Speaker #2Bonjour, bonjour, bonjour, esprit créatif et indomptable. Aujourd'hui, on va parler d'un phénomène... assez étrange, presque surnaturelle, l'amitié dans l'art. Et plus précisément, cette étrange réalité où tes amis, ceux qui connaissent tes doutes, tes galères, tes nuits blanches, partagent vachement plus facilement les œuvres d'illustres inconnus que les tiennes. Bien entendu, quand je parle d'illustres inconnus, je me dis que quand ma chère copine Louane décide... Ah, les noms ont été complètement changés. décide de partager le travail de Frida Kahlo. Je ne suis pas sûre qu'elle eût connu Frida. En tout cas, il y a quand même un problème de rapport âge, tout ça. Mais en tout cas, je comprends qu'on puisse avoir envie de partager le travail de Frida Kahlo, qui n'en reste pas moins exceptionnel. Moi-même, je suis la première à le faire, mais ça reste quand même des inconnus pour mes proches, a priori. Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'on voit ces gens-là, nos amis, nos proches, nos familles, même parfois, liker frénétiquement un artiste qu'ils n'ont jamais rencontré, mais scrollent froidement devant notre dernière création, comme si c'était une pub pour un grille-pain ? Un mystère, mais pas tant que ça. Parce qu'en fait déjà, il y a ce qu'on appelle le paradoxe de la proximité. Alors, commençons par une observation simple. On a du mal à voir la grandeur de ce qui nous est familier. En gros, c'est comme si Picasso habitait à côté de chez toi et qu'il te demandait ton avis sur son dernier croquis. Et bien, tu lui répondrais quoi ? Ah ouais, ouais, non mais c'est cool, franchement Pablo, ouais, c'est pas mal. C'est pas mal, mais t'as peut-être pensé à rajouter un peu de couleur ou faire des trucs moins... Moins géométrique, hein. C'est sympa, mais le cucul à tête-à-tête, on ne reconnaît pas, là, tout de suite. Parce que, dans notre tête, l'art, avec un grand A, ça vient d'ailleurs. Ça vient des musées, des grandes villes, des légendes. Pas de ton pote d'enfance qui galérait à dessiner un bonhomme bâton au collège, hein. Clairement pas. Ensuite, il y a le syndrome de la validation extérieure. Alors. Nouvelle explication, on a tendance à ne valider quelque chose que si le monde extérieur nous dit que c'est bien. C'est la magie du vu à la télé, du partagé par quelqu'un d'influent. Donc du coup, ton ami qui est musicien, peintre, écrivain, ce que tu veux, tant qu'il n'a pas été validé par l'extérieur, son travail reste artisanal, amateur, voire un peu gênant. Même si c'est quali. Mais dès qu'il commence à percer, là ça devient intéressant. C'est un cercle vicieux absurde, mais bien réel. Ça y est, tu commences à percer, c'est cool. Ah, en plus, parce qu'il y a un autre effet. À partir du moment où tu vas percer, forcément ta gloire va commencer à dégouliner un petit peu sur lui. Ah, mais moi je la connais depuis toujours. J'ai toujours adoré ce qu'elle faisait. Ensuite, il y a un truc qui est assez fort, c'est l'inconfort de voir un proche réussir. Alors soyons honnêtes, parfois soutenir un ami qui réussit, c'est se confronter à ses propres choix à soi. Mais moi, qu'est-ce que j'ai fait de mes rêves ? Pourquoi lui il ose ? Et pourquoi moi j'ose pas ? C'est pas que je suis un homme, c'est que je suis un homme. de la jalousie pure. C'est un peu plus subtil, un peu plus insidieux. Encourager un inconnu, c'est neutre. Encourager un ami, c'est reconnaître qu'il est en train de faire ce que toi, peut-être, t'oses pas encore faire. L'illusion de la disponibilité aussi, c'est autre chose. Il y a cette idée qu'un ami est toujours là. On se dit, non mais ça va, je vais le soutenir plus tard. Pas besoin que je commente, je lui dirai en vrai, j'irai à son prochain concert, ça va, je le vois tout le temps. Sauf qu'en vrai, on ne le fait pas. Moi, j'ai des gens qui sont hyper proches de moi, qui ne sont jamais venus me voir en concert. Jamais. Et j'en ai fait une belleté, quoi. Jamais. « Ouais, mais là, en fait, c'est un peu compliqué, mais tu joues bientôt. Ouais, ouais, c'est bon, dans 15 jours. Ah ben, super, j'y serai. » Et puis, 15 jours après, il y a autre chose. Un inconnu sur les réseaux, lui, on sait qu'on ne pourra pas lui parler. Alors, on lui donne ce petit like, ce petit partage qui, paradoxalement, aura tellement plus d'impact pour notre ami proche. Et si on changeait ça ? Parce que c'est bien joli. Mais qu'est-ce qu'on fait ? Alors on va commencer par un truc simple. La prochaine fois qu'un de tes amis poste une création, un projet, une œuvre, au lieu de juste regarder et de passer à autre chose, vas-y, comment ? Partage, parle-en ! Un petit pouce, un petit cœur. Mets une petite flamme en commentaire. Tu n'es pas obligé de faire une story non plus, tu vois. C'est peut-être ce petit coup de pouce qui va faire toute la différence. Parce qu'au fond, si on veut un monde où l'art et la créativité prennent plus de place, déjà ce mot vient de prendre beaucoup de place, c'est juste capable de le dire, si on a envie. de vivre dans un monde où l'art et la créativité prennent plus de place, voire toute la place, ça commence par nous, par notre capacité à reconnaître la beauté, même quand elle vient de notre voisin de palier. Alors aujourd'hui, si tu écoutes ce podcast, je te lance un défi. Pense à un ami créatif. Va voir son travail et montre-lui ton soutien. Un petit like, un petit cœur, un commentaire, un partage, ça ne coûte rien. Ça va te coûter deux secondes de ta vie. Mais pour lui, ça peut tout changer. Parce que l'art, c'est mieux quand il est partagé. Surtout avec ceux qui comptent vraiment.
