Speaker #0Bonjour à tous, chers élèves et chers amis du site aufonddelaclasse.com. Dans cet épisode, nous allons essayer de lire Manon Lescaut de l'abbé Prévost comme une tragédie ancrée dans la réalité contemporaine. Une tragédie, on le sait bien, c'est un genre qui a été beaucoup beaucoup illustré dans la deuxième partie du XVIIe siècle. C'est un genre de théâtre qui met en scène des personnages de très haute condition, des rois, des dieux même, et qui se passe souvent dans une période... extrêmement éloigné ou dans un pays lointain. C'est évidemment pas du tout le cas du monde de Manon Lescaut, puisque dans Manon Lescaut, on peut très facilement dater les événements de l'époque de la Régence, c'est-à-dire de l'époque où on colonise le Mississippi, une époque qui est connue pour une époque de dissipation, de spéculation, et les chaînes de déportation qui, comment dire, interviennent dans le roman à la fin, se placent. dans les années 1720. On peut donc considérer que le lecteur est tout à fait capable, contrairement à ce qui se passerait dans une tragédie, de dater les événements dans un moment qui est extrêmement proche de l'époque où il vit. Il n'empêche que, c'est ce qu'on va essayer de traiter ici, on peut considérer que ce roman est une tragédie malgré tout. et que la réalité qui intervient, même si elle est extrêmement contemporaine, et même si on pourrait parler d'une certaine manière de réalisme, même si ce n'est pas dans le sens qu'on donnera à ce terme pour qualifier des romans au XIXe siècle, donc plus tard, on peut considérer que la réalité et le réalisme de ce roman-là sert en réalité, non pas à ancrer dans la réalité contemporaine, mais plutôt à servir d'obstacle. à toutes les actions qu'entreprennent les personnages et en particulier le personnage principal, Dégrieux. Et donc ce qui est premier, ce qui est le plus important dans Manon Lescaut, c'est cette tragédie qui est la suite d'actions de la part de Dégrieux en particulier et du choc très violent entre ses rêves et la réalité. Et c'est à ce titre-là que la réalité intervient de manière la plus forte. C'est le drame qui cause les sentiments dominants dans le récit, l'angoisse, le regret, la culpabilité. Et le narrateur des Grieux qui les éprouve et le héros qui les vit, ne sont qu'un seul et même personnage, puisque le dispositif, on le sait bien maintenant, consiste à faire parler des Grieux tout au long ou presque tout au long de Manon Lescaut, le Grieux qui nous raconte son histoire avec Manon. Donc, comme je vous disais il y a un instant, dans Manon Lescaut, la réalité est toujours un obstacle. Les moments de bonheur sont extrêmement brefs. On en a parlé dans les premiers épisodes consacrés à ce roman. Ils sont brefs et on pourrait même dire qu'ils sont un peu irréels, un peu en dehors de la réalité. Et si on fait le calcul, au total, Desgrieux et Manon n'ont pas passé beaucoup plus de deux mois ensemble à Paris. Et l'essentiel de l'action ? on peut considérer qu'il est une sorte de resserrement de la réalité autour des personnages. Et tout ça, c'est évidemment quelque chose de symbolique. C'est du temps, c'est de l'espace vécu par les personnages, et évidemment à travers eux par le lecteur. Et l'espace, la durée, et puis... on va même ajouter l'argent ici dont parle beaucoup un auteur dont je vous ai déjà parlé dans un autre épisode qui est un spécialiste de manon lescaut qui a écrit un livre qui s'appelle prévaut romancier il ya maintenant quelques temps et qui s'appelle jean ce gars et qui donne à l'argent un rôle important dans manon lescaut puisque avec la durée avec l'espace même comment dire les volumes géographiques ont une valeur qui est obsédante et contraignante parce que tout ça se réduit de plus en plus autour des personnages et on court de cette manière là comme on le fait dans la machine infernale comme on dit parfois que représente la tragédie vers le dénouement et vers un dénouement évidemment catastrophique et dans le préambule prévaut enfin dans le la vie du lecteur au tout début de manon lescaut prévaut cherche déjà à nous persuader de l'existence de ces personnages comme si ils étaient de vraies personnes et tout est présenté comme une anecdote réelle comme s'il s'agissait d'un fait divers et on pourrait donner un exemple qui est bien visible quand on lit manon lescaut quand on nomme une ville p avec des petites étoiles ou un point selon les éditions, ou qu'on donne comme nom à des personnages Monsieur de T, Monsieur de GM, etc. Évidemment, on s'éloigne du roman, dans le sens, comment dire, monde de fiction. c'est comme ça qu'on voit le roman jusqu'à cette époque là est très largement puisque les romans ils sont comme on dit héroïque il raconte des histoires qui sont parfaitement invraisemblable et qui se passe dans des pays lointains ou avec beaucoup de voyages beaucoup de d'éléments qui sont comment dire très très loin de la réalité et quand on nomme donc une ville paix suivi de petites étoiles ou deux ou des personnages avec une initiale on essaye d'ancrer évidemment tout cela dans la réalité en aiguisant évidemment la curiosité du lecteur, de la lectrice, mais en présentant tout ça comme un cas, comme une anecdote réelle, un fait divers qui se serait vraiment passé. Et on peut dire que le roman frappe le lecteur par le surgissement assez brutal, bien souvent, de la réalité. Et si on raccroche tout ça à l'interprétation de ce roman comme une tragédie, eh bien on est amené à penser que la réalité ici c'est la forme que prend la fatalité que prend le destin et le lecteur dès le début doit traverser le réel la populace curieuse par exemple entrer dans la foule se faire une place pour parvenir derrière renoncourt au chariot où se trouve manon ou au coin de chambre ou des grilleux est assis bon le roman par dès le départ de la chose vue comme on dit c'est à dire nous transforme en témoin d'un spectacle qui est tout à fait le réel qui est en tout cas tout à fait présenté comme tel mais il n'empêche que le temps vécu l'espace vécu la réalité plus largement vécu par le lecteur est vécu par les personnages et bien c'est celle d'une course une course en avant vers la catastrophe finale et on voit que les héros se dépêche et il se dépêche comme on le ferait dans une tragédie inutilement en vain puisqu'ils n'arriveront pas à sortir à trouver une solution aux problèmes qui est le leur Les évasions, par exemple, même quand elles sont extrêmement préparées, sont toujours arrêtées par un détail. Le portier qui se trouve à la fin de la course de Dégrieux dans la première évasion et qu'il est obligé de tuer. Un habit qui manque dans l'évasion de Manon quelques pages après. Ou la débandade des complices qui ne sont pas là alors qu'ils auraient dû être là. On est toujours avec une réalité qui se présente comme un obstacle à la réussite. des projets des héros. Et dans Manon Lescaut, et contrairement aux autres romans de l'auteur, d'ailleurs, tous les autres romans qui sont extrêmement nombreux de Prévost, le temps est toujours présent de manière extrêmement précise. La durée ressentie par le lecteur est précisément notée par le narrateur. On peut penser à plusieurs exemples. Mais en tout cas... C'est vraiment le temps tragique qui s'accélère, qui oppresse, le temps qui manque à tout le monde. Le premier acte, si on veut l'appeler comme ça, et là je reprends encore cette expression aux critiques à l'universitaire Jansgaard, le premier acte dure un an et demi. Un mois à Paris, six mois dans la maison familiale et une année scolastique à Saint-Sulpice. où Desgrieux passe son temps avec Tiberge à devenir un ecclésiastique. Le deuxième acte, lui, ne dure que cinq ou six mois, dont un à Chaillot et trois en prison. Et le troisième acte est encore plus bref puisqu'il s'agit seulement d'une semaine entre le moment où Dégrius sort de Saint-Lazare et celui où il entre au Châtelet, allant ainsi d'une prison à une autre. Et le dernier acte est significatif dans la mesure où le temps se compte en heures, dans une succession qui est ininterrompue de scènes, la visite du père de Dégrius à son fils, la confrontation avec le vieux GM, la libération. Il est près de 6 heures quand... Le chevalier apprend la condamnation de Manon, sa déportation vers l'Amérique, et après, c'est l'entrevue avec Tiberge, avec M. de Thé, et enfin avec le père de Décrieux. Et à ce moment-là, il fait nuit. Il fait bientôt nuit, en tout cas. Et le lendemain, le convoi emmène Manon pour le Havre, et on pourrait dire que le temps travaille contre le héros, et qu'il est toujours dépassé par l'événement, toujours dépassé par la réalité. Et il va porter plainte contre ses domestiques, avant dans le roman, ses domestiques qui l'ont volé, et les Scots en profitent. pour débaucher sa sœur. Il est délivré en même temps que Manon est condamné. Le temps, en fait, est toujours mis à profit par les ennemis, par les obstacles, et des grieux, et toujours à contre-temps. Au début, il aurait même dû quitter Amiens un jour plus tôt, et rien ne serait arrivé, hein. Et il arrive au Havre un jour trop tôt, et prend le bateau avant que la lettre de Tiberge n'arrive à la fin du roman. On pourrait ajouter aussi que l'argent est un autre obstacle, et un obstacle cruel. Manon, il y a beaucoup de notes d'argent dans le roman, beaucoup de chiffres, on pourrait le dire comme ça. Manon, comme je voulais le dire à l'instant, tire 60 000 francs de M. Debaix. En deux ans, 7 400 francs sont tirés du vieux GM, 10 000 francs du jeune GM. Bon, on voit que le roman donne une place très concrète à l'argent qui est très très marqué et nous montre aussi que les héros... manon et des grilleux sont de vrais criminels à un certain moment un des grilleux lui ne fait pas de cadeau puisqu'ils marchandent de son côté le prix d'une course avec le cocher et il attend de renoncourt quatre louis qui lui permettront de voir manon à la fin du à la fin du roman donc le manque d'argent c'est aussi une forme du drame est une forme de la réalité dans manon lescaut des grilleux veut avoir beaucoup d'argent et ils volent où il triche et par un retour du sort il devra payer lui-même les archers pour seulement pouvoir parler à Manon. On pourrait dire que à travers l'argent on voit aussi d'une certaine façon son destin. Donc l'espace qui se resserre autour de Desgrieux, le temps qui lui manque, l'argent qui se réduit finalement à un écu, montre la même revanche implacable de la réalité et l'éclatement du rêve de la bulle. à laquelle il pouvait croire pendant un certain temps. Et donc on peut dire à ce titre, pour revenir à ce que je disais au début, que le réalisme du roman de l'abbé Prévost n'est pas un réalisme descriptif, c'est un réalisme tragique, qui sert le drame et sa progression. La réalité, elle n'est pas décrite pour elle-même, pour faire une espèce d'inventaire du monde contemporain, pas du tout. Elle est là pour servir d'obstacle dramatique. Et... On revient un peu à la même conclusion que dans les autres épisodes que vous avez à côté de celui-là, c'est que chacun reste prisonnier de son rôle, de sa nature et du choix qu'il a fait initialement. Et dans Manon Lescaut, les faibles retombent dans les mêmes faiblesses. Les hommes pieux, comme Tiberge ou comme le père de Dégrieux, s'épuisent de manière vaine en bonté, en générosité, en tentative de conviction. Et... les personnages finalement ne changent pas les les trois grands dialogues qui qui qui mettent en scène des grilleux avec manon à saint-sulpice puis chez le vieux gm puis chez le jeune gm montre bien la progression du conflit, c'est-à-dire la progression du drame tragique, on peut le dire comme ça. C'est trois fois la même scène de dépit et de réconciliation, comme on dit. La scène de Saint-Sulpice, elle est lyrique, elle est pleine de sentiments, pleine de sentiments qui explosent et qui s'expriment au très haut degré. Toute la lumière est braquée sur le chevalier à qui Manon oppose sa beauté, ses larmes, sa coquetterie. Plus tard, chez le vieux... Le jeu GM, elle fait preuve de beaucoup plus de naturel, d'esprit, de décision. C'est elle qui dirige le jeu. Et dans la dernière scène, celle chez le jeune, GM son fils, elle manifeste le mieux la distance qui sépare les amants, la douleur de dégrilleux d'un côté, et l'inconscience et l'ambiguïté de Manon de l'autre côté. Mais en tout cas, aussi sa bonne foi. Et on peut dire que c'est le registre de la tragédie avec des personnages qui sont ni tout à fait bons, ni tout à fait mauvais comme on dit, qui sont de bonne foi. Et dans cette scène-là, la dernière, les amants sont vraiment à égalité. Manon est parfaite de vérité, de tendresse et d'aigrieux de l'autre côté et est arrivé au point extrême de contradiction avec lui-même. et c'est l'incompréhension réciproque entre les deux qui est en fait donné dès le début du livre le malentendu le quiproquo moral qui est qui se montre ici de manière très très forte et on peut dire que le dilemme est parfaitement insoluble et que ça nous ramène à cette vision très pessimiste de l'existence humaine qui est celle de l'abbé Prévost. Voilà ce que je souhaitais partager avec vous au sujet de Manon Lescaut, lu comme une tragédie ancrée dans la réalité contemporaine. Vous pouvez retrouver un certain nombre de choses sur le site internet aufonddelaclasse.com. Je vous dis merci beaucoup de m'avoir écouté et à très bientôt. Ciao, ciao !