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PRÉVOST, MANON LESCAUT #4 Le plaisir libertin des personnages et du lecteur cover
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Objectif : bac français !

PRÉVOST, MANON LESCAUT #4 Le plaisir libertin des personnages et du lecteur

PRÉVOST, MANON LESCAUT #4 Le plaisir libertin des personnages et du lecteur

17min |09/03/2024|

1531

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Description

https://www.aufonddelaclasse.com/

On se demande dans cet épisode si Manon Lescaut peut être considéré comme un roman libertin. Écrit par l'Abbé Prévost et publié en 1731, le roman raconte l'histoire tumultueuse de Des Grieux et de Manon Lescaut, deux amants passionnés dont la relation est entravée par des obstacles sociaux et moraux.

Le libertinage, en littérature, se réfère à une exploration de la liberté sexuelle et morale, ainsi qu'à une remise en question des normes sociales établies. Manon Lescaut contient certainement des éléments qui peuvent être interprétés dans ce sens. Les personnages principaux défient les conventions sociales en poursuivant une relation amoureuse hors mariage, et l'œuvre explore les thèmes de la passion, de la luxure et de la moralité d'une manière qui peut être considérée comme libertine.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com ! Dans cet épisode, nous allons nous demander si le plaisir du lecteur de Manon Lescaut ne tient pas au caractère libertin de l'intrigue et des personnages. Pour commencer ces quelques réflexions sur ce sujet, on peut se demander si le roman Manon Lescaut n'appartient pas, d'une certaine manière, au genre libertin. Libertin, c'est un mot qui est un peu complexe parce qu'il est souvent employé avec des sens un peu différents. Au départ, un libertin, c'est un affranchi, c'est-à-dire quelqu'un qui était esclave, qui n'était pas libre et qui est devenu libre, qui a gagné sa liberté. Et il a pris le sens, surtout au XVIIe siècle, de celui qui se sent libre de toute religion, qui ne respecte pas une religion et donc est une sorte de libre penseur et qui vit d'une manière totalement libérée de tous les carcans, toutes les normes, en particulier les normes religieuses. Et puis le sens qui nous intéresse un petit peu plus ici, c'est le sens de libre sur le plan moral, ce qu'on appelle à cette époque déjà et peut-être parfois aujourd'hui aussi Un débauché, un libertin, c'est quelqu'un qui ne respecte pas les normes sociales, qui les transgresse allègrement, en particulier dans sa vie intime, personnelle, c'est-à-dire dans sa vie amoureuse. Quelqu'un, un homme, une femme qui ne se sent absolument pas lié par la nécessité du mariage pour avoir des histoires amoureuses ou des histoires sexuelles tout simplement. Et puis au XVIIIe siècle, le genre libertin, c'est un type littéraire qui est particulièrement... illustré par Crébillon, par exemple, un auteur de romans, plutôt de la première partie du siècle, ou encore de Laclos, l'auteur des Liaisons dangereuses, plutôt dans la deuxième partie du XVIIIe siècle. Ce sont des romans qui parlent du plaisir, du plaisir sexuel, et qui entendent donner du plaisir en parlant du plaisir auprès de leurs lecteurs et de leurs lectrices. Alors, on peut s'interroger, même si évidemment ça ne serait pas extrêmement rigoureux sur le plan de l'histoire littéraire, sur l'appartenance, à ce genre libertin, ou en tout cas on peut se demander si d'une certaine manière Manon Lescaut n'est pas un roman libertin. Alors un certain nombre de personnages s'apparentent d'une certaine manière à ce genre-là de manière évidente. Manon est une courtisane qui ne peut s'empêcher de s'enrichir et en général en lien avec des histoires amoureuses, avec des amants. On pense évidemment aussi à son frère Lescaut qui apparaît comme un proxénète, c'est-à-dire comme quelqu'un qui gère des prostituées. Et le frère de Manon, c'est aussi un homme de main, un garde du corps, qui est un joueur, un mercenaire, et qui envisage même à un moment de prostituer sa sœur, et qui en tout cas s'invite très largement dans le couple pour profiter à peu près de tout. C'est un jouisseur, c'est quelqu'un qui ne respecte absolument pas les normes sociales, et qui transgresse très allègrement la morale dans toutes ses apparitions, qui ne sont pas si nombreuses que ça, dans le roman. Le roman Manon Lescaut, c'est aussi un roman qui met en scène des relations amoureuses hors mariage, à commencer par la relation centrale du roman, celle de Desgrieux avec Manon. Et évidemment, cette relation-là, elle est propice à des coups de théâtre, à des coups de théâtre qui sont venus des institutions religieuses, par exemple, ou des familles. On pense au début du roman à l'enlèvement de Desgrieux par son père pour le protéger des passions, ou encore un peu plus tard au mariage forcé de Manon. avec le fils du gouverneur en Louisiane à la toute fin du roman. Cette histoire-là, elle donne aussi lieu à des stratagèmes avec des histoires entre Manon et d'autres amants qui ont lieu de manière effective ou pas, finalement. Et on pense en particulier aux stratagèmes qui sont liés à M. de GM, le père, et à M. de GM, le fils. C'est un projet de l'ESCO, en général le frère de Manon, qui consiste à tromper M. de GM avec plusieurs scénarios possibles. Mais en tout cas... toujours avec une allusion extrêmement directe à la chambre, au lit, au drap. Et ce lieu de la sexualité, c'est le lieu du piège, puisqu'on essaye d'attirer celui qui va être la dupe du piège vers ce lit. Et ce lit, il est toujours mis en scène de manière extrêmement explicite, comme le lieu de la sexualité, le lieu des caresses. Et on pense en particulier à la nuit qui est prévue dans les draps. de monsieur de GM Fils. Une nuit qui va être finalement passée par Manon et Desgrieux dans les draps prévus pour l'autre, ce qui est évidemment quelque chose de très excitant pour eux. Et même si tout ne se passe pas comme prévu, il est évident qu'on cherche à communiquer au lecteur, à la lectrice, cette excitation suprême de cette grande transgression de passer cette nuit pour Desgrieux et Manon dans ces draps-là. Et on peut s'arrêter quelque temps sur le couple Manon des Grieux, tout simplement parce que c'est le couple de ce roman, et parce que ce couple-là donne lieu à un grand nombre de mises en scène de la sexualité. Et pour cela, on peut introduire les choses en citant Montesquieu, le philosophe des Lumières, le célèbre auteur des Lettres Persanes par exemple, qui dit du roman Manon Lescaut Et en particulier de ces deux personnages principaux, le héros est un fripon et l'héroïne est une catin, montrant ainsi que pour lui ce roman se définit, en tout cas ces personnages principaux se définissent par se penchant au plaisir. Et on va voir un certain nombre de citations, un certain nombre d'extraits du roman où on voit qu'on a toujours des manifestations qui sont discrètes mais qui sont présentes. de manière à peu près systématique, de l'amour physique, de la sexualité entre nos deux personnages principaux. Et on peut s'arrêter sur quelques mots, les mots justement qui désignent la sexualité dans Manon Lescaut, et je pense à deux mots en particulier, plaisir et caresse. Le premier mot, plaisir, on le voit dès la rencontre entre Manon Lescaut et Desgrieux, tout au début du roman. Et je vous citerai en particulier cette phrase-là. Dans cet extrait-là, dans cette phrase-là que je viens de vous lire, on est au discours indirect libre, c'est-à-dire qu'on peut reconstituer les paroles prononcées par Manon à l'occasion de cette première rencontre à la sortie du coche à Amiens avec Tiberge qui doit être pas très loin. Et Manon dit donc à Desgrieux, pour justifier sa présence ici à Amiens, qu'elle est envoyée au couvent par ses parents probablement pour arrêter son penchant au plaisir. Alors que veut dire Manon à ce moment-là ? Eh bien, c'est évidemment une manière de déclarer à des grilleux qu'elle connaît le plaisir de l'amour, qu'elle connaît les plaisirs du sexe et que c'est pour cette raison qu'elle est là. Mais c'est évidemment une manière d'attirer ce jeune homme qui n'y connaît absolument rien à ce moment-là et c'est sur quoi précisément des grilleux insistent au moment où ils racontent cette histoire de cette rencontre. au début du roman. En tout cas, on a tout de suite un lien entre ce personnage et, je cite le texte, son penchant au plaisir. Et c'est elle-même qui le dit, dans une mise en scène de séduction, puisqu'elle cherche, ici, c'est bien évident, à attirer des grilleux vers elle. Autrement dit, à le séduire. Et on a ici une contradiction qu'on retrouvera à un plan beaucoup plus large dans le roman. puisque Manon dit ici quelque chose d'interdit en disant Oh, comme c'est mauvais, comme c'est mal, comme ça appartient au péché ! et en disant cela, elle présente évidemment aussi à des grilleux quelque chose d'attirant, et notamment d'attirant parce que c'est interdit. Et plus largement, on en reparlera dans d'autres épisodes, c'est aussi ce que fait le livre dans la vie au lecteur, qui dit au lecteur Regardez donc cet exemple effrayant de péché pour surtout ne pas le suivre. Et en disant cela, évidemment que l'auteur de l'avis au lecteur, c'est-à-dire en dernier lieu Prévost, veut nous attirer dans quelque chose de bien ambigu, parce que ça va nous donner évidemment du plaisir, et un plaisir qui est lié à cette transgression, un plaisir qui vient du fait que pour le lecteur, pour la lectrice, il s'agit de faits interdits, de faits qui relèvent d'une transgression de la morale. Alors si on va un petit peu plus loin, les tromperies de Manon, on peut dire aussi qu'elles ont des traces très concrètes, des traces qui sont extrêmement visibles, puisque Manon a souvent, quand elle a eu une histoire d'amour, une histoire sexuelle avec un amant, dans le fil de l'intrigue, des bijoux, des colliers de perles, et la fortune du couple qu'elle mène avec des grilleux s'agrandit. Tous ces objets sont des traces du commerce. que Manon entretient avec tous ces hommes, c'est-à-dire de l'amour, de la sexualité. Et on va s'arrêter maintenant sur un mot, un mot qui apparaît extrêmement souvent dans Manon Lescaut pour désigner de manière assez ambiguë finalement les rapports qu'il y a entre Desgrieux et Manon. Et ce mot c'est le mot caresse. Caresse c'est un mot qui vient de l'italien, d'un mot italien carezza, qui est dérivé tout simplement de l'adjectif caro, cara, qui veut dire cher, cher, c'est-à-dire celui qu'on aime, comme on nomme quelqu'un, cher, ami. cher, amant, etc. Et caresse, ça signifie une démonstration d'affection qui peut passer par des paroles, tout simplement, c'est-à-dire une sorte de flatterie verbale. Dire des caresses à quelqu'un, ou même caresser quelqu'un, au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, ça peut vouloir dire, et c'est très souvent le cas, dire des paroles, prononcer des paroles d'affection, pour démontrer son affection à quelqu'un. Mais bien sûr, ça veut dire aussi démontrer son affection à quelqu'un. par des gestes, c'est-à-dire par son corps, ses mains, mais pas forcément seulement ses mains, c'est-à-dire que le mot caresse peut avoir une connotation érotique extrêmement forte, et ça c'est vrai dès le XVIIe siècle. Et dans plusieurs moments où nos deux amants, Dégrieux et Manon, sont tous les deux, eh bien le narrateur Dégrieux emploie le terme de caresse et... on peut préciser de caresse au pluriel. Et quand on prend un mot au pluriel, souvent, on lui donne une dimension beaucoup plus concrète, beaucoup plus charnelle, ici, on peut le dire comme ça. Et on garde toujours cette ambiguïté qu'on trouve très souvent dans le libertinage, dans les romans libertins, parce qu'on ne dit pas les choses de manière crue, en tout cas pas dans la grande majorité de la production littéraire de ce genre-là. C'est pas de la pornographie, autrement dit pas du tout. C'est beaucoup plus subtil que ça, on laisse entendre. Et le mot caresse à ce titre est extrêmement efficace et je vais vous citer quelques extraits. Au moment de la fuite, la première fuite de Dégrieux et Manon à la suite de leur rencontre à Amiens, quand ils sont dans un carrosse qui les emmène à Saint-Denis, on lit ceci sous les mots de Dégrieux. Nous étions si peu réservés dans nos caresses que nous n'avions pas la patience d'attendre que nous fussions seuls. Nos postillons et nos hôtes nous regardaient avec admiration, et je remarquais qu'ils étaient surpris de voir deux enfants de notre âge qui paraissaient s'aimer jusqu'à la fureur. Alors dans cet extrait-là, les caresses désignent de manière à peu près explicite des démonstrations d'affection par des gestes et pas seulement par des paroles. Ça veut dire que dans ce carrosse, même s'il y a d'autres gens, nos deux amants se touchent, s'embrassent, se prennent dans les bras et on nous laisse imaginer le reste des caresses qui peuvent avoir lieu ici. En tout cas, elles provoquent l'admiration. des autres personnages qui sont dans le carrosse, et l'admiration ici ça veut dire l'étonnement, la surprise. Ils sont très étonnés de voir ce qu'ils considèrent comme des enfants qui s'aiment jusqu'à la fureur. Et la fureur c'est la folie, la passion, la colère, c'est-à-dire qu'il s'agit de sortir complètement de soi, et donc on peut imaginer que tout ça forme un spectacle un peu gênant pour les... les participants de la scène, c'est-à-dire les personnages qui sont dans ce carrosse entre Amiens et Saint-Denis. Un peu plus tard dans le roman, quand Manon refuse que Desgrieux recontacte son père, eh bien Desgrieux nous raconte ceci. Elle adoucit son refus par des caresses si tendres et si passionnées que moi, qui ne vivais que dans elle et qui n'avais pas la moindre défiance de son cœur, j'applaudis à toutes ses réponses et à toutes ses résolutions. On voit donc là que dans cet extrait-là, dans cette scène où Desgrieux est un peu embêté parce qu'il voudrait recontacter son père, essayer de renouer un lien, d'arranger cette situation, de ne pas avoir fui et tout ça sans donner de nouvelles, eh bien Manon arrive à le convaincre de ne pas recontacter son père par des caresses si tendres et si passionnées. Et ici, on peut imaginer, ou pas, et c'est bien la subtilité et... et aussi un des aspects de cette transgression morale du roman, qu'il s'agit ici de quelque chose de très physique, de très charnel, et on pourrait même dire de sexuel. Et il en est de même un peu plus tard, quand des grilleux se demandent si Manon l'a trompé avec Monsieur Debaix. Et à ce moment-là, une fois de plus, Manon le calme, en quelque sorte, avec des caresses. Et on retrouve d'ailleurs le même adjectif, et encore des termes intensifs. Je vous lis l'extrait. quelle raison aurait-elle eu de me tromper il n'y avait que trois heures qu'elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et qu'elle avait reçu les miennes avec transport on a encore une fois ici une allusion très claire, très explicite à quelque chose d'érotique, de sexuel. Ici, c'est un échange de caresses. Elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et elle avait reçu les miennes avec transport. Transport, encore une fois, c'est un terme qui désigne une émotion, mais qui est très souvent lié à quelque chose d'érotique et au plaisir de la sexualité, au plaisir des corps. Un autre extrait, c'est quand Tiberge quitte Dégrieux après lui avoir fait la morale. Et alors là, on a un vice, une situation qui est doublement immorale, puisque Dégrieux ment à son ami Tiberge. Tiberge lui a fait la morale, Dégrieux a fait semblant d'être d'accord avec lui, en gros, et juste après, c'est l'amour. Même si Dégrieux, au départ, est un peu déçu de lui-même et un petit peu gêné de... de tromper son ami Tiberge qui lui prête très souvent de l'argent et que des grilleux ne respectent finalement pas beaucoup. Je vous lis l'extrait. Les caresses de Manon dissipèrent en un moment le chagrin que cette scène m'avait causé. Nous continuâmes de mener une vie toute composée de plaisir et d'amour. Et ici, on retrouve donc le mot caresse, les caresses de Manon, et on retrouve aussi le mot plaisir qu'on retrouvait au tout début dans la scène de rencontre à Amiens. Et ici, le mot plaisir apparaît au pluriel. Et ici, on voit bien que plaisir, au singulier, est quelque chose de général. Le plaisir, c'est un ensemble de sensations agréables, on va dire, des sens, du corps. Quand on le met au pluriel, il peut prendre une connotation beaucoup plus concrète. Et ici, on pourrait dire... très clairement érotique. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur la dimension libertine de Manon Lescaut. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao ! C'est parti !

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https://www.aufonddelaclasse.com/

On se demande dans cet épisode si Manon Lescaut peut être considéré comme un roman libertin. Écrit par l'Abbé Prévost et publié en 1731, le roman raconte l'histoire tumultueuse de Des Grieux et de Manon Lescaut, deux amants passionnés dont la relation est entravée par des obstacles sociaux et moraux.

Le libertinage, en littérature, se réfère à une exploration de la liberté sexuelle et morale, ainsi qu'à une remise en question des normes sociales établies. Manon Lescaut contient certainement des éléments qui peuvent être interprétés dans ce sens. Les personnages principaux défient les conventions sociales en poursuivant une relation amoureuse hors mariage, et l'œuvre explore les thèmes de la passion, de la luxure et de la moralité d'une manière qui peut être considérée comme libertine.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com ! Dans cet épisode, nous allons nous demander si le plaisir du lecteur de Manon Lescaut ne tient pas au caractère libertin de l'intrigue et des personnages. Pour commencer ces quelques réflexions sur ce sujet, on peut se demander si le roman Manon Lescaut n'appartient pas, d'une certaine manière, au genre libertin. Libertin, c'est un mot qui est un peu complexe parce qu'il est souvent employé avec des sens un peu différents. Au départ, un libertin, c'est un affranchi, c'est-à-dire quelqu'un qui était esclave, qui n'était pas libre et qui est devenu libre, qui a gagné sa liberté. Et il a pris le sens, surtout au XVIIe siècle, de celui qui se sent libre de toute religion, qui ne respecte pas une religion et donc est une sorte de libre penseur et qui vit d'une manière totalement libérée de tous les carcans, toutes les normes, en particulier les normes religieuses. Et puis le sens qui nous intéresse un petit peu plus ici, c'est le sens de libre sur le plan moral, ce qu'on appelle à cette époque déjà et peut-être parfois aujourd'hui aussi Un débauché, un libertin, c'est quelqu'un qui ne respecte pas les normes sociales, qui les transgresse allègrement, en particulier dans sa vie intime, personnelle, c'est-à-dire dans sa vie amoureuse. Quelqu'un, un homme, une femme qui ne se sent absolument pas lié par la nécessité du mariage pour avoir des histoires amoureuses ou des histoires sexuelles tout simplement. Et puis au XVIIIe siècle, le genre libertin, c'est un type littéraire qui est particulièrement... illustré par Crébillon, par exemple, un auteur de romans, plutôt de la première partie du siècle, ou encore de Laclos, l'auteur des Liaisons dangereuses, plutôt dans la deuxième partie du XVIIIe siècle. Ce sont des romans qui parlent du plaisir, du plaisir sexuel, et qui entendent donner du plaisir en parlant du plaisir auprès de leurs lecteurs et de leurs lectrices. Alors, on peut s'interroger, même si évidemment ça ne serait pas extrêmement rigoureux sur le plan de l'histoire littéraire, sur l'appartenance, à ce genre libertin, ou en tout cas on peut se demander si d'une certaine manière Manon Lescaut n'est pas un roman libertin. Alors un certain nombre de personnages s'apparentent d'une certaine manière à ce genre-là de manière évidente. Manon est une courtisane qui ne peut s'empêcher de s'enrichir et en général en lien avec des histoires amoureuses, avec des amants. On pense évidemment aussi à son frère Lescaut qui apparaît comme un proxénète, c'est-à-dire comme quelqu'un qui gère des prostituées. Et le frère de Manon, c'est aussi un homme de main, un garde du corps, qui est un joueur, un mercenaire, et qui envisage même à un moment de prostituer sa sœur, et qui en tout cas s'invite très largement dans le couple pour profiter à peu près de tout. C'est un jouisseur, c'est quelqu'un qui ne respecte absolument pas les normes sociales, et qui transgresse très allègrement la morale dans toutes ses apparitions, qui ne sont pas si nombreuses que ça, dans le roman. Le roman Manon Lescaut, c'est aussi un roman qui met en scène des relations amoureuses hors mariage, à commencer par la relation centrale du roman, celle de Desgrieux avec Manon. Et évidemment, cette relation-là, elle est propice à des coups de théâtre, à des coups de théâtre qui sont venus des institutions religieuses, par exemple, ou des familles. On pense au début du roman à l'enlèvement de Desgrieux par son père pour le protéger des passions, ou encore un peu plus tard au mariage forcé de Manon. avec le fils du gouverneur en Louisiane à la toute fin du roman. Cette histoire-là, elle donne aussi lieu à des stratagèmes avec des histoires entre Manon et d'autres amants qui ont lieu de manière effective ou pas, finalement. Et on pense en particulier aux stratagèmes qui sont liés à M. de GM, le père, et à M. de GM, le fils. C'est un projet de l'ESCO, en général le frère de Manon, qui consiste à tromper M. de GM avec plusieurs scénarios possibles. Mais en tout cas... toujours avec une allusion extrêmement directe à la chambre, au lit, au drap. Et ce lieu de la sexualité, c'est le lieu du piège, puisqu'on essaye d'attirer celui qui va être la dupe du piège vers ce lit. Et ce lit, il est toujours mis en scène de manière extrêmement explicite, comme le lieu de la sexualité, le lieu des caresses. Et on pense en particulier à la nuit qui est prévue dans les draps. de monsieur de GM Fils. Une nuit qui va être finalement passée par Manon et Desgrieux dans les draps prévus pour l'autre, ce qui est évidemment quelque chose de très excitant pour eux. Et même si tout ne se passe pas comme prévu, il est évident qu'on cherche à communiquer au lecteur, à la lectrice, cette excitation suprême de cette grande transgression de passer cette nuit pour Desgrieux et Manon dans ces draps-là. Et on peut s'arrêter quelque temps sur le couple Manon des Grieux, tout simplement parce que c'est le couple de ce roman, et parce que ce couple-là donne lieu à un grand nombre de mises en scène de la sexualité. Et pour cela, on peut introduire les choses en citant Montesquieu, le philosophe des Lumières, le célèbre auteur des Lettres Persanes par exemple, qui dit du roman Manon Lescaut Et en particulier de ces deux personnages principaux, le héros est un fripon et l'héroïne est une catin, montrant ainsi que pour lui ce roman se définit, en tout cas ces personnages principaux se définissent par se penchant au plaisir. Et on va voir un certain nombre de citations, un certain nombre d'extraits du roman où on voit qu'on a toujours des manifestations qui sont discrètes mais qui sont présentes. de manière à peu près systématique, de l'amour physique, de la sexualité entre nos deux personnages principaux. Et on peut s'arrêter sur quelques mots, les mots justement qui désignent la sexualité dans Manon Lescaut, et je pense à deux mots en particulier, plaisir et caresse. Le premier mot, plaisir, on le voit dès la rencontre entre Manon Lescaut et Desgrieux, tout au début du roman. Et je vous citerai en particulier cette phrase-là. Dans cet extrait-là, dans cette phrase-là que je viens de vous lire, on est au discours indirect libre, c'est-à-dire qu'on peut reconstituer les paroles prononcées par Manon à l'occasion de cette première rencontre à la sortie du coche à Amiens avec Tiberge qui doit être pas très loin. Et Manon dit donc à Desgrieux, pour justifier sa présence ici à Amiens, qu'elle est envoyée au couvent par ses parents probablement pour arrêter son penchant au plaisir. Alors que veut dire Manon à ce moment-là ? Eh bien, c'est évidemment une manière de déclarer à des grilleux qu'elle connaît le plaisir de l'amour, qu'elle connaît les plaisirs du sexe et que c'est pour cette raison qu'elle est là. Mais c'est évidemment une manière d'attirer ce jeune homme qui n'y connaît absolument rien à ce moment-là et c'est sur quoi précisément des grilleux insistent au moment où ils racontent cette histoire de cette rencontre. au début du roman. En tout cas, on a tout de suite un lien entre ce personnage et, je cite le texte, son penchant au plaisir. Et c'est elle-même qui le dit, dans une mise en scène de séduction, puisqu'elle cherche, ici, c'est bien évident, à attirer des grilleux vers elle. Autrement dit, à le séduire. Et on a ici une contradiction qu'on retrouvera à un plan beaucoup plus large dans le roman. puisque Manon dit ici quelque chose d'interdit en disant Oh, comme c'est mauvais, comme c'est mal, comme ça appartient au péché ! et en disant cela, elle présente évidemment aussi à des grilleux quelque chose d'attirant, et notamment d'attirant parce que c'est interdit. Et plus largement, on en reparlera dans d'autres épisodes, c'est aussi ce que fait le livre dans la vie au lecteur, qui dit au lecteur Regardez donc cet exemple effrayant de péché pour surtout ne pas le suivre. Et en disant cela, évidemment que l'auteur de l'avis au lecteur, c'est-à-dire en dernier lieu Prévost, veut nous attirer dans quelque chose de bien ambigu, parce que ça va nous donner évidemment du plaisir, et un plaisir qui est lié à cette transgression, un plaisir qui vient du fait que pour le lecteur, pour la lectrice, il s'agit de faits interdits, de faits qui relèvent d'une transgression de la morale. Alors si on va un petit peu plus loin, les tromperies de Manon, on peut dire aussi qu'elles ont des traces très concrètes, des traces qui sont extrêmement visibles, puisque Manon a souvent, quand elle a eu une histoire d'amour, une histoire sexuelle avec un amant, dans le fil de l'intrigue, des bijoux, des colliers de perles, et la fortune du couple qu'elle mène avec des grilleux s'agrandit. Tous ces objets sont des traces du commerce. que Manon entretient avec tous ces hommes, c'est-à-dire de l'amour, de la sexualité. Et on va s'arrêter maintenant sur un mot, un mot qui apparaît extrêmement souvent dans Manon Lescaut pour désigner de manière assez ambiguë finalement les rapports qu'il y a entre Desgrieux et Manon. Et ce mot c'est le mot caresse. Caresse c'est un mot qui vient de l'italien, d'un mot italien carezza, qui est dérivé tout simplement de l'adjectif caro, cara, qui veut dire cher, cher, c'est-à-dire celui qu'on aime, comme on nomme quelqu'un, cher, ami. cher, amant, etc. Et caresse, ça signifie une démonstration d'affection qui peut passer par des paroles, tout simplement, c'est-à-dire une sorte de flatterie verbale. Dire des caresses à quelqu'un, ou même caresser quelqu'un, au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, ça peut vouloir dire, et c'est très souvent le cas, dire des paroles, prononcer des paroles d'affection, pour démontrer son affection à quelqu'un. Mais bien sûr, ça veut dire aussi démontrer son affection à quelqu'un. par des gestes, c'est-à-dire par son corps, ses mains, mais pas forcément seulement ses mains, c'est-à-dire que le mot caresse peut avoir une connotation érotique extrêmement forte, et ça c'est vrai dès le XVIIe siècle. Et dans plusieurs moments où nos deux amants, Dégrieux et Manon, sont tous les deux, eh bien le narrateur Dégrieux emploie le terme de caresse et... on peut préciser de caresse au pluriel. Et quand on prend un mot au pluriel, souvent, on lui donne une dimension beaucoup plus concrète, beaucoup plus charnelle, ici, on peut le dire comme ça. Et on garde toujours cette ambiguïté qu'on trouve très souvent dans le libertinage, dans les romans libertins, parce qu'on ne dit pas les choses de manière crue, en tout cas pas dans la grande majorité de la production littéraire de ce genre-là. C'est pas de la pornographie, autrement dit pas du tout. C'est beaucoup plus subtil que ça, on laisse entendre. Et le mot caresse à ce titre est extrêmement efficace et je vais vous citer quelques extraits. Au moment de la fuite, la première fuite de Dégrieux et Manon à la suite de leur rencontre à Amiens, quand ils sont dans un carrosse qui les emmène à Saint-Denis, on lit ceci sous les mots de Dégrieux. Nous étions si peu réservés dans nos caresses que nous n'avions pas la patience d'attendre que nous fussions seuls. Nos postillons et nos hôtes nous regardaient avec admiration, et je remarquais qu'ils étaient surpris de voir deux enfants de notre âge qui paraissaient s'aimer jusqu'à la fureur. Alors dans cet extrait-là, les caresses désignent de manière à peu près explicite des démonstrations d'affection par des gestes et pas seulement par des paroles. Ça veut dire que dans ce carrosse, même s'il y a d'autres gens, nos deux amants se touchent, s'embrassent, se prennent dans les bras et on nous laisse imaginer le reste des caresses qui peuvent avoir lieu ici. En tout cas, elles provoquent l'admiration. des autres personnages qui sont dans le carrosse, et l'admiration ici ça veut dire l'étonnement, la surprise. Ils sont très étonnés de voir ce qu'ils considèrent comme des enfants qui s'aiment jusqu'à la fureur. Et la fureur c'est la folie, la passion, la colère, c'est-à-dire qu'il s'agit de sortir complètement de soi, et donc on peut imaginer que tout ça forme un spectacle un peu gênant pour les... les participants de la scène, c'est-à-dire les personnages qui sont dans ce carrosse entre Amiens et Saint-Denis. Un peu plus tard dans le roman, quand Manon refuse que Desgrieux recontacte son père, eh bien Desgrieux nous raconte ceci. Elle adoucit son refus par des caresses si tendres et si passionnées que moi, qui ne vivais que dans elle et qui n'avais pas la moindre défiance de son cœur, j'applaudis à toutes ses réponses et à toutes ses résolutions. On voit donc là que dans cet extrait-là, dans cette scène où Desgrieux est un peu embêté parce qu'il voudrait recontacter son père, essayer de renouer un lien, d'arranger cette situation, de ne pas avoir fui et tout ça sans donner de nouvelles, eh bien Manon arrive à le convaincre de ne pas recontacter son père par des caresses si tendres et si passionnées. Et ici, on peut imaginer, ou pas, et c'est bien la subtilité et... et aussi un des aspects de cette transgression morale du roman, qu'il s'agit ici de quelque chose de très physique, de très charnel, et on pourrait même dire de sexuel. Et il en est de même un peu plus tard, quand des grilleux se demandent si Manon l'a trompé avec Monsieur Debaix. Et à ce moment-là, une fois de plus, Manon le calme, en quelque sorte, avec des caresses. Et on retrouve d'ailleurs le même adjectif, et encore des termes intensifs. Je vous lis l'extrait. quelle raison aurait-elle eu de me tromper il n'y avait que trois heures qu'elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et qu'elle avait reçu les miennes avec transport on a encore une fois ici une allusion très claire, très explicite à quelque chose d'érotique, de sexuel. Ici, c'est un échange de caresses. Elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et elle avait reçu les miennes avec transport. Transport, encore une fois, c'est un terme qui désigne une émotion, mais qui est très souvent lié à quelque chose d'érotique et au plaisir de la sexualité, au plaisir des corps. Un autre extrait, c'est quand Tiberge quitte Dégrieux après lui avoir fait la morale. Et alors là, on a un vice, une situation qui est doublement immorale, puisque Dégrieux ment à son ami Tiberge. Tiberge lui a fait la morale, Dégrieux a fait semblant d'être d'accord avec lui, en gros, et juste après, c'est l'amour. Même si Dégrieux, au départ, est un peu déçu de lui-même et un petit peu gêné de... de tromper son ami Tiberge qui lui prête très souvent de l'argent et que des grilleux ne respectent finalement pas beaucoup. Je vous lis l'extrait. Les caresses de Manon dissipèrent en un moment le chagrin que cette scène m'avait causé. Nous continuâmes de mener une vie toute composée de plaisir et d'amour. Et ici, on retrouve donc le mot caresse, les caresses de Manon, et on retrouve aussi le mot plaisir qu'on retrouvait au tout début dans la scène de rencontre à Amiens. Et ici, le mot plaisir apparaît au pluriel. Et ici, on voit bien que plaisir, au singulier, est quelque chose de général. Le plaisir, c'est un ensemble de sensations agréables, on va dire, des sens, du corps. Quand on le met au pluriel, il peut prendre une connotation beaucoup plus concrète. Et ici, on pourrait dire... très clairement érotique. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur la dimension libertine de Manon Lescaut. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao ! C'est parti !

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Description

https://www.aufonddelaclasse.com/

On se demande dans cet épisode si Manon Lescaut peut être considéré comme un roman libertin. Écrit par l'Abbé Prévost et publié en 1731, le roman raconte l'histoire tumultueuse de Des Grieux et de Manon Lescaut, deux amants passionnés dont la relation est entravée par des obstacles sociaux et moraux.

Le libertinage, en littérature, se réfère à une exploration de la liberté sexuelle et morale, ainsi qu'à une remise en question des normes sociales établies. Manon Lescaut contient certainement des éléments qui peuvent être interprétés dans ce sens. Les personnages principaux défient les conventions sociales en poursuivant une relation amoureuse hors mariage, et l'œuvre explore les thèmes de la passion, de la luxure et de la moralité d'une manière qui peut être considérée comme libertine.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com ! Dans cet épisode, nous allons nous demander si le plaisir du lecteur de Manon Lescaut ne tient pas au caractère libertin de l'intrigue et des personnages. Pour commencer ces quelques réflexions sur ce sujet, on peut se demander si le roman Manon Lescaut n'appartient pas, d'une certaine manière, au genre libertin. Libertin, c'est un mot qui est un peu complexe parce qu'il est souvent employé avec des sens un peu différents. Au départ, un libertin, c'est un affranchi, c'est-à-dire quelqu'un qui était esclave, qui n'était pas libre et qui est devenu libre, qui a gagné sa liberté. Et il a pris le sens, surtout au XVIIe siècle, de celui qui se sent libre de toute religion, qui ne respecte pas une religion et donc est une sorte de libre penseur et qui vit d'une manière totalement libérée de tous les carcans, toutes les normes, en particulier les normes religieuses. Et puis le sens qui nous intéresse un petit peu plus ici, c'est le sens de libre sur le plan moral, ce qu'on appelle à cette époque déjà et peut-être parfois aujourd'hui aussi Un débauché, un libertin, c'est quelqu'un qui ne respecte pas les normes sociales, qui les transgresse allègrement, en particulier dans sa vie intime, personnelle, c'est-à-dire dans sa vie amoureuse. Quelqu'un, un homme, une femme qui ne se sent absolument pas lié par la nécessité du mariage pour avoir des histoires amoureuses ou des histoires sexuelles tout simplement. Et puis au XVIIIe siècle, le genre libertin, c'est un type littéraire qui est particulièrement... illustré par Crébillon, par exemple, un auteur de romans, plutôt de la première partie du siècle, ou encore de Laclos, l'auteur des Liaisons dangereuses, plutôt dans la deuxième partie du XVIIIe siècle. Ce sont des romans qui parlent du plaisir, du plaisir sexuel, et qui entendent donner du plaisir en parlant du plaisir auprès de leurs lecteurs et de leurs lectrices. Alors, on peut s'interroger, même si évidemment ça ne serait pas extrêmement rigoureux sur le plan de l'histoire littéraire, sur l'appartenance, à ce genre libertin, ou en tout cas on peut se demander si d'une certaine manière Manon Lescaut n'est pas un roman libertin. Alors un certain nombre de personnages s'apparentent d'une certaine manière à ce genre-là de manière évidente. Manon est une courtisane qui ne peut s'empêcher de s'enrichir et en général en lien avec des histoires amoureuses, avec des amants. On pense évidemment aussi à son frère Lescaut qui apparaît comme un proxénète, c'est-à-dire comme quelqu'un qui gère des prostituées. Et le frère de Manon, c'est aussi un homme de main, un garde du corps, qui est un joueur, un mercenaire, et qui envisage même à un moment de prostituer sa sœur, et qui en tout cas s'invite très largement dans le couple pour profiter à peu près de tout. C'est un jouisseur, c'est quelqu'un qui ne respecte absolument pas les normes sociales, et qui transgresse très allègrement la morale dans toutes ses apparitions, qui ne sont pas si nombreuses que ça, dans le roman. Le roman Manon Lescaut, c'est aussi un roman qui met en scène des relations amoureuses hors mariage, à commencer par la relation centrale du roman, celle de Desgrieux avec Manon. Et évidemment, cette relation-là, elle est propice à des coups de théâtre, à des coups de théâtre qui sont venus des institutions religieuses, par exemple, ou des familles. On pense au début du roman à l'enlèvement de Desgrieux par son père pour le protéger des passions, ou encore un peu plus tard au mariage forcé de Manon. avec le fils du gouverneur en Louisiane à la toute fin du roman. Cette histoire-là, elle donne aussi lieu à des stratagèmes avec des histoires entre Manon et d'autres amants qui ont lieu de manière effective ou pas, finalement. Et on pense en particulier aux stratagèmes qui sont liés à M. de GM, le père, et à M. de GM, le fils. C'est un projet de l'ESCO, en général le frère de Manon, qui consiste à tromper M. de GM avec plusieurs scénarios possibles. Mais en tout cas... toujours avec une allusion extrêmement directe à la chambre, au lit, au drap. Et ce lieu de la sexualité, c'est le lieu du piège, puisqu'on essaye d'attirer celui qui va être la dupe du piège vers ce lit. Et ce lit, il est toujours mis en scène de manière extrêmement explicite, comme le lieu de la sexualité, le lieu des caresses. Et on pense en particulier à la nuit qui est prévue dans les draps. de monsieur de GM Fils. Une nuit qui va être finalement passée par Manon et Desgrieux dans les draps prévus pour l'autre, ce qui est évidemment quelque chose de très excitant pour eux. Et même si tout ne se passe pas comme prévu, il est évident qu'on cherche à communiquer au lecteur, à la lectrice, cette excitation suprême de cette grande transgression de passer cette nuit pour Desgrieux et Manon dans ces draps-là. Et on peut s'arrêter quelque temps sur le couple Manon des Grieux, tout simplement parce que c'est le couple de ce roman, et parce que ce couple-là donne lieu à un grand nombre de mises en scène de la sexualité. Et pour cela, on peut introduire les choses en citant Montesquieu, le philosophe des Lumières, le célèbre auteur des Lettres Persanes par exemple, qui dit du roman Manon Lescaut Et en particulier de ces deux personnages principaux, le héros est un fripon et l'héroïne est une catin, montrant ainsi que pour lui ce roman se définit, en tout cas ces personnages principaux se définissent par se penchant au plaisir. Et on va voir un certain nombre de citations, un certain nombre d'extraits du roman où on voit qu'on a toujours des manifestations qui sont discrètes mais qui sont présentes. de manière à peu près systématique, de l'amour physique, de la sexualité entre nos deux personnages principaux. Et on peut s'arrêter sur quelques mots, les mots justement qui désignent la sexualité dans Manon Lescaut, et je pense à deux mots en particulier, plaisir et caresse. Le premier mot, plaisir, on le voit dès la rencontre entre Manon Lescaut et Desgrieux, tout au début du roman. Et je vous citerai en particulier cette phrase-là. Dans cet extrait-là, dans cette phrase-là que je viens de vous lire, on est au discours indirect libre, c'est-à-dire qu'on peut reconstituer les paroles prononcées par Manon à l'occasion de cette première rencontre à la sortie du coche à Amiens avec Tiberge qui doit être pas très loin. Et Manon dit donc à Desgrieux, pour justifier sa présence ici à Amiens, qu'elle est envoyée au couvent par ses parents probablement pour arrêter son penchant au plaisir. Alors que veut dire Manon à ce moment-là ? Eh bien, c'est évidemment une manière de déclarer à des grilleux qu'elle connaît le plaisir de l'amour, qu'elle connaît les plaisirs du sexe et que c'est pour cette raison qu'elle est là. Mais c'est évidemment une manière d'attirer ce jeune homme qui n'y connaît absolument rien à ce moment-là et c'est sur quoi précisément des grilleux insistent au moment où ils racontent cette histoire de cette rencontre. au début du roman. En tout cas, on a tout de suite un lien entre ce personnage et, je cite le texte, son penchant au plaisir. Et c'est elle-même qui le dit, dans une mise en scène de séduction, puisqu'elle cherche, ici, c'est bien évident, à attirer des grilleux vers elle. Autrement dit, à le séduire. Et on a ici une contradiction qu'on retrouvera à un plan beaucoup plus large dans le roman. puisque Manon dit ici quelque chose d'interdit en disant Oh, comme c'est mauvais, comme c'est mal, comme ça appartient au péché ! et en disant cela, elle présente évidemment aussi à des grilleux quelque chose d'attirant, et notamment d'attirant parce que c'est interdit. Et plus largement, on en reparlera dans d'autres épisodes, c'est aussi ce que fait le livre dans la vie au lecteur, qui dit au lecteur Regardez donc cet exemple effrayant de péché pour surtout ne pas le suivre. Et en disant cela, évidemment que l'auteur de l'avis au lecteur, c'est-à-dire en dernier lieu Prévost, veut nous attirer dans quelque chose de bien ambigu, parce que ça va nous donner évidemment du plaisir, et un plaisir qui est lié à cette transgression, un plaisir qui vient du fait que pour le lecteur, pour la lectrice, il s'agit de faits interdits, de faits qui relèvent d'une transgression de la morale. Alors si on va un petit peu plus loin, les tromperies de Manon, on peut dire aussi qu'elles ont des traces très concrètes, des traces qui sont extrêmement visibles, puisque Manon a souvent, quand elle a eu une histoire d'amour, une histoire sexuelle avec un amant, dans le fil de l'intrigue, des bijoux, des colliers de perles, et la fortune du couple qu'elle mène avec des grilleux s'agrandit. Tous ces objets sont des traces du commerce. que Manon entretient avec tous ces hommes, c'est-à-dire de l'amour, de la sexualité. Et on va s'arrêter maintenant sur un mot, un mot qui apparaît extrêmement souvent dans Manon Lescaut pour désigner de manière assez ambiguë finalement les rapports qu'il y a entre Desgrieux et Manon. Et ce mot c'est le mot caresse. Caresse c'est un mot qui vient de l'italien, d'un mot italien carezza, qui est dérivé tout simplement de l'adjectif caro, cara, qui veut dire cher, cher, c'est-à-dire celui qu'on aime, comme on nomme quelqu'un, cher, ami. cher, amant, etc. Et caresse, ça signifie une démonstration d'affection qui peut passer par des paroles, tout simplement, c'est-à-dire une sorte de flatterie verbale. Dire des caresses à quelqu'un, ou même caresser quelqu'un, au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, ça peut vouloir dire, et c'est très souvent le cas, dire des paroles, prononcer des paroles d'affection, pour démontrer son affection à quelqu'un. Mais bien sûr, ça veut dire aussi démontrer son affection à quelqu'un. par des gestes, c'est-à-dire par son corps, ses mains, mais pas forcément seulement ses mains, c'est-à-dire que le mot caresse peut avoir une connotation érotique extrêmement forte, et ça c'est vrai dès le XVIIe siècle. Et dans plusieurs moments où nos deux amants, Dégrieux et Manon, sont tous les deux, eh bien le narrateur Dégrieux emploie le terme de caresse et... on peut préciser de caresse au pluriel. Et quand on prend un mot au pluriel, souvent, on lui donne une dimension beaucoup plus concrète, beaucoup plus charnelle, ici, on peut le dire comme ça. Et on garde toujours cette ambiguïté qu'on trouve très souvent dans le libertinage, dans les romans libertins, parce qu'on ne dit pas les choses de manière crue, en tout cas pas dans la grande majorité de la production littéraire de ce genre-là. C'est pas de la pornographie, autrement dit pas du tout. C'est beaucoup plus subtil que ça, on laisse entendre. Et le mot caresse à ce titre est extrêmement efficace et je vais vous citer quelques extraits. Au moment de la fuite, la première fuite de Dégrieux et Manon à la suite de leur rencontre à Amiens, quand ils sont dans un carrosse qui les emmène à Saint-Denis, on lit ceci sous les mots de Dégrieux. Nous étions si peu réservés dans nos caresses que nous n'avions pas la patience d'attendre que nous fussions seuls. Nos postillons et nos hôtes nous regardaient avec admiration, et je remarquais qu'ils étaient surpris de voir deux enfants de notre âge qui paraissaient s'aimer jusqu'à la fureur. Alors dans cet extrait-là, les caresses désignent de manière à peu près explicite des démonstrations d'affection par des gestes et pas seulement par des paroles. Ça veut dire que dans ce carrosse, même s'il y a d'autres gens, nos deux amants se touchent, s'embrassent, se prennent dans les bras et on nous laisse imaginer le reste des caresses qui peuvent avoir lieu ici. En tout cas, elles provoquent l'admiration. des autres personnages qui sont dans le carrosse, et l'admiration ici ça veut dire l'étonnement, la surprise. Ils sont très étonnés de voir ce qu'ils considèrent comme des enfants qui s'aiment jusqu'à la fureur. Et la fureur c'est la folie, la passion, la colère, c'est-à-dire qu'il s'agit de sortir complètement de soi, et donc on peut imaginer que tout ça forme un spectacle un peu gênant pour les... les participants de la scène, c'est-à-dire les personnages qui sont dans ce carrosse entre Amiens et Saint-Denis. Un peu plus tard dans le roman, quand Manon refuse que Desgrieux recontacte son père, eh bien Desgrieux nous raconte ceci. Elle adoucit son refus par des caresses si tendres et si passionnées que moi, qui ne vivais que dans elle et qui n'avais pas la moindre défiance de son cœur, j'applaudis à toutes ses réponses et à toutes ses résolutions. On voit donc là que dans cet extrait-là, dans cette scène où Desgrieux est un peu embêté parce qu'il voudrait recontacter son père, essayer de renouer un lien, d'arranger cette situation, de ne pas avoir fui et tout ça sans donner de nouvelles, eh bien Manon arrive à le convaincre de ne pas recontacter son père par des caresses si tendres et si passionnées. Et ici, on peut imaginer, ou pas, et c'est bien la subtilité et... et aussi un des aspects de cette transgression morale du roman, qu'il s'agit ici de quelque chose de très physique, de très charnel, et on pourrait même dire de sexuel. Et il en est de même un peu plus tard, quand des grilleux se demandent si Manon l'a trompé avec Monsieur Debaix. Et à ce moment-là, une fois de plus, Manon le calme, en quelque sorte, avec des caresses. Et on retrouve d'ailleurs le même adjectif, et encore des termes intensifs. Je vous lis l'extrait. quelle raison aurait-elle eu de me tromper il n'y avait que trois heures qu'elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et qu'elle avait reçu les miennes avec transport on a encore une fois ici une allusion très claire, très explicite à quelque chose d'érotique, de sexuel. Ici, c'est un échange de caresses. Elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et elle avait reçu les miennes avec transport. Transport, encore une fois, c'est un terme qui désigne une émotion, mais qui est très souvent lié à quelque chose d'érotique et au plaisir de la sexualité, au plaisir des corps. Un autre extrait, c'est quand Tiberge quitte Dégrieux après lui avoir fait la morale. Et alors là, on a un vice, une situation qui est doublement immorale, puisque Dégrieux ment à son ami Tiberge. Tiberge lui a fait la morale, Dégrieux a fait semblant d'être d'accord avec lui, en gros, et juste après, c'est l'amour. Même si Dégrieux, au départ, est un peu déçu de lui-même et un petit peu gêné de... de tromper son ami Tiberge qui lui prête très souvent de l'argent et que des grilleux ne respectent finalement pas beaucoup. Je vous lis l'extrait. Les caresses de Manon dissipèrent en un moment le chagrin que cette scène m'avait causé. Nous continuâmes de mener une vie toute composée de plaisir et d'amour. Et ici, on retrouve donc le mot caresse, les caresses de Manon, et on retrouve aussi le mot plaisir qu'on retrouvait au tout début dans la scène de rencontre à Amiens. Et ici, le mot plaisir apparaît au pluriel. Et ici, on voit bien que plaisir, au singulier, est quelque chose de général. Le plaisir, c'est un ensemble de sensations agréables, on va dire, des sens, du corps. Quand on le met au pluriel, il peut prendre une connotation beaucoup plus concrète. Et ici, on pourrait dire... très clairement érotique. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur la dimension libertine de Manon Lescaut. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao ! C'est parti !

Description

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On se demande dans cet épisode si Manon Lescaut peut être considéré comme un roman libertin. Écrit par l'Abbé Prévost et publié en 1731, le roman raconte l'histoire tumultueuse de Des Grieux et de Manon Lescaut, deux amants passionnés dont la relation est entravée par des obstacles sociaux et moraux.

Le libertinage, en littérature, se réfère à une exploration de la liberté sexuelle et morale, ainsi qu'à une remise en question des normes sociales établies. Manon Lescaut contient certainement des éléments qui peuvent être interprétés dans ce sens. Les personnages principaux défient les conventions sociales en poursuivant une relation amoureuse hors mariage, et l'œuvre explore les thèmes de la passion, de la luxure et de la moralité d'une manière qui peut être considérée comme libertine.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com ! Dans cet épisode, nous allons nous demander si le plaisir du lecteur de Manon Lescaut ne tient pas au caractère libertin de l'intrigue et des personnages. Pour commencer ces quelques réflexions sur ce sujet, on peut se demander si le roman Manon Lescaut n'appartient pas, d'une certaine manière, au genre libertin. Libertin, c'est un mot qui est un peu complexe parce qu'il est souvent employé avec des sens un peu différents. Au départ, un libertin, c'est un affranchi, c'est-à-dire quelqu'un qui était esclave, qui n'était pas libre et qui est devenu libre, qui a gagné sa liberté. Et il a pris le sens, surtout au XVIIe siècle, de celui qui se sent libre de toute religion, qui ne respecte pas une religion et donc est une sorte de libre penseur et qui vit d'une manière totalement libérée de tous les carcans, toutes les normes, en particulier les normes religieuses. Et puis le sens qui nous intéresse un petit peu plus ici, c'est le sens de libre sur le plan moral, ce qu'on appelle à cette époque déjà et peut-être parfois aujourd'hui aussi Un débauché, un libertin, c'est quelqu'un qui ne respecte pas les normes sociales, qui les transgresse allègrement, en particulier dans sa vie intime, personnelle, c'est-à-dire dans sa vie amoureuse. Quelqu'un, un homme, une femme qui ne se sent absolument pas lié par la nécessité du mariage pour avoir des histoires amoureuses ou des histoires sexuelles tout simplement. Et puis au XVIIIe siècle, le genre libertin, c'est un type littéraire qui est particulièrement... illustré par Crébillon, par exemple, un auteur de romans, plutôt de la première partie du siècle, ou encore de Laclos, l'auteur des Liaisons dangereuses, plutôt dans la deuxième partie du XVIIIe siècle. Ce sont des romans qui parlent du plaisir, du plaisir sexuel, et qui entendent donner du plaisir en parlant du plaisir auprès de leurs lecteurs et de leurs lectrices. Alors, on peut s'interroger, même si évidemment ça ne serait pas extrêmement rigoureux sur le plan de l'histoire littéraire, sur l'appartenance, à ce genre libertin, ou en tout cas on peut se demander si d'une certaine manière Manon Lescaut n'est pas un roman libertin. Alors un certain nombre de personnages s'apparentent d'une certaine manière à ce genre-là de manière évidente. Manon est une courtisane qui ne peut s'empêcher de s'enrichir et en général en lien avec des histoires amoureuses, avec des amants. On pense évidemment aussi à son frère Lescaut qui apparaît comme un proxénète, c'est-à-dire comme quelqu'un qui gère des prostituées. Et le frère de Manon, c'est aussi un homme de main, un garde du corps, qui est un joueur, un mercenaire, et qui envisage même à un moment de prostituer sa sœur, et qui en tout cas s'invite très largement dans le couple pour profiter à peu près de tout. C'est un jouisseur, c'est quelqu'un qui ne respecte absolument pas les normes sociales, et qui transgresse très allègrement la morale dans toutes ses apparitions, qui ne sont pas si nombreuses que ça, dans le roman. Le roman Manon Lescaut, c'est aussi un roman qui met en scène des relations amoureuses hors mariage, à commencer par la relation centrale du roman, celle de Desgrieux avec Manon. Et évidemment, cette relation-là, elle est propice à des coups de théâtre, à des coups de théâtre qui sont venus des institutions religieuses, par exemple, ou des familles. On pense au début du roman à l'enlèvement de Desgrieux par son père pour le protéger des passions, ou encore un peu plus tard au mariage forcé de Manon. avec le fils du gouverneur en Louisiane à la toute fin du roman. Cette histoire-là, elle donne aussi lieu à des stratagèmes avec des histoires entre Manon et d'autres amants qui ont lieu de manière effective ou pas, finalement. Et on pense en particulier aux stratagèmes qui sont liés à M. de GM, le père, et à M. de GM, le fils. C'est un projet de l'ESCO, en général le frère de Manon, qui consiste à tromper M. de GM avec plusieurs scénarios possibles. Mais en tout cas... toujours avec une allusion extrêmement directe à la chambre, au lit, au drap. Et ce lieu de la sexualité, c'est le lieu du piège, puisqu'on essaye d'attirer celui qui va être la dupe du piège vers ce lit. Et ce lit, il est toujours mis en scène de manière extrêmement explicite, comme le lieu de la sexualité, le lieu des caresses. Et on pense en particulier à la nuit qui est prévue dans les draps. de monsieur de GM Fils. Une nuit qui va être finalement passée par Manon et Desgrieux dans les draps prévus pour l'autre, ce qui est évidemment quelque chose de très excitant pour eux. Et même si tout ne se passe pas comme prévu, il est évident qu'on cherche à communiquer au lecteur, à la lectrice, cette excitation suprême de cette grande transgression de passer cette nuit pour Desgrieux et Manon dans ces draps-là. Et on peut s'arrêter quelque temps sur le couple Manon des Grieux, tout simplement parce que c'est le couple de ce roman, et parce que ce couple-là donne lieu à un grand nombre de mises en scène de la sexualité. Et pour cela, on peut introduire les choses en citant Montesquieu, le philosophe des Lumières, le célèbre auteur des Lettres Persanes par exemple, qui dit du roman Manon Lescaut Et en particulier de ces deux personnages principaux, le héros est un fripon et l'héroïne est une catin, montrant ainsi que pour lui ce roman se définit, en tout cas ces personnages principaux se définissent par se penchant au plaisir. Et on va voir un certain nombre de citations, un certain nombre d'extraits du roman où on voit qu'on a toujours des manifestations qui sont discrètes mais qui sont présentes. de manière à peu près systématique, de l'amour physique, de la sexualité entre nos deux personnages principaux. Et on peut s'arrêter sur quelques mots, les mots justement qui désignent la sexualité dans Manon Lescaut, et je pense à deux mots en particulier, plaisir et caresse. Le premier mot, plaisir, on le voit dès la rencontre entre Manon Lescaut et Desgrieux, tout au début du roman. Et je vous citerai en particulier cette phrase-là. Dans cet extrait-là, dans cette phrase-là que je viens de vous lire, on est au discours indirect libre, c'est-à-dire qu'on peut reconstituer les paroles prononcées par Manon à l'occasion de cette première rencontre à la sortie du coche à Amiens avec Tiberge qui doit être pas très loin. Et Manon dit donc à Desgrieux, pour justifier sa présence ici à Amiens, qu'elle est envoyée au couvent par ses parents probablement pour arrêter son penchant au plaisir. Alors que veut dire Manon à ce moment-là ? Eh bien, c'est évidemment une manière de déclarer à des grilleux qu'elle connaît le plaisir de l'amour, qu'elle connaît les plaisirs du sexe et que c'est pour cette raison qu'elle est là. Mais c'est évidemment une manière d'attirer ce jeune homme qui n'y connaît absolument rien à ce moment-là et c'est sur quoi précisément des grilleux insistent au moment où ils racontent cette histoire de cette rencontre. au début du roman. En tout cas, on a tout de suite un lien entre ce personnage et, je cite le texte, son penchant au plaisir. Et c'est elle-même qui le dit, dans une mise en scène de séduction, puisqu'elle cherche, ici, c'est bien évident, à attirer des grilleux vers elle. Autrement dit, à le séduire. Et on a ici une contradiction qu'on retrouvera à un plan beaucoup plus large dans le roman. puisque Manon dit ici quelque chose d'interdit en disant Oh, comme c'est mauvais, comme c'est mal, comme ça appartient au péché ! et en disant cela, elle présente évidemment aussi à des grilleux quelque chose d'attirant, et notamment d'attirant parce que c'est interdit. Et plus largement, on en reparlera dans d'autres épisodes, c'est aussi ce que fait le livre dans la vie au lecteur, qui dit au lecteur Regardez donc cet exemple effrayant de péché pour surtout ne pas le suivre. Et en disant cela, évidemment que l'auteur de l'avis au lecteur, c'est-à-dire en dernier lieu Prévost, veut nous attirer dans quelque chose de bien ambigu, parce que ça va nous donner évidemment du plaisir, et un plaisir qui est lié à cette transgression, un plaisir qui vient du fait que pour le lecteur, pour la lectrice, il s'agit de faits interdits, de faits qui relèvent d'une transgression de la morale. Alors si on va un petit peu plus loin, les tromperies de Manon, on peut dire aussi qu'elles ont des traces très concrètes, des traces qui sont extrêmement visibles, puisque Manon a souvent, quand elle a eu une histoire d'amour, une histoire sexuelle avec un amant, dans le fil de l'intrigue, des bijoux, des colliers de perles, et la fortune du couple qu'elle mène avec des grilleux s'agrandit. Tous ces objets sont des traces du commerce. que Manon entretient avec tous ces hommes, c'est-à-dire de l'amour, de la sexualité. Et on va s'arrêter maintenant sur un mot, un mot qui apparaît extrêmement souvent dans Manon Lescaut pour désigner de manière assez ambiguë finalement les rapports qu'il y a entre Desgrieux et Manon. Et ce mot c'est le mot caresse. Caresse c'est un mot qui vient de l'italien, d'un mot italien carezza, qui est dérivé tout simplement de l'adjectif caro, cara, qui veut dire cher, cher, c'est-à-dire celui qu'on aime, comme on nomme quelqu'un, cher, ami. cher, amant, etc. Et caresse, ça signifie une démonstration d'affection qui peut passer par des paroles, tout simplement, c'est-à-dire une sorte de flatterie verbale. Dire des caresses à quelqu'un, ou même caresser quelqu'un, au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, ça peut vouloir dire, et c'est très souvent le cas, dire des paroles, prononcer des paroles d'affection, pour démontrer son affection à quelqu'un. Mais bien sûr, ça veut dire aussi démontrer son affection à quelqu'un. par des gestes, c'est-à-dire par son corps, ses mains, mais pas forcément seulement ses mains, c'est-à-dire que le mot caresse peut avoir une connotation érotique extrêmement forte, et ça c'est vrai dès le XVIIe siècle. Et dans plusieurs moments où nos deux amants, Dégrieux et Manon, sont tous les deux, eh bien le narrateur Dégrieux emploie le terme de caresse et... on peut préciser de caresse au pluriel. Et quand on prend un mot au pluriel, souvent, on lui donne une dimension beaucoup plus concrète, beaucoup plus charnelle, ici, on peut le dire comme ça. Et on garde toujours cette ambiguïté qu'on trouve très souvent dans le libertinage, dans les romans libertins, parce qu'on ne dit pas les choses de manière crue, en tout cas pas dans la grande majorité de la production littéraire de ce genre-là. C'est pas de la pornographie, autrement dit pas du tout. C'est beaucoup plus subtil que ça, on laisse entendre. Et le mot caresse à ce titre est extrêmement efficace et je vais vous citer quelques extraits. Au moment de la fuite, la première fuite de Dégrieux et Manon à la suite de leur rencontre à Amiens, quand ils sont dans un carrosse qui les emmène à Saint-Denis, on lit ceci sous les mots de Dégrieux. Nous étions si peu réservés dans nos caresses que nous n'avions pas la patience d'attendre que nous fussions seuls. Nos postillons et nos hôtes nous regardaient avec admiration, et je remarquais qu'ils étaient surpris de voir deux enfants de notre âge qui paraissaient s'aimer jusqu'à la fureur. Alors dans cet extrait-là, les caresses désignent de manière à peu près explicite des démonstrations d'affection par des gestes et pas seulement par des paroles. Ça veut dire que dans ce carrosse, même s'il y a d'autres gens, nos deux amants se touchent, s'embrassent, se prennent dans les bras et on nous laisse imaginer le reste des caresses qui peuvent avoir lieu ici. En tout cas, elles provoquent l'admiration. des autres personnages qui sont dans le carrosse, et l'admiration ici ça veut dire l'étonnement, la surprise. Ils sont très étonnés de voir ce qu'ils considèrent comme des enfants qui s'aiment jusqu'à la fureur. Et la fureur c'est la folie, la passion, la colère, c'est-à-dire qu'il s'agit de sortir complètement de soi, et donc on peut imaginer que tout ça forme un spectacle un peu gênant pour les... les participants de la scène, c'est-à-dire les personnages qui sont dans ce carrosse entre Amiens et Saint-Denis. Un peu plus tard dans le roman, quand Manon refuse que Desgrieux recontacte son père, eh bien Desgrieux nous raconte ceci. Elle adoucit son refus par des caresses si tendres et si passionnées que moi, qui ne vivais que dans elle et qui n'avais pas la moindre défiance de son cœur, j'applaudis à toutes ses réponses et à toutes ses résolutions. On voit donc là que dans cet extrait-là, dans cette scène où Desgrieux est un peu embêté parce qu'il voudrait recontacter son père, essayer de renouer un lien, d'arranger cette situation, de ne pas avoir fui et tout ça sans donner de nouvelles, eh bien Manon arrive à le convaincre de ne pas recontacter son père par des caresses si tendres et si passionnées. Et ici, on peut imaginer, ou pas, et c'est bien la subtilité et... et aussi un des aspects de cette transgression morale du roman, qu'il s'agit ici de quelque chose de très physique, de très charnel, et on pourrait même dire de sexuel. Et il en est de même un peu plus tard, quand des grilleux se demandent si Manon l'a trompé avec Monsieur Debaix. Et à ce moment-là, une fois de plus, Manon le calme, en quelque sorte, avec des caresses. Et on retrouve d'ailleurs le même adjectif, et encore des termes intensifs. Je vous lis l'extrait. quelle raison aurait-elle eu de me tromper il n'y avait que trois heures qu'elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et qu'elle avait reçu les miennes avec transport on a encore une fois ici une allusion très claire, très explicite à quelque chose d'érotique, de sexuel. Ici, c'est un échange de caresses. Elle m'avait accablé de ses plus tendres caresses et elle avait reçu les miennes avec transport. Transport, encore une fois, c'est un terme qui désigne une émotion, mais qui est très souvent lié à quelque chose d'érotique et au plaisir de la sexualité, au plaisir des corps. Un autre extrait, c'est quand Tiberge quitte Dégrieux après lui avoir fait la morale. Et alors là, on a un vice, une situation qui est doublement immorale, puisque Dégrieux ment à son ami Tiberge. Tiberge lui a fait la morale, Dégrieux a fait semblant d'être d'accord avec lui, en gros, et juste après, c'est l'amour. Même si Dégrieux, au départ, est un peu déçu de lui-même et un petit peu gêné de... de tromper son ami Tiberge qui lui prête très souvent de l'argent et que des grilleux ne respectent finalement pas beaucoup. Je vous lis l'extrait. Les caresses de Manon dissipèrent en un moment le chagrin que cette scène m'avait causé. Nous continuâmes de mener une vie toute composée de plaisir et d'amour. Et ici, on retrouve donc le mot caresse, les caresses de Manon, et on retrouve aussi le mot plaisir qu'on retrouvait au tout début dans la scène de rencontre à Amiens. Et ici, le mot plaisir apparaît au pluriel. Et ici, on voit bien que plaisir, au singulier, est quelque chose de général. Le plaisir, c'est un ensemble de sensations agréables, on va dire, des sens, du corps. Quand on le met au pluriel, il peut prendre une connotation beaucoup plus concrète. Et ici, on pourrait dire... très clairement érotique. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur la dimension libertine de Manon Lescaut. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao ! C'est parti !

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