Speaker #0Bienvenue dans cette nouvelle saison du podcast La Pédagogie en série. Je suis Laurie Mézard et après vous avoir guidé lors de la première saison sur l'apprentissage par projet, et bien sur cette saison 2, j'aimerais vous guider sur comment aider nos apprenants à devenir des apprenants autonomes. Alors, il n'y a pas vraiment de débat sur la nécessité d'apprendre à apprendre. Même ceux qui voient la formation d'un œil très utilitaire le disent. Avec l'obsolescence des compétences, avec l'augmentation des reconversions, L'acte d'apprendre devient une nécessité tout au long de la vie. Et comme à notre époque, les informations sont partout, sur Internet, dans les livres, et n'importe qui y a accès, l'expression consacrée, elle est de dire que les illettrés du XXIe siècle, ça va être ceux qui n'ont pas appris à apprendre en autonomie, à partir de ces ressources. Donc, tout le monde est à peu près d'accord sur le fait qu'il faut apprendre à apprendre. Mais apprendre à apprendre quoi exactement ? Parce que... Si je vous demande des conseils pratiques, si je vous demande comment devenir autonome dans les apprentissages, la majorité, elle me répondra qu'il faut comprendre comment marche le cerveau pour apprendre à traiter toutes ces ressources à disposition. On me donnera alors des conseils pratiques aux pratiques, sur le fait que relire les informations, c'est pas suffisant pour apprendre, qu'il faut favoriser un traitement profond de l'information, donc via des synthèses, des cartes mentales, en faisant du lien. Bref, on m'expliquera comment marche la tuyauterie du cerveau, pour réussir à ancrer durablement des informations dedans. Et on m'expliquera aussi probablement quelques trucs sur la motivation, sur le fait de tester ses connaissances, d'organiser son emploi du temps. Bref, on me donnera des petits conseils sur comment me gérer en tant qu'apprenant. Bien sûr, tout ça c'est vrai. C'est vrai dans le sens où j'ai besoin de savoir tout ça pour optimiser certaines activités d'apprentissage, notamment des activités de recherche d'informations, d'organisation des connaissances, tout ça. Mais... Cette approche de l'apprentissage comme processus d'acquisition d'informations par un cerveau isolé, comme si c'était un petit ordinateur qui fonctionne en dehors du reste du monde, elle est profondément incomplète. Si vous demandez à une neuroscientifique ou un biologiste c'est quoi apprendre, ils ne vous parleront pas de traitement logique de l'information. Ils vous diront que les êtres vivants se régulent, se transforment et s'adaptent au contact de leur environnement. Donc ils vous diront que les comportements, ils émergent en fonction du contexte, de l'histoire de l'individu, et donc qu'on apprend en partant d'un point de vue subjectif sur le monde. Et enfin, ils vous diront qu'on apprend dans un contexte donné, avec notre corps et avec nos émotions. Comme nous le dit le grand Francisco Varela, le papa de l'inaction, en fait c'est la biologie, bien plus que l'informatique, qui peut nous expliquer comment marche notre cerveau. Si on regarde les êtres humains avec ce prisme, en gardant en tête qu'on est des organismes vivants, ça nous amène à une définition beaucoup plus nuancée de c'est quoi apprendre. Apprendre, pour un humain, comme pour les autres animaux, c'est à la fois créer du sens, interpréter ce qui se passe dans l'environnement, et être capable d'adapter notre comportement pour nous permettre à la fois de survivre dans l'environnement et d'y prendre plaisir. Et vu comme ça... Apprendre, ça ne peut pas se limiter à une organisation logique d'informations et d'explications. Parce que les processus en jeu, ils sont beaucoup plus complexes qu'une simple approche scolaire. On parle de transformer son rapport au monde, pas juste d'emmagasiner des informations. Prenons un exemple. Prenons l'exemple de l'apprentissage des langues. Si je pars vivre dans un pays où je ne maîtrise pas la langue, il va me falloir apprendre bien plus que la grammaire et l'orthographe. Je vais devoir apprendre à décrypter les implicites non-verbaux de la culture. Je vais devoir apprendre à reconnaître le ton avec lequel on me parle et à réagir en conséquence. Je vais devoir comprendre les règles sociales autour de l'usage de la langue, en fait. Et je vais peut-être même devoir habituer mon corps à prononcer de nouveaux sons. En fait, j'apprendrai à parler la nouvelle langue en situation, avec mon corps et avec mes émotions, non pas pour emmagasiner des informations dans ma tête, mais... dans une logique d'interaction avec une nouvelle société. Et c'est pour ça que je vais mobiliser beaucoup plus que de la grammaire et de l'orthographe. Et donc là, on en vient au cœur du problème quand on parle du apprendre à apprendre. Parce que si on se détache un petit peu des considérations court-termistes de l'obsolescence des compétences, si on dézoome et qu'on regarde ce qui va se passer dans les décennies à venir, on se rend compte qu'avec les transitions, on va devoir s'adapter à une réalité matérielle qui ressemble beaucoup plus au fait d'aller vivre dans un nouveau pays que de la simple acquisition d'une grammaire ou d'une orthographe. Toutes les crises qui sont en train de s'installer, environnementales, sociales, politiques, elles vont aboutir à une révolution de nos systèmes économiques, de nos systèmes alimentaires, de nos manières de travailler. Bref, nos modes de vie vont radicalement se transformer. En quoi ? On ne sait pas. Personne n'est devin, personne ne peut prétendre savoir où les crises et les transitions vont nous mener. Mais ce qui est certain, c'est que l'humain, il va devoir renouer avec la fonction première de l'apprentissage, qui est de donner du sens... collectivement et individuellement, à un environnement en pleine mutation, et donc il va devoir trouver en lui les façons de s'adapter à cet environnement. Donc, si nous on veut vraiment répondre à l'injonction d'apprendre à apprendre, il va falloir aller beaucoup plus loin que la vision individualiste et purement cognitiviste de ce que c'est apprendre, et il va falloir intégrer toutes les dimensions du vivant pour qu'on puisse apprendre d'une manière qui nous aide réellement à nous adapter à notre environnement. Et c'est ça que je vous propose de défricher, pour cette deuxième saison du podcast. On va se poser la question de comment aider nos apprenants à apprendre pour s'adapter, pour interagir avec l'environnement, et on va voir des pistes très concrètes pour faire ça dans nos formations. J'ai hâte de creuser ces sujets avec vous, et je vous dis à la semaine prochaine pour le premier épisode.