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Sincère(s)

Clémentine Baldon : Plaider pour la planète ou la sincérité d'un combat contre le greenwashing et l'inaction climatique

Clémentine Baldon : Plaider pour la planète ou la sincérité d'un combat contre le greenwashing et l'inaction climatique

49min |15/03/2025
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49min |15/03/2025
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Description

L’Affaire du Siècle, le greenwashing, la justice face à l’urgence climatique…
Dans ce premier épisode de Sincère(s), Clémentine Baldon, avocate engagée, raconte son parcours hors du commun : comment elle a contribué à faire condamner l’État français pour inaction climatique, pourquoi elle traque le greenwashing des entreprises, et comment le droit peut devenir une arme pour protéger l’environnement.


Un échange puissant sur la vérité, l’engagement et l’impact réel.
Peut-on rester sincère tout en étant stratégique ? Comment se battre contre des géants ? Clémentine partage sans filtre son combat de David contre Goliath face aux multinationales et aux États.


Episode conçu et présenté par Anna Casal pour Maïa & Mercure

Direction artistique: Inès Colonna

Musique : Titre:  Running (ft Elske) (Auteur: Jens East - Source: https://soundcloud.com/jenseast - Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr - Téléchargement: https://www.auboutdufil.com)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Sincère. Sincère, c'est le podcast qui parle d'authenticité avec des invités qui viennent témoigner ouvertement à ce micro de leur engagement et de leur valeur à travers leur parcours, souvent sinueux mais toujours inspirant. Je suis Anna Cazal et je vous invite à plonger dans la vie de celles et ceux qui ont fait de la sincérité un moteur et une force. C'est quoi être sincère ? C'est quoi vivre vraiment en accord avec ses convictions ? Et est-ce que c'est possible ? On va essayer d'y répondre aujourd'hui avec ma première invitée, Clémentine Baldon. Alors Clémentine, on se connaît déjà depuis quelques temps. Si je devais résumer ton parcours, je dirais d'abord, avec fierté, parce que tu es mon amie, que tu es une invocate engagée. Preuve en est que tu as fait condamner l'État français pour inaction climatique dans la fameuse affaire du siècle. Tu plaides en France, en Europe, tu te bats contre le greenwashing, sujet dont tu es la spécialiste. Mais d'un point de vue personnel, je sais aussi que tu es quelqu'un d'assez pudique. Tu as... plutôt tendance à porter la voix des autres devant différentes juridictions pour faire éclater la vérité au grand jour et apporter une forme de justice pour le bien de la planète. Alors ce que je te propose aujourd'hui, c'est une conversation sincère bien sûr, on va revenir sur ton parcours, ton engagement et je crois aussi sur le concept de vérité car il apporte un éclairage unique sur ton itinéraire et tes combats. Bonjour Clémentine.

  • Speaker #1

    Bonjour Anna.

  • Speaker #0

    Ma première question elle est très simple. Clémentine, si tu devais expliquer en quelques mots ce que tu fais à quelqu'un qui ne te connaît pas, qu'est-ce que tu dirais ?

  • Speaker #1

    Je commencerais par dire que je suis avocate, et la spécificité c'est que je me considère comme avocate d'intérêt général. C'est-à-dire que depuis que j'ai relancé mon activité d'avocate en abondante, j'ai décidé de me concentrer quasi exclusivement sur des affaires d'intérêt général, c'est-à-dire qui correspondent à un... Un objectif qui a un impact environnemental positif ou social positif. Et donc, je mets mes connaissances, mon expérience d'avocate, d'experte de droit, à disposition généralement d'ONG, qui constituent la plupart de mes clients, pour les aider à faire avancer leur cause. Alors, soit j'utilise le droit comme un... outil plutôt de contentieux. C'est-à-dire qu'on peut attaquer des lois qui sont non conformes à des textes supérieurs. Ça peut être la Constitution, ça peut être des règlements européens et qui vont dans le mauvais sens. Et donc, je peux me ramener à faire des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne ou en France ou par exemple dans l'affaire du siècle devant les juridictions administratives françaises. Soit des contentieux contre des entreprises, ce que tu mentionnais, le greenwashing. Donc, c'est-à-dire... essayer, via le droit, de rendre les entreprises responsables de nous avoir une communication plus transparente et plus éthique, soit sur des sujets plus de commerce international dans lesquels le droit lui-même est un problème, puisque le droit date de cinquantaines d'années et met tout ce qui est protection de l'environnement, le droit humain, au deuxième plan, par rapport, par exemple, au libre-échange ou à la protection de multinationales. Là, j'utilise l'analyse du droit pour voir comment le faire évoluer, comment l'interpréter différemment pour qu'il soit conforme aux enjeux d'aujourd'hui. D'accord,

  • Speaker #0

    très bien. Et donc, du coup, tu disais, tu mentionnais le terme d'intérêt général, mais aussi d'impact. Ce terme impact, on l'utilise beaucoup aujourd'hui, peut-être beaucoup trop, je ne sais pas, à toi de me dire. Est-ce que tu penses que ça a encore du sens de parler d'impact quand on est, par exemple, une entreprise et qu'on se dit à impact ? Est-ce que pour toi ? Ça revêt une vraie signification ou c'est un terme qui est vraiment trop usité aujourd'hui et à tort ? Pour moi,

  • Speaker #1

    personnellement, c'est assez essentiel, puisque moi, ça a été vraiment toute mon activité. Elle est autour de l'impact. C'est-à-dire quand j'ai décidé de ne plus être avocate ou juriste en droit des affaires, mais de réutiliser ça pour justement des ONG d'intérêt général. Hum... Tout mon objectif, c'était d'avoir un impact dans la vie réelle, dans la vie concrète. Donc c'est aussi pour moi ma boussole, quand je décide de m'engager sur un sujet, c'est de dire est-ce que vraiment j'ai une valeur ajoutée, on va apporter quelque chose, c'est utile. Ça reste vraiment une grille d'analyse très forte. Après, il est clair que le terme est un peu aujourd'hui galvaudé. Et la réalité qu'il peut avoir derrière le mot « impact » , je pense que c'est très divers selon les situations. Et clairement, l'impact réel de certaines politiques ou de certaines entreprises, je pense qu'il doit s'apprécier au cas par cas et qu'il n'est pas forcément toujours prouvé.

  • Speaker #0

    Donc, il faut aller creuser derrière,

  • Speaker #1

    et c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur ton parcours, parce que c'est la partie qui, si j'ai décidé de t'inviter pour ce premier podcast, et merci d'être ma cobaye pour ce premier épisode d'une première saison, j'espère qu'il y en aura d'autres. Si j'ai décidé de t'inviter et j'ai pensé à toi tout de suite, c'est parce que tu as un parcours qui est assez original, je pense qui est assez inspirant pour nombre de personnes. Je sais que tu reçois beaucoup de messages sur LinkedIn. de gens qui ont été inspirés à la lecture de tes interviews. Si on revient finalement à l'origine, ton enfance, quel genre de petite fille étais-tu ? Et est-ce qu'il y avait cette fibre déjà sensible à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Alors, quand j'étais une petite fille, j'étais surtout très curieuse. Je posais des questions, je n'arrêtais pas de poser des questions. C'était une sorte de quête infinie de comprendre tout ce qui se passait. De manière générale, j'avais une certaine fibre justicière aussi, c'est-à-dire que j'étais sûrement assez empathique et assez démunie face à l'injustice. J'aimais bien aussi tout ce qui était logique. Les situations qui me paraissaient à la fois problématiques et illogiques m'interpellaient et me donnaient envie d'agir. Je lisais beaucoup de livres policiers où j'aimais bien vraiment avoir tout le déroulement logique, de voir comment ça déroulait. Après, je n'avais pas encore cette fibre environnementale. Moi, j'ai grandi à Paris, loin de la nature. J'avais quand même la chance d'avoir des grands-parents qui avaient une maison pas très loin, en région parisienne, mais quand même dans un environnement plus naturel. Mais autour de moi, il y avait très peu de connaissances, des choses très simples de connaissances. Comment aller végétoire ? tous ces sujets n'étaient vraiment pas du tout importants dans ma vie quotidienne. Mais avec quand même ce sentir bien dans des éléments naturels, mais tout en ayant une incompréhension totale de comment ça fonctionnait, quels étaient les problèmes et comment justement les traiter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te souviens du moment où cette connexion avec la nature est née chez toi ? Est-ce qu'elle est née d'un point de vue intellectuel ou c'était vraiment... Tu t'es sentie connectée ou empathique avec cette nature qui finalement est détériorée au fur et à mesure des années qui passent ? Est-ce que c'était finalement sensoriel ou alors une expérience plutôt intellectuelle ?

  • Speaker #1

    Moi, c'était très intellectuel, comme beaucoup de choses qui se passent chez moi. C'est vraiment venu par la compréhension des sujets, la compréhension de certaines pratiques qui sont justement illogiques et absurdes. Et c'est venu par là. Quand j'ai mon engagement, même jeune, j'étais quand même assez engagée, même quand j'ai terminé les études de droit. J'ai été plutôt interpellée par les droits humains, donc tout ce qui était humain, et le côté environnement est venu finalement après. Et là maintenant, à mon âge, je commence à avoir cette... à la fois cet intérêt et cette empathie pour l'intention. C'est-à-dire quand je vois des arbres coupés, tout de suite, ça me génère une vraie émotion. Donc on est dans l'empathie. Mais le chemin est vraiment venu d'abord par l'intellect. pour arriver à aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Justement, parlons de ton basculement vers une approche engagée et engagée en faveur de l'environnement. Tu as eu deux points de bascule marquants en 2016 et 2017. Est-ce que tu peux nous parler de ces moments avant, après et ce qu'ils ont changé à toi ?

  • Speaker #1

    Alors en 2016, j'étais à l'époque une juriste en droit des affaires. J'avais passé une dizaine d'années en tant qu'avocat. avocate en droit des affaires. Puis j'avais rejoint la direction juridique d'un grand groupe français dans laquelle je faisais, en gros, ce qu'on appelle le droit de la concurrence et le droit de la conformité. Et donc assez classique, au profit de mon entreprise. Et j'étais assez passionnée par ce que je faisais. Mais j'ai eu, à l'aube de mes 40 ans, une sorte de prise de conscience en me disant « mais c'est fou quand même, je fais du droit depuis 16 années, j'y passe beaucoup de temps. » tant beaucoup de passion dans mon travail, mais je n'ai encore jamais travaillé justement pour l'intérêt général, pour des ONG, alors même que c'est clé. Donc je me suis...

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a eu un moment vraiment où ça... Un discours t'a interpellé, une personne, tu te souviens de ce déclic-là ?

  • Speaker #1

    J'ai assisté à une formation interne à mon entreprise qui était donnée par le directeur RSE de Bouygues, Fabrice Bonifet, qui est assez charismatique. Et ça a été effectivement un moment assez clé, puisque je venais de cette formation éthique et donc je ne savais pas du tout de quoi ça allait parler. Et finalement, il nous a parlé de... du risque du changement climatique, des conséquences prévisibles du monde si on ne change pas de modèle, de manière très claire et très convaincante. Et donc, c'était deux heures de présentation qui m'ont clairement complètement interpellée, puisque j'étais choquée, parce que même si j'avais bien entendu une certaine conscience de ces enjeux, Je ne les avais jamais entendues de manière si claire et si convaincante. Donc, je suis sortie de cette formation assez troublée. Tout de suite après, je me dis, bon, comment on fait ? C'est là où on revient sur l'impact. Tout de suite, je me dis, bon, très bien. Maintenant, comment on s'organise pour que moi, dans mon rôle de jeunesse d'entreprise, je puisse amener ma pierre à cet édifice ? Et donc, ça m'a amenée tout de suite, déjà dans le travail interne, à aller vouloir rencontrer tous les directeurs, directrices de l'entreprise pour essayer de... de convaincre et puis d'essayer de comprendre ce qu'on pouvait faire et puis moi personnellement de m'approcher des ONG, d'une en particulier qui est la Fondation pour la Nature et l'Homme en allant les voir, en disant comment je peux vous aider concrètement avec tout ce que je sais faire, je suis avocate je connais très bien le droit européen, le droit international est-ce que je peux vous apporter quelque chose dans vos campagnes ?

  • Speaker #0

    Et ensuite alors ?

  • Speaker #1

    On arrive cette fois-ci un peu plus tard en 2017 ... Il se trouve que justement cette fondation travaillait sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, qu'on appelle le CETA. Et le chargé de campagne qui me reçoit, avec qui j'avais été mis en contact par une amie qui les aidait en pro bono sur leur communication, me dit « bah oui, ça tombe bien, on travaille beaucoup sur cet accord qui pose plein de sujets de démocratie, de... » Il y avait surtout un sujet, c'est que ces accords de libre-échange sont aussi des accords qui prévoient des mécanismes, ce qu'on appelle d'arbitrage d'investissement, en gros qui prévoient que ce qu'on appelle les investisseurs étrangers, donc souvent des multinationales ou alors des entreprises qui travaillent souvent dans l'exploitation de ressources, peuvent attaquer les États, pas devant les juridictions nationales, mais devant des arbitres, donc ne présentent pas du tout les mêmes garanties d'indépendance. Si l'État change ses lois, par exemple, et va, en matière d'environnement, par exemple, décider d'apporter une protection plus importante de ses ressources, et l'investisseur qui voit son investissement finalement impacté par cela peut très bien dire que ça, cela ne tienne. Moi, je vais vous attaquer devant ces tribunaux d'arbitrage pour demander à être indemnisés, puisque ces nouvelles lois, même si elles sont d'intérêt général, portent intérêt à mes attentes légitimes de profit. Et c'est... j'ai découvert ce système qui existait dans le CETA, mais qui existait aussi par ailleurs, c'est ce que je l'ai découvert dans plein d'autres accords, et qui pose un nombre de sujets considérables en matière de choix démocratiques, puisque ça permet, ça donne un pouvoir totalement démesuré à certains acteurs privés qui sont quand même animés par la recherche de profits, et qui vont pouvoir les utiliser de manière très opaque, puisque tous ces mécanismes ne sont pas du tout ouverts, soumis. aux mêmes règles de transparence que les procès classiques, et vont vraiment apporter, enfin, risquent de générer ce qu'on appelle des gels réglementaires, c'est-à-dire qu'un État, notamment s'il n'a pas beaucoup de moyens pour se défendre, et risque des milliards d'indemnités en cas d'adoption de certaines lois protractives de l'environnement, va risquer de dire, finalement, j'abandonne. Par exemple, il y avait un cas qui était assez connu, Vattenfall contre l'Allemagne, dans lequel... L'Allemagne avait pris une loi pour protéger un fleuve et ça a porté préjudice aux investissements de Vattenfall, qui est l'énergéticien suédois. Et donc, finalement, ils ont négocié, ils sont revenus en arrière pour éviter ce type de connation. Aujourd'hui, on en voit de plus en plus, on en voit sur toute l'Italie, qui avait octroyé des droits d'exploration pour de recherche de pétrole le long de ses côtes. à... a accepté de protéger son littoral à la suite d'un mouvement citoyen pour protéger justement l'environnement. Et tout de suite, c'est lui attaqué par Rockefeller, demandant des millions. Donc, c'est un mécanisme qui est à la fois très puissant et très dangereux. Et donc, sur le CETA, ça a été ma première entrée dans ce plaidoyer contre ce mécanisme, puisque ce que j'ai fait, c'est que j'ai rédigé très rapidement, quand je suis allée voir cette fondation, on dit qu'on veut aller... rédiger une saisine du Conseil constitutionnel français contre ces mécanismes-là. Est-ce que tu veux t'en charger ? Je ne connaissais absolument pas le sujet. J'étais en pause.

  • Speaker #0

    Tu t'es plongée à fond ?

  • Speaker #1

    Je me suis plongée à fond. J'ai eu un droit pour le faire. Et donc, j'ai réussi à rédiger cette saisine. On n'a pas réussi à obtenir une décision du Conseil constitutionnel déclarant que c'était mécanisme et des contrats. la question, mais ça a vraiment permis, ça a vraiment alimenté la campagne, et ça a vraiment permis à tout un nombre de politiques, notamment, de comprendre ces mécanismes, et de leur donner une visibilité beaucoup plus large auprès du grand public, parce que, bien entendu, c'est compliqué, et donc il y a toujours le risque que ça se passe behind closed doors, et que personne ne comprenne vraiment ce qu'il en est, donc c'est vraiment l'enjeu, c'est d'arriver à démocratiser la compréhension de, finalement, c'est pas si compliqué que ça. Et il faut absolument les faire évoluer, puisque ça ne marche pas aujourd'hui en matière de climat, mais ça pourrait être en matière de santé publique, d'imposition, etc. Ce sont des armes trop dangereuses pour que les États puissent vraiment essayer d'être plus protecteurs de leur population, de leur environnement, puisque c'est vraiment un obstacle assez majeur.

  • Speaker #0

    Donc là, c'était ton premier pas finalement dans cette nouvelle vie que tu poursuis aujourd'hui. Ce que j'entends quand tu parles, c'est finalement un peu de la méta-analyse du droit. Quelque part, tu analyses le droit avec un regard éthique. C'est cette boussole-là qui te guide. Finalement, remettre en question les lois, c'est quand même un travail qui est compliqué, qui est difficile. Tu vas au-delà de la simple attaque pour greenwashing. Et en tout cas, dans ce premier cas-là, c'est une expérience qui a dû te marquer. Est-ce que ça t'a encouragée à continuer ? Est-ce que ça a bouleversé ta vie après ?

  • Speaker #1

    Alors, ça m'a vraiment marquée sur deux plans surtout. Le plan personnel, quand je suis arrivée un peu la bouche en cœur en disant est-ce que je peux vous aider ? Je n'avais aucune garantie que je servais à quelque chose puisque j'arrivais à 40 ans, je n'avais fait que 2 ou 3 des affaires. Je ne savais pas du tout si j'étais compétente. Donc ça, ça a été vraiment le premier aspect de voir que oui, ça va, j'étais compétente, j'avais vraiment quelque chose à apporter. Et finalement même... cette vie d'avant était très utile pour arriver à regarder les choses d'une manière différente. Et donc ça, c'était très... C'était majeur pour moi de dire, OK, je sers à quelque chose là-dessus. La deuxième, c'est effectivement moi qui avant étais un petit peu la tête dans le guidon. Et donc j'étais spécialiste du droit des affaires, du droit de la concurrence. Et donc j'utilisais le droit que je connaissais. pour, j'étais en fait... Servir des internes. Voilà, pour servir des internes, qui parfois sont tout à fait légitimes. C'est-à-dire que l'entreprise par laquelle je travaille, qui était une entreprise qui faisait des choses bien, c'est-à-dire que je venais me voir en interne, et avant, quand j'étais avocate d'affaires dans des cabinets internationaux, certains clients venaient me voir en disant, toi, Clémentine, spécialiste dans la concurrence, on a ce dossier, ce problème, à toi de le mettre en œuvre. Et de travailler, donc, avec des plaidoyers qui, eux, Leur but est effectivement de changer le droit. Ça m'a complètement changé d'angle, de vision, de me dire en fait, aujourd'hui dans les mécanismes juridiques qui existent, certains sont très problématiques. Donc il va falloir, si on veut collectivement avoir une société qui est plus juste, clairement, d'une manière plus large, il va falloir les changer. Et donc j'ai découvert ces... Là, j'ai découvert en fait ces règles qui... qui sont vraiment des héritages post-coloniaux. Et je me dis, non, en fait, il va falloir que j'y passe de l'énergie, je ne vais pas m'arrêter là, et je vais continuer. Et en fait, c'est un sujet sur lequel je vais vraiment me battre, et c'est, je pense, mon combat depuis, en plus de tout le reste. Mais c'est vraiment quelque chose dans lequel je suis devenue très spécialiste. J'ai tout un nombre d'articles dessus, parce que j'ai voulu creuser ensuite, de comprendre pourquoi les États ont accepté. d'aller abdiquer d'une grosse partie de leur souveraineté pour accepter de se faire attaquer devant des arbitres sans aucune garantie, tout ça opaque et risquant des milliards. Vraiment, de manière très naïve, je n'ai pas compris. Je me suis dit, mais c'est super étonnant. Et j'ai découvert que oui, ça arrivait dans les années notamment 90. Il y a une certaine question, on peut dire à l'instar, ça fait partie d'un État moderne aujourd'hui, il a sa règle de conférence, il a ses accords de protection d'investissement, c'est comme ça. Alors même qu'il n'y a absolument aucune étude économique qui démontre que ce type d'accord d'investissement va avoir un impact sur la possibilité d'un État d'investissement. Ça revient un peu sur des ressorts chez moi, c'est-à-dire du côté, c'est absurde, c'est illogique, c'est injuste. Donc, il va falloir trouver une solution. Et donc, depuis, j'ai continué à travailler pour ces ONG, donc la Fondation pour la nature et l'homme et l'Institut Weblen, qui était aussi l'autre ONG sur ce sujet. Et ça fait partie de, je dirais, un tiers de mon activité, de réfléchir à des stratégies pour voir comment on peut aller... les contester, utiliser d'autres normes supérieures comme la Convention européenne des droits de l'homme, les constitutions, pour aller trouver quand même les incohérences. Et ça m'a, moi, totalement donné de l'énergie et de l'envie de dire, je me lance, puisque après cette première expérience, c'est à quelques mois après que je quittais mon entreprise, je me réinscrivais au barreau, donc je redevenais avocate indépendante, avec l'idée... non testées, sans business management, de dire je vais travailler pour ces gens que je trouve exceptionnels, qui ont compris des mécanismes, qui ont une vision effectivement plus globale, plus géopolitique, et je vais les aider puisque je pense que c'est juste et c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Donc ça a eu un impact sur ta vie personnelle, j'imagine qu'il faut un sacré courage pour quitter un poste finalement sûr dans une entreprise et se lancer à corps perdu contre des mastodontes, un état... C'est quand même impressionnant, c'est un peu David contre Goliath, quelque part.

  • Speaker #1

    C'est totalement David contre Goliath.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais conscience de la difficulté qui t'attendait ? Et est-ce que ce n'est pas cette difficulté-là aussi qui t'a motivée ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas forcément une difficulté, au contraire, c'était le fait qu'on avait eu un impact. C'est-à-dire que moi, qui ne connaissais rien, en un mois, j'avais déjà eu un impact très sensible, même si finalement on n'a pas obtenu une décision du Conseil constitutionnel qu'on attendait, mais j'avais déjà eu un impact. Et donc, je me dis, wow, c'est fou, quand même. En peu de gens, on arrive à avoir ça. Et après, est-ce que c'est du courage ? C'est-à-dire une certaine audace de dire, moi, je serai capable d'apporter ma pierre et j'ai confiance. Donc oui, il y a une certaine audace. Courage, je ne sais pas, parce que la vie, c'est bête, mais la vie est courte. Et quand on sent, quand on est animé par une certaine passion à un moment et une certaine certitude, une certaine lucidité de se dire, c'est ce que je dois faire par responsabilité. C'est assez naturel. Et aller rester dans un poste qui ne correspond plus à ce qui fera sens pour moi, je pense que derrière, d'un point de vue personnel, le courage de rester dans un job qui ne vous voit plus, finalement, ce n'est pas un bon choix, même d'un point de vue personnel. J'ai aussi ressenti une certaine plénitude de se dire, wow, j'arrive à... à faire des choses très compliquées, avec un impact, et je sens que c'est ce que je dois faire. Et donc, c'est devenu finalement assez naturellement. Mais oui, un petit peu d'audace, de se dire, j'y vais, je ne sais pas trop où je vais, mais je sens que c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Et ton entourage professionnel et personnel, quelle a été leur réaction ? Est-ce que tu penses qu'ils ont été étonnés ? Est-ce que tu as eu des réactions autour de toi ? Ou bien, finalement, ça te ressemblait, ce choix-là ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'ils trouvent que ça me ressemblait, ce choix-là. Je ne leur ai pas dit tout de suite, parce que finalement, petit à petit, je me suis installée et j'ai continué à travailler là-dessus. Mais clairement, aujourd'hui surtout, il s'est passé du temps, et puis depuis, j'ai eu quelques succès. Tu parlais de l'affaire du siècle, qui est un autre type de procès, mais qui m'a permis aussi, qui vient... Oui, on va écrire des articles, mais du coup, ça a permis à mon entourage, tout à coup, de dire « Ah tiens, c'est drôle, effectivement, c'est ça » . Je pense que pour eux, ils ont une certaine fierté de dire « Waouh, c'est bien d'avoir quelqu'un qui va se balader pour l'intérêt général, etc. » . Donc, je pense que plutôt une certaine fierté, y compris de l'entourage, c'est bien et c'est plutôt en raccord avec, je pense, ma personnalité. Personne jamais m'a dit « Bah non » . Qu'est-ce que tu fais ? Ce n'est aucun intérêt. Tu perds ton temps. Tu devrais être tranquillement juriste d'entreprise. Et ça serait moins dangereux pour ta vie personnelle. En tout cas, je n'ai jamais eu ce type de retour, ni même dans des gens très proches de moi.

  • Speaker #0

    Donc, ça a été assez naturel, assez organique, finalement, ce qui s'est passé. Tu as écrit, et c'est important, je pense, pour les femmes qui sont autour de la quarantaine d'entendre ce genre de témoignages. Mais on va revenir à l'affaire du siècle. Donc ça, c'est une affaire historique. C'est ce qui a mis la lumière, finalement, sur la valeur de notre travail. Est-ce que tu peux me raconter un petit peu les moments les plus marquants pour toi dans cette séquence de ta vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    L'affaire du siècle, en fait, ça a commencé pour moi. Donc, j'avais fait ce premier cas pour la FNH. Et mon chargé de campagne m'a rappelé en septembre 2018 pour dire, ben voilà, on a cet objectif, ce nouveau cas, à la suite d'un cas similaire au Pays-Bas qui s'appelle l'affaire Ausha. Ce collectif d'associations souhaite mettre l'État français face à sa responsabilité et attaquer en justice l'État, ce qui ne fait pas assez pour lutter efficacement contre le changement climatique et que c'est contraire à ses engagements dans l'accord de Paris, même dans la Constitution. Et donc on va utiliser le procès pour essayer de demander aux juges de condamner l'État à en faire plus. Et c'était assez ambitieux, parce que déjà, rien que le nom de l'affaire, l'affaire du siècle, dès le début, c'était approprié.

  • Speaker #0

    Comment il a été choisi, ce nom-là, l'affaire du siècle ?

  • Speaker #1

    L'ONG, à la base de ce projet, ça s'appelait Notre Affaire à Tous. D'accord. Donc, c'était une sorte de jeu de mots entre l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire. Et puis, l'idée que ça allait vraiment être une affaire importante. Et c'est vrai qu'ils ont bien fait les choses, puisque c'est une affaire juridique, mais c'était aussi un outil extrêmement puissant de mobilisation. puisqu'ils étaient, avant même de lancer le procès, ils avaient organisé autour d'un collectif d'influenceurs qui avait fait toute une vidéo qui a donné lieu d'ailleurs à... une sorte d'orchestration, le lancement de l'affaire du siècle. On avait la vidéo avec les influenceurs, une pétition qui était extrêmement vue et signée, parce que je crois qu'encore aujourd'hui, c'est la pétition la plus signée de l'histoire de France, par, je crois, 2 millions 8. Et après, le procès, l'action juridique. Donc moi, je suis juste le support juridique qui est important. Et bien sûr, je fais partie d'un collectif. C'est-à-dire qu'on était plusieurs avocats dans ce lancement. Et moi, je suis seulement l'une d'entre elles. Parce que quatre associations sont les demandeurs. Donc FNH, que je représentais, Oxfam, Greenpeace et Notre Affaire à Tous. FNH,

  • Speaker #0

    c'était la fondation Nicolas Hulot.

  • Speaker #1

    Voilà, qui était à l'époque la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme. l'Organisation pour la Nature et l'Homme. Et donc, les grands moments, ça a été le lancement. Ça a été assez impressionnant, puisque je me souviens que vous avez lancé une conférence de presse. Oui. On va attaquer l'État en justice.

  • Speaker #0

    On peut dire les images. Je me souviens des images. Oui, oui. On ne se connaissait pas à l'époque, mais ça m'avait marquée.

  • Speaker #1

    On était tous dans une salle et il y avait les chargés de campagne, certains influenceurs qui étaient tous devant leur ordinateur. Et tout à coup, il voit que la pétition est signée, 500 000, 1 million, je crois que le système a un moment à casser, parce qu'il y avait tellement d'options, et c'était complètement inattendu de voir l'ampleur que prenait cette action. On l'a vu, c'est juste qu'on lance une action pour attaquer l'État, pour manquement dans son action de changement climatique. Donc, en soi, ce n'était pas totalement... Nouveau, c'était nouveau de le faire sur le climat, mais l'État a été attaqué et condamné sur le sang contaminé, sur les algues vertes, sur la miante. Enfin, on a des précédents.

  • Speaker #0

    Mais cette ampleur-là, elle a dû vous motiver. D'autant plus, vous aviez une responsabilité d'autant plus grande que des millions de gens étaient derrière.

  • Speaker #1

    Oui, c'était fou. C'est-à-dire qu'effectivement, nous, toujours en bon juriste, on était là, alors c'est compliqué, on n'est pas sûr de gagner. Sachez qu'il y a peu... Donc, toujours à mettre un peu des freins en disant... On va essayer de faire ça le plus sérieusement possible, mais sachez qu'il y a certains challenges dans le lien de causalité, dans le préjudice écologique. D'un point de vue juridique, on avait tout un nombre de challenges importants, parce que ça demandait vraiment certains changements dans l'analyse du droit par les tribunaux. Et c'est vrai que ça nous a donné des ailes, ça nous a permis, je pense, aussi, de montrer que c'est un tel sujet de société, je pense, que ça a eu forcément un impact. Sur la décision, je pense que ça nous a vraiment aidé, ça a été une rétroalimentation positive. Et après, le grand moment, c'est quand on a gagné.

  • Speaker #0

    Puisque contre toute attente...

  • Speaker #1

    Pour une fois, je me souviens des images, des micros tendus.

  • Speaker #0

    Oui, c'était fou parce qu'il y a eu plusieurs décisions de justice et ce n'est pas l'objet de rentrer dans les détails de succession. Mais la première décision du Conseil d'État dans une affaire qui était lancée en parallèle et dans laquelle on était aussi intervenant volontaire, qui s'appelle l'affaire Grande-Synthe, le Conseil d'État. La première décision du Conseil d'État. qui a décidé que les engagements de réduction de gaz à effet de serre étaient contraignants pour l'État, c'était déjà totalement révolutionnaire d'un point de vue juridique, et donc annonçait le fait qu'on avait potentiellement une possibilité de faire condamner l'État. Et après, l'audience aussi, en plein Covid, tous avec leurs masques, dans le tribunal administratif, et après l'autre décision positive, sont des moments très clés, très forts de cette affaire.

  • Speaker #1

    Est-ce que régulièrement, ça te booste d'y repenser, d'avoir un succès comme ça, d'une telle ampleur, d'avoir vraiment ressenti un vrai impact ? Et puis un impact non seulement sur ce sujet-là, mais avoir embarqué autant de citoyens autour de cette Ausha. Est-ce que parfois, tu y repenses aujourd'hui, comme une référence que tu aurais dans ta vie professionnelle ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que je suis une éternelle à cette fête. Je veux toujours aller plus loin. D'ailleurs, maintenant, on est à faire du secte. Super. Pas ça pour tout le monde. Non. Et même pas que c'est autre chose. C'est-à-dire que je suis toujours dans l'idée de l'impact. Concrètement, qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'on va s'en servir qu'en précédent ? Comment ça va être ? Donc, je suis toujours sur le coup d'après. C'est un peu les avocats. C'est-à-dire que les ONG, elles continuent leur campagne, etc. Nous, on monte dans des bateaux. Un moment, c'est le changement climatique. Un autre moment, c'est la biodiversité. Et donc, j'y pense souvent comme référence, mais aussi comme responsabilité de se dire tout ça. On a embarqué tout le monde. Certes, c'est une super mobilisation, ça a sensibilisé beaucoup de gens, mais ça ne peut pas être suffisant. C'est-à-dire que si on a embarqué tous ces gens-là, c'est aussi pour en faire quelque chose de concret. Et là, ça devient compliqué. Comment on pousse un État à en faire plus ? Sur quel sujet il faut en faire plus ? Qu'est-ce qu'on va pouvoir, derrière, annuler ? Comment ça peut aller en dehors de la France ? Et c'est vrai que, par exemple, sur l'Espagne, j'ai pas mal échangé avec toute l'équipe juridique qui a... qui a lancé le cas climatique espagnol, qui n'a pas été aussi successful, mais qui a aussi son intérêt. Donc, je suis toujours dans la mise en œuvre pratique de cette décision.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais ça te porte quelque part ?

  • Speaker #0

    Oui, ça me porte en me disant si on arrive à faire ça, on a une responsabilité d'aller plus loin et d'arriver à opérationnaliser des résultats juridiques. et à faire que ça soit concret, qu'il y ait un vachement. Et sur ces sujets-là, en fait, c'est déjà le simple. Oui.

  • Speaker #1

    Tu disais qu'au début, en introduction, tu dis qu'il y a deux volets à tout le travail. Il y a ce volet-là, que nous viens d'évoquer, mais aussi un volet greenwashing, qui est un des gros enjeux contemporains. Notre podcast s'appelle Sincère. Là, on touche justement à cette authenticité, à cette sincérité. Tu es pionnière sur ce sujet, pour toi. Aujourd'hui, pourquoi les entreprises, elles continuent à céder à cette tentation du greenwashing ? Ça paraît incroyable en 2024-2025 de continuer à prétendre des choses qui ne sont pas réellement.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a plusieurs types de situations. Il y a les entreprises qui pensent qu'elles font les choses bien et qui, par méconnaissance de leur réglementation, vont faire un discours disproportionné. pas toujours mal intentionnées, mais elles font des choses bien parce qu'elles ont un peu travaillé sur baisser leurs émissions, sur les recyclages, et donc tout à coup, on a une grande campagne de publicité là-dessus, mais qui va occulter le fait que l'entreprise, elle a toujours un business model qui est réjuncible. Et donc, en soi, ça reste le greenwashing d'avoir ce message proportionné. Il y a peut-être certaines entreprises qui sont un peu cyniques et qui, du coup, voient que l'argument écologique porte et donc vont l'utiliser sans finalement se préoccuper. de savoir la réalité ou pas. J'espère que ce n'est pas la majorité, mais c'est possible. Et après, parce qu'on est quand même dans une ère, ça ne t'échappera pas, de vérité alternative et que le discours vaut ce qu'il vaut et que tant que personne ne dit rien, tant qu'il n'y a pas de risque, aller faire une grande justice sur son impact écologique, même si ça ne veut pas dire grand-chose dans la réalité des faits. C'est devenu mon renacquant. Ce qui est compliqué, c'est que même les États, enfin, je veux dire, les politiques, les premiers à faire du greenwashing aujourd'hui, malheureusement, c'est nos politiques, voire même nos lois. C'est-à-dire qu'il y a toujours cette tendance à vouloir dire qu'on fait plus que ce qu'on fait vraiment. Mais ça marche même dans certaines réglementations qui sont adoptées. Les politiques vont avoir tendance à dire « Ah, super, on a adopté la taxonomie, donc maintenant, toute la finance va devenir verte. » qui, quand on regarde un tout petit peu le texte, n'est absolument pas le cas.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce discours vert, ce n'est pas déjà un premier pas vers un changement de fond ?

  • Speaker #0

    Malheureusement, pas toujours. D'accord. Ça peut arriver que dans certaines entreprises, le fait de pouvoir valoriser son investissement ESG en faisant une campagne de pub et pour montrer comment on avance, ça peut être... un argument qui va permettre à l'équipe dirigeante de se dire, ça vaut le coup, ça vaut le coup de s'engager dans, je ne sais pas, le recyclage, les émissions, etc., puisqu'on va pouvoir en valoriser. Donc, ça peut arriver, mais ce qu'on voit, c'est souvent, soit parce que les concurrents le font, ou parce que, je ne sais pas, les équipes marketing, communication, pas forcément mal intentionnées, mais elles vont être amenées à utiliser ces arguments sans forcément qu'il y ait une réalité. Alors, si, donc... Je ne suis pas sûre que ça soit démontré que ça soit un premier pas, malheureusement, mais par contre, ça peut aussi plomber la petite entreprise qui fait les choses vraiment bien, qui est extrêmement sérieuse sur sa chaîne d'approvisionnement, sur le cycle de vie de ses produits, sur la manière dont elle va faire ça comme qu'on se voit et qui se retrouve face à des mastodontes qui font peut-être un petit peu, mais sur rien à voir. Elle, pour le coup, elle ne va jamais arriver. à être identifié comme tel par les clients. Et donc derrière, son business model ne va pas pouvoir l'utiliser. Donc je pense que de manière générale, je pense qu'au global, ça a plus d'effets négatifs sur la transition que positifs. Et c'est pour ça que moi j'ai décidé de m'y mettre, en me disant que c'est important, parce qu'il ne faut pas dire n'importe quoi. Et c'est important de pouvoir valoriser l'argument écologique quand il est réel. Et donc, c'est pour ça qu'on s'est lancé. Après, la Commission européenne, a priori, elle est d'accord avec moi, puisque les lois en termes de greenwashing deviennent de plus en plus strictes. Et la réglementation, la dernière, la directive, elle s'appelle la directive pour donner au consommateur le pouvoir d'agir en faveur de la transition. Donc, l'idée derrière, c'est de se dire que le consommateur ne peut pas agir en faveur de la transition s'il est bombardé d'informations dans tous les sens et qu'il n'est pas tout à fait capable de faire la différence entre un produit, un service et un autre.

  • Speaker #1

    D'accord. D'accord, mais moi, je suis communicante, tu le sais. Je joue souvent avec les mots pour rendre des discours parfois plus acceptables qu'ils ne sont en réalité. Est-ce qu'à ton avis, on peut rester sincère tout en étant stratégique quand on est une boîte ? Je pense, oui, je pense vraiment.

  • Speaker #0

    Et moi, ça m'arrive aussi. Ce n'est pas le cœur de mon activité, mais ça peut m'arriver de travailler en conseil pour certaines entreprises. Et on se rend compte que finalement... C'est très vertueux. C'est vertueux parce que ça permet au sein de l'entreprise, notamment les entreprises compliquées, quand on les challenge, de dire, mais vous dites ça, mais concrètement, c'est quoi ? Donc, ça leur permet en interne de bien comprendre leurs impacts, les secteurs les plus problématiques dans leur business, etc. Donc, en interne, ce n'est pas toujours le cas et ça leur permet aussi d'avoir un échange d'informations entre les communicants, les marketeurs. ceux qui sont sur la production, etc. Et je pense, en tout cas c'est vrai, des milieux qui sont les plus sensibles aux impacts écologiques, mais finalement ça va être eux qui seront aussi les plus sensibles aux discours écologiques. Ils vont tout à fait comprendre qu'une entreprise ne peut pas faire tout bien, et donc un discours très transparent de dire, par exemple, on ne fait pas tout bien, mais ça en fait mieux, ça sera peut-être un discours plus sophistiqué. Moins évident parce qu'effectivement, la pub, elle ne tient pas en un grand slogan « faites le mieux pour la planète » . Mais mon intuition, après moi, je ne suis pas marketeuse, donc je n'ai pas vu d'études. Mais mon intuition, c'est que ça va créer cette relation de confiance plus simplement avec les consommateurs. Et aujourd'hui, dans lequel les marques ont leurs réseaux sociaux, racontent des histoires, cherchent à cette proximité, j'ai l'impression que ça va être... Ça va être vraiment un vecteur d'adhésion à la marque. Je pense des marques comme Patagonia, des marques qui sont très fortes dans leur identité. Il faut qu'elles fassent très attention, justement, d'autant plus, et qu'elles peuvent très bien raconter un peu crûment, de se dire, voilà ce qu'on fait bien, voilà ce qu'on fait moins bien. Et je suis sûre que, en tout cas, cette confiance, à terme, va apporter plus sur l'attachement à la marque. À l'inverse, un discours extrêmement simplificateur. sur un produit dont on sait qu'il est problématique, va générer directement de la méfiance. Donc, je ne suis pas sûre que l'équation soit la plus intéressante. Après, bien sûr, il y a les risques juridiques de combattre, et de backlash, et de name and shame, etc.

  • Speaker #1

    Très bien. Maintenant, pour revenir un petit peu à tes défis personnels et professionnels, à ton avis, là, aujourd'hui, à l'aube de 2025, quels sont les obstacles les plus difficiles que tu rencontres dans ton métier aujourd'hui ? Est-ce que tes confrères comprennent ton combat ? Est-ce que tu penses qu'il y a beaucoup trop de choses à faire ? Est-ce que tu invites d'autres avocats à faire le choix que tu as fait ?

  • Speaker #0

    Mon défi le plus important, c'est que c'est vraiment des combats de David et Goliath tout le temps. Mais en soi, ça va. C'est quelque chose que j'ai intégré comme une composante. C'est-à-dire qu'il n'y a aucun sujet simple. Ce qui est aujourd'hui même le plus compliqué, c'est qu'on change géopolitiquement. On a un gros changement dans lequel...

  • Speaker #1

    Les sujets écologiques passent au second plan, finalement.

  • Speaker #0

    Exactement. Mais en soi, vraiment, on a un atre qui va arriver aux pouvoirs aux États-Unis. On a aussi envie de se réindustrialiser et c'est compréhensible. On a une polarisation absolument énorme de la société. C'est compliqué. Moi, je ne fais pas de plaidoyer, donc ça doit être compliqué pour les gens qui font du plaidoyer parce que c'est difficile de pousser ces sujets là-dessus. Pour moi, c'est comment aborder aussi cette complexité parce que je pense que c'est important de l'aborder. Il ne faut pas être dogmatique même quand on est dans l'écologique. C'est-à-dire que je pense que c'est important de comprendre aussi l'impact géopolitique de réglementation qu'on peut prendre en Europe. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que moi, je m'intéresse aux accords de libre-échange, aux accords de protection d'investissement et aux droits nationaux de comment on fait les choses en Europe. Je pense que c'est important de toujours se poser cette question. Et même moi, quand je bosse pour des ONG, je me demande toujours est-ce que je pense que c'est bien ? Est-ce que c'est un impact ? Et c'est vrai que parfois, on peut être amené, moi-même, je peux être amenée à défendre un collectif qui est contre l'implantation d'une ligne THT pour décarboner une zone. Donc, ce qui est compliqué, c'est ça, c'est cette... C'est cette sophistication de dire, oui, allez mettre des EOLiennes, allez décarboner, c'est bien. Il faut éviter les motos thèmes, genre on décarbone, donc finalement, c'est bon, on va couper plein d'arbres pour mettre des plaques solaires. Donc, arriver à aborder cette complexité, et puis la grosse difficulté, c'est la justice qui est démunie, qui n'a plus de ressources. Donc, c'est-à-dire que le procès, il n'a l'impact que derrière, si on a des juges qui ont le temps. Et donc ça, je pense, ça va être de plus en plus important, notamment pour les contentions en France. Et donc, d'arriver dans un monde qui simplifie, même la justice, elle est quand même victime de ça, d'arriver à...

  • Speaker #1

    À entendre la nuance.

  • Speaker #0

    Exactement. Ça reste, la justice, un endroit où on peut débattre vraiment avec des preuves scientifiques, etc. Mais on sent que ça, ça va être de plus en plus difficile. Donc, c'est-à-dire vraiment ce lien entre la justice, la géopolitique. et le temps et les ressources. Et mes confrères, je pense qu'ils comprennent tout à fait. Et je pense que c'est un sujet aussi, même les avocats d'affaires aussi. Ce qui est bien, c'est que quand on lance, par exemple, un procès en greenwashing, derrière, ce procès va être utilisé par mes confrères en droit des affaires pour aller en interne, former les équipes, enfin, former leurs clients et leur dire, attention, vous avez un risque contentieux. En vrai, c'est juste mon contentieux, mais vous avez un risque contentieux. Donc, derrière, il y a une sorte d'écosystème plutôt vertueux. qui se mettent. Donc, en tout cas, ça va être des difficultés. Et puis, on va voir comment, forcément, mon activité sera impactée aussi de ce qui se passe dans le monde de manière générale, d'un point de vue aussi de financement. Comment vont continuer à travailler la société civile si vraiment elle sera complètement bloquée ? Auquel cas, à la fois la justice, ça sera peut-être un dernier rempart, mais plus difficile, encore plus lourd, encore plus... David et Goliath.

  • Speaker #1

    En tout cas, bravo de trouver l'énergie de continuer face à ce changement de paradigme et avec un monde qui bouge aussi vite, avec de plus en plus de contraintes économiques et géopolitiques, je l'entends. J'ai une dernière question. Est-ce qu'on peut vivre aligné avec ses valeurs ?

  • Speaker #0

    Tout dépend de ce que veut dire aligné avec ses valeurs. Je pense qu'il ne faut pas se fouetter non plus de chercher à être parfait. En tout cas, moi, je ne pourrais pas, sinon, faire ce que je faisais si à chaque fois que j'ai un combat plutôt environnemental, aussi peut-être démocratique. Donc ça, c'est mon travail. Dans ma vie perso, forcément, c'est un impact. Et j'essaye d'être la plus proche possible de ces convictions. Mais on ne peut pas tout nous faire porter. C'est-à-dire qu'il y a un moment, oui, je suis végétarienne, oui, j'essaye de limiter les transports inutiles en avion. Mais ça serait totalement injuste et inefficace de se dire parce que tu portes des combats environnementaux, il faut que tu aies plus de portables, tu ne prendras plus jamais l'avion, etc. Et c'est là où l'impact est utile pour moi, de se dire, moi, je veux un impact, et c'est l'impact que je cherche, donc comment je vais pouvoir me rendre quand même la vie pas trop trop compliquée, tout en poursuivant cet impact important. Donc ça, c'est l'impact. Après, les autres valeurs, oui, les valeurs d'honnêteté, de tolérance, de sincérité, etc. Celles-là, oui, comme tout le monde, je pense que c'est important d'être... d'être en cohérence. Donc ça, je pense que c'est très important. Et moi, ça a été effectivement ce changement de carrière qui, bien sûr, a un impact économique certain, mais gérable. Après, chercher un alignement parfait avec ces combats, il faut, je pense, mettre le curseur à un niveau où ça sera possible sans affecter trop fortement. sa capacité à vivre, à être en famille avec des gens qui ne pensent pas comme vous, dans vos amis, dans vos enfants, dans vos conjoints, et arriver à trouver un équilibre qui fasse que vous ne deveniez pas complètement ayatollah avec votre entourage, je pense que ça serait complètement contre-productif, mais que pas ce que vous faites. Vous donnez plutôt envie en vous disant « Ah oui, finalement, c'est bien » , plutôt que d'imposer un mode de vie qui est... qui est complexe aujourd'hui dans le système dans lequel on vit. Ça sera peut-être un jour différent, mais aujourd'hui, il faut quand même s'inscrire dans son système. Et en tout cas, moi, la manière dont je l'aborde, c'est plutôt par le système, à l'intérieur du système, utiliser les outils du système et essayer de les faire changer. Mais je n'ai pas aujourd'hui, en tout cas, de porter une position qui est de se dire je jette tout le système à la poubelle et je me bats contre ça, parce que ça, pour le coup, je ne suis pas sûre que j'arriverai à porter ça sur mes épaules aujourd'hui, en tout cas.

  • Speaker #1

    Donc, réalisme et nuance, c'est un peu les deux messages que tu portes aujourd'hui. Si tu avais un message à transmettre à ceux qui nous écoutent, qui veulent s'engager à leur échelle, qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Moi, de mon expérience à moi, ce que j'en tire sur ça, c'est que je suis quand même assez stupéfaite par la possibilité de faire bouger des choses assez lourdes, assez énormes. Parce que là, on parle de traités, etc. Est-ce qu'on n'a pas parlé d'un cas qui me tient à cœur, mais où vraiment on a... Moi, j'étais l'avocate, mais avec des organisations, on a vraiment arrivé à faire connaître l'impact très négatif d'un des traités d'arbitrage, le traité de la charte de l'énergie. Et ça a eu un impact dans la vie réelle, puisque l'Europe en est sortie, tout un nombre de pays en sont sortis, en partie grâce à l'action qu'on a apportée devant la Cour européenne des droits de l'homme. Donc moi, je suis stupéfaite de l'impact qu'il peut avoir un petit groupe de personnes sur des réalités qui semblent émuables. Donc ça, c'est leur premier message, de se dire finalement, alors chacun avec ce qu'il a comme bagage, comme possibilité, c'est peut-être pas le bon moment, il faut quand même avoir un petit peu l'air insolite pour se dire, allez, je me lance, c'est-à-dire qu'il faut attendre le moment. Mais je le vois, et moi je le vois d'autres personnes, c'est-à-dire que chacun a quand même, justement on revient sur l'impact, mais peut avoir un certain impact, et la manière de le faire, parce qu'effectivement au début c'est... Un grand pas en amont dont on ne sait pas du tout où il faut aller, qui compacter, comment, quel est le premier pas. Moi, ce que j'ai trouvé utile pour moi, c'est de me dire, moi qui étais vraiment très sérieuse professionnelle, je me dis, je vais traiter mes cas, c'est-à-dire avant même d'avoir des clients, je vais traiter mon cas aussi sérieusement que si j'avais un client. Je paye très bien quand j'étais en cabinet d'affaires. Si je passe deux semaines où je me dis tel sujet qui me tient vraiment à cœur, moi c'était traiter l'arbitrage, mais ça peut être, je ne sais pas, les pesticides, le plastique. la violation des droits humains, etc. Et c'est ce que je donne comme conseil souvent quand on se mentale, c'est-à-dire vous prenez ce sujet-là, qui vous tient à cœur, et vous y mettez, vous dites, je suis payée. Vous imaginez que c'est votre dossier. Et d'ouvrir un champ des possibles, c'est-à-dire, comment on peut, pour les juristes, après, il y a bien sûr tous les autres métiers, mais de prendre très très sérieusement, de manière très carrée, et donc, il y a moins peut-être cette peur du vide, de se dire, par où je commence ? et ce que je montre en NG, etc. Mais de dire, je prends ça comme un dossier, et derrière, ça vous met en action. Et ça permet,

  • Speaker #1

    petit à petit,

  • Speaker #0

    de mieux comprendre, de comprendre aussi qu'est-ce qui doit être bougé, comment, et après peut-être de créer des coalitions. Et donc, ça fait vraiment avancer les choses.

  • Speaker #1

    Merci Clémentine pour cette conversation sincère et inspirante. Merci de nous avoir partagé ton parcours, tes combats, mais aussi tes réflexions sur la vérité et sur l'engagement. Pour celles et ceux qui nous écoutent, si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à partager sincère autour de vous et à nous suivre. pour découvrir d'autres voies authentiques dans les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    À bientôt !

Description

L’Affaire du Siècle, le greenwashing, la justice face à l’urgence climatique…
Dans ce premier épisode de Sincère(s), Clémentine Baldon, avocate engagée, raconte son parcours hors du commun : comment elle a contribué à faire condamner l’État français pour inaction climatique, pourquoi elle traque le greenwashing des entreprises, et comment le droit peut devenir une arme pour protéger l’environnement.


Un échange puissant sur la vérité, l’engagement et l’impact réel.
Peut-on rester sincère tout en étant stratégique ? Comment se battre contre des géants ? Clémentine partage sans filtre son combat de David contre Goliath face aux multinationales et aux États.


Episode conçu et présenté par Anna Casal pour Maïa & Mercure

Direction artistique: Inès Colonna

Musique : Titre:  Running (ft Elske) (Auteur: Jens East - Source: https://soundcloud.com/jenseast - Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr - Téléchargement: https://www.auboutdufil.com)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Sincère. Sincère, c'est le podcast qui parle d'authenticité avec des invités qui viennent témoigner ouvertement à ce micro de leur engagement et de leur valeur à travers leur parcours, souvent sinueux mais toujours inspirant. Je suis Anna Cazal et je vous invite à plonger dans la vie de celles et ceux qui ont fait de la sincérité un moteur et une force. C'est quoi être sincère ? C'est quoi vivre vraiment en accord avec ses convictions ? Et est-ce que c'est possible ? On va essayer d'y répondre aujourd'hui avec ma première invitée, Clémentine Baldon. Alors Clémentine, on se connaît déjà depuis quelques temps. Si je devais résumer ton parcours, je dirais d'abord, avec fierté, parce que tu es mon amie, que tu es une invocate engagée. Preuve en est que tu as fait condamner l'État français pour inaction climatique dans la fameuse affaire du siècle. Tu plaides en France, en Europe, tu te bats contre le greenwashing, sujet dont tu es la spécialiste. Mais d'un point de vue personnel, je sais aussi que tu es quelqu'un d'assez pudique. Tu as... plutôt tendance à porter la voix des autres devant différentes juridictions pour faire éclater la vérité au grand jour et apporter une forme de justice pour le bien de la planète. Alors ce que je te propose aujourd'hui, c'est une conversation sincère bien sûr, on va revenir sur ton parcours, ton engagement et je crois aussi sur le concept de vérité car il apporte un éclairage unique sur ton itinéraire et tes combats. Bonjour Clémentine.

  • Speaker #1

    Bonjour Anna.

  • Speaker #0

    Ma première question elle est très simple. Clémentine, si tu devais expliquer en quelques mots ce que tu fais à quelqu'un qui ne te connaît pas, qu'est-ce que tu dirais ?

  • Speaker #1

    Je commencerais par dire que je suis avocate, et la spécificité c'est que je me considère comme avocate d'intérêt général. C'est-à-dire que depuis que j'ai relancé mon activité d'avocate en abondante, j'ai décidé de me concentrer quasi exclusivement sur des affaires d'intérêt général, c'est-à-dire qui correspondent à un... Un objectif qui a un impact environnemental positif ou social positif. Et donc, je mets mes connaissances, mon expérience d'avocate, d'experte de droit, à disposition généralement d'ONG, qui constituent la plupart de mes clients, pour les aider à faire avancer leur cause. Alors, soit j'utilise le droit comme un... outil plutôt de contentieux. C'est-à-dire qu'on peut attaquer des lois qui sont non conformes à des textes supérieurs. Ça peut être la Constitution, ça peut être des règlements européens et qui vont dans le mauvais sens. Et donc, je peux me ramener à faire des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne ou en France ou par exemple dans l'affaire du siècle devant les juridictions administratives françaises. Soit des contentieux contre des entreprises, ce que tu mentionnais, le greenwashing. Donc, c'est-à-dire... essayer, via le droit, de rendre les entreprises responsables de nous avoir une communication plus transparente et plus éthique, soit sur des sujets plus de commerce international dans lesquels le droit lui-même est un problème, puisque le droit date de cinquantaines d'années et met tout ce qui est protection de l'environnement, le droit humain, au deuxième plan, par rapport, par exemple, au libre-échange ou à la protection de multinationales. Là, j'utilise l'analyse du droit pour voir comment le faire évoluer, comment l'interpréter différemment pour qu'il soit conforme aux enjeux d'aujourd'hui. D'accord,

  • Speaker #0

    très bien. Et donc, du coup, tu disais, tu mentionnais le terme d'intérêt général, mais aussi d'impact. Ce terme impact, on l'utilise beaucoup aujourd'hui, peut-être beaucoup trop, je ne sais pas, à toi de me dire. Est-ce que tu penses que ça a encore du sens de parler d'impact quand on est, par exemple, une entreprise et qu'on se dit à impact ? Est-ce que pour toi ? Ça revêt une vraie signification ou c'est un terme qui est vraiment trop usité aujourd'hui et à tort ? Pour moi,

  • Speaker #1

    personnellement, c'est assez essentiel, puisque moi, ça a été vraiment toute mon activité. Elle est autour de l'impact. C'est-à-dire quand j'ai décidé de ne plus être avocate ou juriste en droit des affaires, mais de réutiliser ça pour justement des ONG d'intérêt général. Hum... Tout mon objectif, c'était d'avoir un impact dans la vie réelle, dans la vie concrète. Donc c'est aussi pour moi ma boussole, quand je décide de m'engager sur un sujet, c'est de dire est-ce que vraiment j'ai une valeur ajoutée, on va apporter quelque chose, c'est utile. Ça reste vraiment une grille d'analyse très forte. Après, il est clair que le terme est un peu aujourd'hui galvaudé. Et la réalité qu'il peut avoir derrière le mot « impact » , je pense que c'est très divers selon les situations. Et clairement, l'impact réel de certaines politiques ou de certaines entreprises, je pense qu'il doit s'apprécier au cas par cas et qu'il n'est pas forcément toujours prouvé.

  • Speaker #0

    Donc, il faut aller creuser derrière,

  • Speaker #1

    et c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur ton parcours, parce que c'est la partie qui, si j'ai décidé de t'inviter pour ce premier podcast, et merci d'être ma cobaye pour ce premier épisode d'une première saison, j'espère qu'il y en aura d'autres. Si j'ai décidé de t'inviter et j'ai pensé à toi tout de suite, c'est parce que tu as un parcours qui est assez original, je pense qui est assez inspirant pour nombre de personnes. Je sais que tu reçois beaucoup de messages sur LinkedIn. de gens qui ont été inspirés à la lecture de tes interviews. Si on revient finalement à l'origine, ton enfance, quel genre de petite fille étais-tu ? Et est-ce qu'il y avait cette fibre déjà sensible à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Alors, quand j'étais une petite fille, j'étais surtout très curieuse. Je posais des questions, je n'arrêtais pas de poser des questions. C'était une sorte de quête infinie de comprendre tout ce qui se passait. De manière générale, j'avais une certaine fibre justicière aussi, c'est-à-dire que j'étais sûrement assez empathique et assez démunie face à l'injustice. J'aimais bien aussi tout ce qui était logique. Les situations qui me paraissaient à la fois problématiques et illogiques m'interpellaient et me donnaient envie d'agir. Je lisais beaucoup de livres policiers où j'aimais bien vraiment avoir tout le déroulement logique, de voir comment ça déroulait. Après, je n'avais pas encore cette fibre environnementale. Moi, j'ai grandi à Paris, loin de la nature. J'avais quand même la chance d'avoir des grands-parents qui avaient une maison pas très loin, en région parisienne, mais quand même dans un environnement plus naturel. Mais autour de moi, il y avait très peu de connaissances, des choses très simples de connaissances. Comment aller végétoire ? tous ces sujets n'étaient vraiment pas du tout importants dans ma vie quotidienne. Mais avec quand même ce sentir bien dans des éléments naturels, mais tout en ayant une incompréhension totale de comment ça fonctionnait, quels étaient les problèmes et comment justement les traiter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te souviens du moment où cette connexion avec la nature est née chez toi ? Est-ce qu'elle est née d'un point de vue intellectuel ou c'était vraiment... Tu t'es sentie connectée ou empathique avec cette nature qui finalement est détériorée au fur et à mesure des années qui passent ? Est-ce que c'était finalement sensoriel ou alors une expérience plutôt intellectuelle ?

  • Speaker #1

    Moi, c'était très intellectuel, comme beaucoup de choses qui se passent chez moi. C'est vraiment venu par la compréhension des sujets, la compréhension de certaines pratiques qui sont justement illogiques et absurdes. Et c'est venu par là. Quand j'ai mon engagement, même jeune, j'étais quand même assez engagée, même quand j'ai terminé les études de droit. J'ai été plutôt interpellée par les droits humains, donc tout ce qui était humain, et le côté environnement est venu finalement après. Et là maintenant, à mon âge, je commence à avoir cette... à la fois cet intérêt et cette empathie pour l'intention. C'est-à-dire quand je vois des arbres coupés, tout de suite, ça me génère une vraie émotion. Donc on est dans l'empathie. Mais le chemin est vraiment venu d'abord par l'intellect. pour arriver à aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Justement, parlons de ton basculement vers une approche engagée et engagée en faveur de l'environnement. Tu as eu deux points de bascule marquants en 2016 et 2017. Est-ce que tu peux nous parler de ces moments avant, après et ce qu'ils ont changé à toi ?

  • Speaker #1

    Alors en 2016, j'étais à l'époque une juriste en droit des affaires. J'avais passé une dizaine d'années en tant qu'avocat. avocate en droit des affaires. Puis j'avais rejoint la direction juridique d'un grand groupe français dans laquelle je faisais, en gros, ce qu'on appelle le droit de la concurrence et le droit de la conformité. Et donc assez classique, au profit de mon entreprise. Et j'étais assez passionnée par ce que je faisais. Mais j'ai eu, à l'aube de mes 40 ans, une sorte de prise de conscience en me disant « mais c'est fou quand même, je fais du droit depuis 16 années, j'y passe beaucoup de temps. » tant beaucoup de passion dans mon travail, mais je n'ai encore jamais travaillé justement pour l'intérêt général, pour des ONG, alors même que c'est clé. Donc je me suis...

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a eu un moment vraiment où ça... Un discours t'a interpellé, une personne, tu te souviens de ce déclic-là ?

  • Speaker #1

    J'ai assisté à une formation interne à mon entreprise qui était donnée par le directeur RSE de Bouygues, Fabrice Bonifet, qui est assez charismatique. Et ça a été effectivement un moment assez clé, puisque je venais de cette formation éthique et donc je ne savais pas du tout de quoi ça allait parler. Et finalement, il nous a parlé de... du risque du changement climatique, des conséquences prévisibles du monde si on ne change pas de modèle, de manière très claire et très convaincante. Et donc, c'était deux heures de présentation qui m'ont clairement complètement interpellée, puisque j'étais choquée, parce que même si j'avais bien entendu une certaine conscience de ces enjeux, Je ne les avais jamais entendues de manière si claire et si convaincante. Donc, je suis sortie de cette formation assez troublée. Tout de suite après, je me dis, bon, comment on fait ? C'est là où on revient sur l'impact. Tout de suite, je me dis, bon, très bien. Maintenant, comment on s'organise pour que moi, dans mon rôle de jeunesse d'entreprise, je puisse amener ma pierre à cet édifice ? Et donc, ça m'a amenée tout de suite, déjà dans le travail interne, à aller vouloir rencontrer tous les directeurs, directrices de l'entreprise pour essayer de... de convaincre et puis d'essayer de comprendre ce qu'on pouvait faire et puis moi personnellement de m'approcher des ONG, d'une en particulier qui est la Fondation pour la Nature et l'Homme en allant les voir, en disant comment je peux vous aider concrètement avec tout ce que je sais faire, je suis avocate je connais très bien le droit européen, le droit international est-ce que je peux vous apporter quelque chose dans vos campagnes ?

  • Speaker #0

    Et ensuite alors ?

  • Speaker #1

    On arrive cette fois-ci un peu plus tard en 2017 ... Il se trouve que justement cette fondation travaillait sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, qu'on appelle le CETA. Et le chargé de campagne qui me reçoit, avec qui j'avais été mis en contact par une amie qui les aidait en pro bono sur leur communication, me dit « bah oui, ça tombe bien, on travaille beaucoup sur cet accord qui pose plein de sujets de démocratie, de... » Il y avait surtout un sujet, c'est que ces accords de libre-échange sont aussi des accords qui prévoient des mécanismes, ce qu'on appelle d'arbitrage d'investissement, en gros qui prévoient que ce qu'on appelle les investisseurs étrangers, donc souvent des multinationales ou alors des entreprises qui travaillent souvent dans l'exploitation de ressources, peuvent attaquer les États, pas devant les juridictions nationales, mais devant des arbitres, donc ne présentent pas du tout les mêmes garanties d'indépendance. Si l'État change ses lois, par exemple, et va, en matière d'environnement, par exemple, décider d'apporter une protection plus importante de ses ressources, et l'investisseur qui voit son investissement finalement impacté par cela peut très bien dire que ça, cela ne tienne. Moi, je vais vous attaquer devant ces tribunaux d'arbitrage pour demander à être indemnisés, puisque ces nouvelles lois, même si elles sont d'intérêt général, portent intérêt à mes attentes légitimes de profit. Et c'est... j'ai découvert ce système qui existait dans le CETA, mais qui existait aussi par ailleurs, c'est ce que je l'ai découvert dans plein d'autres accords, et qui pose un nombre de sujets considérables en matière de choix démocratiques, puisque ça permet, ça donne un pouvoir totalement démesuré à certains acteurs privés qui sont quand même animés par la recherche de profits, et qui vont pouvoir les utiliser de manière très opaque, puisque tous ces mécanismes ne sont pas du tout ouverts, soumis. aux mêmes règles de transparence que les procès classiques, et vont vraiment apporter, enfin, risquent de générer ce qu'on appelle des gels réglementaires, c'est-à-dire qu'un État, notamment s'il n'a pas beaucoup de moyens pour se défendre, et risque des milliards d'indemnités en cas d'adoption de certaines lois protractives de l'environnement, va risquer de dire, finalement, j'abandonne. Par exemple, il y avait un cas qui était assez connu, Vattenfall contre l'Allemagne, dans lequel... L'Allemagne avait pris une loi pour protéger un fleuve et ça a porté préjudice aux investissements de Vattenfall, qui est l'énergéticien suédois. Et donc, finalement, ils ont négocié, ils sont revenus en arrière pour éviter ce type de connation. Aujourd'hui, on en voit de plus en plus, on en voit sur toute l'Italie, qui avait octroyé des droits d'exploration pour de recherche de pétrole le long de ses côtes. à... a accepté de protéger son littoral à la suite d'un mouvement citoyen pour protéger justement l'environnement. Et tout de suite, c'est lui attaqué par Rockefeller, demandant des millions. Donc, c'est un mécanisme qui est à la fois très puissant et très dangereux. Et donc, sur le CETA, ça a été ma première entrée dans ce plaidoyer contre ce mécanisme, puisque ce que j'ai fait, c'est que j'ai rédigé très rapidement, quand je suis allée voir cette fondation, on dit qu'on veut aller... rédiger une saisine du Conseil constitutionnel français contre ces mécanismes-là. Est-ce que tu veux t'en charger ? Je ne connaissais absolument pas le sujet. J'étais en pause.

  • Speaker #0

    Tu t'es plongée à fond ?

  • Speaker #1

    Je me suis plongée à fond. J'ai eu un droit pour le faire. Et donc, j'ai réussi à rédiger cette saisine. On n'a pas réussi à obtenir une décision du Conseil constitutionnel déclarant que c'était mécanisme et des contrats. la question, mais ça a vraiment permis, ça a vraiment alimenté la campagne, et ça a vraiment permis à tout un nombre de politiques, notamment, de comprendre ces mécanismes, et de leur donner une visibilité beaucoup plus large auprès du grand public, parce que, bien entendu, c'est compliqué, et donc il y a toujours le risque que ça se passe behind closed doors, et que personne ne comprenne vraiment ce qu'il en est, donc c'est vraiment l'enjeu, c'est d'arriver à démocratiser la compréhension de, finalement, c'est pas si compliqué que ça. Et il faut absolument les faire évoluer, puisque ça ne marche pas aujourd'hui en matière de climat, mais ça pourrait être en matière de santé publique, d'imposition, etc. Ce sont des armes trop dangereuses pour que les États puissent vraiment essayer d'être plus protecteurs de leur population, de leur environnement, puisque c'est vraiment un obstacle assez majeur.

  • Speaker #0

    Donc là, c'était ton premier pas finalement dans cette nouvelle vie que tu poursuis aujourd'hui. Ce que j'entends quand tu parles, c'est finalement un peu de la méta-analyse du droit. Quelque part, tu analyses le droit avec un regard éthique. C'est cette boussole-là qui te guide. Finalement, remettre en question les lois, c'est quand même un travail qui est compliqué, qui est difficile. Tu vas au-delà de la simple attaque pour greenwashing. Et en tout cas, dans ce premier cas-là, c'est une expérience qui a dû te marquer. Est-ce que ça t'a encouragée à continuer ? Est-ce que ça a bouleversé ta vie après ?

  • Speaker #1

    Alors, ça m'a vraiment marquée sur deux plans surtout. Le plan personnel, quand je suis arrivée un peu la bouche en cœur en disant est-ce que je peux vous aider ? Je n'avais aucune garantie que je servais à quelque chose puisque j'arrivais à 40 ans, je n'avais fait que 2 ou 3 des affaires. Je ne savais pas du tout si j'étais compétente. Donc ça, ça a été vraiment le premier aspect de voir que oui, ça va, j'étais compétente, j'avais vraiment quelque chose à apporter. Et finalement même... cette vie d'avant était très utile pour arriver à regarder les choses d'une manière différente. Et donc ça, c'était très... C'était majeur pour moi de dire, OK, je sers à quelque chose là-dessus. La deuxième, c'est effectivement moi qui avant étais un petit peu la tête dans le guidon. Et donc j'étais spécialiste du droit des affaires, du droit de la concurrence. Et donc j'utilisais le droit que je connaissais. pour, j'étais en fait... Servir des internes. Voilà, pour servir des internes, qui parfois sont tout à fait légitimes. C'est-à-dire que l'entreprise par laquelle je travaille, qui était une entreprise qui faisait des choses bien, c'est-à-dire que je venais me voir en interne, et avant, quand j'étais avocate d'affaires dans des cabinets internationaux, certains clients venaient me voir en disant, toi, Clémentine, spécialiste dans la concurrence, on a ce dossier, ce problème, à toi de le mettre en œuvre. Et de travailler, donc, avec des plaidoyers qui, eux, Leur but est effectivement de changer le droit. Ça m'a complètement changé d'angle, de vision, de me dire en fait, aujourd'hui dans les mécanismes juridiques qui existent, certains sont très problématiques. Donc il va falloir, si on veut collectivement avoir une société qui est plus juste, clairement, d'une manière plus large, il va falloir les changer. Et donc j'ai découvert ces... Là, j'ai découvert en fait ces règles qui... qui sont vraiment des héritages post-coloniaux. Et je me dis, non, en fait, il va falloir que j'y passe de l'énergie, je ne vais pas m'arrêter là, et je vais continuer. Et en fait, c'est un sujet sur lequel je vais vraiment me battre, et c'est, je pense, mon combat depuis, en plus de tout le reste. Mais c'est vraiment quelque chose dans lequel je suis devenue très spécialiste. J'ai tout un nombre d'articles dessus, parce que j'ai voulu creuser ensuite, de comprendre pourquoi les États ont accepté. d'aller abdiquer d'une grosse partie de leur souveraineté pour accepter de se faire attaquer devant des arbitres sans aucune garantie, tout ça opaque et risquant des milliards. Vraiment, de manière très naïve, je n'ai pas compris. Je me suis dit, mais c'est super étonnant. Et j'ai découvert que oui, ça arrivait dans les années notamment 90. Il y a une certaine question, on peut dire à l'instar, ça fait partie d'un État moderne aujourd'hui, il a sa règle de conférence, il a ses accords de protection d'investissement, c'est comme ça. Alors même qu'il n'y a absolument aucune étude économique qui démontre que ce type d'accord d'investissement va avoir un impact sur la possibilité d'un État d'investissement. Ça revient un peu sur des ressorts chez moi, c'est-à-dire du côté, c'est absurde, c'est illogique, c'est injuste. Donc, il va falloir trouver une solution. Et donc, depuis, j'ai continué à travailler pour ces ONG, donc la Fondation pour la nature et l'homme et l'Institut Weblen, qui était aussi l'autre ONG sur ce sujet. Et ça fait partie de, je dirais, un tiers de mon activité, de réfléchir à des stratégies pour voir comment on peut aller... les contester, utiliser d'autres normes supérieures comme la Convention européenne des droits de l'homme, les constitutions, pour aller trouver quand même les incohérences. Et ça m'a, moi, totalement donné de l'énergie et de l'envie de dire, je me lance, puisque après cette première expérience, c'est à quelques mois après que je quittais mon entreprise, je me réinscrivais au barreau, donc je redevenais avocate indépendante, avec l'idée... non testées, sans business management, de dire je vais travailler pour ces gens que je trouve exceptionnels, qui ont compris des mécanismes, qui ont une vision effectivement plus globale, plus géopolitique, et je vais les aider puisque je pense que c'est juste et c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Donc ça a eu un impact sur ta vie personnelle, j'imagine qu'il faut un sacré courage pour quitter un poste finalement sûr dans une entreprise et se lancer à corps perdu contre des mastodontes, un état... C'est quand même impressionnant, c'est un peu David contre Goliath, quelque part.

  • Speaker #1

    C'est totalement David contre Goliath.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais conscience de la difficulté qui t'attendait ? Et est-ce que ce n'est pas cette difficulté-là aussi qui t'a motivée ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas forcément une difficulté, au contraire, c'était le fait qu'on avait eu un impact. C'est-à-dire que moi, qui ne connaissais rien, en un mois, j'avais déjà eu un impact très sensible, même si finalement on n'a pas obtenu une décision du Conseil constitutionnel qu'on attendait, mais j'avais déjà eu un impact. Et donc, je me dis, wow, c'est fou, quand même. En peu de gens, on arrive à avoir ça. Et après, est-ce que c'est du courage ? C'est-à-dire une certaine audace de dire, moi, je serai capable d'apporter ma pierre et j'ai confiance. Donc oui, il y a une certaine audace. Courage, je ne sais pas, parce que la vie, c'est bête, mais la vie est courte. Et quand on sent, quand on est animé par une certaine passion à un moment et une certaine certitude, une certaine lucidité de se dire, c'est ce que je dois faire par responsabilité. C'est assez naturel. Et aller rester dans un poste qui ne correspond plus à ce qui fera sens pour moi, je pense que derrière, d'un point de vue personnel, le courage de rester dans un job qui ne vous voit plus, finalement, ce n'est pas un bon choix, même d'un point de vue personnel. J'ai aussi ressenti une certaine plénitude de se dire, wow, j'arrive à... à faire des choses très compliquées, avec un impact, et je sens que c'est ce que je dois faire. Et donc, c'est devenu finalement assez naturellement. Mais oui, un petit peu d'audace, de se dire, j'y vais, je ne sais pas trop où je vais, mais je sens que c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Et ton entourage professionnel et personnel, quelle a été leur réaction ? Est-ce que tu penses qu'ils ont été étonnés ? Est-ce que tu as eu des réactions autour de toi ? Ou bien, finalement, ça te ressemblait, ce choix-là ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'ils trouvent que ça me ressemblait, ce choix-là. Je ne leur ai pas dit tout de suite, parce que finalement, petit à petit, je me suis installée et j'ai continué à travailler là-dessus. Mais clairement, aujourd'hui surtout, il s'est passé du temps, et puis depuis, j'ai eu quelques succès. Tu parlais de l'affaire du siècle, qui est un autre type de procès, mais qui m'a permis aussi, qui vient... Oui, on va écrire des articles, mais du coup, ça a permis à mon entourage, tout à coup, de dire « Ah tiens, c'est drôle, effectivement, c'est ça » . Je pense que pour eux, ils ont une certaine fierté de dire « Waouh, c'est bien d'avoir quelqu'un qui va se balader pour l'intérêt général, etc. » . Donc, je pense que plutôt une certaine fierté, y compris de l'entourage, c'est bien et c'est plutôt en raccord avec, je pense, ma personnalité. Personne jamais m'a dit « Bah non » . Qu'est-ce que tu fais ? Ce n'est aucun intérêt. Tu perds ton temps. Tu devrais être tranquillement juriste d'entreprise. Et ça serait moins dangereux pour ta vie personnelle. En tout cas, je n'ai jamais eu ce type de retour, ni même dans des gens très proches de moi.

  • Speaker #0

    Donc, ça a été assez naturel, assez organique, finalement, ce qui s'est passé. Tu as écrit, et c'est important, je pense, pour les femmes qui sont autour de la quarantaine d'entendre ce genre de témoignages. Mais on va revenir à l'affaire du siècle. Donc ça, c'est une affaire historique. C'est ce qui a mis la lumière, finalement, sur la valeur de notre travail. Est-ce que tu peux me raconter un petit peu les moments les plus marquants pour toi dans cette séquence de ta vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    L'affaire du siècle, en fait, ça a commencé pour moi. Donc, j'avais fait ce premier cas pour la FNH. Et mon chargé de campagne m'a rappelé en septembre 2018 pour dire, ben voilà, on a cet objectif, ce nouveau cas, à la suite d'un cas similaire au Pays-Bas qui s'appelle l'affaire Ausha. Ce collectif d'associations souhaite mettre l'État français face à sa responsabilité et attaquer en justice l'État, ce qui ne fait pas assez pour lutter efficacement contre le changement climatique et que c'est contraire à ses engagements dans l'accord de Paris, même dans la Constitution. Et donc on va utiliser le procès pour essayer de demander aux juges de condamner l'État à en faire plus. Et c'était assez ambitieux, parce que déjà, rien que le nom de l'affaire, l'affaire du siècle, dès le début, c'était approprié.

  • Speaker #0

    Comment il a été choisi, ce nom-là, l'affaire du siècle ?

  • Speaker #1

    L'ONG, à la base de ce projet, ça s'appelait Notre Affaire à Tous. D'accord. Donc, c'était une sorte de jeu de mots entre l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire. Et puis, l'idée que ça allait vraiment être une affaire importante. Et c'est vrai qu'ils ont bien fait les choses, puisque c'est une affaire juridique, mais c'était aussi un outil extrêmement puissant de mobilisation. puisqu'ils étaient, avant même de lancer le procès, ils avaient organisé autour d'un collectif d'influenceurs qui avait fait toute une vidéo qui a donné lieu d'ailleurs à... une sorte d'orchestration, le lancement de l'affaire du siècle. On avait la vidéo avec les influenceurs, une pétition qui était extrêmement vue et signée, parce que je crois qu'encore aujourd'hui, c'est la pétition la plus signée de l'histoire de France, par, je crois, 2 millions 8. Et après, le procès, l'action juridique. Donc moi, je suis juste le support juridique qui est important. Et bien sûr, je fais partie d'un collectif. C'est-à-dire qu'on était plusieurs avocats dans ce lancement. Et moi, je suis seulement l'une d'entre elles. Parce que quatre associations sont les demandeurs. Donc FNH, que je représentais, Oxfam, Greenpeace et Notre Affaire à Tous. FNH,

  • Speaker #0

    c'était la fondation Nicolas Hulot.

  • Speaker #1

    Voilà, qui était à l'époque la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme. l'Organisation pour la Nature et l'Homme. Et donc, les grands moments, ça a été le lancement. Ça a été assez impressionnant, puisque je me souviens que vous avez lancé une conférence de presse. Oui. On va attaquer l'État en justice.

  • Speaker #0

    On peut dire les images. Je me souviens des images. Oui, oui. On ne se connaissait pas à l'époque, mais ça m'avait marquée.

  • Speaker #1

    On était tous dans une salle et il y avait les chargés de campagne, certains influenceurs qui étaient tous devant leur ordinateur. Et tout à coup, il voit que la pétition est signée, 500 000, 1 million, je crois que le système a un moment à casser, parce qu'il y avait tellement d'options, et c'était complètement inattendu de voir l'ampleur que prenait cette action. On l'a vu, c'est juste qu'on lance une action pour attaquer l'État, pour manquement dans son action de changement climatique. Donc, en soi, ce n'était pas totalement... Nouveau, c'était nouveau de le faire sur le climat, mais l'État a été attaqué et condamné sur le sang contaminé, sur les algues vertes, sur la miante. Enfin, on a des précédents.

  • Speaker #0

    Mais cette ampleur-là, elle a dû vous motiver. D'autant plus, vous aviez une responsabilité d'autant plus grande que des millions de gens étaient derrière.

  • Speaker #1

    Oui, c'était fou. C'est-à-dire qu'effectivement, nous, toujours en bon juriste, on était là, alors c'est compliqué, on n'est pas sûr de gagner. Sachez qu'il y a peu... Donc, toujours à mettre un peu des freins en disant... On va essayer de faire ça le plus sérieusement possible, mais sachez qu'il y a certains challenges dans le lien de causalité, dans le préjudice écologique. D'un point de vue juridique, on avait tout un nombre de challenges importants, parce que ça demandait vraiment certains changements dans l'analyse du droit par les tribunaux. Et c'est vrai que ça nous a donné des ailes, ça nous a permis, je pense, aussi, de montrer que c'est un tel sujet de société, je pense, que ça a eu forcément un impact. Sur la décision, je pense que ça nous a vraiment aidé, ça a été une rétroalimentation positive. Et après, le grand moment, c'est quand on a gagné.

  • Speaker #0

    Puisque contre toute attente...

  • Speaker #1

    Pour une fois, je me souviens des images, des micros tendus.

  • Speaker #0

    Oui, c'était fou parce qu'il y a eu plusieurs décisions de justice et ce n'est pas l'objet de rentrer dans les détails de succession. Mais la première décision du Conseil d'État dans une affaire qui était lancée en parallèle et dans laquelle on était aussi intervenant volontaire, qui s'appelle l'affaire Grande-Synthe, le Conseil d'État. La première décision du Conseil d'État. qui a décidé que les engagements de réduction de gaz à effet de serre étaient contraignants pour l'État, c'était déjà totalement révolutionnaire d'un point de vue juridique, et donc annonçait le fait qu'on avait potentiellement une possibilité de faire condamner l'État. Et après, l'audience aussi, en plein Covid, tous avec leurs masques, dans le tribunal administratif, et après l'autre décision positive, sont des moments très clés, très forts de cette affaire.

  • Speaker #1

    Est-ce que régulièrement, ça te booste d'y repenser, d'avoir un succès comme ça, d'une telle ampleur, d'avoir vraiment ressenti un vrai impact ? Et puis un impact non seulement sur ce sujet-là, mais avoir embarqué autant de citoyens autour de cette Ausha. Est-ce que parfois, tu y repenses aujourd'hui, comme une référence que tu aurais dans ta vie professionnelle ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que je suis une éternelle à cette fête. Je veux toujours aller plus loin. D'ailleurs, maintenant, on est à faire du secte. Super. Pas ça pour tout le monde. Non. Et même pas que c'est autre chose. C'est-à-dire que je suis toujours dans l'idée de l'impact. Concrètement, qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'on va s'en servir qu'en précédent ? Comment ça va être ? Donc, je suis toujours sur le coup d'après. C'est un peu les avocats. C'est-à-dire que les ONG, elles continuent leur campagne, etc. Nous, on monte dans des bateaux. Un moment, c'est le changement climatique. Un autre moment, c'est la biodiversité. Et donc, j'y pense souvent comme référence, mais aussi comme responsabilité de se dire tout ça. On a embarqué tout le monde. Certes, c'est une super mobilisation, ça a sensibilisé beaucoup de gens, mais ça ne peut pas être suffisant. C'est-à-dire que si on a embarqué tous ces gens-là, c'est aussi pour en faire quelque chose de concret. Et là, ça devient compliqué. Comment on pousse un État à en faire plus ? Sur quel sujet il faut en faire plus ? Qu'est-ce qu'on va pouvoir, derrière, annuler ? Comment ça peut aller en dehors de la France ? Et c'est vrai que, par exemple, sur l'Espagne, j'ai pas mal échangé avec toute l'équipe juridique qui a... qui a lancé le cas climatique espagnol, qui n'a pas été aussi successful, mais qui a aussi son intérêt. Donc, je suis toujours dans la mise en œuvre pratique de cette décision.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais ça te porte quelque part ?

  • Speaker #0

    Oui, ça me porte en me disant si on arrive à faire ça, on a une responsabilité d'aller plus loin et d'arriver à opérationnaliser des résultats juridiques. et à faire que ça soit concret, qu'il y ait un vachement. Et sur ces sujets-là, en fait, c'est déjà le simple. Oui.

  • Speaker #1

    Tu disais qu'au début, en introduction, tu dis qu'il y a deux volets à tout le travail. Il y a ce volet-là, que nous viens d'évoquer, mais aussi un volet greenwashing, qui est un des gros enjeux contemporains. Notre podcast s'appelle Sincère. Là, on touche justement à cette authenticité, à cette sincérité. Tu es pionnière sur ce sujet, pour toi. Aujourd'hui, pourquoi les entreprises, elles continuent à céder à cette tentation du greenwashing ? Ça paraît incroyable en 2024-2025 de continuer à prétendre des choses qui ne sont pas réellement.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a plusieurs types de situations. Il y a les entreprises qui pensent qu'elles font les choses bien et qui, par méconnaissance de leur réglementation, vont faire un discours disproportionné. pas toujours mal intentionnées, mais elles font des choses bien parce qu'elles ont un peu travaillé sur baisser leurs émissions, sur les recyclages, et donc tout à coup, on a une grande campagne de publicité là-dessus, mais qui va occulter le fait que l'entreprise, elle a toujours un business model qui est réjuncible. Et donc, en soi, ça reste le greenwashing d'avoir ce message proportionné. Il y a peut-être certaines entreprises qui sont un peu cyniques et qui, du coup, voient que l'argument écologique porte et donc vont l'utiliser sans finalement se préoccuper. de savoir la réalité ou pas. J'espère que ce n'est pas la majorité, mais c'est possible. Et après, parce qu'on est quand même dans une ère, ça ne t'échappera pas, de vérité alternative et que le discours vaut ce qu'il vaut et que tant que personne ne dit rien, tant qu'il n'y a pas de risque, aller faire une grande justice sur son impact écologique, même si ça ne veut pas dire grand-chose dans la réalité des faits. C'est devenu mon renacquant. Ce qui est compliqué, c'est que même les États, enfin, je veux dire, les politiques, les premiers à faire du greenwashing aujourd'hui, malheureusement, c'est nos politiques, voire même nos lois. C'est-à-dire qu'il y a toujours cette tendance à vouloir dire qu'on fait plus que ce qu'on fait vraiment. Mais ça marche même dans certaines réglementations qui sont adoptées. Les politiques vont avoir tendance à dire « Ah, super, on a adopté la taxonomie, donc maintenant, toute la finance va devenir verte. » qui, quand on regarde un tout petit peu le texte, n'est absolument pas le cas.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce discours vert, ce n'est pas déjà un premier pas vers un changement de fond ?

  • Speaker #0

    Malheureusement, pas toujours. D'accord. Ça peut arriver que dans certaines entreprises, le fait de pouvoir valoriser son investissement ESG en faisant une campagne de pub et pour montrer comment on avance, ça peut être... un argument qui va permettre à l'équipe dirigeante de se dire, ça vaut le coup, ça vaut le coup de s'engager dans, je ne sais pas, le recyclage, les émissions, etc., puisqu'on va pouvoir en valoriser. Donc, ça peut arriver, mais ce qu'on voit, c'est souvent, soit parce que les concurrents le font, ou parce que, je ne sais pas, les équipes marketing, communication, pas forcément mal intentionnées, mais elles vont être amenées à utiliser ces arguments sans forcément qu'il y ait une réalité. Alors, si, donc... Je ne suis pas sûre que ça soit démontré que ça soit un premier pas, malheureusement, mais par contre, ça peut aussi plomber la petite entreprise qui fait les choses vraiment bien, qui est extrêmement sérieuse sur sa chaîne d'approvisionnement, sur le cycle de vie de ses produits, sur la manière dont elle va faire ça comme qu'on se voit et qui se retrouve face à des mastodontes qui font peut-être un petit peu, mais sur rien à voir. Elle, pour le coup, elle ne va jamais arriver. à être identifié comme tel par les clients. Et donc derrière, son business model ne va pas pouvoir l'utiliser. Donc je pense que de manière générale, je pense qu'au global, ça a plus d'effets négatifs sur la transition que positifs. Et c'est pour ça que moi j'ai décidé de m'y mettre, en me disant que c'est important, parce qu'il ne faut pas dire n'importe quoi. Et c'est important de pouvoir valoriser l'argument écologique quand il est réel. Et donc, c'est pour ça qu'on s'est lancé. Après, la Commission européenne, a priori, elle est d'accord avec moi, puisque les lois en termes de greenwashing deviennent de plus en plus strictes. Et la réglementation, la dernière, la directive, elle s'appelle la directive pour donner au consommateur le pouvoir d'agir en faveur de la transition. Donc, l'idée derrière, c'est de se dire que le consommateur ne peut pas agir en faveur de la transition s'il est bombardé d'informations dans tous les sens et qu'il n'est pas tout à fait capable de faire la différence entre un produit, un service et un autre.

  • Speaker #1

    D'accord. D'accord, mais moi, je suis communicante, tu le sais. Je joue souvent avec les mots pour rendre des discours parfois plus acceptables qu'ils ne sont en réalité. Est-ce qu'à ton avis, on peut rester sincère tout en étant stratégique quand on est une boîte ? Je pense, oui, je pense vraiment.

  • Speaker #0

    Et moi, ça m'arrive aussi. Ce n'est pas le cœur de mon activité, mais ça peut m'arriver de travailler en conseil pour certaines entreprises. Et on se rend compte que finalement... C'est très vertueux. C'est vertueux parce que ça permet au sein de l'entreprise, notamment les entreprises compliquées, quand on les challenge, de dire, mais vous dites ça, mais concrètement, c'est quoi ? Donc, ça leur permet en interne de bien comprendre leurs impacts, les secteurs les plus problématiques dans leur business, etc. Donc, en interne, ce n'est pas toujours le cas et ça leur permet aussi d'avoir un échange d'informations entre les communicants, les marketeurs. ceux qui sont sur la production, etc. Et je pense, en tout cas c'est vrai, des milieux qui sont les plus sensibles aux impacts écologiques, mais finalement ça va être eux qui seront aussi les plus sensibles aux discours écologiques. Ils vont tout à fait comprendre qu'une entreprise ne peut pas faire tout bien, et donc un discours très transparent de dire, par exemple, on ne fait pas tout bien, mais ça en fait mieux, ça sera peut-être un discours plus sophistiqué. Moins évident parce qu'effectivement, la pub, elle ne tient pas en un grand slogan « faites le mieux pour la planète » . Mais mon intuition, après moi, je ne suis pas marketeuse, donc je n'ai pas vu d'études. Mais mon intuition, c'est que ça va créer cette relation de confiance plus simplement avec les consommateurs. Et aujourd'hui, dans lequel les marques ont leurs réseaux sociaux, racontent des histoires, cherchent à cette proximité, j'ai l'impression que ça va être... Ça va être vraiment un vecteur d'adhésion à la marque. Je pense des marques comme Patagonia, des marques qui sont très fortes dans leur identité. Il faut qu'elles fassent très attention, justement, d'autant plus, et qu'elles peuvent très bien raconter un peu crûment, de se dire, voilà ce qu'on fait bien, voilà ce qu'on fait moins bien. Et je suis sûre que, en tout cas, cette confiance, à terme, va apporter plus sur l'attachement à la marque. À l'inverse, un discours extrêmement simplificateur. sur un produit dont on sait qu'il est problématique, va générer directement de la méfiance. Donc, je ne suis pas sûre que l'équation soit la plus intéressante. Après, bien sûr, il y a les risques juridiques de combattre, et de backlash, et de name and shame, etc.

  • Speaker #1

    Très bien. Maintenant, pour revenir un petit peu à tes défis personnels et professionnels, à ton avis, là, aujourd'hui, à l'aube de 2025, quels sont les obstacles les plus difficiles que tu rencontres dans ton métier aujourd'hui ? Est-ce que tes confrères comprennent ton combat ? Est-ce que tu penses qu'il y a beaucoup trop de choses à faire ? Est-ce que tu invites d'autres avocats à faire le choix que tu as fait ?

  • Speaker #0

    Mon défi le plus important, c'est que c'est vraiment des combats de David et Goliath tout le temps. Mais en soi, ça va. C'est quelque chose que j'ai intégré comme une composante. C'est-à-dire qu'il n'y a aucun sujet simple. Ce qui est aujourd'hui même le plus compliqué, c'est qu'on change géopolitiquement. On a un gros changement dans lequel...

  • Speaker #1

    Les sujets écologiques passent au second plan, finalement.

  • Speaker #0

    Exactement. Mais en soi, vraiment, on a un atre qui va arriver aux pouvoirs aux États-Unis. On a aussi envie de se réindustrialiser et c'est compréhensible. On a une polarisation absolument énorme de la société. C'est compliqué. Moi, je ne fais pas de plaidoyer, donc ça doit être compliqué pour les gens qui font du plaidoyer parce que c'est difficile de pousser ces sujets là-dessus. Pour moi, c'est comment aborder aussi cette complexité parce que je pense que c'est important de l'aborder. Il ne faut pas être dogmatique même quand on est dans l'écologique. C'est-à-dire que je pense que c'est important de comprendre aussi l'impact géopolitique de réglementation qu'on peut prendre en Europe. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que moi, je m'intéresse aux accords de libre-échange, aux accords de protection d'investissement et aux droits nationaux de comment on fait les choses en Europe. Je pense que c'est important de toujours se poser cette question. Et même moi, quand je bosse pour des ONG, je me demande toujours est-ce que je pense que c'est bien ? Est-ce que c'est un impact ? Et c'est vrai que parfois, on peut être amené, moi-même, je peux être amenée à défendre un collectif qui est contre l'implantation d'une ligne THT pour décarboner une zone. Donc, ce qui est compliqué, c'est ça, c'est cette... C'est cette sophistication de dire, oui, allez mettre des EOLiennes, allez décarboner, c'est bien. Il faut éviter les motos thèmes, genre on décarbone, donc finalement, c'est bon, on va couper plein d'arbres pour mettre des plaques solaires. Donc, arriver à aborder cette complexité, et puis la grosse difficulté, c'est la justice qui est démunie, qui n'a plus de ressources. Donc, c'est-à-dire que le procès, il n'a l'impact que derrière, si on a des juges qui ont le temps. Et donc ça, je pense, ça va être de plus en plus important, notamment pour les contentions en France. Et donc, d'arriver dans un monde qui simplifie, même la justice, elle est quand même victime de ça, d'arriver à...

  • Speaker #1

    À entendre la nuance.

  • Speaker #0

    Exactement. Ça reste, la justice, un endroit où on peut débattre vraiment avec des preuves scientifiques, etc. Mais on sent que ça, ça va être de plus en plus difficile. Donc, c'est-à-dire vraiment ce lien entre la justice, la géopolitique. et le temps et les ressources. Et mes confrères, je pense qu'ils comprennent tout à fait. Et je pense que c'est un sujet aussi, même les avocats d'affaires aussi. Ce qui est bien, c'est que quand on lance, par exemple, un procès en greenwashing, derrière, ce procès va être utilisé par mes confrères en droit des affaires pour aller en interne, former les équipes, enfin, former leurs clients et leur dire, attention, vous avez un risque contentieux. En vrai, c'est juste mon contentieux, mais vous avez un risque contentieux. Donc, derrière, il y a une sorte d'écosystème plutôt vertueux. qui se mettent. Donc, en tout cas, ça va être des difficultés. Et puis, on va voir comment, forcément, mon activité sera impactée aussi de ce qui se passe dans le monde de manière générale, d'un point de vue aussi de financement. Comment vont continuer à travailler la société civile si vraiment elle sera complètement bloquée ? Auquel cas, à la fois la justice, ça sera peut-être un dernier rempart, mais plus difficile, encore plus lourd, encore plus... David et Goliath.

  • Speaker #1

    En tout cas, bravo de trouver l'énergie de continuer face à ce changement de paradigme et avec un monde qui bouge aussi vite, avec de plus en plus de contraintes économiques et géopolitiques, je l'entends. J'ai une dernière question. Est-ce qu'on peut vivre aligné avec ses valeurs ?

  • Speaker #0

    Tout dépend de ce que veut dire aligné avec ses valeurs. Je pense qu'il ne faut pas se fouetter non plus de chercher à être parfait. En tout cas, moi, je ne pourrais pas, sinon, faire ce que je faisais si à chaque fois que j'ai un combat plutôt environnemental, aussi peut-être démocratique. Donc ça, c'est mon travail. Dans ma vie perso, forcément, c'est un impact. Et j'essaye d'être la plus proche possible de ces convictions. Mais on ne peut pas tout nous faire porter. C'est-à-dire qu'il y a un moment, oui, je suis végétarienne, oui, j'essaye de limiter les transports inutiles en avion. Mais ça serait totalement injuste et inefficace de se dire parce que tu portes des combats environnementaux, il faut que tu aies plus de portables, tu ne prendras plus jamais l'avion, etc. Et c'est là où l'impact est utile pour moi, de se dire, moi, je veux un impact, et c'est l'impact que je cherche, donc comment je vais pouvoir me rendre quand même la vie pas trop trop compliquée, tout en poursuivant cet impact important. Donc ça, c'est l'impact. Après, les autres valeurs, oui, les valeurs d'honnêteté, de tolérance, de sincérité, etc. Celles-là, oui, comme tout le monde, je pense que c'est important d'être... d'être en cohérence. Donc ça, je pense que c'est très important. Et moi, ça a été effectivement ce changement de carrière qui, bien sûr, a un impact économique certain, mais gérable. Après, chercher un alignement parfait avec ces combats, il faut, je pense, mettre le curseur à un niveau où ça sera possible sans affecter trop fortement. sa capacité à vivre, à être en famille avec des gens qui ne pensent pas comme vous, dans vos amis, dans vos enfants, dans vos conjoints, et arriver à trouver un équilibre qui fasse que vous ne deveniez pas complètement ayatollah avec votre entourage, je pense que ça serait complètement contre-productif, mais que pas ce que vous faites. Vous donnez plutôt envie en vous disant « Ah oui, finalement, c'est bien » , plutôt que d'imposer un mode de vie qui est... qui est complexe aujourd'hui dans le système dans lequel on vit. Ça sera peut-être un jour différent, mais aujourd'hui, il faut quand même s'inscrire dans son système. Et en tout cas, moi, la manière dont je l'aborde, c'est plutôt par le système, à l'intérieur du système, utiliser les outils du système et essayer de les faire changer. Mais je n'ai pas aujourd'hui, en tout cas, de porter une position qui est de se dire je jette tout le système à la poubelle et je me bats contre ça, parce que ça, pour le coup, je ne suis pas sûre que j'arriverai à porter ça sur mes épaules aujourd'hui, en tout cas.

  • Speaker #1

    Donc, réalisme et nuance, c'est un peu les deux messages que tu portes aujourd'hui. Si tu avais un message à transmettre à ceux qui nous écoutent, qui veulent s'engager à leur échelle, qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Moi, de mon expérience à moi, ce que j'en tire sur ça, c'est que je suis quand même assez stupéfaite par la possibilité de faire bouger des choses assez lourdes, assez énormes. Parce que là, on parle de traités, etc. Est-ce qu'on n'a pas parlé d'un cas qui me tient à cœur, mais où vraiment on a... Moi, j'étais l'avocate, mais avec des organisations, on a vraiment arrivé à faire connaître l'impact très négatif d'un des traités d'arbitrage, le traité de la charte de l'énergie. Et ça a eu un impact dans la vie réelle, puisque l'Europe en est sortie, tout un nombre de pays en sont sortis, en partie grâce à l'action qu'on a apportée devant la Cour européenne des droits de l'homme. Donc moi, je suis stupéfaite de l'impact qu'il peut avoir un petit groupe de personnes sur des réalités qui semblent émuables. Donc ça, c'est leur premier message, de se dire finalement, alors chacun avec ce qu'il a comme bagage, comme possibilité, c'est peut-être pas le bon moment, il faut quand même avoir un petit peu l'air insolite pour se dire, allez, je me lance, c'est-à-dire qu'il faut attendre le moment. Mais je le vois, et moi je le vois d'autres personnes, c'est-à-dire que chacun a quand même, justement on revient sur l'impact, mais peut avoir un certain impact, et la manière de le faire, parce qu'effectivement au début c'est... Un grand pas en amont dont on ne sait pas du tout où il faut aller, qui compacter, comment, quel est le premier pas. Moi, ce que j'ai trouvé utile pour moi, c'est de me dire, moi qui étais vraiment très sérieuse professionnelle, je me dis, je vais traiter mes cas, c'est-à-dire avant même d'avoir des clients, je vais traiter mon cas aussi sérieusement que si j'avais un client. Je paye très bien quand j'étais en cabinet d'affaires. Si je passe deux semaines où je me dis tel sujet qui me tient vraiment à cœur, moi c'était traiter l'arbitrage, mais ça peut être, je ne sais pas, les pesticides, le plastique. la violation des droits humains, etc. Et c'est ce que je donne comme conseil souvent quand on se mentale, c'est-à-dire vous prenez ce sujet-là, qui vous tient à cœur, et vous y mettez, vous dites, je suis payée. Vous imaginez que c'est votre dossier. Et d'ouvrir un champ des possibles, c'est-à-dire, comment on peut, pour les juristes, après, il y a bien sûr tous les autres métiers, mais de prendre très très sérieusement, de manière très carrée, et donc, il y a moins peut-être cette peur du vide, de se dire, par où je commence ? et ce que je montre en NG, etc. Mais de dire, je prends ça comme un dossier, et derrière, ça vous met en action. Et ça permet,

  • Speaker #1

    petit à petit,

  • Speaker #0

    de mieux comprendre, de comprendre aussi qu'est-ce qui doit être bougé, comment, et après peut-être de créer des coalitions. Et donc, ça fait vraiment avancer les choses.

  • Speaker #1

    Merci Clémentine pour cette conversation sincère et inspirante. Merci de nous avoir partagé ton parcours, tes combats, mais aussi tes réflexions sur la vérité et sur l'engagement. Pour celles et ceux qui nous écoutent, si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à partager sincère autour de vous et à nous suivre. pour découvrir d'autres voies authentiques dans les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    À bientôt !

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Description

L’Affaire du Siècle, le greenwashing, la justice face à l’urgence climatique…
Dans ce premier épisode de Sincère(s), Clémentine Baldon, avocate engagée, raconte son parcours hors du commun : comment elle a contribué à faire condamner l’État français pour inaction climatique, pourquoi elle traque le greenwashing des entreprises, et comment le droit peut devenir une arme pour protéger l’environnement.


Un échange puissant sur la vérité, l’engagement et l’impact réel.
Peut-on rester sincère tout en étant stratégique ? Comment se battre contre des géants ? Clémentine partage sans filtre son combat de David contre Goliath face aux multinationales et aux États.


Episode conçu et présenté par Anna Casal pour Maïa & Mercure

Direction artistique: Inès Colonna

Musique : Titre:  Running (ft Elske) (Auteur: Jens East - Source: https://soundcloud.com/jenseast - Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr - Téléchargement: https://www.auboutdufil.com)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Sincère. Sincère, c'est le podcast qui parle d'authenticité avec des invités qui viennent témoigner ouvertement à ce micro de leur engagement et de leur valeur à travers leur parcours, souvent sinueux mais toujours inspirant. Je suis Anna Cazal et je vous invite à plonger dans la vie de celles et ceux qui ont fait de la sincérité un moteur et une force. C'est quoi être sincère ? C'est quoi vivre vraiment en accord avec ses convictions ? Et est-ce que c'est possible ? On va essayer d'y répondre aujourd'hui avec ma première invitée, Clémentine Baldon. Alors Clémentine, on se connaît déjà depuis quelques temps. Si je devais résumer ton parcours, je dirais d'abord, avec fierté, parce que tu es mon amie, que tu es une invocate engagée. Preuve en est que tu as fait condamner l'État français pour inaction climatique dans la fameuse affaire du siècle. Tu plaides en France, en Europe, tu te bats contre le greenwashing, sujet dont tu es la spécialiste. Mais d'un point de vue personnel, je sais aussi que tu es quelqu'un d'assez pudique. Tu as... plutôt tendance à porter la voix des autres devant différentes juridictions pour faire éclater la vérité au grand jour et apporter une forme de justice pour le bien de la planète. Alors ce que je te propose aujourd'hui, c'est une conversation sincère bien sûr, on va revenir sur ton parcours, ton engagement et je crois aussi sur le concept de vérité car il apporte un éclairage unique sur ton itinéraire et tes combats. Bonjour Clémentine.

  • Speaker #1

    Bonjour Anna.

  • Speaker #0

    Ma première question elle est très simple. Clémentine, si tu devais expliquer en quelques mots ce que tu fais à quelqu'un qui ne te connaît pas, qu'est-ce que tu dirais ?

  • Speaker #1

    Je commencerais par dire que je suis avocate, et la spécificité c'est que je me considère comme avocate d'intérêt général. C'est-à-dire que depuis que j'ai relancé mon activité d'avocate en abondante, j'ai décidé de me concentrer quasi exclusivement sur des affaires d'intérêt général, c'est-à-dire qui correspondent à un... Un objectif qui a un impact environnemental positif ou social positif. Et donc, je mets mes connaissances, mon expérience d'avocate, d'experte de droit, à disposition généralement d'ONG, qui constituent la plupart de mes clients, pour les aider à faire avancer leur cause. Alors, soit j'utilise le droit comme un... outil plutôt de contentieux. C'est-à-dire qu'on peut attaquer des lois qui sont non conformes à des textes supérieurs. Ça peut être la Constitution, ça peut être des règlements européens et qui vont dans le mauvais sens. Et donc, je peux me ramener à faire des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne ou en France ou par exemple dans l'affaire du siècle devant les juridictions administratives françaises. Soit des contentieux contre des entreprises, ce que tu mentionnais, le greenwashing. Donc, c'est-à-dire... essayer, via le droit, de rendre les entreprises responsables de nous avoir une communication plus transparente et plus éthique, soit sur des sujets plus de commerce international dans lesquels le droit lui-même est un problème, puisque le droit date de cinquantaines d'années et met tout ce qui est protection de l'environnement, le droit humain, au deuxième plan, par rapport, par exemple, au libre-échange ou à la protection de multinationales. Là, j'utilise l'analyse du droit pour voir comment le faire évoluer, comment l'interpréter différemment pour qu'il soit conforme aux enjeux d'aujourd'hui. D'accord,

  • Speaker #0

    très bien. Et donc, du coup, tu disais, tu mentionnais le terme d'intérêt général, mais aussi d'impact. Ce terme impact, on l'utilise beaucoup aujourd'hui, peut-être beaucoup trop, je ne sais pas, à toi de me dire. Est-ce que tu penses que ça a encore du sens de parler d'impact quand on est, par exemple, une entreprise et qu'on se dit à impact ? Est-ce que pour toi ? Ça revêt une vraie signification ou c'est un terme qui est vraiment trop usité aujourd'hui et à tort ? Pour moi,

  • Speaker #1

    personnellement, c'est assez essentiel, puisque moi, ça a été vraiment toute mon activité. Elle est autour de l'impact. C'est-à-dire quand j'ai décidé de ne plus être avocate ou juriste en droit des affaires, mais de réutiliser ça pour justement des ONG d'intérêt général. Hum... Tout mon objectif, c'était d'avoir un impact dans la vie réelle, dans la vie concrète. Donc c'est aussi pour moi ma boussole, quand je décide de m'engager sur un sujet, c'est de dire est-ce que vraiment j'ai une valeur ajoutée, on va apporter quelque chose, c'est utile. Ça reste vraiment une grille d'analyse très forte. Après, il est clair que le terme est un peu aujourd'hui galvaudé. Et la réalité qu'il peut avoir derrière le mot « impact » , je pense que c'est très divers selon les situations. Et clairement, l'impact réel de certaines politiques ou de certaines entreprises, je pense qu'il doit s'apprécier au cas par cas et qu'il n'est pas forcément toujours prouvé.

  • Speaker #0

    Donc, il faut aller creuser derrière,

  • Speaker #1

    et c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur ton parcours, parce que c'est la partie qui, si j'ai décidé de t'inviter pour ce premier podcast, et merci d'être ma cobaye pour ce premier épisode d'une première saison, j'espère qu'il y en aura d'autres. Si j'ai décidé de t'inviter et j'ai pensé à toi tout de suite, c'est parce que tu as un parcours qui est assez original, je pense qui est assez inspirant pour nombre de personnes. Je sais que tu reçois beaucoup de messages sur LinkedIn. de gens qui ont été inspirés à la lecture de tes interviews. Si on revient finalement à l'origine, ton enfance, quel genre de petite fille étais-tu ? Et est-ce qu'il y avait cette fibre déjà sensible à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Alors, quand j'étais une petite fille, j'étais surtout très curieuse. Je posais des questions, je n'arrêtais pas de poser des questions. C'était une sorte de quête infinie de comprendre tout ce qui se passait. De manière générale, j'avais une certaine fibre justicière aussi, c'est-à-dire que j'étais sûrement assez empathique et assez démunie face à l'injustice. J'aimais bien aussi tout ce qui était logique. Les situations qui me paraissaient à la fois problématiques et illogiques m'interpellaient et me donnaient envie d'agir. Je lisais beaucoup de livres policiers où j'aimais bien vraiment avoir tout le déroulement logique, de voir comment ça déroulait. Après, je n'avais pas encore cette fibre environnementale. Moi, j'ai grandi à Paris, loin de la nature. J'avais quand même la chance d'avoir des grands-parents qui avaient une maison pas très loin, en région parisienne, mais quand même dans un environnement plus naturel. Mais autour de moi, il y avait très peu de connaissances, des choses très simples de connaissances. Comment aller végétoire ? tous ces sujets n'étaient vraiment pas du tout importants dans ma vie quotidienne. Mais avec quand même ce sentir bien dans des éléments naturels, mais tout en ayant une incompréhension totale de comment ça fonctionnait, quels étaient les problèmes et comment justement les traiter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te souviens du moment où cette connexion avec la nature est née chez toi ? Est-ce qu'elle est née d'un point de vue intellectuel ou c'était vraiment... Tu t'es sentie connectée ou empathique avec cette nature qui finalement est détériorée au fur et à mesure des années qui passent ? Est-ce que c'était finalement sensoriel ou alors une expérience plutôt intellectuelle ?

  • Speaker #1

    Moi, c'était très intellectuel, comme beaucoup de choses qui se passent chez moi. C'est vraiment venu par la compréhension des sujets, la compréhension de certaines pratiques qui sont justement illogiques et absurdes. Et c'est venu par là. Quand j'ai mon engagement, même jeune, j'étais quand même assez engagée, même quand j'ai terminé les études de droit. J'ai été plutôt interpellée par les droits humains, donc tout ce qui était humain, et le côté environnement est venu finalement après. Et là maintenant, à mon âge, je commence à avoir cette... à la fois cet intérêt et cette empathie pour l'intention. C'est-à-dire quand je vois des arbres coupés, tout de suite, ça me génère une vraie émotion. Donc on est dans l'empathie. Mais le chemin est vraiment venu d'abord par l'intellect. pour arriver à aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Justement, parlons de ton basculement vers une approche engagée et engagée en faveur de l'environnement. Tu as eu deux points de bascule marquants en 2016 et 2017. Est-ce que tu peux nous parler de ces moments avant, après et ce qu'ils ont changé à toi ?

  • Speaker #1

    Alors en 2016, j'étais à l'époque une juriste en droit des affaires. J'avais passé une dizaine d'années en tant qu'avocat. avocate en droit des affaires. Puis j'avais rejoint la direction juridique d'un grand groupe français dans laquelle je faisais, en gros, ce qu'on appelle le droit de la concurrence et le droit de la conformité. Et donc assez classique, au profit de mon entreprise. Et j'étais assez passionnée par ce que je faisais. Mais j'ai eu, à l'aube de mes 40 ans, une sorte de prise de conscience en me disant « mais c'est fou quand même, je fais du droit depuis 16 années, j'y passe beaucoup de temps. » tant beaucoup de passion dans mon travail, mais je n'ai encore jamais travaillé justement pour l'intérêt général, pour des ONG, alors même que c'est clé. Donc je me suis...

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a eu un moment vraiment où ça... Un discours t'a interpellé, une personne, tu te souviens de ce déclic-là ?

  • Speaker #1

    J'ai assisté à une formation interne à mon entreprise qui était donnée par le directeur RSE de Bouygues, Fabrice Bonifet, qui est assez charismatique. Et ça a été effectivement un moment assez clé, puisque je venais de cette formation éthique et donc je ne savais pas du tout de quoi ça allait parler. Et finalement, il nous a parlé de... du risque du changement climatique, des conséquences prévisibles du monde si on ne change pas de modèle, de manière très claire et très convaincante. Et donc, c'était deux heures de présentation qui m'ont clairement complètement interpellée, puisque j'étais choquée, parce que même si j'avais bien entendu une certaine conscience de ces enjeux, Je ne les avais jamais entendues de manière si claire et si convaincante. Donc, je suis sortie de cette formation assez troublée. Tout de suite après, je me dis, bon, comment on fait ? C'est là où on revient sur l'impact. Tout de suite, je me dis, bon, très bien. Maintenant, comment on s'organise pour que moi, dans mon rôle de jeunesse d'entreprise, je puisse amener ma pierre à cet édifice ? Et donc, ça m'a amenée tout de suite, déjà dans le travail interne, à aller vouloir rencontrer tous les directeurs, directrices de l'entreprise pour essayer de... de convaincre et puis d'essayer de comprendre ce qu'on pouvait faire et puis moi personnellement de m'approcher des ONG, d'une en particulier qui est la Fondation pour la Nature et l'Homme en allant les voir, en disant comment je peux vous aider concrètement avec tout ce que je sais faire, je suis avocate je connais très bien le droit européen, le droit international est-ce que je peux vous apporter quelque chose dans vos campagnes ?

  • Speaker #0

    Et ensuite alors ?

  • Speaker #1

    On arrive cette fois-ci un peu plus tard en 2017 ... Il se trouve que justement cette fondation travaillait sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, qu'on appelle le CETA. Et le chargé de campagne qui me reçoit, avec qui j'avais été mis en contact par une amie qui les aidait en pro bono sur leur communication, me dit « bah oui, ça tombe bien, on travaille beaucoup sur cet accord qui pose plein de sujets de démocratie, de... » Il y avait surtout un sujet, c'est que ces accords de libre-échange sont aussi des accords qui prévoient des mécanismes, ce qu'on appelle d'arbitrage d'investissement, en gros qui prévoient que ce qu'on appelle les investisseurs étrangers, donc souvent des multinationales ou alors des entreprises qui travaillent souvent dans l'exploitation de ressources, peuvent attaquer les États, pas devant les juridictions nationales, mais devant des arbitres, donc ne présentent pas du tout les mêmes garanties d'indépendance. Si l'État change ses lois, par exemple, et va, en matière d'environnement, par exemple, décider d'apporter une protection plus importante de ses ressources, et l'investisseur qui voit son investissement finalement impacté par cela peut très bien dire que ça, cela ne tienne. Moi, je vais vous attaquer devant ces tribunaux d'arbitrage pour demander à être indemnisés, puisque ces nouvelles lois, même si elles sont d'intérêt général, portent intérêt à mes attentes légitimes de profit. Et c'est... j'ai découvert ce système qui existait dans le CETA, mais qui existait aussi par ailleurs, c'est ce que je l'ai découvert dans plein d'autres accords, et qui pose un nombre de sujets considérables en matière de choix démocratiques, puisque ça permet, ça donne un pouvoir totalement démesuré à certains acteurs privés qui sont quand même animés par la recherche de profits, et qui vont pouvoir les utiliser de manière très opaque, puisque tous ces mécanismes ne sont pas du tout ouverts, soumis. aux mêmes règles de transparence que les procès classiques, et vont vraiment apporter, enfin, risquent de générer ce qu'on appelle des gels réglementaires, c'est-à-dire qu'un État, notamment s'il n'a pas beaucoup de moyens pour se défendre, et risque des milliards d'indemnités en cas d'adoption de certaines lois protractives de l'environnement, va risquer de dire, finalement, j'abandonne. Par exemple, il y avait un cas qui était assez connu, Vattenfall contre l'Allemagne, dans lequel... L'Allemagne avait pris une loi pour protéger un fleuve et ça a porté préjudice aux investissements de Vattenfall, qui est l'énergéticien suédois. Et donc, finalement, ils ont négocié, ils sont revenus en arrière pour éviter ce type de connation. Aujourd'hui, on en voit de plus en plus, on en voit sur toute l'Italie, qui avait octroyé des droits d'exploration pour de recherche de pétrole le long de ses côtes. à... a accepté de protéger son littoral à la suite d'un mouvement citoyen pour protéger justement l'environnement. Et tout de suite, c'est lui attaqué par Rockefeller, demandant des millions. Donc, c'est un mécanisme qui est à la fois très puissant et très dangereux. Et donc, sur le CETA, ça a été ma première entrée dans ce plaidoyer contre ce mécanisme, puisque ce que j'ai fait, c'est que j'ai rédigé très rapidement, quand je suis allée voir cette fondation, on dit qu'on veut aller... rédiger une saisine du Conseil constitutionnel français contre ces mécanismes-là. Est-ce que tu veux t'en charger ? Je ne connaissais absolument pas le sujet. J'étais en pause.

  • Speaker #0

    Tu t'es plongée à fond ?

  • Speaker #1

    Je me suis plongée à fond. J'ai eu un droit pour le faire. Et donc, j'ai réussi à rédiger cette saisine. On n'a pas réussi à obtenir une décision du Conseil constitutionnel déclarant que c'était mécanisme et des contrats. la question, mais ça a vraiment permis, ça a vraiment alimenté la campagne, et ça a vraiment permis à tout un nombre de politiques, notamment, de comprendre ces mécanismes, et de leur donner une visibilité beaucoup plus large auprès du grand public, parce que, bien entendu, c'est compliqué, et donc il y a toujours le risque que ça se passe behind closed doors, et que personne ne comprenne vraiment ce qu'il en est, donc c'est vraiment l'enjeu, c'est d'arriver à démocratiser la compréhension de, finalement, c'est pas si compliqué que ça. Et il faut absolument les faire évoluer, puisque ça ne marche pas aujourd'hui en matière de climat, mais ça pourrait être en matière de santé publique, d'imposition, etc. Ce sont des armes trop dangereuses pour que les États puissent vraiment essayer d'être plus protecteurs de leur population, de leur environnement, puisque c'est vraiment un obstacle assez majeur.

  • Speaker #0

    Donc là, c'était ton premier pas finalement dans cette nouvelle vie que tu poursuis aujourd'hui. Ce que j'entends quand tu parles, c'est finalement un peu de la méta-analyse du droit. Quelque part, tu analyses le droit avec un regard éthique. C'est cette boussole-là qui te guide. Finalement, remettre en question les lois, c'est quand même un travail qui est compliqué, qui est difficile. Tu vas au-delà de la simple attaque pour greenwashing. Et en tout cas, dans ce premier cas-là, c'est une expérience qui a dû te marquer. Est-ce que ça t'a encouragée à continuer ? Est-ce que ça a bouleversé ta vie après ?

  • Speaker #1

    Alors, ça m'a vraiment marquée sur deux plans surtout. Le plan personnel, quand je suis arrivée un peu la bouche en cœur en disant est-ce que je peux vous aider ? Je n'avais aucune garantie que je servais à quelque chose puisque j'arrivais à 40 ans, je n'avais fait que 2 ou 3 des affaires. Je ne savais pas du tout si j'étais compétente. Donc ça, ça a été vraiment le premier aspect de voir que oui, ça va, j'étais compétente, j'avais vraiment quelque chose à apporter. Et finalement même... cette vie d'avant était très utile pour arriver à regarder les choses d'une manière différente. Et donc ça, c'était très... C'était majeur pour moi de dire, OK, je sers à quelque chose là-dessus. La deuxième, c'est effectivement moi qui avant étais un petit peu la tête dans le guidon. Et donc j'étais spécialiste du droit des affaires, du droit de la concurrence. Et donc j'utilisais le droit que je connaissais. pour, j'étais en fait... Servir des internes. Voilà, pour servir des internes, qui parfois sont tout à fait légitimes. C'est-à-dire que l'entreprise par laquelle je travaille, qui était une entreprise qui faisait des choses bien, c'est-à-dire que je venais me voir en interne, et avant, quand j'étais avocate d'affaires dans des cabinets internationaux, certains clients venaient me voir en disant, toi, Clémentine, spécialiste dans la concurrence, on a ce dossier, ce problème, à toi de le mettre en œuvre. Et de travailler, donc, avec des plaidoyers qui, eux, Leur but est effectivement de changer le droit. Ça m'a complètement changé d'angle, de vision, de me dire en fait, aujourd'hui dans les mécanismes juridiques qui existent, certains sont très problématiques. Donc il va falloir, si on veut collectivement avoir une société qui est plus juste, clairement, d'une manière plus large, il va falloir les changer. Et donc j'ai découvert ces... Là, j'ai découvert en fait ces règles qui... qui sont vraiment des héritages post-coloniaux. Et je me dis, non, en fait, il va falloir que j'y passe de l'énergie, je ne vais pas m'arrêter là, et je vais continuer. Et en fait, c'est un sujet sur lequel je vais vraiment me battre, et c'est, je pense, mon combat depuis, en plus de tout le reste. Mais c'est vraiment quelque chose dans lequel je suis devenue très spécialiste. J'ai tout un nombre d'articles dessus, parce que j'ai voulu creuser ensuite, de comprendre pourquoi les États ont accepté. d'aller abdiquer d'une grosse partie de leur souveraineté pour accepter de se faire attaquer devant des arbitres sans aucune garantie, tout ça opaque et risquant des milliards. Vraiment, de manière très naïve, je n'ai pas compris. Je me suis dit, mais c'est super étonnant. Et j'ai découvert que oui, ça arrivait dans les années notamment 90. Il y a une certaine question, on peut dire à l'instar, ça fait partie d'un État moderne aujourd'hui, il a sa règle de conférence, il a ses accords de protection d'investissement, c'est comme ça. Alors même qu'il n'y a absolument aucune étude économique qui démontre que ce type d'accord d'investissement va avoir un impact sur la possibilité d'un État d'investissement. Ça revient un peu sur des ressorts chez moi, c'est-à-dire du côté, c'est absurde, c'est illogique, c'est injuste. Donc, il va falloir trouver une solution. Et donc, depuis, j'ai continué à travailler pour ces ONG, donc la Fondation pour la nature et l'homme et l'Institut Weblen, qui était aussi l'autre ONG sur ce sujet. Et ça fait partie de, je dirais, un tiers de mon activité, de réfléchir à des stratégies pour voir comment on peut aller... les contester, utiliser d'autres normes supérieures comme la Convention européenne des droits de l'homme, les constitutions, pour aller trouver quand même les incohérences. Et ça m'a, moi, totalement donné de l'énergie et de l'envie de dire, je me lance, puisque après cette première expérience, c'est à quelques mois après que je quittais mon entreprise, je me réinscrivais au barreau, donc je redevenais avocate indépendante, avec l'idée... non testées, sans business management, de dire je vais travailler pour ces gens que je trouve exceptionnels, qui ont compris des mécanismes, qui ont une vision effectivement plus globale, plus géopolitique, et je vais les aider puisque je pense que c'est juste et c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Donc ça a eu un impact sur ta vie personnelle, j'imagine qu'il faut un sacré courage pour quitter un poste finalement sûr dans une entreprise et se lancer à corps perdu contre des mastodontes, un état... C'est quand même impressionnant, c'est un peu David contre Goliath, quelque part.

  • Speaker #1

    C'est totalement David contre Goliath.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais conscience de la difficulté qui t'attendait ? Et est-ce que ce n'est pas cette difficulté-là aussi qui t'a motivée ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas forcément une difficulté, au contraire, c'était le fait qu'on avait eu un impact. C'est-à-dire que moi, qui ne connaissais rien, en un mois, j'avais déjà eu un impact très sensible, même si finalement on n'a pas obtenu une décision du Conseil constitutionnel qu'on attendait, mais j'avais déjà eu un impact. Et donc, je me dis, wow, c'est fou, quand même. En peu de gens, on arrive à avoir ça. Et après, est-ce que c'est du courage ? C'est-à-dire une certaine audace de dire, moi, je serai capable d'apporter ma pierre et j'ai confiance. Donc oui, il y a une certaine audace. Courage, je ne sais pas, parce que la vie, c'est bête, mais la vie est courte. Et quand on sent, quand on est animé par une certaine passion à un moment et une certaine certitude, une certaine lucidité de se dire, c'est ce que je dois faire par responsabilité. C'est assez naturel. Et aller rester dans un poste qui ne correspond plus à ce qui fera sens pour moi, je pense que derrière, d'un point de vue personnel, le courage de rester dans un job qui ne vous voit plus, finalement, ce n'est pas un bon choix, même d'un point de vue personnel. J'ai aussi ressenti une certaine plénitude de se dire, wow, j'arrive à... à faire des choses très compliquées, avec un impact, et je sens que c'est ce que je dois faire. Et donc, c'est devenu finalement assez naturellement. Mais oui, un petit peu d'audace, de se dire, j'y vais, je ne sais pas trop où je vais, mais je sens que c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Et ton entourage professionnel et personnel, quelle a été leur réaction ? Est-ce que tu penses qu'ils ont été étonnés ? Est-ce que tu as eu des réactions autour de toi ? Ou bien, finalement, ça te ressemblait, ce choix-là ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'ils trouvent que ça me ressemblait, ce choix-là. Je ne leur ai pas dit tout de suite, parce que finalement, petit à petit, je me suis installée et j'ai continué à travailler là-dessus. Mais clairement, aujourd'hui surtout, il s'est passé du temps, et puis depuis, j'ai eu quelques succès. Tu parlais de l'affaire du siècle, qui est un autre type de procès, mais qui m'a permis aussi, qui vient... Oui, on va écrire des articles, mais du coup, ça a permis à mon entourage, tout à coup, de dire « Ah tiens, c'est drôle, effectivement, c'est ça » . Je pense que pour eux, ils ont une certaine fierté de dire « Waouh, c'est bien d'avoir quelqu'un qui va se balader pour l'intérêt général, etc. » . Donc, je pense que plutôt une certaine fierté, y compris de l'entourage, c'est bien et c'est plutôt en raccord avec, je pense, ma personnalité. Personne jamais m'a dit « Bah non » . Qu'est-ce que tu fais ? Ce n'est aucun intérêt. Tu perds ton temps. Tu devrais être tranquillement juriste d'entreprise. Et ça serait moins dangereux pour ta vie personnelle. En tout cas, je n'ai jamais eu ce type de retour, ni même dans des gens très proches de moi.

  • Speaker #0

    Donc, ça a été assez naturel, assez organique, finalement, ce qui s'est passé. Tu as écrit, et c'est important, je pense, pour les femmes qui sont autour de la quarantaine d'entendre ce genre de témoignages. Mais on va revenir à l'affaire du siècle. Donc ça, c'est une affaire historique. C'est ce qui a mis la lumière, finalement, sur la valeur de notre travail. Est-ce que tu peux me raconter un petit peu les moments les plus marquants pour toi dans cette séquence de ta vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    L'affaire du siècle, en fait, ça a commencé pour moi. Donc, j'avais fait ce premier cas pour la FNH. Et mon chargé de campagne m'a rappelé en septembre 2018 pour dire, ben voilà, on a cet objectif, ce nouveau cas, à la suite d'un cas similaire au Pays-Bas qui s'appelle l'affaire Ausha. Ce collectif d'associations souhaite mettre l'État français face à sa responsabilité et attaquer en justice l'État, ce qui ne fait pas assez pour lutter efficacement contre le changement climatique et que c'est contraire à ses engagements dans l'accord de Paris, même dans la Constitution. Et donc on va utiliser le procès pour essayer de demander aux juges de condamner l'État à en faire plus. Et c'était assez ambitieux, parce que déjà, rien que le nom de l'affaire, l'affaire du siècle, dès le début, c'était approprié.

  • Speaker #0

    Comment il a été choisi, ce nom-là, l'affaire du siècle ?

  • Speaker #1

    L'ONG, à la base de ce projet, ça s'appelait Notre Affaire à Tous. D'accord. Donc, c'était une sorte de jeu de mots entre l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire. Et puis, l'idée que ça allait vraiment être une affaire importante. Et c'est vrai qu'ils ont bien fait les choses, puisque c'est une affaire juridique, mais c'était aussi un outil extrêmement puissant de mobilisation. puisqu'ils étaient, avant même de lancer le procès, ils avaient organisé autour d'un collectif d'influenceurs qui avait fait toute une vidéo qui a donné lieu d'ailleurs à... une sorte d'orchestration, le lancement de l'affaire du siècle. On avait la vidéo avec les influenceurs, une pétition qui était extrêmement vue et signée, parce que je crois qu'encore aujourd'hui, c'est la pétition la plus signée de l'histoire de France, par, je crois, 2 millions 8. Et après, le procès, l'action juridique. Donc moi, je suis juste le support juridique qui est important. Et bien sûr, je fais partie d'un collectif. C'est-à-dire qu'on était plusieurs avocats dans ce lancement. Et moi, je suis seulement l'une d'entre elles. Parce que quatre associations sont les demandeurs. Donc FNH, que je représentais, Oxfam, Greenpeace et Notre Affaire à Tous. FNH,

  • Speaker #0

    c'était la fondation Nicolas Hulot.

  • Speaker #1

    Voilà, qui était à l'époque la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme. l'Organisation pour la Nature et l'Homme. Et donc, les grands moments, ça a été le lancement. Ça a été assez impressionnant, puisque je me souviens que vous avez lancé une conférence de presse. Oui. On va attaquer l'État en justice.

  • Speaker #0

    On peut dire les images. Je me souviens des images. Oui, oui. On ne se connaissait pas à l'époque, mais ça m'avait marquée.

  • Speaker #1

    On était tous dans une salle et il y avait les chargés de campagne, certains influenceurs qui étaient tous devant leur ordinateur. Et tout à coup, il voit que la pétition est signée, 500 000, 1 million, je crois que le système a un moment à casser, parce qu'il y avait tellement d'options, et c'était complètement inattendu de voir l'ampleur que prenait cette action. On l'a vu, c'est juste qu'on lance une action pour attaquer l'État, pour manquement dans son action de changement climatique. Donc, en soi, ce n'était pas totalement... Nouveau, c'était nouveau de le faire sur le climat, mais l'État a été attaqué et condamné sur le sang contaminé, sur les algues vertes, sur la miante. Enfin, on a des précédents.

  • Speaker #0

    Mais cette ampleur-là, elle a dû vous motiver. D'autant plus, vous aviez une responsabilité d'autant plus grande que des millions de gens étaient derrière.

  • Speaker #1

    Oui, c'était fou. C'est-à-dire qu'effectivement, nous, toujours en bon juriste, on était là, alors c'est compliqué, on n'est pas sûr de gagner. Sachez qu'il y a peu... Donc, toujours à mettre un peu des freins en disant... On va essayer de faire ça le plus sérieusement possible, mais sachez qu'il y a certains challenges dans le lien de causalité, dans le préjudice écologique. D'un point de vue juridique, on avait tout un nombre de challenges importants, parce que ça demandait vraiment certains changements dans l'analyse du droit par les tribunaux. Et c'est vrai que ça nous a donné des ailes, ça nous a permis, je pense, aussi, de montrer que c'est un tel sujet de société, je pense, que ça a eu forcément un impact. Sur la décision, je pense que ça nous a vraiment aidé, ça a été une rétroalimentation positive. Et après, le grand moment, c'est quand on a gagné.

  • Speaker #0

    Puisque contre toute attente...

  • Speaker #1

    Pour une fois, je me souviens des images, des micros tendus.

  • Speaker #0

    Oui, c'était fou parce qu'il y a eu plusieurs décisions de justice et ce n'est pas l'objet de rentrer dans les détails de succession. Mais la première décision du Conseil d'État dans une affaire qui était lancée en parallèle et dans laquelle on était aussi intervenant volontaire, qui s'appelle l'affaire Grande-Synthe, le Conseil d'État. La première décision du Conseil d'État. qui a décidé que les engagements de réduction de gaz à effet de serre étaient contraignants pour l'État, c'était déjà totalement révolutionnaire d'un point de vue juridique, et donc annonçait le fait qu'on avait potentiellement une possibilité de faire condamner l'État. Et après, l'audience aussi, en plein Covid, tous avec leurs masques, dans le tribunal administratif, et après l'autre décision positive, sont des moments très clés, très forts de cette affaire.

  • Speaker #1

    Est-ce que régulièrement, ça te booste d'y repenser, d'avoir un succès comme ça, d'une telle ampleur, d'avoir vraiment ressenti un vrai impact ? Et puis un impact non seulement sur ce sujet-là, mais avoir embarqué autant de citoyens autour de cette Ausha. Est-ce que parfois, tu y repenses aujourd'hui, comme une référence que tu aurais dans ta vie professionnelle ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que je suis une éternelle à cette fête. Je veux toujours aller plus loin. D'ailleurs, maintenant, on est à faire du secte. Super. Pas ça pour tout le monde. Non. Et même pas que c'est autre chose. C'est-à-dire que je suis toujours dans l'idée de l'impact. Concrètement, qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'on va s'en servir qu'en précédent ? Comment ça va être ? Donc, je suis toujours sur le coup d'après. C'est un peu les avocats. C'est-à-dire que les ONG, elles continuent leur campagne, etc. Nous, on monte dans des bateaux. Un moment, c'est le changement climatique. Un autre moment, c'est la biodiversité. Et donc, j'y pense souvent comme référence, mais aussi comme responsabilité de se dire tout ça. On a embarqué tout le monde. Certes, c'est une super mobilisation, ça a sensibilisé beaucoup de gens, mais ça ne peut pas être suffisant. C'est-à-dire que si on a embarqué tous ces gens-là, c'est aussi pour en faire quelque chose de concret. Et là, ça devient compliqué. Comment on pousse un État à en faire plus ? Sur quel sujet il faut en faire plus ? Qu'est-ce qu'on va pouvoir, derrière, annuler ? Comment ça peut aller en dehors de la France ? Et c'est vrai que, par exemple, sur l'Espagne, j'ai pas mal échangé avec toute l'équipe juridique qui a... qui a lancé le cas climatique espagnol, qui n'a pas été aussi successful, mais qui a aussi son intérêt. Donc, je suis toujours dans la mise en œuvre pratique de cette décision.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais ça te porte quelque part ?

  • Speaker #0

    Oui, ça me porte en me disant si on arrive à faire ça, on a une responsabilité d'aller plus loin et d'arriver à opérationnaliser des résultats juridiques. et à faire que ça soit concret, qu'il y ait un vachement. Et sur ces sujets-là, en fait, c'est déjà le simple. Oui.

  • Speaker #1

    Tu disais qu'au début, en introduction, tu dis qu'il y a deux volets à tout le travail. Il y a ce volet-là, que nous viens d'évoquer, mais aussi un volet greenwashing, qui est un des gros enjeux contemporains. Notre podcast s'appelle Sincère. Là, on touche justement à cette authenticité, à cette sincérité. Tu es pionnière sur ce sujet, pour toi. Aujourd'hui, pourquoi les entreprises, elles continuent à céder à cette tentation du greenwashing ? Ça paraît incroyable en 2024-2025 de continuer à prétendre des choses qui ne sont pas réellement.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a plusieurs types de situations. Il y a les entreprises qui pensent qu'elles font les choses bien et qui, par méconnaissance de leur réglementation, vont faire un discours disproportionné. pas toujours mal intentionnées, mais elles font des choses bien parce qu'elles ont un peu travaillé sur baisser leurs émissions, sur les recyclages, et donc tout à coup, on a une grande campagne de publicité là-dessus, mais qui va occulter le fait que l'entreprise, elle a toujours un business model qui est réjuncible. Et donc, en soi, ça reste le greenwashing d'avoir ce message proportionné. Il y a peut-être certaines entreprises qui sont un peu cyniques et qui, du coup, voient que l'argument écologique porte et donc vont l'utiliser sans finalement se préoccuper. de savoir la réalité ou pas. J'espère que ce n'est pas la majorité, mais c'est possible. Et après, parce qu'on est quand même dans une ère, ça ne t'échappera pas, de vérité alternative et que le discours vaut ce qu'il vaut et que tant que personne ne dit rien, tant qu'il n'y a pas de risque, aller faire une grande justice sur son impact écologique, même si ça ne veut pas dire grand-chose dans la réalité des faits. C'est devenu mon renacquant. Ce qui est compliqué, c'est que même les États, enfin, je veux dire, les politiques, les premiers à faire du greenwashing aujourd'hui, malheureusement, c'est nos politiques, voire même nos lois. C'est-à-dire qu'il y a toujours cette tendance à vouloir dire qu'on fait plus que ce qu'on fait vraiment. Mais ça marche même dans certaines réglementations qui sont adoptées. Les politiques vont avoir tendance à dire « Ah, super, on a adopté la taxonomie, donc maintenant, toute la finance va devenir verte. » qui, quand on regarde un tout petit peu le texte, n'est absolument pas le cas.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce discours vert, ce n'est pas déjà un premier pas vers un changement de fond ?

  • Speaker #0

    Malheureusement, pas toujours. D'accord. Ça peut arriver que dans certaines entreprises, le fait de pouvoir valoriser son investissement ESG en faisant une campagne de pub et pour montrer comment on avance, ça peut être... un argument qui va permettre à l'équipe dirigeante de se dire, ça vaut le coup, ça vaut le coup de s'engager dans, je ne sais pas, le recyclage, les émissions, etc., puisqu'on va pouvoir en valoriser. Donc, ça peut arriver, mais ce qu'on voit, c'est souvent, soit parce que les concurrents le font, ou parce que, je ne sais pas, les équipes marketing, communication, pas forcément mal intentionnées, mais elles vont être amenées à utiliser ces arguments sans forcément qu'il y ait une réalité. Alors, si, donc... Je ne suis pas sûre que ça soit démontré que ça soit un premier pas, malheureusement, mais par contre, ça peut aussi plomber la petite entreprise qui fait les choses vraiment bien, qui est extrêmement sérieuse sur sa chaîne d'approvisionnement, sur le cycle de vie de ses produits, sur la manière dont elle va faire ça comme qu'on se voit et qui se retrouve face à des mastodontes qui font peut-être un petit peu, mais sur rien à voir. Elle, pour le coup, elle ne va jamais arriver. à être identifié comme tel par les clients. Et donc derrière, son business model ne va pas pouvoir l'utiliser. Donc je pense que de manière générale, je pense qu'au global, ça a plus d'effets négatifs sur la transition que positifs. Et c'est pour ça que moi j'ai décidé de m'y mettre, en me disant que c'est important, parce qu'il ne faut pas dire n'importe quoi. Et c'est important de pouvoir valoriser l'argument écologique quand il est réel. Et donc, c'est pour ça qu'on s'est lancé. Après, la Commission européenne, a priori, elle est d'accord avec moi, puisque les lois en termes de greenwashing deviennent de plus en plus strictes. Et la réglementation, la dernière, la directive, elle s'appelle la directive pour donner au consommateur le pouvoir d'agir en faveur de la transition. Donc, l'idée derrière, c'est de se dire que le consommateur ne peut pas agir en faveur de la transition s'il est bombardé d'informations dans tous les sens et qu'il n'est pas tout à fait capable de faire la différence entre un produit, un service et un autre.

  • Speaker #1

    D'accord. D'accord, mais moi, je suis communicante, tu le sais. Je joue souvent avec les mots pour rendre des discours parfois plus acceptables qu'ils ne sont en réalité. Est-ce qu'à ton avis, on peut rester sincère tout en étant stratégique quand on est une boîte ? Je pense, oui, je pense vraiment.

  • Speaker #0

    Et moi, ça m'arrive aussi. Ce n'est pas le cœur de mon activité, mais ça peut m'arriver de travailler en conseil pour certaines entreprises. Et on se rend compte que finalement... C'est très vertueux. C'est vertueux parce que ça permet au sein de l'entreprise, notamment les entreprises compliquées, quand on les challenge, de dire, mais vous dites ça, mais concrètement, c'est quoi ? Donc, ça leur permet en interne de bien comprendre leurs impacts, les secteurs les plus problématiques dans leur business, etc. Donc, en interne, ce n'est pas toujours le cas et ça leur permet aussi d'avoir un échange d'informations entre les communicants, les marketeurs. ceux qui sont sur la production, etc. Et je pense, en tout cas c'est vrai, des milieux qui sont les plus sensibles aux impacts écologiques, mais finalement ça va être eux qui seront aussi les plus sensibles aux discours écologiques. Ils vont tout à fait comprendre qu'une entreprise ne peut pas faire tout bien, et donc un discours très transparent de dire, par exemple, on ne fait pas tout bien, mais ça en fait mieux, ça sera peut-être un discours plus sophistiqué. Moins évident parce qu'effectivement, la pub, elle ne tient pas en un grand slogan « faites le mieux pour la planète » . Mais mon intuition, après moi, je ne suis pas marketeuse, donc je n'ai pas vu d'études. Mais mon intuition, c'est que ça va créer cette relation de confiance plus simplement avec les consommateurs. Et aujourd'hui, dans lequel les marques ont leurs réseaux sociaux, racontent des histoires, cherchent à cette proximité, j'ai l'impression que ça va être... Ça va être vraiment un vecteur d'adhésion à la marque. Je pense des marques comme Patagonia, des marques qui sont très fortes dans leur identité. Il faut qu'elles fassent très attention, justement, d'autant plus, et qu'elles peuvent très bien raconter un peu crûment, de se dire, voilà ce qu'on fait bien, voilà ce qu'on fait moins bien. Et je suis sûre que, en tout cas, cette confiance, à terme, va apporter plus sur l'attachement à la marque. À l'inverse, un discours extrêmement simplificateur. sur un produit dont on sait qu'il est problématique, va générer directement de la méfiance. Donc, je ne suis pas sûre que l'équation soit la plus intéressante. Après, bien sûr, il y a les risques juridiques de combattre, et de backlash, et de name and shame, etc.

  • Speaker #1

    Très bien. Maintenant, pour revenir un petit peu à tes défis personnels et professionnels, à ton avis, là, aujourd'hui, à l'aube de 2025, quels sont les obstacles les plus difficiles que tu rencontres dans ton métier aujourd'hui ? Est-ce que tes confrères comprennent ton combat ? Est-ce que tu penses qu'il y a beaucoup trop de choses à faire ? Est-ce que tu invites d'autres avocats à faire le choix que tu as fait ?

  • Speaker #0

    Mon défi le plus important, c'est que c'est vraiment des combats de David et Goliath tout le temps. Mais en soi, ça va. C'est quelque chose que j'ai intégré comme une composante. C'est-à-dire qu'il n'y a aucun sujet simple. Ce qui est aujourd'hui même le plus compliqué, c'est qu'on change géopolitiquement. On a un gros changement dans lequel...

  • Speaker #1

    Les sujets écologiques passent au second plan, finalement.

  • Speaker #0

    Exactement. Mais en soi, vraiment, on a un atre qui va arriver aux pouvoirs aux États-Unis. On a aussi envie de se réindustrialiser et c'est compréhensible. On a une polarisation absolument énorme de la société. C'est compliqué. Moi, je ne fais pas de plaidoyer, donc ça doit être compliqué pour les gens qui font du plaidoyer parce que c'est difficile de pousser ces sujets là-dessus. Pour moi, c'est comment aborder aussi cette complexité parce que je pense que c'est important de l'aborder. Il ne faut pas être dogmatique même quand on est dans l'écologique. C'est-à-dire que je pense que c'est important de comprendre aussi l'impact géopolitique de réglementation qu'on peut prendre en Europe. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que moi, je m'intéresse aux accords de libre-échange, aux accords de protection d'investissement et aux droits nationaux de comment on fait les choses en Europe. Je pense que c'est important de toujours se poser cette question. Et même moi, quand je bosse pour des ONG, je me demande toujours est-ce que je pense que c'est bien ? Est-ce que c'est un impact ? Et c'est vrai que parfois, on peut être amené, moi-même, je peux être amenée à défendre un collectif qui est contre l'implantation d'une ligne THT pour décarboner une zone. Donc, ce qui est compliqué, c'est ça, c'est cette... C'est cette sophistication de dire, oui, allez mettre des EOLiennes, allez décarboner, c'est bien. Il faut éviter les motos thèmes, genre on décarbone, donc finalement, c'est bon, on va couper plein d'arbres pour mettre des plaques solaires. Donc, arriver à aborder cette complexité, et puis la grosse difficulté, c'est la justice qui est démunie, qui n'a plus de ressources. Donc, c'est-à-dire que le procès, il n'a l'impact que derrière, si on a des juges qui ont le temps. Et donc ça, je pense, ça va être de plus en plus important, notamment pour les contentions en France. Et donc, d'arriver dans un monde qui simplifie, même la justice, elle est quand même victime de ça, d'arriver à...

  • Speaker #1

    À entendre la nuance.

  • Speaker #0

    Exactement. Ça reste, la justice, un endroit où on peut débattre vraiment avec des preuves scientifiques, etc. Mais on sent que ça, ça va être de plus en plus difficile. Donc, c'est-à-dire vraiment ce lien entre la justice, la géopolitique. et le temps et les ressources. Et mes confrères, je pense qu'ils comprennent tout à fait. Et je pense que c'est un sujet aussi, même les avocats d'affaires aussi. Ce qui est bien, c'est que quand on lance, par exemple, un procès en greenwashing, derrière, ce procès va être utilisé par mes confrères en droit des affaires pour aller en interne, former les équipes, enfin, former leurs clients et leur dire, attention, vous avez un risque contentieux. En vrai, c'est juste mon contentieux, mais vous avez un risque contentieux. Donc, derrière, il y a une sorte d'écosystème plutôt vertueux. qui se mettent. Donc, en tout cas, ça va être des difficultés. Et puis, on va voir comment, forcément, mon activité sera impactée aussi de ce qui se passe dans le monde de manière générale, d'un point de vue aussi de financement. Comment vont continuer à travailler la société civile si vraiment elle sera complètement bloquée ? Auquel cas, à la fois la justice, ça sera peut-être un dernier rempart, mais plus difficile, encore plus lourd, encore plus... David et Goliath.

  • Speaker #1

    En tout cas, bravo de trouver l'énergie de continuer face à ce changement de paradigme et avec un monde qui bouge aussi vite, avec de plus en plus de contraintes économiques et géopolitiques, je l'entends. J'ai une dernière question. Est-ce qu'on peut vivre aligné avec ses valeurs ?

  • Speaker #0

    Tout dépend de ce que veut dire aligné avec ses valeurs. Je pense qu'il ne faut pas se fouetter non plus de chercher à être parfait. En tout cas, moi, je ne pourrais pas, sinon, faire ce que je faisais si à chaque fois que j'ai un combat plutôt environnemental, aussi peut-être démocratique. Donc ça, c'est mon travail. Dans ma vie perso, forcément, c'est un impact. Et j'essaye d'être la plus proche possible de ces convictions. Mais on ne peut pas tout nous faire porter. C'est-à-dire qu'il y a un moment, oui, je suis végétarienne, oui, j'essaye de limiter les transports inutiles en avion. Mais ça serait totalement injuste et inefficace de se dire parce que tu portes des combats environnementaux, il faut que tu aies plus de portables, tu ne prendras plus jamais l'avion, etc. Et c'est là où l'impact est utile pour moi, de se dire, moi, je veux un impact, et c'est l'impact que je cherche, donc comment je vais pouvoir me rendre quand même la vie pas trop trop compliquée, tout en poursuivant cet impact important. Donc ça, c'est l'impact. Après, les autres valeurs, oui, les valeurs d'honnêteté, de tolérance, de sincérité, etc. Celles-là, oui, comme tout le monde, je pense que c'est important d'être... d'être en cohérence. Donc ça, je pense que c'est très important. Et moi, ça a été effectivement ce changement de carrière qui, bien sûr, a un impact économique certain, mais gérable. Après, chercher un alignement parfait avec ces combats, il faut, je pense, mettre le curseur à un niveau où ça sera possible sans affecter trop fortement. sa capacité à vivre, à être en famille avec des gens qui ne pensent pas comme vous, dans vos amis, dans vos enfants, dans vos conjoints, et arriver à trouver un équilibre qui fasse que vous ne deveniez pas complètement ayatollah avec votre entourage, je pense que ça serait complètement contre-productif, mais que pas ce que vous faites. Vous donnez plutôt envie en vous disant « Ah oui, finalement, c'est bien » , plutôt que d'imposer un mode de vie qui est... qui est complexe aujourd'hui dans le système dans lequel on vit. Ça sera peut-être un jour différent, mais aujourd'hui, il faut quand même s'inscrire dans son système. Et en tout cas, moi, la manière dont je l'aborde, c'est plutôt par le système, à l'intérieur du système, utiliser les outils du système et essayer de les faire changer. Mais je n'ai pas aujourd'hui, en tout cas, de porter une position qui est de se dire je jette tout le système à la poubelle et je me bats contre ça, parce que ça, pour le coup, je ne suis pas sûre que j'arriverai à porter ça sur mes épaules aujourd'hui, en tout cas.

  • Speaker #1

    Donc, réalisme et nuance, c'est un peu les deux messages que tu portes aujourd'hui. Si tu avais un message à transmettre à ceux qui nous écoutent, qui veulent s'engager à leur échelle, qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Moi, de mon expérience à moi, ce que j'en tire sur ça, c'est que je suis quand même assez stupéfaite par la possibilité de faire bouger des choses assez lourdes, assez énormes. Parce que là, on parle de traités, etc. Est-ce qu'on n'a pas parlé d'un cas qui me tient à cœur, mais où vraiment on a... Moi, j'étais l'avocate, mais avec des organisations, on a vraiment arrivé à faire connaître l'impact très négatif d'un des traités d'arbitrage, le traité de la charte de l'énergie. Et ça a eu un impact dans la vie réelle, puisque l'Europe en est sortie, tout un nombre de pays en sont sortis, en partie grâce à l'action qu'on a apportée devant la Cour européenne des droits de l'homme. Donc moi, je suis stupéfaite de l'impact qu'il peut avoir un petit groupe de personnes sur des réalités qui semblent émuables. Donc ça, c'est leur premier message, de se dire finalement, alors chacun avec ce qu'il a comme bagage, comme possibilité, c'est peut-être pas le bon moment, il faut quand même avoir un petit peu l'air insolite pour se dire, allez, je me lance, c'est-à-dire qu'il faut attendre le moment. Mais je le vois, et moi je le vois d'autres personnes, c'est-à-dire que chacun a quand même, justement on revient sur l'impact, mais peut avoir un certain impact, et la manière de le faire, parce qu'effectivement au début c'est... Un grand pas en amont dont on ne sait pas du tout où il faut aller, qui compacter, comment, quel est le premier pas. Moi, ce que j'ai trouvé utile pour moi, c'est de me dire, moi qui étais vraiment très sérieuse professionnelle, je me dis, je vais traiter mes cas, c'est-à-dire avant même d'avoir des clients, je vais traiter mon cas aussi sérieusement que si j'avais un client. Je paye très bien quand j'étais en cabinet d'affaires. Si je passe deux semaines où je me dis tel sujet qui me tient vraiment à cœur, moi c'était traiter l'arbitrage, mais ça peut être, je ne sais pas, les pesticides, le plastique. la violation des droits humains, etc. Et c'est ce que je donne comme conseil souvent quand on se mentale, c'est-à-dire vous prenez ce sujet-là, qui vous tient à cœur, et vous y mettez, vous dites, je suis payée. Vous imaginez que c'est votre dossier. Et d'ouvrir un champ des possibles, c'est-à-dire, comment on peut, pour les juristes, après, il y a bien sûr tous les autres métiers, mais de prendre très très sérieusement, de manière très carrée, et donc, il y a moins peut-être cette peur du vide, de se dire, par où je commence ? et ce que je montre en NG, etc. Mais de dire, je prends ça comme un dossier, et derrière, ça vous met en action. Et ça permet,

  • Speaker #1

    petit à petit,

  • Speaker #0

    de mieux comprendre, de comprendre aussi qu'est-ce qui doit être bougé, comment, et après peut-être de créer des coalitions. Et donc, ça fait vraiment avancer les choses.

  • Speaker #1

    Merci Clémentine pour cette conversation sincère et inspirante. Merci de nous avoir partagé ton parcours, tes combats, mais aussi tes réflexions sur la vérité et sur l'engagement. Pour celles et ceux qui nous écoutent, si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à partager sincère autour de vous et à nous suivre. pour découvrir d'autres voies authentiques dans les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    À bientôt !

Description

L’Affaire du Siècle, le greenwashing, la justice face à l’urgence climatique…
Dans ce premier épisode de Sincère(s), Clémentine Baldon, avocate engagée, raconte son parcours hors du commun : comment elle a contribué à faire condamner l’État français pour inaction climatique, pourquoi elle traque le greenwashing des entreprises, et comment le droit peut devenir une arme pour protéger l’environnement.


Un échange puissant sur la vérité, l’engagement et l’impact réel.
Peut-on rester sincère tout en étant stratégique ? Comment se battre contre des géants ? Clémentine partage sans filtre son combat de David contre Goliath face aux multinationales et aux États.


Episode conçu et présenté par Anna Casal pour Maïa & Mercure

Direction artistique: Inès Colonna

Musique : Titre:  Running (ft Elske) (Auteur: Jens East - Source: https://soundcloud.com/jenseast - Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr - Téléchargement: https://www.auboutdufil.com)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Sincère. Sincère, c'est le podcast qui parle d'authenticité avec des invités qui viennent témoigner ouvertement à ce micro de leur engagement et de leur valeur à travers leur parcours, souvent sinueux mais toujours inspirant. Je suis Anna Cazal et je vous invite à plonger dans la vie de celles et ceux qui ont fait de la sincérité un moteur et une force. C'est quoi être sincère ? C'est quoi vivre vraiment en accord avec ses convictions ? Et est-ce que c'est possible ? On va essayer d'y répondre aujourd'hui avec ma première invitée, Clémentine Baldon. Alors Clémentine, on se connaît déjà depuis quelques temps. Si je devais résumer ton parcours, je dirais d'abord, avec fierté, parce que tu es mon amie, que tu es une invocate engagée. Preuve en est que tu as fait condamner l'État français pour inaction climatique dans la fameuse affaire du siècle. Tu plaides en France, en Europe, tu te bats contre le greenwashing, sujet dont tu es la spécialiste. Mais d'un point de vue personnel, je sais aussi que tu es quelqu'un d'assez pudique. Tu as... plutôt tendance à porter la voix des autres devant différentes juridictions pour faire éclater la vérité au grand jour et apporter une forme de justice pour le bien de la planète. Alors ce que je te propose aujourd'hui, c'est une conversation sincère bien sûr, on va revenir sur ton parcours, ton engagement et je crois aussi sur le concept de vérité car il apporte un éclairage unique sur ton itinéraire et tes combats. Bonjour Clémentine.

  • Speaker #1

    Bonjour Anna.

  • Speaker #0

    Ma première question elle est très simple. Clémentine, si tu devais expliquer en quelques mots ce que tu fais à quelqu'un qui ne te connaît pas, qu'est-ce que tu dirais ?

  • Speaker #1

    Je commencerais par dire que je suis avocate, et la spécificité c'est que je me considère comme avocate d'intérêt général. C'est-à-dire que depuis que j'ai relancé mon activité d'avocate en abondante, j'ai décidé de me concentrer quasi exclusivement sur des affaires d'intérêt général, c'est-à-dire qui correspondent à un... Un objectif qui a un impact environnemental positif ou social positif. Et donc, je mets mes connaissances, mon expérience d'avocate, d'experte de droit, à disposition généralement d'ONG, qui constituent la plupart de mes clients, pour les aider à faire avancer leur cause. Alors, soit j'utilise le droit comme un... outil plutôt de contentieux. C'est-à-dire qu'on peut attaquer des lois qui sont non conformes à des textes supérieurs. Ça peut être la Constitution, ça peut être des règlements européens et qui vont dans le mauvais sens. Et donc, je peux me ramener à faire des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne ou en France ou par exemple dans l'affaire du siècle devant les juridictions administratives françaises. Soit des contentieux contre des entreprises, ce que tu mentionnais, le greenwashing. Donc, c'est-à-dire... essayer, via le droit, de rendre les entreprises responsables de nous avoir une communication plus transparente et plus éthique, soit sur des sujets plus de commerce international dans lesquels le droit lui-même est un problème, puisque le droit date de cinquantaines d'années et met tout ce qui est protection de l'environnement, le droit humain, au deuxième plan, par rapport, par exemple, au libre-échange ou à la protection de multinationales. Là, j'utilise l'analyse du droit pour voir comment le faire évoluer, comment l'interpréter différemment pour qu'il soit conforme aux enjeux d'aujourd'hui. D'accord,

  • Speaker #0

    très bien. Et donc, du coup, tu disais, tu mentionnais le terme d'intérêt général, mais aussi d'impact. Ce terme impact, on l'utilise beaucoup aujourd'hui, peut-être beaucoup trop, je ne sais pas, à toi de me dire. Est-ce que tu penses que ça a encore du sens de parler d'impact quand on est, par exemple, une entreprise et qu'on se dit à impact ? Est-ce que pour toi ? Ça revêt une vraie signification ou c'est un terme qui est vraiment trop usité aujourd'hui et à tort ? Pour moi,

  • Speaker #1

    personnellement, c'est assez essentiel, puisque moi, ça a été vraiment toute mon activité. Elle est autour de l'impact. C'est-à-dire quand j'ai décidé de ne plus être avocate ou juriste en droit des affaires, mais de réutiliser ça pour justement des ONG d'intérêt général. Hum... Tout mon objectif, c'était d'avoir un impact dans la vie réelle, dans la vie concrète. Donc c'est aussi pour moi ma boussole, quand je décide de m'engager sur un sujet, c'est de dire est-ce que vraiment j'ai une valeur ajoutée, on va apporter quelque chose, c'est utile. Ça reste vraiment une grille d'analyse très forte. Après, il est clair que le terme est un peu aujourd'hui galvaudé. Et la réalité qu'il peut avoir derrière le mot « impact » , je pense que c'est très divers selon les situations. Et clairement, l'impact réel de certaines politiques ou de certaines entreprises, je pense qu'il doit s'apprécier au cas par cas et qu'il n'est pas forcément toujours prouvé.

  • Speaker #0

    Donc, il faut aller creuser derrière,

  • Speaker #1

    et c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur ton parcours, parce que c'est la partie qui, si j'ai décidé de t'inviter pour ce premier podcast, et merci d'être ma cobaye pour ce premier épisode d'une première saison, j'espère qu'il y en aura d'autres. Si j'ai décidé de t'inviter et j'ai pensé à toi tout de suite, c'est parce que tu as un parcours qui est assez original, je pense qui est assez inspirant pour nombre de personnes. Je sais que tu reçois beaucoup de messages sur LinkedIn. de gens qui ont été inspirés à la lecture de tes interviews. Si on revient finalement à l'origine, ton enfance, quel genre de petite fille étais-tu ? Et est-ce qu'il y avait cette fibre déjà sensible à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Alors, quand j'étais une petite fille, j'étais surtout très curieuse. Je posais des questions, je n'arrêtais pas de poser des questions. C'était une sorte de quête infinie de comprendre tout ce qui se passait. De manière générale, j'avais une certaine fibre justicière aussi, c'est-à-dire que j'étais sûrement assez empathique et assez démunie face à l'injustice. J'aimais bien aussi tout ce qui était logique. Les situations qui me paraissaient à la fois problématiques et illogiques m'interpellaient et me donnaient envie d'agir. Je lisais beaucoup de livres policiers où j'aimais bien vraiment avoir tout le déroulement logique, de voir comment ça déroulait. Après, je n'avais pas encore cette fibre environnementale. Moi, j'ai grandi à Paris, loin de la nature. J'avais quand même la chance d'avoir des grands-parents qui avaient une maison pas très loin, en région parisienne, mais quand même dans un environnement plus naturel. Mais autour de moi, il y avait très peu de connaissances, des choses très simples de connaissances. Comment aller végétoire ? tous ces sujets n'étaient vraiment pas du tout importants dans ma vie quotidienne. Mais avec quand même ce sentir bien dans des éléments naturels, mais tout en ayant une incompréhension totale de comment ça fonctionnait, quels étaient les problèmes et comment justement les traiter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te souviens du moment où cette connexion avec la nature est née chez toi ? Est-ce qu'elle est née d'un point de vue intellectuel ou c'était vraiment... Tu t'es sentie connectée ou empathique avec cette nature qui finalement est détériorée au fur et à mesure des années qui passent ? Est-ce que c'était finalement sensoriel ou alors une expérience plutôt intellectuelle ?

  • Speaker #1

    Moi, c'était très intellectuel, comme beaucoup de choses qui se passent chez moi. C'est vraiment venu par la compréhension des sujets, la compréhension de certaines pratiques qui sont justement illogiques et absurdes. Et c'est venu par là. Quand j'ai mon engagement, même jeune, j'étais quand même assez engagée, même quand j'ai terminé les études de droit. J'ai été plutôt interpellée par les droits humains, donc tout ce qui était humain, et le côté environnement est venu finalement après. Et là maintenant, à mon âge, je commence à avoir cette... à la fois cet intérêt et cette empathie pour l'intention. C'est-à-dire quand je vois des arbres coupés, tout de suite, ça me génère une vraie émotion. Donc on est dans l'empathie. Mais le chemin est vraiment venu d'abord par l'intellect. pour arriver à aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Justement, parlons de ton basculement vers une approche engagée et engagée en faveur de l'environnement. Tu as eu deux points de bascule marquants en 2016 et 2017. Est-ce que tu peux nous parler de ces moments avant, après et ce qu'ils ont changé à toi ?

  • Speaker #1

    Alors en 2016, j'étais à l'époque une juriste en droit des affaires. J'avais passé une dizaine d'années en tant qu'avocat. avocate en droit des affaires. Puis j'avais rejoint la direction juridique d'un grand groupe français dans laquelle je faisais, en gros, ce qu'on appelle le droit de la concurrence et le droit de la conformité. Et donc assez classique, au profit de mon entreprise. Et j'étais assez passionnée par ce que je faisais. Mais j'ai eu, à l'aube de mes 40 ans, une sorte de prise de conscience en me disant « mais c'est fou quand même, je fais du droit depuis 16 années, j'y passe beaucoup de temps. » tant beaucoup de passion dans mon travail, mais je n'ai encore jamais travaillé justement pour l'intérêt général, pour des ONG, alors même que c'est clé. Donc je me suis...

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a eu un moment vraiment où ça... Un discours t'a interpellé, une personne, tu te souviens de ce déclic-là ?

  • Speaker #1

    J'ai assisté à une formation interne à mon entreprise qui était donnée par le directeur RSE de Bouygues, Fabrice Bonifet, qui est assez charismatique. Et ça a été effectivement un moment assez clé, puisque je venais de cette formation éthique et donc je ne savais pas du tout de quoi ça allait parler. Et finalement, il nous a parlé de... du risque du changement climatique, des conséquences prévisibles du monde si on ne change pas de modèle, de manière très claire et très convaincante. Et donc, c'était deux heures de présentation qui m'ont clairement complètement interpellée, puisque j'étais choquée, parce que même si j'avais bien entendu une certaine conscience de ces enjeux, Je ne les avais jamais entendues de manière si claire et si convaincante. Donc, je suis sortie de cette formation assez troublée. Tout de suite après, je me dis, bon, comment on fait ? C'est là où on revient sur l'impact. Tout de suite, je me dis, bon, très bien. Maintenant, comment on s'organise pour que moi, dans mon rôle de jeunesse d'entreprise, je puisse amener ma pierre à cet édifice ? Et donc, ça m'a amenée tout de suite, déjà dans le travail interne, à aller vouloir rencontrer tous les directeurs, directrices de l'entreprise pour essayer de... de convaincre et puis d'essayer de comprendre ce qu'on pouvait faire et puis moi personnellement de m'approcher des ONG, d'une en particulier qui est la Fondation pour la Nature et l'Homme en allant les voir, en disant comment je peux vous aider concrètement avec tout ce que je sais faire, je suis avocate je connais très bien le droit européen, le droit international est-ce que je peux vous apporter quelque chose dans vos campagnes ?

  • Speaker #0

    Et ensuite alors ?

  • Speaker #1

    On arrive cette fois-ci un peu plus tard en 2017 ... Il se trouve que justement cette fondation travaillait sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, qu'on appelle le CETA. Et le chargé de campagne qui me reçoit, avec qui j'avais été mis en contact par une amie qui les aidait en pro bono sur leur communication, me dit « bah oui, ça tombe bien, on travaille beaucoup sur cet accord qui pose plein de sujets de démocratie, de... » Il y avait surtout un sujet, c'est que ces accords de libre-échange sont aussi des accords qui prévoient des mécanismes, ce qu'on appelle d'arbitrage d'investissement, en gros qui prévoient que ce qu'on appelle les investisseurs étrangers, donc souvent des multinationales ou alors des entreprises qui travaillent souvent dans l'exploitation de ressources, peuvent attaquer les États, pas devant les juridictions nationales, mais devant des arbitres, donc ne présentent pas du tout les mêmes garanties d'indépendance. Si l'État change ses lois, par exemple, et va, en matière d'environnement, par exemple, décider d'apporter une protection plus importante de ses ressources, et l'investisseur qui voit son investissement finalement impacté par cela peut très bien dire que ça, cela ne tienne. Moi, je vais vous attaquer devant ces tribunaux d'arbitrage pour demander à être indemnisés, puisque ces nouvelles lois, même si elles sont d'intérêt général, portent intérêt à mes attentes légitimes de profit. Et c'est... j'ai découvert ce système qui existait dans le CETA, mais qui existait aussi par ailleurs, c'est ce que je l'ai découvert dans plein d'autres accords, et qui pose un nombre de sujets considérables en matière de choix démocratiques, puisque ça permet, ça donne un pouvoir totalement démesuré à certains acteurs privés qui sont quand même animés par la recherche de profits, et qui vont pouvoir les utiliser de manière très opaque, puisque tous ces mécanismes ne sont pas du tout ouverts, soumis. aux mêmes règles de transparence que les procès classiques, et vont vraiment apporter, enfin, risquent de générer ce qu'on appelle des gels réglementaires, c'est-à-dire qu'un État, notamment s'il n'a pas beaucoup de moyens pour se défendre, et risque des milliards d'indemnités en cas d'adoption de certaines lois protractives de l'environnement, va risquer de dire, finalement, j'abandonne. Par exemple, il y avait un cas qui était assez connu, Vattenfall contre l'Allemagne, dans lequel... L'Allemagne avait pris une loi pour protéger un fleuve et ça a porté préjudice aux investissements de Vattenfall, qui est l'énergéticien suédois. Et donc, finalement, ils ont négocié, ils sont revenus en arrière pour éviter ce type de connation. Aujourd'hui, on en voit de plus en plus, on en voit sur toute l'Italie, qui avait octroyé des droits d'exploration pour de recherche de pétrole le long de ses côtes. à... a accepté de protéger son littoral à la suite d'un mouvement citoyen pour protéger justement l'environnement. Et tout de suite, c'est lui attaqué par Rockefeller, demandant des millions. Donc, c'est un mécanisme qui est à la fois très puissant et très dangereux. Et donc, sur le CETA, ça a été ma première entrée dans ce plaidoyer contre ce mécanisme, puisque ce que j'ai fait, c'est que j'ai rédigé très rapidement, quand je suis allée voir cette fondation, on dit qu'on veut aller... rédiger une saisine du Conseil constitutionnel français contre ces mécanismes-là. Est-ce que tu veux t'en charger ? Je ne connaissais absolument pas le sujet. J'étais en pause.

  • Speaker #0

    Tu t'es plongée à fond ?

  • Speaker #1

    Je me suis plongée à fond. J'ai eu un droit pour le faire. Et donc, j'ai réussi à rédiger cette saisine. On n'a pas réussi à obtenir une décision du Conseil constitutionnel déclarant que c'était mécanisme et des contrats. la question, mais ça a vraiment permis, ça a vraiment alimenté la campagne, et ça a vraiment permis à tout un nombre de politiques, notamment, de comprendre ces mécanismes, et de leur donner une visibilité beaucoup plus large auprès du grand public, parce que, bien entendu, c'est compliqué, et donc il y a toujours le risque que ça se passe behind closed doors, et que personne ne comprenne vraiment ce qu'il en est, donc c'est vraiment l'enjeu, c'est d'arriver à démocratiser la compréhension de, finalement, c'est pas si compliqué que ça. Et il faut absolument les faire évoluer, puisque ça ne marche pas aujourd'hui en matière de climat, mais ça pourrait être en matière de santé publique, d'imposition, etc. Ce sont des armes trop dangereuses pour que les États puissent vraiment essayer d'être plus protecteurs de leur population, de leur environnement, puisque c'est vraiment un obstacle assez majeur.

  • Speaker #0

    Donc là, c'était ton premier pas finalement dans cette nouvelle vie que tu poursuis aujourd'hui. Ce que j'entends quand tu parles, c'est finalement un peu de la méta-analyse du droit. Quelque part, tu analyses le droit avec un regard éthique. C'est cette boussole-là qui te guide. Finalement, remettre en question les lois, c'est quand même un travail qui est compliqué, qui est difficile. Tu vas au-delà de la simple attaque pour greenwashing. Et en tout cas, dans ce premier cas-là, c'est une expérience qui a dû te marquer. Est-ce que ça t'a encouragée à continuer ? Est-ce que ça a bouleversé ta vie après ?

  • Speaker #1

    Alors, ça m'a vraiment marquée sur deux plans surtout. Le plan personnel, quand je suis arrivée un peu la bouche en cœur en disant est-ce que je peux vous aider ? Je n'avais aucune garantie que je servais à quelque chose puisque j'arrivais à 40 ans, je n'avais fait que 2 ou 3 des affaires. Je ne savais pas du tout si j'étais compétente. Donc ça, ça a été vraiment le premier aspect de voir que oui, ça va, j'étais compétente, j'avais vraiment quelque chose à apporter. Et finalement même... cette vie d'avant était très utile pour arriver à regarder les choses d'une manière différente. Et donc ça, c'était très... C'était majeur pour moi de dire, OK, je sers à quelque chose là-dessus. La deuxième, c'est effectivement moi qui avant étais un petit peu la tête dans le guidon. Et donc j'étais spécialiste du droit des affaires, du droit de la concurrence. Et donc j'utilisais le droit que je connaissais. pour, j'étais en fait... Servir des internes. Voilà, pour servir des internes, qui parfois sont tout à fait légitimes. C'est-à-dire que l'entreprise par laquelle je travaille, qui était une entreprise qui faisait des choses bien, c'est-à-dire que je venais me voir en interne, et avant, quand j'étais avocate d'affaires dans des cabinets internationaux, certains clients venaient me voir en disant, toi, Clémentine, spécialiste dans la concurrence, on a ce dossier, ce problème, à toi de le mettre en œuvre. Et de travailler, donc, avec des plaidoyers qui, eux, Leur but est effectivement de changer le droit. Ça m'a complètement changé d'angle, de vision, de me dire en fait, aujourd'hui dans les mécanismes juridiques qui existent, certains sont très problématiques. Donc il va falloir, si on veut collectivement avoir une société qui est plus juste, clairement, d'une manière plus large, il va falloir les changer. Et donc j'ai découvert ces... Là, j'ai découvert en fait ces règles qui... qui sont vraiment des héritages post-coloniaux. Et je me dis, non, en fait, il va falloir que j'y passe de l'énergie, je ne vais pas m'arrêter là, et je vais continuer. Et en fait, c'est un sujet sur lequel je vais vraiment me battre, et c'est, je pense, mon combat depuis, en plus de tout le reste. Mais c'est vraiment quelque chose dans lequel je suis devenue très spécialiste. J'ai tout un nombre d'articles dessus, parce que j'ai voulu creuser ensuite, de comprendre pourquoi les États ont accepté. d'aller abdiquer d'une grosse partie de leur souveraineté pour accepter de se faire attaquer devant des arbitres sans aucune garantie, tout ça opaque et risquant des milliards. Vraiment, de manière très naïve, je n'ai pas compris. Je me suis dit, mais c'est super étonnant. Et j'ai découvert que oui, ça arrivait dans les années notamment 90. Il y a une certaine question, on peut dire à l'instar, ça fait partie d'un État moderne aujourd'hui, il a sa règle de conférence, il a ses accords de protection d'investissement, c'est comme ça. Alors même qu'il n'y a absolument aucune étude économique qui démontre que ce type d'accord d'investissement va avoir un impact sur la possibilité d'un État d'investissement. Ça revient un peu sur des ressorts chez moi, c'est-à-dire du côté, c'est absurde, c'est illogique, c'est injuste. Donc, il va falloir trouver une solution. Et donc, depuis, j'ai continué à travailler pour ces ONG, donc la Fondation pour la nature et l'homme et l'Institut Weblen, qui était aussi l'autre ONG sur ce sujet. Et ça fait partie de, je dirais, un tiers de mon activité, de réfléchir à des stratégies pour voir comment on peut aller... les contester, utiliser d'autres normes supérieures comme la Convention européenne des droits de l'homme, les constitutions, pour aller trouver quand même les incohérences. Et ça m'a, moi, totalement donné de l'énergie et de l'envie de dire, je me lance, puisque après cette première expérience, c'est à quelques mois après que je quittais mon entreprise, je me réinscrivais au barreau, donc je redevenais avocate indépendante, avec l'idée... non testées, sans business management, de dire je vais travailler pour ces gens que je trouve exceptionnels, qui ont compris des mécanismes, qui ont une vision effectivement plus globale, plus géopolitique, et je vais les aider puisque je pense que c'est juste et c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Donc ça a eu un impact sur ta vie personnelle, j'imagine qu'il faut un sacré courage pour quitter un poste finalement sûr dans une entreprise et se lancer à corps perdu contre des mastodontes, un état... C'est quand même impressionnant, c'est un peu David contre Goliath, quelque part.

  • Speaker #1

    C'est totalement David contre Goliath.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais conscience de la difficulté qui t'attendait ? Et est-ce que ce n'est pas cette difficulté-là aussi qui t'a motivée ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas forcément une difficulté, au contraire, c'était le fait qu'on avait eu un impact. C'est-à-dire que moi, qui ne connaissais rien, en un mois, j'avais déjà eu un impact très sensible, même si finalement on n'a pas obtenu une décision du Conseil constitutionnel qu'on attendait, mais j'avais déjà eu un impact. Et donc, je me dis, wow, c'est fou, quand même. En peu de gens, on arrive à avoir ça. Et après, est-ce que c'est du courage ? C'est-à-dire une certaine audace de dire, moi, je serai capable d'apporter ma pierre et j'ai confiance. Donc oui, il y a une certaine audace. Courage, je ne sais pas, parce que la vie, c'est bête, mais la vie est courte. Et quand on sent, quand on est animé par une certaine passion à un moment et une certaine certitude, une certaine lucidité de se dire, c'est ce que je dois faire par responsabilité. C'est assez naturel. Et aller rester dans un poste qui ne correspond plus à ce qui fera sens pour moi, je pense que derrière, d'un point de vue personnel, le courage de rester dans un job qui ne vous voit plus, finalement, ce n'est pas un bon choix, même d'un point de vue personnel. J'ai aussi ressenti une certaine plénitude de se dire, wow, j'arrive à... à faire des choses très compliquées, avec un impact, et je sens que c'est ce que je dois faire. Et donc, c'est devenu finalement assez naturellement. Mais oui, un petit peu d'audace, de se dire, j'y vais, je ne sais pas trop où je vais, mais je sens que c'est ce que je dois faire.

  • Speaker #0

    Et ton entourage professionnel et personnel, quelle a été leur réaction ? Est-ce que tu penses qu'ils ont été étonnés ? Est-ce que tu as eu des réactions autour de toi ? Ou bien, finalement, ça te ressemblait, ce choix-là ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'ils trouvent que ça me ressemblait, ce choix-là. Je ne leur ai pas dit tout de suite, parce que finalement, petit à petit, je me suis installée et j'ai continué à travailler là-dessus. Mais clairement, aujourd'hui surtout, il s'est passé du temps, et puis depuis, j'ai eu quelques succès. Tu parlais de l'affaire du siècle, qui est un autre type de procès, mais qui m'a permis aussi, qui vient... Oui, on va écrire des articles, mais du coup, ça a permis à mon entourage, tout à coup, de dire « Ah tiens, c'est drôle, effectivement, c'est ça » . Je pense que pour eux, ils ont une certaine fierté de dire « Waouh, c'est bien d'avoir quelqu'un qui va se balader pour l'intérêt général, etc. » . Donc, je pense que plutôt une certaine fierté, y compris de l'entourage, c'est bien et c'est plutôt en raccord avec, je pense, ma personnalité. Personne jamais m'a dit « Bah non » . Qu'est-ce que tu fais ? Ce n'est aucun intérêt. Tu perds ton temps. Tu devrais être tranquillement juriste d'entreprise. Et ça serait moins dangereux pour ta vie personnelle. En tout cas, je n'ai jamais eu ce type de retour, ni même dans des gens très proches de moi.

  • Speaker #0

    Donc, ça a été assez naturel, assez organique, finalement, ce qui s'est passé. Tu as écrit, et c'est important, je pense, pour les femmes qui sont autour de la quarantaine d'entendre ce genre de témoignages. Mais on va revenir à l'affaire du siècle. Donc ça, c'est une affaire historique. C'est ce qui a mis la lumière, finalement, sur la valeur de notre travail. Est-ce que tu peux me raconter un petit peu les moments les plus marquants pour toi dans cette séquence de ta vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    L'affaire du siècle, en fait, ça a commencé pour moi. Donc, j'avais fait ce premier cas pour la FNH. Et mon chargé de campagne m'a rappelé en septembre 2018 pour dire, ben voilà, on a cet objectif, ce nouveau cas, à la suite d'un cas similaire au Pays-Bas qui s'appelle l'affaire Ausha. Ce collectif d'associations souhaite mettre l'État français face à sa responsabilité et attaquer en justice l'État, ce qui ne fait pas assez pour lutter efficacement contre le changement climatique et que c'est contraire à ses engagements dans l'accord de Paris, même dans la Constitution. Et donc on va utiliser le procès pour essayer de demander aux juges de condamner l'État à en faire plus. Et c'était assez ambitieux, parce que déjà, rien que le nom de l'affaire, l'affaire du siècle, dès le début, c'était approprié.

  • Speaker #0

    Comment il a été choisi, ce nom-là, l'affaire du siècle ?

  • Speaker #1

    L'ONG, à la base de ce projet, ça s'appelait Notre Affaire à Tous. D'accord. Donc, c'était une sorte de jeu de mots entre l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire, l'affaire. Et puis, l'idée que ça allait vraiment être une affaire importante. Et c'est vrai qu'ils ont bien fait les choses, puisque c'est une affaire juridique, mais c'était aussi un outil extrêmement puissant de mobilisation. puisqu'ils étaient, avant même de lancer le procès, ils avaient organisé autour d'un collectif d'influenceurs qui avait fait toute une vidéo qui a donné lieu d'ailleurs à... une sorte d'orchestration, le lancement de l'affaire du siècle. On avait la vidéo avec les influenceurs, une pétition qui était extrêmement vue et signée, parce que je crois qu'encore aujourd'hui, c'est la pétition la plus signée de l'histoire de France, par, je crois, 2 millions 8. Et après, le procès, l'action juridique. Donc moi, je suis juste le support juridique qui est important. Et bien sûr, je fais partie d'un collectif. C'est-à-dire qu'on était plusieurs avocats dans ce lancement. Et moi, je suis seulement l'une d'entre elles. Parce que quatre associations sont les demandeurs. Donc FNH, que je représentais, Oxfam, Greenpeace et Notre Affaire à Tous. FNH,

  • Speaker #0

    c'était la fondation Nicolas Hulot.

  • Speaker #1

    Voilà, qui était à l'époque la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme. l'Organisation pour la Nature et l'Homme. Et donc, les grands moments, ça a été le lancement. Ça a été assez impressionnant, puisque je me souviens que vous avez lancé une conférence de presse. Oui. On va attaquer l'État en justice.

  • Speaker #0

    On peut dire les images. Je me souviens des images. Oui, oui. On ne se connaissait pas à l'époque, mais ça m'avait marquée.

  • Speaker #1

    On était tous dans une salle et il y avait les chargés de campagne, certains influenceurs qui étaient tous devant leur ordinateur. Et tout à coup, il voit que la pétition est signée, 500 000, 1 million, je crois que le système a un moment à casser, parce qu'il y avait tellement d'options, et c'était complètement inattendu de voir l'ampleur que prenait cette action. On l'a vu, c'est juste qu'on lance une action pour attaquer l'État, pour manquement dans son action de changement climatique. Donc, en soi, ce n'était pas totalement... Nouveau, c'était nouveau de le faire sur le climat, mais l'État a été attaqué et condamné sur le sang contaminé, sur les algues vertes, sur la miante. Enfin, on a des précédents.

  • Speaker #0

    Mais cette ampleur-là, elle a dû vous motiver. D'autant plus, vous aviez une responsabilité d'autant plus grande que des millions de gens étaient derrière.

  • Speaker #1

    Oui, c'était fou. C'est-à-dire qu'effectivement, nous, toujours en bon juriste, on était là, alors c'est compliqué, on n'est pas sûr de gagner. Sachez qu'il y a peu... Donc, toujours à mettre un peu des freins en disant... On va essayer de faire ça le plus sérieusement possible, mais sachez qu'il y a certains challenges dans le lien de causalité, dans le préjudice écologique. D'un point de vue juridique, on avait tout un nombre de challenges importants, parce que ça demandait vraiment certains changements dans l'analyse du droit par les tribunaux. Et c'est vrai que ça nous a donné des ailes, ça nous a permis, je pense, aussi, de montrer que c'est un tel sujet de société, je pense, que ça a eu forcément un impact. Sur la décision, je pense que ça nous a vraiment aidé, ça a été une rétroalimentation positive. Et après, le grand moment, c'est quand on a gagné.

  • Speaker #0

    Puisque contre toute attente...

  • Speaker #1

    Pour une fois, je me souviens des images, des micros tendus.

  • Speaker #0

    Oui, c'était fou parce qu'il y a eu plusieurs décisions de justice et ce n'est pas l'objet de rentrer dans les détails de succession. Mais la première décision du Conseil d'État dans une affaire qui était lancée en parallèle et dans laquelle on était aussi intervenant volontaire, qui s'appelle l'affaire Grande-Synthe, le Conseil d'État. La première décision du Conseil d'État. qui a décidé que les engagements de réduction de gaz à effet de serre étaient contraignants pour l'État, c'était déjà totalement révolutionnaire d'un point de vue juridique, et donc annonçait le fait qu'on avait potentiellement une possibilité de faire condamner l'État. Et après, l'audience aussi, en plein Covid, tous avec leurs masques, dans le tribunal administratif, et après l'autre décision positive, sont des moments très clés, très forts de cette affaire.

  • Speaker #1

    Est-ce que régulièrement, ça te booste d'y repenser, d'avoir un succès comme ça, d'une telle ampleur, d'avoir vraiment ressenti un vrai impact ? Et puis un impact non seulement sur ce sujet-là, mais avoir embarqué autant de citoyens autour de cette Ausha. Est-ce que parfois, tu y repenses aujourd'hui, comme une référence que tu aurais dans ta vie professionnelle ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que je suis une éternelle à cette fête. Je veux toujours aller plus loin. D'ailleurs, maintenant, on est à faire du secte. Super. Pas ça pour tout le monde. Non. Et même pas que c'est autre chose. C'est-à-dire que je suis toujours dans l'idée de l'impact. Concrètement, qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'on va s'en servir qu'en précédent ? Comment ça va être ? Donc, je suis toujours sur le coup d'après. C'est un peu les avocats. C'est-à-dire que les ONG, elles continuent leur campagne, etc. Nous, on monte dans des bateaux. Un moment, c'est le changement climatique. Un autre moment, c'est la biodiversité. Et donc, j'y pense souvent comme référence, mais aussi comme responsabilité de se dire tout ça. On a embarqué tout le monde. Certes, c'est une super mobilisation, ça a sensibilisé beaucoup de gens, mais ça ne peut pas être suffisant. C'est-à-dire que si on a embarqué tous ces gens-là, c'est aussi pour en faire quelque chose de concret. Et là, ça devient compliqué. Comment on pousse un État à en faire plus ? Sur quel sujet il faut en faire plus ? Qu'est-ce qu'on va pouvoir, derrière, annuler ? Comment ça peut aller en dehors de la France ? Et c'est vrai que, par exemple, sur l'Espagne, j'ai pas mal échangé avec toute l'équipe juridique qui a... qui a lancé le cas climatique espagnol, qui n'a pas été aussi successful, mais qui a aussi son intérêt. Donc, je suis toujours dans la mise en œuvre pratique de cette décision.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais ça te porte quelque part ?

  • Speaker #0

    Oui, ça me porte en me disant si on arrive à faire ça, on a une responsabilité d'aller plus loin et d'arriver à opérationnaliser des résultats juridiques. et à faire que ça soit concret, qu'il y ait un vachement. Et sur ces sujets-là, en fait, c'est déjà le simple. Oui.

  • Speaker #1

    Tu disais qu'au début, en introduction, tu dis qu'il y a deux volets à tout le travail. Il y a ce volet-là, que nous viens d'évoquer, mais aussi un volet greenwashing, qui est un des gros enjeux contemporains. Notre podcast s'appelle Sincère. Là, on touche justement à cette authenticité, à cette sincérité. Tu es pionnière sur ce sujet, pour toi. Aujourd'hui, pourquoi les entreprises, elles continuent à céder à cette tentation du greenwashing ? Ça paraît incroyable en 2024-2025 de continuer à prétendre des choses qui ne sont pas réellement.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a plusieurs types de situations. Il y a les entreprises qui pensent qu'elles font les choses bien et qui, par méconnaissance de leur réglementation, vont faire un discours disproportionné. pas toujours mal intentionnées, mais elles font des choses bien parce qu'elles ont un peu travaillé sur baisser leurs émissions, sur les recyclages, et donc tout à coup, on a une grande campagne de publicité là-dessus, mais qui va occulter le fait que l'entreprise, elle a toujours un business model qui est réjuncible. Et donc, en soi, ça reste le greenwashing d'avoir ce message proportionné. Il y a peut-être certaines entreprises qui sont un peu cyniques et qui, du coup, voient que l'argument écologique porte et donc vont l'utiliser sans finalement se préoccuper. de savoir la réalité ou pas. J'espère que ce n'est pas la majorité, mais c'est possible. Et après, parce qu'on est quand même dans une ère, ça ne t'échappera pas, de vérité alternative et que le discours vaut ce qu'il vaut et que tant que personne ne dit rien, tant qu'il n'y a pas de risque, aller faire une grande justice sur son impact écologique, même si ça ne veut pas dire grand-chose dans la réalité des faits. C'est devenu mon renacquant. Ce qui est compliqué, c'est que même les États, enfin, je veux dire, les politiques, les premiers à faire du greenwashing aujourd'hui, malheureusement, c'est nos politiques, voire même nos lois. C'est-à-dire qu'il y a toujours cette tendance à vouloir dire qu'on fait plus que ce qu'on fait vraiment. Mais ça marche même dans certaines réglementations qui sont adoptées. Les politiques vont avoir tendance à dire « Ah, super, on a adopté la taxonomie, donc maintenant, toute la finance va devenir verte. » qui, quand on regarde un tout petit peu le texte, n'est absolument pas le cas.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce discours vert, ce n'est pas déjà un premier pas vers un changement de fond ?

  • Speaker #0

    Malheureusement, pas toujours. D'accord. Ça peut arriver que dans certaines entreprises, le fait de pouvoir valoriser son investissement ESG en faisant une campagne de pub et pour montrer comment on avance, ça peut être... un argument qui va permettre à l'équipe dirigeante de se dire, ça vaut le coup, ça vaut le coup de s'engager dans, je ne sais pas, le recyclage, les émissions, etc., puisqu'on va pouvoir en valoriser. Donc, ça peut arriver, mais ce qu'on voit, c'est souvent, soit parce que les concurrents le font, ou parce que, je ne sais pas, les équipes marketing, communication, pas forcément mal intentionnées, mais elles vont être amenées à utiliser ces arguments sans forcément qu'il y ait une réalité. Alors, si, donc... Je ne suis pas sûre que ça soit démontré que ça soit un premier pas, malheureusement, mais par contre, ça peut aussi plomber la petite entreprise qui fait les choses vraiment bien, qui est extrêmement sérieuse sur sa chaîne d'approvisionnement, sur le cycle de vie de ses produits, sur la manière dont elle va faire ça comme qu'on se voit et qui se retrouve face à des mastodontes qui font peut-être un petit peu, mais sur rien à voir. Elle, pour le coup, elle ne va jamais arriver. à être identifié comme tel par les clients. Et donc derrière, son business model ne va pas pouvoir l'utiliser. Donc je pense que de manière générale, je pense qu'au global, ça a plus d'effets négatifs sur la transition que positifs. Et c'est pour ça que moi j'ai décidé de m'y mettre, en me disant que c'est important, parce qu'il ne faut pas dire n'importe quoi. Et c'est important de pouvoir valoriser l'argument écologique quand il est réel. Et donc, c'est pour ça qu'on s'est lancé. Après, la Commission européenne, a priori, elle est d'accord avec moi, puisque les lois en termes de greenwashing deviennent de plus en plus strictes. Et la réglementation, la dernière, la directive, elle s'appelle la directive pour donner au consommateur le pouvoir d'agir en faveur de la transition. Donc, l'idée derrière, c'est de se dire que le consommateur ne peut pas agir en faveur de la transition s'il est bombardé d'informations dans tous les sens et qu'il n'est pas tout à fait capable de faire la différence entre un produit, un service et un autre.

  • Speaker #1

    D'accord. D'accord, mais moi, je suis communicante, tu le sais. Je joue souvent avec les mots pour rendre des discours parfois plus acceptables qu'ils ne sont en réalité. Est-ce qu'à ton avis, on peut rester sincère tout en étant stratégique quand on est une boîte ? Je pense, oui, je pense vraiment.

  • Speaker #0

    Et moi, ça m'arrive aussi. Ce n'est pas le cœur de mon activité, mais ça peut m'arriver de travailler en conseil pour certaines entreprises. Et on se rend compte que finalement... C'est très vertueux. C'est vertueux parce que ça permet au sein de l'entreprise, notamment les entreprises compliquées, quand on les challenge, de dire, mais vous dites ça, mais concrètement, c'est quoi ? Donc, ça leur permet en interne de bien comprendre leurs impacts, les secteurs les plus problématiques dans leur business, etc. Donc, en interne, ce n'est pas toujours le cas et ça leur permet aussi d'avoir un échange d'informations entre les communicants, les marketeurs. ceux qui sont sur la production, etc. Et je pense, en tout cas c'est vrai, des milieux qui sont les plus sensibles aux impacts écologiques, mais finalement ça va être eux qui seront aussi les plus sensibles aux discours écologiques. Ils vont tout à fait comprendre qu'une entreprise ne peut pas faire tout bien, et donc un discours très transparent de dire, par exemple, on ne fait pas tout bien, mais ça en fait mieux, ça sera peut-être un discours plus sophistiqué. Moins évident parce qu'effectivement, la pub, elle ne tient pas en un grand slogan « faites le mieux pour la planète » . Mais mon intuition, après moi, je ne suis pas marketeuse, donc je n'ai pas vu d'études. Mais mon intuition, c'est que ça va créer cette relation de confiance plus simplement avec les consommateurs. Et aujourd'hui, dans lequel les marques ont leurs réseaux sociaux, racontent des histoires, cherchent à cette proximité, j'ai l'impression que ça va être... Ça va être vraiment un vecteur d'adhésion à la marque. Je pense des marques comme Patagonia, des marques qui sont très fortes dans leur identité. Il faut qu'elles fassent très attention, justement, d'autant plus, et qu'elles peuvent très bien raconter un peu crûment, de se dire, voilà ce qu'on fait bien, voilà ce qu'on fait moins bien. Et je suis sûre que, en tout cas, cette confiance, à terme, va apporter plus sur l'attachement à la marque. À l'inverse, un discours extrêmement simplificateur. sur un produit dont on sait qu'il est problématique, va générer directement de la méfiance. Donc, je ne suis pas sûre que l'équation soit la plus intéressante. Après, bien sûr, il y a les risques juridiques de combattre, et de backlash, et de name and shame, etc.

  • Speaker #1

    Très bien. Maintenant, pour revenir un petit peu à tes défis personnels et professionnels, à ton avis, là, aujourd'hui, à l'aube de 2025, quels sont les obstacles les plus difficiles que tu rencontres dans ton métier aujourd'hui ? Est-ce que tes confrères comprennent ton combat ? Est-ce que tu penses qu'il y a beaucoup trop de choses à faire ? Est-ce que tu invites d'autres avocats à faire le choix que tu as fait ?

  • Speaker #0

    Mon défi le plus important, c'est que c'est vraiment des combats de David et Goliath tout le temps. Mais en soi, ça va. C'est quelque chose que j'ai intégré comme une composante. C'est-à-dire qu'il n'y a aucun sujet simple. Ce qui est aujourd'hui même le plus compliqué, c'est qu'on change géopolitiquement. On a un gros changement dans lequel...

  • Speaker #1

    Les sujets écologiques passent au second plan, finalement.

  • Speaker #0

    Exactement. Mais en soi, vraiment, on a un atre qui va arriver aux pouvoirs aux États-Unis. On a aussi envie de se réindustrialiser et c'est compréhensible. On a une polarisation absolument énorme de la société. C'est compliqué. Moi, je ne fais pas de plaidoyer, donc ça doit être compliqué pour les gens qui font du plaidoyer parce que c'est difficile de pousser ces sujets là-dessus. Pour moi, c'est comment aborder aussi cette complexité parce que je pense que c'est important de l'aborder. Il ne faut pas être dogmatique même quand on est dans l'écologique. C'est-à-dire que je pense que c'est important de comprendre aussi l'impact géopolitique de réglementation qu'on peut prendre en Europe. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que moi, je m'intéresse aux accords de libre-échange, aux accords de protection d'investissement et aux droits nationaux de comment on fait les choses en Europe. Je pense que c'est important de toujours se poser cette question. Et même moi, quand je bosse pour des ONG, je me demande toujours est-ce que je pense que c'est bien ? Est-ce que c'est un impact ? Et c'est vrai que parfois, on peut être amené, moi-même, je peux être amenée à défendre un collectif qui est contre l'implantation d'une ligne THT pour décarboner une zone. Donc, ce qui est compliqué, c'est ça, c'est cette... C'est cette sophistication de dire, oui, allez mettre des EOLiennes, allez décarboner, c'est bien. Il faut éviter les motos thèmes, genre on décarbone, donc finalement, c'est bon, on va couper plein d'arbres pour mettre des plaques solaires. Donc, arriver à aborder cette complexité, et puis la grosse difficulté, c'est la justice qui est démunie, qui n'a plus de ressources. Donc, c'est-à-dire que le procès, il n'a l'impact que derrière, si on a des juges qui ont le temps. Et donc ça, je pense, ça va être de plus en plus important, notamment pour les contentions en France. Et donc, d'arriver dans un monde qui simplifie, même la justice, elle est quand même victime de ça, d'arriver à...

  • Speaker #1

    À entendre la nuance.

  • Speaker #0

    Exactement. Ça reste, la justice, un endroit où on peut débattre vraiment avec des preuves scientifiques, etc. Mais on sent que ça, ça va être de plus en plus difficile. Donc, c'est-à-dire vraiment ce lien entre la justice, la géopolitique. et le temps et les ressources. Et mes confrères, je pense qu'ils comprennent tout à fait. Et je pense que c'est un sujet aussi, même les avocats d'affaires aussi. Ce qui est bien, c'est que quand on lance, par exemple, un procès en greenwashing, derrière, ce procès va être utilisé par mes confrères en droit des affaires pour aller en interne, former les équipes, enfin, former leurs clients et leur dire, attention, vous avez un risque contentieux. En vrai, c'est juste mon contentieux, mais vous avez un risque contentieux. Donc, derrière, il y a une sorte d'écosystème plutôt vertueux. qui se mettent. Donc, en tout cas, ça va être des difficultés. Et puis, on va voir comment, forcément, mon activité sera impactée aussi de ce qui se passe dans le monde de manière générale, d'un point de vue aussi de financement. Comment vont continuer à travailler la société civile si vraiment elle sera complètement bloquée ? Auquel cas, à la fois la justice, ça sera peut-être un dernier rempart, mais plus difficile, encore plus lourd, encore plus... David et Goliath.

  • Speaker #1

    En tout cas, bravo de trouver l'énergie de continuer face à ce changement de paradigme et avec un monde qui bouge aussi vite, avec de plus en plus de contraintes économiques et géopolitiques, je l'entends. J'ai une dernière question. Est-ce qu'on peut vivre aligné avec ses valeurs ?

  • Speaker #0

    Tout dépend de ce que veut dire aligné avec ses valeurs. Je pense qu'il ne faut pas se fouetter non plus de chercher à être parfait. En tout cas, moi, je ne pourrais pas, sinon, faire ce que je faisais si à chaque fois que j'ai un combat plutôt environnemental, aussi peut-être démocratique. Donc ça, c'est mon travail. Dans ma vie perso, forcément, c'est un impact. Et j'essaye d'être la plus proche possible de ces convictions. Mais on ne peut pas tout nous faire porter. C'est-à-dire qu'il y a un moment, oui, je suis végétarienne, oui, j'essaye de limiter les transports inutiles en avion. Mais ça serait totalement injuste et inefficace de se dire parce que tu portes des combats environnementaux, il faut que tu aies plus de portables, tu ne prendras plus jamais l'avion, etc. Et c'est là où l'impact est utile pour moi, de se dire, moi, je veux un impact, et c'est l'impact que je cherche, donc comment je vais pouvoir me rendre quand même la vie pas trop trop compliquée, tout en poursuivant cet impact important. Donc ça, c'est l'impact. Après, les autres valeurs, oui, les valeurs d'honnêteté, de tolérance, de sincérité, etc. Celles-là, oui, comme tout le monde, je pense que c'est important d'être... d'être en cohérence. Donc ça, je pense que c'est très important. Et moi, ça a été effectivement ce changement de carrière qui, bien sûr, a un impact économique certain, mais gérable. Après, chercher un alignement parfait avec ces combats, il faut, je pense, mettre le curseur à un niveau où ça sera possible sans affecter trop fortement. sa capacité à vivre, à être en famille avec des gens qui ne pensent pas comme vous, dans vos amis, dans vos enfants, dans vos conjoints, et arriver à trouver un équilibre qui fasse que vous ne deveniez pas complètement ayatollah avec votre entourage, je pense que ça serait complètement contre-productif, mais que pas ce que vous faites. Vous donnez plutôt envie en vous disant « Ah oui, finalement, c'est bien » , plutôt que d'imposer un mode de vie qui est... qui est complexe aujourd'hui dans le système dans lequel on vit. Ça sera peut-être un jour différent, mais aujourd'hui, il faut quand même s'inscrire dans son système. Et en tout cas, moi, la manière dont je l'aborde, c'est plutôt par le système, à l'intérieur du système, utiliser les outils du système et essayer de les faire changer. Mais je n'ai pas aujourd'hui, en tout cas, de porter une position qui est de se dire je jette tout le système à la poubelle et je me bats contre ça, parce que ça, pour le coup, je ne suis pas sûre que j'arriverai à porter ça sur mes épaules aujourd'hui, en tout cas.

  • Speaker #1

    Donc, réalisme et nuance, c'est un peu les deux messages que tu portes aujourd'hui. Si tu avais un message à transmettre à ceux qui nous écoutent, qui veulent s'engager à leur échelle, qu'est-ce que tu leur dirais ?

  • Speaker #0

    Moi, de mon expérience à moi, ce que j'en tire sur ça, c'est que je suis quand même assez stupéfaite par la possibilité de faire bouger des choses assez lourdes, assez énormes. Parce que là, on parle de traités, etc. Est-ce qu'on n'a pas parlé d'un cas qui me tient à cœur, mais où vraiment on a... Moi, j'étais l'avocate, mais avec des organisations, on a vraiment arrivé à faire connaître l'impact très négatif d'un des traités d'arbitrage, le traité de la charte de l'énergie. Et ça a eu un impact dans la vie réelle, puisque l'Europe en est sortie, tout un nombre de pays en sont sortis, en partie grâce à l'action qu'on a apportée devant la Cour européenne des droits de l'homme. Donc moi, je suis stupéfaite de l'impact qu'il peut avoir un petit groupe de personnes sur des réalités qui semblent émuables. Donc ça, c'est leur premier message, de se dire finalement, alors chacun avec ce qu'il a comme bagage, comme possibilité, c'est peut-être pas le bon moment, il faut quand même avoir un petit peu l'air insolite pour se dire, allez, je me lance, c'est-à-dire qu'il faut attendre le moment. Mais je le vois, et moi je le vois d'autres personnes, c'est-à-dire que chacun a quand même, justement on revient sur l'impact, mais peut avoir un certain impact, et la manière de le faire, parce qu'effectivement au début c'est... Un grand pas en amont dont on ne sait pas du tout où il faut aller, qui compacter, comment, quel est le premier pas. Moi, ce que j'ai trouvé utile pour moi, c'est de me dire, moi qui étais vraiment très sérieuse professionnelle, je me dis, je vais traiter mes cas, c'est-à-dire avant même d'avoir des clients, je vais traiter mon cas aussi sérieusement que si j'avais un client. Je paye très bien quand j'étais en cabinet d'affaires. Si je passe deux semaines où je me dis tel sujet qui me tient vraiment à cœur, moi c'était traiter l'arbitrage, mais ça peut être, je ne sais pas, les pesticides, le plastique. la violation des droits humains, etc. Et c'est ce que je donne comme conseil souvent quand on se mentale, c'est-à-dire vous prenez ce sujet-là, qui vous tient à cœur, et vous y mettez, vous dites, je suis payée. Vous imaginez que c'est votre dossier. Et d'ouvrir un champ des possibles, c'est-à-dire, comment on peut, pour les juristes, après, il y a bien sûr tous les autres métiers, mais de prendre très très sérieusement, de manière très carrée, et donc, il y a moins peut-être cette peur du vide, de se dire, par où je commence ? et ce que je montre en NG, etc. Mais de dire, je prends ça comme un dossier, et derrière, ça vous met en action. Et ça permet,

  • Speaker #1

    petit à petit,

  • Speaker #0

    de mieux comprendre, de comprendre aussi qu'est-ce qui doit être bougé, comment, et après peut-être de créer des coalitions. Et donc, ça fait vraiment avancer les choses.

  • Speaker #1

    Merci Clémentine pour cette conversation sincère et inspirante. Merci de nous avoir partagé ton parcours, tes combats, mais aussi tes réflexions sur la vérité et sur l'engagement. Pour celles et ceux qui nous écoutent, si cet épisode vous a touché, n'hésitez pas à partager sincère autour de vous et à nous suivre. pour découvrir d'autres voies authentiques dans les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    À bientôt !

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