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La division du travail dans l'art contemporain

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21min |05/12/2024
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La division du travail dans l'art contemporain

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Description

Le monde de l'art contemporain expose les œuvres de grands noms d'artistes dans des lieux d'exposition dans lesquels on observe une division du travail de l'art. Brianne Dubois s’est attachée aux formes de délégation de tâches de fabrication et d'organisation à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui participent à la production des œuvres et des expositions. Brianne met ainsi en lumière le travail invisible de ces intermédiaires culturels et techniciens dont les noms apparaissent rarement dans les expositions.
Elle montre le rôle des musées qui participent à la promotion de cette division du travail. Les artistes, invités à créer et remplir de grands espaces sur une période donnée, ne peuvent assurer seuls la production des œuvres. La mise en valeur et des œuvres et des artistes repose ainsi sur un travail collectif très largement invisibilisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue à tous et à toutes. Vous écoutez le podcast Objet trouvé du Centre de Sociologie des Organisations, le CSO. Nos chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales partagent avec vous leurs travaux et réflexions sur leurs objets de recherche. Aujourd'hui nous recevons Brianne Dubois. Installez-vous confortablement, nous sommes ensemble pour une vingtaine de minutes. Bonjour Brianne.

  • Speaker #1

    Bonjour Samia.

  • Speaker #0

    Vous êtes une jeune chercheuse, puisque vous venez de soutenir une thèse de sociologie qui s'intitule Dans l'ombre de l'art contemporain, celles et ceux qui produisent les œuvres Alors en co-direction avec Pierre-François du CSO et Olivier Roueuf du CSU Crespa. Comment êtes-vous arrivée sur ces questions d'art et de visibilité ? d'autant que vous l'abordez sous l'angle de la sociologie économique.

  • Speaker #1

    Sociologie économique et sociologie du travail. Et du travail, absolument. En fait, mes premières tentatives de recherche, on peut dire, quand j'étais étudiante, ça a été de vouloir travailler sur la musique. J'avais fait beaucoup de violons au conservatoire et j'avais envie de faire de la sociologie sur comment est-ce qu'on apprend la musique. et comment les façons d'apprendre la musique varient probablement selon les cultures, les écoles de musique, les conservatoires, les lieux où on fait ça et comment ces façons de transmettre la musique doivent varier socialement probablement. Et je me suis assez vite rendue compte que c'était difficile pour moi parce que comme musicienne, j'avais très vite des jugements de valeur du type on fait comme ça parce que c'est mieux, c'est plus efficace pour faire de la bonne musique Et donc je me suis dit quand j'ai cherché un sujet de musique, thèse que j'avais envie de rester dans un domaine artistique, de continuer à avoir un abord par le travail. Et j'ai cherché un domaine qui puisse m'intéresser, mais dans lequel je n'étais pas formée. Pas aussi proche de votre objet. Et qui me permettait d'avoir cette distance et limite ce type de jugement de valeur. Et je me suis dit que l'art contemporain était une bonne idée. Parce qu'il y a assez peu de travaux en France sur l'art contemporain et notamment dans cette approche du travail, de comment on construit les œuvres. Il y a plus des choses sur les galeries ou sur les artistes. Et donc, ça me semble être un bon équilibre pour moi.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, est-ce que vous pouvez nous présenter les conclusions de votre thèse ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, peut-être l'idée principale de cette thèse, c'est de dire que le monde de l'art contemporain, il consiste à exposer les œuvres d'artistes dans des lieux d'exposition, dans des musées, avec le soutien de galeries. participent à produire des grands noms, ces grands noms d'artistes qu'on connaît, mais qu'en fait, pour produire ces grands noms que l'on connaît, il faut le travail de beaucoup de personnes, de beaucoup de petites mains, on pourrait dire, de personnels de l'ombre qui sont des techniciens qui vont parfois fabriquer les œuvres pour des artistes, de salariés, de musées, de galeries qui vont aussi faire tout un travail de coordination, de recrutement, de communication autour de ces œuvres-là. Et que finalement, on observe une... Dans les lieux les plus prestigieux en France, et puis en fait dans beaucoup d'endroits du monde aussi, puisque c'est un monde très globalisé, on observe une division du travail de l'art avec une forme de délégation, notamment des tâches de fabrication et d'organisation, à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui vont les accompagner dans la production des œuvres et des expositions.

  • Speaker #0

    Il y a toute une chaîne d'acteurs, d'actrices qui accompagnent ces artistes. qui, eux, sont dans la lumière.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est exactement ça. Donc le propos, c'est de présenter comment s'organise cette division du travail, et puis comment il y a aussi un travail pour cacher le travail de ces techniciens, le travail de ces, on appelle ça des intermédiaires culturels, ces personnes qui travaillent dans ces musées, pour maintenir cette croyance qui est essentielle au fonctionnement des mondes de l'art, selon laquelle l'œuvre est bien celle d'un unique artiste, d'un génie créateur. Et donc c'est tout ce paradoxe de tenir ensemble à la fois un collectif, un petit peu comme dans le cinéma, on va avoir des grandes équipes avec beaucoup de personnes qui participent, et en même temps une façon d'essayer de le cacher, tout un travail pour maintenir cette visibilité, ce projecteur sur les artistes.

  • Speaker #0

    Et de quelle manière justement on cache ce travail ?

  • Speaker #1

    Dans ma thèse, j'explore un peu ces différentes pistes-là. Peut-être le plus visuel, c'est déjà de se dire que quand on rentre dans un musée, souvent on a des murs blancs. Et ça, on ne le voit peut-être pas forcément, mais ce qui est intéressant de mon terrain, c'était d'assister à ce qu'on appelle les montages et démontages d'exposition. Donc, c'est deux semaines qui sont avant l'ouverture d'une exposition. Et on passe déjà beaucoup de temps à peindre les murs en blanc, à effacer tout le travail de préparation pour donner l'impression que les œuvres, elles ont toujours été là, sur cet espace immaculé. Donc ça c'est un exemple. Il y a aussi beaucoup de travail dans la rédaction des catalogues d'exposition, où on va mentionner l'importance de ce qu'a fait l'artiste. très rarement mentionner le travail et l'activité des autres personnes des équipes ou mentionner leur nom. Si ça peut arriver parfois, c'est beaucoup plus rare.

  • Speaker #0

    Quels sont justement les profils de ces personnes de l'ombre ? Qui sont-elles ?

  • Speaker #1

    Alors, on a en gros deux groupes. On a un premier groupe, que sont ce que j'appelais les techniciens des expositions, qui serait un peu le pendant de ce qu'on trouve dans le spectacle, des techniciens du spectacle. mais versions art contemporain, qui sont plutôt des hommes, 30-40 ans, issus de milieux sociaux assez intermédiaires, parfois un peu plus populaires, qui ont pour la moitié d'entre eux une formation en art, parfois sont artistes eux-mêmes, et qui vont aller travailler pour différents musées, pour différents artistes, comme auto-entrepreneurs, parfois sur des CDD, parfois comme intermittents du spectacle, et qui vont comme ça avoir une carrière qui se construit. construits dans la succession de projets et qui vont effectuer des tâches qui vont d'un travail de fabrication, vraiment au contact des œuvres, à un travail d'installation, d'accrochage sur les lieux d'exposition. Ça c'est le premier ensemble. Le deuxième groupe, c'est ce que j'ai appelé les intermédiaires de l'art contemporain, qui sont plutôt des femmes, un petit peu plus jeunes, on est plutôt sur une trentaine d'années, très diplômées.

  • Speaker #0

    Un profil très différent.

  • Speaker #1

    complètement différents. Certaines qui sortent de Sciences Po, d'autres qui ont des formations, des diplômes spécifiques en médiation culturelle, plus universitaire, de milieux sociaux assez aisés. Beaucoup de filles de cadre, de chefs d'entreprise aussi, et qui, elles, sont salariées. Donc on est sur des CDD, mais souvent assez courts. Et là, ce qui m'intéressait aussi, une partie de mon travail, ça a été d'utiliser les profils que ces personnes-là renseignent sur LinkedIn pour essayer un petit peu de regarder le détail de leur carrière et de leur formation. Et finalement d'identifier un petit peu deux ensembles, une espèce de frange que j'ai appelée aspirationnelle, de jeunes femmes qui sont beaucoup en stage, sur des petits contrats et qui essaient de rentrer dans ce métier-là, mais très difficile parce que beaucoup beaucoup de concurrence, des gens très très diplômés. Et puis celles qui ont réussi à intégrer ce métier-là, mais qui en fait finalement, malgré le fait qu'elles restent depuis plusieurs années, ont accès à des postes un peu plus stables, avec des salaires un peu meilleurs, continuent d'avoir des carrières un petit peu de vagabondage. et de changer d'emploi tous les deux, trois ans, et de se déplacer de l'organisation en organisation, de musée en grande galerie, en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Oui, parce que votre terrain, c'était principalement en Ile-de-France ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, j'ai fait le choix de me concentrer sur l'Ile-de-France. Bon, après beaucoup d'hésitations, de tentatives d'adaptation, apparaissait un peu comme une zone de recouvrement entre deux champs. Puisque ce qui était difficile dans cet objet-là, c'était de se dire, finalement, l'art contemporain avec ses grands noms, ses grandes grailles de la vie, tout ça, c'est plutôt quelque chose qui se passe à l'échelle internationale. Vous avez des grandes foires, la foire de Miami, Art Basel, toutes ces choses-là, des grandes capitales et beaucoup de circulation des artistes entre ces lieux. Et puis d'un autre côté, vous avez le champ français avec l'art, beaucoup de... Il y a des travaux qui décrivent la population de tous les artistes en France. Et donc là, vous avez une population assez différente avec la plupart des artistes qui ne vivent pas de leur art ou qui ont des salaires très bas, qui sont en fait assez à la marge de cet univers-là. Et finalement, j'ai choisi de me concentrer uniquement sur l'île de France parce que ça me semblait être vraiment à l'intersection de ces deux espaces. C'était un moyen d'attraper depuis la France ce qui se passe dans ce champ très prestigieux de l'art contemporain international, mais de garder cet ancrage puisque moi, je voulais vraiment voir la division du travail. Il fallait que je puisse voir des gens en train de travailler. Et donc cet espace-là me permettait à la fois d'avoir accès à ce qu'il y a de plus prestigieux, et donc à ce type d'organisation du travail qui est réservé aux lieux les plus prestigieux de l'art contemporain, tout en ayant accès à des lieux concrets et visibles, et de regarder un petit peu la façon dont les choses peuvent aussi différer d'un lieu à l'autre à l'échelle de l'Île-de-France.

  • Speaker #0

    Comment décririez-vous les relations entre ces artistes connus ? toutes ces personnes qui gravitent autour d'elle et qui restent dans l'ombre ?

  • Speaker #1

    Alors encore une fois, ça va souvent beaucoup varier. Il y a un petit peu peut-être deux types de relations un peu archétypales qui seraient d'un côté la collaboration un petit peu longue durée. Par exemple, j'ouvre ma thèse sur un procès qui a eu lieu en 2022 entre un sculpteur qui s'appelle Daniel Deruet. et qui avait, lui, beaucoup travaillé, qui avait une formation au Beaux-Arts un petit peu traditionnelle, très très fort en sculpture, très figurative, qui avait travaillé pendant une dizaine d'années au musée Grévin, voyez, par ce type de sculpture, et qui a ensuite travaillé pendant cinq ans comme sous-traitant de Mauricio Catellan, qui est un artiste contemporain qui est aujourd'hui très reconnu, qui doit être parmi les mille artistes les plus prestigieux et dont la cote est la plus élevée sur le marché au niveau international. Et donc là, on a une relation assez... Enfin, une collaboration assez longue et assez proche, puisque le sculpteur travaille pour l'autre artiste et fabrique vraiment ses œuvres de façon répétée. Donc à la fois, on a une forme de dépendance qui va se créer entre ces deux personnes-là. Parfois, ça se passe très bien, et puis parfois, c'est un petit peu plus conflictuel, puisque là, ça a fini en procès. Monsieur Druet considérant qu'il avait été insuffisamment reconnu. pour le travail qu'il avait effectué, et considérant qu'il avait été trop effacé par l'artiste Cattelan, par son galeriste et par les musées. Vous avez un autre type de relation très différent, qui est celui plutôt du technicien qui va travailler sur un montage ou un démontage d'exposition, qui lui va être là, payé sur facture, pour une intervention de deux semaines, pendant laquelle il va installer des œuvres, parfois contribuer un petit peu à monter, ou des fois vous avez certaines œuvres qui arrivent un peu en kit, alors c'est comme des gros puzzles, il faut les remettre en place. Là, on reste sur des interventions beaucoup plus ponctuelles, où finalement, un technicien ne peut juste jamais entrer en contact avec l'artiste. Et l'artiste, lui, va juste discuter avec les personnes du musée, avec le commissaire d'exposition, quelques chargés de production, avec qui ils organisent l'exposition. Mais il n'est pas forcément du tout en contact avec l'ensemble de l'équipe des techniciens. Et donc là, on est sur des relations très professionnelles et beaucoup plus distendues, beaucoup plus impersonnelles.

  • Speaker #0

    D'accord. Et quel est le rôle, justement, des musées, des galeries, dans cette relation bipartite ? entre ces artistes et ces deux formes d'art ?

  • Speaker #1

    Un des parties prises de ma thèse, c'était de se concentrer beaucoup plus sur les musées, sur les lieux d'exposition. Je dis lieux d'exposition parce que ça inclut aussi des centres d'art, des formes un petit peu différentes. Partant du fait qu'il y a déjà aussi beaucoup de travaux sur les galeries et qu'elles ont peut-être parfois un rôle un petit peu moins direct dans la production des œuvres. Et ce que j'ai observé, c'est que sur les plus grands lieux d'exposition à Paris, il y a vraiment un rôle très très fort des musées, qui participent, je pense, à promouvoir cette organisation du travail et cette délégation de la fabrication des tâches. Puisqu'en fait, ces musées fonctionnent d'abord sur invitation. Donc la direction du musée va choisir d'essayer d'inviter des artistes à exposer dans le musée, et puis va donner un budget, un espace, une date, et finalement demander à un artiste de remplir un espace de parfois plusieurs centaines de mètres carrés pour dans un an. Donc en fait, ça impose une forme de contrainte matérielle qui même les directions de musées ne veulent pas et tiennent énormément à la liberté de création des artistes, donc n'influent pas sur le contenu. Mais de fait, il faut quand même remplir des espaces et ces musées-là attendent aussi parfois, en tout cas dans le cas de la fondation que j'ai étudiée, il y avait un petit peu cette attente-là de faire des choses un peu impressionnantes, quelque chose d'un peu majestueux, au moins une pièce qui va occuper l'espace. et qui va aussi aider à attirer quelque part un public. Et donc, ces attentes du musée, de fait, participent à encourager une forme de division du travail, parce que vous vous doutez bien qu'un artiste tout seul, dans son atelier, ne peut pas fabriquer une œuvre de 10 mètres de haut en trois mois. Donc, de fait, ça nécessite du personnel, et ces musées, par ailleurs, ont les équipements pour ça. ont des salariés qui vont mettre en contact les artistes avec des artisans éventuellement, avec des techniciens des expositions, qui vont pouvoir faire ce travail de fabrication. Et puis les personnels du musée vont aussi gérer toute la coordination, toute la mise en lien, mais c'est aussi beaucoup de travail, et effectuer ce travail-là.

  • Speaker #0

    D'accord. Parlons un peu de méthodologie. Quelles sont celles que vous avez employées pour votre thèse ? Comme on a dit qu'il s'est déroulé en Ile-de-France, quelles ont été vos méthodes ?

  • Speaker #1

    Mes méthodes, elles sont à la fois qualitatives et quantitatives. Et elles répondaient à un peu deux objectifs que je m'étais fixée. Le premier était un objectif de mobilité. J'avais commencé en mémoire de master à travailler sur ce sujet-là par un stage, donc une observation participante dans une entreprise de production d'œuvres d'art. Et ce qui était un petit peu difficile pour moi, c'est que je voulais pouvoir me déplacer. pour pouvoir aller observer le travail des différents métiers, reconstituer un petit peu toute cette chaîne, tout cet organigramme. Et donc, l'observation participante, c'était un petit peu coïncant. Donc, j'avais envie d'avoir ce côté observation du travail, mais de pouvoir me déplacer. Donc, une partie de l'enquête, ça a consisté à faire des observations. J'ai fait une observation de longue durée dans une fondation d'art contemporain, mais aussi des petites observations de montage, de démontage en différents lieux, des entretiens avec des personnes qui font différents métiers. et de me déplacer en ne restant jamais plus de quelques jours par semaine, mais de façon répétée dans ces différents endroits. Et puis, il y a eu aussi un volet quantitatif qui répondait là plutôt à un objectif de dénombrement. Puisqu'une de mes grandes questions était, mais bien sont ces personnes ? Cet objet que j'ai dit, finalement, parce que c'est anecdotique, on va me dire, finalement, l'art contemporain à Paris, il n'y a peut-être pas grand monde. Et en fait, ce sont des populations qui sont très difficiles. Habituellement, on fait appel à la statistique publique, à des grandes enquêtes produites par l'INSEE, qui classiquement aident à comptabiliser les professionnels. Sauf que ceux que j'étudie, moi, sont peu nombreux, sont mal inscrits, c'est des professions pas très claires, pas très bien institutionnalisées. Donc, j'ai dû produire mes propres données. Donc, un gros travail de la thèse, ça a aussi consisté à construire. trois bases de données. Une première sur les artistes exposés dans quatre musées en Ile-de-France. Une deuxième, j'en parlais rapidement tout à l'heure, en utilisant les données de LinkedIn, donc d'aspirer des données sur LinkedIn et de les traiter pour essayer de comptabiliser et regarder, comprendre les diplômes et les carrières des intermédiaires de l'art contemporain, donc toutes les personnes qui travaillent, salariées de musées, de galeries, d'entreprises de production en Ile-de-France. Et enfin, une troisième base de données construite, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec une association de techniciennes des expositions, avec qui on a co-construit un questionnaire qu'on a ensuite diffusé à un certain nombre de leurs collègues, et qui a permis enfin d'avoir une idée du profil, cette fois-ci, des techniciens des expositions en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Et donc, en tout, vous avez estimé à quel public, quel nom ?

  • Speaker #1

    Alors sur les intermédiaires, sur les salariés, on a plutôt quelque chose comme 850 personnes qui travaillent en Ile-de-France, dans ces organisations-là. Et ce qui est assez passionnant, c'est qu'on peut aussi voir comment elles circulent d'une organisation à l'autre, comment il y a des passages de personnes qui travaillaient en galerie d'art qui vont travailler ensuite dans des musées ou inversement. Alors qu'on a souvent l'idée en sociologie de l'art que ce sont des mondes, on aurait le pôle de l'institution, le pôle du marché, qui sont des mondes un peu cloisonnés. Et là, on peut étudier vraiment ces circulations-là. et voir comment les diplômes, les carrières se mêlent. Avec une population là vraiment, en plus ça permet aussi d'objectiver un petit peu sa 80% féminine. Même chose sur les niveaux de diplôme, de master 2, de comptabiliser un peu ces choses-là. Sur les techniciens des expositions, pour le coup c'était un petit peu différent, parce que passant par cette association, j'avais un biais d'entrée, et en plus cette enquête arrivait un peu plus tard dans ma thèse, donc là j'avais plutôt une petite centaine de personnes. Je considère que, étant donné celle que je manque, on est plutôt sur 300 personnes, quelque chose comme ça. Mais on voit aussi que la moitié de cette population ne se considère pas comme technicien des expositions. Ils se considèrent plutôt comme des gens, comme des artistes. Et qui, en fait, financent leur activité d'artiste en travaillant dans les montages et démontages, et en travaillant pour d'autres artistes. Et donc, ça permet aussi d'interroger qu'est-ce que c'est la frontière d'un groupe professionnel. Et de se dire, est-ce que c'est qu'une question de ce qu'on fait ? Ou est-ce que c'est une question de... comment on se perçoit dans un groupe.

  • Speaker #0

    Pour poursuivre sur les questions de terrain, avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, je passerai sur la difficulté Covid qui a qui a connu ce conduit à la fermeture des musées au milieu de ma thèse et qui a aussi participé à amplifier le volet quantitatif. Plus spécifique à mon cas d'étude, Saint-Mélio, il n'était pas si facile que ça de se faire un place. Pas si facile que ça de prendre des notes aussi. Ça c'est peut-être quelque chose qui est un peu particulier qui est que par exemple quand j'assistais à des montages d'exposition ou à des démontages d'exposition les gens n'aimaient pas forcément que je regarde que je prenne des notes, ne comprenaient pas forcément pourquoi je faisais ça. Et finalement je me suis vite mise à prendre un appareil photo et là ça se passait beaucoup mieux et quelque part le fait de prendre en photo des lieux de l'espace d'exposition apparaissait comme assez normal et me donnait une place dans ces lieux-là. Et c'est vrai qu'un enjeu, je pense, qui est partagé par tous les terrains, c'est toujours de savoir quelle place les gens peuvent nous donner. Et donc ça, c'est un des exemples.

  • Speaker #0

    D'accord. Et bien alors, dernière question, justement, on parle de place. Quelle est, selon vous, la place que peut tenir un chercheur dans notre société ou une chercheuse dans notre société ? Quel sens on peut donner, en fait, à des recherches en sociologie ? Vaste question.

  • Speaker #1

    Vaste question. Si je repars de cette recherche en particulier, je pense que ça dépend beaucoup du type de recherche qu'on fait, mais ce qui a été important pour moi, c'est la question du regard, et de qui est visible, de qui ne l'est pas, était absolument omniprésente. Et je pense qu'on vit dans une société où notre vision de ce qui se passe, elle est aussi le résultat de qui produit des discours sur quoi. Et il y a des métiers qui produisent des discours, il y a les politiques, les journalistes, dans le milieu de l'art, les commissaires d'exposition. Les chargés de communication sont les gens qui fabriquent des discours et qui donnent à voir un point de vue. sur une situation. Et je pense que ce qui est assez fascinant dans notre métier, c'est qu'on peut aller voir, et dans mon cas tous les gens de la chaîne, et demander à chacun son point de vue sur la même situation. Et que quelque part on produit une nouvelle histoire qui raconte la même chose, mais éclairée par différents points de vue, et qui éclaire aussi des gens qui ne sont pas toujours visibles, voire invisibilisés.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le cas là de votre sujet de thèse.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et pour moi ça a beaucoup de sens de donner à voir. Ce travail-là, ces personnes-là, et plus largement, je pense que ça participe à... qu'en tant que sociologue, un de mes objectifs, c'est de participer à produire une forme d'ouverture d'esprit, à nous donner à voir le monde autrement et à faire réfléchir. Et je pense que raconter l'histoire de ce travail et de ces personnes-là, ça participe à ça. Enfin, je l'espère.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci, Brianne. Merci,

  • Speaker #1

    Samia.

  • Speaker #0

    C'était le podcast Objet trouvé du CSO. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous sur votre plateforme d'écoute préférée et faites le savoir autour de vous.

  • Speaker #1

    Science, Science Po.

Description

Le monde de l'art contemporain expose les œuvres de grands noms d'artistes dans des lieux d'exposition dans lesquels on observe une division du travail de l'art. Brianne Dubois s’est attachée aux formes de délégation de tâches de fabrication et d'organisation à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui participent à la production des œuvres et des expositions. Brianne met ainsi en lumière le travail invisible de ces intermédiaires culturels et techniciens dont les noms apparaissent rarement dans les expositions.
Elle montre le rôle des musées qui participent à la promotion de cette division du travail. Les artistes, invités à créer et remplir de grands espaces sur une période donnée, ne peuvent assurer seuls la production des œuvres. La mise en valeur et des œuvres et des artistes repose ainsi sur un travail collectif très largement invisibilisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue à tous et à toutes. Vous écoutez le podcast Objet trouvé du Centre de Sociologie des Organisations, le CSO. Nos chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales partagent avec vous leurs travaux et réflexions sur leurs objets de recherche. Aujourd'hui nous recevons Brianne Dubois. Installez-vous confortablement, nous sommes ensemble pour une vingtaine de minutes. Bonjour Brianne.

  • Speaker #1

    Bonjour Samia.

  • Speaker #0

    Vous êtes une jeune chercheuse, puisque vous venez de soutenir une thèse de sociologie qui s'intitule Dans l'ombre de l'art contemporain, celles et ceux qui produisent les œuvres Alors en co-direction avec Pierre-François du CSO et Olivier Roueuf du CSU Crespa. Comment êtes-vous arrivée sur ces questions d'art et de visibilité ? d'autant que vous l'abordez sous l'angle de la sociologie économique.

  • Speaker #1

    Sociologie économique et sociologie du travail. Et du travail, absolument. En fait, mes premières tentatives de recherche, on peut dire, quand j'étais étudiante, ça a été de vouloir travailler sur la musique. J'avais fait beaucoup de violons au conservatoire et j'avais envie de faire de la sociologie sur comment est-ce qu'on apprend la musique. et comment les façons d'apprendre la musique varient probablement selon les cultures, les écoles de musique, les conservatoires, les lieux où on fait ça et comment ces façons de transmettre la musique doivent varier socialement probablement. Et je me suis assez vite rendue compte que c'était difficile pour moi parce que comme musicienne, j'avais très vite des jugements de valeur du type on fait comme ça parce que c'est mieux, c'est plus efficace pour faire de la bonne musique Et donc je me suis dit quand j'ai cherché un sujet de musique, thèse que j'avais envie de rester dans un domaine artistique, de continuer à avoir un abord par le travail. Et j'ai cherché un domaine qui puisse m'intéresser, mais dans lequel je n'étais pas formée. Pas aussi proche de votre objet. Et qui me permettait d'avoir cette distance et limite ce type de jugement de valeur. Et je me suis dit que l'art contemporain était une bonne idée. Parce qu'il y a assez peu de travaux en France sur l'art contemporain et notamment dans cette approche du travail, de comment on construit les œuvres. Il y a plus des choses sur les galeries ou sur les artistes. Et donc, ça me semble être un bon équilibre pour moi.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, est-ce que vous pouvez nous présenter les conclusions de votre thèse ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, peut-être l'idée principale de cette thèse, c'est de dire que le monde de l'art contemporain, il consiste à exposer les œuvres d'artistes dans des lieux d'exposition, dans des musées, avec le soutien de galeries. participent à produire des grands noms, ces grands noms d'artistes qu'on connaît, mais qu'en fait, pour produire ces grands noms que l'on connaît, il faut le travail de beaucoup de personnes, de beaucoup de petites mains, on pourrait dire, de personnels de l'ombre qui sont des techniciens qui vont parfois fabriquer les œuvres pour des artistes, de salariés, de musées, de galeries qui vont aussi faire tout un travail de coordination, de recrutement, de communication autour de ces œuvres-là. Et que finalement, on observe une... Dans les lieux les plus prestigieux en France, et puis en fait dans beaucoup d'endroits du monde aussi, puisque c'est un monde très globalisé, on observe une division du travail de l'art avec une forme de délégation, notamment des tâches de fabrication et d'organisation, à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui vont les accompagner dans la production des œuvres et des expositions.

  • Speaker #0

    Il y a toute une chaîne d'acteurs, d'actrices qui accompagnent ces artistes. qui, eux, sont dans la lumière.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est exactement ça. Donc le propos, c'est de présenter comment s'organise cette division du travail, et puis comment il y a aussi un travail pour cacher le travail de ces techniciens, le travail de ces, on appelle ça des intermédiaires culturels, ces personnes qui travaillent dans ces musées, pour maintenir cette croyance qui est essentielle au fonctionnement des mondes de l'art, selon laquelle l'œuvre est bien celle d'un unique artiste, d'un génie créateur. Et donc c'est tout ce paradoxe de tenir ensemble à la fois un collectif, un petit peu comme dans le cinéma, on va avoir des grandes équipes avec beaucoup de personnes qui participent, et en même temps une façon d'essayer de le cacher, tout un travail pour maintenir cette visibilité, ce projecteur sur les artistes.

  • Speaker #0

    Et de quelle manière justement on cache ce travail ?

  • Speaker #1

    Dans ma thèse, j'explore un peu ces différentes pistes-là. Peut-être le plus visuel, c'est déjà de se dire que quand on rentre dans un musée, souvent on a des murs blancs. Et ça, on ne le voit peut-être pas forcément, mais ce qui est intéressant de mon terrain, c'était d'assister à ce qu'on appelle les montages et démontages d'exposition. Donc, c'est deux semaines qui sont avant l'ouverture d'une exposition. Et on passe déjà beaucoup de temps à peindre les murs en blanc, à effacer tout le travail de préparation pour donner l'impression que les œuvres, elles ont toujours été là, sur cet espace immaculé. Donc ça c'est un exemple. Il y a aussi beaucoup de travail dans la rédaction des catalogues d'exposition, où on va mentionner l'importance de ce qu'a fait l'artiste. très rarement mentionner le travail et l'activité des autres personnes des équipes ou mentionner leur nom. Si ça peut arriver parfois, c'est beaucoup plus rare.

  • Speaker #0

    Quels sont justement les profils de ces personnes de l'ombre ? Qui sont-elles ?

  • Speaker #1

    Alors, on a en gros deux groupes. On a un premier groupe, que sont ce que j'appelais les techniciens des expositions, qui serait un peu le pendant de ce qu'on trouve dans le spectacle, des techniciens du spectacle. mais versions art contemporain, qui sont plutôt des hommes, 30-40 ans, issus de milieux sociaux assez intermédiaires, parfois un peu plus populaires, qui ont pour la moitié d'entre eux une formation en art, parfois sont artistes eux-mêmes, et qui vont aller travailler pour différents musées, pour différents artistes, comme auto-entrepreneurs, parfois sur des CDD, parfois comme intermittents du spectacle, et qui vont comme ça avoir une carrière qui se construit. construits dans la succession de projets et qui vont effectuer des tâches qui vont d'un travail de fabrication, vraiment au contact des œuvres, à un travail d'installation, d'accrochage sur les lieux d'exposition. Ça c'est le premier ensemble. Le deuxième groupe, c'est ce que j'ai appelé les intermédiaires de l'art contemporain, qui sont plutôt des femmes, un petit peu plus jeunes, on est plutôt sur une trentaine d'années, très diplômées.

  • Speaker #0

    Un profil très différent.

  • Speaker #1

    complètement différents. Certaines qui sortent de Sciences Po, d'autres qui ont des formations, des diplômes spécifiques en médiation culturelle, plus universitaire, de milieux sociaux assez aisés. Beaucoup de filles de cadre, de chefs d'entreprise aussi, et qui, elles, sont salariées. Donc on est sur des CDD, mais souvent assez courts. Et là, ce qui m'intéressait aussi, une partie de mon travail, ça a été d'utiliser les profils que ces personnes-là renseignent sur LinkedIn pour essayer un petit peu de regarder le détail de leur carrière et de leur formation. Et finalement d'identifier un petit peu deux ensembles, une espèce de frange que j'ai appelée aspirationnelle, de jeunes femmes qui sont beaucoup en stage, sur des petits contrats et qui essaient de rentrer dans ce métier-là, mais très difficile parce que beaucoup beaucoup de concurrence, des gens très très diplômés. Et puis celles qui ont réussi à intégrer ce métier-là, mais qui en fait finalement, malgré le fait qu'elles restent depuis plusieurs années, ont accès à des postes un peu plus stables, avec des salaires un peu meilleurs, continuent d'avoir des carrières un petit peu de vagabondage. et de changer d'emploi tous les deux, trois ans, et de se déplacer de l'organisation en organisation, de musée en grande galerie, en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Oui, parce que votre terrain, c'était principalement en Ile-de-France ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, j'ai fait le choix de me concentrer sur l'Ile-de-France. Bon, après beaucoup d'hésitations, de tentatives d'adaptation, apparaissait un peu comme une zone de recouvrement entre deux champs. Puisque ce qui était difficile dans cet objet-là, c'était de se dire, finalement, l'art contemporain avec ses grands noms, ses grandes grailles de la vie, tout ça, c'est plutôt quelque chose qui se passe à l'échelle internationale. Vous avez des grandes foires, la foire de Miami, Art Basel, toutes ces choses-là, des grandes capitales et beaucoup de circulation des artistes entre ces lieux. Et puis d'un autre côté, vous avez le champ français avec l'art, beaucoup de... Il y a des travaux qui décrivent la population de tous les artistes en France. Et donc là, vous avez une population assez différente avec la plupart des artistes qui ne vivent pas de leur art ou qui ont des salaires très bas, qui sont en fait assez à la marge de cet univers-là. Et finalement, j'ai choisi de me concentrer uniquement sur l'île de France parce que ça me semblait être vraiment à l'intersection de ces deux espaces. C'était un moyen d'attraper depuis la France ce qui se passe dans ce champ très prestigieux de l'art contemporain international, mais de garder cet ancrage puisque moi, je voulais vraiment voir la division du travail. Il fallait que je puisse voir des gens en train de travailler. Et donc cet espace-là me permettait à la fois d'avoir accès à ce qu'il y a de plus prestigieux, et donc à ce type d'organisation du travail qui est réservé aux lieux les plus prestigieux de l'art contemporain, tout en ayant accès à des lieux concrets et visibles, et de regarder un petit peu la façon dont les choses peuvent aussi différer d'un lieu à l'autre à l'échelle de l'Île-de-France.

  • Speaker #0

    Comment décririez-vous les relations entre ces artistes connus ? toutes ces personnes qui gravitent autour d'elle et qui restent dans l'ombre ?

  • Speaker #1

    Alors encore une fois, ça va souvent beaucoup varier. Il y a un petit peu peut-être deux types de relations un peu archétypales qui seraient d'un côté la collaboration un petit peu longue durée. Par exemple, j'ouvre ma thèse sur un procès qui a eu lieu en 2022 entre un sculpteur qui s'appelle Daniel Deruet. et qui avait, lui, beaucoup travaillé, qui avait une formation au Beaux-Arts un petit peu traditionnelle, très très fort en sculpture, très figurative, qui avait travaillé pendant une dizaine d'années au musée Grévin, voyez, par ce type de sculpture, et qui a ensuite travaillé pendant cinq ans comme sous-traitant de Mauricio Catellan, qui est un artiste contemporain qui est aujourd'hui très reconnu, qui doit être parmi les mille artistes les plus prestigieux et dont la cote est la plus élevée sur le marché au niveau international. Et donc là, on a une relation assez... Enfin, une collaboration assez longue et assez proche, puisque le sculpteur travaille pour l'autre artiste et fabrique vraiment ses œuvres de façon répétée. Donc à la fois, on a une forme de dépendance qui va se créer entre ces deux personnes-là. Parfois, ça se passe très bien, et puis parfois, c'est un petit peu plus conflictuel, puisque là, ça a fini en procès. Monsieur Druet considérant qu'il avait été insuffisamment reconnu. pour le travail qu'il avait effectué, et considérant qu'il avait été trop effacé par l'artiste Cattelan, par son galeriste et par les musées. Vous avez un autre type de relation très différent, qui est celui plutôt du technicien qui va travailler sur un montage ou un démontage d'exposition, qui lui va être là, payé sur facture, pour une intervention de deux semaines, pendant laquelle il va installer des œuvres, parfois contribuer un petit peu à monter, ou des fois vous avez certaines œuvres qui arrivent un peu en kit, alors c'est comme des gros puzzles, il faut les remettre en place. Là, on reste sur des interventions beaucoup plus ponctuelles, où finalement, un technicien ne peut juste jamais entrer en contact avec l'artiste. Et l'artiste, lui, va juste discuter avec les personnes du musée, avec le commissaire d'exposition, quelques chargés de production, avec qui ils organisent l'exposition. Mais il n'est pas forcément du tout en contact avec l'ensemble de l'équipe des techniciens. Et donc là, on est sur des relations très professionnelles et beaucoup plus distendues, beaucoup plus impersonnelles.

  • Speaker #0

    D'accord. Et quel est le rôle, justement, des musées, des galeries, dans cette relation bipartite ? entre ces artistes et ces deux formes d'art ?

  • Speaker #1

    Un des parties prises de ma thèse, c'était de se concentrer beaucoup plus sur les musées, sur les lieux d'exposition. Je dis lieux d'exposition parce que ça inclut aussi des centres d'art, des formes un petit peu différentes. Partant du fait qu'il y a déjà aussi beaucoup de travaux sur les galeries et qu'elles ont peut-être parfois un rôle un petit peu moins direct dans la production des œuvres. Et ce que j'ai observé, c'est que sur les plus grands lieux d'exposition à Paris, il y a vraiment un rôle très très fort des musées, qui participent, je pense, à promouvoir cette organisation du travail et cette délégation de la fabrication des tâches. Puisqu'en fait, ces musées fonctionnent d'abord sur invitation. Donc la direction du musée va choisir d'essayer d'inviter des artistes à exposer dans le musée, et puis va donner un budget, un espace, une date, et finalement demander à un artiste de remplir un espace de parfois plusieurs centaines de mètres carrés pour dans un an. Donc en fait, ça impose une forme de contrainte matérielle qui même les directions de musées ne veulent pas et tiennent énormément à la liberté de création des artistes, donc n'influent pas sur le contenu. Mais de fait, il faut quand même remplir des espaces et ces musées-là attendent aussi parfois, en tout cas dans le cas de la fondation que j'ai étudiée, il y avait un petit peu cette attente-là de faire des choses un peu impressionnantes, quelque chose d'un peu majestueux, au moins une pièce qui va occuper l'espace. et qui va aussi aider à attirer quelque part un public. Et donc, ces attentes du musée, de fait, participent à encourager une forme de division du travail, parce que vous vous doutez bien qu'un artiste tout seul, dans son atelier, ne peut pas fabriquer une œuvre de 10 mètres de haut en trois mois. Donc, de fait, ça nécessite du personnel, et ces musées, par ailleurs, ont les équipements pour ça. ont des salariés qui vont mettre en contact les artistes avec des artisans éventuellement, avec des techniciens des expositions, qui vont pouvoir faire ce travail de fabrication. Et puis les personnels du musée vont aussi gérer toute la coordination, toute la mise en lien, mais c'est aussi beaucoup de travail, et effectuer ce travail-là.

  • Speaker #0

    D'accord. Parlons un peu de méthodologie. Quelles sont celles que vous avez employées pour votre thèse ? Comme on a dit qu'il s'est déroulé en Ile-de-France, quelles ont été vos méthodes ?

  • Speaker #1

    Mes méthodes, elles sont à la fois qualitatives et quantitatives. Et elles répondaient à un peu deux objectifs que je m'étais fixée. Le premier était un objectif de mobilité. J'avais commencé en mémoire de master à travailler sur ce sujet-là par un stage, donc une observation participante dans une entreprise de production d'œuvres d'art. Et ce qui était un petit peu difficile pour moi, c'est que je voulais pouvoir me déplacer. pour pouvoir aller observer le travail des différents métiers, reconstituer un petit peu toute cette chaîne, tout cet organigramme. Et donc, l'observation participante, c'était un petit peu coïncant. Donc, j'avais envie d'avoir ce côté observation du travail, mais de pouvoir me déplacer. Donc, une partie de l'enquête, ça a consisté à faire des observations. J'ai fait une observation de longue durée dans une fondation d'art contemporain, mais aussi des petites observations de montage, de démontage en différents lieux, des entretiens avec des personnes qui font différents métiers. et de me déplacer en ne restant jamais plus de quelques jours par semaine, mais de façon répétée dans ces différents endroits. Et puis, il y a eu aussi un volet quantitatif qui répondait là plutôt à un objectif de dénombrement. Puisqu'une de mes grandes questions était, mais bien sont ces personnes ? Cet objet que j'ai dit, finalement, parce que c'est anecdotique, on va me dire, finalement, l'art contemporain à Paris, il n'y a peut-être pas grand monde. Et en fait, ce sont des populations qui sont très difficiles. Habituellement, on fait appel à la statistique publique, à des grandes enquêtes produites par l'INSEE, qui classiquement aident à comptabiliser les professionnels. Sauf que ceux que j'étudie, moi, sont peu nombreux, sont mal inscrits, c'est des professions pas très claires, pas très bien institutionnalisées. Donc, j'ai dû produire mes propres données. Donc, un gros travail de la thèse, ça a aussi consisté à construire. trois bases de données. Une première sur les artistes exposés dans quatre musées en Ile-de-France. Une deuxième, j'en parlais rapidement tout à l'heure, en utilisant les données de LinkedIn, donc d'aspirer des données sur LinkedIn et de les traiter pour essayer de comptabiliser et regarder, comprendre les diplômes et les carrières des intermédiaires de l'art contemporain, donc toutes les personnes qui travaillent, salariées de musées, de galeries, d'entreprises de production en Ile-de-France. Et enfin, une troisième base de données construite, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec une association de techniciennes des expositions, avec qui on a co-construit un questionnaire qu'on a ensuite diffusé à un certain nombre de leurs collègues, et qui a permis enfin d'avoir une idée du profil, cette fois-ci, des techniciens des expositions en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Et donc, en tout, vous avez estimé à quel public, quel nom ?

  • Speaker #1

    Alors sur les intermédiaires, sur les salariés, on a plutôt quelque chose comme 850 personnes qui travaillent en Ile-de-France, dans ces organisations-là. Et ce qui est assez passionnant, c'est qu'on peut aussi voir comment elles circulent d'une organisation à l'autre, comment il y a des passages de personnes qui travaillaient en galerie d'art qui vont travailler ensuite dans des musées ou inversement. Alors qu'on a souvent l'idée en sociologie de l'art que ce sont des mondes, on aurait le pôle de l'institution, le pôle du marché, qui sont des mondes un peu cloisonnés. Et là, on peut étudier vraiment ces circulations-là. et voir comment les diplômes, les carrières se mêlent. Avec une population là vraiment, en plus ça permet aussi d'objectiver un petit peu sa 80% féminine. Même chose sur les niveaux de diplôme, de master 2, de comptabiliser un peu ces choses-là. Sur les techniciens des expositions, pour le coup c'était un petit peu différent, parce que passant par cette association, j'avais un biais d'entrée, et en plus cette enquête arrivait un peu plus tard dans ma thèse, donc là j'avais plutôt une petite centaine de personnes. Je considère que, étant donné celle que je manque, on est plutôt sur 300 personnes, quelque chose comme ça. Mais on voit aussi que la moitié de cette population ne se considère pas comme technicien des expositions. Ils se considèrent plutôt comme des gens, comme des artistes. Et qui, en fait, financent leur activité d'artiste en travaillant dans les montages et démontages, et en travaillant pour d'autres artistes. Et donc, ça permet aussi d'interroger qu'est-ce que c'est la frontière d'un groupe professionnel. Et de se dire, est-ce que c'est qu'une question de ce qu'on fait ? Ou est-ce que c'est une question de... comment on se perçoit dans un groupe.

  • Speaker #0

    Pour poursuivre sur les questions de terrain, avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, je passerai sur la difficulté Covid qui a qui a connu ce conduit à la fermeture des musées au milieu de ma thèse et qui a aussi participé à amplifier le volet quantitatif. Plus spécifique à mon cas d'étude, Saint-Mélio, il n'était pas si facile que ça de se faire un place. Pas si facile que ça de prendre des notes aussi. Ça c'est peut-être quelque chose qui est un peu particulier qui est que par exemple quand j'assistais à des montages d'exposition ou à des démontages d'exposition les gens n'aimaient pas forcément que je regarde que je prenne des notes, ne comprenaient pas forcément pourquoi je faisais ça. Et finalement je me suis vite mise à prendre un appareil photo et là ça se passait beaucoup mieux et quelque part le fait de prendre en photo des lieux de l'espace d'exposition apparaissait comme assez normal et me donnait une place dans ces lieux-là. Et c'est vrai qu'un enjeu, je pense, qui est partagé par tous les terrains, c'est toujours de savoir quelle place les gens peuvent nous donner. Et donc ça, c'est un des exemples.

  • Speaker #0

    D'accord. Et bien alors, dernière question, justement, on parle de place. Quelle est, selon vous, la place que peut tenir un chercheur dans notre société ou une chercheuse dans notre société ? Quel sens on peut donner, en fait, à des recherches en sociologie ? Vaste question.

  • Speaker #1

    Vaste question. Si je repars de cette recherche en particulier, je pense que ça dépend beaucoup du type de recherche qu'on fait, mais ce qui a été important pour moi, c'est la question du regard, et de qui est visible, de qui ne l'est pas, était absolument omniprésente. Et je pense qu'on vit dans une société où notre vision de ce qui se passe, elle est aussi le résultat de qui produit des discours sur quoi. Et il y a des métiers qui produisent des discours, il y a les politiques, les journalistes, dans le milieu de l'art, les commissaires d'exposition. Les chargés de communication sont les gens qui fabriquent des discours et qui donnent à voir un point de vue. sur une situation. Et je pense que ce qui est assez fascinant dans notre métier, c'est qu'on peut aller voir, et dans mon cas tous les gens de la chaîne, et demander à chacun son point de vue sur la même situation. Et que quelque part on produit une nouvelle histoire qui raconte la même chose, mais éclairée par différents points de vue, et qui éclaire aussi des gens qui ne sont pas toujours visibles, voire invisibilisés.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le cas là de votre sujet de thèse.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et pour moi ça a beaucoup de sens de donner à voir. Ce travail-là, ces personnes-là, et plus largement, je pense que ça participe à... qu'en tant que sociologue, un de mes objectifs, c'est de participer à produire une forme d'ouverture d'esprit, à nous donner à voir le monde autrement et à faire réfléchir. Et je pense que raconter l'histoire de ce travail et de ces personnes-là, ça participe à ça. Enfin, je l'espère.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci, Brianne. Merci,

  • Speaker #1

    Samia.

  • Speaker #0

    C'était le podcast Objet trouvé du CSO. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous sur votre plateforme d'écoute préférée et faites le savoir autour de vous.

  • Speaker #1

    Science, Science Po.

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Description

Le monde de l'art contemporain expose les œuvres de grands noms d'artistes dans des lieux d'exposition dans lesquels on observe une division du travail de l'art. Brianne Dubois s’est attachée aux formes de délégation de tâches de fabrication et d'organisation à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui participent à la production des œuvres et des expositions. Brianne met ainsi en lumière le travail invisible de ces intermédiaires culturels et techniciens dont les noms apparaissent rarement dans les expositions.
Elle montre le rôle des musées qui participent à la promotion de cette division du travail. Les artistes, invités à créer et remplir de grands espaces sur une période donnée, ne peuvent assurer seuls la production des œuvres. La mise en valeur et des œuvres et des artistes repose ainsi sur un travail collectif très largement invisibilisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue à tous et à toutes. Vous écoutez le podcast Objet trouvé du Centre de Sociologie des Organisations, le CSO. Nos chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales partagent avec vous leurs travaux et réflexions sur leurs objets de recherche. Aujourd'hui nous recevons Brianne Dubois. Installez-vous confortablement, nous sommes ensemble pour une vingtaine de minutes. Bonjour Brianne.

  • Speaker #1

    Bonjour Samia.

  • Speaker #0

    Vous êtes une jeune chercheuse, puisque vous venez de soutenir une thèse de sociologie qui s'intitule Dans l'ombre de l'art contemporain, celles et ceux qui produisent les œuvres Alors en co-direction avec Pierre-François du CSO et Olivier Roueuf du CSU Crespa. Comment êtes-vous arrivée sur ces questions d'art et de visibilité ? d'autant que vous l'abordez sous l'angle de la sociologie économique.

  • Speaker #1

    Sociologie économique et sociologie du travail. Et du travail, absolument. En fait, mes premières tentatives de recherche, on peut dire, quand j'étais étudiante, ça a été de vouloir travailler sur la musique. J'avais fait beaucoup de violons au conservatoire et j'avais envie de faire de la sociologie sur comment est-ce qu'on apprend la musique. et comment les façons d'apprendre la musique varient probablement selon les cultures, les écoles de musique, les conservatoires, les lieux où on fait ça et comment ces façons de transmettre la musique doivent varier socialement probablement. Et je me suis assez vite rendue compte que c'était difficile pour moi parce que comme musicienne, j'avais très vite des jugements de valeur du type on fait comme ça parce que c'est mieux, c'est plus efficace pour faire de la bonne musique Et donc je me suis dit quand j'ai cherché un sujet de musique, thèse que j'avais envie de rester dans un domaine artistique, de continuer à avoir un abord par le travail. Et j'ai cherché un domaine qui puisse m'intéresser, mais dans lequel je n'étais pas formée. Pas aussi proche de votre objet. Et qui me permettait d'avoir cette distance et limite ce type de jugement de valeur. Et je me suis dit que l'art contemporain était une bonne idée. Parce qu'il y a assez peu de travaux en France sur l'art contemporain et notamment dans cette approche du travail, de comment on construit les œuvres. Il y a plus des choses sur les galeries ou sur les artistes. Et donc, ça me semble être un bon équilibre pour moi.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, est-ce que vous pouvez nous présenter les conclusions de votre thèse ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, peut-être l'idée principale de cette thèse, c'est de dire que le monde de l'art contemporain, il consiste à exposer les œuvres d'artistes dans des lieux d'exposition, dans des musées, avec le soutien de galeries. participent à produire des grands noms, ces grands noms d'artistes qu'on connaît, mais qu'en fait, pour produire ces grands noms que l'on connaît, il faut le travail de beaucoup de personnes, de beaucoup de petites mains, on pourrait dire, de personnels de l'ombre qui sont des techniciens qui vont parfois fabriquer les œuvres pour des artistes, de salariés, de musées, de galeries qui vont aussi faire tout un travail de coordination, de recrutement, de communication autour de ces œuvres-là. Et que finalement, on observe une... Dans les lieux les plus prestigieux en France, et puis en fait dans beaucoup d'endroits du monde aussi, puisque c'est un monde très globalisé, on observe une division du travail de l'art avec une forme de délégation, notamment des tâches de fabrication et d'organisation, à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui vont les accompagner dans la production des œuvres et des expositions.

  • Speaker #0

    Il y a toute une chaîne d'acteurs, d'actrices qui accompagnent ces artistes. qui, eux, sont dans la lumière.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est exactement ça. Donc le propos, c'est de présenter comment s'organise cette division du travail, et puis comment il y a aussi un travail pour cacher le travail de ces techniciens, le travail de ces, on appelle ça des intermédiaires culturels, ces personnes qui travaillent dans ces musées, pour maintenir cette croyance qui est essentielle au fonctionnement des mondes de l'art, selon laquelle l'œuvre est bien celle d'un unique artiste, d'un génie créateur. Et donc c'est tout ce paradoxe de tenir ensemble à la fois un collectif, un petit peu comme dans le cinéma, on va avoir des grandes équipes avec beaucoup de personnes qui participent, et en même temps une façon d'essayer de le cacher, tout un travail pour maintenir cette visibilité, ce projecteur sur les artistes.

  • Speaker #0

    Et de quelle manière justement on cache ce travail ?

  • Speaker #1

    Dans ma thèse, j'explore un peu ces différentes pistes-là. Peut-être le plus visuel, c'est déjà de se dire que quand on rentre dans un musée, souvent on a des murs blancs. Et ça, on ne le voit peut-être pas forcément, mais ce qui est intéressant de mon terrain, c'était d'assister à ce qu'on appelle les montages et démontages d'exposition. Donc, c'est deux semaines qui sont avant l'ouverture d'une exposition. Et on passe déjà beaucoup de temps à peindre les murs en blanc, à effacer tout le travail de préparation pour donner l'impression que les œuvres, elles ont toujours été là, sur cet espace immaculé. Donc ça c'est un exemple. Il y a aussi beaucoup de travail dans la rédaction des catalogues d'exposition, où on va mentionner l'importance de ce qu'a fait l'artiste. très rarement mentionner le travail et l'activité des autres personnes des équipes ou mentionner leur nom. Si ça peut arriver parfois, c'est beaucoup plus rare.

  • Speaker #0

    Quels sont justement les profils de ces personnes de l'ombre ? Qui sont-elles ?

  • Speaker #1

    Alors, on a en gros deux groupes. On a un premier groupe, que sont ce que j'appelais les techniciens des expositions, qui serait un peu le pendant de ce qu'on trouve dans le spectacle, des techniciens du spectacle. mais versions art contemporain, qui sont plutôt des hommes, 30-40 ans, issus de milieux sociaux assez intermédiaires, parfois un peu plus populaires, qui ont pour la moitié d'entre eux une formation en art, parfois sont artistes eux-mêmes, et qui vont aller travailler pour différents musées, pour différents artistes, comme auto-entrepreneurs, parfois sur des CDD, parfois comme intermittents du spectacle, et qui vont comme ça avoir une carrière qui se construit. construits dans la succession de projets et qui vont effectuer des tâches qui vont d'un travail de fabrication, vraiment au contact des œuvres, à un travail d'installation, d'accrochage sur les lieux d'exposition. Ça c'est le premier ensemble. Le deuxième groupe, c'est ce que j'ai appelé les intermédiaires de l'art contemporain, qui sont plutôt des femmes, un petit peu plus jeunes, on est plutôt sur une trentaine d'années, très diplômées.

  • Speaker #0

    Un profil très différent.

  • Speaker #1

    complètement différents. Certaines qui sortent de Sciences Po, d'autres qui ont des formations, des diplômes spécifiques en médiation culturelle, plus universitaire, de milieux sociaux assez aisés. Beaucoup de filles de cadre, de chefs d'entreprise aussi, et qui, elles, sont salariées. Donc on est sur des CDD, mais souvent assez courts. Et là, ce qui m'intéressait aussi, une partie de mon travail, ça a été d'utiliser les profils que ces personnes-là renseignent sur LinkedIn pour essayer un petit peu de regarder le détail de leur carrière et de leur formation. Et finalement d'identifier un petit peu deux ensembles, une espèce de frange que j'ai appelée aspirationnelle, de jeunes femmes qui sont beaucoup en stage, sur des petits contrats et qui essaient de rentrer dans ce métier-là, mais très difficile parce que beaucoup beaucoup de concurrence, des gens très très diplômés. Et puis celles qui ont réussi à intégrer ce métier-là, mais qui en fait finalement, malgré le fait qu'elles restent depuis plusieurs années, ont accès à des postes un peu plus stables, avec des salaires un peu meilleurs, continuent d'avoir des carrières un petit peu de vagabondage. et de changer d'emploi tous les deux, trois ans, et de se déplacer de l'organisation en organisation, de musée en grande galerie, en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Oui, parce que votre terrain, c'était principalement en Ile-de-France ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, j'ai fait le choix de me concentrer sur l'Ile-de-France. Bon, après beaucoup d'hésitations, de tentatives d'adaptation, apparaissait un peu comme une zone de recouvrement entre deux champs. Puisque ce qui était difficile dans cet objet-là, c'était de se dire, finalement, l'art contemporain avec ses grands noms, ses grandes grailles de la vie, tout ça, c'est plutôt quelque chose qui se passe à l'échelle internationale. Vous avez des grandes foires, la foire de Miami, Art Basel, toutes ces choses-là, des grandes capitales et beaucoup de circulation des artistes entre ces lieux. Et puis d'un autre côté, vous avez le champ français avec l'art, beaucoup de... Il y a des travaux qui décrivent la population de tous les artistes en France. Et donc là, vous avez une population assez différente avec la plupart des artistes qui ne vivent pas de leur art ou qui ont des salaires très bas, qui sont en fait assez à la marge de cet univers-là. Et finalement, j'ai choisi de me concentrer uniquement sur l'île de France parce que ça me semblait être vraiment à l'intersection de ces deux espaces. C'était un moyen d'attraper depuis la France ce qui se passe dans ce champ très prestigieux de l'art contemporain international, mais de garder cet ancrage puisque moi, je voulais vraiment voir la division du travail. Il fallait que je puisse voir des gens en train de travailler. Et donc cet espace-là me permettait à la fois d'avoir accès à ce qu'il y a de plus prestigieux, et donc à ce type d'organisation du travail qui est réservé aux lieux les plus prestigieux de l'art contemporain, tout en ayant accès à des lieux concrets et visibles, et de regarder un petit peu la façon dont les choses peuvent aussi différer d'un lieu à l'autre à l'échelle de l'Île-de-France.

  • Speaker #0

    Comment décririez-vous les relations entre ces artistes connus ? toutes ces personnes qui gravitent autour d'elle et qui restent dans l'ombre ?

  • Speaker #1

    Alors encore une fois, ça va souvent beaucoup varier. Il y a un petit peu peut-être deux types de relations un peu archétypales qui seraient d'un côté la collaboration un petit peu longue durée. Par exemple, j'ouvre ma thèse sur un procès qui a eu lieu en 2022 entre un sculpteur qui s'appelle Daniel Deruet. et qui avait, lui, beaucoup travaillé, qui avait une formation au Beaux-Arts un petit peu traditionnelle, très très fort en sculpture, très figurative, qui avait travaillé pendant une dizaine d'années au musée Grévin, voyez, par ce type de sculpture, et qui a ensuite travaillé pendant cinq ans comme sous-traitant de Mauricio Catellan, qui est un artiste contemporain qui est aujourd'hui très reconnu, qui doit être parmi les mille artistes les plus prestigieux et dont la cote est la plus élevée sur le marché au niveau international. Et donc là, on a une relation assez... Enfin, une collaboration assez longue et assez proche, puisque le sculpteur travaille pour l'autre artiste et fabrique vraiment ses œuvres de façon répétée. Donc à la fois, on a une forme de dépendance qui va se créer entre ces deux personnes-là. Parfois, ça se passe très bien, et puis parfois, c'est un petit peu plus conflictuel, puisque là, ça a fini en procès. Monsieur Druet considérant qu'il avait été insuffisamment reconnu. pour le travail qu'il avait effectué, et considérant qu'il avait été trop effacé par l'artiste Cattelan, par son galeriste et par les musées. Vous avez un autre type de relation très différent, qui est celui plutôt du technicien qui va travailler sur un montage ou un démontage d'exposition, qui lui va être là, payé sur facture, pour une intervention de deux semaines, pendant laquelle il va installer des œuvres, parfois contribuer un petit peu à monter, ou des fois vous avez certaines œuvres qui arrivent un peu en kit, alors c'est comme des gros puzzles, il faut les remettre en place. Là, on reste sur des interventions beaucoup plus ponctuelles, où finalement, un technicien ne peut juste jamais entrer en contact avec l'artiste. Et l'artiste, lui, va juste discuter avec les personnes du musée, avec le commissaire d'exposition, quelques chargés de production, avec qui ils organisent l'exposition. Mais il n'est pas forcément du tout en contact avec l'ensemble de l'équipe des techniciens. Et donc là, on est sur des relations très professionnelles et beaucoup plus distendues, beaucoup plus impersonnelles.

  • Speaker #0

    D'accord. Et quel est le rôle, justement, des musées, des galeries, dans cette relation bipartite ? entre ces artistes et ces deux formes d'art ?

  • Speaker #1

    Un des parties prises de ma thèse, c'était de se concentrer beaucoup plus sur les musées, sur les lieux d'exposition. Je dis lieux d'exposition parce que ça inclut aussi des centres d'art, des formes un petit peu différentes. Partant du fait qu'il y a déjà aussi beaucoup de travaux sur les galeries et qu'elles ont peut-être parfois un rôle un petit peu moins direct dans la production des œuvres. Et ce que j'ai observé, c'est que sur les plus grands lieux d'exposition à Paris, il y a vraiment un rôle très très fort des musées, qui participent, je pense, à promouvoir cette organisation du travail et cette délégation de la fabrication des tâches. Puisqu'en fait, ces musées fonctionnent d'abord sur invitation. Donc la direction du musée va choisir d'essayer d'inviter des artistes à exposer dans le musée, et puis va donner un budget, un espace, une date, et finalement demander à un artiste de remplir un espace de parfois plusieurs centaines de mètres carrés pour dans un an. Donc en fait, ça impose une forme de contrainte matérielle qui même les directions de musées ne veulent pas et tiennent énormément à la liberté de création des artistes, donc n'influent pas sur le contenu. Mais de fait, il faut quand même remplir des espaces et ces musées-là attendent aussi parfois, en tout cas dans le cas de la fondation que j'ai étudiée, il y avait un petit peu cette attente-là de faire des choses un peu impressionnantes, quelque chose d'un peu majestueux, au moins une pièce qui va occuper l'espace. et qui va aussi aider à attirer quelque part un public. Et donc, ces attentes du musée, de fait, participent à encourager une forme de division du travail, parce que vous vous doutez bien qu'un artiste tout seul, dans son atelier, ne peut pas fabriquer une œuvre de 10 mètres de haut en trois mois. Donc, de fait, ça nécessite du personnel, et ces musées, par ailleurs, ont les équipements pour ça. ont des salariés qui vont mettre en contact les artistes avec des artisans éventuellement, avec des techniciens des expositions, qui vont pouvoir faire ce travail de fabrication. Et puis les personnels du musée vont aussi gérer toute la coordination, toute la mise en lien, mais c'est aussi beaucoup de travail, et effectuer ce travail-là.

  • Speaker #0

    D'accord. Parlons un peu de méthodologie. Quelles sont celles que vous avez employées pour votre thèse ? Comme on a dit qu'il s'est déroulé en Ile-de-France, quelles ont été vos méthodes ?

  • Speaker #1

    Mes méthodes, elles sont à la fois qualitatives et quantitatives. Et elles répondaient à un peu deux objectifs que je m'étais fixée. Le premier était un objectif de mobilité. J'avais commencé en mémoire de master à travailler sur ce sujet-là par un stage, donc une observation participante dans une entreprise de production d'œuvres d'art. Et ce qui était un petit peu difficile pour moi, c'est que je voulais pouvoir me déplacer. pour pouvoir aller observer le travail des différents métiers, reconstituer un petit peu toute cette chaîne, tout cet organigramme. Et donc, l'observation participante, c'était un petit peu coïncant. Donc, j'avais envie d'avoir ce côté observation du travail, mais de pouvoir me déplacer. Donc, une partie de l'enquête, ça a consisté à faire des observations. J'ai fait une observation de longue durée dans une fondation d'art contemporain, mais aussi des petites observations de montage, de démontage en différents lieux, des entretiens avec des personnes qui font différents métiers. et de me déplacer en ne restant jamais plus de quelques jours par semaine, mais de façon répétée dans ces différents endroits. Et puis, il y a eu aussi un volet quantitatif qui répondait là plutôt à un objectif de dénombrement. Puisqu'une de mes grandes questions était, mais bien sont ces personnes ? Cet objet que j'ai dit, finalement, parce que c'est anecdotique, on va me dire, finalement, l'art contemporain à Paris, il n'y a peut-être pas grand monde. Et en fait, ce sont des populations qui sont très difficiles. Habituellement, on fait appel à la statistique publique, à des grandes enquêtes produites par l'INSEE, qui classiquement aident à comptabiliser les professionnels. Sauf que ceux que j'étudie, moi, sont peu nombreux, sont mal inscrits, c'est des professions pas très claires, pas très bien institutionnalisées. Donc, j'ai dû produire mes propres données. Donc, un gros travail de la thèse, ça a aussi consisté à construire. trois bases de données. Une première sur les artistes exposés dans quatre musées en Ile-de-France. Une deuxième, j'en parlais rapidement tout à l'heure, en utilisant les données de LinkedIn, donc d'aspirer des données sur LinkedIn et de les traiter pour essayer de comptabiliser et regarder, comprendre les diplômes et les carrières des intermédiaires de l'art contemporain, donc toutes les personnes qui travaillent, salariées de musées, de galeries, d'entreprises de production en Ile-de-France. Et enfin, une troisième base de données construite, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec une association de techniciennes des expositions, avec qui on a co-construit un questionnaire qu'on a ensuite diffusé à un certain nombre de leurs collègues, et qui a permis enfin d'avoir une idée du profil, cette fois-ci, des techniciens des expositions en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Et donc, en tout, vous avez estimé à quel public, quel nom ?

  • Speaker #1

    Alors sur les intermédiaires, sur les salariés, on a plutôt quelque chose comme 850 personnes qui travaillent en Ile-de-France, dans ces organisations-là. Et ce qui est assez passionnant, c'est qu'on peut aussi voir comment elles circulent d'une organisation à l'autre, comment il y a des passages de personnes qui travaillaient en galerie d'art qui vont travailler ensuite dans des musées ou inversement. Alors qu'on a souvent l'idée en sociologie de l'art que ce sont des mondes, on aurait le pôle de l'institution, le pôle du marché, qui sont des mondes un peu cloisonnés. Et là, on peut étudier vraiment ces circulations-là. et voir comment les diplômes, les carrières se mêlent. Avec une population là vraiment, en plus ça permet aussi d'objectiver un petit peu sa 80% féminine. Même chose sur les niveaux de diplôme, de master 2, de comptabiliser un peu ces choses-là. Sur les techniciens des expositions, pour le coup c'était un petit peu différent, parce que passant par cette association, j'avais un biais d'entrée, et en plus cette enquête arrivait un peu plus tard dans ma thèse, donc là j'avais plutôt une petite centaine de personnes. Je considère que, étant donné celle que je manque, on est plutôt sur 300 personnes, quelque chose comme ça. Mais on voit aussi que la moitié de cette population ne se considère pas comme technicien des expositions. Ils se considèrent plutôt comme des gens, comme des artistes. Et qui, en fait, financent leur activité d'artiste en travaillant dans les montages et démontages, et en travaillant pour d'autres artistes. Et donc, ça permet aussi d'interroger qu'est-ce que c'est la frontière d'un groupe professionnel. Et de se dire, est-ce que c'est qu'une question de ce qu'on fait ? Ou est-ce que c'est une question de... comment on se perçoit dans un groupe.

  • Speaker #0

    Pour poursuivre sur les questions de terrain, avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, je passerai sur la difficulté Covid qui a qui a connu ce conduit à la fermeture des musées au milieu de ma thèse et qui a aussi participé à amplifier le volet quantitatif. Plus spécifique à mon cas d'étude, Saint-Mélio, il n'était pas si facile que ça de se faire un place. Pas si facile que ça de prendre des notes aussi. Ça c'est peut-être quelque chose qui est un peu particulier qui est que par exemple quand j'assistais à des montages d'exposition ou à des démontages d'exposition les gens n'aimaient pas forcément que je regarde que je prenne des notes, ne comprenaient pas forcément pourquoi je faisais ça. Et finalement je me suis vite mise à prendre un appareil photo et là ça se passait beaucoup mieux et quelque part le fait de prendre en photo des lieux de l'espace d'exposition apparaissait comme assez normal et me donnait une place dans ces lieux-là. Et c'est vrai qu'un enjeu, je pense, qui est partagé par tous les terrains, c'est toujours de savoir quelle place les gens peuvent nous donner. Et donc ça, c'est un des exemples.

  • Speaker #0

    D'accord. Et bien alors, dernière question, justement, on parle de place. Quelle est, selon vous, la place que peut tenir un chercheur dans notre société ou une chercheuse dans notre société ? Quel sens on peut donner, en fait, à des recherches en sociologie ? Vaste question.

  • Speaker #1

    Vaste question. Si je repars de cette recherche en particulier, je pense que ça dépend beaucoup du type de recherche qu'on fait, mais ce qui a été important pour moi, c'est la question du regard, et de qui est visible, de qui ne l'est pas, était absolument omniprésente. Et je pense qu'on vit dans une société où notre vision de ce qui se passe, elle est aussi le résultat de qui produit des discours sur quoi. Et il y a des métiers qui produisent des discours, il y a les politiques, les journalistes, dans le milieu de l'art, les commissaires d'exposition. Les chargés de communication sont les gens qui fabriquent des discours et qui donnent à voir un point de vue. sur une situation. Et je pense que ce qui est assez fascinant dans notre métier, c'est qu'on peut aller voir, et dans mon cas tous les gens de la chaîne, et demander à chacun son point de vue sur la même situation. Et que quelque part on produit une nouvelle histoire qui raconte la même chose, mais éclairée par différents points de vue, et qui éclaire aussi des gens qui ne sont pas toujours visibles, voire invisibilisés.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le cas là de votre sujet de thèse.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et pour moi ça a beaucoup de sens de donner à voir. Ce travail-là, ces personnes-là, et plus largement, je pense que ça participe à... qu'en tant que sociologue, un de mes objectifs, c'est de participer à produire une forme d'ouverture d'esprit, à nous donner à voir le monde autrement et à faire réfléchir. Et je pense que raconter l'histoire de ce travail et de ces personnes-là, ça participe à ça. Enfin, je l'espère.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci, Brianne. Merci,

  • Speaker #1

    Samia.

  • Speaker #0

    C'était le podcast Objet trouvé du CSO. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous sur votre plateforme d'écoute préférée et faites le savoir autour de vous.

  • Speaker #1

    Science, Science Po.

Description

Le monde de l'art contemporain expose les œuvres de grands noms d'artistes dans des lieux d'exposition dans lesquels on observe une division du travail de l'art. Brianne Dubois s’est attachée aux formes de délégation de tâches de fabrication et d'organisation à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui participent à la production des œuvres et des expositions. Brianne met ainsi en lumière le travail invisible de ces intermédiaires culturels et techniciens dont les noms apparaissent rarement dans les expositions.
Elle montre le rôle des musées qui participent à la promotion de cette division du travail. Les artistes, invités à créer et remplir de grands espaces sur une période donnée, ne peuvent assurer seuls la production des œuvres. La mise en valeur et des œuvres et des artistes repose ainsi sur un travail collectif très largement invisibilisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue à tous et à toutes. Vous écoutez le podcast Objet trouvé du Centre de Sociologie des Organisations, le CSO. Nos chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales partagent avec vous leurs travaux et réflexions sur leurs objets de recherche. Aujourd'hui nous recevons Brianne Dubois. Installez-vous confortablement, nous sommes ensemble pour une vingtaine de minutes. Bonjour Brianne.

  • Speaker #1

    Bonjour Samia.

  • Speaker #0

    Vous êtes une jeune chercheuse, puisque vous venez de soutenir une thèse de sociologie qui s'intitule Dans l'ombre de l'art contemporain, celles et ceux qui produisent les œuvres Alors en co-direction avec Pierre-François du CSO et Olivier Roueuf du CSU Crespa. Comment êtes-vous arrivée sur ces questions d'art et de visibilité ? d'autant que vous l'abordez sous l'angle de la sociologie économique.

  • Speaker #1

    Sociologie économique et sociologie du travail. Et du travail, absolument. En fait, mes premières tentatives de recherche, on peut dire, quand j'étais étudiante, ça a été de vouloir travailler sur la musique. J'avais fait beaucoup de violons au conservatoire et j'avais envie de faire de la sociologie sur comment est-ce qu'on apprend la musique. et comment les façons d'apprendre la musique varient probablement selon les cultures, les écoles de musique, les conservatoires, les lieux où on fait ça et comment ces façons de transmettre la musique doivent varier socialement probablement. Et je me suis assez vite rendue compte que c'était difficile pour moi parce que comme musicienne, j'avais très vite des jugements de valeur du type on fait comme ça parce que c'est mieux, c'est plus efficace pour faire de la bonne musique Et donc je me suis dit quand j'ai cherché un sujet de musique, thèse que j'avais envie de rester dans un domaine artistique, de continuer à avoir un abord par le travail. Et j'ai cherché un domaine qui puisse m'intéresser, mais dans lequel je n'étais pas formée. Pas aussi proche de votre objet. Et qui me permettait d'avoir cette distance et limite ce type de jugement de valeur. Et je me suis dit que l'art contemporain était une bonne idée. Parce qu'il y a assez peu de travaux en France sur l'art contemporain et notamment dans cette approche du travail, de comment on construit les œuvres. Il y a plus des choses sur les galeries ou sur les artistes. Et donc, ça me semble être un bon équilibre pour moi.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, est-ce que vous pouvez nous présenter les conclusions de votre thèse ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, peut-être l'idée principale de cette thèse, c'est de dire que le monde de l'art contemporain, il consiste à exposer les œuvres d'artistes dans des lieux d'exposition, dans des musées, avec le soutien de galeries. participent à produire des grands noms, ces grands noms d'artistes qu'on connaît, mais qu'en fait, pour produire ces grands noms que l'on connaît, il faut le travail de beaucoup de personnes, de beaucoup de petites mains, on pourrait dire, de personnels de l'ombre qui sont des techniciens qui vont parfois fabriquer les œuvres pour des artistes, de salariés, de musées, de galeries qui vont aussi faire tout un travail de coordination, de recrutement, de communication autour de ces œuvres-là. Et que finalement, on observe une... Dans les lieux les plus prestigieux en France, et puis en fait dans beaucoup d'endroits du monde aussi, puisque c'est un monde très globalisé, on observe une division du travail de l'art avec une forme de délégation, notamment des tâches de fabrication et d'organisation, à des professionnels qui ne sont pas des artistes, mais qui vont les accompagner dans la production des œuvres et des expositions.

  • Speaker #0

    Il y a toute une chaîne d'acteurs, d'actrices qui accompagnent ces artistes. qui, eux, sont dans la lumière.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est exactement ça. Donc le propos, c'est de présenter comment s'organise cette division du travail, et puis comment il y a aussi un travail pour cacher le travail de ces techniciens, le travail de ces, on appelle ça des intermédiaires culturels, ces personnes qui travaillent dans ces musées, pour maintenir cette croyance qui est essentielle au fonctionnement des mondes de l'art, selon laquelle l'œuvre est bien celle d'un unique artiste, d'un génie créateur. Et donc c'est tout ce paradoxe de tenir ensemble à la fois un collectif, un petit peu comme dans le cinéma, on va avoir des grandes équipes avec beaucoup de personnes qui participent, et en même temps une façon d'essayer de le cacher, tout un travail pour maintenir cette visibilité, ce projecteur sur les artistes.

  • Speaker #0

    Et de quelle manière justement on cache ce travail ?

  • Speaker #1

    Dans ma thèse, j'explore un peu ces différentes pistes-là. Peut-être le plus visuel, c'est déjà de se dire que quand on rentre dans un musée, souvent on a des murs blancs. Et ça, on ne le voit peut-être pas forcément, mais ce qui est intéressant de mon terrain, c'était d'assister à ce qu'on appelle les montages et démontages d'exposition. Donc, c'est deux semaines qui sont avant l'ouverture d'une exposition. Et on passe déjà beaucoup de temps à peindre les murs en blanc, à effacer tout le travail de préparation pour donner l'impression que les œuvres, elles ont toujours été là, sur cet espace immaculé. Donc ça c'est un exemple. Il y a aussi beaucoup de travail dans la rédaction des catalogues d'exposition, où on va mentionner l'importance de ce qu'a fait l'artiste. très rarement mentionner le travail et l'activité des autres personnes des équipes ou mentionner leur nom. Si ça peut arriver parfois, c'est beaucoup plus rare.

  • Speaker #0

    Quels sont justement les profils de ces personnes de l'ombre ? Qui sont-elles ?

  • Speaker #1

    Alors, on a en gros deux groupes. On a un premier groupe, que sont ce que j'appelais les techniciens des expositions, qui serait un peu le pendant de ce qu'on trouve dans le spectacle, des techniciens du spectacle. mais versions art contemporain, qui sont plutôt des hommes, 30-40 ans, issus de milieux sociaux assez intermédiaires, parfois un peu plus populaires, qui ont pour la moitié d'entre eux une formation en art, parfois sont artistes eux-mêmes, et qui vont aller travailler pour différents musées, pour différents artistes, comme auto-entrepreneurs, parfois sur des CDD, parfois comme intermittents du spectacle, et qui vont comme ça avoir une carrière qui se construit. construits dans la succession de projets et qui vont effectuer des tâches qui vont d'un travail de fabrication, vraiment au contact des œuvres, à un travail d'installation, d'accrochage sur les lieux d'exposition. Ça c'est le premier ensemble. Le deuxième groupe, c'est ce que j'ai appelé les intermédiaires de l'art contemporain, qui sont plutôt des femmes, un petit peu plus jeunes, on est plutôt sur une trentaine d'années, très diplômées.

  • Speaker #0

    Un profil très différent.

  • Speaker #1

    complètement différents. Certaines qui sortent de Sciences Po, d'autres qui ont des formations, des diplômes spécifiques en médiation culturelle, plus universitaire, de milieux sociaux assez aisés. Beaucoup de filles de cadre, de chefs d'entreprise aussi, et qui, elles, sont salariées. Donc on est sur des CDD, mais souvent assez courts. Et là, ce qui m'intéressait aussi, une partie de mon travail, ça a été d'utiliser les profils que ces personnes-là renseignent sur LinkedIn pour essayer un petit peu de regarder le détail de leur carrière et de leur formation. Et finalement d'identifier un petit peu deux ensembles, une espèce de frange que j'ai appelée aspirationnelle, de jeunes femmes qui sont beaucoup en stage, sur des petits contrats et qui essaient de rentrer dans ce métier-là, mais très difficile parce que beaucoup beaucoup de concurrence, des gens très très diplômés. Et puis celles qui ont réussi à intégrer ce métier-là, mais qui en fait finalement, malgré le fait qu'elles restent depuis plusieurs années, ont accès à des postes un peu plus stables, avec des salaires un peu meilleurs, continuent d'avoir des carrières un petit peu de vagabondage. et de changer d'emploi tous les deux, trois ans, et de se déplacer de l'organisation en organisation, de musée en grande galerie, en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Oui, parce que votre terrain, c'était principalement en Ile-de-France ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, j'ai fait le choix de me concentrer sur l'Ile-de-France. Bon, après beaucoup d'hésitations, de tentatives d'adaptation, apparaissait un peu comme une zone de recouvrement entre deux champs. Puisque ce qui était difficile dans cet objet-là, c'était de se dire, finalement, l'art contemporain avec ses grands noms, ses grandes grailles de la vie, tout ça, c'est plutôt quelque chose qui se passe à l'échelle internationale. Vous avez des grandes foires, la foire de Miami, Art Basel, toutes ces choses-là, des grandes capitales et beaucoup de circulation des artistes entre ces lieux. Et puis d'un autre côté, vous avez le champ français avec l'art, beaucoup de... Il y a des travaux qui décrivent la population de tous les artistes en France. Et donc là, vous avez une population assez différente avec la plupart des artistes qui ne vivent pas de leur art ou qui ont des salaires très bas, qui sont en fait assez à la marge de cet univers-là. Et finalement, j'ai choisi de me concentrer uniquement sur l'île de France parce que ça me semblait être vraiment à l'intersection de ces deux espaces. C'était un moyen d'attraper depuis la France ce qui se passe dans ce champ très prestigieux de l'art contemporain international, mais de garder cet ancrage puisque moi, je voulais vraiment voir la division du travail. Il fallait que je puisse voir des gens en train de travailler. Et donc cet espace-là me permettait à la fois d'avoir accès à ce qu'il y a de plus prestigieux, et donc à ce type d'organisation du travail qui est réservé aux lieux les plus prestigieux de l'art contemporain, tout en ayant accès à des lieux concrets et visibles, et de regarder un petit peu la façon dont les choses peuvent aussi différer d'un lieu à l'autre à l'échelle de l'Île-de-France.

  • Speaker #0

    Comment décririez-vous les relations entre ces artistes connus ? toutes ces personnes qui gravitent autour d'elle et qui restent dans l'ombre ?

  • Speaker #1

    Alors encore une fois, ça va souvent beaucoup varier. Il y a un petit peu peut-être deux types de relations un peu archétypales qui seraient d'un côté la collaboration un petit peu longue durée. Par exemple, j'ouvre ma thèse sur un procès qui a eu lieu en 2022 entre un sculpteur qui s'appelle Daniel Deruet. et qui avait, lui, beaucoup travaillé, qui avait une formation au Beaux-Arts un petit peu traditionnelle, très très fort en sculpture, très figurative, qui avait travaillé pendant une dizaine d'années au musée Grévin, voyez, par ce type de sculpture, et qui a ensuite travaillé pendant cinq ans comme sous-traitant de Mauricio Catellan, qui est un artiste contemporain qui est aujourd'hui très reconnu, qui doit être parmi les mille artistes les plus prestigieux et dont la cote est la plus élevée sur le marché au niveau international. Et donc là, on a une relation assez... Enfin, une collaboration assez longue et assez proche, puisque le sculpteur travaille pour l'autre artiste et fabrique vraiment ses œuvres de façon répétée. Donc à la fois, on a une forme de dépendance qui va se créer entre ces deux personnes-là. Parfois, ça se passe très bien, et puis parfois, c'est un petit peu plus conflictuel, puisque là, ça a fini en procès. Monsieur Druet considérant qu'il avait été insuffisamment reconnu. pour le travail qu'il avait effectué, et considérant qu'il avait été trop effacé par l'artiste Cattelan, par son galeriste et par les musées. Vous avez un autre type de relation très différent, qui est celui plutôt du technicien qui va travailler sur un montage ou un démontage d'exposition, qui lui va être là, payé sur facture, pour une intervention de deux semaines, pendant laquelle il va installer des œuvres, parfois contribuer un petit peu à monter, ou des fois vous avez certaines œuvres qui arrivent un peu en kit, alors c'est comme des gros puzzles, il faut les remettre en place. Là, on reste sur des interventions beaucoup plus ponctuelles, où finalement, un technicien ne peut juste jamais entrer en contact avec l'artiste. Et l'artiste, lui, va juste discuter avec les personnes du musée, avec le commissaire d'exposition, quelques chargés de production, avec qui ils organisent l'exposition. Mais il n'est pas forcément du tout en contact avec l'ensemble de l'équipe des techniciens. Et donc là, on est sur des relations très professionnelles et beaucoup plus distendues, beaucoup plus impersonnelles.

  • Speaker #0

    D'accord. Et quel est le rôle, justement, des musées, des galeries, dans cette relation bipartite ? entre ces artistes et ces deux formes d'art ?

  • Speaker #1

    Un des parties prises de ma thèse, c'était de se concentrer beaucoup plus sur les musées, sur les lieux d'exposition. Je dis lieux d'exposition parce que ça inclut aussi des centres d'art, des formes un petit peu différentes. Partant du fait qu'il y a déjà aussi beaucoup de travaux sur les galeries et qu'elles ont peut-être parfois un rôle un petit peu moins direct dans la production des œuvres. Et ce que j'ai observé, c'est que sur les plus grands lieux d'exposition à Paris, il y a vraiment un rôle très très fort des musées, qui participent, je pense, à promouvoir cette organisation du travail et cette délégation de la fabrication des tâches. Puisqu'en fait, ces musées fonctionnent d'abord sur invitation. Donc la direction du musée va choisir d'essayer d'inviter des artistes à exposer dans le musée, et puis va donner un budget, un espace, une date, et finalement demander à un artiste de remplir un espace de parfois plusieurs centaines de mètres carrés pour dans un an. Donc en fait, ça impose une forme de contrainte matérielle qui même les directions de musées ne veulent pas et tiennent énormément à la liberté de création des artistes, donc n'influent pas sur le contenu. Mais de fait, il faut quand même remplir des espaces et ces musées-là attendent aussi parfois, en tout cas dans le cas de la fondation que j'ai étudiée, il y avait un petit peu cette attente-là de faire des choses un peu impressionnantes, quelque chose d'un peu majestueux, au moins une pièce qui va occuper l'espace. et qui va aussi aider à attirer quelque part un public. Et donc, ces attentes du musée, de fait, participent à encourager une forme de division du travail, parce que vous vous doutez bien qu'un artiste tout seul, dans son atelier, ne peut pas fabriquer une œuvre de 10 mètres de haut en trois mois. Donc, de fait, ça nécessite du personnel, et ces musées, par ailleurs, ont les équipements pour ça. ont des salariés qui vont mettre en contact les artistes avec des artisans éventuellement, avec des techniciens des expositions, qui vont pouvoir faire ce travail de fabrication. Et puis les personnels du musée vont aussi gérer toute la coordination, toute la mise en lien, mais c'est aussi beaucoup de travail, et effectuer ce travail-là.

  • Speaker #0

    D'accord. Parlons un peu de méthodologie. Quelles sont celles que vous avez employées pour votre thèse ? Comme on a dit qu'il s'est déroulé en Ile-de-France, quelles ont été vos méthodes ?

  • Speaker #1

    Mes méthodes, elles sont à la fois qualitatives et quantitatives. Et elles répondaient à un peu deux objectifs que je m'étais fixée. Le premier était un objectif de mobilité. J'avais commencé en mémoire de master à travailler sur ce sujet-là par un stage, donc une observation participante dans une entreprise de production d'œuvres d'art. Et ce qui était un petit peu difficile pour moi, c'est que je voulais pouvoir me déplacer. pour pouvoir aller observer le travail des différents métiers, reconstituer un petit peu toute cette chaîne, tout cet organigramme. Et donc, l'observation participante, c'était un petit peu coïncant. Donc, j'avais envie d'avoir ce côté observation du travail, mais de pouvoir me déplacer. Donc, une partie de l'enquête, ça a consisté à faire des observations. J'ai fait une observation de longue durée dans une fondation d'art contemporain, mais aussi des petites observations de montage, de démontage en différents lieux, des entretiens avec des personnes qui font différents métiers. et de me déplacer en ne restant jamais plus de quelques jours par semaine, mais de façon répétée dans ces différents endroits. Et puis, il y a eu aussi un volet quantitatif qui répondait là plutôt à un objectif de dénombrement. Puisqu'une de mes grandes questions était, mais bien sont ces personnes ? Cet objet que j'ai dit, finalement, parce que c'est anecdotique, on va me dire, finalement, l'art contemporain à Paris, il n'y a peut-être pas grand monde. Et en fait, ce sont des populations qui sont très difficiles. Habituellement, on fait appel à la statistique publique, à des grandes enquêtes produites par l'INSEE, qui classiquement aident à comptabiliser les professionnels. Sauf que ceux que j'étudie, moi, sont peu nombreux, sont mal inscrits, c'est des professions pas très claires, pas très bien institutionnalisées. Donc, j'ai dû produire mes propres données. Donc, un gros travail de la thèse, ça a aussi consisté à construire. trois bases de données. Une première sur les artistes exposés dans quatre musées en Ile-de-France. Une deuxième, j'en parlais rapidement tout à l'heure, en utilisant les données de LinkedIn, donc d'aspirer des données sur LinkedIn et de les traiter pour essayer de comptabiliser et regarder, comprendre les diplômes et les carrières des intermédiaires de l'art contemporain, donc toutes les personnes qui travaillent, salariées de musées, de galeries, d'entreprises de production en Ile-de-France. Et enfin, une troisième base de données construite, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec une association de techniciennes des expositions, avec qui on a co-construit un questionnaire qu'on a ensuite diffusé à un certain nombre de leurs collègues, et qui a permis enfin d'avoir une idée du profil, cette fois-ci, des techniciens des expositions en Ile-de-France.

  • Speaker #0

    Et donc, en tout, vous avez estimé à quel public, quel nom ?

  • Speaker #1

    Alors sur les intermédiaires, sur les salariés, on a plutôt quelque chose comme 850 personnes qui travaillent en Ile-de-France, dans ces organisations-là. Et ce qui est assez passionnant, c'est qu'on peut aussi voir comment elles circulent d'une organisation à l'autre, comment il y a des passages de personnes qui travaillaient en galerie d'art qui vont travailler ensuite dans des musées ou inversement. Alors qu'on a souvent l'idée en sociologie de l'art que ce sont des mondes, on aurait le pôle de l'institution, le pôle du marché, qui sont des mondes un peu cloisonnés. Et là, on peut étudier vraiment ces circulations-là. et voir comment les diplômes, les carrières se mêlent. Avec une population là vraiment, en plus ça permet aussi d'objectiver un petit peu sa 80% féminine. Même chose sur les niveaux de diplôme, de master 2, de comptabiliser un peu ces choses-là. Sur les techniciens des expositions, pour le coup c'était un petit peu différent, parce que passant par cette association, j'avais un biais d'entrée, et en plus cette enquête arrivait un peu plus tard dans ma thèse, donc là j'avais plutôt une petite centaine de personnes. Je considère que, étant donné celle que je manque, on est plutôt sur 300 personnes, quelque chose comme ça. Mais on voit aussi que la moitié de cette population ne se considère pas comme technicien des expositions. Ils se considèrent plutôt comme des gens, comme des artistes. Et qui, en fait, financent leur activité d'artiste en travaillant dans les montages et démontages, et en travaillant pour d'autres artistes. Et donc, ça permet aussi d'interroger qu'est-ce que c'est la frontière d'un groupe professionnel. Et de se dire, est-ce que c'est qu'une question de ce qu'on fait ? Ou est-ce que c'est une question de... comment on se perçoit dans un groupe.

  • Speaker #0

    Pour poursuivre sur les questions de terrain, avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, je passerai sur la difficulté Covid qui a qui a connu ce conduit à la fermeture des musées au milieu de ma thèse et qui a aussi participé à amplifier le volet quantitatif. Plus spécifique à mon cas d'étude, Saint-Mélio, il n'était pas si facile que ça de se faire un place. Pas si facile que ça de prendre des notes aussi. Ça c'est peut-être quelque chose qui est un peu particulier qui est que par exemple quand j'assistais à des montages d'exposition ou à des démontages d'exposition les gens n'aimaient pas forcément que je regarde que je prenne des notes, ne comprenaient pas forcément pourquoi je faisais ça. Et finalement je me suis vite mise à prendre un appareil photo et là ça se passait beaucoup mieux et quelque part le fait de prendre en photo des lieux de l'espace d'exposition apparaissait comme assez normal et me donnait une place dans ces lieux-là. Et c'est vrai qu'un enjeu, je pense, qui est partagé par tous les terrains, c'est toujours de savoir quelle place les gens peuvent nous donner. Et donc ça, c'est un des exemples.

  • Speaker #0

    D'accord. Et bien alors, dernière question, justement, on parle de place. Quelle est, selon vous, la place que peut tenir un chercheur dans notre société ou une chercheuse dans notre société ? Quel sens on peut donner, en fait, à des recherches en sociologie ? Vaste question.

  • Speaker #1

    Vaste question. Si je repars de cette recherche en particulier, je pense que ça dépend beaucoup du type de recherche qu'on fait, mais ce qui a été important pour moi, c'est la question du regard, et de qui est visible, de qui ne l'est pas, était absolument omniprésente. Et je pense qu'on vit dans une société où notre vision de ce qui se passe, elle est aussi le résultat de qui produit des discours sur quoi. Et il y a des métiers qui produisent des discours, il y a les politiques, les journalistes, dans le milieu de l'art, les commissaires d'exposition. Les chargés de communication sont les gens qui fabriquent des discours et qui donnent à voir un point de vue. sur une situation. Et je pense que ce qui est assez fascinant dans notre métier, c'est qu'on peut aller voir, et dans mon cas tous les gens de la chaîne, et demander à chacun son point de vue sur la même situation. Et que quelque part on produit une nouvelle histoire qui raconte la même chose, mais éclairée par différents points de vue, et qui éclaire aussi des gens qui ne sont pas toujours visibles, voire invisibilisés.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le cas là de votre sujet de thèse.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et pour moi ça a beaucoup de sens de donner à voir. Ce travail-là, ces personnes-là, et plus largement, je pense que ça participe à... qu'en tant que sociologue, un de mes objectifs, c'est de participer à produire une forme d'ouverture d'esprit, à nous donner à voir le monde autrement et à faire réfléchir. Et je pense que raconter l'histoire de ce travail et de ces personnes-là, ça participe à ça. Enfin, je l'espère.

  • Speaker #0

    Très bien. Merci, Brianne. Merci,

  • Speaker #1

    Samia.

  • Speaker #0

    C'était le podcast Objet trouvé du CSO. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous sur votre plateforme d'écoute préférée et faites le savoir autour de vous.

  • Speaker #1

    Science, Science Po.

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