Transcription

• Speaker #0

  Comme Biggie, j'ai une histoire à te raconter. Une histoire où se croise un rappeur de Brooklyn, un producteur rock venu du métal et une punchline entrée dans l'histoire. Aujourd'hui, je t'emmène dans les coulisses de la création d'un morceau devenu culte, 99 Problems de Jay-Z.

• Speaker #1

  En 2003,

• Speaker #0

  Jay-Z est au sommet. Chaque année, depuis 1996, le rappeur new-yorkais nous a livré un album. Chaque année, nous l'entendions croiser le mic avec les plus grands de Notorious B.I.G. à Beyoncé. Mais après 7 ans de rap et de nombreux classiques, OV sent qu'il est temps de tourner la page.

• Speaker #2

  Mais je pensais vraiment que j'étais vraiment en train de me faire enlever. J'ai publié un album chaque année, en 96, 97, 98. Et entre les sous-titres, d'autres albums, Rockabella, touring, de côté à côté. Et je me suis juste regardé un jour et j'étais comme, je suis fatigué. Je n'ai jamais été en vacances jusqu'à, je veux dire, 2000, ma vie entière.

• Speaker #0

  Les rumeurs sur sa retraite commencent à circuler. Les fake news se multiplient jusqu'à la diffusion d'une publicité au sein des magazines spécialisés. On y découvre le nom du projet, The Black Album, accompagné par une phrase « 12 morceaux, 12 producteurs » . Parmi les 12 producteurs annoncés, on note la présence de Dr. Dre, DJ Premier, Just Blaze, les Neptunes, ou encore un jeune beatmaker prometteur, Kanye West. Mais un nom étonne les journalistes et le public rap, celui de Rick Rubin.

• Speaker #3

  « De qui il parle là ? »

• Speaker #0

  Rick Rubin n'est pas un nom connu du grand public. Pourtant, il est l'un des producteurs les plus importants de la musique. Il est derrière la création du mythique label Def Jam. les débuts de LLKJ, le succès de Beastie Boys, la renaissance de Johnny Cash, Californication, des Red Hot et surtout, il est le premier producteur à mêler rock et rap avec le classique Walk This Way de Run DMC et Aerosmith. C'est ce type de sonorité que recherche Jay-Z en se rendant chez Rick Rubin. Le producteur réside dans une maison perchée sur les collines de Los Angeles, réputée pour être hantée et pour avoir accueilli de nombreuses légendes, des Beatles à l'aide Zeppelin. Durant sa conversation avec Jay, Rubin lui parle d'un titre du rappeur Ice-T intitulé 99 Problems, paru en 93. Un morceau qui évoque ses nombreuses conquêtes à travers le pays et les problèmes qui vont avec. En réalité, c'est l'humoriste Chris Rock qui conseille aux beatmakers d'emmener Jay-Z sur ce terrain. Mais ce dernier a une autre vision. Il a déjà assez parlé des femmes et des tentations à travers sa discographie, notamment sur le titre Girls, Girls, Girls. Cette fois, il veut parler de ses problèmes sans qu'une femme soit impliquée. Alors, il décide de se poser pour y réfléchir pendant que Rubin compose son instrumental en samplant différents morceaux, dont le classique de Billy Squire, The Big Beat. Une fois la production finalisée, Jay-Z enregistre de tête plusieurs versions de son premier couplet avec des flows différents. Le rappeur revient ensuite se poser près de Rubin pour composer son second couplet dédié au storytelling d'un contrôle de police inspiré de sa propre expérience. En étant 94, quand Jay-Z transporte de la drogue cachée dans son toit ouvrant et se fait arrêter par la police pour un contrôle. Les policiers deviennent rapidement agressifs et tiennent des propos racistes à son encontre. Mais Jay, ayant constaté qu'il n'avait pas de chien renifleur avec eux, garde son sang froid et finit par s'en sortir. Ce moment qui aurait pu radicalement changer la vie du rappeur l'inspire pour écrire. A travers ses paroles, Jay-Z démontre sa connaissance parfaite du droit et cite le quatrième amendement qui protège les citoyens contre les fouilles et les saisies abusives. Un avocat réputé, Caleb Mason, l'utilise même à Harvard comme outil pédagogique pour parler de profilage racial, de saisie illégale et de la fameuse question « suis-je en état d'arrestation ? » . Et c'est à la fin de ce couplet magistral que l'on réalise que la bitch mentionnée dans le refrain du rappeur n'est pas une femme, mais un chien renifleur. Ce terme étant utilisé en argot par les dealers pour évoquer la brigade canine.

• Speaker #3

  Ah c'est bien mon petit gars là. Et là on l'encourage, son petit gars, on l'encourage, ouais c'est très bien, fais-moi voir ça.

• Speaker #4

  Donc là il a détecté une odeur, donc les chaînes police, ils marquent... soit en mordant ou en grattant l'endroit où se trouve le produit stupéfiant.

• Speaker #0

  Sorti en single en avril 2004, 99 Problems se hisse à la 30ème place du Billboard et y reste 12 semaines. Encore mieux, Jay le joue en live lors de l'investiture de Barack Obama. Une prouesse pour un titre rap-rock dénonçant le racisme et les violences policières de manière subtile. Si le morceau est un succès commercial, c'est aussi grâce à son clip signé Mark Romanek. Hove veut un clip. aussi autobiographique que son album et qui magnifie la saleté du bitume. Le réalisateur s'inspire alors de photographes de rue new-yorkais des années 90 et opte pour un noir et blanc granuleux. On y voit Jay et Rubin rouler en Lexus, des danseurs, des détenus du Bronx et surtout la scène finale, Jay-Z criblé de balles. Une scène jugée trop violente pour les standards télé de l'époque obligeant les chaînes à introduire le clip avec un disclaimer. Mais la symbolique est forte. Jay-Z, le rappeur, meurt et laisse totalement sa place à Sean Carter, le businessman. Aujourd'hui, 99 Problems est un classique incontournable de Jay-Z. Et c'est fou de se dire que sans l'intervention de Chris Rock, la folie de Rick Rubin et le contrôle raté de la police, eh bien ce morceau n'aurait jamais vu le jour. Personnellement, Je me souviens encore parfaitement de ma découverte de ce morceau. A l'époque, je passais mes après-midi devant MTV Bays à dévorer les clips. Et un jour, je suis tombé sur celui de 99 Problems. Je n'oublierai jamais cette ouverture sur les escaliers d'une station de métro, la punchline a cappella de Jay-Z et la basse qui vient frapper mes oreilles. Un moment figé dans le temps et qui me ramènera toujours au Black Album, dernier classique du roi de New York. Merci d'avoir écouté ce quatrième épisode. Pour ne rien manquer, je t'invite à t'abonner et à laisser une bonne note. Tu connais le refrain. Si ce n'est pas déjà fait, tu peux aussi lancer mes épisodes précédents sur 50, Kanye et The Game. Tu peux découvrir mes autres contenus sur mon compte Instagram Draper the Dope Man Et on se dit à très bientôt pour un nouvel épisode de Rap Story dédié à Outkast