- Speaker #0
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de SimultiPhysique, le podcast ADDL où nous explorons l'impact de la simulation numérique dans les domaines scientifiques et technologiques les plus pointus. Aujourd'hui nous plongeons au cœur du nucléaire, un secteur où l'optique et la photonique jouent un rôle essentiel et pour cela nous avons le plaisir d'accueillir de nouveau Gwenaël Moysan, ingénieur chez ANSYS. Bonjour Gwenaël, comment ça va ?
- Speaker #1
Bonjour Marjorie, je suis très content de revenir.
- Speaker #0
Nous on est content de t'accueillir un peu sur le secteur du nucléaire, est-ce que tu peux nous en dire plus pour commencer !
- Speaker #1
Oui, effectivement. Si on regarde un peu la situation actuelle du monde, on voit que les sujets de la défense, mais aussi de l'autonomie stratégique et notamment de l'énergie sont des points fondamentaux. Et donc, dans ce sens-là, je suis très content d'être avec vous pour parler du nucléaire aujourd'hui. Nous, on est présent sur tout le continent européen pour aider nos clients à utiliser les logiciels dans la simulation optique et aussi dans le nucléaire.
- Speaker #0
Ma première question, c'est dans les installations nucléaires, la surveillance en temps réel est essentielle pour garantir la sécurité et optimiser les opérations. Quels sont les principaux dispositifs optiques utilisés aujourd'hui et comment évoluent-ils avec les nouvelles technologies ?
- Speaker #1
Effectivement, la question de la surveillance est essentielle dans le nucléaire. Il y a tout un panel de surveillance qui est mis en place. On a le contrôle du réacteur qui est peut-être la première chose à contrôler, à surveiller; le refroidissement du combustible ensuite. Il y a aussi tout ce qui est de contenir la radiation et d'éviter sa propagation. Dans tous ces éléments-là, on a besoin de surveillance, de détection, de mesures. Toutes ne sont pas optiques, évidemment. On a des mesures de température, de pression, d'intensité électrique. Mais si on se limite ou on se concentre sur l'optique, on a principalement des systèmes optiques avec des lentilles, donc des caméras pour des inspections dites visuelles. de systèmes par un opérateur. Et donc là, en termes de technologie, de manière classique, on va avoir une lentille, comme dans une caméra, et avec un capteur de type CMOS. Mais là où va se faire la différence peut-être entre un autre système optique qu'on pourrait trouver dans une autre industrie ou une autre application, c'est tout ce qui va être autour. Effectivement, on en reparlera. Les conditions dans lesquelles opèrent ces équipements sont particulières. Et donc, C'est l'intégration du système optique dans un environnement complexe et contraignant qui est critique ici. Une chose qui est importante, c'est l'aspect de la maintenance aussi. Donc tout ce qui va être la maintenance de ces éléments, une fois qu'ils sont mis en place, une centrale nucléaire, ça ne se change pas tous les 15 du mois. Donc il faut que ça puisse rester en service pendant un certain moment, que ça puisse être remplacé évidemment. Donc il y a la thématique optique, mais on voit qu'elle s'inscrit dans un contexte qui est plus large que simplement l'optique. Et donc il y aura tous ces éléments-là à prendre en compte lors de la conception de ce type de système et leur maintien au cours du temps.
- Speaker #0
Oui, effectivement, comme tu l'as évoqué, les environnements nucléaires sont extrêmement exigeants, notamment en termes de radiation, de température et de pression. Comment ces contraintes influencent-elles la conception des systèmes optiques et des capteurs ?
- Speaker #1
Alors tout à fait, on en parlait un petit peu dans la question précédente. Chez Ant6, on appelle ça la multiflipique. Alors ça me fait toujours un peu sourire parce que... La physique, il n'y en a qu'une seule, on n'a pas la physique française et la physique allemande, mais ce qu'on entend par multiphysique, c'est la prise en compte de plusieurs effets de la physique. On va avoir par exemple l'impact de la température sur l'optique, ou l'impact du rayonnement sur la propagation d'une onde, la pression qui va changer plusieurs paramètres lorsqu'un système est en immersion. Donc toutes ces contraintes complexes, importantes, vont devoir être simulées. En même temps, on ne peut pas se limiter à simuler la performance de la caméra toute seule dans sa chambre de test, mais ça va être la caméra, comme je le disais, sous pression, en immersion, exposée à un rayonnement, à une certaine température. Et modéliser cette complexité, on prend différentes branches de la physique et on les simule en même temps, en parallèle, dans ce qu'on appelle un processus multiphysique. On a aussi tout ce qui va être les contraintes mécaniques. Donc, on a ce qu'il faut pouvoir... Je reviens sur l'exemple de la caméra. Donc, il faut pouvoir voir. Il faut que la caméra puisse avoir une bonne performance optique, un MTF qui reste bon. Mais il faut aussi qu'elle puisse tourner. Donc, il peut y avoir un axe de rotation. Il peut y avoir un axe de zoom aussi, donc pour changer la focale. Certains dispositifs sont aussi équipés d'une lampe, en fait, pour pouvoir éclairer pour mieux voir. Et toutes ces choses-là, évidemment... Faire des tests physiques, c'est possible, mais ça coûte très cher. Et c'est là où la simulation est un atout indéniable pour la conception de ces éléments-là. Une autre chose peut-être à prendre en compte, c'est que les contraintes dans l'environnement nucléaire sont spécifiques. Et ça, on en a conscience. En fait, on travaille notamment avec des laboratoires, avec des industriels qui ont leurs propres outils de développement et de conception, de simulation même. Et une chose qui est importante à mentionner chez ANSYS, c'est qu'on a l'initiative qu'on appelle PyANSYS, donc Pi comme dans Python, et qui permet de coupler des... des outils existants. Je pense par exemple à l'outil ShareHub qui est publié sur GitHub par l'autorité de l'énergie atomique britannique, donc le UKAA avec le CEA, mais à d'autres également. Et ces outils-là peuvent bénéficier de certaines fonctionnalités des produits ANSYS par l'initiative Paispeos, puisque l'une de cette initiative, c'est de rendre nos outils disponibles sur GitHub en open source pour qu'ils puissent être utilisés et implémentés dans les outils existants. Ce qui est utilisé en arrière-plan, c'est toujours les solvers et les licences ANSYS. Mais la nouveauté, c'est qu'on peut vraiment les appeler de manière simple en Python et prendre ceux qui y intéressent seulement et l'ajouter dans un processus existant. Et donc ANSYS s'inscrit dans cette approche dite multiphysique, mais aussi multi-outils. On est tout à fait conscient que dans cette industrie, dans d'autres, il existe des outils métiers développés pour un but très précis. On peut penser à la bolométrie, la spectroscopie, qui sont des exemples assez spécifiques. et on peut... prendre le meilleur des deux mondes et créer un nouveau process grâce à ces outils-là.
- Speaker #0
Effectivement. Dans un environnement nucléaire, pourquoi est-il essentiel d'étudier non seulement la lumière visible, mais aussi les spectres infrarouges et ultraviolets ? Et quels sont les principaux usages de ces différentes longueurs d'ondes ?
- Speaker #1
C'est une bonne question et qui nous recentre sur le sujet de l'optique dans le nucléaire. C'est effectivement important de rappeler que la lumière, c'est un rayonnement électromagnétique, mais qui est réparti sur un spectre. On parle de lumière infrarouge, de lumière visible, de lumière ultraviolette et le spectre continue dans les deux sens d'ailleurs. On a les ondes radio, les ondes gamma, etc. Mais au niveau de la simulation, les ondes de la lumière, donc infrarouge, visible et ultraviolette, sont des ondes qui se comportent de manière relativement homogène, ce qui nous permet de les simuler avec le même outil. Et dans le domaine du nucléaire, il y a évidemment des cas où l'œil humain ne peut pas être en contact avec le rayonnement à observer. Et donc c'est pour ça qu'on utilise des caméras. Et donc les caméras ont l'avantage de pouvoir détecter une plage plus étendue du spectre que l'œil humain, avec d'autres limitations évidemment. L'œil humain, c'est un capteur formidable, on a une dynamique qui est incroyable comparée à certains outils qu'on produit, mais les caméras peuvent aller voir certaines choses qui sont invisibles pour l'œil humain. Et c'est pour ça qu'avec la caméra, on n'est pas obligé de se limiter au spectre visible. On peut s'étendre dans le spectre infrarouge, potentiellement l'ultraviolet, mais on va voir beaucoup de... caméras qui détectent et dans le domaine du visible et d'autres qui détectent dans l'infrarouge. Donc il y a par exemple l'exemple de la thermographie infrarouge qui cherche à détecter des fissures en fait dans le domaine nucléaire pour pouvoir les observer avant qu'elles deviennent critiques et aider à la maintenance et au remplacement des pièces. L'ultraviolet alors il n'est pas typiquement utilisé en imagerie. beaucoup plus souvent dans des cas de désinfection. On voit ça aussi dans le médical. Mais il y a un projet dans le nucléaire il y a quelques années de désinfection de l'eau avec de la lumière ultraviolette en Russie, par exemple, dans la centrale de Nikola. Mais voilà, l'ultraviolet, c'est un peu moins commun. C'est surtout le domaine visible et évidemment l'infrarouge qu'on va voir beaucoup dans ces applications-là.
- Speaker #0
Est-ce que tu as un exemple concret à nous partager ?
- Speaker #1
Oui. Alors par exemple, on a travaillé il y a quelques années sur un projet avec le CEA sur la simulation de diagnostics infrarouges dans un réacteur à fusion de type tokamak. C'était dans le programme ITER, un grand programme de recherche sur la fusion nucléaire. Et ce type de réacteur travaille avec des plasmas qui doivent être maintenus à des températures extrêmement hautes. Et pour atteindre ces températures, on injecte des ondes radio dans la chambre du tokamak. grâce à des antennes, des antennes radio. Ce sont de grandes antennes de plusieurs mètres de long. Mais comme elles sont dans la chambre, elles vont se retrouver exposées au plasma. Et donc il y a un système de refroidissement à l'intérieur de ces antennes. Et Onsys notamment a été utilisé pour simuler le refroidissement en prenant en compte les flux. Mais lorsqu'on se concentre sur l'optique, cette antenne, on va devoir la surveiller pour être sûr qu'elle continue à bien fonctionner. Et lorsqu'on est dans le tord du tokamak, les parois sont extrêmement réflectives. Faire la différence entre une température normale et une température due aux réflexions infrarouges dans le système, ce n'est pas évident. On a une caméra infrarouge qui surveille cette antenne. mais on veut pouvoir calibrer, régler cette caméra pour être sûr qu'elle détecte ce qu'on a envie qu'elle détecte. Parce que si la caméra infrarouge qui surveille l'antenne était mal réglée, on pourrait sonner l'alarme trop tôt et mener la centrale à des fermetures non nécessaires, donc coûteuses, ou à l'inverse, des remplacements qui sont aussi non nécessaires si on remplace une pièce alors que ce n'était pas nécessaire. Et donc, pour revenir sur le projet, l'aspect spectral de la simulation était... Il s'agissait de mesurer virtuellement la température dans les parois du tors interne du réacteur pour compenser des points chauds dans l'image capteur. On filtrait l'image du capteur infrarouge. C'est ce qu'on a fait avec Speos pour prédire la réponse globale du système infrarouge, de la caméra, en considérant les sources, les matériaux, la géométrie du tokamak. et pouvoir identifier les points chauds et les corriger pour pouvoir se concentrer sur ce qui nous intéresse, en l'occurrence l'antenne.
- Speaker #0
Merci pour cet exemple, c'est tout de suite plus parlant quand on prend quelque chose de concret dans notre vision. La fibre optique, justement, elle joue un rôle clé aussi dans le domaine du nucléaire. Est-ce que tu peux nous expliquer les avantages, les défis de cette technologie, nous expliquer de quoi ça s'agit, nous en parler un peu plus ?
- Speaker #1
C'est vrai qu'on a beaucoup parlé des caméras, mais donc... Il faut encore que ces caméras, tous ces capteurs, tout type de capteurs, pas forcément optiques, il faut que ces capteurs communiquent avec l'extérieur pour qu'une image ou une information apparaisse sur l'écran de la personne responsable de la surveillance ou de le moniteur. Et un moyen de communication privilégié pour ça, c'est la fibre optique pour avoir une réactivité maximale. Donc on peut avoir des câbles de plusieurs kilomètres, il n'y aura pas de latence, mais on a des contraintes. particulières qui font que les matériaux typiquement utilisés dans la fibre optique classique, on va dire, pas exposés dans les milieux nucléaires, fait que la silice utilisée ne fonctionne pas aussi bien. On a dans le nucléaire des radiations ionisantes qui créent des phénomènes d'atténuation qui vont parasiter ou qui ne sont pas bonnes pour le signal transmis. Donc, que ce soit pour l'optique ou même pour d'autres détecteurs, on a des capteurs à fibre optique. Et ce qu'on voit aussi dans... dans la recherche et à être implémentée en ce moment, ce sont les fibres à réseau de Bragg, qui sont, encore une fois, quelque chose à simuler dans le domaine de la photonique, mais qui ont l'avantage d'être beaucoup plus résistants à des températures élevées et aux rayonnements, ce qui en font évidemment des choix intéressants dans le nucléaire. Et donc, comme je disais, avec ce type d'application, on n'est plus dans le domaine de l'infrarouge, de l'optique classique. Là, à nouveau, on plonge dans la photonique, Mais... Bonne nouvelle, on a aussi les outils pour simuler ce type de phénomène. Je pense à ANSYS MODE, ANSYS INTERCONNECT, qui font partie du grand outil numérical, qui permettent de concevoir les réseaux dans ce type de système, les paramétrer, les optimiser, et puis modéliser l'impact que ces changements vont avoir sur le système final. Et d'ailleurs, à nouveau, je reparle de ces changements d'échelle. Une fois qu'on a ce calcul, cette paramétrisation, En fait, l'umérical est capable de communiquer avec... d'autres outils tels que Zemax Optic Studio ou Speos pour faire une analyse de lumières parasites, d'effets visuels ou de prise en compte du système plus global. Donc la fibre optique va être très utilisée, quelque chose qui a besoin d'être simulée, notamment lorsqu'on introduit des nouveaux systèmes de type fibre à réseau de Bragg.
- Speaker #0
Merci d'avoir plongé dans le cœur d'une centrale nucléaire aujourd'hui avec moi. Est-ce qu'il y a un petit mot de la fin à nous dire ?
- Speaker #1
Peut-être, en mot de la fin, le nucléaire nous montre que dans un contexte physique complexe, le travail entre différentes branches de la physique, entre différentes échelles de la physique aussi, c'est quelque chose qui est très apprécié et très nécessaire pour bien modéliser ce qui se passe. Et c'est vrai qu'Antisys met énormément de ressources dans cet aspect-là, dans le calcul dit multifidique, dans la communication entre outils, bien sûr dans la rapidité, la fiabilité de ces calculs qui restent un différenciateur majeur. Et tout cela peut s'interfacer avec des solutions existantes ou développées en interne, puisqu'on prend en compte la particularité de chacun de nos clients, de chacun de leur expertise. et là où on peut, on souhaite... améliorer, accélérer ce qui peut l'être pour simuler et prédire la performance des systèmes futurs.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Ewen Allen, de nous avoir rejoints encore une fois pour ce nouvel épisode.
- Speaker #1
Avec plaisir !
- Speaker #0
Toute l'équipe ADDL espère que cet épisode si multiphysique vous a plu et à bientôt pour un prochain épisode.