qui est le héros de ce genre de livre, il cherche à améliorer sa condition sociale, mais il n'y arrive jamais. Alors avec des grilleux, on n'a pas vraiment ça. D'abord parce que Desgrieux n'est pas de basse condition sociale et il ne cherche pas à améliorer sa condition sociale. Mais en tout cas, on peut dire qu'il échoue dans la quête qui est la sienne et qu'il restera toujours l'amoureux qui n'arrive pas à faire développer son histoire et à lui donner une réalité acceptable et durable dans la société dans laquelle il vit. Le roman picaresque c'est aussi une tentation moralisante et une vision de la vie qui est assez pessimiste. Traditionnellement dans un roman picaresque, on a affaire à un cas. Un cas qui est donc un exemple, on pourrait le dire aussi comme ça, d'une conduite aberrante qui est systématiquement punie par la société et qui aboutit au repentir du héros. Et là évidemment on a plus de choses en commun à évoquer avec notre dégrieux. Et le picaresque, c'est aussi, je l'ai dit un peu avant, un roman qui est fondé sur une structure itinérante. C'est-à-dire que le protagoniste se promène dans toutes les strates de la société, en général avec une certaine satire de cette société. Et ce héros, il assiste, en spectateur, et derrière lui le lecteur, la lectrice du roman picaresque, à l'hypocrisie qui est incarnée par chacun des puissants qui sont critiqués à partir de sa condition à lui. qui est celle d'un déshérité et d'un héros qui ne se pose pas en modèle de conduite. Et le picaresque, c'est aussi une forme de réalisme, c'est ce que je disais au début, y compris dans la description de certains des aspects les moins plaisants de la réalité sociale, qui n'est jamais idéalisée, mais qui, au contraire, est présentée avec moquerie comme une désillusion, mais aussi dans ses aspects les plus sordides, on l'a évoqué dans un autre épisode. Alors... Le mélange des genres, on peut dire vraiment que c'est quelque chose qui définit bien Manon Lescaut. Manon Lescaut, c'est une oeuvre qu'on peut rapprocher de beaucoup de genres différents. Et c'est vrai aussi du roman picaresque. Parce que comme il se termine mal, on peut le rapprocher du grand modèle de la tragédie et aussi de la comédie dans la mesure où il est relativement léger et qu'il crée un très grand nombre de situations comiques. Et on peut penser... que les différents styles, comiques, tragiques, ou même celui qu'on peut rapprocher de la religion, du serment religieux, sont tous des éléments qu'on retrouve dans Manon Lescaut, et qu'on retrouve en particulier dans la bouche de Dégri. Puisqu'il utilise lui-même ces différents styles, comiques, tragiques, sérieux, mais il est aussi la victime de tout ça. Et d'ailleurs, il est conscient du caractère banal et misérable de ses aventures. Et il lui arrive même, deux fois, d'avouer sa honte quand il pratique la tricherie ou l'hypocrisie en compromettant sa qualité aristocratique à cette occasion. Et on pourrait dire qu'à cette occasion-là, dans ces deux occasions en tout cas, il se donne à lui-même et à ses problèmes, à ses déboires, une sorte de comique désenchanté. Et ce comique désenchanté, on peut le nommer picaresque. On pense à l'excuse préférée de Dégrieux pour justifier ses actions, en particulier celle de la triche au jeu, celle qui consiste à entretenir une maîtresse. Son excuse préférée... Consiste à dire mais moi je fais comme tout le monde, à commencer d'ailleurs par les princes, les ducs, les grands de ce monde. Et sur le plan de la religion, il dit aussi que mettre ensemble le libertinage et la carrière ecclésiastique, après tout, encore une fois, c'est faire comme tout le monde. C'est à dire, comme il le dit lui-même, faire comme la plupart des évêques et autres prêtres, comme il le dit une fois à Tiberge. C'est dans ces termes-là que Desgrieux rapporte ce qu'il disait à Tiberge. Je vous cite un passage du roman. Quelquefois je le raillais agréablement, en présence même de Manon, et je l'exhortais à n'être pas plus scrupuleux qu'un grand nombre d'évêques et d'autres prêtres qui savent accorder fort bien une maîtresse avec un bénéfice. On voit ici son argument principal pour justifier sa conduite, tout le monde fait ça. Et donc pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne tricherais pas comme les autres ? Pourquoi je ne volerais pas les honnêtes gens ? Et pourquoi je n'entretiendrais pas une maîtresse tout en étant quelqu'un de religieux et de conforme à la morale de la société ? On voit ici qu'il s'agit vraiment de quelque chose de picaresque dans la mesure où c'est lié à une forme de comique désenchanté. Comique parce que c'est prendre les choses à la légère, et désenchanté parce que c'est avec la conscience en même temps que tout ça n'est pas très bien. Et il y a là un désenchantement qui est assez évident. C'est le comique de celui qui sait qu'il a perdu ses illusions, qui sait qu'il agit mal et qui tente de le prendre à la légère. Et ça, ça correspond assez bien avec ce qu'est un héros picaresque et avec l'esprit picaresque d'une façon générale. Et on pourrait ajouter un autre élément, c'est le goût que prend Desgrieux à jouer, à faire la comédie même. Il est en cela instruit par Manon, par Lescaut, par Monsieur Dete aussi, et il mène plusieurs jeux comme un vrai rusé. Et même, on pourrait dire qu'il apporte à la Dupri, dans un certain nombre de moments du roman, un certain style. Il aime la mise en scène et il aime faire un chef-d'oeuvre du genre de la Dupri. s'amuser de ça. Et ça, ça colle très bien avec ce qu'est un héros picaresque qui est drôle, qui fait rire le public de son habileté, un peu comme un valet de comédie finalement, à tromper les autres. Et dans le cas du vieux GM, le luxe de l'intrigue consiste à jouer une comédie qui est extrêmement dangereuse. Parce qu'on va très très près d'être démasqué. Et des grilleux qui est déguisé, multiplie les équivoques dans un passage dont on a déjà parlé, où il est censé être le frère de Manon, et il va jusqu'à faire le portrait du vieux GM, alors qu'il est là, à table, pour se moquer de lui, ce qui fait rire Manon, rire Lescaut, mais qui en même temps est un jeu qui est extrêmement risqué, et qui les fait aussi très fortement trembler Manon et son frère Lescaut. Et avec le jeune GM, le fils de l'autre, qui est un rival très adroit, la Dupree de Dégrius consiste à lui donner l'illusion de gagner pour finalement le frustrer de sa victoire. Et Dégrius le présente de cette façon-là, c'est-à-dire comme un défi, un... comment dire... comme s'il allait lancer avec le plus grand style possible une vraie mise en scène, un chef-d'oeuvre. De tromperie. Je vous cite le texte. Alors dans ce passage là, évidemment il y a une fantaisie, une part d'insouciance qui les excuse d'une certaine manière dans leur désir d'oublier la réalité et de vivre tout entier à leur caprice. Mais on peut dire que les amants jouent avec le feu et en particulier le héros picaresque, on va l'appeler comme ça pour le moment, des grilleux. Et le problème évidemment c'est que chacune de ces petites comédies s'achève de manière tragique. Et comme le dit... le critique Jean Segar, dont j'ai déjà parlé à l'occasion d'autres épisodes, des grilleux plaisantent, mais ils plaisantent sur le bord de l'abîme. C'est-à-dire qu'ils plaisantent à l'endroit même où ils risquent de tomber de très haut. Et tout ce qu'il y a de comique dans Manon Lescaut s'explique en fait par le désir, qui est finalement vain, de montrer que la vie n'a pas beaucoup de valeur, que les actes n'engagent pas. Et en fait, évidemment, la réalité rattrape. Dégriu. Pour conclure ces quelques réflexions, on peut dire que dans Manon Lescaut, la vie est faite d'une suite d'illusions, de cauchemars, et dont le héros se réveille finalement innocent et comme chaos, comme assommé. Et Dégriu possède, lui, la liberté tragique. C'est-à-dire qu'il consent de manière lucide au destin. Il ne le subit pas complètement. Il ne renie pas la passion, c'est sa raison d'être, et au dénouement, il reste fidèle à lui-même et aux souvenirs de Manon. En ce sens-là, c'est un homme qui est libre, qui est tout de même victime d'une fatalité, mais qui choisit de l'accepter. est longtemps aveuglé, il est éclairé à la fin en apparence par les lumières de la grâce, mais en tout cas il est engagé tout entier dans cette passion parfaite qu'il veut vivre et il a choisi de vivre par l'amour et pour l'amour. Et donc il ne regrette rien et son récit est une apologie de la déraison d'une certaine manière, une apologie de l'amour même s'il mène à la catastrophe finale ou à l'ensemble des catastrophes finales. Et à cet égard il y a un oxymore dans le texte qui est assez significatif, Desgrieux parle de sa fatale tendresse et cette fatale tendresse donc l'amour, comment dire, qui va le mener. par le destin au malheur, eh bien, c'est son choix. Et finalement, c'est sa seule raison de vivre. Et n'importe quel autre type de vie lui aurait paru morne, monotone. Et tout ça ne l'empêche pas, donc, de défier sa famille, de défier la société, et même de défier Dieu. Et sur le corps de Manon, à la fin du récit, au moment où elle meurt et qu'il l'enterre, eh bien, il ferme les yeux et il refuse de regarder et il dit... le ciel, défiant de cette manière-là jusqu'à Dieu. Et on peut donc dire enfin que Manon Lescaut est une sorte d'apologie picaresque de l'amour, une défense, un éloge de l'amour, sous une forme qui a bien des ressemblances avec le ton picaresque. Parce que ce que Desgrieux aime dans Manon, c'est l'éclat, c'est ce qui brille, c'est l'insouciance, c'est la promesse du plaisir, c'est-à-dire tout ce qui définit un mirage, quelque chose qui ne va pas se vérifier dans la réalité. Et Desgrieux poursuit jusqu'en enfer cette fausse image du bonheur. Et on peut dire donc plus largement, en prenant un petit peu plus de distance, que l'abbé Prévost fait une sorte d'éloge d'une vie picaresque, c'est-à-dire d'une vie qui est portée par le cœur, et qui est portée par un élan qui va vers un bonheur, mais un bonheur qui est consciemment chimérique, c'est-à-dire que le héros c'est une illusion, et même une source d'erreurs et de souffrances infinies. Mais on y va quand même. Et d'une certaine manière, on peut y voir une espèce d'éthique. Euh, picaresque. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur l'opportunité de lire Manon Lescaut comme un récit picaresque. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com. Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté, et à très bientôt ! Ciao ciao !

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