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SMART IMPACT

L’hydrogène, avenir de l’aviation ? (Grand entretien avec Bertrand Piccard)

L’hydrogène, avenir de l’aviation ? (Grand entretien avec Bertrand Piccard)

22min |08/04/2024
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Description

L’explorateur Suisse Bertrand Piccard est venu dans Smart Impact détailler son projet de tour du monde en avion à hydrogène vert, baptisé Climate Impulse. Un défi technologique qui nécessite entre autres de maintenir l’hydrogène liquide à -253°C dans les réservoirs de l’avion. Il a aussi partagé sa vision concernant l’avenir du secteur de l’aviation dans un contexte de lutte contre le changement climatique. Et a dressé un bilan de l’action de sa Fondation Solar Impulse, qui a déjà labellisé plus de 1600 éco-innovations à la fois propres et rentables. Un grand entretien qui traite aussi d’éco-anxiété et d’espoir.

Un tour du monde de neuf jours, sans escale, à bord d’un avion à hydrogène vert, dès 2028 : c’est le projet Climate Impulse de Bertrand Piccard. L’explorateur et psychiatre suisse copilotera l’avion avec Raphaël Dinelli, navigateur français et ingénieur en matériaux composites.

« Climate Impulse, c’est mon coup de gueule contre l’immobilisme, le défaitisme, le pessimisme de tous ceux qui pensent qu’il n’y a pas de futur », confie Bertrand Piccard au micro de Thomas Hugues. L’hydrogène sera stocké à l’état liquide dans des réservoirs. Et pas n’importe quels réservoirs : isolants, ils doivent permettre de conserver ce vecteur énergétique à -253 degrés Celsius. Un stockage cryogénique déjà utilisé dans le spatial, mais qui n’a pas encore été appliqué à un avion. « Le petit peu d’hydrogène qui s’évapore, qu’on appelle le boil-off, passe dans une pile à combustible pour ensuite alimenter les moteurs électriques. »

Révolutionner l’aviation

Ici, l’objectif diffère du précédent projet très médiatisé de Bertrand Piccard, Solar Impulse, un tour du monde avec escales à bord d’un avion solaire en 2016. L’objectif était d’envoyer un message sur le potentiel immense des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. « J’ai toujours dit que Solar Impulse n’était pas un projet d’aviation, mais un projet d’énergie », clarifie l’éco-aventurier. A l’inverse, avec Climate Impulse, il espère bien révolutionner le monde aérien. Et participer à la décarbonation des mobilités grâce à un ruissellement technologique.

À ce jour, Climate Impulse représente deux ans de recherche, de développement et de conception, soutenus par Airbus (qui promet par ailleurs son avion à hydrogène pour 2035), Daher et Capgemini, avec la participation d’Ariane Group. Sans oublier leur partenaire principal : l’entreprise scientifique Syensqo (ex-Solvay depuis la scission de Solvay en deux entités fin 2023). La construction de l'avion, en cours, doit durer deux ans sous la direction du copilote Raphaël Dinelli. Suivront deux années de tests, jusqu’au départ en 2028.

Alors que l’expression suédoise « flygskam » (« honte de prendre l’avion ») s’est popularisée ces dernières années, 2023 a en fait été marquée par un rebond du trafic aérien. En 2024, l'Association du transport aérien international (IATA) prévoit 4,7 milliards de passagers, ce qui serait un record allant au-delà des 4,5 milliards de passagers en 2019, pré-pandémie.

L’hydrogène vert est-il compétitif ?

Pour rendre l’hydrogène vert compétitif, faut-il taxer le kérosène ? Une évidence pour Bertrand Piccard. « On n’a pas le droit de faire des billets d’avion à 29 euros vers des destinations lointaines sans taxer le kérosène, c’est-à-dire sans inclure le mal que l’on fait. »

Une taxation nécessaire également selon la Fédération européenne pour le transport et l'environnement (T&E) : « En 2035, faire voler des avions à hydrogène pourrait être 8 % plus cher que d’opérer avec des appareils alimentés au kérosène. Mais si ce carburant fossile était taxé, les avions à hydrogène coûteraient alors 2% de moins que leurs homologues », concluait T&E en 2023. Il ressort de la même étude (commandée par T&E au groupe de recherche Steer) que « l’essentiel des coûts repose en fait sur l’industrie de l’hydrogène », et non sur le design de ces avions. 54 % des coûts seraient liés à la production d’hydrogène vert, 23% à la liquéfaction et 12% au développement de l’infrastructure de l’hydrogène dans les aéroports.

Dans cette transition, l’industrie pétro-gazière tant décriée a-t-elle un rôle à jouer ? « Vous avez des activistes qui veulent exclure toute discussion avec le monde des pétroliers : c’est une erreur gravissime, estime Bertrand Piccard. Il faut inclure les pétroliers. Ce sont des gens qui savent produire, transporter, distribuer et vendre des gaz et des liquides. Et vous avez besoin d’hydrogène gazeux et d’hydrogène liquide.»

Lutter contre l’éco-anxiété

L’explorateur plaide pour un monde en croissance harmonieuse, où l’on peut encore rêver de s’élancer dans les nuages. « Il y a tellement de gens qui sont éco-anxieux, éco-déprimés, regrette Betrand Piccard, parce qu’on leur répète qu’on ne pourra protéger l’environnement qu’en faisant des sacrifices, une décroissance économique. »

Entre le catastrophisme écologique, le business as usual et le techno-messianisme, le psychiatre aventurier semble opter pour une quatrième voie. « Nous devons changer aujourd’hui, magistralement, notre manière de fonctionner, mais de manière optimiste, active, en utilisant les solutions qui existent déjà, et démontrer que ces solutions peuvent passer à l’échelle. » Si certains militants écologistes classent l’avion à hydrogène parmi les réponses techno-solutionnistes qui ne seront pas prêtes à temps dans un contexte d'urgence climatique, Bertrand Piccard espère bien leur donner tort.

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SMART IMPACT - Le magazine de l'économie durable et responsable

SMART IMPACT, votre émission dédiée à la RSE et à la transition écologique des entreprises. Découvrez des actions inspirantes, des solutions innovantes et rencontrez les leaders du changement.

👉 https://www.bsmart.fr/emissions/smart-impact

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L’explorateur Suisse Bertrand Piccard est venu dans Smart Impact détailler son projet de tour du monde en avion à hydrogène vert, baptisé Climate Impulse. Un défi technologique qui nécessite entre autres de maintenir l’hydrogène liquide à -253°C dans les réservoirs de l’avion. Il a aussi partagé sa vision concernant l’avenir du secteur de l’aviation dans un contexte de lutte contre le changement climatique. Et a dressé un bilan de l’action de sa Fondation Solar Impulse, qui a déjà labellisé plus de 1600 éco-innovations à la fois propres et rentables. Un grand entretien qui traite aussi d’éco-anxiété et d’espoir.

Un tour du monde de neuf jours, sans escale, à bord d’un avion à hydrogène vert, dès 2028 : c’est le projet Climate Impulse de Bertrand Piccard. L’explorateur et psychiatre suisse copilotera l’avion avec Raphaël Dinelli, navigateur français et ingénieur en matériaux composites.

« Climate Impulse, c’est mon coup de gueule contre l’immobilisme, le défaitisme, le pessimisme de tous ceux qui pensent qu’il n’y a pas de futur », confie Bertrand Piccard au micro de Thomas Hugues. L’hydrogène sera stocké à l’état liquide dans des réservoirs. Et pas n’importe quels réservoirs : isolants, ils doivent permettre de conserver ce vecteur énergétique à -253 degrés Celsius. Un stockage cryogénique déjà utilisé dans le spatial, mais qui n’a pas encore été appliqué à un avion. « Le petit peu d’hydrogène qui s’évapore, qu’on appelle le boil-off, passe dans une pile à combustible pour ensuite alimenter les moteurs électriques. »

Révolutionner l’aviation

Ici, l’objectif diffère du précédent projet très médiatisé de Bertrand Piccard, Solar Impulse, un tour du monde avec escales à bord d’un avion solaire en 2016. L’objectif était d’envoyer un message sur le potentiel immense des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. « J’ai toujours dit que Solar Impulse n’était pas un projet d’aviation, mais un projet d’énergie », clarifie l’éco-aventurier. A l’inverse, avec Climate Impulse, il espère bien révolutionner le monde aérien. Et participer à la décarbonation des mobilités grâce à un ruissellement technologique.

À ce jour, Climate Impulse représente deux ans de recherche, de développement et de conception, soutenus par Airbus (qui promet par ailleurs son avion à hydrogène pour 2035), Daher et Capgemini, avec la participation d’Ariane Group. Sans oublier leur partenaire principal : l’entreprise scientifique Syensqo (ex-Solvay depuis la scission de Solvay en deux entités fin 2023). La construction de l'avion, en cours, doit durer deux ans sous la direction du copilote Raphaël Dinelli. Suivront deux années de tests, jusqu’au départ en 2028.

Alors que l’expression suédoise « flygskam » (« honte de prendre l’avion ») s’est popularisée ces dernières années, 2023 a en fait été marquée par un rebond du trafic aérien. En 2024, l'Association du transport aérien international (IATA) prévoit 4,7 milliards de passagers, ce qui serait un record allant au-delà des 4,5 milliards de passagers en 2019, pré-pandémie.

L’hydrogène vert est-il compétitif ?

Pour rendre l’hydrogène vert compétitif, faut-il taxer le kérosène ? Une évidence pour Bertrand Piccard. « On n’a pas le droit de faire des billets d’avion à 29 euros vers des destinations lointaines sans taxer le kérosène, c’est-à-dire sans inclure le mal que l’on fait. »

Une taxation nécessaire également selon la Fédération européenne pour le transport et l'environnement (T&E) : « En 2035, faire voler des avions à hydrogène pourrait être 8 % plus cher que d’opérer avec des appareils alimentés au kérosène. Mais si ce carburant fossile était taxé, les avions à hydrogène coûteraient alors 2% de moins que leurs homologues », concluait T&E en 2023. Il ressort de la même étude (commandée par T&E au groupe de recherche Steer) que « l’essentiel des coûts repose en fait sur l’industrie de l’hydrogène », et non sur le design de ces avions. 54 % des coûts seraient liés à la production d’hydrogène vert, 23% à la liquéfaction et 12% au développement de l’infrastructure de l’hydrogène dans les aéroports.

Dans cette transition, l’industrie pétro-gazière tant décriée a-t-elle un rôle à jouer ? « Vous avez des activistes qui veulent exclure toute discussion avec le monde des pétroliers : c’est une erreur gravissime, estime Bertrand Piccard. Il faut inclure les pétroliers. Ce sont des gens qui savent produire, transporter, distribuer et vendre des gaz et des liquides. Et vous avez besoin d’hydrogène gazeux et d’hydrogène liquide.»

Lutter contre l’éco-anxiété

L’explorateur plaide pour un monde en croissance harmonieuse, où l’on peut encore rêver de s’élancer dans les nuages. « Il y a tellement de gens qui sont éco-anxieux, éco-déprimés, regrette Betrand Piccard, parce qu’on leur répète qu’on ne pourra protéger l’environnement qu’en faisant des sacrifices, une décroissance économique. »

Entre le catastrophisme écologique, le business as usual et le techno-messianisme, le psychiatre aventurier semble opter pour une quatrième voie. « Nous devons changer aujourd’hui, magistralement, notre manière de fonctionner, mais de manière optimiste, active, en utilisant les solutions qui existent déjà, et démontrer que ces solutions peuvent passer à l’échelle. » Si certains militants écologistes classent l’avion à hydrogène parmi les réponses techno-solutionnistes qui ne seront pas prêtes à temps dans un contexte d'urgence climatique, Bertrand Piccard espère bien leur donner tort.

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Un tour du monde de neuf jours, sans escale, à bord d’un avion à hydrogène vert, dès 2028 : c’est le projet Climate Impulse de Bertrand Piccard. L’explorateur et psychiatre suisse copilotera l’avion avec Raphaël Dinelli, navigateur français et ingénieur en matériaux composites.

« Climate Impulse, c’est mon coup de gueule contre l’immobilisme, le défaitisme, le pessimisme de tous ceux qui pensent qu’il n’y a pas de futur », confie Bertrand Piccard au micro de Thomas Hugues. L’hydrogène sera stocké à l’état liquide dans des réservoirs. Et pas n’importe quels réservoirs : isolants, ils doivent permettre de conserver ce vecteur énergétique à -253 degrés Celsius. Un stockage cryogénique déjà utilisé dans le spatial, mais qui n’a pas encore été appliqué à un avion. « Le petit peu d’hydrogène qui s’évapore, qu’on appelle le boil-off, passe dans une pile à combustible pour ensuite alimenter les moteurs électriques. »

Révolutionner l’aviation

Ici, l’objectif diffère du précédent projet très médiatisé de Bertrand Piccard, Solar Impulse, un tour du monde avec escales à bord d’un avion solaire en 2016. L’objectif était d’envoyer un message sur le potentiel immense des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. « J’ai toujours dit que Solar Impulse n’était pas un projet d’aviation, mais un projet d’énergie », clarifie l’éco-aventurier. A l’inverse, avec Climate Impulse, il espère bien révolutionner le monde aérien. Et participer à la décarbonation des mobilités grâce à un ruissellement technologique.

À ce jour, Climate Impulse représente deux ans de recherche, de développement et de conception, soutenus par Airbus (qui promet par ailleurs son avion à hydrogène pour 2035), Daher et Capgemini, avec la participation d’Ariane Group. Sans oublier leur partenaire principal : l’entreprise scientifique Syensqo (ex-Solvay depuis la scission de Solvay en deux entités fin 2023). La construction de l'avion, en cours, doit durer deux ans sous la direction du copilote Raphaël Dinelli. Suivront deux années de tests, jusqu’au départ en 2028.

Alors que l’expression suédoise « flygskam » (« honte de prendre l’avion ») s’est popularisée ces dernières années, 2023 a en fait été marquée par un rebond du trafic aérien. En 2024, l'Association du transport aérien international (IATA) prévoit 4,7 milliards de passagers, ce qui serait un record allant au-delà des 4,5 milliards de passagers en 2019, pré-pandémie.

L’hydrogène vert est-il compétitif ?

Pour rendre l’hydrogène vert compétitif, faut-il taxer le kérosène ? Une évidence pour Bertrand Piccard. « On n’a pas le droit de faire des billets d’avion à 29 euros vers des destinations lointaines sans taxer le kérosène, c’est-à-dire sans inclure le mal que l’on fait. »

Une taxation nécessaire également selon la Fédération européenne pour le transport et l'environnement (T&E) : « En 2035, faire voler des avions à hydrogène pourrait être 8 % plus cher que d’opérer avec des appareils alimentés au kérosène. Mais si ce carburant fossile était taxé, les avions à hydrogène coûteraient alors 2% de moins que leurs homologues », concluait T&E en 2023. Il ressort de la même étude (commandée par T&E au groupe de recherche Steer) que « l’essentiel des coûts repose en fait sur l’industrie de l’hydrogène », et non sur le design de ces avions. 54 % des coûts seraient liés à la production d’hydrogène vert, 23% à la liquéfaction et 12% au développement de l’infrastructure de l’hydrogène dans les aéroports.

Dans cette transition, l’industrie pétro-gazière tant décriée a-t-elle un rôle à jouer ? « Vous avez des activistes qui veulent exclure toute discussion avec le monde des pétroliers : c’est une erreur gravissime, estime Bertrand Piccard. Il faut inclure les pétroliers. Ce sont des gens qui savent produire, transporter, distribuer et vendre des gaz et des liquides. Et vous avez besoin d’hydrogène gazeux et d’hydrogène liquide.»

Lutter contre l’éco-anxiété

L’explorateur plaide pour un monde en croissance harmonieuse, où l’on peut encore rêver de s’élancer dans les nuages. « Il y a tellement de gens qui sont éco-anxieux, éco-déprimés, regrette Betrand Piccard, parce qu’on leur répète qu’on ne pourra protéger l’environnement qu’en faisant des sacrifices, une décroissance économique. »

Entre le catastrophisme écologique, le business as usual et le techno-messianisme, le psychiatre aventurier semble opter pour une quatrième voie. « Nous devons changer aujourd’hui, magistralement, notre manière de fonctionner, mais de manière optimiste, active, en utilisant les solutions qui existent déjà, et démontrer que ces solutions peuvent passer à l’échelle. » Si certains militants écologistes classent l’avion à hydrogène parmi les réponses techno-solutionnistes qui ne seront pas prêtes à temps dans un contexte d'urgence climatique, Bertrand Piccard espère bien leur donner tort.

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L’explorateur Suisse Bertrand Piccard est venu dans Smart Impact détailler son projet de tour du monde en avion à hydrogène vert, baptisé Climate Impulse. Un défi technologique qui nécessite entre autres de maintenir l’hydrogène liquide à -253°C dans les réservoirs de l’avion. Il a aussi partagé sa vision concernant l’avenir du secteur de l’aviation dans un contexte de lutte contre le changement climatique. Et a dressé un bilan de l’action de sa Fondation Solar Impulse, qui a déjà labellisé plus de 1600 éco-innovations à la fois propres et rentables. Un grand entretien qui traite aussi d’éco-anxiété et d’espoir.

Un tour du monde de neuf jours, sans escale, à bord d’un avion à hydrogène vert, dès 2028 : c’est le projet Climate Impulse de Bertrand Piccard. L’explorateur et psychiatre suisse copilotera l’avion avec Raphaël Dinelli, navigateur français et ingénieur en matériaux composites.

« Climate Impulse, c’est mon coup de gueule contre l’immobilisme, le défaitisme, le pessimisme de tous ceux qui pensent qu’il n’y a pas de futur », confie Bertrand Piccard au micro de Thomas Hugues. L’hydrogène sera stocké à l’état liquide dans des réservoirs. Et pas n’importe quels réservoirs : isolants, ils doivent permettre de conserver ce vecteur énergétique à -253 degrés Celsius. Un stockage cryogénique déjà utilisé dans le spatial, mais qui n’a pas encore été appliqué à un avion. « Le petit peu d’hydrogène qui s’évapore, qu’on appelle le boil-off, passe dans une pile à combustible pour ensuite alimenter les moteurs électriques. »

Révolutionner l’aviation

Ici, l’objectif diffère du précédent projet très médiatisé de Bertrand Piccard, Solar Impulse, un tour du monde avec escales à bord d’un avion solaire en 2016. L’objectif était d’envoyer un message sur le potentiel immense des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. « J’ai toujours dit que Solar Impulse n’était pas un projet d’aviation, mais un projet d’énergie », clarifie l’éco-aventurier. A l’inverse, avec Climate Impulse, il espère bien révolutionner le monde aérien. Et participer à la décarbonation des mobilités grâce à un ruissellement technologique.

À ce jour, Climate Impulse représente deux ans de recherche, de développement et de conception, soutenus par Airbus (qui promet par ailleurs son avion à hydrogène pour 2035), Daher et Capgemini, avec la participation d’Ariane Group. Sans oublier leur partenaire principal : l’entreprise scientifique Syensqo (ex-Solvay depuis la scission de Solvay en deux entités fin 2023). La construction de l'avion, en cours, doit durer deux ans sous la direction du copilote Raphaël Dinelli. Suivront deux années de tests, jusqu’au départ en 2028.

Alors que l’expression suédoise « flygskam » (« honte de prendre l’avion ») s’est popularisée ces dernières années, 2023 a en fait été marquée par un rebond du trafic aérien. En 2024, l'Association du transport aérien international (IATA) prévoit 4,7 milliards de passagers, ce qui serait un record allant au-delà des 4,5 milliards de passagers en 2019, pré-pandémie.

L’hydrogène vert est-il compétitif ?

Pour rendre l’hydrogène vert compétitif, faut-il taxer le kérosène ? Une évidence pour Bertrand Piccard. « On n’a pas le droit de faire des billets d’avion à 29 euros vers des destinations lointaines sans taxer le kérosène, c’est-à-dire sans inclure le mal que l’on fait. »

Une taxation nécessaire également selon la Fédération européenne pour le transport et l'environnement (T&E) : « En 2035, faire voler des avions à hydrogène pourrait être 8 % plus cher que d’opérer avec des appareils alimentés au kérosène. Mais si ce carburant fossile était taxé, les avions à hydrogène coûteraient alors 2% de moins que leurs homologues », concluait T&E en 2023. Il ressort de la même étude (commandée par T&E au groupe de recherche Steer) que « l’essentiel des coûts repose en fait sur l’industrie de l’hydrogène », et non sur le design de ces avions. 54 % des coûts seraient liés à la production d’hydrogène vert, 23% à la liquéfaction et 12% au développement de l’infrastructure de l’hydrogène dans les aéroports.

Dans cette transition, l’industrie pétro-gazière tant décriée a-t-elle un rôle à jouer ? « Vous avez des activistes qui veulent exclure toute discussion avec le monde des pétroliers : c’est une erreur gravissime, estime Bertrand Piccard. Il faut inclure les pétroliers. Ce sont des gens qui savent produire, transporter, distribuer et vendre des gaz et des liquides. Et vous avez besoin d’hydrogène gazeux et d’hydrogène liquide.»

Lutter contre l’éco-anxiété

L’explorateur plaide pour un monde en croissance harmonieuse, où l’on peut encore rêver de s’élancer dans les nuages. « Il y a tellement de gens qui sont éco-anxieux, éco-déprimés, regrette Betrand Piccard, parce qu’on leur répète qu’on ne pourra protéger l’environnement qu’en faisant des sacrifices, une décroissance économique. »

Entre le catastrophisme écologique, le business as usual et le techno-messianisme, le psychiatre aventurier semble opter pour une quatrième voie. « Nous devons changer aujourd’hui, magistralement, notre manière de fonctionner, mais de manière optimiste, active, en utilisant les solutions qui existent déjà, et démontrer que ces solutions peuvent passer à l’échelle. » Si certains militants écologistes classent l’avion à hydrogène parmi les réponses techno-solutionnistes qui ne seront pas prêtes à temps dans un contexte d'urgence climatique, Bertrand Piccard espère bien leur donner tort.

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