- Speaker #0
Comment conçoit-on la sexualité dans nos régions du Levant et d'Afrique du Nord ? Pourquoi la valeur de cette virginité est si importante pour les femmes et pas autant pour les hommes ? Notre invitée pour cet épisode est Asma, chercheuse et enseignante en sexualité comme espace de libération. Ensemble, nous chercherons comment s'émanciper et se libérer des kandiratons. Alors,
- Speaker #1
bienvenue sur le podcast du Lien.
- Speaker #0
Nous sommes deux femmes de deux horizons différents.
- Speaker #1
Tania et Hanen.
- Speaker #0
Immigrés et enfants d'immigrés, nous avons des blessures, des traumatismes. Ce podcast est là pour penser les mots.
- Speaker #1
Nous ne sommes ni psychologues ni expertes. À travers Tower Soul, nous partageons nos cheminements et nos expériences personnelles.
- Speaker #0
Nous t'invitons à la réflexion, à te poser la question de qui tu es et d'où tu viens.
- Speaker #1
C'est pas de la règle.
- Speaker #0
Eh oui, d'accord. Installe-toi et cheminons ensemble.
- Speaker #1
Bonjour Asma, bienvenue dans Tawasol. On est ravis de t'accueillir pour cet épisode qu'on a intitulé Hishoum, parce que ça parle à plus de gens, parce que si on l'avait intitulé Aïb Hishoum, comme on dit à Beyrouth, on n'aurait pas compris. Mais ce terme veut dire la même chose, il veut dire honteux, quelque chose qui n'est pas approuvé par la société. Et la première question que j'ai pour toi, c'est pourquoi on devrait ressentir de la honte lorsqu'on éprouve du désir, et je parle bien dans nos régions du Levant et de l'Afrique du Nord ?
- Speaker #2
Je pense que la honte... De toute façon, la honte, c'est le meilleur outil pour contrôler les gens. C'est vrai pour beaucoup de choses. C'est vrai avec le racisme aussi, la domination coloniale. C'est vrai. Et du coup, c'est très, très vrai avec le sexe. C'est vrai d'ailleurs pas que chez nous. La honte dans la sexualité, on la retrouve aussi beaucoup en Europe. C'est juste qu'elle est différente. Ça ne fonctionne pas pareil. On n'utilise pas les mêmes leviers. Chez nous, ça va être beaucoup lié à la religion. On va utiliser la religion pour contrôler les gens et contrôler les femmes. Et ça fonctionne très bien parce que... la honte, comment elle fonctionne, c'est qu'elle va nous fragmenter. Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle va nous fragmenter aussi spirituellement. Donc c'est un peu bête parce qu'en essayant de nous protéger spirituellement, on ne nous aide pas parce que plutôt que d'être capable de faire Ausha sexuels en adéquation avec notre relation à Dieu, on est juste contrôlé. Et ça va entacher notre relation à Dieu. Parce que du coup, ce qui va se passer, c'est que ça ne devient plus une question de « je décide de ne pas faire l'amour avant le mariage » , qui peut être un choix tout à fait évidemment valable pour qui choisit de le faire. Mais ça devient carrément... le sexe est un problème, le sexe est honteux, ce qui est du coup spirituellement problématique parce que Dieu nous a créés pour qu'on ait une belle sexualité. Donc là, commence à s'entremêler plein de notions et on commence du coup à ne plus avoir une relation positive avec quelque chose qui, à la base, est censé être du domaine du divin. Et donc, en voulant nous donner une soi-disant transmission religieuse ou spirituelle, on finit finalement par pourrir notre relation avec Dieu, pourrir notre relation avec la sexualité. Et ça a du coup évidemment des conséquences aussi sur notre rapport au corps. à notre intimité, et puis aussi notre rapport à l'amour, finalement, au lien, à la relation. Donc voilà, je ne sais pas trop si j'ai répondu à toi.
- Speaker #1
Complètement, parce que moi ce que j'entends aussi dans ce que tu dis, c'est qu'on peut être finalement en contradiction, c'est-à-dire souvent quand t'es ado, déjà t'as toutes tes hormones qui sont là, on a nos règles, on découvre, etc., on se dit ah ouais, je suis une fille, une femme, on voit qu'il commence à y avoir des histoires un petit peu de dragouille avec les autres adolescents, et c'est là où pour certains ados encore, pas pour tous, où tu peux avoir ce truc de « en fait, moi je suis une rebelle, rien à foutre, je vais montrer à la société que moi je m'en fous, etc. » et tu tombes dans le piège de faire quelque chose, qui est par exemple perdre ta virginité, ou avoir une relation sexuelle avec quelqu'un qui ne t'apporte rien spirituellement. En fait, tu vas juste faire ça pour montrer à la société que « ouais, je l'ai fait, moi je fais partie maintenant du groupe de ceux qui ont compris. » Et je trouve ça dommage parce que si on avait une vraie éducation sexuelle, quelque chose qui vienne nous expliquer ce que c'est l'amour, ce que c'est la relation, ce que c'est le corps, ce que c'est tes parties intimes. On comprendrait beaucoup plus de choses et ça serait moins le côté interdit. En cachette, on n'en parle pas, c'est tabou, c'est sale. Tu vois, tous les termes qui peuvent aussi se rattacher à ça. Moi, je te rejoins complètement sur le fait de dire que c'est dans le divin parce que nous, on travaille le corps dans Kif Kif Blédie parce qu'on est des danseuses. On a aussi compris ce lien de plaisir que tu peux avoir simplement en dansant. Et à quel point ? corps et esprit sont reliés. Moi, je ressens que nous, en tant que femmes, moi, libanaises et toi, marocaines, on se sent parfois aussi muselées. Ça me rappelle une collègue que j'avais au Liban, qui avait 35 ans, donc une femme qui peut très bien vivre sa sexualité. Elle a fait l'amour parce qu'elle était amoureuse d'un homme. En plus, elle, chrétien, lui, musulman, donc histoire impossible. Elle a dû payer 800 dollars parce qu'au Liban, t'as aussi le business de je recoute, on y mène. J'étais vraiment choquée. C'est axé sur la femme. L'homme ne vit pas les mêmes restrictions. Je trouve que c'est... injuste que la femme ait à payer de tous les désirs des religieux et de rentrer dans ce système virginal qui pousse à payer 800 dollars une opération.
- Speaker #2
C'est clair. Le business de recul de l'hymen est aussi basson plein aussi au Maroc. J'ai plein de trucs à dire sur l'hymen parce que c'est un peu une blague de tous les côtés en fait. Pas importe comment on prend cette question. Et les préoccupantes, déjà, j'ai envie de commencer par mettre les bases, c'est que l'hymen, d'un point de vue anatomique, ça n'existe pas. dans le sens où on pense que l'hymen, c'est une membrane qui se casse. On pense tous la même chose, alors qu'on l'a appris de nulle part. C'est comme si on se dit l'information, mais personne ne nous l'a enseigné. Moi, à l'école, personne ne m'a dit. Il n'y a aucun prof de SVT qui m'a expliqué. Alors, l'hymen, c'est ça. Et en fait, d'un point de vue anatomique, l'hymen, c'est une membrane qui existe variablement. Donc, il y a des femmes qui ne l'ont pas, il y en a qui l'ont. Et celles qui l'ont, elles peuvent prendre plusieurs formes. Donc, il y en a où ça va être vraiment pas mal de tissus. Il y en a, ça va être... un peu comme une feuille avec plein de petits trous. Donc, elle peut avoir... Plein de formes et la quantité de tissu qu'il y a dans cette membrane varie énormément. Et le truc le plus important à retenir là-dessus, c'est que c'est une membrane qu'on ne peut pas casser. Comme toute membrane, on peut l'étirer, mais elle va se reconstituer. C'est pour ça que par exemple, il y a des femmes, elles vont avoir un rapport pénétratif, et puis le suivant va avoir lieu un mois plus tard, et entre deux, la membrane a eu le temps de se reconstituer, donc elle va avoir une douleur aussi, relativement forte après. Bon, ça dépend. Ça explique aussi pourquoi il y a des femmes qui n'ont jamais de saignement. Et du coup, ce qui est un peu scandaleux dans cette histoire de se recoudre l'hymen, c'est que du coup... Il y a peut-être des femmes qui se font coudre quelque chose qui n'a jamais été là à la base. Donc c'est très grave. C'est très grave et moi je me pose vraiment la question des médecins qui font ça. Toute cette histoire est une blague de A à Z. Et donc c'est comme si on inventait quelque chose, comme tu l'as si bien exprimé, pour faire plaisir aux hommes en fait, pour faire plaisir à un système. Donc ouais, c'est complètement aberrant.
- Speaker #1
Moi je sais qu'aussi l'avortement est interdit au Liban. Donc tu as aussi ce système d'avortement clandestin. qui est comme, je ne sais pas, dans les années 50 en France, qui met en danger les femmes. Tu as aussi toutes les techniques pour celles qui n'ont pas les 400 dollars à payer pour avorter, de s'introduire une aiguille, de boire de l'eau avec des pelures d'oignon bouillies plusieurs fois pour perdre le bébé. Tout ça, je pense que c'est des mésinformations. Parce qu'en fait, si tu sais, si on t'apprend d'avoir des moyens de contraception, si on t'apprend juste la base, comme tu dis, un cours de SVT, nous, on n'a pas ça. On a donc, comme tu dis, les écoles religieuses, nous c'est les rabbettes en fait, on est chez les bonnes sœurs. Donc on a ce truc de la Vierge Marie, l'Immaculée Conception, et t'es là, wow ! En fait, et la religion chrétienne a cette lourdeur du péché. Tu dis qu'on a le divin en nous, on a le divin dans notre... Ce qu'on peut faire, on peut trouver du divin partout. Encore une fois, je me mets en colère contre pourquoi on fait ça aux femmes. Je me souviens que j'étais dans une sorte de... Je ne vais pas tout vous dire parce que c'est un peu weird. Une sorte de collectif chrétien à l'époque où je me cherchais un peu à 18 ans. Et je me souviens que je devais me confesser tous les samedis. Et je disais au prêtre, à mon père, j'ai péché, j'ai embrassé mon copain. Il me dit, ah ouais, c'est... Il ne m'a pas dit ah ouais, mais il me dit, chaque fois que tu es avec ton copain, imagine que Jésus est assis avec vous, que Marie est là. Je jure. Et moi, j'étais là, oh mon Dieu, mais le bad trip, le mec, il veut me rendre schizo, quoi. Et à chaque fois, je revenais chaque samedi pour me confesser en disant « mais mon père, j'y arrive pas » . Et je me dis « mais quelle torture ! » jusqu'au jour où je me suis barrée au bout d'un an en disant à ma mère « c'est pas possible, je peux pas, je suis désolée maman, je peux pas être la fille parfaite qui suit la religion comme il faut, je ressens des choses dans mon corps. »
- Speaker #2
Moi je pense qu'on est aussi coincé parce que le seul modèle qu'on a de quelque chose qui ressemble à quelque chose de sain sexuel, c'est le modèle européen. qui lui-même a beaucoup de problèmes. Parce que la question du manque d'éducation sexuelle, elle existe partout, elle existe en Europe aussi. En Europe d'ailleurs, il y a aussi un truc, un peu un problème de queue entre deux chaises que je vois chez beaucoup de personnes avec qui je travaille, qui est qu'on est encouragé à avoir nos premières relations sexuelles, on va dire à 15 ans à peu près, mais derrière, si on est trop salope, c'est un problème. On est slut shamed. Et donc en fait, il y a vraiment ce truc de, il faut avoir le bon comportement sexuel pour être accepté par la société. Donc il y a aussi énormément de contrôle. Et le shame, la honte, est utilisé autrement. Et donc nous, quand on voit ce modèle-là, on a tendance à dire que c'est le seul modèle de libération sexuelle qui existe. Et au final, moi j'en reviens, parce que je travaille avec beaucoup de personnes africaines, mais je travaille aussi avec beaucoup de personnes blanches qui ont toujours vécu en France. Je constate qu'en fait, on a le même problème. C'est juste qu'ils s'expriment différemment. C'est qu'il y a une immense déconnexion entre, déjà, notre spiritualité, donc notre vision du monde, notre relation à Dieu ou Jésus, etc. et notre sexualité, avec au milieu de tout ça, un manque d'éducation, un tabou. Et donc au final, la solution, on va dire... C'est un peu la même, c'est juste qu'elle va prendre différentes formes. C'est retrouver notre souveraineté sexuelle, premièrement en connaissant notre corps. Et donc là-dessus, moi je vais vraiment beaucoup plus loin que l'éducation sexuelle parce qu'il y a beaucoup de choses qui circulent aujourd'hui. Il y a des schémas anatomiques sur Instagram, à droite à gauche, on dit beaucoup de choses. Moi je pense qu'il faut vraiment explorer avec ses mains, il faut vraiment aller chercher. Et il faut aussi savoir, donc ça c'est un truc que peu de personnes savent, il faut aussi savoir que notre sensibilité c'est quelque chose qui s'apprend. On a énormément de zones de plaisir, on a énormément de zones érogènes dans notre corps, beaucoup plus que ce qu'on pense. Mais c'est juste qu'on n'a pas les espaces de transmission. Il y a encore trop peu de gens qui font ça, de transmettre justement comment les explorer et comment développer ça d'une manière qui soit saine et avec beaucoup d'amour pour soi. Donc déjà, il y a ce premier volet-là. Ensuite, il y a un peu un volet d'intégration. C'est intégrer notre vision de la sexualité avec notre paradigme spirituel, parce que c'est hyper important. Pourquoi ? Si on ne fait pas cette intégration-là, on risque de se sentir constamment fragmenté. Par exemple, on parle de religion depuis le début parce que c'est central à nos communautés. Si j'ai constamment l'impression que je trompe Jésus quand je fais l'amour, à un moment donné, je vais devoir soit abandonner le sexe, soit abandonner Jésus. Parce que je ne peux pas rester fragmentée très longtemps. Et du coup, on doit trouver un moyen. Il faut que tout ça ait un sens. Et donc, chacun son chemin avec ça. C'est beaucoup quelque chose avec lequel je travaille. Ça dépend des personnes, mais il y a des personnes qui viennent vraiment chercher ça. Mais ça reste de toute façon un sujet hyper important parce que notre vision du monde, ce qu'on considère comme étant bon et mauvais, ça fait partie... des paramètres à prendre en compte dans notre consentement, en plus du désir de notre corps et de notre situation, notre état corporel, qui fait aussi partie, évidemment, des éléments de consentement, et qui est vrai en dehors de tout paradigme spirituel.
- Speaker #1
Personnellement, je trouve ça beau de se préserver. jusqu'à l'homme que tu aimes, c'est-à-dire que je fais quoi ? Voilà, c'est pas forcément de te marier avec lui. Mais en fait, de préserver et de respecter son corps pour ne pas coucher avec le premier venu, moi je trouve ça beau. Ce que je trouve dommage, pourquoi est-ce que ta mère ne peut pas te parler de sexualité ? Par exemple, moi ma fille, elle me pose plein de questions et je lui réponds. Elle me demande par où sort le bébé, elle me dit par où sort le pipi. Et donc, elle ne m'a pas posé des questions de plus que ça. Je ne veux pas dépasser les limites, mais je suis là pour lui expliquer. et je lui explique que c'est ses parties intimes. Parce que je sens aussi qu'elle découvre des choses. Elle va découvrir des choses. Et personnellement, je vais encore raconter une histoire personnelle parce que je n'ai aucune honte de rien du tout. Moi, petite, à 8-9 ans, je ressentais des trucs dans mon corps. J'étais là, what the fuck, c'est quoi ? Je ne pouvais en parler à personne, même à ma grande sœur, parce qu'on ne parlait pas. Donc j'étais là, mais qu'est-ce que c'est, nanani ? Eh bien... C'est tout. J'ai des questions non répondues.
- Speaker #2
C'est hyper intéressant. La question des transmissions est hyper intéressante, d'autant plus dans nos cultures, parce qu'on a des cultures de transmission. On a énormément de transmissions sur plein de choses, même d'ailleurs sur la santé féminine. Moi, ma mère m'a parlé de mes règles très tôt et les conseils qu'elle m'a donnés étaient brillants. Donc il y a beaucoup de choses. On sait beaucoup de choses, par exemple, sur tout ce qui est postpartum, qu'est-ce qu'on mange. Maintenant, c'est devenu à la mode en Europe, les 40 jours après la grossesse, nous, ça a toujours été un truc. Donc effectivement, c'est hyper intéressant. Et quelqu'un devrait... Peut-être que je m'en occuperai plus tard, faire vraiment des recherches sur... Et déjà, est-ce que c'est homogène ? Parce que j'ai des amis algériennes qui m'ont aussi raconté que, plus jeunes, il y a des grandes tantes qui les ont emmenées au Hamam et qui leur ont expliqué que le sexe, c'était sacré, c'était beau, mais qu'il fallait vraiment faire attention avec qui c'est fait, parce que ça peut faire du mal, etc. Donc je pense que ça fait peut-être partie de notre ancestralité, mais géographiquement ou exactement, je ne sais pas. Et est-ce que c'est la colonisation qui a apporté des changements ou pas ? c'est un flou, donc il y a peut-être justement une transmission chez nous comme il y a dans d'autres pays africains pour parler de l'Afrique bon voilà, c'est encore un mystère pour moi mais ce que j'avais envie d'ajouter aussi c'est que je pense qu'il y a une forme enfin je pense que c'est clair et net même, il y a une infantilisation des femmes qui existe aussi en Europe on cherche à infantiliser les femmes sur ce domaine très précis surtout qu'en plus dans nos cultures les femmes sont rarement infantilisées sur beaucoup de domaines dont comme je parlais la santé euh... Tout ce qui est accouchement, moi en tout cas, toutes les femmes de ma famille, je les ai vues, même parfois sans gueuler avec des gynécos. Vraiment, elles sont en mode « Ah non, non, non, c'est pas un médecin qui va me dire comment prendre soin de moi » . On aime prendre soin de notre corps et faire des choix qui sont intelligents, mais sur la sexualité, il y a un immense contrôle. On veut qu'on soit bête et qu'on ne sache pas. Et cette infantilisation qui existe d'ailleurs par ailleurs partout dans le monde, elle est aussi liée à l'immense tabou qu'on a par rapport à la masturbation. Parce que pour connaître son corps, il faut le toucher. Et il faut vraiment le toucher, c'est-à-dire que moi, il y a un truc que je dis à chaque fois, et je le dis aussi dans un contexte européen, c'est pas normal que la première chose qui rentre à l'intérieur de nous soit le pénis de notre copain quand on a 15 ans au collège, pour un contexte européen. Mais c'est vrai aussi, si on se marie, j'en sais rien, à 28 ans, et que la première chose qui nous pénètre, c'est le pénis de notre mari. En fait, c'est pas ok. C'est mon corps, à quel moment... Il n'y a rien qui rentre dans mon corps. À part, enfin, je sais pas, quand je me lave, quand je prends ma douche, il n'y a absolument rien qui rentre dans mon corps sans que moi... Je sache ce que c'est. Et là, sur ce truc en particulier, c'est la fête au village. C'est vrai. Et pour moi, il y a un truc, parce que tu parlais du côté psychique, Hind, tout à l'heure. Pour moi, le truc psychique un peu clé de cette histoire, c'est notre rapport à la pénétration. C'est-à-dire qu'on visualise, on a un peu ce truc, cette espèce de programme dans notre tête, homme comme femme, comme quoi la pénétration, c'est un homme qui pénètre une femme. Il y a un truc qui se passe quand on commence à aborder notre corps différemment. Donc déjà, il y a toute la partie externe qui est très belle et qui est très importante. Mais là, je vais m'intéresser très particulièrement au vagin, où il y a un immense potentiel de plaisir, mais qu'on n'explore pas justement, parce qu'on ne nous apprend pas. Et bien, ce vagin-là, rares sont les femmes qui vont prendre le temps de l'explorer sans utiliser un sextoy vibrant ou quelque chose de très fort, qui vont prendre le temps, 10 minutes, 15 minutes, 30 minutes, une heure même. Et quand on commence à le faire... Parce que moi, c'était un peu mon chemin. Avant de faire ce métier, c'était d'abord une grande préoccupation. Je me suis dit, attends, mais ça va pas du tout, en fait. Et parce que toutes mes relations avec la pénétration, c'était le grand flou. Ça n'avait aucun sens. Et donc, je me suis dit, OK, il faut que je comprenne. Et donc, je me suis fait guider par plein d'experts sur, justement, comment explorer l'intérieur de mon vagin, toutes les différentes zones, comment les aborder, comment gérer la douleur. C'était mélangé avec tellement d'émotions. Il y avait souvent beaucoup de larmes, il y avait des choses à aller guérir, à aller... transformé à l'intérieur. Puis au bout d'un certain temps, ma posture a complètement changé parce que j'ai enfin compris ce que c'était qu'être détentrice de ton corps et de ton plaisir. Il y a comme une forme de pouvoir, c'est très bizarre à expliquer avec des mots, mais il y a comme une forme de pouvoir qu'on commence à avoir. On n'aborde plus du tout le sexe pareil pour la simple raison que ce n'est plus un mystère. Parce que ce n'est plus un mystère, notre capacité aussi à consentir et non consentir et proposer autre chose et juste être créatif au milieu d'une expérience sexuelle, tout s'ouvre, tout devient beaucoup plus simple. Ça ne devient pas « Ah, mais là, je ne ressens plus grand-chose, peut-être que je vais juste attendre que lui finisse. » C'est plus « Bon, peut-être que je vais proposer qu'on change de position, mais en vrai, je ne sais même pas si ça va marcher. » En fait, on n'est plus juste en train de tâtonner. On connaît notre corps au millimètre et au tissu près, et ça change beaucoup. Et ça, ce n'est possible qu'en changeant notre rapport à la masturbation. Je dirais même que le mot « masturbation » me dérange, puisqu'il a déjà un sens. En fait, on se l'imagine comme quelque chose qui dure entre 5 et 10 minutes grand maximum, qui est très rapide, qui peut être fait devant du porno. Je ne fais pas de shame sur ça, c'est juste que moi ce que je propose, c'est carrément des rituels, puisqu'on parlait de transmission et de rituels, donc des rituels avec soi-même qui viennent corriger, qui viennent réparer tout ce qu'on n'a pas vu et qu'on aurait dû avoir, et qu'on se transmet entre nous, puisque nos mères et nos sœurs ne nous l'ont pas transmis, on se le transmet. Donc c'est beaucoup des choses que je fais par exemple en ligne, quand je fais des pratiques en ligne ou des choses comme ça. On a la chance en 2024 d'avoir Zoom, donc on n'est pas où chacune protège son espace, elle est devant son écran, les caméras sont éteintes. Donc on peut faire des choses de cette manière-là et c'est fabuleux. Et c'est toujours incroyable de voir les réactions des femmes quand elles réalisent qu'en fait, notre corps est un bijou. Et que quand on le comprend, quand on se laisse le temps et quand on le pousse pas aussi, parce que quand on parlait de traumatisme tout à l'heure avec Inde, quand notre corps a accumulé des marques, des traumatismes, il faut aussi être patiente. Et donc il y a quelque chose de très guérisseur quand on arrête de pousser notre corps à nous donner des orgasmes. Qui est d'ailleurs une... notion très capitaliste. Il y a beaucoup de capitalisme qu'on internalise dans notre sexualité, c'est assez intéressant, où on veut que notre corps soit une machine à orgasme. Et donc, quand on sort de ça, quand on se désabonne de cette mentalité, c'est intéressant parce que je ne comptais pas parler de ça, mais je l'entrevois dans mes paroles, là, on est aussi en train de faire une guérison spirituelle d'une certaine manière parce qu'on passe par notre corps pour trouver le divin. Donc, ça rejoint aussi ce que vous disiez sur la danse, c'est-à-dire que notre corps devient aussi un outil de transcendance. Et je trouve ça vraiment très beau parce que je pense que même si je suis pour ma part une musulmane pratiquante et j'adore trouver Dieu dans d'autres espaces comme la prière, lire le Coran, etc. Il y a quelque chose de particulièrement frappant. Il y a des expériences contemplatives magnifiques quand on passe par le corps. Et ça, c'est des choses qui sont irremplaçables par d'autres pratiques.
- Speaker #1
Pour te dire d'expérience personnelle, moi, j'ai appris par une amie qu'on pouvait se masturber. C'est-à-dire qu'en fait, c'est un jour où on discutait. Elle me dit mais moi, je fais ça toute seule chez moi. Je me donne du plaisir. Et je me suis dit, ah bon ? J'étais étonnée parce que pour moi, la masturbation, c'était un truc très masculin. C'est un truc parce que tu as tes hormones, tu n'arrives pas à te gérer, tu n'arrives pas à te maîtriser. Et que moi, je n'étais pas là-dedans parce que moi, je suis une femme, donc je suis différente. Physiquement, je suis différente. Mais au final, lorsque je suis rentrée chez moi après cette discussion avec ma copine, j'ai essayé et je me suis dit, ah ouais, d'accord, ok, nice. Et je trouve que c'est intéressant, mais c'est toujours aussi le truc de l'interdit, du non-expliqué, où on n'a pas de transmission. Est-ce que ça doit venir par... Est-ce qu'avoir une discussion avec sa sœur ou sa mère, c'est la bonne personne ? Est-ce que c'est plutôt un cours qu'il faut avoir pour que ça soit plus neutre, mais en même temps, tu es dans une classe avec plein d'ados, tout le monde est là à rigoler ? C'est-à-dire que, en fait, comment... Chacun son chemin, oui. Mais comment arriver à ce chemin ? Après, je trouve que c'est avec l'âge. Personnellement, moi, aujourd'hui, je te rejoins sur le fait de... On peut arriver à des plaisirs incroyables. Moi, je suis partisante du mono, c'est-à-dire focaliser sur mon mec et ensemble progresser. Parce que je trouve que c'est... Donc je rejoins, il y a un côté qui rejoint le fait d'avoir un partenaire, de se préserver pour lui, etc. Mais parce que je trouve que c'est avec l'autre que tu peux découvrir des choses et que tu peux évoluer et être dans un safe place de l'amour, en fait. Ça aussi, c'est important de pouvoir se le dire et de ne pas être dans le fast food Tinder. Vas-y, je m'ennuie un peu. Tiens, je vais essayer ça, je vais essayer ci. Et au final, tu te vides de quelque chose, d'une énergie vitale. Et je pense que dans le Tao, j'avais acheté un bouquin, l'énergie du Tao. Ça t'explique que tu peux avoir du plaisir pour les hommes sans éjaculation. Moi, j'étais un peu genre, what ? Et en fait, il y a plein de choses qui sont dites dans d'autres cultures. Et nous, on est très, ouais, effectivement. On est très sur le fait de l'orgasme, de l'éjaculation, de la pénétration.
- Speaker #2
Mais par rapport à ce que tu disais sur évoluer avec un partenaire, c'est très juste. Et je pense qu'il faut aussi accepter que dans la vie, on a des phases. Il y a des phases, il y a des moments dans notre vie où on a besoin de se replier sur soi, parce qu'on a beaucoup de choses à découvrir. C'est vrai d'ailleurs pour tout chemin de découverte de soi, où parfois on s'isole parce qu'on a besoin de prendre soin de nous, de faire de la thérapie, j'en sais rien. Et effectivement, il y a des choses qu'on ne pourra jamais avoir, apprendre, expérimenter seul. et qui doivent passer par justement un partenaire ou une partenaire qui doit être la bonne personne, effectivement, qui doit avoir la même intention que nous, dans un cadre safe. Et par rapport à ce que tu disais sur le Tao, oui, oui, ça c'est... D'ailleurs, c'est beaucoup plus à la mode dans le monde anglo-saxon. Peut-être que ça va être importé en France comme tout. Mais effectivement, je crois que ça s'appelle la rétention séminale, si je dis pas de bêtises. C'est le fait de retenir ton sperme parce qu'effectivement, tu conserves... Enfin, tu, si t'es un homme, tu conserves ton énergie sexuelle très longtemps. Et donc, un rapport peut être très long. Je sais pas, une heure, deux heures... On va encore plus long. Ce qui, effectivement, va être très intéressant, en effet, à tous les hommes qui nous écoutent.
- Speaker #1
L'acceptation, se comprendre, comprendre aussi qu'on a des phases, en fait, des phases qui ne sont... Notre vie n'est pas linéaire. Nous ne sommes pas les mêmes lorsqu'on a 16 ans, lorsqu'on a 20 ans, lorsqu'on a 25 ans. L'importance du corps, et c'est quelque chose que l'on travaille beaucoup en tant que danseuse. c'est que le corps ne peut pas être détaché de ton être, en fait, parce que l'être, c'est un tout, le corps et l'esprit. Et là, je pense que dans les sociétés occidentales, contrairement aux nôtres, où quand même la danse, le chant, l'expression physique est très présente, donc quelque part, nous, on n'est pas très loin. Il manque juste de virer un peu les extrémistes religieux. À mon avis, c'est la religion qui a un peu tout foiré, parce que ça nous saoule, mais ça, c'est mon avis personnel. Mais en Occident, par exemple, moi, je le vois bien ici. Le corps est vraiment détaché. Nous, on essaye avec Kif Kif Bledi et nos cours de danse d'expliquer qu'en fait, tu es présent. Lorsque tu es présent jusqu'à tes doigts de pied, jusqu'à le bout de tes doigts, jusqu'à le haut de ton crâne, déjà, tu es en train de visualiser que tu es là. Donc imagine, lorsque tu as un rapport sexuel et que tu sais, c'est ton corps en fait. Donc tu es là. Tu n'es pas en train de réfléchir. Bon, alors les trucs à la con. Est-ce que j'ai vidé le lave-vaisselle ? Parce que ça ne va pas marcher. Et puis... Et c'est encore une fois, je reviens à mon truc, moi je kiffe être avec la même personne, parce que je me sens bien, et c'est là où je ne pense pas en termes de pénétration ou de personnes qui rentrent dans une autre, je pense comme le yin et le yang, tu vois, parce que ça n'a pas une relation avec le genre, c'est deux êtres qui sont enlacés et qui ressentent quelque chose de magique par le plaisir sexuel. Après, moi aussi, je conseille aux gens de danser, parce que tu peux très bien avoir des orgasmes en dansant, surtout... Lorsque tu bouges donc la zone du bassin des hanches pour celles et ceux qui l'ont expérimenté et c'est très agréable donc explorez votre corps je dirais.
- Speaker #2
Justement je pense qu'il n'y a que l'éducation sexuelle, on va éduquer sur des choses vraiment concrètes, l'alatomie etc. les hormones tout ça et il manque beaucoup d'éducation plutôt psychocorporelle sur les traumas, sur l'intégration avec la spiritualité, il y avait beaucoup de choses qui manquaient et moi j'ai réalisé que personne n'avait la réponse en fait surtout. Parce que que ce soit mes amies marocaines, que ce soit mes amies françaises blanches, personne n'avait en réalité la réponse, voire même pire que ça. Tout le monde jouait une espèce de jeu. Tout le monde avait un masque social de prétendre que tout va bien et de prétendre que le sexe est génial, alors qu'en fait, non. Je pense que là où j'ai commencé à être très, très, très, très choquée à me poser des questions, c'est quand j'étais étudiante en école d'ingé à Grenoble. Et tout ce que je voyais autour de moi quand on allait en soirée, etc., c'était du viol. Donc je voyais des personnes qui étaient trop alcoolisées. Mais bon, maintenant avec... Mon travail et mon expertise, je sais que maintenant l'alcool est justement un moyen utilisé quand on a trop de honte sexuelle, on a besoin de boire pour s'autoriser des choses. Donc en fait, quand on fait l'amour en étant alcoolisé, on se traumatise, on s'ajoute encore plus de douleur. Et je voyais que des violences tout le temps. En soirée, en lendemain de soirée, évidemment, patriarcat, donc le lendemain, il y avait les gars qui parlaient, qui racontaient. Donc énormément de violences, énormément d'abus. Et à ce moment-là, je me suis dit, mais en fait, personne n'a la réponse, parce que quand on grandit dans un pays comme le Maroc, on a tendance à croire, grosse erreur, que les pays du Nord sont plus évolués sur certaines questions. Ce n'est pas vrai. Et en particulier sur la sexualité. Donc moi, quand je voyais ça, je me suis dit, ok, personne n'a la réponse, quelqu'un va aller la chercher, parce que... Tout le monde galère. Et donc, c'est ça qui m'a amenée petit à petit à faire mes recherches et à tomber. J'ai d'abord beaucoup exploré avec le Tantra, avec le Tao. Ensuite, j'ai fait une certification professionnalisante. Ensuite, j'ai réalisé quand j'ai commencé à avoir mes premières clientes qu'en fait, je n'étais pas assez compétente parce que toutes les femmes ont du trauma dans leur corps. Donc, je me suis dit qu'il faut que tu continues ta formation. Donc, ça m'a amenée à beaucoup travailler avec le système nerveux, devenir praticienne somatique et donc bosser sur le trauma et comprendre en fait aussi la complexité. et les nuances du trauma. Le trauma, ce n'est pas juste l'agression sexuelle ou le viol, c'est très large. On peut juste, tu parlais de première nuit de noces et de tout à l'heure, mais juste avoir une expérience horrible à ta nuit de noces, c'est hyper traumatisant, même si tu penses avoir consenti. Le consentement, c'est très complexe comme notion et ça demande beaucoup de capacités déjà de notre système nerveux. Quand on n'a eu aucune éducation, qu'on est peut-être un peu fragmenté par rapport à notre corps, qu'on pense que Dieu va nous punir, qu'on pense que le sexe est honteux, oui, c'est traumatisant. Et donc de fil en aiguille, moi personnellement, j'étais d'abord le cobaye de ça avant d'en faire mon métier, où j'ai effectivement réalisé que, pour reprendre ce que je disais tout à l'heure, je ne m'étais jamais pénétrée moi-même, donc c'était un concept nouveau pour moi. Et quand j'ai appris ensuite qu'en fait, je pouvais avoir beaucoup plus de plaisir et de sensations que ce que je pensais de prime abord, ça a complètement changé ma vie, parce que je pense que les oppressions, c'est jamais un hasard, et que si on opprime autant les femmes par rapport à leur sexualité, c'est probablement parce qu'il y a quelque chose. Et j'ai fini par comprendre que... il y a énormément de puissance sexuelle chez nous et que si les hommes en tant que groupe social ont ressenti le besoin de nous faire ça, c'est parce qu'ils ont peur. Et que justement, dans le choix de partenaire maintenant, je réalise d'ailleurs que c'est même pas un processus intellectuel, ça se fait naturellement dans mon corps, je ne m'oriente pas du tout vers le même type de personnes parce que je repère maintenant très vite quand je suis avec un homme qui a peur de ma puissance sexuelle et du coup, je suis désintéressée immédiatement et c'est pour ça que j'invite vraiment les femmes qui nous écoutent et qui se reconnaissent dans nos discours, à vraiment faire ce travail parce que il y a aussi quelque chose de l'ordre de la résonance limbique, de la résonance énergétique qui fait qu'on attire des hommes qui vont venir s'accrocher avec nos empreintes traumatiques. Et donc du coup, quand on a un rapport à la sexualité qui est problématique, c'est 9 fois sur 10, on va attirer un homme qui va venir justement exacerber ça et en profiter.
- Speaker #1
Je trouve que c'est important de parler aujourd'hui librement, de se sentir libre, de parler aussi en tant que femme d'Afrique du Nord et du Levant. et on a cette Ausha. Est-ce qu'on l'aurait fait si on était restés dans nos pays d'origine ? Peut-être pas. Mais en tout cas, là, on se sent cette force. Donc, on te remercie, Asma, d'avoir accepté l'invitation. Je trouve que la belle phrase que je retiens, c'est n'ayons pas peur de notre puissance féminine et ne laissons pas un homme qui a peur de cette puissance venir dans notre espace, en fait. Genre, goodbye, mon gars, quoi. Reste chez toi. C'est clair. Je suis d'accord.
- Speaker #2
Merci. Merci à vous.
- Speaker #0
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