Speaker #1Être atteint d'une maladie grave, c'est être confronté à quelque chose d'extrêmement angoissant, ou bien souvent la mort rôde. Elle peut être présente avec un pronostic vital engagé à très court terme, Elle peut être envisagée par les équipes médicales avec un pronostic à long terme dans le cas de maladies évolutives. En tout cas, il y a des maladies graves où la mort s'impose plus ou moins vite. C'est en particulier le cas de certaines maladies comme la maladie de Charcot, qui est une maladie neurodégénérative. Il n'y a pas de traitement pour guérir, il y a des traitements pour apaiser les douleurs, mais la maladie évolue sans que pour l'instant les techniques médicales... ne permettent d'envisager une guérison. Et les décès surviennent, selon les médecins, de quelques mois à quelques années. Donc la mort est une réalité pour chacun de nous, bien évidemment, mais lorsque l'on est atteint d'une maladie grave, c'est une réalité qui se rapproche et qui est extrêmement anxiogène. Bien évidemment, nos enfants le perçoivent, ils le comprennent, même si on essaye de les en préserver. Comme nous l'avons vu dans un des chapitres de ce podcast, l'enfant n'a pas une représentation de la mort comme un adulte. Avant 9-10 ans, la mort ce n'est pas quelque chose d'universel, d'irréversible. Si quelqu'un meurt, je risque de mourir. Donc sa conception de la mort n'est pas du tout la même qu'un adolescent ou qu'un adulte. Ce qui fait que bien souvent, les enfants vont parler de la mort de façon sereine en tout cas sans la dimension dramatique que des adolescents ou que des adultes. Et bien souvent, lorsqu'un parent annonce à son enfant qu'il est malade, qu'il est gravement malade, une des questions qui se posent, c'est est-ce que tu vas mourir ? Mais bien évidemment, l'enfant n'a pas la conception du mourir quand il est petit, comme un adolescent. Cette phrase, elle est redoutable pour le parent. elle est absolument épouvantable à entendre parce que le parent lui-même a peur de mourir. Ne pas répondre à son enfant ou lui dire Non, non, non, non, je vais guérir et je vais être soigné, je vais guérir, je vais être plus fort que la maladie c'est bien souvent la réponse que l'on donne à son enfant parce qu'on a besoin de se battre face à la maladie. Ça, c'est important, mais si la maladie devient plus forte, si la maladie l'emporte, l'enfant, qui est très marqué par tout ce qui est dit, à des moments particulièrement forts émotionnellement, va se rappeler qu'on lui avait dit, le parent malade, éventuellement les médecins, l'autre parent, la famille, qu'on allait guérir, que son parent allait guérir, qu'il allait être plus fort. Donc lui, il peut traduire ça par le fait qu'on lui a menti. Et dans la logique infantile, les explications données par les adultes sont très souvent court-circuitées. On m'a expliqué que maman ou papa allaient guérir du cancer, et puis plusieurs mois plus tard, le cancer est plus fort, et papa ou maman meurent. Mais l'enfant, il est tout simple. Ce qu'il va comprendre, c'est qu'on lui a menti. Et il n'est pas en capacité d'intégrer que tout ne lui avait pas été dit pour le préserver, pour le protéger. C'est pour ça que c'est plus important, si l'on peut, et chaque parent fait comme il le peut bien évidemment, de dire à l'enfant que l'on fait tout pour guérir. Et si l'enfant pose la question est-ce que tu vas mourir ? c'est quelque chose qui peut arriver, mais je vais me battre, les médecins sont là pour m'aider, pour tout faire, pour ne pas mourir, pour tout faire, pour guérir. Parler de la mort avec l'enfant ne va pas le traumatiser, car cela lui offre la possibilité de poser les questions, de faire part de toutes les inquiétudes. les interrogations qu'il peut avoir, de ne pas rester seul par rapport à ça. Quand la mort s'annonce, les contextes sont extrêmement variables. Le parent peut être à la maison, le parent peut être à l'hôpital, le parent peut se dégrader progressivement de semaine en semaine, ou très brutalement. Donc les situations sont extrêmement variables, qu'à chaque fois il faut essayer de s'ajuster, en demandant conseil aux professionnels qui prennent en charge le parent. Et il y a à ce niveau-là beaucoup de progrès, avec des professeurs, professionnels normalement disponibles au sein des services pour accompagner les parents. Il est important, si l'on sait que la mort s'annonce et qu'elle est inévitable, de s'autoriser à dire à son enfant que la maladie est la plus forte, qu'il n'y a pas de traitement possible ou plus de traitement possible. Ce temps-là est un temps émotionnellement extrêmement fort, extrêmement douloureux pour tout le monde, mais l'accompagnement des enfants endeuillés nous permet de savoir que lorsqu'un parent, qu'il sait qu'il va mourir, prend un temps, qui peut être très court pour dire au revoir à son enfant, certaines fois lui confier des objets qui lui ont appartenu, lui dire quelque chose une dernière fois, c'est vraiment une force incroyable pour faire face à la douleur du deuil. Il y a aussi des situations, et je reprends le cas de la maladie de Charcot, où la maladie transforme le parent sur les derniers temps, et l'enfant peut avoir très peur de ce visage déformé, de ce parent qui n'arrive plus à parler, qui a la bouche, qui n'arrive plus à énoncer le moindre mot. Il peut être terrorisé par ce parent qui n'est plus véritablement son parent. Et là, c'est très douloureux parce que le parent peut encore avoir toute sa tête, toutes ses capacités cognitives et avoir envie d'avoir son enfant qui vienne contre lui. Il ne peut pas forcément le prendre dans ses bras, mais d'avoir son enfant qui se love contre lui. Mais l'enfant a peur, il ne veut pas. Et là, c'est vraiment extrêmement important d'accepter que l'enfant puisse ne plus vouloir voir son parent extrêmement déformé par la maladie au niveau de son corps pour garder une image positive. Donc c'est tout un processus d'accompagnement du parent qui va mourir, des proches qui sont à ses côtés, des professionnels autour de l'enfant pour permettre à l'enfant de dire au revoir à son parent. avec ses mots à lui, avec ses ressources à lui, pour lui permettre, en grandissant, de ne pas penser qu'il a abandonné son parent. C'est bien la maladie qui a été la plus forte, et si le parent meurt, ça n'est pas de la faute de l'enfant. Ce que beaucoup d'enfants endeuillaient, pensent et restent bloqués dans leur processus de deuil avec cette croyance. Donc accompagner le parent en fin de vie est une épreuve redoutable, mais c'est une étape absolument indispensable pour chacun, et en particulier pour l'enfant.