- Speaker #0
Finalement, l'objectif des banques, c'est d'avoir une vue exhaustive de l'entreprise, juste au niveau pour bloquer l'activité.
- Speaker #1
Bienvenue dans notre podcast Spinpart vous éclaire. Le podcast qui vous guide à travers les défis et les opportunités qui façonnent le paysage des entreprises et des administrations. Nous abordons les enjeux qui comptent pour vous, en vous apportant des perspectives éclairées et des solutions pratiques pour naviguer dans ce monde complexe. Le réglementaire semble être un sujet sans fin, notamment pour les banques. Certains experts évoquent un coût complémentaire de 30% sur les processus opérationnels pour respecter l'ensemble des réglementations. Dans cette série Risques et conformités nous allons échanger sur les enjeux pour les banques de ce foisonnement bancaire, puis sur les dispositifs et gouvernances mis en place par les banques pour s'y conformer, et enfin, nous illustrerons par quelques zooms sur des risques spécifiques. Nous répondrons à toutes ces questions grâce à Stéphanie Thiry, associée banque, et Romain Ouattrelo, senior manager finance et risque chez Spinpart. Bonjour à tous les deux.
- Speaker #0
Bonjour Anne-Sophie.
- Speaker #2
Bonjour Anne-Sophie.
- Speaker #1
Aujourd'hui, nous allons plonger dans le labyrinthe de la réglementation et de la régulation bancaire. Stéphanie, ma première question sera, quels sont les grands enjeux de la réglementation pour une banque ?
- Speaker #0
Alors, je vais démarrer par le risque systémique. En fait, dans une économie globalisée, la principale... La préoccupation des régulateurs, ça va être de faire en sorte que toute défaillance d'un acteur financier ne se propage pas à l'ensemble du système financier par contagion. Donc le régulateur va mettre en place des régulations qu'il va identifier en identifiant les faiblesses qui ont provoqué les différents risques. Et les banques, elles, en phase, vont essayer de s'adapter de mieux en mieux et de plus en plus vite. Après, la réglementation, son seul objectif, n'est pas le risque systémique. On verra les autres risques un petit peu plus tard. Donc finalement, l'objectif des banques, c'est d'avoir une vue exhaustive de l'ensemble des risques, mais au juste niveau pour ne pas bloquer l'activité courante. Et ça va être de mettre en place des dispositifs qui vont permettre de prendre les bonnes décisions pour prévenir les risques, de mettre sous contrôle ces risques, de faire différents contrôles, y compris des contrôles du contrôle, de mettre en place des actions de remédiation quand il y a eu une défaillance identifiée, tout en ne bloquant pas l'activité cœur de la banque. L'année dernière, on a eu la faillite de SVB et le rachat du Crédit Suisse. Et finalement, les défaillances de ces deux banques ne se sont pas transmises à tout le système financier. Donc les régulations mises en place depuis 2008 ont fonctionné.
- Speaker #1
Si l'on refait un peu l'histoire de la réglementation, comment cela s'est-il passé ?
- Speaker #2
Alors en fait, on peut prendre comme origine l'année 1974 avec la faillite de la banque Erstat. C'est forcément un peu plus compliqué. mais en synthèse on est donc en 1974 et du coup cette banque allemande entre en cessation d'activité. On est sur un événement qui est local, qui impacte une petite banque et pourtant c'est un événement qui va entraîner la paralysie du système de paiement interbancaire à New York. Et du coup c'est à la suite de cette faillite et de ces impacts jusqu'à New York qu'on réalise la portée du risque systémique. On a donc les gouverneurs des banques centrales des différents pays du G10 qui vont s'organiser et mettre en place un comité qu'on appelle le comité de balle, qui est bien connu. Et du coup, le comité de balle est créé en 1974, mais on va devoir attendre jusqu'en 1988 pour que soient signés les premiers accords de balle. Du coup, 14 ans pour atterrir sur un premier cadre réglementaire. Et du coup, ces premiers accords couvrent avec le fameux ratio Cook, qu'on connaît bien. Et ils vont se concentrer sur les fonds propres des banques. et du coup avec un objectif de pousser les banques à constituer un niveau de fonds propres qui est suffisant pour couvrir leurs besoins en liquidité. Ensuite, on va avoir balle 2, balle 3 et aujourd'hui balle 4, et avec des domaines de vigilance qui s'enrichissent. On a l'effet de levier pour encadrer l'endettement des banques, avec une vigilance toujours sur les fonds propres, mais cette fois-ci en comparaison par rapport au total des actifs de la banque. On va avoir aussi le ratio de liquidité pour s'assurer que les banques peuvent faire face à leurs engagements de leur passif. Et enfin, on va avoir différents stress tests, notamment avec l'EBA, qui ont vocation à pousser les modèles pour tester la résilience du système global.
- Speaker #0
Effectivement, pour garantir leur efficacité, les normes doivent être traduites par les instances législatives et dans les différents pays. Cette mise en place doit être supervisée localement. En France, c'est le rôle de la CPR, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution, et de l'AMF, qui est l'autorité des marchés financiers. Depuis 2011, en réponse à la crise de 2008, la communauté européenne a mis en plus le système européen de supervision financière, le SFS, qui elle-même est chargée de coordonner ces instances de supervision nationale. Le SFS est composé de trois autorités européennes de surveillance. Et pour le domaine bancaire qui nous intéresse, c'est l'IBI, l'Autorité bancaire européenne. À ces autorités s'ajoute le Conseil européen du risque systémique, le SRB. Donc finalement, à chaque nouvelle crise, l'écosystème réglementaire va s'enrichir et se complexifier.
- Speaker #2
Et encore, pour l'instant, tu ne parles que du risque systémique. Et on a à côté de tout ça, un tas de réglementations qui sont régulièrement mises en place pour faire face à de nouveaux risques. On va avoir Dora avec la résilience informatique et en particulier sur les risques de cyberattaques. On va avoir tout ce qui touche la protection de la clientèle et en particulier les plus fragiles. On a aussi tout ce qui est lié à la prévention contre la manipulation des taux et plus largement les risques de marché. Ou encore tout ce qui est encore prévention contre le financement du terrorisme, contre le blanchiment, la corruption, avec tous des sujets d'éthique. Et enfin, il y a bien sûr le sujet dont tout le monde parle, la CSRD. et qui va avoir un impact bien plus profond sur les entreprises, notamment des impacts qui iront jusqu'à toucher un petit peu le cœur de leur business model. Et ici, on est bien au-delà de la mise sous contrôle des risques avec cette réglementation. Du coup, on comprend bien qu'avec toutes ces réglementations, on ne peut pas vraiment éviter l'effet millefeuille avec un vrai sujet de cohérence d'ensemble qui se pose. Et les banques sont confrontées à des enjeux d'efficacité dans la couverture de ces risques, notamment risques réglementaires de non-conformité. mais également à des enjeux de maîtrise des coûts et de délais associés à leur mise en œuvre. Avec tout ça, les banques doivent réussir à mettre en place des dispositifs qui sont cohérents et efficaces pour couvrir ces risques. Et au-delà de ça, elles doivent être attentives à leurs coûts et au délai que ça génère.
- Speaker #1
Quelles sont les limites de cette réglementation prudentielle ?
- Speaker #0
Alors on l'a vu, la réglementation se construit en fonction des crises, des possibilités législatives ou des négociations internationales. Donc les limites sont nombreuses. On va d'abord parler de la vitesse de mise en application. Donc le cadre prudentiel se construit dans le cadre de BAL, il est stable, il est exigeant, mais il va y avoir une certaine lenteur de mise en application, puisque les décisions ne sont pas contraignantes. La question de savoir si la crise de 2007-2008... aurait pu être évité si les accords de Bâle II qui dataient, eux, de 2005 avaient été adoptés plus rapidement ? La réponse est probablement oui, puisque ces accords traitaient justement du point d'origine à la crise qui était l'externalisation d'un risque vers d'autres acteurs, et ces acteurs, eux, ne faisant pas face aux mêmes exigences réglementaires.
- Speaker #2
En fait, ce que tu évoques touche une deuxième limite, c'est les zones grises de la réglementation. Tu le disais tout à l'heure, avant 2008, il était possible pour certains établissements de... transféraient leurs risques sur des territoires qui étaient hors de portée des régulations. En fait, plutôt que de prendre en compte et donc de mitiguer les risques, ce qui est vraiment l'objectif de la réglementation, certains acteurs transféraient leurs risques dans des centres financiers offshore qui eux n'étaient pas soumis à ces réglementations. Et là, c'est un véritable angle mort dans la supervision prudentielle.
- Speaker #0
Alors effectivement, on peut citer l'exemple de la banque britannique Northern Rock. Elle avait pris des crédits hypothécaires risqués par l'intermédiaire d'un fonds commun de créances contrôlés par un trust à Jersey. Et juste qu'à son sauvetage par la banque d'Angleterre, ces crédits risqués étaient complètement hors du champ des contrôles prudentiels.
- Speaker #2
On parle de cohérence mondiale, il y a aussi le sujet de l'extraterritorialité. Par exemple, les réglementations américaines s'appliquent au-delà des US, à toutes les banques qui utilisent le dollar. Et du coup, pour un acteur européen, il faut composer avec les exigences liées à BAL sur leur territoire. mais également avec celle des US. Et c'est ce qu'on veut dire par l'extraterritorialité. Même au-delà de leur implantation aux États-Unis, les banques sont impactées. Si on prend la loi Volcker, son objectif est d'interdire les négociations pour compte propre pour les banques de détail. Et en fait, cette loi n'a pas pris en compte le marché européen, qui est pas mal occupé avec des banques universelles, des modèles qui n'existent pas aux États-Unis. Et du coup, ces banques universelles européennes sont impactées. sur leur activité de détail, mais aussi sur leur activité de banque d'investissement. Et dans ce contexte, on comprend que les banques européennes appliquent un provisionnement pour risque de non-conformité.
- Speaker #1
La réglementation est-elle uniquement une contrainte pour les banques ou peut-elle devenir un levier stratégique ?
- Speaker #0
Alors la difficulté pour les banques, ça va être de trouver le juste niveau entre couvrir les risques traités par les réglementations Et en face, le risque de sanction si un régulateur considère que le dispositif n'est pas suffisant. Et comme les réglementations ne donnent pas d'instructions détaillées, parce qu'elles ne peuvent pas, parce que ça dépend de l'organisation des banques, le résultat, c'est une adaptation au contexte de la banque, un dialogue avec le régulateur, mais du coup, on a aussi un risque de sanction qui, lui, est réel. En face de la densité des exigences et du calendrier associé, les banques sont lucides quant à leur capacité à se prévenir totalement d'un risque de sanction. Et elles provisionnent une part importante de leurs résultats en anticipation de fêtes. Si on veut prendre une approche plus positive, les banques peuvent avoir intérêt à avoir un coût d'avance pour maîtriser ces risques et dégager un avantage concurrentiel. C'est ce qu'elles ont fait par exemple avec la réglementation Émir, qui était une réglementation qui concernait les marchés financiers. Et les certaines banques européennes... ont dû créer des services de gestion de ce qu'on appelle le collatéral, et celles qui étaient les plus en avance ont pu tirer profit en couvrant non seulement leurs propres besoins, mais aussi en commercialisation de cette expertise auprès d'autres banques qui n'avaient pas la même maturité.
- Speaker #2
Si on résume, le réglementaire est sans surprise un sujet vraiment majeur pour les banques. Ces banques doivent composer avec des réglementations qui sont, on l'a vu, souvent construites en réaction plutôt qu'en anticipation. Et c'est à elles-mêmes, les banques, que revient la lourde tâche qui est de simplifier et de donner de la cohérence à ce millefeuille. Et la simplification et la mise en cohérence sont impératifs quand il faut composer entre différents enjeux. Le risque de sanction, la rationalisation pour maîtriser les coûts associés, et finalement toujours la capacité à mieux répondre aux clients en cherchant l'avantage compétitif.
- Speaker #1
Merci Romain, merci Stéphanie pour cet éclairage.
- Speaker #0
Merci Anne-Sophie.
- Speaker #2
Merci Anne-Sophie.
- Speaker #1
Merci à toutes et à tous pour votre écoute. Nous vous donnons rendez-vous au prochain épisode qui traitera le sujet de la taxonomie des risques.