- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur le podcast Parole de Patrimoine,
- Speaker #1
le podcast qui vous donne les clés pour observer et comprendre les patrimoines de vos territoires.
- Speaker #0
Je suis Léa.
- Speaker #1
Je suis Azélie.
- Speaker #0
Envie de partir à l'aventure ? De découvrir ce qui se cache à côté de chez vous ?
- Speaker #1
Ensemble, on va vous faire découvrir le patrimoine sous toutes ses formes.
- Speaker #0
Le petit patrimoine.
- Speaker #1
Le patrimoine naturel.
- Speaker #0
Le patrimoine thermal.
- Speaker #1
Le patrimoine industriel.
- Speaker #0
Le patrimoine culturel.
- Speaker #1
Retrouvez-nous une à deux fois par mois sur une thématique qui vient décrypter un des aspects du patrimoine. en format duo ou en format invité,
- Speaker #0
on vous donne nos meilleurs tips et nos recommandations pour vous faire partager l'envie de partir à la découverte des différents patrimoines de vos territoires. Et c'est parti pour l'épisode du jour ! Bonjour Servane, bienvenue sur Parole de Patrimoine.
- Speaker #2
Bonjour Léa, je suis ravie d'être là.
- Speaker #0
Est-ce que tu pourrais te présenter à nos auditeurs pour que les gens sachent un peu qui tu es ?
- Speaker #2
Alors, je m'appelle Servane Ardouin de Lorme. Je suis la fondatrice d'une association qui s'appelle Bagalade, les humains du patrimoine. Je m'intéresse beaucoup à la culture, au patrimoine culturel. Je viens de l'archéologie à l'origine, mais je trouve que je m'intéresse aussi beaucoup aux liens entre le patrimoine et le développement durable. Et ce sont des sujets dont j'aimerais bien aussi discuter.
- Speaker #1
Et alors comment tu en es venue à ça ? Quelle est ta formation ? Quel est ton parcours ?
- Speaker #2
J'ai eu un parcours un peu éclectique. Au début, je voulais être reporter. Donc j'ai commencé par rentrer à Sciences Po pour faire du journalisme. Et j'ai quand même étudié l'histoire en parallèle à la Sorbonne. Donc je faisais deux licences en parallèle. Et finalement, j'ai réalisé que je voulais plutôt continuer du côté de l'histoire que du côté des sciences politiques. Je pense avoir été peut-être un peu déçue par certains trucs à Sciences Po. Je pense que c'était tout simplement plus histoire qu'économie, sociaux et politiques. Et puis finalement, j'ai décidé de quitter Sciences Po et de continuer l'histoire. Et j'ai choisi l'égyptologie, donc l'archéologie et les langages de l'Égypte ancienne, que j'ai étudiée en Angleterre, à Oxford, pendant deux ans. C'était un master de recherche, donc j'ai vraiment exploré l'archéologie égyptienne pendant deux années. Appris les hiéroglyphes, c'était compliqué. Mais bon, j'avais appris l'allemand avant, donc ça va. Mais ouais, donc égyptologie. et puis là, encore une fois, j'ai réalisé que... finalement je voulais pas trop être chercheuse en égyptologie, ou chercheuse tout court d'ailleurs, et je me suis demandé ce qui me faisait vraiment plaisir, et en fait ce qui me faisait plaisir en égyptologie c'était d'étudier les temples, les restes de villes, de palais, en fait c'était plus la dimension patrimoine qu'Egypte, et qu'en fait je pouvais étudier le patrimoine que ça soit en France, en Écosse ou en Égypte de la même façon. Et donc là j'ai fait une petite pause d'un an, j'ai un peu travaillé notamment à l'UNESCO et au musée d'Orsay, et puis j'ai fini par faire un deuxième master. en management de la culture, ce qui m'amène à travailler aujourd'hui dans des musées, dans des châteaux, mais plutôt du côté médiation et gestion de projets culturels que du côté recherche. D'accord,
- Speaker #1
quel parcours !
- Speaker #0
Oui, c'est hyper impressionnant. Mais moi, du coup, une petite question de curiosité, pourquoi l'égyptologie ?
- Speaker #2
Ah ! Ben non, mais en fait, je pense que c'est, comme beaucoup de personnes, un rêve d'enfant, une passion d'enfant. À l'époque où j'étais peut-être un peu perdue et un peu déçue par la politique et l'économie, ou en tout cas les façons dont c'était enseigné. Je me suis tournée vers une valeur confort dans mon choix d'étudier l'histoire. Ça aurait pu être le Moyen-Âge, j'ai trop aimé le Moyen-Âge. Enfin je trouve qu'on en a grave des clichés quand on étudie à la fac, on découvre qu'en fait c'était hyper intéressant comme période. Je sais pas, j'ai aussi étudié l'Égypte à ce moment-là, j'ai redécouvert à quel point c'était chouette et je suis redevenue un enfant et je me suis dit allez faisons-en ma carrière entière. Ce qui était peut-être pas un choix rationnel d'ailleurs, j'ai regretté ensuite. enfin j'ai pas regretté mais j'ai pas continué Mais voilà, c'était plus la passion d'enfant mêlée à une rebifurcation professionnelle qui a fait que... Non mais c'était génial, justement je ne regrette pas, j'ai appris plein de trucs, l'Egypte c'est trop beau, j'y ai voyagé plusieurs fois, c'était vraiment super. Et juste pour visiter le patrimoine en plus, donc c'était top. Et puis je peux toujours dire en soirée que j'ai appris les hiéroglyphes.
- Speaker #0
Ça fait toujours un petit délire.
- Speaker #2
Ça fait toujours un plus, ouais.
- Speaker #0
Et bien nous, pour continuer, tu nous as parlé beaucoup de patrimoine et justement on est là pour ça. On pose toujours cette question à nos invités, comment tu le définirais toi le patrimoine ?
- Speaker #2
Il y a cette définition que j'ai apprise à l'école ou en fac, qui est que c'est ce qu'on hérite et ce qu'on transmet, et c'est un truc hyper simple, c'est probablement la définition du Larousse, mais je trouve que c'est très vrai, et ça permet aussi de définir tous les versants du patrimoine. Je trouve qu'on peut aussi parler de patrimoine génétique, de patrimoine naturel, de patrimoine culturel, d'un patrimoine littéraire ou linguistique. Moi je m'intéresse plus spécifiquement au culturel ou au naturel, mais c'est vrai qu'on hérite aussi d'une langue, d'une nation, on hérite de nos gènes, de nos parents, et on les transmet aussi à nos enfants. Je trouve que cette définition-là marche plutôt pas mal. Et d'ailleurs, on hérite de la planète et on est censé aussi la transmettre à nos enfants. Donc je trouve que le lien entre culture et nature se fait d'autant plus facilement à travers cette définition du patrimoine.
- Speaker #1
Et pourquoi plus naturel et culturel ?
- Speaker #2
Justement, c'est là que je suis arrivée par mes études. Je trouve que j'avais un intérêt à l'origine pour le bâti, pour l'archéologie et pour le bâti. Et aujourd'hui, j'ai compris qu'en fait, ça s'insérait dans beaucoup plus de dynamique que juste l'étude des pierres ou l'étude des langues. Et ça, c'est aussi un truc que j'ai compris en étudiant l'égyptologique. En fait, on ne peut pas étudier les cailloux sans étudier les hommes autour, sans étudier les jobs que ça crée ou que ça supprime, sans étudier les identités que ça crée ou que ça supprime. Donc je trouve qu'on peut étudier les pierres en les inscrivant dans leur contexte.
- Speaker #0
C'est trop cool. La manière dont tu abordes le sujet est hyper intéressante. C'est nouveau aussi dans nos interviews, même si on en a parlé un peu déjà de près ou de loin. Ça fait réfléchir, je trouve.
- Speaker #1
Pour continuer cette belle présentation, tu nous as parlé de Bagalade. est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?
- Speaker #2
Oui, alors justement en Angleterre c'est un endroit où on étudie vraiment l'archéologie avec une dimension hyper anthropologique donc on va vraiment étudier pas juste les cailloux mais étudier l'impact qu'ont les cailloux sur les hommes et l'impact que nous on a quand on fait un chantier de fouilles, est-ce qu'on inclut les populations, est-ce qu'on va en Égypte en parlant que anglais et français, est-ce qu'il y a des relations de pouvoir qui s'installent dans un chantier de fouilles et ça c'est un truc qu'on a pas trop en France, on reste un peu archéologie, archéologie et donc une fois l'égyptologie... Abandonné, j'ai quand même gardé ce sens de les pierres ont un impact sur les hommes et le présent. Je trouvais ça dommage qu'on n'en parle pas plus en France, qu'il n'y ait pas plus d'initiatives qui mêlent les humains et le patrimoine. Puis le Covid est arrivé, moi j'avais une idée depuis un certain temps qui était de faire des interviews d'habitants, donc d'humains, au sujet du patrimoine. Puisque je pense que j'ai un peu fait un bilan de mes compétences à un moment et j'étais en mode, bon bah les hiéroglyphes ça va pas me servir. par contre j'écris pas trop mal et je fais des photos pas trop mal et donc je pourrais faire un truc avec la photo et l'écriture et donc potentiellement faire un truc en mode Humans of New York donc juste interroger des gens et les prendre en photo et écrire un peu leurs histoires mais avec le patrimoine et bon le Covid est arrivé ça a un peu retardé ça et je me suis dit que j'attendrais puisque c'était quelque chose qu'on devait faire en présentiel quand même mais bon je pensais qu'il durait que deux mois et finalement je me suis dit en voyant que ça durait plus longtemps que j'allais commencer donc j'ai commencé au début par téléphone et puis là donc je fais ça en... En vrai, l'idée c'est d'interroger des habitants des villes, villages, communes, territoires de France, dans toutes les régions, et de leur demander à chacun de nous parler de leur monument préféré du patrimoine. Que ça soit un lavoir, une église, un château, un théâtre, un menhir, une grotte, on a vraiment des choses hyper différentes quand on demande aux gens de choisir. Et c'est ça qui est beau aussi en fait. Pour moi ça a aussi été une façon de découvrir le patrimoine français que je ne connaissais pas trop. C'est notre principe. Aujourd'hui on a un petit réseau d'ambassadeurs et d'ambassadrices. en région.
- Speaker #1
Dont Léa, qui est ambassadrice, justement.
- Speaker #0
Oui, voilà. C'est comme ça qu'on s'est connues avec Servane. C'est pour ça que Servane est là aussi aujourd'hui. Elle m'a appelée, justement, pendant cette fameuse période Covid où on faisait les interviews par téléphone pour parler à la base de Mont-Soleimine, d'où je viens. Et au final, attachée à l'Auvergne, je me suis retrouvée ambassadrice Auvergne et à faire des interviews dans la creuse pour interroger Azélie.
- Speaker #1
Devine. Si t'avais un patrimoine à sélectionner, un lieu, ce serait quoi ?
- Speaker #2
Pour m'interviewer moi au sujet de ce lieu ? Oui,
- Speaker #1
par exemple.
- Speaker #2
Genre toi,
- Speaker #0
un lieu qui te touche indépendamment de Baguélade ?
- Speaker #2
Oui. En fait, le lieu qui me touche le plus, je pense que c'était mon interview test pour Baguélade, c'est une grotte qui s'appelle la Grotte de la Goulophée, qui est une grotte marine qui est chez moi, chez ma famille à Dinard, en Bretagne. Et c'est une grotte qui se fait submerger deux fois par jour à marée haute. Et à marée basse, on peut entrer à l'intérieur et c'est aussi un patrimoine naturel évidemment, mais c'est aussi un patrimoine culturel parce qu'elle inspire des légendes depuis longtemps. On retrouve des vieilles cartes postales où ça raconte la légende de cet homme qui a rencontré une femme dans la mer et sa barque s'est remplie de poissons. Et puis aussi culturel puisque les Frères Lumière ont fait des essais de photos et ont développé la photo dans l'obscurité qu'offrait la grotte, qui leur a permis de faire des premiers tirages à l'époque. Et donc quand j'étais petite, on voyait toujours cette petite... plaque en marbre sur la falaise, on se baladait toujours avec ma grand-mère là-bas et puis j'avais toujours cette plaque avec les frères Lumière, ça me fascinait. Et mon père me racontait qu'il y avait un dragon là-bas, donc c'était un lieu de légende aussi dans ma tête, mais voilà, c'est un lieu magnifique où je vais tout le temps me balader. Et ça a été mon premier interview pour Bagalade, je me suis auto-interviewée pour tester le format, les durées, les photos, etc. donc c'est entonné
- Speaker #0
C'est trop chouette parce que le lieu a sa légende propre, réelle avec la présence des frères Lumière. Il y a la légende du pêcheur avec sa barque de poissons et il y a les légendes familiales aussi que tu portes. Du coup, je trouve que c'est un lieu qui est hyper fort.
- Speaker #1
Donc pour revenir sur Bagalade, le sous-titre c'est « Les humains du patrimoine » . Pour toi c'est quoi un humain du patrimoine ?
- Speaker #2
Alors pour moi ça désigne à la fois les humains qu'on interroge, et pour moi en fait c'est peut-être une expression un peu répétitive, parce que je pense que tous les humains peuvent être des humains du patrimoine, je pense qu'on a tous un monument qui nous tient à cœur, même si on ne le définit pas forcément comme patrimoine d'ailleurs, ça peut juste être une rue qu'on aime bien traverser tous les matins en allant au travail, et on ne sait pas pourquoi ça nous rend heureux, parce qu'il y a une harmonie des pierres, etc. Donc je pense qu'on est peut-être... Tous des humains du patrimoine, mais c'est aussi les humains qui interrogent ces personnes. Je trouve ça vraiment génial d'avoir réussi un peu à créer un petit réseau d'ambassadeurs et d'ambassadrices. On est tous passionnés de patrimoine et on y arrive tous par des directions et des voies différentes. Il y en a quelqu'un qui arrive par la géologie, l'autre par les politiques publiques, l'autre par le tourisme, par l'architecture, par l'histoire, l'égyptologie pour moi, le droit pour celles qui en cherchent de nos partenariats. donc franchement je trouve qu'on est une... belle petite communauté d'humains du patrimoine qui interrogeons nos humains du patrimoine. Ça fait référence à la fois aux personnes devant et derrière la plume et la caméra.
- Speaker #0
Et justement, tu parles des personnes qui sont devant la caméra. Comment tu les prépares ces interviews ? Comment tu contactes les gens ? Dans quelles conditions ça se fait ? C'est quoi un peu le backstage de tout cet écosystème-là ?
- Speaker #2
Alors, pour contacter des habitants, on a plusieurs façons. Moi, j'aime beaucoup me relayer sur les structures locales. J'ai beaucoup travaillé avec de petites associations de villages, souvent de personnes à la retraite qui reviennent à leur village après avoir travaillé ailleurs. Et donc ce sont souvent les associations d'histoire, de généalogie, d'archéologie. Il y en a souvent dans chaque village d'ailleurs. Et je pense que ce sont des relais précieux, parce que ce sont eux qui connaissent les habitants passionnés du coin, ou bien parce qu'ils aimeraient témoigner eux-mêmes d'ailleurs. Souvent ces personnes ont beaucoup à raconter. Donc voilà, les petites associations. Et puis j'aime aussi fonctionner avec des gros partenariats, avec des... des plus grosses structures qui couvrent un territoire, parce que j'aime bien cette approche de territoire où on a des relais locaux, et puis on a aussi une vision un peu d'ensemble sur des points communs entre des patrimoines du territoire, entre des matériaux du territoire. Donc c'est dans ce cadre-là, par exemple, que je travaille avec la route des villes d'eau sur le massif central, et donc avec des grosses structures. Et puis en fait, les réseaux sociaux aussi sont hyper importants pour identifier des individus passionnés de patrimoine ou de territoire ou de photos. Donc beaucoup de mes interviews ont commencé sur... par des échanges sur Instagram autour de photos ou de territoires. Donc voilà, c'est un peu divers également avec des mairies, des offices du tourisme. Les journaux sont aussi des ressources clés pour identifier un peu des acteurs qui jouent des rôles dans leur territoire.
- Speaker #1
Et alors, parmi toutes ces interviews, laquelle t'as le plus marqué ?
- Speaker #2
Vous pouvez pas me demander ça ? Si,
- Speaker #1
si, si,
- Speaker #2
si. Non, mais je pense que c'est honnêtement, je trouve ça vraiment impossible de choisir. En fait, je suis touchée à chaque fois que quelqu'un se confie à moi. C'est juste impossible de noter les personnes et d'en choisir une préférée. Je pense qu'il y a peut-être des interviews où la personne se confie plus facilement, ou plus aisément, ou plus rapidement. Il y a des interviews où on voit des points communs avec nous et des interviews où on se dit c'est fou à quel point l'être humain peut être différent de mille façons. Mais je pense vraiment pas sans langue de bois pouvoir choisir. Je pense qu'à chaque fois il y a un truc qui me touche et je me dis waouh c'est beau. Les êtres humains sont hyper beaux et différents et riches. Il y a des histoires qui sont heureuses, des histoires qui sont tristes, des histoires de drame comme des histoires mignonnes et adorables. Ou juste des histoires plus rationnelles. Donc franchement je peux pas choisir.
- Speaker #0
C'est clair,
- Speaker #1
je comprends.
- Speaker #0
Et sur un lieu ?
- Speaker #2
un lieu que t'as découvert grâce à Bagalette que jamais t'aurais pu douter qu'il y avait ça là je vais peut-être revenir en Bretagne mais c'est mes origines toujours dans la même ville il y a un hôtel dans lequel je suis toujours passée enfant qui s'appelle le Galilc Hotel à Dinard, pour le coup c'est vraiment l'hôtel que je trouvais moche c'est une architecture de béton des années de l'entre-deux-guerres et c'est pas du tout un truc, une esthétique à laquelle on est sensibilisé, en tout cas enfant vraiment une façade de béton avec des terrasses et des balcons Merci. Et j'ai fini par interviewer quelqu'un à Dinard, un monsieur qui m'a parlé de cet hôtel, donc il habite dans cet hôtel qui a été divisé en chambres et donc il a racheté quelques chambres pour en faire un appartement. Et en fait il m'a complètement convaincue, et au point qu'en fait quand je lui en suis ressortie je me suis dit ah mais en fait cet hôtel est beau ! Mais vraiment c'est quelqu'un qui est passionné par l'architecture en béton, parce que lui-même a grandi au Havre qui a été détruite pendant la guerre, et donc il est seulement habitué à l'architecture moderne, ce qui fait que son œil voit des choses comme belles que moi je vois pas du tout comme belles. Et en fait, il m'a fait rentrer dans cet hôtel que j'avais vu toute ma vie, et notamment dans les sous-sols qui en fait ont été occupés d'abord, c'était les logements et les cuisines, donc les logements des intendants quand c'était un hôtel. Et puis ça a été un endroit où se réfugiaient les soldats pendant la Seconde Guerre mondiale. Et donc en fait, on voit sur les murs des souterrains, plein de dessins de plein de générations de gens qui ont été dans ces souterrains, donc à la fois des dessins faits par les cuisiniers, les cuistots et tout, et des dessins faits par les soldats. Et franchement, c'est trop beau. Donc on voit des grooms d'hôtels, des gens en tenue, vraiment la tenue du groom, la tenue du majordome, la tenue du cuistot, dessinée à la craie sur les murs. Et ensuite, on voit des soldats, on voit des soldats qui dessinent aussi le visage de leur femme ou de la femme dont ils rêvaient. On voit des noms, machin, étaient là en 1943 ou 44, je ne sais plus. Et franchement, de voir ces dessins, je trouvais ça vraiment hyper, hyper émouvant. En plus, dans des souterrains abandonnés, dans ce qui est maintenant un immeuble où les gens ne descendent pas à la cave. Et ça, ça m'a touchée parce que je voyais ça depuis 23 ans et je me disais toujours que c'était vraiment moche et qu'il y avait la plage à côté et que la mer, c'était beaucoup plus beau. Mais franchement, ça, ça m'a bien marquée. Depuis, je ne le regarde plus de la même façon.
- Speaker #1
Il y a un intérêt dans tous les bâtiments.
- Speaker #2
C'est sûr. Mais là, vraiment, cacher dans ce sous-sol, c'est limite une métaphore. Le joyau est sous terre.
- Speaker #0
C'est énorme. Ça montre comme quoi... Les préjugés qu'on peut avoir sur certains lieux, quand on apprend à les connaître ou quoi... Leur histoire. Ouais.
- Speaker #2
Et puis comme un regard est construit aussi. Lui, son regard était construit différemment, vu qu'il avait vécu dans une ville hyper moderne. Et pour lui, le béton, c'était beau, quoi.
- Speaker #0
C'est tout le sens de Bagala, de cette rencontre.
- Speaker #2
Aussi, ouais. De voir les choses différemment avant et après.
- Speaker #0
Puis de le partager pour que les autres, ils puissent se rendre compte aussi de cette différence-là, de ces différents regards.
- Speaker #1
Si on devait te demander une interview dans l'absolu, quelque chose que tu aimerais faire, un rêve peut-être d'interview, un endroit, quelque chose qui te ferait rêver à faire, ce serait où et peut-être qui ?
- Speaker #2
J'aimerais quand même beaucoup interroger un égyptologue. Je pense que comme ça, la boucle serait bouclée et j'aurais mêlé mes deux voix. C'est quoi ton appel ? C'est un rappel.
- Speaker #0
C'est une annonce.
- Speaker #2
Non mais voilà, notamment par exemple, on peut penser à l'obélisque de la Concorde à Paris, puisqu'on a quand même, encore heureux, peu de monuments d'Egypte ancienne en France. Mais je pense qu'en plus, cet obélisque a récemment été restauré. Donc si un égyptologue qui l'a restauré acceptait de faire un interview, ça serait super.
- Speaker #0
D'accord. On fait passer l'appel. C'est ça. Et justement, par rapport à toutes ces interviews dont on parle de ces lieux, tu aurais une anecdote ?
- Speaker #2
Je trouve qu'il y a pas mal d'inattendus dans les interviews, ou peut-être au lieu d'une anecdote, je trouve qu'en fait un aspect qui est vraiment cool, c'est que rarement les choses se passent comme elles sont prévues, et qu'il peut y avoir un orage au milieu d'un interview, et du coup on doit courir se mettre à l'abri, et finalement on finit par faire interroger la personne dans un bar, ou il peut y avoir une personne qui est malade et en fait elle nous conseille quelqu'un d'autre, et ce deuxième interview imprévu va être d'autant plus intéressant. Enfin je trouve que tout ce qui est inattendu dans des rencontres, En fait, on ne peut pas planifier... des rencontres avec des personnes, comme si c'était planifier une construction d'automobile. Je trouve que tout ce qui est imprévu sur le terrain fait partie du charme de justement être sur le terrain et pas dans des bureaux. Je trouve ça assez formidable.
- Speaker #1
Pour faire le lien avec ces imprévus humains, l'humain est dans un des trois piliers du développement durable, qui est l'économique, le social et l'environnemental. Tu parles justement de développement durable comme une des valeurs que porte Bagalade. comment selon toi le patrimoine local peut-il jouer un rôle dans le développement durable ou les changements écologiques actuels par exemple ?
- Speaker #2
Pour reprendre les trois piliers, je pense que c'est un peu dans la continuité de ce que je disais tout à l'heure. Je pense que le patrimoine c'est pas quelque chose d'isolé, c'est pas quelque chose qu'on peut isoler derrière une vitrine dans un musée. C'est forcément quelque chose qui est en interaction avec chacun de ces trois piliers. Je pense que par exemple pour l'économique, il y a toute la thématique des métiers d'art, de la création d'emplois. Je pense que c'est vraiment une thématique aussi que j'aimerais explorer davantage, mais c'est ce que j'essaye de faire en interviewant plus d'artisans et plus de fabricants, par exemple. Donc j'ai interviewé une bijoutière dans sa bijouterie ancienne, un fromager dans une ancienne fromagerie de la belle époque. Je trouve que la façon dont le patrimoine, les traditions, les terroirs créent des emplois et maintiennent des savoir-faire, c'est juste fascinant. Concernant par exemple le pilier social. Bon ça c'est peut-être celui que j'explore le plus, puisqu'on s'appelle aussi les humains du patrimoine. Mais voilà, je trouve que le patrimoine, c'est pas seulement une communauté, c'est du lien social, c'est aussi l'identité, c'est tout simplement dans l'identité des gens. Et ça, c'est un truc que j'ai beaucoup appris en travaillant sur le Moyen-Orient, c'est que quand on est dans des zones de guerre, souvent les médias ou certaines communautés reprochaient, par exemple à l'UNESCO, de vouloir sauver les monuments alors qu'on est dans des zones de guerre, ce qui est normal qu'on va sauver les gens en premier, évidemment. Mais en fait, ça ne sert à rien de sauver des gens s'ils n'ont plus d'identité. Et donc, je trouve que le sauvetage des monuments a aussi un rôle dans ça. En fait, on sauve les monuments pour l'après, une fois qu'on les a sauvés, eux. Retrouver leur temple, leur langue, leur culture, leurs points communs, leurs traditions, leurs rites, peut être un truc assez essentiel pour se reconstruire quand on a été détruit. Donc, je pense que le social est aussi une question d'identité. Et puis enfin, pour l'écologie, je pense que là aussi, les ponts sont... Je pense que s'intéresser au patrimoine, c'est s'intéresser à notre relation, à notre environnement, à tout ce qui nous entoure. Et de la même façon dont on devrait montrer du respect aux pierres et dont on devrait conserver les pierres, je pense qu'on devrait montrer le même respect et le même effort de conservation aux forêts, aux mousses et aux végétaux. Donc voilà, je pense que c'est déjà un effort de conservation et un effort de matériaux, par exemple. Je pense que beaucoup des solutions pour pas mal de problèmes... en rapport avec la crise actuelle, pourrait se trouver dans le patrimoine, que ce soit dans... On a beaucoup de modèles de logements durables qui se font dans des bâtiments patrimoniaux. Encore une fois, beaucoup de mes exemples viennent du Moyen-Orient, évidemment, et de l'Égypte en particulier, mais en Égypte, on a des maisons qui sont construites en terre crue et en terre cuite parfois, mais voilà, ça s'appelle la mud brick en anglais. Et c'est vraiment un logement où on a des équilibres de chaleur hyper naturels, hyper ventilés, donc c'est ventilé en été, Ça tient chaud en hiver. Et c'est un truc que les archéologues, les premiers égyptologues sont arrivés et ont constaté que c'était vraiment pas mal. On retrouve des lettres d'égyptologues où ils disent « Oh là là, les logements égyptiens sont bien ventilés » . Mais voilà, les logements traditionnels avaient aussi une qualité pour l'environnement qu'on a évidemment perdue avec l'acier et le béton. Et aujourd'hui, on a des ONG en Afrique qui réutilisent ces techniques traditionnelles qui datent de Ramsès, donc on parle de moins de mille quand même, et qui étaient maintenues jusqu'au XIXe siècle avant qu'on invente d'autres choses. Et voilà, il y a des énergies qui construisent de l'habitat durable en utilisant ces techniques. Et je trouve ça fou. Et je trouve que de la même façon, on trouve aussi des solutions d'harmonie avec la nature dans des communautés qui continuent à vivre selon des rites traditionnels, par exemple dans des forêts, notamment la forêt amazonienne, etc. Donc je pense qu'il y a beaucoup de solutions écologiques qui se trouvent dans l'étude du bâti traditionnel. Et ça, c'est aussi un thème fascinant.
- Speaker #0
Ça me fait penser à tout ce qui est architecture vernaculaire, même s'il parle de... de ce qu'on trouve localement, des savoir-faire locaux. On en a parlé dans un épisode sur le patrimoine rural mais c'est vrai que ça me fait penser à ça. Ce côté de pourquoi aller chercher plus loin alors qu'on a souvent les choses à côté. Au final, le patrimoine qui est notre héritage passé, c'est aussi ce qu'on peut amener à l'avenir, vu qu'on est dans ces grandes questions écologiques.
- Speaker #2
Exactement, et c'est toujours la question de, en fait, on n'hérite pas d'un boulet. Et ce n'est pas parce qu'on reproduit des choses du passé qu'on devient rétrograde. C'est plus qu'on réemploie des choses du passé, mais avec des idées nouvelles, avec des problèmes nouveaux, notamment le fait que la planète meurt. Mais voilà, en fait, c'est pas que des choses qu'on nous impose, et du coup, c'est contraire à la modernité, c'est vraiment pas ça. C'est l'idée de, on va sélectionner dans le passé des choses qu'on va réemployer pour des nouveaux usages, et de façon, avec des idées nouvelles derrière.
- Speaker #0
Donc sur un... Tout autre registre, mais tout à l'heure tu nous parlais justement des partenariats que tu pourrais faire avec Bagalade. Tu fais un partenariat avec la route des Vildos du Massif Central, tu en as fait un l'année dernière et tu as recommencé du coup cette année. Comment ça se passe ? Qu'est-ce que tu vois ? Qui tu rencontres ? Et un petit peu comment ça se présente un partenariat avec Bagalade ?
- Speaker #2
Là encore, l'histoire du début est anecdotique. En fait, j'ai choisi l'Auvergne pour être honnête, un peu par hasard. Pendant un confinement, je me suis dit que justement le confinement permettait de choisir n'importe quelle région puisque de tout... De toute façon, j'étais à distance. Donc là, je me suis dit que je ne connaissais rien à l'Auvergne. Et donc, je n'ai fait qu'appeler des petits villages, des petites associations de villages en Auvergne. Et puis, au fur et à mesure, j'ai connu des gens assez sympathiques qui me donnaient bien plus que ce que je leur demandais, notamment des ressources et des contacts. Et donc, c'est une dame qui s'appelle Joël à Saint-Nectaire que j'ai interviewée au sujet d'un ménire qu'elle connaissait enfant et d'ailleurs toujours adulte, qui m'a fait rencontrer Léa, qui travaille à la route des Ville d'Eau. Elle m'a présenté et ensuite on s'est dit avec Léa qu'on devait forcément travailler ensemble. Et donc voilà, ça fait deux ans qu'on travaille ensemble, en tout cas deux saisons. Le but c'est de mixer nos spécialités, donc en fait c'est d'interviewer les habitants du Massif Central au sujet des patrimoines des villes thermales, donc notamment le patrimoine thermal, mais en fait le patrimoine thermal au sens large. C'est d'ailleurs la première chose que j'ai découverte, c'est qu'en fait on avait les termes, mais on avait aussi... les théâtres, les opéras, les hôtels, les villas, et puis aussi des tout petits patrimoines, petits entrecrochés évidemment, mais les lavoirs, les sources, les buvettes, jusqu'au gobelet des curistes. Donc je trouve qu'il y a vraiment tout un univers, et en fait ça se voit dans ces villes-là que ça a marqué les gens, et on revient toujours sur la même chose, mais ça a créé des emplois, ça marque l'identité, ça marque le paysage. L'eau évidemment fait le lien entre la nature et la culture, et donc voilà, je trouve que c'est vraiment... Un partenariat qui marche bien, donc ça fait deux années que Léa m'accueille dans le Massif Central et qu'on voyage à la rencontre des habitants, des gens très différents. Ça peut être des hôteliers restaurateurs, des artisans, des fromagis justement, je l'évoquais tout à l'heure, comme des chefs d'entreprise ou tout simplement des passionnés, des guides touristiques jusqu'aux habitants. Donc c'est très très riche, pour moi c'est complètement nouveau.
- Speaker #0
On s'éclate !
- Speaker #1
que l'on a reçue. On a fait donc un podcast avec elle, où vous pouvez retrouver justement qu'est-ce que c'est que la route des villes d'eau du Massif Central.
- Speaker #0
Le patrimoine thermal et les projets qui sont menés aussi avec Bagalade mais aussi d'autres. Et aussi par rapport à cette deuxième année de partenariat, du coup nous Parole de Patrimoine, on a pu suivre grâce à Léa de la route des villes d'eau, le projet de Bagalade. Ça fait beaucoup de monde dans l'histoire. Mais vous pouvez retrouver sur nos comptes Instagram respectifs un petit peu les backstage de ce qui s'est passé dans le Massif Central cette année, pour voir un petit peu comment ça peut se passer sur le terrain.
- Speaker #1
Et une vidéo YouTube. Pour nos auditeurs, comment on peut participer, contribuer si quelqu'un veut partager son patrimoine ? Comment on fait pour t'aider ?
- Speaker #2
Alors, on peut m'aider de plusieurs façons. Déjà, lire nos histoires. En fait, on a vraiment fait un travail important de... écouter les histoires des habitants et de les transmettre, de les transmettre par écrit sur notre site internet baguelade.org mais aussi sur nos réseaux sociaux par des photos et notamment des interviews vidéos depuis cette année. Donc voilà déjà écouter les histoires des gens, je pense qu'on a tous des choses à apprendre de ces humains du patrimoine, en tout cas j'espère vous en avoir convaincu mais voilà juste les écouter c'est déjà formidable, je pense que ça peut aussi vous intéresser. Mais sinon vous pouvez aussi nous aider financièrement évidemment, nous on est une association, on est une association de jeunes. On est une quinzaine de jeunes un peu partout en France et chaque don nous est utile pour voyager, pour maintenir notre site internet, pour relayer les histoires des habitants le plus loin et le plus intensément possible. Et puis surtout, vous pouvez participer en racontant votre histoire. Si vous avez un monument du patrimoine, et je suis sûre que vous en avez un, qui vous tient à cœur, pour lequel vous êtes reconnaissant de l'avoir rencontré. que vous trouvez beau, que vous trouvez intriguant, vous pouvez aussi nous envoyer un mail, nous contacter sur nos réseaux sociaux, et puis on sera ravis de vous écouter à votre tour.
- Speaker #0
Pour finir, tu aurais un projet rêvé ? Le projet rêvé de Bagalade, ce serait quoi ?
- Speaker #2
Moi, j'aimerais beaucoup travailler, et c'est encore une de mes passions bizarres, mais j'aimerais beaucoup travailler sur le patrimoine portuaire et maritime. C'est à la conjonction de pas mal de choses, notamment le patrimoine naturel et le patrimoine industriel. Et puis les zones de transition entre la mer et la terre, les littoraux, ont laissé pas mal de patrimoine qui n'en ont pas l'air. Et donc ça, c'est un thème que j'aimerais beaucoup explorer.
- Speaker #0
Donc à la fin de chaque épisode, on finit toujours par le traditionnel tac au tac. Donc on va te poser une série de questions avec deux choix. Et le but, c'est de répondre spontanément. Donc c'est bon ? T'es prête ? Oui. Patrimoine naturel ou bâti ?
- Speaker #2
Bâti.
- Speaker #1
UNESCO ou monument historique ?
- Speaker #2
UNESCO.
- Speaker #0
Petit. Ou grand patrimoine ?
- Speaker #2
Petit.
- Speaker #1
La Bretagne ou l'Égypte ?
- Speaker #2
La Bretagne.
- Speaker #0
Terre ou mer ?
- Speaker #2
Mer.
- Speaker #1
Pierre ou caillou ?
- Speaker #2
Caillou.
- Speaker #0
Le nord ou le sud ?
- Speaker #2
Le sud.
- Speaker #1
L'écrit ou l'oral ?
- Speaker #2
L'écrit. Parfois, tu joues à ta vie chaque fois. Franchement, c'est très piège.
- Speaker #0
Merci beaucoup, du coup. Deux petites questions ouvertes. Une région préférée ?
- Speaker #2
La Bretagne.
- Speaker #1
Et un site archéologique ? Luxor en Egypte c'est mon site préféré je vais pas me remettre à en parler pendant un million Luxor en Egypte pour conclure éventuellement si tu as une citation un livre ou un film à recommander moi j'aime beaucoup le podcast Le Sens de l'Art qui est un peu le même principe que
- Speaker #2
Bagalade mais pour l'histoire de l'art et qui demande aux personnes notamment aux visiteurs de musées de raconter leurs propres histoires de l'art ça je trouve que c'est une idée révolutionnaire que j'aurais aimé la voir d'ailleurs en tout cas un très bon podcast
- Speaker #1
D'accord, merci beaucoup pour cette recommandation et merci pour cette interview qui a été très intéressante.
- Speaker #0
Et qui fait la fin de la saison 1 pour Parole de Patrimoine. C'est une très belle interview qui ouvre le champ du possible pour aller explorer les patrimoines. Et on espère vous retrouver dans une saison 2.
- Speaker #1
Tout à fait, merci Servane.
- Speaker #2
Merci à vous.
- Speaker #0
Retrouvez-nous pour la suite sur toutes les plateformes d'écoute et en vidéo sur notre chaîne YouTube Parole de Patrimoine.
- Speaker #1
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- Speaker #0
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