Description
Des colonnes de civils jetĂ©es dans la rue, baluchon sur la tĂȘte. Parfois de nuit et sous la pluie. Parfois arrĂȘtĂ© par les postes-frontiĂšres. Des maisons dĂ©vorĂ©es par les flammes. Des bateaux pris dâassaut par des habitants qui tentent, dĂ©sespĂ©rĂ©ment, de se conformer Ă lâordre de quitter la ville⊠Une fois encore, une fois de trop, les images de la dĂ©tresse des habitants de Goma Ă©taient rĂ©voltantes.
Cette fois, le dĂ©sastre nâa pas Ă©tĂ© causĂ© par un groupe armĂ©, comme en 2012, lorsque les rebelles du Mouvement du 23-Mars, avaient pris la ville. Il s' agit dâun dĂ©sastre naturel. Mais est-ce que cela signifie que les acteurs politiques ne portent aucune responsabilitĂ© dans la maniĂšre dont sâest dĂ©roulĂ©e cette tragĂ©die ?
Bonjour. Nous sommes le vendredi 28 mai et vous Ă©coutez le 15e numĂ©ro de Po na GEC, la capsule audio du Groupe dâĂ©tudes sur le Congo de lâUniversitĂ© de New-York, qui tente dâĂ©clairer lâactualitĂ© de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, le coordonateur du BaromĂštre sĂ©curitaire du Kivu, et cette semaine nous allons parler de la gestion de lâĂ©ruption du Volcan Nyiragongo.
Au cours de cet Ă©vĂ©nement, survenu samedi 22 mai, dans la soirĂ©e, et dans les jours qui ont suivi, la population a Ă©tĂ© largement livrĂ©e Ă elle-mĂȘme, avec peu dâinformations fiables et claires.
Ă la dĂ©charge des autoritĂ©s, le scĂ©nario qui sâest jouĂ©, avec ses multiples tremblements de terre postĂ©rieurs Ă l'Ă©ruption, a dĂ©sarçonnĂ© jusquâaux volcanologues les plus expĂ©rimentĂ©s. Ă lâheure oĂč nous enregistrons cette capsule, prĂšs dâune semaine aprĂšs le dĂ©but de lâĂ©ruption, les prĂ©visions ne font dâailleurs toujours pas consensus : y aura-t-il de nouvelles coulĂ©es de lave ou non ? Toucheront-elles la ville ? Le lac Kivu ? Le gaz contenu dans ses eaux pourrait-il ĂȘtre libĂ©rĂ© ? Aucune de ces hypothĂšses ne semble totalement Ă©cartĂ©e.
Par ailleurs, les autoritĂ©s congolaises ne sont pas les seules Ă avoir tĂątonnĂ© dans cette crise. Que dire, par exemple, de ce tweet postĂ© par la Monusco, le soir de lâĂ©ruption, et affirmant que la lave ne semblait pas se diriger vers la ville, alors que des maisons brĂ»laient dĂ©jĂ Ă sa pĂ©riphĂ©rie.
Pour autant, les autoritĂ©s ne pourront pas Ă©chapper Ă certaines questions. Au Nord-Kivu, le risque volcanologique est connu depuis presque toujours. En 2002, la lave avait dĂ©jĂ ravagĂ© une grande partie de la ville, ce qui avait amenĂ© Ă la crĂ©ation de lâObservatoire volcanologique de Goma, ou OVG.Â
Compte tenu de ces risques, le minimum nâaurait-il pas Ă©tĂ© dâavoir un plan dâĂ©vacuation fonctionnel ? Pourquoi les dispositifs dâalertes, comme les sirĂšnes, nâont-elles pas fonctionnĂ© ? Des exercices permettant dâenseigner la conduite Ă tenir en cas dâĂ©ruption nâauraient-ils pas dĂ» ĂȘtre mis en Ćuvre comme cela se fait dans dâautres pays exposĂ©s Ă ce type de risques ? Pourquoi les forces de l'ordre Ă©taient-elles invisibles dans les rues le 22 mai alors que le gouvernement dĂ©clarait lâactivation de ce plan ? Pourquoi les financements de lâOVG Ă©taient-ils coupĂ©s depuis plusieurs mois ? LâEtat de siĂšge, en vigueur depuis le 6 mai, a-t-il vĂ©ritablement facilitĂ© la prise de dĂ©cision ?
Et comment comprendre que les autoritĂ©s aient pris le temps de nommer les nouveaux chefs des villes et territoires du Nord-Kivu et de lâIturi le 26 mai alors quâelles avaient, sous les yeux, depuis la veille, un rapport trĂšs inquiĂ©tant de lâOVG, pour les gens.
Le gouverneur militaire de la ville Constant Ndima Kongba a finalement dĂ©cidĂ©, dâĂ©vacuer 10 des 18 quartiers de la ville. On peut lui reconnaĂźtre dâavoir pris une dĂ©cision logique au vu des scĂ©narios exposĂ©s par lâOVG.Â
Mais cette initiative a Ă©tĂ© mise en Ćuvre dans une grande confusion. Lâannonce a Ă©tĂ© faite au milieu de la nuit. Des ordres et contre-ordres sur les Ă©vacuations lacustres, et les destinations recommandĂ©es ont Ă©tĂ© prononcĂ©s. Et un manque criant dâinfrastructures attendait les dĂ©placĂ©s Ă leur points dâarrivĂ©e, comme Ă Sake. Ceci pourrait gĂ©nĂ©rer dâautres difficultĂ©s.Â
Ces dĂ©faillances devraient amener lâĂtat Ă un sĂ©rieux examen de conscience sur sa dĂ©sorganisation et ses prioritĂ©s. Afin que, lors de la prochaine Ă©ruption, la ville de Goma soit enfin prĂȘte.
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