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PRÉVOST, MANON LESCAUT #8 La tragédie de la passion amoureuse cover
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Objectif : bac français !

PRÉVOST, MANON LESCAUT #8 La tragédie de la passion amoureuse

PRÉVOST, MANON LESCAUT #8 La tragédie de la passion amoureuse

16min |03/04/2024|

993

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Description

Manon Lescaut est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité, l'échec du cœur romanesque de Des Grieux. C'est la montée d'une sensibilité, qui s'achève sur une conversion et un deuil de tout, une douleur immense assumée par le personnage. Prévost exprime cela dans une brève tragédie de la passion amoureuse.

Pour lui, le dérèglement est inhérent à la passion et, comme la passion est dans la nature de l'homme, c'est la nature même qui est destiné au désordre. L'élan de Des Grieux pour échapper à la médiocre réalité reste vain. Le roman de Prévost porte une image profondément pessimiste de la vie humaine. À la fin, après une tranche de vie romanesque et passionnée, Des Grieux fait son deuil du bonheur. Il revient sans enthousiasme aux règles de l'honneur et de la religion. Prévost porte une vision tragique de l'existence.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons essayer de lire Manon Lescaut de l'abbé Prévost, comme une tragédie de la passion amoureuse. Manon Lescaut, c'est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité. C'est l'échec du cœur romanesque de Dégrieux, la montée de sa sensibilité, qui s'achève sur une conversion vers un deuil parfait, avec une douleur immense qui est assumée par le héros. Et Prévost, l'abbé Prévost, l'auteur de ce roman, exprime cela dans ce qu'on pourrait considérer comme une brève tragédie de la passion amoureuse. Alors comme le dit un critique, un spécialiste très célèbre de l'abbé Prévost qui s'appelle Jean Segar dans son livre Prévost romancier, au tout début, Dégrieux est un très jeune garçon innocent. Il sort du collège et on peut dire qu'il a à peine commencé à vivre. Et c'est justement par l'amour qu'il accède à la vie. Cet amour doit paraître naturellement innocent et c'est pour cette raison que le récit insiste énormément au début sur la jeunesse des amants, non seulement des Grieux, mais aussi Manon, sur le naturel, l'ardeur, l'insouciance de leur première passion. Ce sont, comme dit le narrateur, deux enfants. Et dans la première partie, Dégrieux est extrêmement innocent, c'est le moins qu'on puisse dire, et ça nous choque très souvent. Il a beaucoup trop de simplicité pour soupçonner Manon. Il se fait avoir, on pourrait le dire comme ça, comme un enfant. Et il est puni comme un enfant. Et sa tristesse, ses emportements, ses colères font rire son père. Son père qui le regarde, encore une fois, comme un enfant. Et ses sentiments naissants, sa passion amoureuse pour Manon est totalement irresponsable. Il voit l'autre, il l'aime, on s'enfuit ensemble et puis on vit l'un avec l'autre sans responsabilité, sans remords, comme dans un rêve. Un rêve innocent, on pourrait dire un rêve d'enfant. Et une fois que Desgrieux a perdu son innocence, parce que ça arrive quand même petit à petit dans le récit, il essaiera de la maintenir quand même, dans la seconde période de leurs amours, mais cette fois par une forme d'insouciance qui passe par le jeu et par ce qui ressemble un peu à une comédie. Et il est maintenant une sorte de novice dans le monde des adultes qui joue. Et il joue par exemple au petit frère orphelin de Manon devant le vieux GM. Il se déguise en jeune collégien dans cette scène de la première partie, c'est-à-dire dans ce qu'il est un mois plus tôt. Un jeune collégien, un jeune enfant. Il se réfugie, on peut le dire, dans une parodie. Et dans cette atmosphère de fantaisie, il peut se faire croire à lui-même. qu'il continue de jouer, qu'il continue à être cet enfant innocent du tout début. Et on peut dire que la mascarade qui est jouée par des grilleux, devant le vieux GM et devant Manon et Lescaut qui sont un peu inquiets par le jeu que jouent des grilleux, les éclats de rire étouffés qu'il y a entre eux maintiennent une espèce de climat d'enfance, un climat innocent. Dans ce passage de Manon Lescaut, ça donne ce texte-là, je vous le cite pour quelques phrases. Toute notre conversation fut à peu près du même goût pendant le souper. Manon, qui était badine, fut plusieurs fois sur le point de gâter tout par ses éclats de rire. Je trouvais l'occasion en soupant de lui raconter sa propre histoire et le mauvais sort qui le menaçait. Lescaut et Manon tremblaient pendant mon récit, surtout lorsque je faisais son portrait au naturel. J'arrête là pour la citation, et je vous rappelle que dans cet extrait-là, on cherche, enfin, Manon Lescaut... Dégrieux et Lescaut, le frère de Manon, cherchent à tromper le vieux GM en lui volant son argent et s'organisent un dîner auquel Dégrieux participe. Mais Dégrieux ne dit évidemment pas qu'il est l'amant ou le compagnon de Manon puisqu'il s'agit justement de faire croire au vieux GM qui va passer la nuit avec Manon juste après et lui joue la comédie. Et toute cette imposture en fait est extrêmement dangereuse parce qu'une scène ridicule... comme celle que jouent le chevalier des Grilleux et Manon à ce moment-là, peut se retourner contre eux. Et le vieillard GM peut toujours s'armer et se venger contre eux, et c'est d'ailleurs ce qui va se passer après, puisque en plusieurs temps, pour faire court, il surprend les amants au moment de se mettre au lit un peu plus tard, leur glace le sang, et c'est lui qui est à l'origine de l'enfermement de Manon, et même à la fin, à sa déportation vers l'Amérique. Et on peut dire donc que Manon Lescaut c'est le conflit entre le jeune amant qu'on veut priver de ses amours et une série de vieillards qui sont tous contre lui. Et puis comme c'est lui qui raconte son histoire c'est aussi le récit et l'apologie on peut le dire, l'autodéfense d'un fils qui est coupable et qui s'adresse à son père, à son père qui est parfait et qui finit d'ailleurs par être un acteur principal de sa punition. Et ce père, on le rencontre au début et à la fin du roman. Et il est admirable, le père de Dégrieux, c'est un homme d'esprit. Il est indulgent, il est sensible, et à la fin seulement, il lâche son fils pour le condamner. On peut dire qu'il ressemble un petit peu au dieu bon et au dieu cruel, qui domine dans les tragédies, qui domine la destinée de ce personnage de Dégrieux. Il peut tout accepter, mais pas l'amour de son fils pour Manon. Et à la fin du roman, soudainement, il se range du côté de ceux qui sont les obstacles à son fils. Il devient l'allié du vieux GM, justement, mais c'est évidemment beaucoup plus tard que la scène que j'ai citée il y a quelques instants. Et il maudit son fils. Il ne peut plus supporter à ce moment-là que Desgrieux continue dans son aventure avec Manon. Et il se fait l'allié du vieux GM. au moment où Dégrieux fait un parallèle entre Manon et sa propre mère, qui est morte quelques années auparavant, et à ce moment-là, il maudit son fils, littéralement, en lui disant cours à ta perte je te laisse tomber autrement dit. Et il ressemble à ce titre-là au père noble qu'on trouve dans les tragédies. Et le fils, on peut dire qu'il ne cesse pas de le respecter, même si à un moment il veut se venger de lui, mais il ne cesse pas de respecter son père jusqu'à la fin du roman. Et... Après cet épisode-là, sa tentative de retrouver le droit chemin à la Nouvelle Orléans, en quelque sorte, se termine aussi par un châtiment, qui est rendu au milieu du désert, au moment de la mort de Manon, par le destin, par le ciel. Et ce châtiment-là, c'est précisément la punition qui lui était promise par son père, avant qu'il ne quitte le vieux continent pour aller vers l'Amérique. Et tout le drame de Desgrieux, c'est le combat perdu d'avance contre la malédiction qui est attachée à l'amour, qui est attachée à la passion. Et l'amour, dans le monde de Manon Lescaut, est exclu de la société, est exclu de la réalité, en tout cas quand il prend la forme de cette passion. Et ce héros, qui est un héros sincère, naturel, comme un héros de tragédie, après tout, qui n'est pas coupable, en tout cas pas entièrement coupable, est condamné. de ce fait-là, c'est-à-dire du fait de sa passion amoureuse, condamné à mentir, à devenir un imposteur, à se révolter, et condamné tout court jusqu'à la fin, tout simplement parce qu'il se heurte à la réalité, à la loi, à la religion, et il échoue complètement dans son projet, et on peut dire qu'il échoue à être heureux. Et à la fin, de fait, on le voit enterrer, sa maîtresse, lentement, de ses propres mains. et souhaitait mourir lui-même aussi. Et s'il ne meurt pas, puisqu'il revient finalement à la Nouvelle-Orléans, puis qu'il revient ensuite en Europe avec Tiberge, mais en tout cas on peut dire qu'il revient sous la forme d'une espèce de fantôme, de mort vivant, et que sa vie est déjà finie. Comme dit Jean Sgar dans le livre que je vous ai cité au début, il se survit à lui-même. Et Manon elle-même ressuscite, elle est toujours là. dans son souvenir et il ne s'arrête jamais de penser à elle et il peut précisément continuer sa vie en ne faisant que la chanter, la célébrer et penser sans cesse à elle Pour conclure, en quelque sorte, on peut dire que Manon Lescaut, c'est une sorte de roman mythique, comme un mythe de Platon qui signifierait quelque chose de la situation dans laquelle est tout être humain. Un livre, un roman mythique qui est centré sur l'analyse de l'émotion et en particulier de la passion amoureuse, puisque Desgrieux représente l'âme sensible. Il est animé lui-même de mille passions. Et son élévation d'esprit... Son désintéressement lui permet de ne vivre qu'à travers son cœur. Mais on peut dire que l'ascension très romanesque de son âme vers la grandeur, la perfection de son amour, se heurte tout simplement à la réalité très humaine des relations qui existent dans la réalité, et non pas seulement dans les fantasmes et l'idéalisation qui est poussée par la passion. Et comme dans une tragédie, c'est bien la destinée qui commande, c'est le destin à partir du moment où des grilleux a rencontré manon l'amour ne repose plus sur son choix l'amour que vie des grilleux n'est pas la grandeur de son âme il est une véritable passion c'est à dire une sorte de maladie c'est l'amour passionnel tel qu'il est théorisé à cette époque là par certains par certains philosophes qu'on trouve aussi dans la poésie romaine de l'antiquité et qu'on trouvera de manière plus forte encore et plus clair dans la littérature romantique et même avant cela, à la fin du XVIIIe siècle, dans les souffrances du jeune Werther de Goethe par exemple, en Allemagne. Et il faut voir aussi un aspect dans tout ça, c'est que, dans le fond, des grilleux méprisent Manon sur le plan social. Mais pour autant, chacune des trahisons de Manon l'enchaîne encore plus à elle. Et il est important, on s'en rend moins compte aujourd'hui, parce qu'évidemment la société a changé, mais Manon est de naissance médiocre. Et ça, c'est très important pour cette époque. Elle est d'une classe sociale, elle est d'une naissance qui est complètement différente de Dégrius. Mais ça n'empêche pas, et c'est évidemment un élément qui est encore plus important, et on le voit d'ailleurs dans le fait qu'elle soit portée au plaisir, qu'elle soit coquette, qu'elle soit menteuse, qu'elle soit éblouie très facilement par la fortune des autres, par tout ce qui brille. Elle a, et c'est certainement encore plus visible à l'époque pour le lecteur et la lectrice du XVIIIe siècle, un fond de vulgarité. de grossièreté de sentiments. Et pour la rejoindre, des grilleux doit changer d'univers, doit changer de monde. Sa noblesse à lui le pousse à l'aimer, sans réserve, sans calcul. Mais la nature de cet amour, c'est-à-dire la passion, l'oblige en même temps à perdre toutes les marques de sa noblesse de naissance, puisqu'il devient libertin, voleur, tricheur, hypocrite. Et même, on pourrait dire, un bandit aux côtés de l'esco. Et finalement, la noblesse de Desgrieux se traduit par son consentement, par son acceptation totale à la déchéance sociale, puisqu'il accepte de redescendre dans la hiérarchie sociale. Et pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce qu'il est pris par le sentiment de la passion amoureuse. Pour aimer plus, pour aimer toujours, le héros accepte de perdre toute qualité. il accepte de finir comme un misérable. Et ici, on peut dire que le tragique se mesure à l'absence totale de compromis, à la radicalité des choix du personnage. Et tout au long du roman, il est clair pour nous, lecteurs, lectrices aujourd'hui, que la vie du cœur, pour Desgrieux, s'oppose de manière radicale à la vie banale. Ce sont deux mondes totalement différents. Et cette opposition radicale entre deux mondes, entre deux univers, on le voit dans un passage de manière extrêmement frappante. Quand des grilleux, après un an et demi passé dans la tranquillité, la rêverie, retrouvent Manon à Saint-Sulpice, il est d'abord complètement engourdi. Et il passe dans cette scène, ça fait 3-4 pages dans notre livre de poche moderne, il passe du silence total au transport. Il passe de la vie morne, monotone, à la vie passionnelle. Et on le voit de manière extrêmement rapide tout au long de ces quelques pages. Il entre dans un nouvel ordre. Il était revenu dans une forme de tranquillité, de langueur, et tout d'un coup, il revient dans le transport et dans la passion. Et d'ailleurs, le narrateur, donc dégrieux, le dit de cette façon-là, je vous cite le texte. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été au mouvement tumultueux que je sentais renaître, j'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsque l'on se trouve la nuit dans une campagne écartée. On se croit transporté dans un nouvel ordre de choses. On y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs. On voit bien dans cet extrait qu'on passe, et c'est ce qui arrive sans cesse dans les différents éléments qui sont opposés dans le roman, de la vie banale, de la vie ordinaire, à la vie du cœur, à la vie de la passion. Et de fait, ensuite, dans la suite du récit, et juste avant d'ailleurs, chaque trahison de Manon laisse des grilleux complètement désemparés, complètement à terre. Et cette intensité du sentiment est caractéristique du chevalier. Il le dit comme ça d'ailleurs. Cette charmante créature était si absolument maîtresse de mon âme que je n'avais pas un seul petit sentiment qui ne fut de l'estime et de l'amour. C'est un amour total. C'est une passion qui est absolument radicale. Et ce qui est inhérent à cette passion, c'est le dérèglement. C'est la nature même de l'amour. qui destine celui qui en est porteur au désordre. Et l'élan de Desgrieux pour échapper à la médiocrité de la réalité, eh bien, il reste vain. Et c'est là la tragédie, finalement. Et on peut dire qu'à ce titre-là, l'auteur, Prévost, est pessimiste. Parce que la réalité qui est entrevue au tout début, dans l'avant-propos, triomphe, finalement, dans le dénouement. Et à la fin, Desgrieux fait le deuil. de son bonheur, celui qu'il fantasmait, et on revient avec lui, mais sans enthousiasme, aux règles de l'honneur, aux règles de la religion. Et on peut dire à ce titre-là que Prévost porte une vision qui est très tragique de la passion amoureuse, et on pourrait même dire tragique de l'existence humaine. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur cette lecture de Manon Lescaut comme une tragédie de la passion amoureuse. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao !

Description

Manon Lescaut est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité, l'échec du cœur romanesque de Des Grieux. C'est la montée d'une sensibilité, qui s'achève sur une conversion et un deuil de tout, une douleur immense assumée par le personnage. Prévost exprime cela dans une brève tragédie de la passion amoureuse.

Pour lui, le dérèglement est inhérent à la passion et, comme la passion est dans la nature de l'homme, c'est la nature même qui est destiné au désordre. L'élan de Des Grieux pour échapper à la médiocre réalité reste vain. Le roman de Prévost porte une image profondément pessimiste de la vie humaine. À la fin, après une tranche de vie romanesque et passionnée, Des Grieux fait son deuil du bonheur. Il revient sans enthousiasme aux règles de l'honneur et de la religion. Prévost porte une vision tragique de l'existence.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons essayer de lire Manon Lescaut de l'abbé Prévost, comme une tragédie de la passion amoureuse. Manon Lescaut, c'est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité. C'est l'échec du cœur romanesque de Dégrieux, la montée de sa sensibilité, qui s'achève sur une conversion vers un deuil parfait, avec une douleur immense qui est assumée par le héros. Et Prévost, l'abbé Prévost, l'auteur de ce roman, exprime cela dans ce qu'on pourrait considérer comme une brève tragédie de la passion amoureuse. Alors comme le dit un critique, un spécialiste très célèbre de l'abbé Prévost qui s'appelle Jean Segar dans son livre Prévost romancier, au tout début, Dégrieux est un très jeune garçon innocent. Il sort du collège et on peut dire qu'il a à peine commencé à vivre. Et c'est justement par l'amour qu'il accède à la vie. Cet amour doit paraître naturellement innocent et c'est pour cette raison que le récit insiste énormément au début sur la jeunesse des amants, non seulement des Grieux, mais aussi Manon, sur le naturel, l'ardeur, l'insouciance de leur première passion. Ce sont, comme dit le narrateur, deux enfants. Et dans la première partie, Dégrieux est extrêmement innocent, c'est le moins qu'on puisse dire, et ça nous choque très souvent. Il a beaucoup trop de simplicité pour soupçonner Manon. Il se fait avoir, on pourrait le dire comme ça, comme un enfant. Et il est puni comme un enfant. Et sa tristesse, ses emportements, ses colères font rire son père. Son père qui le regarde, encore une fois, comme un enfant. Et ses sentiments naissants, sa passion amoureuse pour Manon est totalement irresponsable. Il voit l'autre, il l'aime, on s'enfuit ensemble et puis on vit l'un avec l'autre sans responsabilité, sans remords, comme dans un rêve. Un rêve innocent, on pourrait dire un rêve d'enfant. Et une fois que Desgrieux a perdu son innocence, parce que ça arrive quand même petit à petit dans le récit, il essaiera de la maintenir quand même, dans la seconde période de leurs amours, mais cette fois par une forme d'insouciance qui passe par le jeu et par ce qui ressemble un peu à une comédie. Et il est maintenant une sorte de novice dans le monde des adultes qui joue. Et il joue par exemple au petit frère orphelin de Manon devant le vieux GM. Il se déguise en jeune collégien dans cette scène de la première partie, c'est-à-dire dans ce qu'il est un mois plus tôt. Un jeune collégien, un jeune enfant. Il se réfugie, on peut le dire, dans une parodie. Et dans cette atmosphère de fantaisie, il peut se faire croire à lui-même. qu'il continue de jouer, qu'il continue à être cet enfant innocent du tout début. Et on peut dire que la mascarade qui est jouée par des grilleux, devant le vieux GM et devant Manon et Lescaut qui sont un peu inquiets par le jeu que jouent des grilleux, les éclats de rire étouffés qu'il y a entre eux maintiennent une espèce de climat d'enfance, un climat innocent. Dans ce passage de Manon Lescaut, ça donne ce texte-là, je vous le cite pour quelques phrases. Toute notre conversation fut à peu près du même goût pendant le souper. Manon, qui était badine, fut plusieurs fois sur le point de gâter tout par ses éclats de rire. Je trouvais l'occasion en soupant de lui raconter sa propre histoire et le mauvais sort qui le menaçait. Lescaut et Manon tremblaient pendant mon récit, surtout lorsque je faisais son portrait au naturel. J'arrête là pour la citation, et je vous rappelle que dans cet extrait-là, on cherche, enfin, Manon Lescaut... Dégrieux et Lescaut, le frère de Manon, cherchent à tromper le vieux GM en lui volant son argent et s'organisent un dîner auquel Dégrieux participe. Mais Dégrieux ne dit évidemment pas qu'il est l'amant ou le compagnon de Manon puisqu'il s'agit justement de faire croire au vieux GM qui va passer la nuit avec Manon juste après et lui joue la comédie. Et toute cette imposture en fait est extrêmement dangereuse parce qu'une scène ridicule... comme celle que jouent le chevalier des Grilleux et Manon à ce moment-là, peut se retourner contre eux. Et le vieillard GM peut toujours s'armer et se venger contre eux, et c'est d'ailleurs ce qui va se passer après, puisque en plusieurs temps, pour faire court, il surprend les amants au moment de se mettre au lit un peu plus tard, leur glace le sang, et c'est lui qui est à l'origine de l'enfermement de Manon, et même à la fin, à sa déportation vers l'Amérique. Et on peut dire donc que Manon Lescaut c'est le conflit entre le jeune amant qu'on veut priver de ses amours et une série de vieillards qui sont tous contre lui. Et puis comme c'est lui qui raconte son histoire c'est aussi le récit et l'apologie on peut le dire, l'autodéfense d'un fils qui est coupable et qui s'adresse à son père, à son père qui est parfait et qui finit d'ailleurs par être un acteur principal de sa punition. Et ce père, on le rencontre au début et à la fin du roman. Et il est admirable, le père de Dégrieux, c'est un homme d'esprit. Il est indulgent, il est sensible, et à la fin seulement, il lâche son fils pour le condamner. On peut dire qu'il ressemble un petit peu au dieu bon et au dieu cruel, qui domine dans les tragédies, qui domine la destinée de ce personnage de Dégrieux. Il peut tout accepter, mais pas l'amour de son fils pour Manon. Et à la fin du roman, soudainement, il se range du côté de ceux qui sont les obstacles à son fils. Il devient l'allié du vieux GM, justement, mais c'est évidemment beaucoup plus tard que la scène que j'ai citée il y a quelques instants. Et il maudit son fils. Il ne peut plus supporter à ce moment-là que Desgrieux continue dans son aventure avec Manon. Et il se fait l'allié du vieux GM. au moment où Dégrieux fait un parallèle entre Manon et sa propre mère, qui est morte quelques années auparavant, et à ce moment-là, il maudit son fils, littéralement, en lui disant cours à ta perte je te laisse tomber autrement dit. Et il ressemble à ce titre-là au père noble qu'on trouve dans les tragédies. Et le fils, on peut dire qu'il ne cesse pas de le respecter, même si à un moment il veut se venger de lui, mais il ne cesse pas de respecter son père jusqu'à la fin du roman. Et... Après cet épisode-là, sa tentative de retrouver le droit chemin à la Nouvelle Orléans, en quelque sorte, se termine aussi par un châtiment, qui est rendu au milieu du désert, au moment de la mort de Manon, par le destin, par le ciel. Et ce châtiment-là, c'est précisément la punition qui lui était promise par son père, avant qu'il ne quitte le vieux continent pour aller vers l'Amérique. Et tout le drame de Desgrieux, c'est le combat perdu d'avance contre la malédiction qui est attachée à l'amour, qui est attachée à la passion. Et l'amour, dans le monde de Manon Lescaut, est exclu de la société, est exclu de la réalité, en tout cas quand il prend la forme de cette passion. Et ce héros, qui est un héros sincère, naturel, comme un héros de tragédie, après tout, qui n'est pas coupable, en tout cas pas entièrement coupable, est condamné. de ce fait-là, c'est-à-dire du fait de sa passion amoureuse, condamné à mentir, à devenir un imposteur, à se révolter, et condamné tout court jusqu'à la fin, tout simplement parce qu'il se heurte à la réalité, à la loi, à la religion, et il échoue complètement dans son projet, et on peut dire qu'il échoue à être heureux. Et à la fin, de fait, on le voit enterrer, sa maîtresse, lentement, de ses propres mains. et souhaitait mourir lui-même aussi. Et s'il ne meurt pas, puisqu'il revient finalement à la Nouvelle-Orléans, puis qu'il revient ensuite en Europe avec Tiberge, mais en tout cas on peut dire qu'il revient sous la forme d'une espèce de fantôme, de mort vivant, et que sa vie est déjà finie. Comme dit Jean Sgar dans le livre que je vous ai cité au début, il se survit à lui-même. Et Manon elle-même ressuscite, elle est toujours là. dans son souvenir et il ne s'arrête jamais de penser à elle et il peut précisément continuer sa vie en ne faisant que la chanter, la célébrer et penser sans cesse à elle Pour conclure, en quelque sorte, on peut dire que Manon Lescaut, c'est une sorte de roman mythique, comme un mythe de Platon qui signifierait quelque chose de la situation dans laquelle est tout être humain. Un livre, un roman mythique qui est centré sur l'analyse de l'émotion et en particulier de la passion amoureuse, puisque Desgrieux représente l'âme sensible. Il est animé lui-même de mille passions. Et son élévation d'esprit... Son désintéressement lui permet de ne vivre qu'à travers son cœur. Mais on peut dire que l'ascension très romanesque de son âme vers la grandeur, la perfection de son amour, se heurte tout simplement à la réalité très humaine des relations qui existent dans la réalité, et non pas seulement dans les fantasmes et l'idéalisation qui est poussée par la passion. Et comme dans une tragédie, c'est bien la destinée qui commande, c'est le destin à partir du moment où des grilleux a rencontré manon l'amour ne repose plus sur son choix l'amour que vie des grilleux n'est pas la grandeur de son âme il est une véritable passion c'est à dire une sorte de maladie c'est l'amour passionnel tel qu'il est théorisé à cette époque là par certains par certains philosophes qu'on trouve aussi dans la poésie romaine de l'antiquité et qu'on trouvera de manière plus forte encore et plus clair dans la littérature romantique et même avant cela, à la fin du XVIIIe siècle, dans les souffrances du jeune Werther de Goethe par exemple, en Allemagne. Et il faut voir aussi un aspect dans tout ça, c'est que, dans le fond, des grilleux méprisent Manon sur le plan social. Mais pour autant, chacune des trahisons de Manon l'enchaîne encore plus à elle. Et il est important, on s'en rend moins compte aujourd'hui, parce qu'évidemment la société a changé, mais Manon est de naissance médiocre. Et ça, c'est très important pour cette époque. Elle est d'une classe sociale, elle est d'une naissance qui est complètement différente de Dégrius. Mais ça n'empêche pas, et c'est évidemment un élément qui est encore plus important, et on le voit d'ailleurs dans le fait qu'elle soit portée au plaisir, qu'elle soit coquette, qu'elle soit menteuse, qu'elle soit éblouie très facilement par la fortune des autres, par tout ce qui brille. Elle a, et c'est certainement encore plus visible à l'époque pour le lecteur et la lectrice du XVIIIe siècle, un fond de vulgarité. de grossièreté de sentiments. Et pour la rejoindre, des grilleux doit changer d'univers, doit changer de monde. Sa noblesse à lui le pousse à l'aimer, sans réserve, sans calcul. Mais la nature de cet amour, c'est-à-dire la passion, l'oblige en même temps à perdre toutes les marques de sa noblesse de naissance, puisqu'il devient libertin, voleur, tricheur, hypocrite. Et même, on pourrait dire, un bandit aux côtés de l'esco. Et finalement, la noblesse de Desgrieux se traduit par son consentement, par son acceptation totale à la déchéance sociale, puisqu'il accepte de redescendre dans la hiérarchie sociale. Et pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce qu'il est pris par le sentiment de la passion amoureuse. Pour aimer plus, pour aimer toujours, le héros accepte de perdre toute qualité. il accepte de finir comme un misérable. Et ici, on peut dire que le tragique se mesure à l'absence totale de compromis, à la radicalité des choix du personnage. Et tout au long du roman, il est clair pour nous, lecteurs, lectrices aujourd'hui, que la vie du cœur, pour Desgrieux, s'oppose de manière radicale à la vie banale. Ce sont deux mondes totalement différents. Et cette opposition radicale entre deux mondes, entre deux univers, on le voit dans un passage de manière extrêmement frappante. Quand des grilleux, après un an et demi passé dans la tranquillité, la rêverie, retrouvent Manon à Saint-Sulpice, il est d'abord complètement engourdi. Et il passe dans cette scène, ça fait 3-4 pages dans notre livre de poche moderne, il passe du silence total au transport. Il passe de la vie morne, monotone, à la vie passionnelle. Et on le voit de manière extrêmement rapide tout au long de ces quelques pages. Il entre dans un nouvel ordre. Il était revenu dans une forme de tranquillité, de langueur, et tout d'un coup, il revient dans le transport et dans la passion. Et d'ailleurs, le narrateur, donc dégrieux, le dit de cette façon-là, je vous cite le texte. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été au mouvement tumultueux que je sentais renaître, j'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsque l'on se trouve la nuit dans une campagne écartée. On se croit transporté dans un nouvel ordre de choses. On y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs. On voit bien dans cet extrait qu'on passe, et c'est ce qui arrive sans cesse dans les différents éléments qui sont opposés dans le roman, de la vie banale, de la vie ordinaire, à la vie du cœur, à la vie de la passion. Et de fait, ensuite, dans la suite du récit, et juste avant d'ailleurs, chaque trahison de Manon laisse des grilleux complètement désemparés, complètement à terre. Et cette intensité du sentiment est caractéristique du chevalier. Il le dit comme ça d'ailleurs. Cette charmante créature était si absolument maîtresse de mon âme que je n'avais pas un seul petit sentiment qui ne fut de l'estime et de l'amour. C'est un amour total. C'est une passion qui est absolument radicale. Et ce qui est inhérent à cette passion, c'est le dérèglement. C'est la nature même de l'amour. qui destine celui qui en est porteur au désordre. Et l'élan de Desgrieux pour échapper à la médiocrité de la réalité, eh bien, il reste vain. Et c'est là la tragédie, finalement. Et on peut dire qu'à ce titre-là, l'auteur, Prévost, est pessimiste. Parce que la réalité qui est entrevue au tout début, dans l'avant-propos, triomphe, finalement, dans le dénouement. Et à la fin, Desgrieux fait le deuil. de son bonheur, celui qu'il fantasmait, et on revient avec lui, mais sans enthousiasme, aux règles de l'honneur, aux règles de la religion. Et on peut dire à ce titre-là que Prévost porte une vision qui est très tragique de la passion amoureuse, et on pourrait même dire tragique de l'existence humaine. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur cette lecture de Manon Lescaut comme une tragédie de la passion amoureuse. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao !

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Description

Manon Lescaut est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité, l'échec du cœur romanesque de Des Grieux. C'est la montée d'une sensibilité, qui s'achève sur une conversion et un deuil de tout, une douleur immense assumée par le personnage. Prévost exprime cela dans une brève tragédie de la passion amoureuse.

Pour lui, le dérèglement est inhérent à la passion et, comme la passion est dans la nature de l'homme, c'est la nature même qui est destiné au désordre. L'élan de Des Grieux pour échapper à la médiocre réalité reste vain. Le roman de Prévost porte une image profondément pessimiste de la vie humaine. À la fin, après une tranche de vie romanesque et passionnée, Des Grieux fait son deuil du bonheur. Il revient sans enthousiasme aux règles de l'honneur et de la religion. Prévost porte une vision tragique de l'existence.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons essayer de lire Manon Lescaut de l'abbé Prévost, comme une tragédie de la passion amoureuse. Manon Lescaut, c'est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité. C'est l'échec du cœur romanesque de Dégrieux, la montée de sa sensibilité, qui s'achève sur une conversion vers un deuil parfait, avec une douleur immense qui est assumée par le héros. Et Prévost, l'abbé Prévost, l'auteur de ce roman, exprime cela dans ce qu'on pourrait considérer comme une brève tragédie de la passion amoureuse. Alors comme le dit un critique, un spécialiste très célèbre de l'abbé Prévost qui s'appelle Jean Segar dans son livre Prévost romancier, au tout début, Dégrieux est un très jeune garçon innocent. Il sort du collège et on peut dire qu'il a à peine commencé à vivre. Et c'est justement par l'amour qu'il accède à la vie. Cet amour doit paraître naturellement innocent et c'est pour cette raison que le récit insiste énormément au début sur la jeunesse des amants, non seulement des Grieux, mais aussi Manon, sur le naturel, l'ardeur, l'insouciance de leur première passion. Ce sont, comme dit le narrateur, deux enfants. Et dans la première partie, Dégrieux est extrêmement innocent, c'est le moins qu'on puisse dire, et ça nous choque très souvent. Il a beaucoup trop de simplicité pour soupçonner Manon. Il se fait avoir, on pourrait le dire comme ça, comme un enfant. Et il est puni comme un enfant. Et sa tristesse, ses emportements, ses colères font rire son père. Son père qui le regarde, encore une fois, comme un enfant. Et ses sentiments naissants, sa passion amoureuse pour Manon est totalement irresponsable. Il voit l'autre, il l'aime, on s'enfuit ensemble et puis on vit l'un avec l'autre sans responsabilité, sans remords, comme dans un rêve. Un rêve innocent, on pourrait dire un rêve d'enfant. Et une fois que Desgrieux a perdu son innocence, parce que ça arrive quand même petit à petit dans le récit, il essaiera de la maintenir quand même, dans la seconde période de leurs amours, mais cette fois par une forme d'insouciance qui passe par le jeu et par ce qui ressemble un peu à une comédie. Et il est maintenant une sorte de novice dans le monde des adultes qui joue. Et il joue par exemple au petit frère orphelin de Manon devant le vieux GM. Il se déguise en jeune collégien dans cette scène de la première partie, c'est-à-dire dans ce qu'il est un mois plus tôt. Un jeune collégien, un jeune enfant. Il se réfugie, on peut le dire, dans une parodie. Et dans cette atmosphère de fantaisie, il peut se faire croire à lui-même. qu'il continue de jouer, qu'il continue à être cet enfant innocent du tout début. Et on peut dire que la mascarade qui est jouée par des grilleux, devant le vieux GM et devant Manon et Lescaut qui sont un peu inquiets par le jeu que jouent des grilleux, les éclats de rire étouffés qu'il y a entre eux maintiennent une espèce de climat d'enfance, un climat innocent. Dans ce passage de Manon Lescaut, ça donne ce texte-là, je vous le cite pour quelques phrases. Toute notre conversation fut à peu près du même goût pendant le souper. Manon, qui était badine, fut plusieurs fois sur le point de gâter tout par ses éclats de rire. Je trouvais l'occasion en soupant de lui raconter sa propre histoire et le mauvais sort qui le menaçait. Lescaut et Manon tremblaient pendant mon récit, surtout lorsque je faisais son portrait au naturel. J'arrête là pour la citation, et je vous rappelle que dans cet extrait-là, on cherche, enfin, Manon Lescaut... Dégrieux et Lescaut, le frère de Manon, cherchent à tromper le vieux GM en lui volant son argent et s'organisent un dîner auquel Dégrieux participe. Mais Dégrieux ne dit évidemment pas qu'il est l'amant ou le compagnon de Manon puisqu'il s'agit justement de faire croire au vieux GM qui va passer la nuit avec Manon juste après et lui joue la comédie. Et toute cette imposture en fait est extrêmement dangereuse parce qu'une scène ridicule... comme celle que jouent le chevalier des Grilleux et Manon à ce moment-là, peut se retourner contre eux. Et le vieillard GM peut toujours s'armer et se venger contre eux, et c'est d'ailleurs ce qui va se passer après, puisque en plusieurs temps, pour faire court, il surprend les amants au moment de se mettre au lit un peu plus tard, leur glace le sang, et c'est lui qui est à l'origine de l'enfermement de Manon, et même à la fin, à sa déportation vers l'Amérique. Et on peut dire donc que Manon Lescaut c'est le conflit entre le jeune amant qu'on veut priver de ses amours et une série de vieillards qui sont tous contre lui. Et puis comme c'est lui qui raconte son histoire c'est aussi le récit et l'apologie on peut le dire, l'autodéfense d'un fils qui est coupable et qui s'adresse à son père, à son père qui est parfait et qui finit d'ailleurs par être un acteur principal de sa punition. Et ce père, on le rencontre au début et à la fin du roman. Et il est admirable, le père de Dégrieux, c'est un homme d'esprit. Il est indulgent, il est sensible, et à la fin seulement, il lâche son fils pour le condamner. On peut dire qu'il ressemble un petit peu au dieu bon et au dieu cruel, qui domine dans les tragédies, qui domine la destinée de ce personnage de Dégrieux. Il peut tout accepter, mais pas l'amour de son fils pour Manon. Et à la fin du roman, soudainement, il se range du côté de ceux qui sont les obstacles à son fils. Il devient l'allié du vieux GM, justement, mais c'est évidemment beaucoup plus tard que la scène que j'ai citée il y a quelques instants. Et il maudit son fils. Il ne peut plus supporter à ce moment-là que Desgrieux continue dans son aventure avec Manon. Et il se fait l'allié du vieux GM. au moment où Dégrieux fait un parallèle entre Manon et sa propre mère, qui est morte quelques années auparavant, et à ce moment-là, il maudit son fils, littéralement, en lui disant cours à ta perte je te laisse tomber autrement dit. Et il ressemble à ce titre-là au père noble qu'on trouve dans les tragédies. Et le fils, on peut dire qu'il ne cesse pas de le respecter, même si à un moment il veut se venger de lui, mais il ne cesse pas de respecter son père jusqu'à la fin du roman. Et... Après cet épisode-là, sa tentative de retrouver le droit chemin à la Nouvelle Orléans, en quelque sorte, se termine aussi par un châtiment, qui est rendu au milieu du désert, au moment de la mort de Manon, par le destin, par le ciel. Et ce châtiment-là, c'est précisément la punition qui lui était promise par son père, avant qu'il ne quitte le vieux continent pour aller vers l'Amérique. Et tout le drame de Desgrieux, c'est le combat perdu d'avance contre la malédiction qui est attachée à l'amour, qui est attachée à la passion. Et l'amour, dans le monde de Manon Lescaut, est exclu de la société, est exclu de la réalité, en tout cas quand il prend la forme de cette passion. Et ce héros, qui est un héros sincère, naturel, comme un héros de tragédie, après tout, qui n'est pas coupable, en tout cas pas entièrement coupable, est condamné. de ce fait-là, c'est-à-dire du fait de sa passion amoureuse, condamné à mentir, à devenir un imposteur, à se révolter, et condamné tout court jusqu'à la fin, tout simplement parce qu'il se heurte à la réalité, à la loi, à la religion, et il échoue complètement dans son projet, et on peut dire qu'il échoue à être heureux. Et à la fin, de fait, on le voit enterrer, sa maîtresse, lentement, de ses propres mains. et souhaitait mourir lui-même aussi. Et s'il ne meurt pas, puisqu'il revient finalement à la Nouvelle-Orléans, puis qu'il revient ensuite en Europe avec Tiberge, mais en tout cas on peut dire qu'il revient sous la forme d'une espèce de fantôme, de mort vivant, et que sa vie est déjà finie. Comme dit Jean Sgar dans le livre que je vous ai cité au début, il se survit à lui-même. Et Manon elle-même ressuscite, elle est toujours là. dans son souvenir et il ne s'arrête jamais de penser à elle et il peut précisément continuer sa vie en ne faisant que la chanter, la célébrer et penser sans cesse à elle Pour conclure, en quelque sorte, on peut dire que Manon Lescaut, c'est une sorte de roman mythique, comme un mythe de Platon qui signifierait quelque chose de la situation dans laquelle est tout être humain. Un livre, un roman mythique qui est centré sur l'analyse de l'émotion et en particulier de la passion amoureuse, puisque Desgrieux représente l'âme sensible. Il est animé lui-même de mille passions. Et son élévation d'esprit... Son désintéressement lui permet de ne vivre qu'à travers son cœur. Mais on peut dire que l'ascension très romanesque de son âme vers la grandeur, la perfection de son amour, se heurte tout simplement à la réalité très humaine des relations qui existent dans la réalité, et non pas seulement dans les fantasmes et l'idéalisation qui est poussée par la passion. Et comme dans une tragédie, c'est bien la destinée qui commande, c'est le destin à partir du moment où des grilleux a rencontré manon l'amour ne repose plus sur son choix l'amour que vie des grilleux n'est pas la grandeur de son âme il est une véritable passion c'est à dire une sorte de maladie c'est l'amour passionnel tel qu'il est théorisé à cette époque là par certains par certains philosophes qu'on trouve aussi dans la poésie romaine de l'antiquité et qu'on trouvera de manière plus forte encore et plus clair dans la littérature romantique et même avant cela, à la fin du XVIIIe siècle, dans les souffrances du jeune Werther de Goethe par exemple, en Allemagne. Et il faut voir aussi un aspect dans tout ça, c'est que, dans le fond, des grilleux méprisent Manon sur le plan social. Mais pour autant, chacune des trahisons de Manon l'enchaîne encore plus à elle. Et il est important, on s'en rend moins compte aujourd'hui, parce qu'évidemment la société a changé, mais Manon est de naissance médiocre. Et ça, c'est très important pour cette époque. Elle est d'une classe sociale, elle est d'une naissance qui est complètement différente de Dégrius. Mais ça n'empêche pas, et c'est évidemment un élément qui est encore plus important, et on le voit d'ailleurs dans le fait qu'elle soit portée au plaisir, qu'elle soit coquette, qu'elle soit menteuse, qu'elle soit éblouie très facilement par la fortune des autres, par tout ce qui brille. Elle a, et c'est certainement encore plus visible à l'époque pour le lecteur et la lectrice du XVIIIe siècle, un fond de vulgarité. de grossièreté de sentiments. Et pour la rejoindre, des grilleux doit changer d'univers, doit changer de monde. Sa noblesse à lui le pousse à l'aimer, sans réserve, sans calcul. Mais la nature de cet amour, c'est-à-dire la passion, l'oblige en même temps à perdre toutes les marques de sa noblesse de naissance, puisqu'il devient libertin, voleur, tricheur, hypocrite. Et même, on pourrait dire, un bandit aux côtés de l'esco. Et finalement, la noblesse de Desgrieux se traduit par son consentement, par son acceptation totale à la déchéance sociale, puisqu'il accepte de redescendre dans la hiérarchie sociale. Et pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce qu'il est pris par le sentiment de la passion amoureuse. Pour aimer plus, pour aimer toujours, le héros accepte de perdre toute qualité. il accepte de finir comme un misérable. Et ici, on peut dire que le tragique se mesure à l'absence totale de compromis, à la radicalité des choix du personnage. Et tout au long du roman, il est clair pour nous, lecteurs, lectrices aujourd'hui, que la vie du cœur, pour Desgrieux, s'oppose de manière radicale à la vie banale. Ce sont deux mondes totalement différents. Et cette opposition radicale entre deux mondes, entre deux univers, on le voit dans un passage de manière extrêmement frappante. Quand des grilleux, après un an et demi passé dans la tranquillité, la rêverie, retrouvent Manon à Saint-Sulpice, il est d'abord complètement engourdi. Et il passe dans cette scène, ça fait 3-4 pages dans notre livre de poche moderne, il passe du silence total au transport. Il passe de la vie morne, monotone, à la vie passionnelle. Et on le voit de manière extrêmement rapide tout au long de ces quelques pages. Il entre dans un nouvel ordre. Il était revenu dans une forme de tranquillité, de langueur, et tout d'un coup, il revient dans le transport et dans la passion. Et d'ailleurs, le narrateur, donc dégrieux, le dit de cette façon-là, je vous cite le texte. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été au mouvement tumultueux que je sentais renaître, j'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsque l'on se trouve la nuit dans une campagne écartée. On se croit transporté dans un nouvel ordre de choses. On y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs. On voit bien dans cet extrait qu'on passe, et c'est ce qui arrive sans cesse dans les différents éléments qui sont opposés dans le roman, de la vie banale, de la vie ordinaire, à la vie du cœur, à la vie de la passion. Et de fait, ensuite, dans la suite du récit, et juste avant d'ailleurs, chaque trahison de Manon laisse des grilleux complètement désemparés, complètement à terre. Et cette intensité du sentiment est caractéristique du chevalier. Il le dit comme ça d'ailleurs. Cette charmante créature était si absolument maîtresse de mon âme que je n'avais pas un seul petit sentiment qui ne fut de l'estime et de l'amour. C'est un amour total. C'est une passion qui est absolument radicale. Et ce qui est inhérent à cette passion, c'est le dérèglement. C'est la nature même de l'amour. qui destine celui qui en est porteur au désordre. Et l'élan de Desgrieux pour échapper à la médiocrité de la réalité, eh bien, il reste vain. Et c'est là la tragédie, finalement. Et on peut dire qu'à ce titre-là, l'auteur, Prévost, est pessimiste. Parce que la réalité qui est entrevue au tout début, dans l'avant-propos, triomphe, finalement, dans le dénouement. Et à la fin, Desgrieux fait le deuil. de son bonheur, celui qu'il fantasmait, et on revient avec lui, mais sans enthousiasme, aux règles de l'honneur, aux règles de la religion. Et on peut dire à ce titre-là que Prévost porte une vision qui est très tragique de la passion amoureuse, et on pourrait même dire tragique de l'existence humaine. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur cette lecture de Manon Lescaut comme une tragédie de la passion amoureuse. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao !

Description

Manon Lescaut est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité, l'échec du cœur romanesque de Des Grieux. C'est la montée d'une sensibilité, qui s'achève sur une conversion et un deuil de tout, une douleur immense assumée par le personnage. Prévost exprime cela dans une brève tragédie de la passion amoureuse.

Pour lui, le dérèglement est inhérent à la passion et, comme la passion est dans la nature de l'homme, c'est la nature même qui est destiné au désordre. L'élan de Des Grieux pour échapper à la médiocre réalité reste vain. Le roman de Prévost porte une image profondément pessimiste de la vie humaine. À la fin, après une tranche de vie romanesque et passionnée, Des Grieux fait son deuil du bonheur. Il revient sans enthousiasme aux règles de l'honneur et de la religion. Prévost porte une vision tragique de l'existence.


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  • Speaker #0

    Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons essayer de lire Manon Lescaut de l'abbé Prévost, comme une tragédie de la passion amoureuse. Manon Lescaut, c'est le choc d'une illusion sentimentale avec la réalité. C'est l'échec du cœur romanesque de Dégrieux, la montée de sa sensibilité, qui s'achève sur une conversion vers un deuil parfait, avec une douleur immense qui est assumée par le héros. Et Prévost, l'abbé Prévost, l'auteur de ce roman, exprime cela dans ce qu'on pourrait considérer comme une brève tragédie de la passion amoureuse. Alors comme le dit un critique, un spécialiste très célèbre de l'abbé Prévost qui s'appelle Jean Segar dans son livre Prévost romancier, au tout début, Dégrieux est un très jeune garçon innocent. Il sort du collège et on peut dire qu'il a à peine commencé à vivre. Et c'est justement par l'amour qu'il accède à la vie. Cet amour doit paraître naturellement innocent et c'est pour cette raison que le récit insiste énormément au début sur la jeunesse des amants, non seulement des Grieux, mais aussi Manon, sur le naturel, l'ardeur, l'insouciance de leur première passion. Ce sont, comme dit le narrateur, deux enfants. Et dans la première partie, Dégrieux est extrêmement innocent, c'est le moins qu'on puisse dire, et ça nous choque très souvent. Il a beaucoup trop de simplicité pour soupçonner Manon. Il se fait avoir, on pourrait le dire comme ça, comme un enfant. Et il est puni comme un enfant. Et sa tristesse, ses emportements, ses colères font rire son père. Son père qui le regarde, encore une fois, comme un enfant. Et ses sentiments naissants, sa passion amoureuse pour Manon est totalement irresponsable. Il voit l'autre, il l'aime, on s'enfuit ensemble et puis on vit l'un avec l'autre sans responsabilité, sans remords, comme dans un rêve. Un rêve innocent, on pourrait dire un rêve d'enfant. Et une fois que Desgrieux a perdu son innocence, parce que ça arrive quand même petit à petit dans le récit, il essaiera de la maintenir quand même, dans la seconde période de leurs amours, mais cette fois par une forme d'insouciance qui passe par le jeu et par ce qui ressemble un peu à une comédie. Et il est maintenant une sorte de novice dans le monde des adultes qui joue. Et il joue par exemple au petit frère orphelin de Manon devant le vieux GM. Il se déguise en jeune collégien dans cette scène de la première partie, c'est-à-dire dans ce qu'il est un mois plus tôt. Un jeune collégien, un jeune enfant. Il se réfugie, on peut le dire, dans une parodie. Et dans cette atmosphère de fantaisie, il peut se faire croire à lui-même. qu'il continue de jouer, qu'il continue à être cet enfant innocent du tout début. Et on peut dire que la mascarade qui est jouée par des grilleux, devant le vieux GM et devant Manon et Lescaut qui sont un peu inquiets par le jeu que jouent des grilleux, les éclats de rire étouffés qu'il y a entre eux maintiennent une espèce de climat d'enfance, un climat innocent. Dans ce passage de Manon Lescaut, ça donne ce texte-là, je vous le cite pour quelques phrases. Toute notre conversation fut à peu près du même goût pendant le souper. Manon, qui était badine, fut plusieurs fois sur le point de gâter tout par ses éclats de rire. Je trouvais l'occasion en soupant de lui raconter sa propre histoire et le mauvais sort qui le menaçait. Lescaut et Manon tremblaient pendant mon récit, surtout lorsque je faisais son portrait au naturel. J'arrête là pour la citation, et je vous rappelle que dans cet extrait-là, on cherche, enfin, Manon Lescaut... Dégrieux et Lescaut, le frère de Manon, cherchent à tromper le vieux GM en lui volant son argent et s'organisent un dîner auquel Dégrieux participe. Mais Dégrieux ne dit évidemment pas qu'il est l'amant ou le compagnon de Manon puisqu'il s'agit justement de faire croire au vieux GM qui va passer la nuit avec Manon juste après et lui joue la comédie. Et toute cette imposture en fait est extrêmement dangereuse parce qu'une scène ridicule... comme celle que jouent le chevalier des Grilleux et Manon à ce moment-là, peut se retourner contre eux. Et le vieillard GM peut toujours s'armer et se venger contre eux, et c'est d'ailleurs ce qui va se passer après, puisque en plusieurs temps, pour faire court, il surprend les amants au moment de se mettre au lit un peu plus tard, leur glace le sang, et c'est lui qui est à l'origine de l'enfermement de Manon, et même à la fin, à sa déportation vers l'Amérique. Et on peut dire donc que Manon Lescaut c'est le conflit entre le jeune amant qu'on veut priver de ses amours et une série de vieillards qui sont tous contre lui. Et puis comme c'est lui qui raconte son histoire c'est aussi le récit et l'apologie on peut le dire, l'autodéfense d'un fils qui est coupable et qui s'adresse à son père, à son père qui est parfait et qui finit d'ailleurs par être un acteur principal de sa punition. Et ce père, on le rencontre au début et à la fin du roman. Et il est admirable, le père de Dégrieux, c'est un homme d'esprit. Il est indulgent, il est sensible, et à la fin seulement, il lâche son fils pour le condamner. On peut dire qu'il ressemble un petit peu au dieu bon et au dieu cruel, qui domine dans les tragédies, qui domine la destinée de ce personnage de Dégrieux. Il peut tout accepter, mais pas l'amour de son fils pour Manon. Et à la fin du roman, soudainement, il se range du côté de ceux qui sont les obstacles à son fils. Il devient l'allié du vieux GM, justement, mais c'est évidemment beaucoup plus tard que la scène que j'ai citée il y a quelques instants. Et il maudit son fils. Il ne peut plus supporter à ce moment-là que Desgrieux continue dans son aventure avec Manon. Et il se fait l'allié du vieux GM. au moment où Dégrieux fait un parallèle entre Manon et sa propre mère, qui est morte quelques années auparavant, et à ce moment-là, il maudit son fils, littéralement, en lui disant cours à ta perte je te laisse tomber autrement dit. Et il ressemble à ce titre-là au père noble qu'on trouve dans les tragédies. Et le fils, on peut dire qu'il ne cesse pas de le respecter, même si à un moment il veut se venger de lui, mais il ne cesse pas de respecter son père jusqu'à la fin du roman. Et... Après cet épisode-là, sa tentative de retrouver le droit chemin à la Nouvelle Orléans, en quelque sorte, se termine aussi par un châtiment, qui est rendu au milieu du désert, au moment de la mort de Manon, par le destin, par le ciel. Et ce châtiment-là, c'est précisément la punition qui lui était promise par son père, avant qu'il ne quitte le vieux continent pour aller vers l'Amérique. Et tout le drame de Desgrieux, c'est le combat perdu d'avance contre la malédiction qui est attachée à l'amour, qui est attachée à la passion. Et l'amour, dans le monde de Manon Lescaut, est exclu de la société, est exclu de la réalité, en tout cas quand il prend la forme de cette passion. Et ce héros, qui est un héros sincère, naturel, comme un héros de tragédie, après tout, qui n'est pas coupable, en tout cas pas entièrement coupable, est condamné. de ce fait-là, c'est-à-dire du fait de sa passion amoureuse, condamné à mentir, à devenir un imposteur, à se révolter, et condamné tout court jusqu'à la fin, tout simplement parce qu'il se heurte à la réalité, à la loi, à la religion, et il échoue complètement dans son projet, et on peut dire qu'il échoue à être heureux. Et à la fin, de fait, on le voit enterrer, sa maîtresse, lentement, de ses propres mains. et souhaitait mourir lui-même aussi. Et s'il ne meurt pas, puisqu'il revient finalement à la Nouvelle-Orléans, puis qu'il revient ensuite en Europe avec Tiberge, mais en tout cas on peut dire qu'il revient sous la forme d'une espèce de fantôme, de mort vivant, et que sa vie est déjà finie. Comme dit Jean Sgar dans le livre que je vous ai cité au début, il se survit à lui-même. Et Manon elle-même ressuscite, elle est toujours là. dans son souvenir et il ne s'arrête jamais de penser à elle et il peut précisément continuer sa vie en ne faisant que la chanter, la célébrer et penser sans cesse à elle Pour conclure, en quelque sorte, on peut dire que Manon Lescaut, c'est une sorte de roman mythique, comme un mythe de Platon qui signifierait quelque chose de la situation dans laquelle est tout être humain. Un livre, un roman mythique qui est centré sur l'analyse de l'émotion et en particulier de la passion amoureuse, puisque Desgrieux représente l'âme sensible. Il est animé lui-même de mille passions. Et son élévation d'esprit... Son désintéressement lui permet de ne vivre qu'à travers son cœur. Mais on peut dire que l'ascension très romanesque de son âme vers la grandeur, la perfection de son amour, se heurte tout simplement à la réalité très humaine des relations qui existent dans la réalité, et non pas seulement dans les fantasmes et l'idéalisation qui est poussée par la passion. Et comme dans une tragédie, c'est bien la destinée qui commande, c'est le destin à partir du moment où des grilleux a rencontré manon l'amour ne repose plus sur son choix l'amour que vie des grilleux n'est pas la grandeur de son âme il est une véritable passion c'est à dire une sorte de maladie c'est l'amour passionnel tel qu'il est théorisé à cette époque là par certains par certains philosophes qu'on trouve aussi dans la poésie romaine de l'antiquité et qu'on trouvera de manière plus forte encore et plus clair dans la littérature romantique et même avant cela, à la fin du XVIIIe siècle, dans les souffrances du jeune Werther de Goethe par exemple, en Allemagne. Et il faut voir aussi un aspect dans tout ça, c'est que, dans le fond, des grilleux méprisent Manon sur le plan social. Mais pour autant, chacune des trahisons de Manon l'enchaîne encore plus à elle. Et il est important, on s'en rend moins compte aujourd'hui, parce qu'évidemment la société a changé, mais Manon est de naissance médiocre. Et ça, c'est très important pour cette époque. Elle est d'une classe sociale, elle est d'une naissance qui est complètement différente de Dégrius. Mais ça n'empêche pas, et c'est évidemment un élément qui est encore plus important, et on le voit d'ailleurs dans le fait qu'elle soit portée au plaisir, qu'elle soit coquette, qu'elle soit menteuse, qu'elle soit éblouie très facilement par la fortune des autres, par tout ce qui brille. Elle a, et c'est certainement encore plus visible à l'époque pour le lecteur et la lectrice du XVIIIe siècle, un fond de vulgarité. de grossièreté de sentiments. Et pour la rejoindre, des grilleux doit changer d'univers, doit changer de monde. Sa noblesse à lui le pousse à l'aimer, sans réserve, sans calcul. Mais la nature de cet amour, c'est-à-dire la passion, l'oblige en même temps à perdre toutes les marques de sa noblesse de naissance, puisqu'il devient libertin, voleur, tricheur, hypocrite. Et même, on pourrait dire, un bandit aux côtés de l'esco. Et finalement, la noblesse de Desgrieux se traduit par son consentement, par son acceptation totale à la déchéance sociale, puisqu'il accepte de redescendre dans la hiérarchie sociale. Et pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce qu'il est pris par le sentiment de la passion amoureuse. Pour aimer plus, pour aimer toujours, le héros accepte de perdre toute qualité. il accepte de finir comme un misérable. Et ici, on peut dire que le tragique se mesure à l'absence totale de compromis, à la radicalité des choix du personnage. Et tout au long du roman, il est clair pour nous, lecteurs, lectrices aujourd'hui, que la vie du cœur, pour Desgrieux, s'oppose de manière radicale à la vie banale. Ce sont deux mondes totalement différents. Et cette opposition radicale entre deux mondes, entre deux univers, on le voit dans un passage de manière extrêmement frappante. Quand des grilleux, après un an et demi passé dans la tranquillité, la rêverie, retrouvent Manon à Saint-Sulpice, il est d'abord complètement engourdi. Et il passe dans cette scène, ça fait 3-4 pages dans notre livre de poche moderne, il passe du silence total au transport. Il passe de la vie morne, monotone, à la vie passionnelle. Et on le voit de manière extrêmement rapide tout au long de ces quelques pages. Il entre dans un nouvel ordre. Il était revenu dans une forme de tranquillité, de langueur, et tout d'un coup, il revient dans le transport et dans la passion. Et d'ailleurs, le narrateur, donc dégrieux, le dit de cette façon-là, je vous cite le texte. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été au mouvement tumultueux que je sentais renaître, j'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsque l'on se trouve la nuit dans une campagne écartée. On se croit transporté dans un nouvel ordre de choses. On y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs. On voit bien dans cet extrait qu'on passe, et c'est ce qui arrive sans cesse dans les différents éléments qui sont opposés dans le roman, de la vie banale, de la vie ordinaire, à la vie du cœur, à la vie de la passion. Et de fait, ensuite, dans la suite du récit, et juste avant d'ailleurs, chaque trahison de Manon laisse des grilleux complètement désemparés, complètement à terre. Et cette intensité du sentiment est caractéristique du chevalier. Il le dit comme ça d'ailleurs. Cette charmante créature était si absolument maîtresse de mon âme que je n'avais pas un seul petit sentiment qui ne fut de l'estime et de l'amour. C'est un amour total. C'est une passion qui est absolument radicale. Et ce qui est inhérent à cette passion, c'est le dérèglement. C'est la nature même de l'amour. qui destine celui qui en est porteur au désordre. Et l'élan de Desgrieux pour échapper à la médiocrité de la réalité, eh bien, il reste vain. Et c'est là la tragédie, finalement. Et on peut dire qu'à ce titre-là, l'auteur, Prévost, est pessimiste. Parce que la réalité qui est entrevue au tout début, dans l'avant-propos, triomphe, finalement, dans le dénouement. Et à la fin, Desgrieux fait le deuil. de son bonheur, celui qu'il fantasmait, et on revient avec lui, mais sans enthousiasme, aux règles de l'honneur, aux règles de la religion. Et on peut dire à ce titre-là que Prévost porte une vision qui est très tragique de la passion amoureuse, et on pourrait même dire tragique de l'existence humaine. Voilà en tout cas ce que je souhaitais partager avec vous sur cette lecture de Manon Lescaut comme une tragédie de la passion amoureuse. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet au fonddelaclasse.com Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt ! Ciao ciao !

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