- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur, cette semaine consacrée au... podcaston 2025 qui vise comme chaque année à mettre en lumière des associations. Et pour ma part, j'ai choisi de parler du Rire Médecin, une association qui apporte de l'humour et de la légèreté aux enfants hospitalisés grâce à des clowns professionnels. J'ai donc eu le plaisir de recevoir Pauline Réan, comédien clown au Rire Médecin. Dans le premier épisode, Pauline nous a parlé de son métier et je vous propose de poursuivre notre discussion dans ce deuxième et dernier épisode. Elle va notamment nous partager des anecdotes poétique et super marrante sur son métier. N'hésitez surtout pas à vous abonner à ce podcast pour ne rater aucun épisode et je vous souhaite une excellente écoute.
- Speaker #1
Est-ce que Pauline, tu peux me raconter une ou deux anecdotes marquantes où tu as senti que ton intervention a vraiment fait une différence pour un enfant ou une famille par exemple ?
- Speaker #2
J'ai réfléchi un petit peu, alors on a toujours plein de souvenirs en tête. Un des premiers souvenirs qui m'est apparu, c'est lors d'un accompagnement de soins parce qu'on peut être présent lors de soins. Je me souviens de la transmission où on nous disait, c'est une jeune fille de 12 ans qui ne pouvait pas avoir de sédation pour ce soin-là, qui avait une ponction lombaire et qui était immobilisée des deux bras. Donc une position très inconfortable et un endroit où finalement les soignants étaient aussi en disant, on ne sait pas trop comment on va faire. Donc on a aussi un protocole dans ces moments-là, les clones arrivent et on va tester si finalement on a un impact ou pas. Parce que comme tu disais, ce n'est pas gagné à tous les coups et l'idée c'est qu'on… On arrive à avancer ensemble et parfois si la connexion n'est pas bonne, on se retire. Ce n'est pas le bon moment. Donc avant un soin, on vient se connecter à l'enfant pour voir si finalement il y a quelque chose qui se passe, si on a tissé déjà un petit lien. Et on a commencé à parler avec la jeune fille de la mère, des dauphins, etc. Et c'était très joli à voir parce que les soignants sont arrivés. C'est très important l'espace en fait dans les chambres et chacun a trouvé sa juste place. La maman était auprès de sa fille. L'interne était juste là avec son équipe, enfin la PL, mais on était devant l'enfant. Donc finalement, les places étaient très bien positionnées. Et on a commencé à imposer une chanson. Et on a commencé à s'appuyer en chantant sur des dauphins qui nageaient dans la mer. Et on se regardait avec l'interne et on pouvait savoir à quel moment il allait piquer et à quel moment on pouvait interagir. Donc en fait, on a le clown qui est là et on a toujours le pilote derrière. Et en fonction de ces gestes médicaux, j'adaptais ma chanson. avec des sensations concrètes, parce qu'on sait que si on active la sensorialité, si on active le froid, la chaleur, le sable, le goût, toutes ces choses-là, ça active. Et donc, on adaptait toute la chanson au moment du pic. On l'a fait nager avec trois dauphins, deux baleines et deux phoques, donc elle était bien entourée. Et puis, on a redescendu le long de la plage. Et je me souviens, on est arrivé le long de la plage, Et l'interne a dit « c'est terminé » . Il m'a fait un signe, mais il ne l'a pas dit. Et la jeune fille est venue me voir en me disant « bon, est-ce qu'on commence ? » Elle n'avait rien senti de sa fonction. Et l'interne était « ah ! » Il y a eu un petit silence, après elle a été émue. Et puis finalement, on a retrouvé nos places, on l'a laissé atterrir gentiment, on l'a laissé avec sa maman, et en fait elle n'avait rien senti du soin. Et c'était assez incroyable, parce que presque nous, ça nous échappait aussi. Et ce qui était génial dans ce moment-là, c'était ce partenariat. Ça ne peut fonctionner que si on est en totale confiance avec les internes, avec les soignants, avec la maman, avec son partenaire. Et ça, c'était assez magique, j'avoue.
- Speaker #1
C'est hyper beau. Je ne peux pas m'empêcher de t'en demander une deuxième. C'est tellement la poésie que tu me racontes.
- Speaker #2
Une petite leçon personnelle où je me souviens d'une petite fille, elle avait 4 ans et qui était cachée sous sa couette et qui vraiment était douloureuse. qui n'avait pas envie de jouer. Et à cette époque-là, c'était vraiment l'époque de la Reine des Neiges. Et donc, l'orgueil d'artiste se dit, bon, je vais pas faire la Reine des Neiges. J'ai quand même envie de faire le Guillaume. Et puis, à un moment donné, on est là pour les enfants et il faut trouver la porte d'entrée. Donc, on essaie quelque chose et puis on sent que ça ne marche pas. Et on était à la porte un peu loin. Et effectivement, j'ai commencé à chanter la Reine des Neiges. Mais avec vraiment... Quand je parlais de sincérité, c'est vraiment cet endroit-là. J'y ai mis... tout mon cœur, vraiment. Vraiment, j'ai essayé que ça soit le... pour que ça vienne l'envelopper petit à petit. Et au fur et à mesure de la chanson, elle s'est relevée. parce que c'est ce qu'il lui fallait en fait. Et petit à petit, elle s'est redressée, elle s'est assise, on nous a regardé, elle nous a souri, et après elle nous a fait comme ça. Et tout son parcours corporel, c'était énorme, elle était cachée, tout enveloppée, et les soignants sont passés après en disant « mais c'est quoi ? » On ne dit rien, on a fait notre travail. Mais c'est vraiment des leçons d'avoir de l'humilité. C'est jamais nous qui savons, c'est toujours les enfants. Il y a plein de moments comme ça en fait, où on arrive à créer, mais même en réanimation en fait, où j'ai travaillé pas mal en réanimation, et au départ, la première fois que je suis arrivée, je me suis dit, des clowns en réanimation, je vois pas. Et en fait, si. En fait, il se passe plein plein de choses. Et les parents sont très accueillants. On a toujours peur de la réaction des parents, mais on n'a jamais eu de refus, de choses dures avec les parents. Ce sont des alliés incroyables. Et comme on travaille avec la connexion avec leur enfant, le regard d'un parent qui voit son enfant sourire, c'est un cadeau incroyable.
- Speaker #1
Tu m'étonnes.
- Speaker #2
Et puis, on va retravailler sur la mise en lien. Généralement, l'espace hospitalier fait qu'on ne touche plus son enfant. On a peur, en fait. On appréhende ça. Et finalement, on travaille aussi à ce qu'une chambre réussie, pour nous, ça serait... J'avais l'image d'un petit bébé dans son couffin et ses parents qui étaient un peu plus loin. On sent bien la distance à ce moment-là. Et finalement, notre intervention a amené les parents autour du berceau et a reprend l'enfant dans ses mains. En fait, rien que ce travail-là, par le jeu, vraiment par le jeu, par des chansons, par des choses, et nous, après, on s'écarte et on s'en va. Et rien que cette image-là, des parents avec l'enfant, c'est bon, on a bien travaillé.
- Speaker #1
Ça te fait de belles images et de beaux succès dans ta journée. C'est vrai que tu as un métier magnifique. Ça se passe toujours bien avec les enfants, les parents et l'équipe soignante ?
- Speaker #2
Non. De toute façon, c'est un métier qui est périlleux, parce qu'on est sur le fil, parce qu'on est sur de l'émotionnel, parce qu'il faut ajuster, il faut être à l'écoute, parce qu'on peut se tromper. Il y a des fois où on ne trouve pas la porte. Et ça, il faut aussi apprendre à savoir qu'on n'a pas toujours les clés. Mais là, le clown, il est incroyable, puisque de toute façon, c'est son cœur de métier, il sera toujours. en dessous. C'est un des seuls personnages qui est de toute façon hiérarchiquement en dessous. C'est vrai. Pas jamais lui de plus fort. Donc moi j'ai des souvenirs de chambre avec Dado où tu rentres et tu te prends un bide monumental parce que t'as... c'était pas juste. Et bah une des plus belles pirouettes c'est de lui dire « on a été mauvais » . Hum hum hum. Voilà. On a été hyper mauvais. Et rien que de dire ça, ça devient un jeu. Et là, on inclut l'autre. Parce qu'en fait, on joue avec ce qu'on est. Donc oui, il y a des fois, on va être touché. Il y a des fois, on a des émotions fortes. Il y a des parents qui se mettent à pleurer quand on chante, ça libère aussi. C'est très bien, c'est ce qu'il faut. On est fait pour véhiculer ça. Donc sinon, on n'est pas vecteur de ça. Et si on ne dépose pas cette émotion en disant « ah oui, c'est normal, en fait, on est là pour éprouver, pour sentir, pour pleurer, pour rire » . pour crier, pour chanter, pour danser. Et ça, c'est un peu la magie du clown.
- Speaker #1
Pour faire rentrer de l'émotion à l'hôpital. Pauline, comment on fait si on est médecin ou pro de santé ? On a envie d'en savoir plus sur le Rire Médecin, on a envie de soutenir vos actions, on a envie de soutenir vos clowns. Comment on fait ?
- Speaker #2
Alors, il y a le site internet, comme tu l'as rappelé au début. Et puis, je dirais que...
- Speaker #1
Donc, le site internet qui est, excuse-moi, je te coupe, le rire-médecin.org.
- Speaker #2
Tout à fait, tout est dedans. Il y a aussi tout ce qui est courses solidaires. Il y a beaucoup de soignants qui s'investissent dans les courses solidaires en ce moment. Il faut savoir quand même que le Rien Médecin est financé la plus grande partie grâce aux dons de vous et moi. C'est grâce à ces dons-là qu'on arrive à intervenir auprès d'enfants. Donc évidemment qu'on a besoin de tout le monde. Et puis je dirais que plus largement, on est aussi dans un moment où dans le monde de la santé, l'approche du soin évolue. et que la collaboration avec les soignants, la pluridisciplinarité, l'approche, on est aussi sur un moment où le patient devient au centre de son parcours de soins. Quand je rencontre des chefs de service dans notre programme, on me parle beaucoup de ça en ce moment, de remettre le patient au cœur de son processus et au cœur de sa guérison. Et finalement, pour moi, le clown, c'est un passeur de vie. Donc, on est exactement à cet endroit-là. On est dans un endroit qui est un peu étrange avec les soignants, mais... et pas uniquement. Et nous, on va vraiment naviguer à travers ça. Et je crois que plus on travaillera sur ces ouvertures-là, sur cette reconnexion et sur le... le potentiel aussi des enfants qu'ils ont en eux de guérison et de nous dire aussi ce qu'ils ont besoin. Finalement, on sera sur une belle évolution aussi de la prise en charge.
- Speaker #1
Je suis très heureux d'avoir fait cet épisode avec toi et je suis convaincu qu'en tant que soignant, on mérite, on a tout à gagner à réintroduire le rire, l'humour. On s'interdit souvent parce qu'on s'habille d'une blouse. ou de tel habit qui fait parfois figure d'autorité. On s'investit dans un rôle, un peu toi dans ton rôle de clown, nous dans le rôle de médecin, où on s'attribue les données de la science, et puis on doit dire des choses, les mots ont un poids. Alors qu'en fait, on peut vraiment se permettre, alors je rebondis sur ce que tu disais, pas pour tout le monde, pas dans toutes les situations, évidemment ça ne s'y prête pas à chaque fois, mais je crois qu'il ne faut pas hésiter quand on a la confiance des gens. d'essayer, même si on n'est pas professionnels comme toi, de faire de l'humour, de faire rire, d'être léger, de faire de la dérision. Et je pense que c'est très important. Et tu viens de le dire, on est dans une époque où le patient redevient au centre de sa prise en charge. On est de plus en plus sensible à tout un tas d'interventions qui font du bien. Et le rire en fait définitivement partie. Pour finir, Pauline, est-ce que tu aimerais dire... aux médecins généralistes qui nous écoutent, aux soignants, rajouter quelque chose sur l'importance du rire dans le soin, sur ce dont on vient de parler, sur ce lien humain qu'on peut créer avec les patients en consultation à l'hôpital ou ailleurs ?
- Speaker #2
La première chose que je voudrais leur dire, c'est un grand merci. Parce que tous nos projets sont faits parce qu'un chef de service a eu l'audace de dire oui à l'intervention des clowns. C'est le point de départ. Et il faut quand même avoir le courage de dire oui à l'intrusion. de deux hurlues B.A.V. dans son service. Et c'est par ces choix audacieux qu'on arrive aussi à réinventer. Je rencontre des chefs de service et des soignants passionnants, passionnés. Et je crois aussi que la médecine et la prise en charge sont en train d'évoluer, sincèrement. Et que c'est très positif aussi dans ce parcours-là. Et donc, juste pour faire écho à ce que tu disais, c'est exactement ça. C'est-à-dire qu'il y a des chefs de service qui expliquent que... Ils ont mis du temps à accepter que les clowns viennent et à s'autoriser à rire alors que la mort n'était pas le moins. Et finalement, on est dans une société où la mort n'est pas très accompagnée ou pas toujours accompagnée. C'est un sujet qui est délicat, c'est un sujet qui est difficile. La mort d'un enfant, c'est juste insurmontable. Mais elle existe, elle est là. Et si on ne passe pas à côté, on peut à un moment donné s'autoriser parce qu'on a le droit de rire et de pleurer en fait. Et que... quand on lâche un peu ces barrières-là, ça ouvre d'autres perspectives. Et même humainement, le chef de service me disait que ça l'avait énormément apaisé et que sa relation avec ses patients avait complètement... Elle voyait les choses complètement différemment et que dans tout ce qui est la formation à l'annonce, comment est-ce qu'on est face à un patient, en relâchant en fait cette Ausha, mais ça vient, c'est assez fabuleux de voir l'évolution aussi. On parle beaucoup de tout ce qui ne va pas, mais il y a aussi des belles choses. Et un grand, grand, grand bravo à tous ces métiers-là qui sont essentiels et avec qui on partage notre quotidien.
- Speaker #1
J'espère que votre association va continuer à se développer, à faire tant de belles choses. Je rappelle le rire-médecin.org, vous pouvez trouver toutes les informations dessus. Je vous envoie, chères auditrices, chers auditeurs, la newsletter du podcast dans lequel je vous rappellerai toutes les infos utiles. Je vous donnerai des ressources supplémentaires sur cet épisode. Il ne me reste qu'à te remercier chaleureusement. Pauline, j'ai passé un super moment. C'était beau, c'était plein de poésie. Ça fait du bien. Merci. Longue vie au Rire Médecin et à bientôt.