undefined cover
undefined cover
Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version) cover
Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version) cover
Saint Laurent Smoking, the Podcast

Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version)

Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version)

29min |11/04/2024|

2252

Play
undefined cover
undefined cover
Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version) cover
Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version) cover
Saint Laurent Smoking, the Podcast

Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version)

Saint Laurent Smoking, Épisode 8: SebastiAn (French Version)

29min |11/04/2024|

2252

Play

Description

Après avoir convié différents artistes pour sa série de podcasts SMOKING , Saint Laurent Rive Droite revient avec un nouvel épisode présentant le musicien, DJ, producteur, et compositeur de musique électronique français SebastiAn.

 

Au cours de cette discussion Pascale Clark passe en revue l’univers musical qui caractérise SebastiAn, et aborde notamment les bandes-son des défilés Saint Laurent qu’il compose chaque saison en collaboration avec le directeur artistique Anthony Vaccarello.

 

SebastiAn évoque son style, sa façon de travailler et ses multiples et variées collaborations avec d’autres grands noms que sont par exemple Charlotte Gainsbourg ou les Daft Punk.


Hosted by Ausha. See ausha.co/privacy-policy for more information.

Transcription

  • Speaker #0

    Donc on disait que je ne clopais pas, je ne buvais pas et que j'allais peut-être arrêter le son. Et que je cherche maintenant des choses à arrêter en plus. Donc si vous avez des idées...

  • Speaker #1

    Avertissement, vous allez entendre un surdoué qui va tenter de vous faire croire que tout est arrivé par hasard. La quarantaine passée, Sébastien, avec un deuxième A majuscule, est le producteur, compositeur, mixeur, remixeur, DJ que le monde musical s'arrache. Sensuel, sexuel ou lyrique, son électronique est entêtante. Vous en ressortez comme électrocutés. Frank Ocean, Charlotte Gainsbourg, les Daft Punk, Woodkid, Philippe Catherine ou Juliette Armanet, tous l'ont réclamée. Saint-Laurent aussi, dont il signe la musique des défilés, et pas que. Pedro Winter du label Headbanger ne s'y était pas trompé, qu'il avait immédiatement signé des Daft Punk non plus qu'il avait voulu pour l'une de leurs tournées. Quand il a le temps, Sébastien compose pour lui, ça lui prend des années.

  • Speaker #0

    Smoking.

  • Speaker #1

    Attention à la prise, Sébastien est dans Smoking. Bonjour Sébastien. Bonjour. On dit bien Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Avec un A majuscule, le deuxième.

  • Speaker #0

    Le A, c'était pour le marquer, parce que ça se dit comme ça, et que... À la base, je pense que c'était une sorte d'erreur de frappe, en disant non, non, c'est un A, c'est pas un E qu'il y a ici, et c'est resté. Il n'y avait rien de conceptuel.

  • Speaker #1

    Mais ça l'est devenu.

  • Speaker #0

    Ça l'est devenu, et on trouve toujours des façons de... Puisque c'est aussi la première lettre de mon nom de famille, et que comme j'ai un grand... En frère, qui est musicien aussi, le nom étant déjà pris, j'ai pris mon prénom. Et il y a le A qui reste quand même.

  • Speaker #1

    Alors, mise en abîme, avec un grand A pour le coup, vous êtes dans Smoking, le podcast, dont vous avez signé la musique. Est-ce que vous vous souvenez de cette musique ? Vous pouvez la fredonner ?

  • Speaker #0

    Je sais que c'est quelque chose qui est assez proche de... Justement à cause du... Le terme smoking de James Bondesque est un peu mystérieux, un peu noir.

  • Speaker #1

    Moi je l'aime beaucoup ce générique. Est-ce qu'il est venu vite ? Et est-ce que vite ça veut dire quelque chose déjà ?

  • Speaker #0

    Il est venu très vite, ouais. La manière que j'ai de travailler pour Saint-Laurent de manière générale est extrêmement rapide par rapport à la manière que je peux avoir travaillé sur d'autres albums. Pour Saint-Laurent c'est clair.

  • Speaker #1

    Donc à la fois pour se moquer. Et puis surtout pour la musique des défilés, et pourquoi du coup est-ce que c'est rapide pour Saint-Laurent ? Qu'est-ce qui fait que c'est rapide ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est un peu comme ceux qui travaillent pour les robes ou autres. Je pense qu'il y a des femmes qui partent, c'est un peu cliché ce que je raconte, mais qui partent avant un corps avec une aiguille dans le dos, parce que tout a été terminé à la dernière minute. Et pour la musique, ça se fait exactement de la même manière. Je vais savoir à l'avance à quoi va ressembler à peu près le décor. quels sont les thèmes des vêtements. Mais en gros, ça m'est rarement arrivé de rendre la musique un autre jour que la veille du show ou le jour même. Donc c'est trois jours express pour l'intégralité du show. C'est très rapide et c'est très intéressant que ça le soit pour moi parce que j'aime bien la contrainte, de manière générale, en travail et que là c'est une Une contrainte qui m'oblige moi à utiliser le moins possible mon cerveau, qui n'est pas très nécessairement utile en musique. On fait et on ne pense pas. Et une fois que c'est rendu, moi j'ai la possibilité de quasiment découvrir la musique que je viens de faire en même temps que les gens, puisque d'un coup je la découvre à grande échelle. Et j'ai quasiment pas eu le temps de tout réécouter spécifiquement en détail, et ça, ça me plaît.

  • Speaker #1

    Alors est-ce que là on est en train de... On est en opposition totale avec votre musique personnelle, c'est-à-dire, notamment ce premier album, Total, 6 ans paraît-il, paraît-il, pour le faire, paraît-il aussi jour et nuit, c'est peut-être une mythologie, donc du temps, beaucoup de temps, donc là on est en opposition, on est d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, c'est totalement posé. Le travail que je vais faire pour moi ou pour des artistes, parce que je produis au sens musical, comme ça a été le cas pour Charlotte Gainsbourg, là je prends vraiment le temps d'oublier un morceau, de le retrouver plus tard. Ces deux boulots sont complètement différents. Celui de Saint-Laurent, c'est drôle parce que ce qui est le plus ambitieux, c'est-à-dire ce qui comporte le plus de violons... de délicatesse sur un piano, c'est ce que je fais le plus rapidement. Ce qui est drôle, c'est que les choses les plus brutales, la musique la plus industrielle que je puisse faire, je met des plombes, alors que là, pour un morceau à 120 violons, je vais mettre une demi-journée.

  • Speaker #1

    Du coup, est-ce que ça vient du même endroit ?

  • Speaker #0

    Je pense véritablement que ça vient du même endroit, qu'on n'est pas... De toute façon, il faut être un peu plus dur à l'intérieur quand même, pour faire de la musique, mais... Donc c'est la même personne, à des endroits différents.

  • Speaker #1

    Et vous avez dit, surtout pas le cerveau. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que par moments, ça peut être un ennemi, je pense. Ça dépend de ce qu'on fait, bien évidemment. Mais j'ai l'impression que c'est un... C'est un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu... Comme l'amour, il y a le faire, il y a l'attendre et le désirer. C'est deux choses différentes, mais le faire vraiment, il faut faire.

  • Speaker #1

    Et pas de contrôle et plus de lâcher prise ?

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Quand on vous présente Sébastien, on peut dire que vous êtes producteur, compositeur, DJ, mixeur, remixeur, habilleur, musicien bien sûr. Mais est-ce qu'on pourrait dire autre chose ? On pourrait dire... Pas sourcier, cuisinier...

  • Speaker #0

    J'aime bien, ouais.

  • Speaker #1

    Quoi donc ?

  • Speaker #0

    Cuisiner, ça marche bien, ouais. Cuisiner, ça marche bien parce qu'on ne nous voit pas faire. Et quand je produis, c'est un des exercices que j'adore faire aussi, c'est produire des gens. Ça correspond vraiment à ça, quoi. On ne vous voit pas, mais vous êtes là, et puis il faut que tout se fasse, il faut que tout soit parfait, à la bonne température, etc. Je ne vais pas pousser l'analogie. jusqu'au bout. Mais oui, ça correspond à ça.

  • Speaker #1

    Ça a commencé pour vous avec un ordinateur, peut-être des platines, je ne sais pas, en tout cas des objets, pas des instruments de musique. Le premier ordinateur, il était comment, c'était quoi ? Il paraît qu'il était tombé du camion, vrai ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas l'ordinateur qui est tombé du camion, c'est le sampler, qui est donc une machine qui est dirigée par l'ordinateur et dans laquelle on mettait, en gros, on prenait les séquences de sons existants et... On pouvait, grâce à l'ordinateur, en pilotant avec l'ordinateur, faire ce qu'on voulait. C'est arrivé à un moment dans les années 90 où ce genre de machine-là commençait à se démocratiser un peu, mais pas au point de, pas comme aujourd'hui où n'importe qui pourrait avoir ça dans son téléphone portable. À l'époque, c'était quand même des vraies machines de studio. Et je travaillais avec des gens qui ont fait effectivement tomber des samplers dans un camion. Ça c'est vrai, et ils m'en ont donné un parce que j'avais réussi à trouver... J'ai trouvé un ordinateur, c'était un Atari 520ST d'occase, et j'ai commencé comme ça.

  • Speaker #1

    Mais il y avait une envie !

  • Speaker #0

    J'avais 14 ans, ce qui était hyper jeune pour l'époque, parce que par rapport à la musique électronique, en général, il fallait effectivement un peu le budget pour s'acheter ce genre de choses, et moi je suis arrivé pile dans un moment où c'était possible soit d'envoler, soit de s'en procurer.

  • Speaker #1

    Si vous remontez à cette époque-là, 13-14 ans, Pourquoi cette fascination pour l'ordinateur ? Qu'allait-vous permettre des choses ? Et comment c'est venu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais obsédé par les bruits. À la base, je n'allais même pas vers des choses qui étaient structurées avec un rythme ou quoi que ce soit. Depuis jeune, mon frère jouait de la guitare. Il n'y avait pas d'autres musiciens dans la famille. C'est arrivé d'un coup, il y a eu mon grand frère, Noël, et moi derrière. Sauf que moi, ce qui me fascinait, c'était... Il y avait un... tabouret chez moi, qui était creux. Je suis tapé dedans et je pouvais faire ça des heures, ça me faisait beaucoup plus marrer. On entendait d'un coup des courets, c'était la réverbe dans ces trucs. J'aimais bien les bruits. J'aimais bien ce qui grattait, j'aimais bien ce qui faisait trop de bruit, ce qui... Sans aller jusqu'à la caricature, je n'allais pas écouter des séances de marteau-piqueur, mais tout ce qui était un peu moins commun dans le... Dans les sons, j'aimais bien. Et du coup, l'ordinateur était tout trouvé, parce que c'était le seul à pouvoir vraiment capter ça, et où je pouvais en user, voire lui-même en produisait.

  • Speaker #1

    Et il y avait du jeu, il y avait la notion de jeu là-dedans, voire de joie.

  • Speaker #0

    Ouais totalement, moi ça a été... La découverte de la possibilité de faire de tout ça, de ce bruit des choses, ça a été une joie énorme. Et en même temps, il y avait quelque chose de très distant, que j'ai malheureusement gardé. Je pense que c'est une distance que je m'impose inconsciemment. pour pouvoir supporter le fait que je sais faire quasiment que ça, et que j'aime ça.

  • Speaker #1

    Il y a un choc quand même, c'est l'album de Daft Punk, Homework.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Pourquoi c'est un choc ?

  • Speaker #0

    C'est un choc parce que j'écoutais déjà de la musique électronique avant, mais il y a eu FX Twin, il y a eu énormément de gens qui m'ont fasciné, Howtaker, mais en fait il y a une chose que je ne connaissais pas avant eux, c'était qu'il y avait quelque chose de vivant. dans quelque chose de purement synthétique. Et ça évoluait. En général, la musique électronique était assez répétitive, etc. Là, ça évoluait, c'était construit par moments comme des chansons, alors qu'il n'y avait pas spécifiquement forcément d'air reconnaissable. Mais d'un coup, ils m'ont donné la sensation que c'était vivant. Et puis le fait qu'il mélange tout, il y a la funk qui débarque. Il y avait beaucoup de codes qui étaient générés, et moi j'adorais l'idée de faire... faire des ponts entre les genres. Très jeune, je pense que pour le coup, il revient souvent dans les conversations, mais ça vient de mon frère. À l'école, les gens écoutaient du rap dans les années 90. Et moi, en même temps, j'avais accès par lui à ce qui se passait aux instants chavirés, c'est-à-dire une scène plus underground avec soit des performeurs hard comme Jean-Louis Coste, pas le type de l'hôtel, mais à plein de choses très différentes. Et je me suis dit, mais j'aime bien ces gens-là et j'aime bien ceux aussi. Tout le monde rappe et j'aime bien. Et je ne comprenais pas pourquoi il n'y avait pas plus de rencontres. Et j'ai été obsédé par ça. Et là, ça se faisait en musique. En gros, ils ont synthétisé beaucoup de ce que j'aimais à une époque. Et donc, ça a été... Ah, mais on peut faire ça, en fait.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il est sorti en 97, cet album. Et dix ans après, vous faites la première partie des Daft Punk avec Kavinsky. Dix ans, c'est quand même... Pas grand-chose. Donc, vu comme ça, de haut, tout ça s'est fait pour vous assez easy, quand même, non ? Vous vous mettez en colère si je dis ça ?

  • Speaker #0

    Non, non, mais après, j'ai pas de... Je m'en suis pas vraiment rendu compte, parce que j'avais pas de... Moi, j'ai un truc qui revient souvent, c'est... J'ai toujours l'impression que les... À part en amour, j'ai toujours l'impression que les choses vont pas durer. C'est-à-dire qu'Ed Banger, quand je suis rentré, je regardais quasiment avec des obsessions quasi sociologiques en me disant, un DJ, ça dure un an, deux... après les gens passent à autre chose et là je me disais ça va peut-être bon

  • Speaker #1

    Pedro il a signé un disque mais on verra quoi quand vous trouvez le numéro de téléphone de Pedro Winter qu'il accepte de vous signer en tout cas pour voir c'est de la chance c'est une bonne étoile ou c'est parce que vous avez beaucoup de talent

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'étais vraiment très étonné que Pedro ouvre la porte. Moi je savais juste que c'était le manager des Daft Punk, pour la bonne raison que je suis allé chez lui avec des morceaux qui étaient plutôt club et j'étais jamais allé en club. C'est lui qui m'a emmené en club pour la première fois.

  • Speaker #1

    C'était pas autre univers le club ?

  • Speaker #0

    Du tout, du tout. Ça m'intéressait musicalement, mais j'y allais pas trop, j'allais dans des bars, j'allais dans des choses comme ça, mais non trop de gens. Donc j'ai découvert ça en le faisant. En plus, je n'étais pas venu vraiment pour moi, j'étais venu pour présenter un truc d'un ami qu'on avait fait ensemble. Puis Piedro s'est plus axé sur ce que je faisais moi.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser au comédien qui... Il y a deux copains, un casting et c'est l'autre qu'on prend.

  • Speaker #0

    Le casting de Sophie Marceau, oui. Elle est venue en tant que copine. Et donc c'est aussi pour ça que je me suis dit que ça n'allait pas du tout. Je me suis dit que le destin a un peu bifurqué. C'est... C'est hasardeux, donc il ne faut pas compter dessus. En fait, je vais volontairement vers des choses, généralement, où je ne sais pas où ça mène. En fait, je ne m'imaginais rien. Et c'est ce que j'aime aussi.

  • Speaker #1

    Rien. Il n'avait rien calculé, composant avec les rives de la vie, et bien des choses se sont produites, comme la proposition des musiques des défilés Saint-Laurent.

  • Speaker #0

    Et d'un coup on me le propose et je me dis je sais pas à quoi ça correspond mais du coup allons-y. Et pour un peu tout ça a été comme ça. Je faisais de la musique vraiment brute, électronique, et à un moment, il y a eu Charlotte Gainsbourg qui est arrivée, ou d'autres personnes aussi, mais... Mais par contre, quand je sais pas où ça va, c'est des situations dans lesquelles je me sens assez bien.

  • Speaker #1

    Ça ne vous effraie jamais ?

  • Speaker #0

    Non, ça me rassure. Je suis beaucoup plus à l'aise dans les situations étranges que dans les situations ordinaires. J'ai beaucoup plus de mal à aller chercher une baguette que de me retrouver dans des situations vraiment bizarres au milieu d'un club avec je ne sais pas combien de personnes ultra bourrées ou des situations un peu extravagantes, mais je me sens mieux là-dedans.

  • Speaker #1

    Alors, vos collabs, c'est assez spectaculaire, la liste de vos collabs. Et encore, je ne vais pas toutes les citer. Donc, les Daft Punk, Charlotte Gainsbourg, Frank Ocean. Alors, Frank Ocean, on peut s'arrêter deux secondes. Dans la série Easy, toujours ici, vue de loin. Coup de fil par Skype de Frank Ocean, un jour.

  • Speaker #0

    Ouais, ça c'est vraiment... Je l'ai vraiment vécu comme quelque chose d'absolument incroyable. Ah quand même ! Ouais, ouais, ouais. En fait, ce qui m'a fait marrer, c'était le contexte. C'était... Je commençais à calmer le jeu sur les dates parce que je jouais beaucoup trop par rapport à ce que je pouvais encaisser. C'était vraiment une date par jour. Donc c'est un moment où j'ai complètement calmé le jeu, à tous les niveaux d'ailleurs, physique, machin. J'ai arrêté les excès et j'étais chez moi littéralement. Dans le salon, torse nu, j'attendais plus rien et le Skype sonne et j'entends cette voix avec le truc un peu californien du fond de gorge qui dit Ah, it's Frank Et sur le moment, je me dis C'est qui ? Est-ce que c'est Pedro ? Winter qui m'a envoyé un rappeur ? Il dit It's Frank Ocean Là, je me suis relevé, je vais mettre un tee-shirt et l'écran s'est allumé et je l'ai vu. Et je me disais, je suis là. J'étais très surpris qu'il appelle directement et il m'a demandé est-ce que tu peux être là demain ? Et je lui ai dit où est-ce que tu te trouves ? Et il me dit je suis à Los Angeles. Là je lui fais comprendre que j'étais au courant que c'est pas sur la Windows. Et c'était visiblement pas un problème puisque maison de disque, machin, t'inquiète pas ça sera payé. Le lendemain j'ai pris l'avion, j'ai rien pris avec moi. J'ai pris l'ordinateur et je suis parti. Pour un des trucs qui a été pour moi les plus marquants, c'est la manière à lui d'être très très très libre en musique. En fait je pense qu'il m'a refait découvrir ce que j'avais découvert avec ce que j'avais ressenti avec les Daft Punk à l'époque, c'est à dire ah mais on peut faire ça. Et ce qui était intéressant aussi c'est qu'on bossait vraiment avec lui. Enfin ça m'avait vachement étonné et en même temps Charles Gainsbourg m'appelle. Donc je me suis mis à faire deux trucs qui étaient esthétiquement et supposément un peu opposés. On avait le chanteur de R'n'B avec les variations de voix incroyables. Et de l'autre côté, Charlotte, qui est plus école française, où ce n'est pas la performance du chant qui est importante. Et en fait, je me suis retrouvé dans un des meilleurs moments, puisque le pont, il était là. Pour moi, il y en avait un qui me donnait des idées pour l'autre, l'autre pour l'un, et tout se mélangeait.

  • Speaker #1

    C'est une disposition d'esprit particulière, une colle. Ça veut dire quoi par rapport aux autres qui vous demandent ? Comment vous formulerez ça ? C'est à leur service ? C'est tenter d'extraire quelque chose qui leur manque ? Je ne sais pas.

  • Speaker #0

    L'idée, étrangement, c'est de s'effacer le plus possible pour traduire au mieux ce que la personne avec laquelle vous travaillez voulait.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'elle exprime la personne en face ?

  • Speaker #0

    Oui, ça veut dire que dans tous les cas, votre papate va ressortir ? Comme dans toutes les traductions, quand on vous demande quelque chose, vous le traduisez à votre manière. Donc il y a toujours un accent. Mais l'idée, c'est de traduire le mieux ce qui a été dit. Et puis ce qui reste comme accent, c'est vous. Mais ce n'est pas le but principal.

  • Speaker #1

    Et quand c'est Juliette Armanet qui demande, c'est la même chose ? Je ne mets pas de jugement de valeur, mais c'est plus variété, on est d'accord avec ça ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça que ça m'intéressait aussi. Ce n'est pas un secteur dans lequel je... Elle, c'est un secteur dans lequel... Elle excelle. Il y a eu un truc peut-être plus naturel là-dedans avec elle parce que c'est arrivé pendant la pandémie et qu'on s'est aperçu qu'on n'habitait pas si loin l'un de l'autre. Donc ça a démarré un peu... Bon, le monde est à l'arrêt, amusons-nous quand même. Et effectivement, moi, ça me fascine parce que ce n'était pas forcément mon rayon. Et puis moi, j'en écoute par moments de la variété. C'est pas nécessairement péjoratif. Et c'est très dur comme exercice. Mais pour moi, le roi de ça, ça a été, pendant un moment, ça a été Prince, par exemple, qui a quatre éléments ennemis, et ça devient Kiss. Et c'est un exercice qui est très dur à faire. Pharrell Williams, c'est extrêmement dur de faire un truc qui a quatre éléments, et pourtant ça prend, et tout le monde aime d'un coup. Et ça me fascinait autant que les gens qui font des choses extrêmement complexes. Pour moi, il n'y a pas un truc au-dessus ou en-dessous, c'est... C'est des exercices très différents.

  • Speaker #1

    Philippe Catherine, avec qui vous avez travaillé, a dit à propos de vous, j'apprécie la tension sexuelle de ces compositions. D'accord ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est dû au côté un peu dur de ce que j'ai fait au tout début.

  • Speaker #1

    On entend aussi, ou on lit, sensuel. Est-ce que vous, vous prenez plus sensuel que sexuel ? Ou ça dépend des fois ?

  • Speaker #0

    Si on pouvait avoir les deux, ce serait quand même pas mal. Il y en a un qui amène à l'autre, et inversement. Comme ça, ça tourne, on boucle.

  • Speaker #1

    On parle aussi souvent de violence sous-jacente.

  • Speaker #0

    Il y en a. Ça fait partie du petit panel des émotions humaines. Il y a de la sexualité, il y a de la violence, il y a de la... Sans paraphrase d'étailier, il y a l'amour et la violence, mais il y a tout ce qu'on peut exprimer est là. Si chez moi, après, on note plus la sensualité et la violence sous-jacente, ça me va, puisque... Étrangement, dans la vie, je suis plutôt calme. Donc je ne sais pas d'où ça vient, mais c'est là.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur état, diriez-vous, pour composer ?

  • Speaker #0

    Les dix premières minutes du réveil, quand vous n'êtes pas vraiment conscient, c'est assez fluide. Où justement, il n'y a pas trop le cerveau, tout n'est pas encore structuré, tout le monde n'est pas encore levé, tout le monde n'est pas là. Ça aide le fait d'être un petit peu loin. Je sais. Je ne sais pas à quoi elles correspondent exactement, ces fameuses 10 minutes de réveil, mais elles sont tellement fluides, vous pourriez écrire très exactement ce que vous pensez. C'est moins encombré. Donc la nuit, ça marche bien, mais comme je bosse la journée aussi, je fais des jours-nuit. C'est assez carré, je travaille de midi à 19h, et je reprends à 23h, minuit, jusqu'à 6h du mat. 7h

  • Speaker #1

    Sébastien il y a une pièce secrète ici on va aller la voir alors ouais faut se lever au bout d'un moment voilà, allez spécial je vous préviens oulala C'est un petit espace avec des miroirs partout, du sol au plafond et puis un éclairage immonde. Vous pouvez me décrire ce que vous voyez ?

  • Speaker #0

    Dans les miroirs, j'ai plutôt tendance à... Moi, j'ai le côté Lewis Carroll, je regarde ce qu'il y a derrière, je ne me regarderais pas moi. Ça me rappelle... Moi, ce à quoi ça me fait penser immédiatement, j'avais une conversation quand j'étais jeune avec mon frère où j'avais dit Mais si on n'avait jamais découvert le miroir ? Il m'a répondu L'angoisse serait quand même là. L'angoisse de ne pas savoir à quoi on ressemble. Donc en fait, c'est l'envers et l'endroit du même problème. J'ai essayé d'effleurer ça avec les pochettes que j'ai faites.

  • Speaker #1

    Bien sûr, l'ego trip.

  • Speaker #0

    Il y avait l'ego, le narcissisme, parce que ce qui m'intéressait là-dedans, c'était déjà de railler un peu ça chez les artistes de manière générale. Et aussi, j'ai vu les réseaux sociaux arriver, et j'ai vu cette espèce de narcissisme banalisé, monté. Un peu comme, de la même manière, j'ai continué avec la seconde pochette, où je m'éclate moi-même la gueule, où finalement on arrive à Twitter. C'est-à-dire que là, le premier, on est à Facebook, puis là on arrive à Twitter, où ça devient un peu... Finalement, c'est l'aboutissement de ce truc-là, et je sais pas encore où ça va aller, je verrai. Mais c'est des échos à ça, c'est pas moi, réellement, je rêve pas de m'embrasser, mais c'est un écho à ce que je ressens.

  • Speaker #1

    Je remarque que vous, vous regardez pas, mais je comprends très très bien, moi, je suis comme vous. Mais est-ce que... Vous vous allez physiquement ?

  • Speaker #0

    Je ne me pose pas de problème. Je n'irai pas me peindre moi-même, mais il y a de la pudeur. Mais mis à part ça, c'est un problème derrière garde physique pour moi. C'est secondaire.

  • Speaker #1

    Je vous délivre, parce que je souffre pour vous. On va sortir de là. Est-ce que vous êtes aussi curieux de tous ces gens qui écoutent votre musique ? Est-ce que vous pensez à eux parfois ?

  • Speaker #0

    Oui, fatalement. C'est un exercice qui se joue, de faire de la musique, qui se joue souvent entre... C'est une bonne balance entre ce que vous avez envie de donner et ce que vous imaginez de comment les gens vont le recevoir.

  • Speaker #1

    Idéalement, qu'aimeriez-vous qu'on fasse sur votre musique ?

  • Speaker #0

    Vous me faites sourire parce que j'ai... En fait je m'aperçois à quel point j'ai aimé voir les gens faire n'importe quoi, mais littéralement n'importe quoi pendant des années. Moi y compris, il y a des moments où je ne sais même plus qui j'étais, mais j'aimerais qu'ils fassent littéralement n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Vous pouvez décrire le n'importe quoi que vous avez vu ou ça ne peut pas se décrire ?

  • Speaker #0

    Il fallait être là. Qu'ils se défoulent, ouais. Il n'y a rien de plus important que la musique apaise quand même. Alors même si elle est brutale, même quelque chose de violent, tant que ça reste de la musique, etc., peut vous apaiser.

  • Speaker #1

    Dernière séquence dans le podcast Smoking, et là, on va relancer votre musique, je vous préviens. Ça s'appelle Rafale, questions et réponses rapides comme elles viennent. Votre moyen de transport préféré ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Taxi ou Uber, pareil ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Que faites-vous absolument tous les jours ?

  • Speaker #0

    Musique.

  • Speaker #1

    Un autre métier pour une autre vie ?

  • Speaker #0

    Un salon de coiffure. Si, si, ça jacte et tout, j'aime bien, ça me fait marrer.

  • Speaker #1

    Mais comme coiffeur, alors ?

  • Speaker #0

    Non, je voudrais avoir le salon. Je sais pas. Je sais tellement pas faire autre chose. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? En tout cas, j'aurais pas pu être comptable. Ça, c'est clair. Mais...

  • Speaker #1

    Vous prenez l'avion dans une heure ou partez-vous ?

  • Speaker #0

    À Belgrade.

  • Speaker #1

    Là où vous avez passé votre enfance ou votre adolescence ? J'en ai pas parlé, je sais pas pourquoi. Est-ce que j'ai bien fait ou est-ce que c'est important ?

  • Speaker #0

    Non, c'est une bonne partie de ma vie, quand même. toute ma famille là-bas. Et c'est un bon décalage culturel et ça fait partie de moi. Après, c'est pas une chose qui est obsessionnelle chez moi de dire, je viens d'ici ou j'ai pas un truc de... J'aime vraiment aller là-bas aussi parce qu'il y a un petit côté quand vous allez là-bas, c'est comme si vous retourniez dans les années 90. Vous avez le droit de cloper absolument partout. Vous pouvez faire de la moto sans casque. Il y a un truc qui est un peu moins hygiéniste. En tout cas, c'est Ça ne les a pas encore atteints, ce qui est assez drôle. Il y a d'autres choses qui le sont moins, mais ça me rappelle mon enfance, donc Belgrade, oui.

  • Speaker #1

    Vous êtes une femme pendant, peu importe, 24 heures, même une semaine, que faites-vous ?

  • Speaker #0

    J'irais me balader pour ressentir ce regard si lourd qu'on peut avoir quand on est une femme.

  • Speaker #1

    Comment finir en beauté ?

  • Speaker #0

    L'émission ou la vie ?

  • Speaker #1

    À vous de voir.

  • Speaker #0

    Je crois que je viens d'y répondre dans le silence. Ça fait un peu malin comme réponse.

  • Speaker #1

    Non, ça va.

  • Speaker #0

    Le silence, c'est pas mal aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et là, il y a votre musique, je vous préviens. À bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Sous-titrage ST'501

Description

Après avoir convié différents artistes pour sa série de podcasts SMOKING , Saint Laurent Rive Droite revient avec un nouvel épisode présentant le musicien, DJ, producteur, et compositeur de musique électronique français SebastiAn.

 

Au cours de cette discussion Pascale Clark passe en revue l’univers musical qui caractérise SebastiAn, et aborde notamment les bandes-son des défilés Saint Laurent qu’il compose chaque saison en collaboration avec le directeur artistique Anthony Vaccarello.

 

SebastiAn évoque son style, sa façon de travailler et ses multiples et variées collaborations avec d’autres grands noms que sont par exemple Charlotte Gainsbourg ou les Daft Punk.


Hosted by Ausha. See ausha.co/privacy-policy for more information.

Transcription

  • Speaker #0

    Donc on disait que je ne clopais pas, je ne buvais pas et que j'allais peut-être arrêter le son. Et que je cherche maintenant des choses à arrêter en plus. Donc si vous avez des idées...

  • Speaker #1

    Avertissement, vous allez entendre un surdoué qui va tenter de vous faire croire que tout est arrivé par hasard. La quarantaine passée, Sébastien, avec un deuxième A majuscule, est le producteur, compositeur, mixeur, remixeur, DJ que le monde musical s'arrache. Sensuel, sexuel ou lyrique, son électronique est entêtante. Vous en ressortez comme électrocutés. Frank Ocean, Charlotte Gainsbourg, les Daft Punk, Woodkid, Philippe Catherine ou Juliette Armanet, tous l'ont réclamée. Saint-Laurent aussi, dont il signe la musique des défilés, et pas que. Pedro Winter du label Headbanger ne s'y était pas trompé, qu'il avait immédiatement signé des Daft Punk non plus qu'il avait voulu pour l'une de leurs tournées. Quand il a le temps, Sébastien compose pour lui, ça lui prend des années.

  • Speaker #0

    Smoking.

  • Speaker #1

    Attention à la prise, Sébastien est dans Smoking. Bonjour Sébastien. Bonjour. On dit bien Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Avec un A majuscule, le deuxième.

  • Speaker #0

    Le A, c'était pour le marquer, parce que ça se dit comme ça, et que... À la base, je pense que c'était une sorte d'erreur de frappe, en disant non, non, c'est un A, c'est pas un E qu'il y a ici, et c'est resté. Il n'y avait rien de conceptuel.

  • Speaker #1

    Mais ça l'est devenu.

  • Speaker #0

    Ça l'est devenu, et on trouve toujours des façons de... Puisque c'est aussi la première lettre de mon nom de famille, et que comme j'ai un grand... En frère, qui est musicien aussi, le nom étant déjà pris, j'ai pris mon prénom. Et il y a le A qui reste quand même.

  • Speaker #1

    Alors, mise en abîme, avec un grand A pour le coup, vous êtes dans Smoking, le podcast, dont vous avez signé la musique. Est-ce que vous vous souvenez de cette musique ? Vous pouvez la fredonner ?

  • Speaker #0

    Je sais que c'est quelque chose qui est assez proche de... Justement à cause du... Le terme smoking de James Bondesque est un peu mystérieux, un peu noir.

  • Speaker #1

    Moi je l'aime beaucoup ce générique. Est-ce qu'il est venu vite ? Et est-ce que vite ça veut dire quelque chose déjà ?

  • Speaker #0

    Il est venu très vite, ouais. La manière que j'ai de travailler pour Saint-Laurent de manière générale est extrêmement rapide par rapport à la manière que je peux avoir travaillé sur d'autres albums. Pour Saint-Laurent c'est clair.

  • Speaker #1

    Donc à la fois pour se moquer. Et puis surtout pour la musique des défilés, et pourquoi du coup est-ce que c'est rapide pour Saint-Laurent ? Qu'est-ce qui fait que c'est rapide ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est un peu comme ceux qui travaillent pour les robes ou autres. Je pense qu'il y a des femmes qui partent, c'est un peu cliché ce que je raconte, mais qui partent avant un corps avec une aiguille dans le dos, parce que tout a été terminé à la dernière minute. Et pour la musique, ça se fait exactement de la même manière. Je vais savoir à l'avance à quoi va ressembler à peu près le décor. quels sont les thèmes des vêtements. Mais en gros, ça m'est rarement arrivé de rendre la musique un autre jour que la veille du show ou le jour même. Donc c'est trois jours express pour l'intégralité du show. C'est très rapide et c'est très intéressant que ça le soit pour moi parce que j'aime bien la contrainte, de manière générale, en travail et que là c'est une Une contrainte qui m'oblige moi à utiliser le moins possible mon cerveau, qui n'est pas très nécessairement utile en musique. On fait et on ne pense pas. Et une fois que c'est rendu, moi j'ai la possibilité de quasiment découvrir la musique que je viens de faire en même temps que les gens, puisque d'un coup je la découvre à grande échelle. Et j'ai quasiment pas eu le temps de tout réécouter spécifiquement en détail, et ça, ça me plaît.

  • Speaker #1

    Alors est-ce que là on est en train de... On est en opposition totale avec votre musique personnelle, c'est-à-dire, notamment ce premier album, Total, 6 ans paraît-il, paraît-il, pour le faire, paraît-il aussi jour et nuit, c'est peut-être une mythologie, donc du temps, beaucoup de temps, donc là on est en opposition, on est d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, c'est totalement posé. Le travail que je vais faire pour moi ou pour des artistes, parce que je produis au sens musical, comme ça a été le cas pour Charlotte Gainsbourg, là je prends vraiment le temps d'oublier un morceau, de le retrouver plus tard. Ces deux boulots sont complètement différents. Celui de Saint-Laurent, c'est drôle parce que ce qui est le plus ambitieux, c'est-à-dire ce qui comporte le plus de violons... de délicatesse sur un piano, c'est ce que je fais le plus rapidement. Ce qui est drôle, c'est que les choses les plus brutales, la musique la plus industrielle que je puisse faire, je met des plombes, alors que là, pour un morceau à 120 violons, je vais mettre une demi-journée.

  • Speaker #1

    Du coup, est-ce que ça vient du même endroit ?

  • Speaker #0

    Je pense véritablement que ça vient du même endroit, qu'on n'est pas... De toute façon, il faut être un peu plus dur à l'intérieur quand même, pour faire de la musique, mais... Donc c'est la même personne, à des endroits différents.

  • Speaker #1

    Et vous avez dit, surtout pas le cerveau. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que par moments, ça peut être un ennemi, je pense. Ça dépend de ce qu'on fait, bien évidemment. Mais j'ai l'impression que c'est un... C'est un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu... Comme l'amour, il y a le faire, il y a l'attendre et le désirer. C'est deux choses différentes, mais le faire vraiment, il faut faire.

  • Speaker #1

    Et pas de contrôle et plus de lâcher prise ?

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Quand on vous présente Sébastien, on peut dire que vous êtes producteur, compositeur, DJ, mixeur, remixeur, habilleur, musicien bien sûr. Mais est-ce qu'on pourrait dire autre chose ? On pourrait dire... Pas sourcier, cuisinier...

  • Speaker #0

    J'aime bien, ouais.

  • Speaker #1

    Quoi donc ?

  • Speaker #0

    Cuisiner, ça marche bien, ouais. Cuisiner, ça marche bien parce qu'on ne nous voit pas faire. Et quand je produis, c'est un des exercices que j'adore faire aussi, c'est produire des gens. Ça correspond vraiment à ça, quoi. On ne vous voit pas, mais vous êtes là, et puis il faut que tout se fasse, il faut que tout soit parfait, à la bonne température, etc. Je ne vais pas pousser l'analogie. jusqu'au bout. Mais oui, ça correspond à ça.

  • Speaker #1

    Ça a commencé pour vous avec un ordinateur, peut-être des platines, je ne sais pas, en tout cas des objets, pas des instruments de musique. Le premier ordinateur, il était comment, c'était quoi ? Il paraît qu'il était tombé du camion, vrai ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas l'ordinateur qui est tombé du camion, c'est le sampler, qui est donc une machine qui est dirigée par l'ordinateur et dans laquelle on mettait, en gros, on prenait les séquences de sons existants et... On pouvait, grâce à l'ordinateur, en pilotant avec l'ordinateur, faire ce qu'on voulait. C'est arrivé à un moment dans les années 90 où ce genre de machine-là commençait à se démocratiser un peu, mais pas au point de, pas comme aujourd'hui où n'importe qui pourrait avoir ça dans son téléphone portable. À l'époque, c'était quand même des vraies machines de studio. Et je travaillais avec des gens qui ont fait effectivement tomber des samplers dans un camion. Ça c'est vrai, et ils m'en ont donné un parce que j'avais réussi à trouver... J'ai trouvé un ordinateur, c'était un Atari 520ST d'occase, et j'ai commencé comme ça.

  • Speaker #1

    Mais il y avait une envie !

  • Speaker #0

    J'avais 14 ans, ce qui était hyper jeune pour l'époque, parce que par rapport à la musique électronique, en général, il fallait effectivement un peu le budget pour s'acheter ce genre de choses, et moi je suis arrivé pile dans un moment où c'était possible soit d'envoler, soit de s'en procurer.

  • Speaker #1

    Si vous remontez à cette époque-là, 13-14 ans, Pourquoi cette fascination pour l'ordinateur ? Qu'allait-vous permettre des choses ? Et comment c'est venu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais obsédé par les bruits. À la base, je n'allais même pas vers des choses qui étaient structurées avec un rythme ou quoi que ce soit. Depuis jeune, mon frère jouait de la guitare. Il n'y avait pas d'autres musiciens dans la famille. C'est arrivé d'un coup, il y a eu mon grand frère, Noël, et moi derrière. Sauf que moi, ce qui me fascinait, c'était... Il y avait un... tabouret chez moi, qui était creux. Je suis tapé dedans et je pouvais faire ça des heures, ça me faisait beaucoup plus marrer. On entendait d'un coup des courets, c'était la réverbe dans ces trucs. J'aimais bien les bruits. J'aimais bien ce qui grattait, j'aimais bien ce qui faisait trop de bruit, ce qui... Sans aller jusqu'à la caricature, je n'allais pas écouter des séances de marteau-piqueur, mais tout ce qui était un peu moins commun dans le... Dans les sons, j'aimais bien. Et du coup, l'ordinateur était tout trouvé, parce que c'était le seul à pouvoir vraiment capter ça, et où je pouvais en user, voire lui-même en produisait.

  • Speaker #1

    Et il y avait du jeu, il y avait la notion de jeu là-dedans, voire de joie.

  • Speaker #0

    Ouais totalement, moi ça a été... La découverte de la possibilité de faire de tout ça, de ce bruit des choses, ça a été une joie énorme. Et en même temps, il y avait quelque chose de très distant, que j'ai malheureusement gardé. Je pense que c'est une distance que je m'impose inconsciemment. pour pouvoir supporter le fait que je sais faire quasiment que ça, et que j'aime ça.

  • Speaker #1

    Il y a un choc quand même, c'est l'album de Daft Punk, Homework.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Pourquoi c'est un choc ?

  • Speaker #0

    C'est un choc parce que j'écoutais déjà de la musique électronique avant, mais il y a eu FX Twin, il y a eu énormément de gens qui m'ont fasciné, Howtaker, mais en fait il y a une chose que je ne connaissais pas avant eux, c'était qu'il y avait quelque chose de vivant. dans quelque chose de purement synthétique. Et ça évoluait. En général, la musique électronique était assez répétitive, etc. Là, ça évoluait, c'était construit par moments comme des chansons, alors qu'il n'y avait pas spécifiquement forcément d'air reconnaissable. Mais d'un coup, ils m'ont donné la sensation que c'était vivant. Et puis le fait qu'il mélange tout, il y a la funk qui débarque. Il y avait beaucoup de codes qui étaient générés, et moi j'adorais l'idée de faire... faire des ponts entre les genres. Très jeune, je pense que pour le coup, il revient souvent dans les conversations, mais ça vient de mon frère. À l'école, les gens écoutaient du rap dans les années 90. Et moi, en même temps, j'avais accès par lui à ce qui se passait aux instants chavirés, c'est-à-dire une scène plus underground avec soit des performeurs hard comme Jean-Louis Coste, pas le type de l'hôtel, mais à plein de choses très différentes. Et je me suis dit, mais j'aime bien ces gens-là et j'aime bien ceux aussi. Tout le monde rappe et j'aime bien. Et je ne comprenais pas pourquoi il n'y avait pas plus de rencontres. Et j'ai été obsédé par ça. Et là, ça se faisait en musique. En gros, ils ont synthétisé beaucoup de ce que j'aimais à une époque. Et donc, ça a été... Ah, mais on peut faire ça, en fait.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il est sorti en 97, cet album. Et dix ans après, vous faites la première partie des Daft Punk avec Kavinsky. Dix ans, c'est quand même... Pas grand-chose. Donc, vu comme ça, de haut, tout ça s'est fait pour vous assez easy, quand même, non ? Vous vous mettez en colère si je dis ça ?

  • Speaker #0

    Non, non, mais après, j'ai pas de... Je m'en suis pas vraiment rendu compte, parce que j'avais pas de... Moi, j'ai un truc qui revient souvent, c'est... J'ai toujours l'impression que les... À part en amour, j'ai toujours l'impression que les choses vont pas durer. C'est-à-dire qu'Ed Banger, quand je suis rentré, je regardais quasiment avec des obsessions quasi sociologiques en me disant, un DJ, ça dure un an, deux... après les gens passent à autre chose et là je me disais ça va peut-être bon

  • Speaker #1

    Pedro il a signé un disque mais on verra quoi quand vous trouvez le numéro de téléphone de Pedro Winter qu'il accepte de vous signer en tout cas pour voir c'est de la chance c'est une bonne étoile ou c'est parce que vous avez beaucoup de talent

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'étais vraiment très étonné que Pedro ouvre la porte. Moi je savais juste que c'était le manager des Daft Punk, pour la bonne raison que je suis allé chez lui avec des morceaux qui étaient plutôt club et j'étais jamais allé en club. C'est lui qui m'a emmené en club pour la première fois.

  • Speaker #1

    C'était pas autre univers le club ?

  • Speaker #0

    Du tout, du tout. Ça m'intéressait musicalement, mais j'y allais pas trop, j'allais dans des bars, j'allais dans des choses comme ça, mais non trop de gens. Donc j'ai découvert ça en le faisant. En plus, je n'étais pas venu vraiment pour moi, j'étais venu pour présenter un truc d'un ami qu'on avait fait ensemble. Puis Piedro s'est plus axé sur ce que je faisais moi.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser au comédien qui... Il y a deux copains, un casting et c'est l'autre qu'on prend.

  • Speaker #0

    Le casting de Sophie Marceau, oui. Elle est venue en tant que copine. Et donc c'est aussi pour ça que je me suis dit que ça n'allait pas du tout. Je me suis dit que le destin a un peu bifurqué. C'est... C'est hasardeux, donc il ne faut pas compter dessus. En fait, je vais volontairement vers des choses, généralement, où je ne sais pas où ça mène. En fait, je ne m'imaginais rien. Et c'est ce que j'aime aussi.

  • Speaker #1

    Rien. Il n'avait rien calculé, composant avec les rives de la vie, et bien des choses se sont produites, comme la proposition des musiques des défilés Saint-Laurent.

  • Speaker #0

    Et d'un coup on me le propose et je me dis je sais pas à quoi ça correspond mais du coup allons-y. Et pour un peu tout ça a été comme ça. Je faisais de la musique vraiment brute, électronique, et à un moment, il y a eu Charlotte Gainsbourg qui est arrivée, ou d'autres personnes aussi, mais... Mais par contre, quand je sais pas où ça va, c'est des situations dans lesquelles je me sens assez bien.

  • Speaker #1

    Ça ne vous effraie jamais ?

  • Speaker #0

    Non, ça me rassure. Je suis beaucoup plus à l'aise dans les situations étranges que dans les situations ordinaires. J'ai beaucoup plus de mal à aller chercher une baguette que de me retrouver dans des situations vraiment bizarres au milieu d'un club avec je ne sais pas combien de personnes ultra bourrées ou des situations un peu extravagantes, mais je me sens mieux là-dedans.

  • Speaker #1

    Alors, vos collabs, c'est assez spectaculaire, la liste de vos collabs. Et encore, je ne vais pas toutes les citer. Donc, les Daft Punk, Charlotte Gainsbourg, Frank Ocean. Alors, Frank Ocean, on peut s'arrêter deux secondes. Dans la série Easy, toujours ici, vue de loin. Coup de fil par Skype de Frank Ocean, un jour.

  • Speaker #0

    Ouais, ça c'est vraiment... Je l'ai vraiment vécu comme quelque chose d'absolument incroyable. Ah quand même ! Ouais, ouais, ouais. En fait, ce qui m'a fait marrer, c'était le contexte. C'était... Je commençais à calmer le jeu sur les dates parce que je jouais beaucoup trop par rapport à ce que je pouvais encaisser. C'était vraiment une date par jour. Donc c'est un moment où j'ai complètement calmé le jeu, à tous les niveaux d'ailleurs, physique, machin. J'ai arrêté les excès et j'étais chez moi littéralement. Dans le salon, torse nu, j'attendais plus rien et le Skype sonne et j'entends cette voix avec le truc un peu californien du fond de gorge qui dit Ah, it's Frank Et sur le moment, je me dis C'est qui ? Est-ce que c'est Pedro ? Winter qui m'a envoyé un rappeur ? Il dit It's Frank Ocean Là, je me suis relevé, je vais mettre un tee-shirt et l'écran s'est allumé et je l'ai vu. Et je me disais, je suis là. J'étais très surpris qu'il appelle directement et il m'a demandé est-ce que tu peux être là demain ? Et je lui ai dit où est-ce que tu te trouves ? Et il me dit je suis à Los Angeles. Là je lui fais comprendre que j'étais au courant que c'est pas sur la Windows. Et c'était visiblement pas un problème puisque maison de disque, machin, t'inquiète pas ça sera payé. Le lendemain j'ai pris l'avion, j'ai rien pris avec moi. J'ai pris l'ordinateur et je suis parti. Pour un des trucs qui a été pour moi les plus marquants, c'est la manière à lui d'être très très très libre en musique. En fait je pense qu'il m'a refait découvrir ce que j'avais découvert avec ce que j'avais ressenti avec les Daft Punk à l'époque, c'est à dire ah mais on peut faire ça. Et ce qui était intéressant aussi c'est qu'on bossait vraiment avec lui. Enfin ça m'avait vachement étonné et en même temps Charles Gainsbourg m'appelle. Donc je me suis mis à faire deux trucs qui étaient esthétiquement et supposément un peu opposés. On avait le chanteur de R'n'B avec les variations de voix incroyables. Et de l'autre côté, Charlotte, qui est plus école française, où ce n'est pas la performance du chant qui est importante. Et en fait, je me suis retrouvé dans un des meilleurs moments, puisque le pont, il était là. Pour moi, il y en avait un qui me donnait des idées pour l'autre, l'autre pour l'un, et tout se mélangeait.

  • Speaker #1

    C'est une disposition d'esprit particulière, une colle. Ça veut dire quoi par rapport aux autres qui vous demandent ? Comment vous formulerez ça ? C'est à leur service ? C'est tenter d'extraire quelque chose qui leur manque ? Je ne sais pas.

  • Speaker #0

    L'idée, étrangement, c'est de s'effacer le plus possible pour traduire au mieux ce que la personne avec laquelle vous travaillez voulait.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'elle exprime la personne en face ?

  • Speaker #0

    Oui, ça veut dire que dans tous les cas, votre papate va ressortir ? Comme dans toutes les traductions, quand on vous demande quelque chose, vous le traduisez à votre manière. Donc il y a toujours un accent. Mais l'idée, c'est de traduire le mieux ce qui a été dit. Et puis ce qui reste comme accent, c'est vous. Mais ce n'est pas le but principal.

  • Speaker #1

    Et quand c'est Juliette Armanet qui demande, c'est la même chose ? Je ne mets pas de jugement de valeur, mais c'est plus variété, on est d'accord avec ça ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça que ça m'intéressait aussi. Ce n'est pas un secteur dans lequel je... Elle, c'est un secteur dans lequel... Elle excelle. Il y a eu un truc peut-être plus naturel là-dedans avec elle parce que c'est arrivé pendant la pandémie et qu'on s'est aperçu qu'on n'habitait pas si loin l'un de l'autre. Donc ça a démarré un peu... Bon, le monde est à l'arrêt, amusons-nous quand même. Et effectivement, moi, ça me fascine parce que ce n'était pas forcément mon rayon. Et puis moi, j'en écoute par moments de la variété. C'est pas nécessairement péjoratif. Et c'est très dur comme exercice. Mais pour moi, le roi de ça, ça a été, pendant un moment, ça a été Prince, par exemple, qui a quatre éléments ennemis, et ça devient Kiss. Et c'est un exercice qui est très dur à faire. Pharrell Williams, c'est extrêmement dur de faire un truc qui a quatre éléments, et pourtant ça prend, et tout le monde aime d'un coup. Et ça me fascinait autant que les gens qui font des choses extrêmement complexes. Pour moi, il n'y a pas un truc au-dessus ou en-dessous, c'est... C'est des exercices très différents.

  • Speaker #1

    Philippe Catherine, avec qui vous avez travaillé, a dit à propos de vous, j'apprécie la tension sexuelle de ces compositions. D'accord ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est dû au côté un peu dur de ce que j'ai fait au tout début.

  • Speaker #1

    On entend aussi, ou on lit, sensuel. Est-ce que vous, vous prenez plus sensuel que sexuel ? Ou ça dépend des fois ?

  • Speaker #0

    Si on pouvait avoir les deux, ce serait quand même pas mal. Il y en a un qui amène à l'autre, et inversement. Comme ça, ça tourne, on boucle.

  • Speaker #1

    On parle aussi souvent de violence sous-jacente.

  • Speaker #0

    Il y en a. Ça fait partie du petit panel des émotions humaines. Il y a de la sexualité, il y a de la violence, il y a de la... Sans paraphrase d'étailier, il y a l'amour et la violence, mais il y a tout ce qu'on peut exprimer est là. Si chez moi, après, on note plus la sensualité et la violence sous-jacente, ça me va, puisque... Étrangement, dans la vie, je suis plutôt calme. Donc je ne sais pas d'où ça vient, mais c'est là.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur état, diriez-vous, pour composer ?

  • Speaker #0

    Les dix premières minutes du réveil, quand vous n'êtes pas vraiment conscient, c'est assez fluide. Où justement, il n'y a pas trop le cerveau, tout n'est pas encore structuré, tout le monde n'est pas encore levé, tout le monde n'est pas là. Ça aide le fait d'être un petit peu loin. Je sais. Je ne sais pas à quoi elles correspondent exactement, ces fameuses 10 minutes de réveil, mais elles sont tellement fluides, vous pourriez écrire très exactement ce que vous pensez. C'est moins encombré. Donc la nuit, ça marche bien, mais comme je bosse la journée aussi, je fais des jours-nuit. C'est assez carré, je travaille de midi à 19h, et je reprends à 23h, minuit, jusqu'à 6h du mat. 7h

  • Speaker #1

    Sébastien il y a une pièce secrète ici on va aller la voir alors ouais faut se lever au bout d'un moment voilà, allez spécial je vous préviens oulala C'est un petit espace avec des miroirs partout, du sol au plafond et puis un éclairage immonde. Vous pouvez me décrire ce que vous voyez ?

  • Speaker #0

    Dans les miroirs, j'ai plutôt tendance à... Moi, j'ai le côté Lewis Carroll, je regarde ce qu'il y a derrière, je ne me regarderais pas moi. Ça me rappelle... Moi, ce à quoi ça me fait penser immédiatement, j'avais une conversation quand j'étais jeune avec mon frère où j'avais dit Mais si on n'avait jamais découvert le miroir ? Il m'a répondu L'angoisse serait quand même là. L'angoisse de ne pas savoir à quoi on ressemble. Donc en fait, c'est l'envers et l'endroit du même problème. J'ai essayé d'effleurer ça avec les pochettes que j'ai faites.

  • Speaker #1

    Bien sûr, l'ego trip.

  • Speaker #0

    Il y avait l'ego, le narcissisme, parce que ce qui m'intéressait là-dedans, c'était déjà de railler un peu ça chez les artistes de manière générale. Et aussi, j'ai vu les réseaux sociaux arriver, et j'ai vu cette espèce de narcissisme banalisé, monté. Un peu comme, de la même manière, j'ai continué avec la seconde pochette, où je m'éclate moi-même la gueule, où finalement on arrive à Twitter. C'est-à-dire que là, le premier, on est à Facebook, puis là on arrive à Twitter, où ça devient un peu... Finalement, c'est l'aboutissement de ce truc-là, et je sais pas encore où ça va aller, je verrai. Mais c'est des échos à ça, c'est pas moi, réellement, je rêve pas de m'embrasser, mais c'est un écho à ce que je ressens.

  • Speaker #1

    Je remarque que vous, vous regardez pas, mais je comprends très très bien, moi, je suis comme vous. Mais est-ce que... Vous vous allez physiquement ?

  • Speaker #0

    Je ne me pose pas de problème. Je n'irai pas me peindre moi-même, mais il y a de la pudeur. Mais mis à part ça, c'est un problème derrière garde physique pour moi. C'est secondaire.

  • Speaker #1

    Je vous délivre, parce que je souffre pour vous. On va sortir de là. Est-ce que vous êtes aussi curieux de tous ces gens qui écoutent votre musique ? Est-ce que vous pensez à eux parfois ?

  • Speaker #0

    Oui, fatalement. C'est un exercice qui se joue, de faire de la musique, qui se joue souvent entre... C'est une bonne balance entre ce que vous avez envie de donner et ce que vous imaginez de comment les gens vont le recevoir.

  • Speaker #1

    Idéalement, qu'aimeriez-vous qu'on fasse sur votre musique ?

  • Speaker #0

    Vous me faites sourire parce que j'ai... En fait je m'aperçois à quel point j'ai aimé voir les gens faire n'importe quoi, mais littéralement n'importe quoi pendant des années. Moi y compris, il y a des moments où je ne sais même plus qui j'étais, mais j'aimerais qu'ils fassent littéralement n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Vous pouvez décrire le n'importe quoi que vous avez vu ou ça ne peut pas se décrire ?

  • Speaker #0

    Il fallait être là. Qu'ils se défoulent, ouais. Il n'y a rien de plus important que la musique apaise quand même. Alors même si elle est brutale, même quelque chose de violent, tant que ça reste de la musique, etc., peut vous apaiser.

  • Speaker #1

    Dernière séquence dans le podcast Smoking, et là, on va relancer votre musique, je vous préviens. Ça s'appelle Rafale, questions et réponses rapides comme elles viennent. Votre moyen de transport préféré ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Taxi ou Uber, pareil ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Que faites-vous absolument tous les jours ?

  • Speaker #0

    Musique.

  • Speaker #1

    Un autre métier pour une autre vie ?

  • Speaker #0

    Un salon de coiffure. Si, si, ça jacte et tout, j'aime bien, ça me fait marrer.

  • Speaker #1

    Mais comme coiffeur, alors ?

  • Speaker #0

    Non, je voudrais avoir le salon. Je sais pas. Je sais tellement pas faire autre chose. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? En tout cas, j'aurais pas pu être comptable. Ça, c'est clair. Mais...

  • Speaker #1

    Vous prenez l'avion dans une heure ou partez-vous ?

  • Speaker #0

    À Belgrade.

  • Speaker #1

    Là où vous avez passé votre enfance ou votre adolescence ? J'en ai pas parlé, je sais pas pourquoi. Est-ce que j'ai bien fait ou est-ce que c'est important ?

  • Speaker #0

    Non, c'est une bonne partie de ma vie, quand même. toute ma famille là-bas. Et c'est un bon décalage culturel et ça fait partie de moi. Après, c'est pas une chose qui est obsessionnelle chez moi de dire, je viens d'ici ou j'ai pas un truc de... J'aime vraiment aller là-bas aussi parce qu'il y a un petit côté quand vous allez là-bas, c'est comme si vous retourniez dans les années 90. Vous avez le droit de cloper absolument partout. Vous pouvez faire de la moto sans casque. Il y a un truc qui est un peu moins hygiéniste. En tout cas, c'est Ça ne les a pas encore atteints, ce qui est assez drôle. Il y a d'autres choses qui le sont moins, mais ça me rappelle mon enfance, donc Belgrade, oui.

  • Speaker #1

    Vous êtes une femme pendant, peu importe, 24 heures, même une semaine, que faites-vous ?

  • Speaker #0

    J'irais me balader pour ressentir ce regard si lourd qu'on peut avoir quand on est une femme.

  • Speaker #1

    Comment finir en beauté ?

  • Speaker #0

    L'émission ou la vie ?

  • Speaker #1

    À vous de voir.

  • Speaker #0

    Je crois que je viens d'y répondre dans le silence. Ça fait un peu malin comme réponse.

  • Speaker #1

    Non, ça va.

  • Speaker #0

    Le silence, c'est pas mal aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et là, il y a votre musique, je vous préviens. À bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Sous-titrage ST'501

Share

Embed

You may also like

Description

Après avoir convié différents artistes pour sa série de podcasts SMOKING , Saint Laurent Rive Droite revient avec un nouvel épisode présentant le musicien, DJ, producteur, et compositeur de musique électronique français SebastiAn.

 

Au cours de cette discussion Pascale Clark passe en revue l’univers musical qui caractérise SebastiAn, et aborde notamment les bandes-son des défilés Saint Laurent qu’il compose chaque saison en collaboration avec le directeur artistique Anthony Vaccarello.

 

SebastiAn évoque son style, sa façon de travailler et ses multiples et variées collaborations avec d’autres grands noms que sont par exemple Charlotte Gainsbourg ou les Daft Punk.


Hosted by Ausha. See ausha.co/privacy-policy for more information.

Transcription

  • Speaker #0

    Donc on disait que je ne clopais pas, je ne buvais pas et que j'allais peut-être arrêter le son. Et que je cherche maintenant des choses à arrêter en plus. Donc si vous avez des idées...

  • Speaker #1

    Avertissement, vous allez entendre un surdoué qui va tenter de vous faire croire que tout est arrivé par hasard. La quarantaine passée, Sébastien, avec un deuxième A majuscule, est le producteur, compositeur, mixeur, remixeur, DJ que le monde musical s'arrache. Sensuel, sexuel ou lyrique, son électronique est entêtante. Vous en ressortez comme électrocutés. Frank Ocean, Charlotte Gainsbourg, les Daft Punk, Woodkid, Philippe Catherine ou Juliette Armanet, tous l'ont réclamée. Saint-Laurent aussi, dont il signe la musique des défilés, et pas que. Pedro Winter du label Headbanger ne s'y était pas trompé, qu'il avait immédiatement signé des Daft Punk non plus qu'il avait voulu pour l'une de leurs tournées. Quand il a le temps, Sébastien compose pour lui, ça lui prend des années.

  • Speaker #0

    Smoking.

  • Speaker #1

    Attention à la prise, Sébastien est dans Smoking. Bonjour Sébastien. Bonjour. On dit bien Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Avec un A majuscule, le deuxième.

  • Speaker #0

    Le A, c'était pour le marquer, parce que ça se dit comme ça, et que... À la base, je pense que c'était une sorte d'erreur de frappe, en disant non, non, c'est un A, c'est pas un E qu'il y a ici, et c'est resté. Il n'y avait rien de conceptuel.

  • Speaker #1

    Mais ça l'est devenu.

  • Speaker #0

    Ça l'est devenu, et on trouve toujours des façons de... Puisque c'est aussi la première lettre de mon nom de famille, et que comme j'ai un grand... En frère, qui est musicien aussi, le nom étant déjà pris, j'ai pris mon prénom. Et il y a le A qui reste quand même.

  • Speaker #1

    Alors, mise en abîme, avec un grand A pour le coup, vous êtes dans Smoking, le podcast, dont vous avez signé la musique. Est-ce que vous vous souvenez de cette musique ? Vous pouvez la fredonner ?

  • Speaker #0

    Je sais que c'est quelque chose qui est assez proche de... Justement à cause du... Le terme smoking de James Bondesque est un peu mystérieux, un peu noir.

  • Speaker #1

    Moi je l'aime beaucoup ce générique. Est-ce qu'il est venu vite ? Et est-ce que vite ça veut dire quelque chose déjà ?

  • Speaker #0

    Il est venu très vite, ouais. La manière que j'ai de travailler pour Saint-Laurent de manière générale est extrêmement rapide par rapport à la manière que je peux avoir travaillé sur d'autres albums. Pour Saint-Laurent c'est clair.

  • Speaker #1

    Donc à la fois pour se moquer. Et puis surtout pour la musique des défilés, et pourquoi du coup est-ce que c'est rapide pour Saint-Laurent ? Qu'est-ce qui fait que c'est rapide ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est un peu comme ceux qui travaillent pour les robes ou autres. Je pense qu'il y a des femmes qui partent, c'est un peu cliché ce que je raconte, mais qui partent avant un corps avec une aiguille dans le dos, parce que tout a été terminé à la dernière minute. Et pour la musique, ça se fait exactement de la même manière. Je vais savoir à l'avance à quoi va ressembler à peu près le décor. quels sont les thèmes des vêtements. Mais en gros, ça m'est rarement arrivé de rendre la musique un autre jour que la veille du show ou le jour même. Donc c'est trois jours express pour l'intégralité du show. C'est très rapide et c'est très intéressant que ça le soit pour moi parce que j'aime bien la contrainte, de manière générale, en travail et que là c'est une Une contrainte qui m'oblige moi à utiliser le moins possible mon cerveau, qui n'est pas très nécessairement utile en musique. On fait et on ne pense pas. Et une fois que c'est rendu, moi j'ai la possibilité de quasiment découvrir la musique que je viens de faire en même temps que les gens, puisque d'un coup je la découvre à grande échelle. Et j'ai quasiment pas eu le temps de tout réécouter spécifiquement en détail, et ça, ça me plaît.

  • Speaker #1

    Alors est-ce que là on est en train de... On est en opposition totale avec votre musique personnelle, c'est-à-dire, notamment ce premier album, Total, 6 ans paraît-il, paraît-il, pour le faire, paraît-il aussi jour et nuit, c'est peut-être une mythologie, donc du temps, beaucoup de temps, donc là on est en opposition, on est d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, c'est totalement posé. Le travail que je vais faire pour moi ou pour des artistes, parce que je produis au sens musical, comme ça a été le cas pour Charlotte Gainsbourg, là je prends vraiment le temps d'oublier un morceau, de le retrouver plus tard. Ces deux boulots sont complètement différents. Celui de Saint-Laurent, c'est drôle parce que ce qui est le plus ambitieux, c'est-à-dire ce qui comporte le plus de violons... de délicatesse sur un piano, c'est ce que je fais le plus rapidement. Ce qui est drôle, c'est que les choses les plus brutales, la musique la plus industrielle que je puisse faire, je met des plombes, alors que là, pour un morceau à 120 violons, je vais mettre une demi-journée.

  • Speaker #1

    Du coup, est-ce que ça vient du même endroit ?

  • Speaker #0

    Je pense véritablement que ça vient du même endroit, qu'on n'est pas... De toute façon, il faut être un peu plus dur à l'intérieur quand même, pour faire de la musique, mais... Donc c'est la même personne, à des endroits différents.

  • Speaker #1

    Et vous avez dit, surtout pas le cerveau. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que par moments, ça peut être un ennemi, je pense. Ça dépend de ce qu'on fait, bien évidemment. Mais j'ai l'impression que c'est un... C'est un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu... Comme l'amour, il y a le faire, il y a l'attendre et le désirer. C'est deux choses différentes, mais le faire vraiment, il faut faire.

  • Speaker #1

    Et pas de contrôle et plus de lâcher prise ?

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Quand on vous présente Sébastien, on peut dire que vous êtes producteur, compositeur, DJ, mixeur, remixeur, habilleur, musicien bien sûr. Mais est-ce qu'on pourrait dire autre chose ? On pourrait dire... Pas sourcier, cuisinier...

  • Speaker #0

    J'aime bien, ouais.

  • Speaker #1

    Quoi donc ?

  • Speaker #0

    Cuisiner, ça marche bien, ouais. Cuisiner, ça marche bien parce qu'on ne nous voit pas faire. Et quand je produis, c'est un des exercices que j'adore faire aussi, c'est produire des gens. Ça correspond vraiment à ça, quoi. On ne vous voit pas, mais vous êtes là, et puis il faut que tout se fasse, il faut que tout soit parfait, à la bonne température, etc. Je ne vais pas pousser l'analogie. jusqu'au bout. Mais oui, ça correspond à ça.

  • Speaker #1

    Ça a commencé pour vous avec un ordinateur, peut-être des platines, je ne sais pas, en tout cas des objets, pas des instruments de musique. Le premier ordinateur, il était comment, c'était quoi ? Il paraît qu'il était tombé du camion, vrai ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas l'ordinateur qui est tombé du camion, c'est le sampler, qui est donc une machine qui est dirigée par l'ordinateur et dans laquelle on mettait, en gros, on prenait les séquences de sons existants et... On pouvait, grâce à l'ordinateur, en pilotant avec l'ordinateur, faire ce qu'on voulait. C'est arrivé à un moment dans les années 90 où ce genre de machine-là commençait à se démocratiser un peu, mais pas au point de, pas comme aujourd'hui où n'importe qui pourrait avoir ça dans son téléphone portable. À l'époque, c'était quand même des vraies machines de studio. Et je travaillais avec des gens qui ont fait effectivement tomber des samplers dans un camion. Ça c'est vrai, et ils m'en ont donné un parce que j'avais réussi à trouver... J'ai trouvé un ordinateur, c'était un Atari 520ST d'occase, et j'ai commencé comme ça.

  • Speaker #1

    Mais il y avait une envie !

  • Speaker #0

    J'avais 14 ans, ce qui était hyper jeune pour l'époque, parce que par rapport à la musique électronique, en général, il fallait effectivement un peu le budget pour s'acheter ce genre de choses, et moi je suis arrivé pile dans un moment où c'était possible soit d'envoler, soit de s'en procurer.

  • Speaker #1

    Si vous remontez à cette époque-là, 13-14 ans, Pourquoi cette fascination pour l'ordinateur ? Qu'allait-vous permettre des choses ? Et comment c'est venu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais obsédé par les bruits. À la base, je n'allais même pas vers des choses qui étaient structurées avec un rythme ou quoi que ce soit. Depuis jeune, mon frère jouait de la guitare. Il n'y avait pas d'autres musiciens dans la famille. C'est arrivé d'un coup, il y a eu mon grand frère, Noël, et moi derrière. Sauf que moi, ce qui me fascinait, c'était... Il y avait un... tabouret chez moi, qui était creux. Je suis tapé dedans et je pouvais faire ça des heures, ça me faisait beaucoup plus marrer. On entendait d'un coup des courets, c'était la réverbe dans ces trucs. J'aimais bien les bruits. J'aimais bien ce qui grattait, j'aimais bien ce qui faisait trop de bruit, ce qui... Sans aller jusqu'à la caricature, je n'allais pas écouter des séances de marteau-piqueur, mais tout ce qui était un peu moins commun dans le... Dans les sons, j'aimais bien. Et du coup, l'ordinateur était tout trouvé, parce que c'était le seul à pouvoir vraiment capter ça, et où je pouvais en user, voire lui-même en produisait.

  • Speaker #1

    Et il y avait du jeu, il y avait la notion de jeu là-dedans, voire de joie.

  • Speaker #0

    Ouais totalement, moi ça a été... La découverte de la possibilité de faire de tout ça, de ce bruit des choses, ça a été une joie énorme. Et en même temps, il y avait quelque chose de très distant, que j'ai malheureusement gardé. Je pense que c'est une distance que je m'impose inconsciemment. pour pouvoir supporter le fait que je sais faire quasiment que ça, et que j'aime ça.

  • Speaker #1

    Il y a un choc quand même, c'est l'album de Daft Punk, Homework.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Pourquoi c'est un choc ?

  • Speaker #0

    C'est un choc parce que j'écoutais déjà de la musique électronique avant, mais il y a eu FX Twin, il y a eu énormément de gens qui m'ont fasciné, Howtaker, mais en fait il y a une chose que je ne connaissais pas avant eux, c'était qu'il y avait quelque chose de vivant. dans quelque chose de purement synthétique. Et ça évoluait. En général, la musique électronique était assez répétitive, etc. Là, ça évoluait, c'était construit par moments comme des chansons, alors qu'il n'y avait pas spécifiquement forcément d'air reconnaissable. Mais d'un coup, ils m'ont donné la sensation que c'était vivant. Et puis le fait qu'il mélange tout, il y a la funk qui débarque. Il y avait beaucoup de codes qui étaient générés, et moi j'adorais l'idée de faire... faire des ponts entre les genres. Très jeune, je pense que pour le coup, il revient souvent dans les conversations, mais ça vient de mon frère. À l'école, les gens écoutaient du rap dans les années 90. Et moi, en même temps, j'avais accès par lui à ce qui se passait aux instants chavirés, c'est-à-dire une scène plus underground avec soit des performeurs hard comme Jean-Louis Coste, pas le type de l'hôtel, mais à plein de choses très différentes. Et je me suis dit, mais j'aime bien ces gens-là et j'aime bien ceux aussi. Tout le monde rappe et j'aime bien. Et je ne comprenais pas pourquoi il n'y avait pas plus de rencontres. Et j'ai été obsédé par ça. Et là, ça se faisait en musique. En gros, ils ont synthétisé beaucoup de ce que j'aimais à une époque. Et donc, ça a été... Ah, mais on peut faire ça, en fait.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il est sorti en 97, cet album. Et dix ans après, vous faites la première partie des Daft Punk avec Kavinsky. Dix ans, c'est quand même... Pas grand-chose. Donc, vu comme ça, de haut, tout ça s'est fait pour vous assez easy, quand même, non ? Vous vous mettez en colère si je dis ça ?

  • Speaker #0

    Non, non, mais après, j'ai pas de... Je m'en suis pas vraiment rendu compte, parce que j'avais pas de... Moi, j'ai un truc qui revient souvent, c'est... J'ai toujours l'impression que les... À part en amour, j'ai toujours l'impression que les choses vont pas durer. C'est-à-dire qu'Ed Banger, quand je suis rentré, je regardais quasiment avec des obsessions quasi sociologiques en me disant, un DJ, ça dure un an, deux... après les gens passent à autre chose et là je me disais ça va peut-être bon

  • Speaker #1

    Pedro il a signé un disque mais on verra quoi quand vous trouvez le numéro de téléphone de Pedro Winter qu'il accepte de vous signer en tout cas pour voir c'est de la chance c'est une bonne étoile ou c'est parce que vous avez beaucoup de talent

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'étais vraiment très étonné que Pedro ouvre la porte. Moi je savais juste que c'était le manager des Daft Punk, pour la bonne raison que je suis allé chez lui avec des morceaux qui étaient plutôt club et j'étais jamais allé en club. C'est lui qui m'a emmené en club pour la première fois.

  • Speaker #1

    C'était pas autre univers le club ?

  • Speaker #0

    Du tout, du tout. Ça m'intéressait musicalement, mais j'y allais pas trop, j'allais dans des bars, j'allais dans des choses comme ça, mais non trop de gens. Donc j'ai découvert ça en le faisant. En plus, je n'étais pas venu vraiment pour moi, j'étais venu pour présenter un truc d'un ami qu'on avait fait ensemble. Puis Piedro s'est plus axé sur ce que je faisais moi.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser au comédien qui... Il y a deux copains, un casting et c'est l'autre qu'on prend.

  • Speaker #0

    Le casting de Sophie Marceau, oui. Elle est venue en tant que copine. Et donc c'est aussi pour ça que je me suis dit que ça n'allait pas du tout. Je me suis dit que le destin a un peu bifurqué. C'est... C'est hasardeux, donc il ne faut pas compter dessus. En fait, je vais volontairement vers des choses, généralement, où je ne sais pas où ça mène. En fait, je ne m'imaginais rien. Et c'est ce que j'aime aussi.

  • Speaker #1

    Rien. Il n'avait rien calculé, composant avec les rives de la vie, et bien des choses se sont produites, comme la proposition des musiques des défilés Saint-Laurent.

  • Speaker #0

    Et d'un coup on me le propose et je me dis je sais pas à quoi ça correspond mais du coup allons-y. Et pour un peu tout ça a été comme ça. Je faisais de la musique vraiment brute, électronique, et à un moment, il y a eu Charlotte Gainsbourg qui est arrivée, ou d'autres personnes aussi, mais... Mais par contre, quand je sais pas où ça va, c'est des situations dans lesquelles je me sens assez bien.

  • Speaker #1

    Ça ne vous effraie jamais ?

  • Speaker #0

    Non, ça me rassure. Je suis beaucoup plus à l'aise dans les situations étranges que dans les situations ordinaires. J'ai beaucoup plus de mal à aller chercher une baguette que de me retrouver dans des situations vraiment bizarres au milieu d'un club avec je ne sais pas combien de personnes ultra bourrées ou des situations un peu extravagantes, mais je me sens mieux là-dedans.

  • Speaker #1

    Alors, vos collabs, c'est assez spectaculaire, la liste de vos collabs. Et encore, je ne vais pas toutes les citer. Donc, les Daft Punk, Charlotte Gainsbourg, Frank Ocean. Alors, Frank Ocean, on peut s'arrêter deux secondes. Dans la série Easy, toujours ici, vue de loin. Coup de fil par Skype de Frank Ocean, un jour.

  • Speaker #0

    Ouais, ça c'est vraiment... Je l'ai vraiment vécu comme quelque chose d'absolument incroyable. Ah quand même ! Ouais, ouais, ouais. En fait, ce qui m'a fait marrer, c'était le contexte. C'était... Je commençais à calmer le jeu sur les dates parce que je jouais beaucoup trop par rapport à ce que je pouvais encaisser. C'était vraiment une date par jour. Donc c'est un moment où j'ai complètement calmé le jeu, à tous les niveaux d'ailleurs, physique, machin. J'ai arrêté les excès et j'étais chez moi littéralement. Dans le salon, torse nu, j'attendais plus rien et le Skype sonne et j'entends cette voix avec le truc un peu californien du fond de gorge qui dit Ah, it's Frank Et sur le moment, je me dis C'est qui ? Est-ce que c'est Pedro ? Winter qui m'a envoyé un rappeur ? Il dit It's Frank Ocean Là, je me suis relevé, je vais mettre un tee-shirt et l'écran s'est allumé et je l'ai vu. Et je me disais, je suis là. J'étais très surpris qu'il appelle directement et il m'a demandé est-ce que tu peux être là demain ? Et je lui ai dit où est-ce que tu te trouves ? Et il me dit je suis à Los Angeles. Là je lui fais comprendre que j'étais au courant que c'est pas sur la Windows. Et c'était visiblement pas un problème puisque maison de disque, machin, t'inquiète pas ça sera payé. Le lendemain j'ai pris l'avion, j'ai rien pris avec moi. J'ai pris l'ordinateur et je suis parti. Pour un des trucs qui a été pour moi les plus marquants, c'est la manière à lui d'être très très très libre en musique. En fait je pense qu'il m'a refait découvrir ce que j'avais découvert avec ce que j'avais ressenti avec les Daft Punk à l'époque, c'est à dire ah mais on peut faire ça. Et ce qui était intéressant aussi c'est qu'on bossait vraiment avec lui. Enfin ça m'avait vachement étonné et en même temps Charles Gainsbourg m'appelle. Donc je me suis mis à faire deux trucs qui étaient esthétiquement et supposément un peu opposés. On avait le chanteur de R'n'B avec les variations de voix incroyables. Et de l'autre côté, Charlotte, qui est plus école française, où ce n'est pas la performance du chant qui est importante. Et en fait, je me suis retrouvé dans un des meilleurs moments, puisque le pont, il était là. Pour moi, il y en avait un qui me donnait des idées pour l'autre, l'autre pour l'un, et tout se mélangeait.

  • Speaker #1

    C'est une disposition d'esprit particulière, une colle. Ça veut dire quoi par rapport aux autres qui vous demandent ? Comment vous formulerez ça ? C'est à leur service ? C'est tenter d'extraire quelque chose qui leur manque ? Je ne sais pas.

  • Speaker #0

    L'idée, étrangement, c'est de s'effacer le plus possible pour traduire au mieux ce que la personne avec laquelle vous travaillez voulait.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'elle exprime la personne en face ?

  • Speaker #0

    Oui, ça veut dire que dans tous les cas, votre papate va ressortir ? Comme dans toutes les traductions, quand on vous demande quelque chose, vous le traduisez à votre manière. Donc il y a toujours un accent. Mais l'idée, c'est de traduire le mieux ce qui a été dit. Et puis ce qui reste comme accent, c'est vous. Mais ce n'est pas le but principal.

  • Speaker #1

    Et quand c'est Juliette Armanet qui demande, c'est la même chose ? Je ne mets pas de jugement de valeur, mais c'est plus variété, on est d'accord avec ça ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça que ça m'intéressait aussi. Ce n'est pas un secteur dans lequel je... Elle, c'est un secteur dans lequel... Elle excelle. Il y a eu un truc peut-être plus naturel là-dedans avec elle parce que c'est arrivé pendant la pandémie et qu'on s'est aperçu qu'on n'habitait pas si loin l'un de l'autre. Donc ça a démarré un peu... Bon, le monde est à l'arrêt, amusons-nous quand même. Et effectivement, moi, ça me fascine parce que ce n'était pas forcément mon rayon. Et puis moi, j'en écoute par moments de la variété. C'est pas nécessairement péjoratif. Et c'est très dur comme exercice. Mais pour moi, le roi de ça, ça a été, pendant un moment, ça a été Prince, par exemple, qui a quatre éléments ennemis, et ça devient Kiss. Et c'est un exercice qui est très dur à faire. Pharrell Williams, c'est extrêmement dur de faire un truc qui a quatre éléments, et pourtant ça prend, et tout le monde aime d'un coup. Et ça me fascinait autant que les gens qui font des choses extrêmement complexes. Pour moi, il n'y a pas un truc au-dessus ou en-dessous, c'est... C'est des exercices très différents.

  • Speaker #1

    Philippe Catherine, avec qui vous avez travaillé, a dit à propos de vous, j'apprécie la tension sexuelle de ces compositions. D'accord ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est dû au côté un peu dur de ce que j'ai fait au tout début.

  • Speaker #1

    On entend aussi, ou on lit, sensuel. Est-ce que vous, vous prenez plus sensuel que sexuel ? Ou ça dépend des fois ?

  • Speaker #0

    Si on pouvait avoir les deux, ce serait quand même pas mal. Il y en a un qui amène à l'autre, et inversement. Comme ça, ça tourne, on boucle.

  • Speaker #1

    On parle aussi souvent de violence sous-jacente.

  • Speaker #0

    Il y en a. Ça fait partie du petit panel des émotions humaines. Il y a de la sexualité, il y a de la violence, il y a de la... Sans paraphrase d'étailier, il y a l'amour et la violence, mais il y a tout ce qu'on peut exprimer est là. Si chez moi, après, on note plus la sensualité et la violence sous-jacente, ça me va, puisque... Étrangement, dans la vie, je suis plutôt calme. Donc je ne sais pas d'où ça vient, mais c'est là.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur état, diriez-vous, pour composer ?

  • Speaker #0

    Les dix premières minutes du réveil, quand vous n'êtes pas vraiment conscient, c'est assez fluide. Où justement, il n'y a pas trop le cerveau, tout n'est pas encore structuré, tout le monde n'est pas encore levé, tout le monde n'est pas là. Ça aide le fait d'être un petit peu loin. Je sais. Je ne sais pas à quoi elles correspondent exactement, ces fameuses 10 minutes de réveil, mais elles sont tellement fluides, vous pourriez écrire très exactement ce que vous pensez. C'est moins encombré. Donc la nuit, ça marche bien, mais comme je bosse la journée aussi, je fais des jours-nuit. C'est assez carré, je travaille de midi à 19h, et je reprends à 23h, minuit, jusqu'à 6h du mat. 7h

  • Speaker #1

    Sébastien il y a une pièce secrète ici on va aller la voir alors ouais faut se lever au bout d'un moment voilà, allez spécial je vous préviens oulala C'est un petit espace avec des miroirs partout, du sol au plafond et puis un éclairage immonde. Vous pouvez me décrire ce que vous voyez ?

  • Speaker #0

    Dans les miroirs, j'ai plutôt tendance à... Moi, j'ai le côté Lewis Carroll, je regarde ce qu'il y a derrière, je ne me regarderais pas moi. Ça me rappelle... Moi, ce à quoi ça me fait penser immédiatement, j'avais une conversation quand j'étais jeune avec mon frère où j'avais dit Mais si on n'avait jamais découvert le miroir ? Il m'a répondu L'angoisse serait quand même là. L'angoisse de ne pas savoir à quoi on ressemble. Donc en fait, c'est l'envers et l'endroit du même problème. J'ai essayé d'effleurer ça avec les pochettes que j'ai faites.

  • Speaker #1

    Bien sûr, l'ego trip.

  • Speaker #0

    Il y avait l'ego, le narcissisme, parce que ce qui m'intéressait là-dedans, c'était déjà de railler un peu ça chez les artistes de manière générale. Et aussi, j'ai vu les réseaux sociaux arriver, et j'ai vu cette espèce de narcissisme banalisé, monté. Un peu comme, de la même manière, j'ai continué avec la seconde pochette, où je m'éclate moi-même la gueule, où finalement on arrive à Twitter. C'est-à-dire que là, le premier, on est à Facebook, puis là on arrive à Twitter, où ça devient un peu... Finalement, c'est l'aboutissement de ce truc-là, et je sais pas encore où ça va aller, je verrai. Mais c'est des échos à ça, c'est pas moi, réellement, je rêve pas de m'embrasser, mais c'est un écho à ce que je ressens.

  • Speaker #1

    Je remarque que vous, vous regardez pas, mais je comprends très très bien, moi, je suis comme vous. Mais est-ce que... Vous vous allez physiquement ?

  • Speaker #0

    Je ne me pose pas de problème. Je n'irai pas me peindre moi-même, mais il y a de la pudeur. Mais mis à part ça, c'est un problème derrière garde physique pour moi. C'est secondaire.

  • Speaker #1

    Je vous délivre, parce que je souffre pour vous. On va sortir de là. Est-ce que vous êtes aussi curieux de tous ces gens qui écoutent votre musique ? Est-ce que vous pensez à eux parfois ?

  • Speaker #0

    Oui, fatalement. C'est un exercice qui se joue, de faire de la musique, qui se joue souvent entre... C'est une bonne balance entre ce que vous avez envie de donner et ce que vous imaginez de comment les gens vont le recevoir.

  • Speaker #1

    Idéalement, qu'aimeriez-vous qu'on fasse sur votre musique ?

  • Speaker #0

    Vous me faites sourire parce que j'ai... En fait je m'aperçois à quel point j'ai aimé voir les gens faire n'importe quoi, mais littéralement n'importe quoi pendant des années. Moi y compris, il y a des moments où je ne sais même plus qui j'étais, mais j'aimerais qu'ils fassent littéralement n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Vous pouvez décrire le n'importe quoi que vous avez vu ou ça ne peut pas se décrire ?

  • Speaker #0

    Il fallait être là. Qu'ils se défoulent, ouais. Il n'y a rien de plus important que la musique apaise quand même. Alors même si elle est brutale, même quelque chose de violent, tant que ça reste de la musique, etc., peut vous apaiser.

  • Speaker #1

    Dernière séquence dans le podcast Smoking, et là, on va relancer votre musique, je vous préviens. Ça s'appelle Rafale, questions et réponses rapides comme elles viennent. Votre moyen de transport préféré ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Taxi ou Uber, pareil ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Que faites-vous absolument tous les jours ?

  • Speaker #0

    Musique.

  • Speaker #1

    Un autre métier pour une autre vie ?

  • Speaker #0

    Un salon de coiffure. Si, si, ça jacte et tout, j'aime bien, ça me fait marrer.

  • Speaker #1

    Mais comme coiffeur, alors ?

  • Speaker #0

    Non, je voudrais avoir le salon. Je sais pas. Je sais tellement pas faire autre chose. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? En tout cas, j'aurais pas pu être comptable. Ça, c'est clair. Mais...

  • Speaker #1

    Vous prenez l'avion dans une heure ou partez-vous ?

  • Speaker #0

    À Belgrade.

  • Speaker #1

    Là où vous avez passé votre enfance ou votre adolescence ? J'en ai pas parlé, je sais pas pourquoi. Est-ce que j'ai bien fait ou est-ce que c'est important ?

  • Speaker #0

    Non, c'est une bonne partie de ma vie, quand même. toute ma famille là-bas. Et c'est un bon décalage culturel et ça fait partie de moi. Après, c'est pas une chose qui est obsessionnelle chez moi de dire, je viens d'ici ou j'ai pas un truc de... J'aime vraiment aller là-bas aussi parce qu'il y a un petit côté quand vous allez là-bas, c'est comme si vous retourniez dans les années 90. Vous avez le droit de cloper absolument partout. Vous pouvez faire de la moto sans casque. Il y a un truc qui est un peu moins hygiéniste. En tout cas, c'est Ça ne les a pas encore atteints, ce qui est assez drôle. Il y a d'autres choses qui le sont moins, mais ça me rappelle mon enfance, donc Belgrade, oui.

  • Speaker #1

    Vous êtes une femme pendant, peu importe, 24 heures, même une semaine, que faites-vous ?

  • Speaker #0

    J'irais me balader pour ressentir ce regard si lourd qu'on peut avoir quand on est une femme.

  • Speaker #1

    Comment finir en beauté ?

  • Speaker #0

    L'émission ou la vie ?

  • Speaker #1

    À vous de voir.

  • Speaker #0

    Je crois que je viens d'y répondre dans le silence. Ça fait un peu malin comme réponse.

  • Speaker #1

    Non, ça va.

  • Speaker #0

    Le silence, c'est pas mal aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et là, il y a votre musique, je vous préviens. À bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Sous-titrage ST'501

Description

Après avoir convié différents artistes pour sa série de podcasts SMOKING , Saint Laurent Rive Droite revient avec un nouvel épisode présentant le musicien, DJ, producteur, et compositeur de musique électronique français SebastiAn.

 

Au cours de cette discussion Pascale Clark passe en revue l’univers musical qui caractérise SebastiAn, et aborde notamment les bandes-son des défilés Saint Laurent qu’il compose chaque saison en collaboration avec le directeur artistique Anthony Vaccarello.

 

SebastiAn évoque son style, sa façon de travailler et ses multiples et variées collaborations avec d’autres grands noms que sont par exemple Charlotte Gainsbourg ou les Daft Punk.


Hosted by Ausha. See ausha.co/privacy-policy for more information.

Transcription

  • Speaker #0

    Donc on disait que je ne clopais pas, je ne buvais pas et que j'allais peut-être arrêter le son. Et que je cherche maintenant des choses à arrêter en plus. Donc si vous avez des idées...

  • Speaker #1

    Avertissement, vous allez entendre un surdoué qui va tenter de vous faire croire que tout est arrivé par hasard. La quarantaine passée, Sébastien, avec un deuxième A majuscule, est le producteur, compositeur, mixeur, remixeur, DJ que le monde musical s'arrache. Sensuel, sexuel ou lyrique, son électronique est entêtante. Vous en ressortez comme électrocutés. Frank Ocean, Charlotte Gainsbourg, les Daft Punk, Woodkid, Philippe Catherine ou Juliette Armanet, tous l'ont réclamée. Saint-Laurent aussi, dont il signe la musique des défilés, et pas que. Pedro Winter du label Headbanger ne s'y était pas trompé, qu'il avait immédiatement signé des Daft Punk non plus qu'il avait voulu pour l'une de leurs tournées. Quand il a le temps, Sébastien compose pour lui, ça lui prend des années.

  • Speaker #0

    Smoking.

  • Speaker #1

    Attention à la prise, Sébastien est dans Smoking. Bonjour Sébastien. Bonjour. On dit bien Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Avec un A majuscule, le deuxième.

  • Speaker #0

    Le A, c'était pour le marquer, parce que ça se dit comme ça, et que... À la base, je pense que c'était une sorte d'erreur de frappe, en disant non, non, c'est un A, c'est pas un E qu'il y a ici, et c'est resté. Il n'y avait rien de conceptuel.

  • Speaker #1

    Mais ça l'est devenu.

  • Speaker #0

    Ça l'est devenu, et on trouve toujours des façons de... Puisque c'est aussi la première lettre de mon nom de famille, et que comme j'ai un grand... En frère, qui est musicien aussi, le nom étant déjà pris, j'ai pris mon prénom. Et il y a le A qui reste quand même.

  • Speaker #1

    Alors, mise en abîme, avec un grand A pour le coup, vous êtes dans Smoking, le podcast, dont vous avez signé la musique. Est-ce que vous vous souvenez de cette musique ? Vous pouvez la fredonner ?

  • Speaker #0

    Je sais que c'est quelque chose qui est assez proche de... Justement à cause du... Le terme smoking de James Bondesque est un peu mystérieux, un peu noir.

  • Speaker #1

    Moi je l'aime beaucoup ce générique. Est-ce qu'il est venu vite ? Et est-ce que vite ça veut dire quelque chose déjà ?

  • Speaker #0

    Il est venu très vite, ouais. La manière que j'ai de travailler pour Saint-Laurent de manière générale est extrêmement rapide par rapport à la manière que je peux avoir travaillé sur d'autres albums. Pour Saint-Laurent c'est clair.

  • Speaker #1

    Donc à la fois pour se moquer. Et puis surtout pour la musique des défilés, et pourquoi du coup est-ce que c'est rapide pour Saint-Laurent ? Qu'est-ce qui fait que c'est rapide ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est un peu comme ceux qui travaillent pour les robes ou autres. Je pense qu'il y a des femmes qui partent, c'est un peu cliché ce que je raconte, mais qui partent avant un corps avec une aiguille dans le dos, parce que tout a été terminé à la dernière minute. Et pour la musique, ça se fait exactement de la même manière. Je vais savoir à l'avance à quoi va ressembler à peu près le décor. quels sont les thèmes des vêtements. Mais en gros, ça m'est rarement arrivé de rendre la musique un autre jour que la veille du show ou le jour même. Donc c'est trois jours express pour l'intégralité du show. C'est très rapide et c'est très intéressant que ça le soit pour moi parce que j'aime bien la contrainte, de manière générale, en travail et que là c'est une Une contrainte qui m'oblige moi à utiliser le moins possible mon cerveau, qui n'est pas très nécessairement utile en musique. On fait et on ne pense pas. Et une fois que c'est rendu, moi j'ai la possibilité de quasiment découvrir la musique que je viens de faire en même temps que les gens, puisque d'un coup je la découvre à grande échelle. Et j'ai quasiment pas eu le temps de tout réécouter spécifiquement en détail, et ça, ça me plaît.

  • Speaker #1

    Alors est-ce que là on est en train de... On est en opposition totale avec votre musique personnelle, c'est-à-dire, notamment ce premier album, Total, 6 ans paraît-il, paraît-il, pour le faire, paraît-il aussi jour et nuit, c'est peut-être une mythologie, donc du temps, beaucoup de temps, donc là on est en opposition, on est d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, c'est totalement posé. Le travail que je vais faire pour moi ou pour des artistes, parce que je produis au sens musical, comme ça a été le cas pour Charlotte Gainsbourg, là je prends vraiment le temps d'oublier un morceau, de le retrouver plus tard. Ces deux boulots sont complètement différents. Celui de Saint-Laurent, c'est drôle parce que ce qui est le plus ambitieux, c'est-à-dire ce qui comporte le plus de violons... de délicatesse sur un piano, c'est ce que je fais le plus rapidement. Ce qui est drôle, c'est que les choses les plus brutales, la musique la plus industrielle que je puisse faire, je met des plombes, alors que là, pour un morceau à 120 violons, je vais mettre une demi-journée.

  • Speaker #1

    Du coup, est-ce que ça vient du même endroit ?

  • Speaker #0

    Je pense véritablement que ça vient du même endroit, qu'on n'est pas... De toute façon, il faut être un peu plus dur à l'intérieur quand même, pour faire de la musique, mais... Donc c'est la même personne, à des endroits différents.

  • Speaker #1

    Et vous avez dit, surtout pas le cerveau. Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que par moments, ça peut être un ennemi, je pense. Ça dépend de ce qu'on fait, bien évidemment. Mais j'ai l'impression que c'est un... C'est un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu... Comme l'amour, il y a le faire, il y a l'attendre et le désirer. C'est deux choses différentes, mais le faire vraiment, il faut faire.

  • Speaker #1

    Et pas de contrôle et plus de lâcher prise ?

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Quand on vous présente Sébastien, on peut dire que vous êtes producteur, compositeur, DJ, mixeur, remixeur, habilleur, musicien bien sûr. Mais est-ce qu'on pourrait dire autre chose ? On pourrait dire... Pas sourcier, cuisinier...

  • Speaker #0

    J'aime bien, ouais.

  • Speaker #1

    Quoi donc ?

  • Speaker #0

    Cuisiner, ça marche bien, ouais. Cuisiner, ça marche bien parce qu'on ne nous voit pas faire. Et quand je produis, c'est un des exercices que j'adore faire aussi, c'est produire des gens. Ça correspond vraiment à ça, quoi. On ne vous voit pas, mais vous êtes là, et puis il faut que tout se fasse, il faut que tout soit parfait, à la bonne température, etc. Je ne vais pas pousser l'analogie. jusqu'au bout. Mais oui, ça correspond à ça.

  • Speaker #1

    Ça a commencé pour vous avec un ordinateur, peut-être des platines, je ne sais pas, en tout cas des objets, pas des instruments de musique. Le premier ordinateur, il était comment, c'était quoi ? Il paraît qu'il était tombé du camion, vrai ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas l'ordinateur qui est tombé du camion, c'est le sampler, qui est donc une machine qui est dirigée par l'ordinateur et dans laquelle on mettait, en gros, on prenait les séquences de sons existants et... On pouvait, grâce à l'ordinateur, en pilotant avec l'ordinateur, faire ce qu'on voulait. C'est arrivé à un moment dans les années 90 où ce genre de machine-là commençait à se démocratiser un peu, mais pas au point de, pas comme aujourd'hui où n'importe qui pourrait avoir ça dans son téléphone portable. À l'époque, c'était quand même des vraies machines de studio. Et je travaillais avec des gens qui ont fait effectivement tomber des samplers dans un camion. Ça c'est vrai, et ils m'en ont donné un parce que j'avais réussi à trouver... J'ai trouvé un ordinateur, c'était un Atari 520ST d'occase, et j'ai commencé comme ça.

  • Speaker #1

    Mais il y avait une envie !

  • Speaker #0

    J'avais 14 ans, ce qui était hyper jeune pour l'époque, parce que par rapport à la musique électronique, en général, il fallait effectivement un peu le budget pour s'acheter ce genre de choses, et moi je suis arrivé pile dans un moment où c'était possible soit d'envoler, soit de s'en procurer.

  • Speaker #1

    Si vous remontez à cette époque-là, 13-14 ans, Pourquoi cette fascination pour l'ordinateur ? Qu'allait-vous permettre des choses ? Et comment c'est venu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'étais obsédé par les bruits. À la base, je n'allais même pas vers des choses qui étaient structurées avec un rythme ou quoi que ce soit. Depuis jeune, mon frère jouait de la guitare. Il n'y avait pas d'autres musiciens dans la famille. C'est arrivé d'un coup, il y a eu mon grand frère, Noël, et moi derrière. Sauf que moi, ce qui me fascinait, c'était... Il y avait un... tabouret chez moi, qui était creux. Je suis tapé dedans et je pouvais faire ça des heures, ça me faisait beaucoup plus marrer. On entendait d'un coup des courets, c'était la réverbe dans ces trucs. J'aimais bien les bruits. J'aimais bien ce qui grattait, j'aimais bien ce qui faisait trop de bruit, ce qui... Sans aller jusqu'à la caricature, je n'allais pas écouter des séances de marteau-piqueur, mais tout ce qui était un peu moins commun dans le... Dans les sons, j'aimais bien. Et du coup, l'ordinateur était tout trouvé, parce que c'était le seul à pouvoir vraiment capter ça, et où je pouvais en user, voire lui-même en produisait.

  • Speaker #1

    Et il y avait du jeu, il y avait la notion de jeu là-dedans, voire de joie.

  • Speaker #0

    Ouais totalement, moi ça a été... La découverte de la possibilité de faire de tout ça, de ce bruit des choses, ça a été une joie énorme. Et en même temps, il y avait quelque chose de très distant, que j'ai malheureusement gardé. Je pense que c'est une distance que je m'impose inconsciemment. pour pouvoir supporter le fait que je sais faire quasiment que ça, et que j'aime ça.

  • Speaker #1

    Il y a un choc quand même, c'est l'album de Daft Punk, Homework.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Pourquoi c'est un choc ?

  • Speaker #0

    C'est un choc parce que j'écoutais déjà de la musique électronique avant, mais il y a eu FX Twin, il y a eu énormément de gens qui m'ont fasciné, Howtaker, mais en fait il y a une chose que je ne connaissais pas avant eux, c'était qu'il y avait quelque chose de vivant. dans quelque chose de purement synthétique. Et ça évoluait. En général, la musique électronique était assez répétitive, etc. Là, ça évoluait, c'était construit par moments comme des chansons, alors qu'il n'y avait pas spécifiquement forcément d'air reconnaissable. Mais d'un coup, ils m'ont donné la sensation que c'était vivant. Et puis le fait qu'il mélange tout, il y a la funk qui débarque. Il y avait beaucoup de codes qui étaient générés, et moi j'adorais l'idée de faire... faire des ponts entre les genres. Très jeune, je pense que pour le coup, il revient souvent dans les conversations, mais ça vient de mon frère. À l'école, les gens écoutaient du rap dans les années 90. Et moi, en même temps, j'avais accès par lui à ce qui se passait aux instants chavirés, c'est-à-dire une scène plus underground avec soit des performeurs hard comme Jean-Louis Coste, pas le type de l'hôtel, mais à plein de choses très différentes. Et je me suis dit, mais j'aime bien ces gens-là et j'aime bien ceux aussi. Tout le monde rappe et j'aime bien. Et je ne comprenais pas pourquoi il n'y avait pas plus de rencontres. Et j'ai été obsédé par ça. Et là, ça se faisait en musique. En gros, ils ont synthétisé beaucoup de ce que j'aimais à une époque. Et donc, ça a été... Ah, mais on peut faire ça, en fait.

  • Speaker #1

    Je crois qu'il est sorti en 97, cet album. Et dix ans après, vous faites la première partie des Daft Punk avec Kavinsky. Dix ans, c'est quand même... Pas grand-chose. Donc, vu comme ça, de haut, tout ça s'est fait pour vous assez easy, quand même, non ? Vous vous mettez en colère si je dis ça ?

  • Speaker #0

    Non, non, mais après, j'ai pas de... Je m'en suis pas vraiment rendu compte, parce que j'avais pas de... Moi, j'ai un truc qui revient souvent, c'est... J'ai toujours l'impression que les... À part en amour, j'ai toujours l'impression que les choses vont pas durer. C'est-à-dire qu'Ed Banger, quand je suis rentré, je regardais quasiment avec des obsessions quasi sociologiques en me disant, un DJ, ça dure un an, deux... après les gens passent à autre chose et là je me disais ça va peut-être bon

  • Speaker #1

    Pedro il a signé un disque mais on verra quoi quand vous trouvez le numéro de téléphone de Pedro Winter qu'il accepte de vous signer en tout cas pour voir c'est de la chance c'est une bonne étoile ou c'est parce que vous avez beaucoup de talent

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'étais vraiment très étonné que Pedro ouvre la porte. Moi je savais juste que c'était le manager des Daft Punk, pour la bonne raison que je suis allé chez lui avec des morceaux qui étaient plutôt club et j'étais jamais allé en club. C'est lui qui m'a emmené en club pour la première fois.

  • Speaker #1

    C'était pas autre univers le club ?

  • Speaker #0

    Du tout, du tout. Ça m'intéressait musicalement, mais j'y allais pas trop, j'allais dans des bars, j'allais dans des choses comme ça, mais non trop de gens. Donc j'ai découvert ça en le faisant. En plus, je n'étais pas venu vraiment pour moi, j'étais venu pour présenter un truc d'un ami qu'on avait fait ensemble. Puis Piedro s'est plus axé sur ce que je faisais moi.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser au comédien qui... Il y a deux copains, un casting et c'est l'autre qu'on prend.

  • Speaker #0

    Le casting de Sophie Marceau, oui. Elle est venue en tant que copine. Et donc c'est aussi pour ça que je me suis dit que ça n'allait pas du tout. Je me suis dit que le destin a un peu bifurqué. C'est... C'est hasardeux, donc il ne faut pas compter dessus. En fait, je vais volontairement vers des choses, généralement, où je ne sais pas où ça mène. En fait, je ne m'imaginais rien. Et c'est ce que j'aime aussi.

  • Speaker #1

    Rien. Il n'avait rien calculé, composant avec les rives de la vie, et bien des choses se sont produites, comme la proposition des musiques des défilés Saint-Laurent.

  • Speaker #0

    Et d'un coup on me le propose et je me dis je sais pas à quoi ça correspond mais du coup allons-y. Et pour un peu tout ça a été comme ça. Je faisais de la musique vraiment brute, électronique, et à un moment, il y a eu Charlotte Gainsbourg qui est arrivée, ou d'autres personnes aussi, mais... Mais par contre, quand je sais pas où ça va, c'est des situations dans lesquelles je me sens assez bien.

  • Speaker #1

    Ça ne vous effraie jamais ?

  • Speaker #0

    Non, ça me rassure. Je suis beaucoup plus à l'aise dans les situations étranges que dans les situations ordinaires. J'ai beaucoup plus de mal à aller chercher une baguette que de me retrouver dans des situations vraiment bizarres au milieu d'un club avec je ne sais pas combien de personnes ultra bourrées ou des situations un peu extravagantes, mais je me sens mieux là-dedans.

  • Speaker #1

    Alors, vos collabs, c'est assez spectaculaire, la liste de vos collabs. Et encore, je ne vais pas toutes les citer. Donc, les Daft Punk, Charlotte Gainsbourg, Frank Ocean. Alors, Frank Ocean, on peut s'arrêter deux secondes. Dans la série Easy, toujours ici, vue de loin. Coup de fil par Skype de Frank Ocean, un jour.

  • Speaker #0

    Ouais, ça c'est vraiment... Je l'ai vraiment vécu comme quelque chose d'absolument incroyable. Ah quand même ! Ouais, ouais, ouais. En fait, ce qui m'a fait marrer, c'était le contexte. C'était... Je commençais à calmer le jeu sur les dates parce que je jouais beaucoup trop par rapport à ce que je pouvais encaisser. C'était vraiment une date par jour. Donc c'est un moment où j'ai complètement calmé le jeu, à tous les niveaux d'ailleurs, physique, machin. J'ai arrêté les excès et j'étais chez moi littéralement. Dans le salon, torse nu, j'attendais plus rien et le Skype sonne et j'entends cette voix avec le truc un peu californien du fond de gorge qui dit Ah, it's Frank Et sur le moment, je me dis C'est qui ? Est-ce que c'est Pedro ? Winter qui m'a envoyé un rappeur ? Il dit It's Frank Ocean Là, je me suis relevé, je vais mettre un tee-shirt et l'écran s'est allumé et je l'ai vu. Et je me disais, je suis là. J'étais très surpris qu'il appelle directement et il m'a demandé est-ce que tu peux être là demain ? Et je lui ai dit où est-ce que tu te trouves ? Et il me dit je suis à Los Angeles. Là je lui fais comprendre que j'étais au courant que c'est pas sur la Windows. Et c'était visiblement pas un problème puisque maison de disque, machin, t'inquiète pas ça sera payé. Le lendemain j'ai pris l'avion, j'ai rien pris avec moi. J'ai pris l'ordinateur et je suis parti. Pour un des trucs qui a été pour moi les plus marquants, c'est la manière à lui d'être très très très libre en musique. En fait je pense qu'il m'a refait découvrir ce que j'avais découvert avec ce que j'avais ressenti avec les Daft Punk à l'époque, c'est à dire ah mais on peut faire ça. Et ce qui était intéressant aussi c'est qu'on bossait vraiment avec lui. Enfin ça m'avait vachement étonné et en même temps Charles Gainsbourg m'appelle. Donc je me suis mis à faire deux trucs qui étaient esthétiquement et supposément un peu opposés. On avait le chanteur de R'n'B avec les variations de voix incroyables. Et de l'autre côté, Charlotte, qui est plus école française, où ce n'est pas la performance du chant qui est importante. Et en fait, je me suis retrouvé dans un des meilleurs moments, puisque le pont, il était là. Pour moi, il y en avait un qui me donnait des idées pour l'autre, l'autre pour l'un, et tout se mélangeait.

  • Speaker #1

    C'est une disposition d'esprit particulière, une colle. Ça veut dire quoi par rapport aux autres qui vous demandent ? Comment vous formulerez ça ? C'est à leur service ? C'est tenter d'extraire quelque chose qui leur manque ? Je ne sais pas.

  • Speaker #0

    L'idée, étrangement, c'est de s'effacer le plus possible pour traduire au mieux ce que la personne avec laquelle vous travaillez voulait.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'elle exprime la personne en face ?

  • Speaker #0

    Oui, ça veut dire que dans tous les cas, votre papate va ressortir ? Comme dans toutes les traductions, quand on vous demande quelque chose, vous le traduisez à votre manière. Donc il y a toujours un accent. Mais l'idée, c'est de traduire le mieux ce qui a été dit. Et puis ce qui reste comme accent, c'est vous. Mais ce n'est pas le but principal.

  • Speaker #1

    Et quand c'est Juliette Armanet qui demande, c'est la même chose ? Je ne mets pas de jugement de valeur, mais c'est plus variété, on est d'accord avec ça ?

  • Speaker #0

    C'est pour ça que ça m'intéressait aussi. Ce n'est pas un secteur dans lequel je... Elle, c'est un secteur dans lequel... Elle excelle. Il y a eu un truc peut-être plus naturel là-dedans avec elle parce que c'est arrivé pendant la pandémie et qu'on s'est aperçu qu'on n'habitait pas si loin l'un de l'autre. Donc ça a démarré un peu... Bon, le monde est à l'arrêt, amusons-nous quand même. Et effectivement, moi, ça me fascine parce que ce n'était pas forcément mon rayon. Et puis moi, j'en écoute par moments de la variété. C'est pas nécessairement péjoratif. Et c'est très dur comme exercice. Mais pour moi, le roi de ça, ça a été, pendant un moment, ça a été Prince, par exemple, qui a quatre éléments ennemis, et ça devient Kiss. Et c'est un exercice qui est très dur à faire. Pharrell Williams, c'est extrêmement dur de faire un truc qui a quatre éléments, et pourtant ça prend, et tout le monde aime d'un coup. Et ça me fascinait autant que les gens qui font des choses extrêmement complexes. Pour moi, il n'y a pas un truc au-dessus ou en-dessous, c'est... C'est des exercices très différents.

  • Speaker #1

    Philippe Catherine, avec qui vous avez travaillé, a dit à propos de vous, j'apprécie la tension sexuelle de ces compositions. D'accord ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est dû au côté un peu dur de ce que j'ai fait au tout début.

  • Speaker #1

    On entend aussi, ou on lit, sensuel. Est-ce que vous, vous prenez plus sensuel que sexuel ? Ou ça dépend des fois ?

  • Speaker #0

    Si on pouvait avoir les deux, ce serait quand même pas mal. Il y en a un qui amène à l'autre, et inversement. Comme ça, ça tourne, on boucle.

  • Speaker #1

    On parle aussi souvent de violence sous-jacente.

  • Speaker #0

    Il y en a. Ça fait partie du petit panel des émotions humaines. Il y a de la sexualité, il y a de la violence, il y a de la... Sans paraphrase d'étailier, il y a l'amour et la violence, mais il y a tout ce qu'on peut exprimer est là. Si chez moi, après, on note plus la sensualité et la violence sous-jacente, ça me va, puisque... Étrangement, dans la vie, je suis plutôt calme. Donc je ne sais pas d'où ça vient, mais c'est là.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur état, diriez-vous, pour composer ?

  • Speaker #0

    Les dix premières minutes du réveil, quand vous n'êtes pas vraiment conscient, c'est assez fluide. Où justement, il n'y a pas trop le cerveau, tout n'est pas encore structuré, tout le monde n'est pas encore levé, tout le monde n'est pas là. Ça aide le fait d'être un petit peu loin. Je sais. Je ne sais pas à quoi elles correspondent exactement, ces fameuses 10 minutes de réveil, mais elles sont tellement fluides, vous pourriez écrire très exactement ce que vous pensez. C'est moins encombré. Donc la nuit, ça marche bien, mais comme je bosse la journée aussi, je fais des jours-nuit. C'est assez carré, je travaille de midi à 19h, et je reprends à 23h, minuit, jusqu'à 6h du mat. 7h

  • Speaker #1

    Sébastien il y a une pièce secrète ici on va aller la voir alors ouais faut se lever au bout d'un moment voilà, allez spécial je vous préviens oulala C'est un petit espace avec des miroirs partout, du sol au plafond et puis un éclairage immonde. Vous pouvez me décrire ce que vous voyez ?

  • Speaker #0

    Dans les miroirs, j'ai plutôt tendance à... Moi, j'ai le côté Lewis Carroll, je regarde ce qu'il y a derrière, je ne me regarderais pas moi. Ça me rappelle... Moi, ce à quoi ça me fait penser immédiatement, j'avais une conversation quand j'étais jeune avec mon frère où j'avais dit Mais si on n'avait jamais découvert le miroir ? Il m'a répondu L'angoisse serait quand même là. L'angoisse de ne pas savoir à quoi on ressemble. Donc en fait, c'est l'envers et l'endroit du même problème. J'ai essayé d'effleurer ça avec les pochettes que j'ai faites.

  • Speaker #1

    Bien sûr, l'ego trip.

  • Speaker #0

    Il y avait l'ego, le narcissisme, parce que ce qui m'intéressait là-dedans, c'était déjà de railler un peu ça chez les artistes de manière générale. Et aussi, j'ai vu les réseaux sociaux arriver, et j'ai vu cette espèce de narcissisme banalisé, monté. Un peu comme, de la même manière, j'ai continué avec la seconde pochette, où je m'éclate moi-même la gueule, où finalement on arrive à Twitter. C'est-à-dire que là, le premier, on est à Facebook, puis là on arrive à Twitter, où ça devient un peu... Finalement, c'est l'aboutissement de ce truc-là, et je sais pas encore où ça va aller, je verrai. Mais c'est des échos à ça, c'est pas moi, réellement, je rêve pas de m'embrasser, mais c'est un écho à ce que je ressens.

  • Speaker #1

    Je remarque que vous, vous regardez pas, mais je comprends très très bien, moi, je suis comme vous. Mais est-ce que... Vous vous allez physiquement ?

  • Speaker #0

    Je ne me pose pas de problème. Je n'irai pas me peindre moi-même, mais il y a de la pudeur. Mais mis à part ça, c'est un problème derrière garde physique pour moi. C'est secondaire.

  • Speaker #1

    Je vous délivre, parce que je souffre pour vous. On va sortir de là. Est-ce que vous êtes aussi curieux de tous ces gens qui écoutent votre musique ? Est-ce que vous pensez à eux parfois ?

  • Speaker #0

    Oui, fatalement. C'est un exercice qui se joue, de faire de la musique, qui se joue souvent entre... C'est une bonne balance entre ce que vous avez envie de donner et ce que vous imaginez de comment les gens vont le recevoir.

  • Speaker #1

    Idéalement, qu'aimeriez-vous qu'on fasse sur votre musique ?

  • Speaker #0

    Vous me faites sourire parce que j'ai... En fait je m'aperçois à quel point j'ai aimé voir les gens faire n'importe quoi, mais littéralement n'importe quoi pendant des années. Moi y compris, il y a des moments où je ne sais même plus qui j'étais, mais j'aimerais qu'ils fassent littéralement n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Vous pouvez décrire le n'importe quoi que vous avez vu ou ça ne peut pas se décrire ?

  • Speaker #0

    Il fallait être là. Qu'ils se défoulent, ouais. Il n'y a rien de plus important que la musique apaise quand même. Alors même si elle est brutale, même quelque chose de violent, tant que ça reste de la musique, etc., peut vous apaiser.

  • Speaker #1

    Dernière séquence dans le podcast Smoking, et là, on va relancer votre musique, je vous préviens. Ça s'appelle Rafale, questions et réponses rapides comme elles viennent. Votre moyen de transport préféré ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Taxi ou Uber, pareil ?

  • Speaker #0

    Le taxi.

  • Speaker #1

    Que faites-vous absolument tous les jours ?

  • Speaker #0

    Musique.

  • Speaker #1

    Un autre métier pour une autre vie ?

  • Speaker #0

    Un salon de coiffure. Si, si, ça jacte et tout, j'aime bien, ça me fait marrer.

  • Speaker #1

    Mais comme coiffeur, alors ?

  • Speaker #0

    Non, je voudrais avoir le salon. Je sais pas. Je sais tellement pas faire autre chose. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? En tout cas, j'aurais pas pu être comptable. Ça, c'est clair. Mais...

  • Speaker #1

    Vous prenez l'avion dans une heure ou partez-vous ?

  • Speaker #0

    À Belgrade.

  • Speaker #1

    Là où vous avez passé votre enfance ou votre adolescence ? J'en ai pas parlé, je sais pas pourquoi. Est-ce que j'ai bien fait ou est-ce que c'est important ?

  • Speaker #0

    Non, c'est une bonne partie de ma vie, quand même. toute ma famille là-bas. Et c'est un bon décalage culturel et ça fait partie de moi. Après, c'est pas une chose qui est obsessionnelle chez moi de dire, je viens d'ici ou j'ai pas un truc de... J'aime vraiment aller là-bas aussi parce qu'il y a un petit côté quand vous allez là-bas, c'est comme si vous retourniez dans les années 90. Vous avez le droit de cloper absolument partout. Vous pouvez faire de la moto sans casque. Il y a un truc qui est un peu moins hygiéniste. En tout cas, c'est Ça ne les a pas encore atteints, ce qui est assez drôle. Il y a d'autres choses qui le sont moins, mais ça me rappelle mon enfance, donc Belgrade, oui.

  • Speaker #1

    Vous êtes une femme pendant, peu importe, 24 heures, même une semaine, que faites-vous ?

  • Speaker #0

    J'irais me balader pour ressentir ce regard si lourd qu'on peut avoir quand on est une femme.

  • Speaker #1

    Comment finir en beauté ?

  • Speaker #0

    L'émission ou la vie ?

  • Speaker #1

    À vous de voir.

  • Speaker #0

    Je crois que je viens d'y répondre dans le silence. Ça fait un peu malin comme réponse.

  • Speaker #1

    Non, ça va.

  • Speaker #0

    Le silence, c'est pas mal aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et là, il y a votre musique, je vous préviens. À bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Sous-titrage ST'501

Share

Embed

You may also like