- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast Promenons-nous dans le droit.
- Speaker #1
Nous sommes Marie-Paule Melka, avocate aux conseils et Néda Habillat
- Speaker #0
cofondatrice du cabinet Seconda.
- Speaker #1
A l'origine de ce podcast, notre passion du droit et l'envie de contribuer à sa transmission.
- Speaker #0
Passionnés, nos invités le sont tout autant. Nous les suivrons dans tous les champs du droit, des plus classiques aux plus originaux.
- Speaker #1
Une seule boussole, la curiosité. Nous chercherons avant tout à comprendre. Et nous cheminerons ensemble, sans idées reçues, et parfois, hors des sentiers battus.
Dans la famille des geeks du droit des sociétés, voici Matthieu Bucheberger.
- Speaker #0
Oui, oui, c'est bien Mathieu Bucheberger et pas Edouard Bae. Et ne vous laissez pas trop envoûter par sa voix, car avec Mathieu, ça démarre sur les chapeaux de roue.
- Speaker #1
Il jongle avec les décisions de la Cour de cassation, sait dire précisément comment il réécrirait une loi, et rend même naturel l'emploi des adages latins.
- Speaker #0
Avec Matthieu, nous avons plongé dans le concept d'intérêt social.
- Speaker #1
Comment le définir ?
- Speaker #0
Faut-il le définir ?
- Speaker #1
Quel rôle doit-il jouer ?
- Speaker #0
Doit-il être une condition de validité des contrats passés par la société ?
- Speaker #1
Les réponses à ces questions ne sont pas simples. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que Matthieu, l'intérêt social, il l'aime et le défend avec passion et précision.
- Speaker #0
Et avec lui, pas de doute, vous l'aimerez aussi.
- Speaker #1
Nous vous souhaitons une bonne écoute !
- Speaker #0
Bonjour Mathieu Buberger.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Bonjour. Matthieu, tu es actuellement maître de conférence à Paris-Assas, en droit privé et en particulier en droit des sociétés. Tu as fait un DEA en droit des affaires, toujours à Assas. Ta thèse a porté sur le contrat d'apport, c'est un sous-titre j'imagine, essai sur la relation entre la société et son associé. Tu as été en délégation Nouvelle-Calédonie pendant 4 ans, il y a quelques années. Tu écris principalement sur le droit des sociétés, qui est ta matière
- Speaker #2
De prédilection.
- Speaker #1
De prédilection. Tu as notamment une chronique semestrielle au JCPE depuis 2013, sur les sessions de droits sociaux. Tu écrit également...
- Speaker #2
Une chronique avec Bernard-Olivier Becker et Marie Cafamois.
- Speaker #1
D'accord. Tu écris également sur le droit de Nouvelle-Calédonie, que tu as eu l'occasion de découvrir et d'apprendre, et maintenant de transmettre. Et plus récemment, un peu ton dada, ça a été l'entrepreneur individuel.
- Speaker #2
J'ai eu une petite période d'entrepreneur individuel, oui. Mais ça m'a passé maintenant. Ah,
- Speaker #1
c'est fini Oui.
- Speaker #2
Enfin, moins.
- Speaker #0
Pour te connaître un petit peu plus comme juriste, on va te soumettre au questionnaire Théo.
Alors, pour la petite histoire, Théo, c'est pour Théophile Berlier. Théophile Berlier, c'était un juriste qui s'est bien promené dans le droit puisqu'il a été conseiller d'État. C'est aussi un rédacteur oublié du Code civil. Il a été très en avance sur son temps, notamment en droit de la famille, parce qu'il était très pro égalité entre époux, égalité entre enfants donc voilà ça nous faisait plaisir de le mettre à l'honneur parce qu'il est pas aussi connu qu'il devrait l'être donc c'est le questionnaire Théo. Qui commence par la question suivante, est-ce que Mathieu tu peux nous citer un arrêt une décision qui t'a marqué ?
- Speaker #2
Alors moi, il y en a un que j'ai bien aimé dernièrement, c'est un arrêt du 29 mai 2024 en matière de SAS toujours, parce qu'en ce moment, il y a beaucoup d'arrêts sur les SAS. Avant, on a attendu un petit peu, puis là, ça commence à s'accélérer. Enfin, ça s'accélère, ça fait quelques années que ça s'accélère et on en a vraiment beaucoup. Et c'est un arrêt que je trouve très intéressant parce qu'il est intelligent, en fait. Il revient sur une jurisprudence, c'est un revirement de jurisprudence par rapport à un arrêt de 2013. À propos des clauses d'exclusion et plus précisément la partie de la clause qui précisait que... l'associé qui était visé par la mesure n'avait pas le droit de voter. Elle a supposé que c'était l'Assemblée qui allait devoir prononcer l'exclusion ou pas. Et ça semblait totalement logique de dire que l'associé visé par la mesure n'allait pas voter. Mais malheureusement ou heureusement, ça dépend du point de vue, le droit de vote est un droit essentiel de l'associé selon l'article 1844 du Code civil. Et par conséquent, la Cour de cassation a jugé depuis très longtemps, depuis 2007, qu'on ne pouvait pas priver l'associé de son droit de vote statutairement. par les statuts, alors même qu'il y avait un énorme conflit d'intérêts. Et le problème, c'est que ça entraînait la nullité aussi de la clause d'exclusion. Parce que la Cour de cassation ne distinguait pas. Elle disait, voilà, vous aviez prévu la privation du droit de vote, tout tombait. Mais maintenant, avec le revirement de 2024, du 29 mai 2024, c'est une décision assez fine qui dit, en réalité, on ne va pas remettre en cause toute la clause d'exclusion. On remet en cause juste la partie de la clause qui pose problème, celle qui supprime le droit de vote. Voilà, donc c'est cet arrêt du 29 mai 2024 que je retiens. Mais il y en a beaucoup ces dernières années qui sont très intéressantes.
- Speaker #0
Ok, super.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous parler d'un concept juridique que tu trouves particulièrement difficile à comprendre Alors...
- Speaker #2
Il y en a plein. En fait, c'est horrible parce que plus on avance en droit, moins on comprend. C'est vrai. On soulève des boîtes de Pandore les unes après les autres. En ce moment, je suis dans un groupe de réflexion sur des réformes, sur le droit des sociétés. Et en fait, on se rend compte à chaque fois qu'on raconte aux étudiants des choses de façon péremptoire. Mais quand on commence à creuser, on se trompe, on n'est pas assez précis.
- Speaker #0
On a dit n'importe quoi.
- Speaker #2
Alors parfois même on se rend compte qu'on a dit n'importe quoi ça peut même arriver mais alors là si je devais en retenir un en ce moment qui me pose problème c'est la distinction du titre et de la finance c'est quelque chose qui intervient quand il y a des époux qui sont mariés sous le régime de la communauté et dans certaines circonstances on va distinguer l'époux n'aura pas toute la propriété ou la moitié de la propriété d'un bien on va distinguer il n'aura que le titre il n'aura que la finance et l'autre aura le titre et la finance et Par exemple, ça se pose en matière de droits sociaux. Quand vous avez un associé qui achète avec de l'argent commun des biens, des parts sociales, il va se retrouver associé, il va avoir les parts sociales et la valeur des parts sociales, mais son conjoint, sauf s'il devient associé par ailleurs, ne sera pas associé. Il aura juste la valeur. Bon, ça c'est pour le dire de façon très très simplifiée. En réalité, c'est plus subtil que ça et je vous avoue que les subtilités, je n'arrive pas à les maîtriser. C'est quelque chose qui reste toujours assez mystérieux pour moi.
- Speaker #0
Dernière question du questionnaire Théo si tu devais changer une loi je vais revenir à l'entrepreneur individuel l'entrepreneur individuel
- Speaker #2
L'ordonnance de 2022 qu'il a mise en place a beaucoup de lacunes. Et en fait, ça a été fait un petit peu à la va-vite, en se disant que ça va être le juge finalement qui va résoudre les problèmes. Il y a beaucoup de difficultés, et notamment en matière de transmission du patrimoine professionnel. Parce que je le rappelle, l'entrepreneur individuel, c'est un nouveau statut qui va remplacer le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qu'il le remplace maintenant, on ne peut plus être... parce qu'il y a ce nouveau statut d'entrepreneur individuel, mais ceux qui étaient EIRL avant peuvent le rester. Et ce nouveau statut vise à protéger l'entrepreneur individuel en séparant ses patrimoines, un patrimoine personnel, un patrimoine professionnel. Et le patrimoine professionnel, on peut le transmettre, mais le législateur, et on s'en rend bien compte quand on regarde les travaux parlementaires, a hésité entre beaucoup de libéralisme ou alors une protection des créanciers et des tiers. Il a un peu hésité et ça se voit dans le texte. Finalement, il n'a pas réellement tranché. Il n'a pas osé aller jusqu'à dire qu'on transmet le patrimoine professionnel d'un bloc. Il parle de transfert universel, mais en réalité, on voit qu'il doit quand même respecter les règles relatives aux transmissions de contrats, de biens particuliers, des publicités, etc. pour les brevets, pour les immeubles. Donc, il n'a pas osé faire comme on fait en matière de fusion, où il y a vraiment une transmission universelle, parce qu'il a eu peur de mettre trop à mal les intérêts des créanciers. Donc là, moi, je reprendrai la plume et je crois que j'irai jusqu'au bout de la logique en disant tant pis, on va oser faire ce qui se fait d'ailleurs avec une société unipersonnelle. On n'a aucun problème pour dire que quand vous avez une société unipersonnelle où vous avez un associé qui est aussi le gérant, on dit que le patrimoine professionnel, c'est le patrimoine de la société. Et on n'a aucun problème pour dire que cet associé-là, il va pouvoir transmettre toutes ses parts sociales à une autre personne qui deviendra le gérant à sa place. Donc toutes les personnes physiques vont changer. Mais les créanciers de la société ne changent pas de créanciers, c'est toujours la société. Et on se dit, il n'y a pas de problème. Juste parce qu'il y a la personne morale qui intervient et qui s'interpose. Et ce qui semble inconcevable ou très dangereux quand il y a un entrepreneur individuel, personne physique qui est en direct avec ses deux patrimoines, là finalement, ça ne semble pas si dangereux quand on a interposé la personnalité morale. Donc on voit comment, juste par une abstraction, on arrive à faire passer des choses qui ne sont pas si évidentes que cela.
- Speaker #0
Ok, très bien. Merci beaucoup. Pour ces réponses au questionnaire Théo, on va entrer dans le vif du sujet, dans le vif du thème qu'on a choisi ensemble, qui est le thème de l'intérêt social. Alors, pourquoi on a choisi avec toi de parler de l'intérêt social C'est parce que ce thème, comme tu nous as expliqué, c'est un concept qui est vraiment central en droit des sociétés. C'est un concept dont le rôle s'est beaucoup accru. Et c'est un concept aussi qui est l'objet, dans le rôle en tout cas, est l'objet d'évolutions jurisprudentielles qui sont intéressantes et qui sont aussi discutées et contestées, notamment par toi. Donc si on part du plus large et qu'on regarde le paysage juridique dans son ensemble avant de se focaliser sur le droit des sociétés, le concept d'intérêt social, où est-ce qu'on le rencontre Déjà en droit tout court en fait.
- Speaker #2
Alors, en droit des sociétés, c'est un concept, c'est un standard qui énerve le droit de société, qui est sous-jacent dans plein de règles, même s'il n'apparaît pas, il est derrière cela. Quand on parle de faute de gestion d'un dirigeant, ça renvoie en partie à une violation de l'intérêt social. Quand on parle juste de motif de révocation, derrière, il y a l'intérêt social. Donc, ce n'est pas parce qu'il n'est pas exprimé tel quel qu'il n'est pas présent. Et ça explique... énormément de règles, c'est un outil qui est vraiment utilisé par le juge pour, de façon générale, pour sanctionner l'abus. Et même s'il n'est pas apparent tout le temps, c'est vraiment quelque chose qui est très utilisé par la jurisprudence, un concept, un standard qui est très utilisé par la jurisprudence. qui est tout de même présent dans le Code de commerce. Depuis de nombreuses années, dans le Code de commerce, il est précisé pour certaines sociétés, alors ce n'est pas toujours dit pour toutes les sociétés, mais pour de nombreuses sociétés, que le gérant, que le dirigeant doit respecter l'intérêt social, doit agir dans l'intérêt de la société. Voilà, donc pendant longtemps, il y avait ces petits textes un petit peu épars. Et puis, on peut parler directement de la loi Pacte du 22 mai 2019. Oui, ou 20 mai 2019, peu importe. Qui, pour le coup, a introduit dans le Code civil ce concept d'intérêt social, à l'article 1833, à laquelle cette loi Pacte a ajouté un alinéa, l'alinéa 2. Et désormais, il est précisé que la société doit être gérée dans son intérêt social. Puis après, il y a une virgule en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux. Mais là, c'est une nouveauté vraiment importante qui a fait beaucoup de débats.
- Speaker #0
donc maintenant c'est gravé dans le marbre on doit gérer la société dans son intérêt social donc on l'a bien présent en droit des sociétés un peu partout mais si on dézoome parce que l'intérêt social on le rencontre aussi même au-delà du droit des sociétés ou en dehors si on pense à à l'acte anormal de gestion, par exemple Là,
- Speaker #2
par exemple, l'acte anormal de gestion, c'est un concept fiscal, c'est sanctionné fiscalement. Oui, c'est sous-jacent, mais de façon encore plus explicite, alors là, totalement explicite, c'est l'abus de biens sociaux, qui est très connu, la plus célèbre des infractions en droit des sociétés, c'est l'abus de biens sociaux. Donc, c'est quand vous faites, notamment des biens, du crédit ou de vos pouvoirs, un usage personnel qui contredit l'intérêt de la société. Donc là, il y a vraiment une référence à l'intérêt de la société, à l'intérêt social pour sanctionner cette infraction qui est l'abus de biens sociaux.
- Speaker #1
Et alors, curiosité, c'est donc né dans la jurisprudence, la notion d'intérêt social, avant d'être dans les textes,
- Speaker #2
si je comprends bien Alors, est-ce que c'est né dans la jurisprudence C'est une bonne question, je n'ai pas la réponse. Je n'ai pas la réponse à cette question, je ne sais pas. Il faudrait revoir le Code de commerce, celui qui a été rédigé en 1807, s'il faisait déjà référence. Je vous avoue que je ne suis pas allé voir avoir ça. Donc, je ne saurais pas dire qui est la poule, qui est l'œuf entre le législateur et la jurisprudence.
- Speaker #1
En tout cas, c'est né en droit des sociétés.
- Speaker #2
C'est né en droit des sociétés, oui.
- Speaker #0
Et en tout cas, de ce que tu dis, depuis la loi Pacte, on a vraiment quand même un texte assez général, dans le Code civil, qui dit que la société est gérée dans l'intérêt social. C'est dans les textes un truc général. Mais avant cela, jurisprudence ou texte, on ne sait pas. Mais en tout cas, on n'avait pas de texte qui lui donnait une... portée aussi générale Alors,
- Speaker #2
ce n'était pas une portée aussi générale, mais par exemple, si, ça doit être l'article L221-4 du Code de commerce pour les sociétés en non-collectif. Alors, je ne sais plus justement si dans les sociétés en non-collectif, ils le disent expressément ou si c'est dans les articles L223-18 du Code de commerce pour les SARL. Il y en a où ils le disent, il y en a où ils ne le disent pas. Mais c'était précisé pour certaines sociétés que le dirigeant devait agir dans l'intérêt social et c'était expressément dit. Et ça l'est encore. Mais ce n'était pas dans le tronc commun. Et là, ce qui est novateur, C'est cette généralisation, ce fait que maintenant, c'est une directive qui s'impose, quel que soit le type de société.
- Speaker #0
Oui, parce que l'idée, si je me souviens bien des bases du droit de société, c'est qu'on a le droit commun des sociétés dans le droit civil. Et puis ensuite, on a les règles propres à chacune des sociétés, pour certaines dans le code civil, pour d'autres dans le code de commerce. Tout à fait. Là, le fait que ce soit ancré dans le marbre, dans un texte du code civil, ça le fait rayonner sur tout.
- Speaker #2
C'est ce qui aussi a été dit. discuter cette place dans le droit commun des sociétés, dans les articles 1832 et suivant du Code civil. C'était de dire, alors là, vous l'appliquez maintenant aussi dans les sociétés familiales, les petites sociétés, les sociétés civiles immobilières entre deux époux. Vous allez les soumettre à cette obligation d'agir dans l'intérêt social. Est-ce que ce n'est pas excessif Est-ce que c'est justifié Etc.
- Speaker #1
Et alors, l'intérêt social par rapport à l'intérêt des associés, comment ça se goupille
- Speaker #2
Alors ça, c'est une horrible question. C'est une horrible question parce qu'en réalité, c'est très très discuté. Dès lors qu'on entre dans le vif du sujet, savoir qu'est-ce que l'intérêt social, ça pose des difficultés infinies en réalité. Il y a des thèses qui sont écrites là-dessus, il y a beaucoup d'articles sur les notions d'intérêt social. Il me semble que le législateur a quand même pris position à l'article 1833 du Code civil. Parce que la linéa 1er du Code civil, de l'article 1833 du Code civil, précise que la société, alors je ne sais pas les termes exacts, je ne me rappelle plus les termes exacts, mais doit être constituée dans l'intérêt commun des associés. Et la linéa 2, c'est qu'elle doit être gérée dans son intérêt social, dans l'intérêt social de la société. Donc ça semble suggérer... que le législateur est plutôt sensible à la définition de l'intérêt social comme étant l'intérêt social de la société elle-même, personne morale. Et donc là, c'est une des définitions qui est retenue par un certain nombre d'auteurs. J'ai plutôt tendance à considérer que c'est la définition qui s'impose. Mais c'est vrai qu'à côté de ça, il y a des auteurs qui ont une approche très contractualiste de la société, société qui d'ailleurs est un contrat. et qui considère que l'intérêt social, en réalité, c'est l'intérêt commun des associés. Puis alors après, pour être exhaustif, il y a une troisième définition qui est proposée, qui est bien plus générale, qui est l'intérêt de l'entreprise. Là, on cite généralement une cour d'appel, l'arrêt Fruauve de 1965, qui a accepté de prendre en compte un intérêt... plus large, et là notamment c'était l'intérêt des salariés parce qu'il s'agissait d'une société anonyme, un conseil d'administration d'une société anonyme, qui avait décidé de ne pas vendre des biens qui étaient produits par la société à une autre société qui voulait ensuite les exporter en Chine. Alors pourquoi ils ont fait ça Parce que les administrateurs en partie étaient américains et c'était une époque où il y avait un embargo sur les biens en Chine, donc les Etats-Unis refusaient qu'on ait des contrats avec la Chine. C'est pour ça que les administrateurs américains refusaient que la société française, alors même qu'elle était française, vende à une société qui allait revendre ensuite en Chine. Et les juges du fond ont considéré que ce n'était pas une position entendable parce que ça mettait trop en péril l'activité de la société et l'intérêt des salariés. Donc c'est un arrêt très isolé qu'on utilise pour dire qu'on peut prendre en compte quelque chose de plus large. Mais il me semble que l'art... Le nouvel article 1833 alinéa 2 du code civil fait un pas dans ce sens-là, dans une prise en compte plus large, en considérant que certes la société est gérée dans son intérêt social, mais c'est aussi en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux. Il y a ça là-dedans et là aussi il y a de la discussion. Est-ce que l'intérêt social englobe les enjeux sociaux et environnementaux Dans ce cas-là, ce sera un intérêt social élargi. Voilà, c'est ça qu'on dit. Ou alors, est-ce qu'il y a l'intérêt de la société Puis après, on rajoute en plus la prise en considération. Et puis, on s'arrache les cheveux pour savoir quelle est la bonne interprétation. Les travaux parlementaires qui ont été scrutés. Et il y a toute une question de la virgule qui a été appelée par un auteur la ponctuation signifiante. Parce qu'ils ont remplacé le et en prenant en considération par un virgule en prenant en considération. Et du coup, il y a plus de liens entre les deux. Qu'il y a une volonté du législateur d'avantage les amalgamer. pour moi, même si on prend en considération les enjeux sociaux et environnementaux et que ça fait partie d'un intérêt social élargi, il y aura toujours un intérêt social de la personne morale. Alors, distinct, oui, dans lequel on rajoutera ça, peut-être qu'on le rajoute dans la même casserole, entre guillemets. Il y a un noyau, puis après on rajoute autour l'intérêt social élargi. Donc, je ne sais pas s'il y a vraiment une énorme portée à ce débat, une fois de plus.
- Speaker #0
Parce que les enjeux sociaux et environnementaux, là, on arrive... Limite sur de l'intérêt général, en fait.
- Speaker #2
C'est tout ce débat jusqu'où on intériorise finalement dans la décision sociale ces éléments extrinsèques qui jusqu'à présent étaient plutôt vus comme pas du tout du droit des sociétés, mais des droits annexes qui s'imposaient. aux sociétés, mais qui n'étaient pas vraiment...
- Speaker #1
Qui étaient des contraintes, simplement.
- Speaker #2
Voilà, qui étaient des contraintes extérieures. Et là, maintenant, on les internalise, ces contraintes, d'une certaine façon. Ce qui est aussi un peu le mouvement de la compliance. Vous devez aussi internaliser des processus pour éviter de commettre des infractions.
- Speaker #0
Et dans la loi Pacte, je ne connais pas bien, mais on parle souvent du concept de raison d'être, qui est aussi arrivé par la loi Pacte, non Oui, oui. Et ça, par rapport à l'intérêt social La raison d'être,
- Speaker #2
c'est encore autre chose. La raison d'être, c'est une mention facultative des statuts. Ça, c'est l'article 1835 du Code civil qui le prévoit. Donc, vous pouvez rajouter dans vos statuts une directive. ou des directives ou des précisions sur la façon dont vous voulez que l'activité soit faite. En prenant, vous pouvez reprendre les enjeux sociaux et environnementaux, en disant que ce qui est important pour vous, c'est le bien-être de vos salariés. C'est un point qui est très important dans votre société. Il n'y a aucun impératif, vous pouvez indiquer tout ce que vous voulez. Il y avait le professeur Viandier qui disait, vous pourrez tout à fait dire que votre objectif, c'est de faire le maximum de profit en exploitant le plus de personnes possible. Théoriquement, c'est possible, rien ne vous l'interdit. Alors après, si vous voulez avoir... Le statut supplémentaire, un label supplémentaire qu'on appelle le label, c'est pas expressément un label mais je l'appelle comme ça, c'est le label de société à mission. Ah oui c'est ça. Il faut avoir une raison d'être et qui prend en compte des enjeux sociaux ou environnementaux. Donc là pour le coup il faut vraiment quelque chose d'altruiste d'une certaine façon. Il ne faut jamais aller jusqu'à remettre en cause l'objectif même de la société qui est de réaliser des bénéfices ou des économies. Donc il y a déjà cette base là mais après vous pouvez aller un peu plus loin. en disant, je veux prendre en compte d'autres faits, d'autres éléments, d'autres façons de penser. Et si vous l'intégrez et que vous êtes une société à mission, là vous acceptez d'être contrôlé par un organisme extérieur qui va ensuite vous dire si vous pouvez continuer à être une société à mission ou pas.
- Speaker #1
Il y a une certification.
- Speaker #2
Il y a une certification, il y a un contrôle du respect des objectifs que vous êtes vous-même soumis. Si vous ne respectez pas, vous n'êtes plus une société à mission. Il n'y a rien de grave, d'une certaine façon. Il n'y a pas d'autres conséquences que la faible de la... Non, il n'y a pas de conséquences. On peut réfléchir à ce que ce serait de la mise en cause de la responsabilité civile, peut-être parce qu'on a induit en erreur, etc. Mais ça me semble un petit peu capillotracté.
- Speaker #0
Ça ressort, je pense, de ce que tu dis. On comprend qu'il n'y a pas de définition officielle de l'intérêt social dans les textes.
- Speaker #2
Non.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a une définition, je ne sais pas... Par exemple, il y a des concepts en droit pour lesquels il n'y a pas de définition dans les textes, mais où il y a une définition doctrinale qui fait autorité, un petit peu la fraude. Est-ce que pour l'intérêt social, il y a des éléments pour lesquels tout le monde considère que c'est comme ça qu'il faudrait entendre, qu'il pourrait faire boussole au moins,
- Speaker #2
ou même pas Alors l'intérêt social, certains considèrent que c'est une boussole, justement, et qu'on doit s'arrêter à cela. C'est un standard, c'est une boussole. c'est pas une notion véritable et donc on doit rester dans l'approximation et alors là il n'y a absolument pas de... d'unanimité par des auteurs sur la signification de l'intérêt social. En réalité, c'est extrêmement compliqué, et puis on voit qu'elle est peut-être à géométrie variable même. Ce standard est à géométrie variable, ça dépend des situations. Et puis même sur la fraude, sur l'abus, tout le monde n'est pas d'accord. Il y a plein de variantes. Si vous lisez la thèse de Stoffel-Munck sur l'abus, vous allez avoir plein de propositions, et vous allez vous rendre compte qu'il y a différentes façons d'appréhender ces notions. Donc sur l'intérêt social... Non, il n'y a pas de définition et le législateur d'ailleurs en 2019 s'est bien gardé de définir l'intérêt social justement parce qu'il avait trop peur, à mon avis, de bloquer certaines interprétations jurisprudentielles. Mais je sais qu'à un moment donné j'étais critique avec cette façon de voir les choses, mais en réalité je pense que c'est pas... Peut-être qu'il faut se limiter à cela. Envers le fait qu'il n'y ait pas de définition Envers le professeur Germain qui disait que l'intérêt social, c'est ce qui est bon pour la société. J'ai envie de dire que oui, c'est ça.
- Speaker #0
Là-dessus, tout le monde est d'accord.
- Speaker #2
Là-dessus, tout le monde est d'accord. C'est ce qui est bon pour la société. Mais après, qu'est-ce que ça veut dire être bon pour la société Là, ça devient un petit peu plus compliqué.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Après, c'est la publicité qui parle, mais c'est un peu l'intérêt général aussi, c'est pas spécialement défini. Il faut que ça puisse s'adapter à chaque situation,
- Speaker #2
c'est plus pertinent, il n'y a pas de définition probable. Comme je le disais, c'est pour sanctionner l'abus. C'est un moyen pour le juge de placer le curseur en se disant, bon celui-là, vraiment, il abuse. Je vais utiliser l'intérêt social parce que ça va montrer, par exemple, on demande une expertise de gestion, on demande la direction d'un administrateur provisoire, On cherche à voir si une convention de vote est valide ou pas. Là, l'intérêt social va jouer un rôle, mais c'est le rôle du juge. C'est pour adapter. C'est un standard. C'est un standard.
- Speaker #1
Et parce que l'abus de majorité, moi, je croyais que c'était plutôt pour protéger les minoritaires. Mais en fait,
- Speaker #2
c'est aussi par rapport à l'intérêt social. Maintenant, il y a une définition qui, pour le coup, est bien établie sur l'abus de majorité, sur l'abus de minorité également. L'abus de majorité suppose deux conditions. Le fait pour les majoritaires d'avoir l'intention de s'avantager au détriment des minoritaires. Alors, quelquefois, on dit attention, là, c'est un critère intentionnel, mais je ne sais pas s'il faut vraiment faire très attention à ça ou pas. Donc, première condition, l'avantage des majoritaires au détriment des minoritaires. Et ça, on peut le résumer en disant, c'est une rupture d'égalité qui est sanctionnée. Mais ça ne suffit pas parce qu'il faut une deuxième condition, qui est la contrariété à l'intérêt social pour qu'il y ait un abus. Alors, je... Je dirais que généralement, c'est même pas pour qu'il y ait un abus, ou il n'y aura pas d'abus justement si on arrive à montrer que même s'il y a une sorte de rupture d'égalité, c'est justifié par l'intérêt social. Donc s'il y a une conformité à l'intérêt social, et pas seulement une absence de contrariété, il y a une nuance entre les deux, l'absence de contrariété c'est juste que c'est neutre pour la société, moi il me semble qu'il n'y aura pas d'abus à partir du moment où on pourra prouver que certes... On peut considérer que ça avantage quand même les majoritaires par rapport aux minoritaires, mais en réalité, ça sert la société. Le meilleur exemple, celui qui revient tout le temps en matière d'abus de majorité, c'est sur la mise en réserve systématique des bénéfices. Vous avez des majoritaires qui sont également gérants ou dirigeants qui décident chaque année, comme ils doivent statuer sur les résultats de la société, ils décident de mettre en réserve. Les bénéfices n'ont pas de distribution de dividendes et les minoritaires ne reçoivent rien et parfois pendant des années, des années, voire des décennies. Les minoritaires se disent, on fait partie de la société, c'est pour recevoir quelque chose. On peut considérer qu'il y a une rupture d'égalité parce que les associés majoritaires, en tant que dirigeants ou en tant que proches des dirigeants, sont rémunérés, perçoivent quelque chose des résultats de la société. Mais les minoritaires, eux, ne touchent rien. Cependant, s'il y a eu une politique d'investissement... réalisé grâce à ces mises en réserve, là on va considérer que c'est conforme à l'intérêt social. Et donc, par conséquent, il n'y aura pas d'abus. Donc là, l'abus de majorité, c'est très intéressant parce que c'est souvent vu comme un moyen, comme une preuve qu'il n'y a pas seulement l'intérêt commun des associés, mais qu'il y a aussi l'intérêt social qui est pris en compte. Et là, je... Moi je suis assez d'accord avec ça parce que je suis plutôt d'accord sur le fait qu'il y a une différence entre les deux. Mais il y a des auteurs qui montrent, notamment le professeur Dominique Schmitt qui a écrit un ouvrage sur les conflits d'intérêt dans la société anonyme, qui est un ouvrage vraiment passionnant. Et il déconstruit toute cette construction jurisprudentielle en disant, regardez, en fait on pourrait arriver à peu près à la même chose juste en résonnant sur l'intérêt commun des associés. Parce qu'on pourrait dire, oui, c'est un intérêt commun à long terme en réalité, qui est défendu. Certes, il y en a qui reçoivent des dividendes, il y en a qui reçoivent des rémunérations, et aucun associé ne reçoit de dividendes, mais au final, il y a de la valorisation, la société va bien, et donc par conséquent, le jour où ils vendront leur part sociale, leurs actions, ils gagneront de l'argent, ils seront très contents. Donc en réalité, l'intérêt commun, bien entendu, un peu restrictivement entendu, est tout de même protégé dans une telle hypothèse. D'accord. Donc, c'est pour minorer un petit peu l'enjeu des distinctions des trois grandes catégories de définition qu'on peut avoir de l'intérêt social. Parce qu'en réalité, elles ne sont peut-être pas si éloignées que cela. Puis au final, quand on va voir qu'est-ce que l'intérêt social, pour moi, l'intérêt social, c'est réaliser ce qui est bon pour la société, mais c'est réaliser des actes qui vont permettre à la société d'avoir son activité et de réaliser des bénéfices. Mais finalement, réaliser des bénéfices, c'est ce que veulent les associés aussi. Bon alors après, eux, les associés, ils veulent le partage des bénéfices et pas juste réaliser des bénéfices. Donc on peut se dire que si on retient la définition de l'intérêt social comme l'intérêt de la personne morale, c'est un moyen de marquer le coup en disant qu'on privilégie aussi une réflexion à long terme.
- Speaker #1
Mais c'est vrai qu'il y a l'idée peut-être que la société, elle perdurera alors que les associés, potentiellement, ils peuvent changer.
- Speaker #2
Oui. Alors après... Oui, les associés peuvent changer, mais normalement, s'ils changent, les associés, quand ils partent, Ils ont droit, alors soit ils ont un droit de retrait, on doit leur rembourser la valeur de leurs droits sociaux, soit alors ils ont réussi à trouver un acquéreur et on va leur acheter normalement un prix qui correspond à la valeur réelle de la société. Et donc ils vont sortir gagnants théoriquement de ces situations. Même si on peut bien comprendre qu'un associé minoritaire qui ne reçoit aucun dividende, alors qu'il voit que les majoritaires sont grassement payés en tant que dirigeants, il peut l'avoir mauvaise.
- Speaker #0
Alors si on résume avant de passer sur le... L'évolution juridic-spontanielle dont tu voulais parler, si on résume là où on en est. Donc intérêt social, c'est un concept qui est là depuis longtemps en droit des sociétés, mais pas que, qui a fait une entrée officielle dans le tronc commun du droit des sociétés avec la loi Pacte dans le Code civil, qui n'a pas de définition officielle, et c'est peut-être pas plus mal, parce que c'est une boussole pour le droit des sociétés, qui peut distinguer de l'intérêt des associés, qui peut parfois... être mieux compris si on voit l'intérêt commun des associés à condition d'y penser comme une vision à long terme
- Speaker #2
Oui, mieux compris ou pas moi je suis quand même très attaché à l'intérêt social à l'intérêt de la personne morale pour les raisons pédagogiques presque je trouve que ça je trouve que les explications contractualistes sont très convaincantes sont très intelligentes, mais je trouve que la personnalité morale c'est faux, c'est une fiction mais c'est utile C'est utile, après, il ne faut pas le pousser jusqu'à l'absurde, parce que ça reste une fiction. Quand on parle, par exemple, des droits de la personnalité, est-ce qu'on doit les reconnaître, les droits fondamentaux, est-ce qu'on doit les reconnaître aux sociétés et personnes morales Certains oui, certains non. Évidemment, il faut s'arrêter à un certain stade, parce que ça reste une fiction, c'est mon point de vue, la personnalité morale. Mais j'aime ce concept parce qu'il explique les choses assez simplement.
- Speaker #0
Il faut le poser, c'est l'intérêt social, l'intérêt de la société personne morale, qui est distinct de l'intérêt des associés, même si parfois, il y a des convergences et des coïncidences, mais ça reste au départ des concepts bien distincts.
- Speaker #1
Oui, tout à fait.
- Speaker #0
Ok, très clair. Donc on est là, et là, tu voulais nous parler d'une évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation, qui a commencé il y a 20 ans Oui,
- Speaker #1
il y a longtemps. Je ne sais pas quand est-ce qu'on remonte les premiers arrêts, mais on a des arrêts des années 90 au moins.
- Speaker #0
D'un mouvement qui, juste pour poser l'idée, et puis après je te laisse nous expliquer ça, si j'ai bien compris, tend à ériger la conformité à l'intérêt social comme condition de validité des actes pris par la société.
- Speaker #1
Pour faire très simple,
- Speaker #0
je te laisse.
- Speaker #1
Oui, oui. Donc ça, c'est un mouvement jurisprudentiel qui s'est constaté dans les sociétés à risque illimité. Oui.
- Speaker #2
Peut-être tu peux rappeler ce que c'est les sociétés à risque illimité Oui,
- Speaker #1
les sociétés à risque illimité, ce sont les sociétés où les associés sont tenus des dettes. Donc ça veut dire que les créanciers de la société, s'ils ne sont pas payés, à certaines conditions vont pouvoir exiger le paiement de la dette sociale aux associés, dans les sociétés civiles ou dans les sociétés en non-collectif. Avec des variantes, si la société est en non-collectif, les associés sont des commerçants et comme en matière commerciale, ils sont solidairement tenus. Donc ça c'est la différence par rapport aux associés des sociétés civiles qui ne sont que divisément tenus de cette obligation aux dettes. Donc dans les sociétés à risque illimité, il y a tout un contentieux qui est né avec des garanties qui étaient octroyées par une société civile immobilière notamment pour garantir la dette. d'un associé ou d'une société tierce. Par exemple, dans un montage classique entre une société civile immobilière qui était détenue par des associés qui eux-mêmes détenaient également le contrôle d'une société à responsabilité limitée par exemple, la société à responsabilité limitée exerce l'activité commerciale. On dit que c'est une société d'exploitation, mais elle exerce cette activité commerciale dans l'immeuble qui appartient à la LCI. Et quand, par exemple, une banque prête de l'argent à la SARL, la SCI va se porter caution ou garante du paiement, du remboursement du prêt par la SARL. Donc elle ne garantit pas une dette qui lui est propre, elle garantit la dette de quelqu'un d'autre, d'une autre société, ou alors peut-être même ça pourrait être d'un associé directement. Et là, à ce propos de cette situation, de ces garanties, alors ça pourrait être des prêts directement, la question qui s'est posée, c'est de savoir d'abord Est-ce que ça entre ou pas dans l'objet social Parce qu'il faut rappeler que c'est très important, dans les sociétés à risque illimité, c'est une caractéristique commune de toutes les sociétés à risque illimité, le dirigeant, le gérant, n'engage la société que par les actes qui entrent dans l'objet social. Donc il y a une vraie protection des associés, ça se comprend, ils sont tenus des dettes, donc il ne faut pas que le gérant puisse les engager indirectement par n'importe quoi. Donc il y a un cadre qui est l'objet social. Et par conséquent... seuls les actes qui entrent dans l'objet social engagent la société, c'est l'inverse dans les sociétés à risque limité. Donc une SAS, une SARL, le dirigeant, par principe, engage la société même par les actes qui n'entrent pas dans l'objet social, sauf si le tiers avait connaissance ou en avoir connaissance compte tenu des circonstances. Donc là, il y avait toute cette question-là de savoir est-ce que l'octroi de la garantie entre dans l'objet social ou pas Et là, la jurisprudence, elle a admis que... que ce soit possible, alors déjà quand c'était expressément prévu dans les statuts, parce que ça faisait partie de l'objet social, mais aussi dans deux autres circonstances, quand il y avait une décision unanime des associés. Donc ils autorisent le gérant à accorder la garantie ou le prêt, mais également quand il y avait une communauté d'intérêt. Alors, sans que ce soit nécessairement... Eh bien, justement, une communauté d'intérêt, la question, c'est entre qui Moi, mon point de vue, ce serait de dire, il faut que la communauté d'intérêt se constate entre la société qui a encore les garanties et la société bénéficiaire.
- Speaker #2
Et la SARL.
- Speaker #1
Voilà. Et donc, dans une telle hypothèse, il y a une communauté d'intérêt. Parce que, par le prêt, on favorise l'activité qui permet de payer les loyers.
- Speaker #0
Il y en a qui pensent que c'est autre chose.
- Speaker #1
Et en fait, quand on regarde la jurisprudence, quelquefois, il y a une autre vision. qui à mon avis pose problème, c'est de dire il y a des associés communs. Ce sont les mêmes associés qui contrôlent. Du coup, il y a un intérêt commun. Mais pour moi, là, on raisonne au niveau des associés et pas au niveau de la société. Et on ne prend pas en compte la personnalité morale. Donc pour moi, on devrait cantonner cette hypothèse de communauté d'intérêt où il y a vraiment une conformité à l'intérêt social. D'accord. Mais pour revenir à cette question, alors la communauté d'intérêt justement, par rapport à l'objet social, c'est deux, c'est deux. Donc première hypothèse, ça rentre dans l'objet social expressément. Pas de problème. Deuxième hypothèse, communauté d'intérêt. La Cour de cassation a pu dire que c'était un moyen de faire rentrer indirectement. l'acte dans l'objet social. D'accord. Parce que comme il y a un intérêt commun, ça défend l'intérêt, ça sert l'intérêt de la société qui accorde la garantie, donc ça entre dans l'objet social indirectement.
- Speaker #0
Donc on est dans l'hypothèse d'un acte qui entre dans l'objet social alors qu'il n'a pas été prévu par les associés dans les statuts.
- Speaker #1
Voilà, pas expressément prévu, mais en fait il se rattache à l'intérêt social. On pourrait même le rattacher à une clause qui est très fréquente en pratique, qui est une clause parapluie à la fin de l'activité telle qu'elle est précisée dans les statuts. On précise que la société pourra également réaliser toutes les activités commerciales, financières, etc. qui sont accessoires à cette activité. Donc on pourrait dire que ce qui sert l'intérêt de la société, dans une certaine mesure, ça peut entrer indirectement dans l'objet social. C'est ce que permet cette notion de communauté d'intérêt. Par ailleurs, l'unanimité des associés, ça peut se fonder sur un texte, c'est discuté en doctrine, ça peut se fonder dans les sociétés civiles, par exemple sur l'article 1852 du Code civil, qui dit que les décisions qui... dépassent les pouvoirs du dirigeant relèvent de la compétence des associés. Donc on peut dire bon bah ça relève pas de la compétence du dirigeant donc ça va quand même relever de la compétence des associés par l'article 1852 qui vont pouvoir autoriser ponctuellement un dépassement de l'objet social au lieu de faire une modification des statuts en vedette du forme qui modifierait de façon indéfinie l'objet social là c'est juste un dépassement ponctuel Puis on peut comprendre que les associés ont juste envie de le faire une fois, pas de dire le dirigeant peut en toute hypothèse accorder des garanties, etc. Non, dire cette garantie-là, on l'autorise, donc dépassement ponctuel. Donc, rattachement quand même à l'objet social à chaque fois par cette jurisprudence. Mais à cela s'ajoute une jurisprudence de la chambre commerciale et de la troisième chambre civile. C'est deux là. La première chambre civile, elle, elle s'en tient à ça. Mais la chambre commerciale et la troisième chambre civile ajoutent une condition. Elles ajoutent une condition, elles disent, il faut en plus que ce soit conforme à l'intérêt social. Sinon, ce n'est pas valable. Donc là, elles changent la logique des choses. Parce que, par exemple, quand je parlais de rattachement indirect à l'objet social par la communauté d'intérêt, vous voyez qu'il y avait l'objet social et l'intérêt social permet de grossir l'objet social. Là, c'est autre chose. C'est de dire, c'est conforme à l'objet social, parce que la Cour de cassation, la troisième chambre civile, la chambre commerciale, le disent même quand c'est exprès, c'est prévu dans les statuts. C'est prévu dans les statuts, donc ça rentre dans l'objet social. Mais la Cour de cassation nous dit qu'il y a une autre condition supplémentaire qui doit être respectée, c'est qu'il faut que ce soit conforme à l'intérêt social. Et s'agissant des garanties, la jurisprudence précise ce qu'il faut entendre par intérêt social. Alors elle le précise de façon un peu variable, ce n'est pas toujours très très clair. Mais ce qu'on peut tout de même déduire, c'est qu'a priori, ça fait courir un risque trop grand à la société qui se porte garante, et notamment en particulier si c'est le seul immeuble. qu'est la garantie. Puis généralement, la Cour de cassation le rajoute aussi, il n'y a pas vraiment de contrepartie pour cette mise en jeu de cet immeuble. Et là, il y a une atteinte à l'intérêt social. Et donc, l'intérêt social devient une condition supplémentaire. Il y avait l'objet social, mais il y a en plus l'intérêt social qui devient une condition supplémentaire de validité des contrats. Alors, du contrat de garantie, du contrat de prêt, on a aussi un petit peu de jurisprudence sur des contrats de prêt. Et là, on a un arrêt plus récent encore de la troisième chambre civile qui est la chambre Je crois que c'est du 13 janvier 2023. Un arrêt récent, mais je l'ai noté quelque part. Ça doit être 13 janvier 2023 ou 2022, peu importe. Là où elle considère la troisième jambe civile, elle a un attendu de principe qui est très général, qui semble dire qu'en réalité, pour que l'acte du gérant soit valable, il faut qu'il soit conforme à l'intérêt social. Donc, semble-t-il, tout contrat confondi. Tout contrat confondu, ça semble aller très très loin. Voilà, mais donc c'est cette évolution-là qu'on constate, qui place l'intérêt social comme condition de validité.
- Speaker #0
Supplémentaire à celle de l'objet social.
- Speaker #1
À celle de l'objet social.
- Speaker #2
Et pour que je comprenne bien, avant cette jurisprudence, un acte dont on pouvait penser qu'il était peut-être contraire à l'intérêt social, ça ne se résolvait donc pas par un problème de condition de validité Non. Quelle était la sanction potentielle
- Speaker #1
Alors, il y a plusieurs sanctions qui sont potentielles. Là, on parle quand même d'un acte qui est réalisé par le dirigeant. Et cet acte pouvait être sanctionné par la mise en jeu de la responsabilité civile du dirigeant. Ça pouvait également conduire à sa révocation. Comme on est dans une société à risque illimité, on pouvait utiliser l'infraction de l'abus de confiance. On n'a pas l'abus de biens sociaux, c'est que pour les sociétés à risque limité. D'accord. Mais on utilise l'abus de confiance qui permet en fait, c'est une sorte de détournement de fonds par la personne à qui on avait remis ces fonds, ces sommes. Donc là, le dirigeant, il prend des risques pour la société. Donc, on pourrait éventuellement penser à cette sanction-là. Donc, il existe des sanctions.
- Speaker #2
D'accord, mais le contrat est resté valable vis-à-vis des clercs.
- Speaker #1
Mais le contrat est resté valable. Et on peut dire que c'était surtout quand on voit les conditions dans lesquelles ce contrat est accordé. C'est-à-dire que soit les associés ont accepté. que ce soit dans les statuts, soit ils ont unanimement accepté, soit alors il y a une communauté d'intérêt, mais si on l'entend, la communauté d'intérêt dans le sens où je l'entends, ça veut dire que ça sert vraiment à l'intérêt de la société. Donc c'est là où j'ai du mal à me dire, il peut y avoir une communauté d'intérêt, mais en plus il faut l'intérêt social. Alors après, ça peut fonctionner si on a une vision très large, et c'est ce que semble avoir la troisième chambre civile de la Cour de cassation et peut-être la chambre commerciale, une vision très large de la communauté d'intérêt en prenant en compte les intérêts des associés, en regardant où les associés étaient en commun. Mais si on retient une vision restrictive, et je pense que la première chambre civile, elle a cette vision restrictive. Il y a un arrêt du 13 janvier, alors 2023 ou 2022, je ne sais plus, mais c'est le même jour que celui de la troisième chambre civile, où elle semble dire qu'en fait, il faut vraiment prendre en compte l'intérêt de chacune des sociétés. Et c'est ça l'intérêt commun. Et si on a pris en compte l'intérêt de chacune des sociétés, je vois difficilement comment on pourrait rajouter en plus une condition de conformité à l'intérêt social.
- Speaker #2
Mais c'est ce que fait la première chambre civile.
- Speaker #1
Alors, pas la première chambre civile, la troisième chambre civile. C'est la troisième chambre civile, la troisième chambre civile. elle, elle est dans ce raisonnement d'il faut, en toute hypothèse, une conformité à l'intérêt social. Voilà. Et donc, je pense que c'est quand même... Donc, pour revenir à ce que je disais, là, les associés ont accepté unanimité où c'est un objet social. Et après, ils vont dire aux banquiers, par exemple, pour reprendre cet exemple, qui a prêté de l'argent à une autre personne ou à l'un des associés, ils vont leur dire Ah, mais désolé, c'est contraire à l'intérêt de notre société. Alors, ils ont tous été d'accord pour l'accorder.
- Speaker #0
C'est-à-dire que c'est la jurisprudence... comme elle vient s'ajouter à celle sur l'objet social, elle a en fait vocation à jouer, par hypothèse, dans des cas où l'acte entrait dans l'objet social, a été autorisé dans les statuts ou expressément après par les associés, donc entre dans l'objet social, mais le fait qu'il soit jugé contraire à l'intérêt social va permettre aux mêmes associés d'en obtenir l'annulage au détriment du co-contracte en fin de vie.
- Speaker #1
À partir du moment où ils ne sont plus intéressés par le contrat. C'est ça. Regardez, vous avez méconnu l'intérêt de la société, vous n'avez pas pris en compte cela.
- Speaker #2
Et c'est ce qui s'est passé dans les jurisprudences, en pratique Ah oui,
- Speaker #1
c'était des demandes qui étaient faites aussi de mauvaise foi.
- Speaker #0
C'est les associés qui demandent l'annulation Alors,
- Speaker #1
je ne sais plus, dans toutes les hypothèses, si c'est les associés. En tout cas,
- Speaker #0
c'est une arme entre leurs mains.
- Speaker #1
Tout à fait,
- Speaker #0
oui. Ok. Et alors, si on essaie de la défendre, cette jurisprudence, on sait que tu es contre, on va comprendre pourquoi. Mais si on essaie de se mettre dans l'autre sens, c'est quoi qui guiderait ça C'est toujours l'idée de protéger... Comme c'est que dans les sociétés à risque illimité. Oui,
- Speaker #1
on a la réponse qu'il a, Canton, qui a refusé d'étendre cette exigence. On a un arrêt de 2015 pour les SARL, un arrêt de 2017, je crois, pour les SAS. Qui a dit non. Qui a dit non. Ça ne valait pas dans les sociétés à risque limité.
- Speaker #0
D'accord, donc ça veut dire que le fondement, il est recherché là-dedans, dans cette distinction entre limité et illimité. Donc c'est quoi C'est l'idée de protéger encore plus des associés qui vont être tenus sur leur patrimoine
- Speaker #1
Je pense qu'il y a ça. Et puis... Alors ça va aussi dans le sens de dire que la société n'est pas la chose des associés, qu'ils ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent de cette société. Après avec ce raisonnement-là, on pourrait l'étendre aux sociétés à risque limité aussi. En réalité, ce qu'on veut, c'est protéger la personne morale contre les actes inconsidérés qui vont à l'encontre de son intérêt, même si ça a été fait sur ordre des associés. Donc ça va très très loin.
- Speaker #0
Oui, mais si c'est cantonner cette JIP aux sociétés à risque illimité, c'est probablement que le fondement est dans la protection des associés,
- Speaker #1
non Non, parce que quand on regarde la jurisprudence relative au SARL, notamment dans l'arrêt de 2015, après en 2017, je ne crois pas qu'elle fasse référence là, ça repose aussi sur le droit européen. C'est-à-dire que les causes nullité des actes et délibérations des... des sociétés est limitée. On ne peut pas aller au-delà de ce qui est prévu. Et on peut se dire qu'aussi le droit européen joue un rôle qui vise les sociétés à risque limité et pas les sociétés à risque limité. Il vise un rôle dans l'explication peut-être de ce cantonnement jurisprudentiel.
- Speaker #0
D'accord, il y aurait une contrainte technique en fait.
- Speaker #1
Il y aurait une contrainte technique éventuellement. Mais aussi on peut se dire, je pense plus basiquement, la Cour de cassation ne veut pas aller trop loin dans... dans cette jurisprudence. En réalité, elle veut la cantonner. Elle veut la cantonner par un souci de statu quo, j'aurais presque envie de dire.
- Speaker #2
Tu disais que c'est des jurisprudences qui ont été rendues en matière de garantie, plutôt, mais que il y a un arrêt qui semble aller beaucoup plus loin en visant tous les actes de la société,
- Speaker #1
c'est ça Oui, en tout cas, c'était à propos d'une garantie, mais dans l'attente du principe, il semble viser l'ensemble des actes. C'est un arrêt de la troisième jambe civile. Il y a un arrêt récent qui est qui, à mon avis, réduit cette interprétation-là. C'est un arrêt qui est très intéressant, c'est un arrêt de mai 2024, à propos d'une SCI, et la question de savoir est-ce qu'on peut, dans une SCI, mettre à disposition gratuitement le bien immobilier de la SCI C'est une question qui est... Gratuitement, aux associés. Aux associés. Ça se fait tout le temps. Oui. Tout le temps. Vous êtes marié, vous avez une SCI, vous utilisez le bien immobilier, ou alors vos enfants habitent dedans, vous ne leur demandez pas de loyer, etc. C'est valable ou ce n'est pas valable Par rapport aux bénéfices,
- Speaker #0
au fait de réagir des bénéfices.
- Speaker #1
Alors, il y a déjà une première question. Est-ce qu'une société peut accorder des actes gratuits Il y a eu plein de discussions d'ailleurs sur une société. Est-ce qu'on peut faire des dons Aujourd'hui, on voit bien que les grandes sociétés ne se gênent pas. pour faire des dons, pour avoir des fondations, etc. Et en fait, il ne faut pas remettre en cause toute l'activité économique de la société, bien évidemment. Mais faire ponctuellement des actes à titre gratuit, ça, rien ne l'empêche. Mais c'est vrai que l'article 1832 du Code civil nous dit qu'une société est constituée pour réaliser des bénéfices, les partager entre les associés, ou permettre aux associés de réaliser une économie, depuis 1978. Évolution qui a élargi et qui a fait qu'associations et sociétés peuvent se superposer. Donc, on a cette évolution. Mais quand on met à disposition un titre gratuit, on peut se dire, est-ce qu'on ne va pas trop loin Est-ce que vraiment, ça permet de réaliser une économie Est-ce que c'est réellement possible dans une société civile immobilière Toujours est-il qu'au-delà de cette discussion sur est-ce qu'on est vraiment dans le cadre d'une société encore Il y a la question de savoir, est-ce que ce n'est pas contraire à l'intérêt social Et là, la troisième chambre civile, elle a accepté que ce soit valable si ça figurait dans les statuts. Et là, la Cour de cassation ne fait pas référence à l'intérêt social, la troisième chambre civile. Donc je me dis, peut-être qu'elle ne va pas jusqu'à dire qu'en fait, il faut tout le temps que tous les actes soient conformes à l'intérêt social. Parce que là, on aurait eu beaucoup de mal à dire que c'est conforme à l'intérêt social. Quoique, à partir du moment où vous avez une société dont l'objectif, c'est de réaliser des économies, ça perturbe un petit peu toutes nos constructions. C'est rare, en pratique, on n'en a pas tant que ça. On a des sociétés civiles professionnelles, des sociétés de moyens. les SCM mais autrement c'est quand même relativement rare l'utilisation de cette possibilité de constituer une société pour réaliser des économies
- Speaker #2
Et donc d'après toi le champ ce serait pas que les garanties mais peut-être les actes vis-à-vis des tiers en tout cas
- Speaker #1
Non, non, non, ce serait il ne faut pas trop faire dire c'est un arrêt de la troisième chambre civile on l'interprète, on se dit où jusqu'où va-t-elle aller Mais en réalité, si ça se trouve, vous n'avez pas l'intention de donner une telle portée où elle s'est dit je tente le truc et puis en fait finalement, ce n'est pas une telle volonté de généralisation. Je serais incapable d'être absolument sûr à 100% de la portée qu'il faut attribuer à cet arrêt de la troisième chambre civile. Mais on voit que ça progresse et puis il y a des auteurs qui militent vraiment pour, de façon générale, dire que l'intérêt social est une condition de validité pour tous les actes et toutes les sociétés. D'accord. Ils ne sont pas fous, ils encadrent ça quand même, parce qu'on a bien conscience que là, les personnes morales seraient plus protégées que les personnes physiques. Parce que si en fait, on peut annuler dès lors que c'est contraire à son intérêt, à un contrat, la sécurité juridique, elle en prend un sacré coup. Mais non, en fait, il se repose notamment sur un article qui est l'article 1157 du Code civil, qui est relatif à la représentation et plus précisément au détournement de pouvoir. Donc quand il y a un représentant qui détourne les pouvoirs du représenté, en fait le représenté pourrait obtenir la nullité de l'acte, à condition de montrer que le tiers avait connaissance du détournement de pouvoir, aurait dû en avoir connaissance compte tenu des circonstances. Et donc en fait cet article-là qui est prévu pour les représentés, il serait décalqué sur les sociétés en disant le représenté c'est la société, le représentant c'est le dirigeant. Et quand le dirigeant fait un acte qui est contraire à l'intérêt social, en réalité, il détourne son pouvoir, parce qu'il ne l'utilise pas pour ce pour quoi il lui a été confié ce pouvoir, mais pour défendre un autre intérêt. Avec cet article 1157 du Code civil, on pourrait trouver un fondement. Non,
- Speaker #0
non, tu n'es pas d'accord.
- Speaker #1
Je ne suis pas d'accord, mais en fait, j'ai beaucoup de mal avec le principe spéciale generibus derogant en droit des sociétés, parce que c'est un principe d'interprétation des textes quand ils se contredisent. Le spécial des rejoges générales, Donc quand on a deux dispositions qui ne vont pas ensemble, on écarte la disposition générale au profit de la disposition spéciale. Mais après, si elles ne se contredisent pas vraiment, il n'y a pas de problème, on les applique toutes les deux. Sauf que quelquefois, il y a pas mal de fois, en droit des sociétés, le législateur a été silencieux. Il n'a pas dit quelque chose. Est-ce que dans tous les silences du législateur, on doit placer le droit commun qui va le compléter, mais au risque parfois de complètement perturber la construction voulue par le législateur Et moi j'aurais envie de dire, quand ça perturbe tout l'équilibre d'un droit spécial, on devrait considérer que ça contrarie le droit spécial. Et là ça revient un peu au même avec l'intérêt social. Le législateur, à chaque fois qu'il a mentionné l'intérêt social dans les pouvoirs des dirigeants, c'était uniquement dans les dispositions, parce que quand on regarde les dispositions dans le code de commerce, il y a une disposition dans les rapports internes et après dans les rapports externes, donc avec les tiers. Dans les rapports internes, c'est uniquement dans les rapports internes que l'intérêt social est mentionné. Dans les rapports externes, c'est l'objet social qui est mentionné, et puis éventuellement les clauses statutaires qui limitent les pouvoirs des dirigeants. Ça, ce sont ce qui a été prévu par le législateur, les règles qui permettent d'encadrer, et même d'encadrer fortement dans les sociétés à risque illimité, puisque je rappelle, les actes qui dépassent l'objet social n'engagent pas la société. Et l'intérêt social n'est pas visé. Donc moi, dans ce silence-là, j'y vois une volonté du législateur d'endroit spécial. de ne pas faire de l'intérêt social une condition de validité. Donc réintroduire par le droit général cette condition-là me semble contredire cela, mais elle contredit un silence.
- Speaker #0
Oui, un silence qui est signifiant en fait.
- Speaker #1
Pour moi. Puis après on a un autre article qui est l'article 1844-10 du Code civil qui a été introduit par la loi Pacte également, justement parce que ça soulevait beaucoup d'interrogations et de craintes. Et l'article 1844-10, notamment, il est relatif à la nullité des actes et délibérations des sociétés. Et il est expressément précisé dans cet article. que la violation de l'article 1833,
- Speaker #0
linéa 2, du Code civil,
- Speaker #1
qui dit que la société est déraillée dans un intérêt social, n'est pas une cause d'unilité des actes et délibérations. Alors quand on lit comme ça, on se dit, voilà, c'est la question réglée. Actes et délibérations, actes. C'est les actes internes, actes de nomination, actes de révocation d'un dirigeant, etc. Donc c'est pour ça qu'on parle d'actes, mais l'acte ne vise pas les contrats. Moi j'ai envie de dire, a fortiori, si dans les rapports internes, c'est pas une cause de nullité, ça n'est pas non plus dans les rapports externes, parce que là en plus il y a l'intérêt des tiers qui est en jeu. Donc j'utilise ça comme un argument, pour dire que faire de l'intérêt social une condition de validité des contrats, me semble aller à l'encontre. de la volonté du législateur. Mais on n'a pas le texte qui le dit spécifiquement pour ça.
- Speaker #0
Donc, en tout cas, déjà, on comprend bien parce que tu dis que pour toi, cette jurisprudence, elle n'a pas de fondement technique ou textuel solide. Enfin, en tout cas, ceux qui sont invoqués pour la justifier te semblent critiquables.
- Speaker #1
Critiquables, oui.
- Speaker #0
Et au-delà de ça, en opportunité, toi, tu penses quoi Que ça sacrifie trop les intérêts des tiers Alors,
- Speaker #1
je pense que ça sacrifie... Alors, si on se fonde sur l'article 1157 du Code civil, celui de la représentation du détournement de pouvoir, il faut prouver que le tiers avait connaissance ou aurait dû en avoir connaissance. Ça ne va pas être facile à prouver. Ça ne va pas être facile à prouver, donc on ne va pas avoir une cascade d'annulation grâce à...
- Speaker #0
Juste, le 1157 dit qu'il y a annulation pour détournement de pouvoir, mais à condition que le tiers ait connaissance.
- Speaker #1
Voilà,
- Speaker #0
il connaît la sorte du détournement de pouvoir.
- Speaker #1
Donc, en fait, c'est limité, la portée. Mais là, je... J'ai presque envie de dire, c'est pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple Moi, il me semble qu'il y a déjà des protections qui existent. Dans les sociétés à risque limité, il y a des protections qui sont faites pour lutter contre les conflits d'intérêts. On a les conventions interdites, par exemple. Les conventions interdites, c'est il interdit pour une société de garantir ou de prêter de l'argent dans les SARL ses associés et ses dirigeants, et dans les SA ses dirigeants. Il y a aussi les conventions réglementées qui font appel à l'assemblée des associés. Il y a les sanctions, l'infraction d'abus de biens sociaux, l'acte anormal de gestion. On a déjà tout un arsenal.
- Speaker #0
Et l'objet social.
- Speaker #1
Et l'objet social. Alors l'objet social, certes le dirigeant s'il conclut un acte qui n'entre pas dans l'objet social et que c'est une société à risque limité, la société est engagée. Mais lui, il va certainement engager sa responsabilité en vue de la société. Donc il ne va pas faire n'importe quoi. Et même dans les sociétés à risque illimité, ça ne me semble pas opportun. Parce que c'est déjà le... Tout à l'heure, on est quand même dans une hypothèse, il faut bien voir, si l'acte est valable, c'est qu'il entre dans l'objet social. Et s'il entre dans l'objet social, c'est que les associés l'ont voulu. Ou alors il y a une communauté d'intérêts qui montre que de toute façon il n'y avait pas de problème, si on entend la communauté d'intérêts telle que je l'ai expliquée précédemment. Et donc dans ce cas-là, je trouve que c'est une prime à la mauvaise foi qui est enterrinée. Et la protection existe, il y a vraiment une protection des intérêts en présence qui existe déjà. Je trouve que c'est inutile de complexifier tout cela avec l'intérêt social. Même si ça peut se comprendre théoriquement. Je ne dis pas que c'est absurde de défendre l'autre opinion, mais disons que je préfère l'éviter.
- Speaker #0
Ok, très bien. Merci beaucoup pour ce décryptage. On va suivre avec attention les évolutions là-dessus. On va finir sur une note plus légère avec un autre questionnaire d'un autre type.
- Speaker #2
Maintenant, ce sont les questions Blitz.
- Speaker #1
Vous voulez dire quoi, les questions blitz Alors,
- Speaker #2
les questions blitz, c'est des questions auxquelles il faut répondre en un éclair, c'est-à-dire que c'est noir ou blanc. Il n'y a pas la possibilité de nous dire ni les deux, ni aucun, ni de développer la réponse. Il va falloir juste dire un mot.
- Speaker #1
On a le droit de désobéir
- Speaker #2
Non. Première question. Donc, en gros, c'est qu'est-ce que vous préférez Plan libre ou plan en deux parties,
- Speaker #1
deux sous-parties Deux parties, deux sous-parties.
- Speaker #0
Tu préfères enseigner ou apprendre
- Speaker #1
Enseigner.
- Speaker #2
La CJUE ou la CODH
- Speaker #1
CJUE.
- Speaker #0
Le juge, plutôt interprète ou créateur de normes
- Speaker #2
Créateur. Tu utilises des codes papiers ou les Gifrances Les Gifrances.
- Speaker #0
Ah bon
- Speaker #1
En fait, on utilise le code d'Allos en ligne.
- Speaker #0
Oui, d'accord.
- Speaker #2
Je pensais que c'était entre les deux.
- Speaker #1
Oui, c'est entre les deux, mais je n'ai pas le droit de dire entre les deux.
- Speaker #0
Conseil d'État ou cours de cassation
- Speaker #1
Cours de cassation.
- Speaker #2
L'intelligence artificielle une menace ou une opportunité Une opportunité.
- Speaker #0
Merci Mathieu. Et avant de se quitter, on va sortir un petit peu du droit, un petit peu mais pas trop. Deux dernières questions pour finir. Est-ce que tu aurais une œuvre artistique, un film, un livre, un tableau, en rapport avec le droit quand même, que tu nous recommanderais
- Speaker #1
Oui. Vas-y. Alors, pour prendre quelque chose d'assez récent, je recommanderais vraiment très vivement le film qui s'appelle Je n'oublierai jamais vos visages, qui est un film sur la justice.
- Speaker #0
Je verrai toujours vos visages.
- Speaker #1
Je verrai toujours vos visages. Je verrai toujours vos visages. Jeanne Hery, je crois qu'elle s'appelle. C'est un film qui est extraordinaire, bouleversant. Il faut absolument le voir.
- Speaker #0
Je suis d'accord.
- Speaker #2
Merci pour ce conseil. Et par ailleurs, est-ce que tu aurais quelqu'un que tu souhaiterais remercier puisque c'est l'occasion
- Speaker #1
Alors, je vais en profiter. On n'arrête pas de remercier son directeur de thèse. Donc, je pourrais tout à fait remercier mon directeur de thèse, mais je l'ai déjà remercié plein de fois. Donc là, je vais remercier un autre professeur qui s'appelle Alain Gauzy, qui était un professeur que j'ai eu quand j'étais en DEA il y a quelques années, quelques décennies, et qui m'a envoyé un petit mail un peu anodin lorsque j'ai raté l'agrégation pour la deuxième fois, où j'étais un petit peu dans un passage à vide, on va dire, parce que... On se demande ce qu'on fait là et si vraiment le droit et l'enseignement est pour soi dans ces moments-là. Il m'a envoyé un petit mail en me disant, tiens, est-ce que vous avez vu, il y a une annonce pour un poste en Nouvelle-Calédonie, est-ce que ça vous tenterait Ah génial Et là, c'était le début du reste de ma vie. Ah ouais Oui. Non, non, c'était très enrichissant parce que ça a changé de perspective, ça a permis de prendre du recul. C'était vraiment très bien.
- Speaker #0
Ok, super. Merci beaucoup Matthieu.
- Speaker #1
Merci à vous.
- Speaker #2
Merci.