Faut-il se préparer à partir dans l'Espace ?  En s’appuyant sur ses enquêtes de terrain et ses expériences de création scénique, Frédéric Ferrer, auteur et metteur en scène, partage quelques hypothèses sur ce qui motive l’envie d’un grand départ, entre inquiétude de l’avenir, quête de soi et désir fou de rencontrer un autre. À l’ère de l’anthropocène et face à la complexification du monde, il saute, avec David Christoffel, des cartes topographiques de Vichy aux migrations du moustique tigre, en passant par la révolte des canards en plastique de la Nasa et un pôle nord de convention, pour y chercher un peu d’absurde et beaucoup de raisons d’imaginer que rien n’est infaisable, pas même aller sur Mars. 

Nathalie Blanc, poète et géographe, propose, pour définir le profil du candidat idéal au voyage spatial, de faire un détour par le sol, voire le sous-sol : cafards et vers de terre ou créatures pesantes comme les vaches, par exemple, se distinguent par leur discrétion et leur adaptabilité, loin du glamour des héros des programmes spatiaux. Elle parcourt avec David Christoffel différentes échelles du vivant et démontre la nécessaire prise de conscience de la part « coloniale » de notre perception du sensible chez les autres espèces, érigeant au passage la fragilité en aptitude et l’usage de notre espace intérieur en rempart à la mélancolie de la vie dans l’Espace. 

Le dramaturge retrace avec David Christoffel l’entreprise quichottesque qui jalonne sa vie : se libérer du joug de la gravité. Si ses personnages de fiction refusent toute négociation avec la pesanteur, Pierre Meunier envisage par contre avec malice les conséquences économiques qui résulteraient d’un bien réel rapt du kilo étalon et il embrasse la chute comme expérience essentielle et libératrice. Comment emporter avec soi une pierre pendant un vol en impesanteur peut-il revêtir une signification politique ? Parce que ce geste prouve que tout, même quelque chose de très lourd, peut se soulever.  

L’auteur Charles Robinson prend à bras-le-corps la perspective d’une vie en communauté hors de la Terre, promise pour demain par les acteurs privés du NewSpace, et s’intéresse, avec David Christoffel, aux contraintes sociales qui pèsent sur le petit nombre de personnes à avoir déjà fait l’expérience de l’Espace. Ensemble, ils abordent l’échec prévisible de la transposition de réflexes sociaux, qu’il s’agisse des rituels de la table ou de l’organisation de fêtes, mais aussi l’ennui qui ne manquera pas d’apparaître dans cet environnement pourtant hors norme. Réconcilier la dépendance totale de l’humanité à la Terre et réviser la certitude, en dépit de nos connaissances scientifiques, que nous nous trouvons au centre du monde, voilà la substance de cet entretien.  

En conclusion de ce premier corpus du Studio Cosmique, la question qui a traversé tous les entretiens – l’Espace veut-il de nous ? – est renversée par l’autrice Juliette Mézenc. Elle cherche ainsi, avec David Christoffel, à qualifier plutôt l’élan à l’origine des efforts colossaux induits par l’exploration spatiale, décuplés dans nos imaginaires par des progrès technologiques qui offrent à chacun sa part de rêve. Juliette Mézenc examine les motivations profondes des candidats au voyage extraterrestre : inscription dans une tradition de pionniers, désir d’appartenir à un corps d’élite ou encore ambition touristique passent à la moulinette métaphysique de la poétesse. L’Espace, si loin, si proche, peut-il être davantage qu’un miroir où contempler notre inquiétude existentielle ? 

Dans le studio de radio éphémère de l’Observatoire de l’Espace du Cnes, Véronique Béland a échangé avec David Christoffel sur l’hypothèse d’un Centre d’art contemporain en orbite terrestre. L’artiste plasticienne a formé une intelligence artificielle à créer une nouvelle génération d’engins spatiaux – rovers, sondes, satellites, etc. –, expérimentant avec ces acteurs non humains de l’aventure spatiale une association d’une nature singulière. En s’appuyant sur cette expérience de création avec l’Espace, l’artiste a présenté un projet curatorial pour le centre d’art.

Dans le studio de radio éphémère de l’Observatoire de l’Espace du Cnes, Erwan Venn a échangé avec David Christoffel sur l’hypothèse d’un Centre d’art contemporain en orbite terrestre. L’artiste a réalisé des œuvres inspirées par des lieux et des périodes emblématiques de l'aventure spatiale, comme le Centre spatial guyanais, dont il a tiré la série d'aquarelles "Kouroupolis". En s’appuyant sur cette expérience de création avec l’Espace, l’artiste a présenté un projet curatorial pour le centre d’art.

Stéphane Thidet s'empare des lieux, de leurs contraintes et de leurs possibilités, pour proposer des œuvres qui modifient notre perception de l'environnement immédiat. Avec OSCAR, l'artiste a pour ambition d'utiliser les caractéristiques du milieu spatial et leurs variations, afin de créer une œuvre musicale. Jouée sur Terre, cette production sera, pour un public terrestre, un moyen d'éprouver les spécificités du milieu spatial.

Sylvie Bonnot, photographe, manipule la matière de ses tirages pour créer froissements et déchirures de l'image. Ce medium est au cœur de son projet de curation pour une station orbitale. Elle se tourne vers des protocoles de création pensés pour offrir un temps à leurs acteurs, tout particulièrement les occupants de la station. De quelles fragilités une attention accrue à leur environnement, dépouillée de tout enjeu de communication, un tel travail photographique serait-il le révélateur ? Faut-il absolument envisager une restitution publique pour justifier du temps alloué à la création ? 

Dans ses œuvres, Romain Sein associe des images de nature différente. Les films d’archives se mêlent à ceux tournés en studio et à des environnements virtuels. Cet usage simultané de différentes techniques donne aux images un statut hybride qui souligne la dimension construite des représentations de l’univers spatial. Il propose la perturbation et l’intervention discrète pour s’accommoder de l’environnement singulier d’une station orbitale.