- Speaker #0
Qu'est-ce que ça a changé pour toi, l'annonce de ce diagnostic ?
- Speaker #1
Ça a tout changé parce que ça m'a permis de mettre des mots sur mon vécu et d'avoir une nouvelle grille de lecture finalement, de comprendre pourquoi je fonctionne, comment je fonctionne, et donc de pouvoir adapter beaucoup mieux mon quotidien, tenir mieux compte de mes limites. Dans le cas de l'autisme, ça peut être par exemple au niveau de la communication ou socialement, je vais avoir beaucoup de difficultés à comprendre le second degré. Je vais avoir des difficultés à savoir quand est-ce que c'est mon tour de parler. Je vais avoir besoin de me projeter aussi, de connaître par exemple le déroulé en avance d'une réunion. Ce n'est plus quelque chose dont j'ai honte, je suis plus fière de la façon dont je fonctionne. Je ne vais pas chercher à me rétrécir pour rentrer dans des cases. Et en fin de compte, je sais que c'est aussi un atout, que c'est une force. Et donc, si des personnes trouvent que c'est trop pour elles, eh bien, tant pis pour elles en fait, qu'elles aillent chercher moins ailleurs.
- Speaker #0
Diversité et inclusion dans les entreprises de la tech, bienvenue dans Tech It Different. Selon plusieurs estimations, entre 10 et 15% de la population présenterait un profil neuroatypique, qu'il s'agisse d'un TDAH, trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, d'un TSA, trouble du spectre de l'autisme, d'un trouble dys ou d'un haut potentiel. Et pourtant, dans le monde professionnel, ces singularités restent encore. trop souvent invisibles, incomprises, voire même parfois carrément stigmatisées. Bonjour à tous et bienvenue dans Tech It Different, le podcast d'Umeum et de l'Oco Atlas, programme dédié à la diversité et à l'inclusion dans les entreprises de la tech. Dans cet épisode, un sujet à la fois intime et collectif, comment travailler, collaborer, manager quand on est neuroatypique. Et si votre collègue, votre manager ou vous-même fonctionniez différemment sans le savoir ? Dans cet épisode, une réalité, c'est celle de Clémence Gueigan, qui nous partage son parcours, ses aménagements et ses convictions pour une tech encore plus inclusive.
- Speaker #1
Bonjour, je m'appelle Clémence, je suis designer associé chez Autypik et enseignante dans une école de jeux vidéo.
- Speaker #0
Salut Clémence !
- Speaker #1
Salut Mathis !
- Speaker #0
Ravi de te retrouver et merci pour ton témoignage à venir.
- Speaker #1
Merci de m'accueillir.
- Speaker #0
Tu es la bienvenue. Alors tu as eu un parcours particulièrement riche entre journalisme, game design... enseignement design, UX, UI. Est-ce que tu peux nous retracer un petit peu les grandes étapes de ton parcours ?
- Speaker #1
Alors, on va faire la version courte, parce que sinon, on y est encore demain.
- Speaker #0
C'est vrai.
- Speaker #1
Donc, mon parcours, on va faire ça de manière chronologique. Initialement, j'ai une formation en psychologie et en neuropsychologie, en sciences humaines et neurosciences, on va dire. Je n'ai jamais voulu choisir dans ma vie. On m'a toujours dit, il faut choisir. Et moi, j'aime vraiment apprendre des nouvelles choses en permanence. C'est pour ça que dans une première partie de carrière, je voulais être journaliste. Donc à la fin de mes études de psycho, finalement, je me suis arrêtée un an du diplôme pour me former au monde de la radio, parce que c'est ce qui m'intéressait vraiment le plus dans le journalisme en termes de format, c'était le journalisme audio. Et j'ai été journaliste ensuite pendant cinq ans. Finalement, j'ai travaillé sur des formats très variés, en radio, mais aussi sur des projets de web documentaire, en presse écrite également, en presse web. Et puis au bout de cinq ans, j'ai décidé d'aller tester d'autres choses et je me suis tournée vers le monde du jeu. Un petit peu par hasard au départ, par opportunité aussi, j'ai eu la possibilité de rejoindre un projet d'escape game qui se montait. J'ai été en charge de la scénographie de ce lieu. Puis à son ouverture, je suis devenue manager du site. Je suis restée là-bas pendant trois ans et demi. J'y ai appris plein de choses. tourner une entreprise, à manager une équipe. Et puis, j'y ai appris aussi le game design, les bases du game design sur le terrain directement, puisqu'on avait beaucoup de demandes de clients qui voulaient des jeux sur mesure. Puis, chemin faisant, j'ai toujours eu une part très créative. J'ai fait de nombreux jobs étudiants. Parmi eux, j'ai fait, par exemple, de la rénovation d'appartements. J'ai toujours aimé bricoler. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai rejoint l'équipe de l'Escape Game au départ, pour faire de la scénographie. Et donc faire du game design pour de l'immersif, pour de la création d'escape, forcément c'est venu combler cette partie de moi qui aime créer, qui aime fabriquer de ses mains des choses. Et donc au bout de trois ans et demi, j'ai quitté cet escape game pour me lancer comme game designer à mon compte en indépendant. J'ai travaillé sur principalement des projets immersifs, mais je me suis diversifiée et finalement pendant toute cette période, j'ai travaillé sur aussi des projets de jeux de société, de jeux de cartes, des projets de jeux vidéo. J'ai commencé à la même époque à enseigner en école de game design, justement en école de jeux vidéo. Et puis, petit à petit, le Covid arrivant, j'ai transitionné du game design vers du design numérique plus classique, où finalement on n'est plus dans le loisir, on va être plus dans la résolution de problèmes. Et je suis devenue UX, UI designer dans un premier temps. Puis j'ai élargi vraiment ma pratique jusqu'au product design.
- Speaker #0
Ok, alors... Une activité riche, on va dire, à travers tous ces rôles. Est-ce qu'il y a un fil rouge ?
- Speaker #1
Alors, je pense que le fil rouge qui me porte dans ma vie depuis mes études, ça va être ma curiosité et ce besoin insatiable d'apprendre en permanence, que ce soit des nouvelles connaissances, des nouvelles techniques, des nouveaux savoir-faire. Et finalement, à l'époque où je voulais être journaliste, c'était parce que je me disais qu'il n'y a pas de statut d'étudiant professionnel. On ne peut pas être étudiant et être payé pour ça. Donc je vais devenir journaliste parce que c'est ce qui s'en rapproche le plus. Ça va me permettre de continuer à creuser des sujets qui m'intéressent, à aller explorer en détail et à apprendre des nouvelles choses. Puis être designer, c'est un petit peu ça aussi, parce que dans le design, il y a deux grandes phases. Et la première phase, la phase de recherche, elle implique qu'on s'intéresse à fond au sujet pour lequel on va chercher ensuite à résoudre un problème. Il faut vraiment devenir expert de ce sujet en comprendre les tenants, les aboutissants, pour bien concevoir ensuite des solutions.
- Speaker #0
Évidemment. évidemment. Et parmi toutes les expériences qui sont les tiennes, est-ce qu'il y en a une comme ça, rapidement, qui t'a peut-être un peu plus challengée que les autres ?
- Speaker #1
Je pense que le fait de devenir manager de cette Escape Game, directrice, ça a été un vrai challenge pour moi parce que la vie de chef d'entreprise, c'est un rythme très soutenu. Et puis cette Escape Game, alors moi, je n'étais pas fondatrice, je n'étais pas... associé de l'entreprise, mais c'était quand même mon bébé. J'avais fabriqué les salles de mes mains, j'ai recruté ensuite l'équipe avec qui on travaillait pour faire tourner cet escape. Donc c'était un peu mon bébé aussi. Et donc j'y ai mis beaucoup de ma personne, beaucoup de mon temps, beaucoup de mon énergie. Et j'ai appris énormément parce que je n'avais jamais managé une équipe avant. Ça a été une occasion de découvrir beaucoup de choses, mais ça n'a pas toujours été évident.
- Speaker #0
Tu as été diagnostiquée autiste. et TDAH vers la trentaine. Concrètement, qu'est-ce que ça a changé pour toi, l'annonce de ce diagnostic ?
- Speaker #1
Ça a tout changé. Ça a tout changé parce que ça m'a permis de mettre des mots sur mon vécu et d'avoir une nouvelle grille de lecture finalement, de comprendre pourquoi je fonctionne, comment je fonctionne et donc de pouvoir adapter beaucoup mieux mon quotidien, tenir mieux compte de mes limites, mieux me connaître.
- Speaker #0
Avec des mots simples comme ça, c'est quoi la neuroatypie ?
- Speaker #1
La neuroatypie La définition, ça va être un fonctionnement neurologique différent de ce qu'on retrouve dans la majorité de la population.
- Speaker #0
Ok, c'est-à-dire ?
- Speaker #1
Et donc, on parle aussi de trouble du neurodéveloppement, TND. Ça veut dire concrètement qu'on n'est pas câblé comme la plupart des gens. Notre cerveau, il ne fonctionne pas exactement pareil. Ok. Et ça se traduit de plein de façons. Alors là, je ne vais pas rentrer dans le détail, mais on va peut-être y venir un peu plus tard. Mais en tout cas, on n'est pas câblé comme la plupart des gens.
- Speaker #0
Dans ton cas, justement ? Comment l'autisme et le TDAH se manifestent au quotidien ? Est-ce que tu peux nous donner des exemples concrets au travail aussi, notamment, par exemple ?
- Speaker #1
Alors, le TDAH, un trouble de l'attention, dans mon cas avec hyperactivité, ça se manifeste par à la fois un trouble de la concentration à certains moments. Si je suis dans un environnement, par exemple, qui est bruyant, dans lequel il y a du passage, dans lequel il se passe des choses, mon attention peut être... très très facilement détournés, débordés. Et ça va me demander des efforts considérables pour revenir à ce que je suis en train de faire. Des fois, c'est aussi mon propre cerveau qui me coupe la parole, comme j'aime dire, parce que je suis en train de penser à quelque chose, d'essayer de me concentrer sur quelque chose ou même de parler à quelqu'un, d'expliquer. Et puis, j'ai une pensée qui va venir et je vais avoir des grosses difficultés là aussi pour l'inhiber, pour m'empêcher de penser à cette autre chose. Et ça va venir... perturber mon feu de pensée. Et pour tenir face à ça, il faut faire... preuve d'une grande concentration. Et c'est extrêmement fatigant, c'est épuisant en fait sur le long terme.
- Speaker #0
Et c'est des troubles qui peuvent arriver comme ça n'importe quand ?
- Speaker #1
C'est présent en permanence. Après, quand je suis bien reposée, que j'ai bien dormi, que je suis dans un cadre qui ne me stimule pas trop sensoriellement, c'est plus facile à tenir que dans un environnement bruyant quand je suis fatiguée et que j'ai sauté un repas, ça c'est certain.
- Speaker #0
Et c'est quoi tes défis que les autres... ne voit pas forcément en fait ?
- Speaker #1
Tous ces efforts justement qu'on doit faire pour fonctionner, pour être fonctionnel. Tous ces efforts qu'on doit faire pour conserver la concentration dans des moments où c'est important. Alors là, j'ai donné l'exemple du TDAH. Dans le cas de l'autisme, ça peut être par exemple au niveau de la communication ou socialement. Je vais avoir beaucoup de difficultés à comprendre le second degré. Je vais avoir des difficultés à savoir quand est-ce que c'est mon tour de parler. Je vais avoir besoin de me projeter aussi, de connaître par exemple le déroulé en avance d'une réunion. Je t'ai demandé en avance les questions pour notre interview, justement pour pouvoir m'y préparer. Et tout ça, c'est des choses qui sont invisibles en fait. Si je ne le dis pas en amont, les personnes ne peuvent pas deviner et forcément, ça rend la vie beaucoup plus compliquée pour moi et beaucoup plus fatigante.
- Speaker #0
Oui, et puis moi, je peux témoigner là. C'est-à-dire que j'ai l'impression que... Je fais une interview comme toutes les autres, que tout se passe bien. Normalement, il n'y a aucune difficulté, aucune. Eh oui,
- Speaker #1
mais en fait, le fait d'avoir pu lire toutes les questions en amont, ça a permis à mon cerveau de se mettre en ordre de bataille, d'anticiper un minimum.
- Speaker #0
Et comment est-ce que tu fais toi aujourd'hui pour reconnaître finalement tes limites et s'en culpabiliser ?
- Speaker #1
Alors ça, c'est une vraie question chez les personnes neuroatypiques, surtout quand, dans mon cas, on a été diagnostiqué sur le tard parce qu'on passe beaucoup d'années à compenser finalement. Et donc, pendant des années, je les ai repoussées, mes limites, en fait. J'ai fait comme si elles n'existaient pas parce que, justement, je ne savais pas qu'elles étaient là et je finissais très régulièrement en burn-out. Aujourd'hui, je dis souvent que j'ai appris mes limites, j'ai appris les contours de mes limites en me fracassant dessus. souvent douloureusement. Et aujourd'hui, je les connais mieux, évidemment, parce qu'à force de me retrouver dans des situations où j'étais en burn-out, j'étais épuisée, où simplement c'était très difficile, que ce soit émotionnellement, que ce soit physiquement pour moi, j'ai appris à reconnaître les signes. C'est là où le diagnostic m'a énormément aidée, parce que justement, ça m'a permis d'accepter ces limites-là. Ça a été un deuil aussi. Mais aujourd'hui, je suis beaucoup plus à l'écoute. de mes ressentis, parce que je sais que finalement, si mes limites, je ne les respecte pas, derrière, je vais m'effondrer. Donc finalement, je vais mettre plus de temps à m'en remettre. Donc je ne culpabilise plus parce que je sais que écouter mes limites et en avoir conscience, c'est ce qui va me permettre de fonctionner correctement sur la durée.
- Speaker #0
Alors tu m'excuses parce qu'effectivement, tu as dû voir que je rajoutais une ou deux questions comme ça, qui n'étaient pas forcément dans le conducteur. Donc j'espère que je... Je ne te perturbe pas trop et je vais justement le faire là exactement. Tu as parlé de difficultés physiques et tu parles aussi de difficultés émotionnelles. Ça veut dire quoi très concrètement quand tu parles de difficultés émotionnelles ?
- Speaker #1
Ça veut dire qu'émotionnellement, il va y avoir un traitement de l'information. Je ne vais pas rentrer dans des considérations neuropsychologiques trop compliquées. On va dire que le cerveau va traiter les informations chez les personnes autistes plus en profondeur que chez des personnes qui ne sont pas autistes. ou alors de façon... différentes, mais en tout cas, dans mon cas, il y a certaines choses qui se passent dans la vie qui peuvent paraître anodines pour la plupart des gens et qui, moi, vont profondément m'affecter. Et donc, ça va avoir psychologiquement un effet, parce que je vais... Oui, c'est ça, ça va avoir un effet qui va me conduire parfois à... On parle d'effondrement autistique, on parle de crise, qui vont déclencher une crise chez moi parce qu'émotionnellement, ça aura été trop fort.
- Speaker #0
Et quelles idées aujourd'hui reçues, toi, te semblent encore super présentes quand on parle de profils neuroatypiques ?
- Speaker #1
Les idées reçues, il y en a beaucoup. Il y a énormément de stéréotypes qui existent. Ça va être une personne autiste n'est pas capable de regarder dans les yeux. Une personne autiste n'est pas capable de se faire des amis. Elle est forcément asociale. Moi, ce n'est pas vrai. J'ai plein d'amis. Simplement, ça me fatigue beaucoup d'être dans des interactions sociales sur une durée trop longue. C'est quelque chose qui va trop me fatiguer. Qu'est-ce qu'on peut avoir d'autre ? Les personnes autistes ne sont pas capables de s'insérer dans le monde de l'entreprise, de travailler en équipe. C'est faux.
- Speaker #0
T'en es la preuve.
- Speaker #1
La preuve. Quoi d'autre ? Pour le TDAH aussi, pour les troubles de l'attention, on a souvent une image de personnes ayant un TDAH comme un petit enfant qui va se rouler par terre, qui va courir dans tous les sens. On peut avoir un trouble de l'attention et être... très immobile si on n'a pas d'hyperactivité associée, par exemple. Et même cette hyperactivité, en fait, elle est aussi psychique. On peut très bien avoir l'air parfaitement calme vu de l'extérieur et en fait qu'à l'intérieur de la tête, ça soit un véritable jukebox, que ça fuse à toute vitesse et notre cerveau nous fatigue.
- Speaker #0
Aujourd'hui, tu en parles facilement de ta neuro-atypie. Alors, c'est le thème aussi de l'épisode. Donc, effectivement, tu en parles et tu as accepté de le faire et je te remercie. mais avec avec ton entourage, tu disais que tu étais une personne qui était sociable. Est-ce que c'est un sujet dont tu parles pour justement que les personnes autour de toi arrivent à l'appréhender ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Aujourd'hui, j'en parle. J'en parle volontiers parce que finalement, ça me permet un peu de donner le mode d'emploi aux gens que je rencontre, de comment je fonctionne. Justement, de parler de mes limites aussi, que les personnes que j'ai face à moi comprennent. Là, si je ne te regarde pas dans les yeux quand on discute, ce n'est pas par impolitesse, ce n'est pas parce que ça ne m'intéresse pas. C'est juste que si je te regarde en même temps qu'on parle, ça va être extrêmement compliqué pour moi de me concentrer. Ou alors, si je ne viens pas à cet événement, ce n'est pas contre vous. J'adorerais être là, ça me ferait plaisir, mais je sais que socialement, ça va vraiment trop me fatiguer.
- Speaker #0
Clémence, on parle maintenant de ton job. Juste avant, c'est quoi Autypik et pourquoi les avoir rejoints ?
- Speaker #1
Alors, Autypik, c'est une entreprise qui révolutionne le monde du travail. On aide les entreprises qui souhaitent être inclusives à travailler autrement. Et comment ? En rendant le monde du travail plus inclusif pour les personnes autistes, TDAH ou qui ont un trouble dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, etc.
- Speaker #0
Génial. Alors aujourd'hui, tu es chef product officer chez Autypik. C'est quoi ta mission très concrètement ?
- Speaker #1
Ma mission, concrètement, ça va être dérouler... Toute la stratégie produit, on a toute une palette de services qu'on propose aux entreprises. Et donc, comment est-ce qu'on va articuler ces différents services les uns aux autres ? Comment est-ce qu'on va les prioriser ? Lesquels on va développer ? Dans quel ordre ? En fonction des besoins de terrain qu'on a identifiés. J'étais UX8, donc je fais pas mal de recherche utilisateur, des entretiens avec nos clients et avec les candidates et les candidats. Je suis aussi responsable de la plateforme sur des aspects plus techniques. Puisque parmi nos services, on a une plateforme de recrutement qui permet à la fois aux personnes neuroatypiques en recherche d'emploi de créer un profil. C'est un peu un anti-CV. Et puis qui permet aux entreprises qu'on a formées préalablement de déposer des offres d'emploi. Et donc ça permet de mettre en contact ces deux populations.
- Speaker #0
Et de les faire matcher. Il s'agit d'une plateforme qui est conçue donc, si j'ai bien compris, par et pour des personnes neuroatypiques. Merci. En quoi c'est, même si ça peut paraître évident, mais je te pose quand même la question, en quoi c'est différent d'un projet classique ?
- Speaker #1
Alors, je pense que la différence la plus importante vient du fait que c'est conçu par des personnes neuroatypiques. Au sein de l'équipe, la majeure partie de l'équipe est elle-même neuroatypique. Tout d'abord, Mara, la fondatrice. Et ça veut dire que concrètement, Autypik, c'est une startup, mais on ne peut pas avoir un fonctionnement comme dans une startup classique, parce que sinon, on tiendrait. pas six mois, sinon on exploserait en vol parce que justement, on a besoin de respecter nos limites.
- Speaker #0
Comment est-ce que tu mènes la recherche utilisateur par rapport à ces publics qui sont aussi spécifiques ?
- Speaker #1
Comme n'importe quelle recherche utilisateur, vraiment. Là, mon travail de designer et de UX researcher, il s'est fait vraiment de la même manière que pour n'importe quel autre public. L'idée, c'est de pouvoir comprendre les problématiques rencontrées. par ces populations-là, que ça soit les managers, les recruteurs d'un côté ou les personnes neuroatypiques de l'autre. Et donc, vraiment pas de différence avec n'importe quelle autre population.
- Speaker #0
Et en quoi le fait de vivre toi-même certains besoins t'aide finalement ou complique peut-être même parfois les décisions qui seraient à prendre ?
- Speaker #1
Alors, on dit souvent dans le design qu'il faut prendre garde à ne pas designer pour soi-même, qu'on n'ait pas son propre public. Justement, dans ce cas-là, je dirais que c'est plutôt un atout. parce que ça me permet d'avoir une compréhension peut-être plus fine des difficultés rencontrées par des personnes autistes ou des personnes TDAH ou 10 sur le terrain, dans le monde de l'emploi. J'ai rejoint Autipique. La mission d'Autipique m'a parlé parce que justement, moi-même, j'ai été confrontée à des difficultés dans le monde du travail.
- Speaker #0
Est-ce que le mot handicap t'a fait peur au début ou au contraire t'a permis de poser ce qu'on pourrait appeler un cadre et qu'il soit plus clair ?
- Speaker #1
Je pense que j'ai eu un travail de déconstruction à faire vis-à-vis de ce mot-là, parce qu'ayant fonctionné pendant plus de 35 ans sans savoir que j'étais neuroatypique et sans savoir que j'étais en situation de handicap, au départ, ça a été un peu difficile de l'accepter. Et en même temps, les diagnostics m'ont apporté un tel soulagement dans la compréhension de moi-même que finalement, je ne dirais pas que ça m'a fait peur, mais il a fallu faire une sorte de travail de deuil. de la personne que je pensais être jusque-là.
- Speaker #0
Dans ton parcours, est-ce qu'on t'a déjà refusé un poste ou une mission à cause de ton fonctionnement différent ?
- Speaker #1
Dans mon parcours, ça ne m'est jamais arrivé qu'on me refuse un poste ou une mission. Mais je pense que jusque-là, j'ai aussi fabriqué mon propre cadre de travail pour éviter ce genre de situation. J'ai toujours travaillé, soit dans des milieux assez artistiques, le game design, le monde des escape games, le monde du jeu, Ou même le monde de la radio, où j'ai travaillé dans des univers de radio, où finalement on n'allait pas me juger, on n'allait pas me regarder de travers, parce que j'avais une façon d'être un peu différente de la norme. Je n'aime pas le mot norme, mais...
- Speaker #0
Moi non plus.
- Speaker #1
Mais que j'avais une façon d'être différente de la plupart des gens, on va dire. Et quand on travaille en radio en matinale, par exemple, on a des horaires complètement décalés par rapport au reste de la population. Et finalement, ça nous place un peu à part. C'est vrai. Donc, j'étais toujours un peu à part, mais il y avait toujours des bonnes explications dans mon métier. Et je pense que ça aurait été beaucoup plus difficile si j'avais dû travailler dans des environnements plus classiques. C'est clair. Par exemple, je ne sais pas, en banque ou... ou dans des entreprises plus classiques.
- Speaker #0
Je sais d'autant plus de quoi tu parles, puisque les matinales, j'en ai fait aussi. Effectivement, les horaires décalés, c'est quelque chose. Est-ce que tu penses, toi, que les métiers de la tech sont plus accueillants que d'autres pour les personnes neuroatypiques et pourquoi ?
- Speaker #1
Je pense que les métiers de la tech peuvent faciliter, dans certains cas, les aménagements de postes, dans la mesure où, quand on travaille derrière un écran, C'est plus facile de faire du télétravail, c'est plus facile d'utiliser des outils numériques pour se simplifier la vie. Quand on travaille, par exemple, sur le terrain, quand notre métier, c'est d'être dans une boutique face à des gens, on va être en interaction avec des gens toute la journée, ça fait partie du poste. Après, chaque personne neuroatypique est différente. Ça fait partie des stéréotypes contre lesquels on lutte chez Autypik. Il y a des personnes neuroatypiques dans tous les secteurs. Et donc, ce n'est pas parce qu'on est autiste qu'on ne peut pas être commercial ou qu'on ne peut pas être vendeuse ou qu'on ne peut pas être jardinier. Vraiment, on est présent dans tous les secteurs et dans tous les métiers.
- Speaker #0
Oui, sauf que maintenant, c'est diagnostiqué. Donc, on en parle. On sait que c'est là. Exactement. Qu'est-ce qui devrait changer selon toi dans les pratiques de recrutement, justement, pour rendre peut-être la tech encore un peu plus inclusive ?
- Speaker #1
Je pense qu'en France, on a encore une façon de voir les choses assez classique et c'est ce qu'on essaye. de faire bouger justement avec Autypik en formant les recruteurs. On va avoir tendance à regarder les CV, les parcours atypiques d'un œil un peu suspicieux, en se disant cette personne n'a pas un parcours académique classique, elle ne rentre pas dans les cases, on s'en méfie. Alors que finalement, on va se priver de profils, de talents qui sont très rifs, qui peuvent apporter énormément au monde de l'entreprise, mais qui effectivement n'ont pas forcément... Les diplômes qui vont bien parce qu'ils ont acquis leurs compétences autrement, en autodidacte ou par des projets personnels ou de manière détournée. On est encore un petit peu trop à l'ancienne, je trouve, en France.
- Speaker #0
Et est-ce que c'est au manager, finalement, de s'adapter au profil des collaborateurs qu'il a en face de lui ?
- Speaker #1
Oui, ça j'en suis convaincue et d'ailleurs au-delà de la neuro-atypie. Je pense que le rôle du manager, c'est d'être là pour... coordonner et faire avancer ces équipes, leur permettre d'aller plus loin et de progresser. Et pour ça, ce n'est pas l'armée.
- Speaker #0
Est-ce que toi, tu as déjà bénéficié d'un accompagnement, d'un mentor ou d'un cadre, j'ai envie de dire, bienveillant qui t'a aidé quelque part à croire en toi et puis surtout à t'épanouir ?
- Speaker #1
Depuis que je suis chez Autypik, je suis dans le cadre le plus bienveillant qui soit et c'est un plaisir de travailler dans cette équipe. C'est aussi une nécessité, c'est ce que je disais tout à l'heure. En fait, vu la composition de notre équipe, on est obligé d'appliquer les méthodes qu'on enseigne à nos entreprises. On est obligé d'être inclusif avec nous, même sinon on ne tiendrait pas le coup. Donc nécessairement, on est bien accueilli. Après, en termes de mentor, moi j'ai justement beaucoup progressé en autodidacte. Je me suis beaucoup auto-formée, j'ai beaucoup appris sur le terrain et j'ai fait des rencontres formidables. je pense que La plus récente et celle qui m'a apporté, c'est cette formation justement au design à UXUI. J'ai fait un bootcamp chez Aeronac qui m'a permis de me remettre à niveau et ça a été vraiment d'excellentes conditions.
- Speaker #0
Pour les personnes concernées qui n'osent pas se déclarer comme neuroatypiques en entreprise, toi tu dirais quoi ? Il y a un risque effectivement à le déclarer ou au contraire, ce sont de nouvelles opportunités qu'on va créer parce que les choses seront claires.
- Speaker #1
Je pense que ça dépend énormément de l'environnement, du cadre dans lequel on évolue. Certaines entreprises vont être ouvertes à ça, sont dans une démarche d'inclusion déjà, où elles souhaitent être plus inclusives. Et c'est les entreprises avec lesquelles nous, on travaille chez Autypik, des entreprises qui veulent bien faire, qui veulent progresser, qui veulent être plus performantes aussi. Et donc, on les aide à mettre en place concrètement cette diversité au sein de leurs équipes. En revanche, il y a des entreprises qui ne sont pas du tout sensibilisées à ces questions. et dans lesquelles, si j'en parle à mon manager, finalement, ça va être plus stigmatisant qu'autre chose, on va me regarder de travers. Donc, ça dépend vraiment des entreprises.
- Speaker #0
Évidemment, et de leur accueil. Clémence, qu'est-ce qui t'éclate le plus dans ton job aujourd'hui ?
- Speaker #1
La variété. Et je continue à apprendre. C'est très différent finalement. Je n'ai aucune journée qui se ressemble. Je n'ai pas le temps de m'ennuyer.
- Speaker #0
Tu n'as pas le temps de t'ennuyer ? Par exemple, si je te parle d'une journée type, il n'y en a pas quoi ?
- Speaker #1
Non, vraiment, il n'y en a pas. On va dire que les moments où je suis à l'école, peut-être ça va se ressembler. Les moments où j'enseigne, les moments où... où j'enregistre des émissions, parce que c'est vrai qu'on n'en a pas parlé, mais je fais des podcasts aussi à côté, c'est encore différent. Et puis les moments où je travaille pour Autypik, ou l'époque où je faisais encore des missions de web design en indépendante, tout ça c'était vraiment des journées à chaque fois qui étaient très différentes, parce qu'un jour tu es en recherche d'utilisateur, le jour d'après tu vas être en réunion stratégique, le jour d'après tu vas être les mains dans Figma pour faire des maquettes, voilà, ça change tout le temps.
- Speaker #0
Et c'est ça qui est bien. donc la variété des tâches donc tu nous disais il y a quelques instants que peut-être que la journée qui se ressemble le plus c'est celle où tu es à l'école et là c'est pas pour apprendre mais c'est pour enseigner puisque tu es enseignante en game design à l'IM, l'institut de l'internet et du multimédia qu'est-ce que tu transmets à tes étudiants ?
- Speaker #1
Qu'est-ce que je leur transmets ? Je donne des cours ponctuels et sur des sujets bien précis et n'ayant pas moi-même une formation j'ai pas fait d'école de jeux vidéo Donc, je n'ai pas un savoir académique. Je pense que la chose principale que je leur transmets, c'est une expérience de terrain. C'est justement comment ça se passe concrètement dans le monde du travail. Je leur transmets évidemment des compétences aussi qui concernent plus directement le game design, la narration, comment est-ce qu'on crée une expérience immersive, etc. Mais au-delà de ça, je leur transmets aussi des informations plus concrètes sur qu'est-ce que c'est d'évoluer dans le monde du travail. quand on est en entreprise, quand on est indépendant.
- Speaker #0
Et est-ce que là aussi, à tes étudiants, tu leur as parlé de ton profil ou pas du tout ? Oui,
- Speaker #1
ce n'est pas du tout quelque chose que je cache, parce que finalement, quand on est neuroatypique, ce n'est pas une maladie qu'on va attraper à un moment, on l'est depuis sa naissance. Et donc, je trouve que c'est important de l'assumer pour donner à voir aussi des modèles différents, des stéréotypes qu'on a encore trop souvent actuellement. Et comme je sais que le profil que j'ai, ne correspond pas aux stéréotypes de personnes autistes ou de personnes TDAH qu'on peut voir dans les médias, dans les films, dans les séries. Je trouve ça important de le montrer.
- Speaker #0
Oui, tu as raison. Tu es aussi, tu l'as dit brièvement, podcasteuse, et cela depuis plusieurs années, bienvenue au club. Qu'est-ce que ce média t'a apporté personnellement ?
- Speaker #1
J'adore parler dans un micro.
- Speaker #0
Et ça s'entend !
- Speaker #1
Et j'adore parler tout court. Quand les sujets m'intéressent, je suis quelqu'un de très bavard. Tu m'as bien fait de me dire qu'on va calibrer la taille des réponses parce que sinon, je pense que ce podcast aurait pu durer une journée complète. Mais justement, la pratique de ce média m'a appris aussi à être plus concise dans ma façon de m'exprimer.
- Speaker #0
Ça, tu le trouves, ça ?
- Speaker #1
Ça, je le trouve. Ça a été pendant ma formation. Mais finalement, quand on est en radio, il faut réussir à capter l'attention, il faut réussir à la main. Et puis, il y a quelque chose de plus intime aussi, je trouve, dans les formats audio, une proximité avec les auditrices, avec les auditeurs qui, moi, me plaît beaucoup. Et puis, évidemment, le direct qui va apporter...
- Speaker #0
L'adrénaline !
- Speaker #1
L'adrénaline !
- Speaker #0
Oui, c'est vrai. Je te rejoins évidemment complètement. Si toi, tu devais créer un podcast 100% personnel aujourd'hui, peut-être autour de la neurodiversité, il ressemblerait à quoi ?
- Speaker #1
figure-toi que c'est une question que je me pose assez régulièrement j'ai pas le temps pour ça aujourd'hui mais peut-être un jour ça arrivera je pense que ça serait un podcast de conversation ça serait un podcast de discussion et d'échange pour parler de nos expériences respectives avec les personnes que j'inviterais au micro parce que finalement chaque personne neuroatypique est différente à son propre vécu et la neuroatypique ces personnes s'expriment aussi de manière différente Donc, je trouve ça passionnant d'explorer justement les différences d'une personne à l'autre.
- Speaker #0
Tu as de nombreuses casquettes, on l'a vu dans ta vie pro. Est-ce qu'on t'a déjà dit que tu étais trop, trop quelque chose, trop rapide, trop intense, trop dispersé ? Et puis, comment est-ce que tu arrives à gérer ça si c'est le cas ? Tout le temps.
- Speaker #1
C'est quelque chose qu'on m'a beaucoup répété, pas que dans ma vie pro, dans ma vie en général. Et trop dispersé, mais tu vois, pendant très longtemps, tu as eu un aperçu de mon parcours. J'ai fait la version rapide, mais les recruteurs regardaient mon CV vraiment de travers et me disaient...
- Speaker #0
Vous ne savez pas ce que vous voulez dans la vie. J'ai été, mais si, justement.
- Speaker #1
Un CV, ça tient sur une page, Clémence. C'est ça.
- Speaker #0
C'est très dur pour moi de le faire tenir sur une page. Comment je gère ça ? Aujourd'hui, j'en suis arrivée à un stade de ma vie où justement le diagnostic m'a permis d'assumer ça aussi. Et ce n'est plus quelque chose dont j'ai honte. Je suis fière de la façon dont je fonctionne parce que déjà, elle est comme elle est et je ne vais pas changer. Je ne vais pas chercher à me rétrécir pour entrer dans des cases. Et en fin de compte, je sais que c'est aussi un atout, que c'est une force. Et donc, si des personnes trouvent que c'est trop pour elles, eh bien, tant pis pour elles, en fait, qu'elles aillent chercher moins ailleurs.
- Speaker #1
Tu as bien raison. Si tu avais un message à faire passer à toutes les personnes neuroatypiques qui peuvent nous écouter aujourd'hui, ce serait quoi ce message ?
- Speaker #0
Ça serait, ayez confiance dans vos capacités. Ce n'est pas parce qu'on vous dit que vous n'êtes pas comme tout le monde que vous êtes moins, justement. Vous êtes des personnes simplement différentes. et c'est une... Vraie force, c'est une vraie ressource. Ça peut être un vrai atout dans le monde professionnel.
- Speaker #1
Et tu en es la preuve vivante. Un immense merci à toi Clémence.
- Speaker #0
Merci à toi pour ton accueil.
- Speaker #1
Un grand merci pour ton témoignage. Pour celles et ceux qui se reconnaissent dans ce que Clémence vient de partager, il existe aujourd'hui des ressources, des dispositifs pour mieux vivre sa singularité au travail. Des bilans, par exemple neuropsychologiques. pour poser un diagnostic, c'est hyper important. Des associations comme CAPU, la maison de l'autisme, ou MTN, la maison des TDAH et neuroatypiques. Des aménagements possibles aussi avec l'aide des RH ou de la médecine du travail, des communautés de plateformes comme Autypik pour s'outiller et se sentir surtout moins seul. Et pour en savoir plus de manière générale sur les métiers et les transformations du numérique, rendez-vous sur un site internet concepteurdavenir.fr. A très vite pour un nouvel épisode de Take it different. Salut Clémence.
- Speaker #0
Salut.
- Speaker #2
C'était Tech It Different. Diversité et inclusion dans les entreprises de la tech.