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TENTATIVES

E5. Tout lâcher et enfiler le tablier - Lucie

E5. Tout lâcher et enfiler le tablier - Lucie

34min |13/05/2024
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TENTATIVES

E5. Tout lâcher et enfiler le tablier - Lucie

E5. Tout lâcher et enfiler le tablier - Lucie

34min |13/05/2024
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Description

Et si une expérience toute simple de la vie en changeait le cours ? Si d’un simple service pouvait découler une révélation puis une démission, une reconversion, et un plongeon corps et âme dans un univers inconnu, le tenteriez-vous ? Lucie oui, elle a rendu un service à son frère, et sa vie à changé. Aujourd’hui, elle nous fait découvrir les mystères des cuisines des restaurants parisiens.


Alors retroussez vos manches, passez de l’autre côté du restaurant, et soyez prêts, la température monte à plus de 43° dans la cuisine du restaurant où Lucie fait ses premiers pas…


Pour suivre les aventures de Lucie et Louise AKA Les Michèles, RDV sur leur compte instagram : https://www.instagram.com/lesmichelesnomades/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressorties grandes. Je m'appelle Lucie Erlin, j'ai 26 ans. Depuis 4 ans, je suis reconvertie en cuisine, alors il n'y a pas que ça qui me définit. Je suis aussi pleine de bonnes énergies et d'hyperactivité. En 2021, j'ai commencé à bosser avec un super entrepreneur et une de mes missions les plus importantes, c'était que je préparais l'édition d'un magazine saisonnier qui sortait quatre fois par an. Et donc, j'étais à la fois sur le terrain, en régie, en logistique, sur les doses d'impression et de direction artistique ensuite. Suite à deux ans de boulot avec lui, je me rends compte que j'adore mon métier, j'adore mon travail, mais qu'il manque quelque chose. Et ça commence à vraiment me peser. Je ressentais une vraie frustration parce que je voguais dans des milieux hyper artistiques et hyper créatifs que sont l'édition, la production ciné et tout. Mais j'étais toujours la figure sérieuse, administrative, qui gérait les comptes, qui s'occupait de la logistique. Je sentais qu'il me manquait un truc foncièrement, j'avais un vide en moi. Donc ce vide, il s'est automatiquement transformé en une espèce de tristesse, où je n'avais plus trop goût quand je me réveillais le matin, où j'avais du mal à m'automotiver, où j'avais des pertes de concentration hyper fréquentes, voire quasi constantes quand j'étais devant un ordi. Je m'étais beaucoup moins d'entrain à faire les missions que j'avais à faire, même si je construisais toujours des relations incroyables professionnellement parlant, à travers des rencontres, à travers l'évolution de la relation que j'avais avec mon ancien patron qui était... juste extraordinaire et qui aujourd'hui est un vrai mentor et un vrai gars que j'admire énormément. Donc c'était étrange parce que j'avais une dualité de sentiments où j'admirais fortement quelqu'un et où j'avais vraiment envie de reproduire ce qu'il faisait, où il m'a inculqué l'entrepreneuriat, etc. Mais où de l'autre côté, en fait, je jalousais peut-être la liberté des gens que j'observais et je me disais, ok, ça ne te ressemble pas de t'enfermer dans quelque chose où finalement tu n'es pas aligné avec toi-même. ce sentiment j'ai eu besoin de le combattre et je m'interroge parce que ça me rend malheureuse sans vraiment que j'arrive à comprendre pourquoi et un jour je me dis ok je veux plus de concret, plus artistique donc ça c'est la première pensée que j'ai je me dis ok ça te ressemble pas d'être toute molle, d'être toute dépressive parce que j'étais vraiment dans un sentiment quasi dépressif à ce moment là je me dis prends action fais quelque chose à ce moment là peut-être par coup du destin mon frère fête ses 25 ans En y réfléchissant ensemble et en l'organisant tous les deux, je me rends compte qu'en fait je me sens hyper capable de produire le dîner pour les 75 invités qu'il avait décidé d'asseoir autour d'une grande table et d'un grand banquet. Je commence à me mettre en tête que je vais prendre ce challenge avec trois objectifs. Le premier, c'est que j'y prenne du plaisir. Le deuxième, c'est que les gens kiffent déguster ce que je leur aurais préparé. Et le troisième, je ne sais pas pourquoi, j'avais un espèce d'objectif de me dire Ok, il faut que tu y arrives dans un certain temps, il faut que tu y arrives avec un minimum de paire et avec un maximum de goût. Tout ça se met en place, ça va assez vite. Je pense qu'en un mois, j'ai dit à mon frère, je m'en occupe et finalement la soirée a lieu. Entre midi et 22h, je m'active en cuisine pour préparer des dizaines de plats différents pour nourrir ces 75 personnes. En 6-6, je suis hyper fière de moi, les gens se sont régalés. On a réussi à asseoir 75 personnes dans une vieille verrière des expositions universelles au milieu d'une forêt, où finalement j'ai cuisiné avec une cuisine plus que rudimentaire, donc c'était assez énorme. Et en fait, suite à ça, je rentre à Paris le dimanche soir, et le lundi, je me dis Ok, fais des CV, envoie-les pour de la resto Donc le lundi, je suis en canapé en télétravail. Je suis en train d'envoyer des CV à des annonces qui recrutent des gens sans forcément d'expérience. Donc là, je shoot. Trois jours après, j'ai une première réponse d'un chef qui me dit Je suis désolée, c'était hyper long le délai d'attente et tout. Ce à quoi je lui réponds Vous inquiétez pas, je suis habituée à un tout petit peu plus mon temps dans le domaine du commerce, donc pas de problème. Le lendemain, je démissionne en me disant Je ne peux pas être sur deux tableaux et j'ai pris ma décision. Je vais faire de la cuisine. La semaine d'après, je fais mon jour d'essai. Je suis prise le lendemain de mon jour d'essai. Et je commence sept jours après. Donc là, les deux pieds dans le plat, je me retrouve commis cuisine. Je me rends bien compte qu'au début, je suis quand même dans une hésitation. Même si avec du recul, j'ai bien fait de ne pas réfléchir et d'y aller hyper vite. Parce que finalement, c'est ça qui a été clé dans mon switch. J'ai de me dire... N'écoute pas les autres, suis ton instinct et vas-y. Pour moi, il y a eu deux premiers jours de ce travail. Il y a eu un premier jour qui était le jour d'essai, qui est en fait une journée type que tu vas passer en tant que potentiel prétendant au poste. Tu es en poste à l'endroit où tu seras le jour où tu viendras pour vraiment travailler et tu observes. Donc tu es là pour épauler et soutenir pendant le service si tu en as la capacité et s'il y en a un besoin, mais sinon tu es là pour observer. J'avais été hyper surprise quand le chef avec qui j'ai fait le premier entretien avant l'essai m'avait dit pas de pression pour ton premier jour Et pour ta première fois dans une cuisine professionnelle, parce que je tiens à le rappeler, c'était ma première fois au sein d'une cuisine professionnelle, sachant que tout ce que je faisais, c'était recevoir des copains à dîner ou à déjeuner. Alors oui, des grandes tablées, mais pas des restaurants gastronomiques. Et il me dit, tu ne vas pas être jugée sur tes capacités à cuisiner, tu vas être jugée sur notamment ta gestuelle de corps et ton énergie de corps, parce que dans 6 mètres carrés à 5, il faut savoir se comporter et tu peux être la meilleure des cuisinières. Si tu donnes des grands coups dans tous les sens, tu ne travailleras pas avec nous. J'étais assez stressée pour le jour d'essai. En plus, on m'avait prêté des affaires de cuisine, je me trouvais ridiculement moche et tout. Il y avait tout plein d'étapes à accepter. Je me souviens que j'étais épuisée le soir parce que c'est un espèce de tumulte fou d'informations. Quand tu es dans une cuisine en plein service, dans un restaurant type celui dans lequel je bossais, on parle de 70 couverts au déjeuner en 50 minutes à une hauteur gastronomique en termes de qualité dans l'assiette et de 80 couverts le soir. Et tout ça en étant seule au poste des desserts, seule au poste des entrées. ou à deux au poste des plats. Donc, il faut un tout petit peu d'énergie. Donc, je me souviens d'avoir été hyper rincée, très contente, parce que j'ai ressenti beaucoup de satisfaction. Satisfaction de travailler avec mes mains, satisfaction d'être dans une interaction permanente. Donc, une première journée qui me rend très heureuse, en fait, je crois. Les réactions, elles ont été assez variées quand j'ai posé ma dème et que j'ai quitté ce super job que j'avais. Moi, je me sentais hyper soulagée et très fière, même si, évidemment, aller vers l'inconnu, ça fait toujours un peu peur. Il y a eu des réactions interpersonnelles de plein de copains qui me disaient que c'est hyper courageux de faire ça. En fait, ça allait tellement vite que les gens n'ont pas eu le temps d'avoir de ressenti sur le moment. Ils l'ont eu quand j'y étais déjà. Limite, ils ont appris que j'étais dans une cuisine quand je les ai revues deux semaines plus tard. Donc c'était plus genre, mais non, arrête, de la surprise, beaucoup de surprises. Évidemment, j'ai une maman qui a commencé à s'inquiéter en me disant mais Lucie, c'est un monde dur, c'est un monde pénible, physiquement, mentalement, psychologiquement, c'est un monde d'hommes. Elle a été surprise, mais d'un autre côté, elle était dans un soutien total parce que j'ai la chance d'avoir des parents qui, depuis le début, quoi que je fasse, m'ont énormément soutenue. Et je crois que la meilleure des réactions, ça a été celle de mon grand-père, qui est un monsieur plutôt classique, plutôt traditionnel, etc. Et je ne sais plus comment il l'a appris, mais en tout cas, je me souviens qu'il essaye de m'appeler. Et j'étais en cuisine du coup, ce jour-là, c'était un des premiers jours, donc je ne réponds pas. Et il me laisse un message. Et il me dit à quel point il est fier que j'ai osé faire ça, que j'ai osé prendre et apprendre à manier la poêle. Et je ne sais pas, je me souviens que ça m'a chamboulé le fait qu'il éprouve autant de sensibilité, autant de fierté. Ça m'a chamboulé, je me suis dit Ok, je suis au bon endroit, c'est cool Personne ne sait ce qui se passe en cuisine. Il n'y a que les cuisiniers qui savent ce qui se passe en cuisine, parce que même un responsable de salle, tant qu'il n'a pas mis les deux pieds dans une cuisine pendant un service, il ne comprendra jamais. J'ai commencé en juin, il faisait très très chaud, donc je découvrais en fait la complexité ultime de la cuisine, qui sont des services aussi rapides qu'en plein hiver, mais où il fait 43 degrés au-dessus des plaques dans la cuisine. Donc il fait très très très très très chaud. Donc ça, je m'en souviens, ça fait partie des premiers trucs que j'ai remarqués. C'était la chaleur qu'il y avait et cette espèce d'omniprésence de pression, de pression de temps, de pression de qualité, mais qui n'était pas forcément, voire jamais, une pression négative. Il y a du stress, il y a du retard. Un cuisinier est toujours en retard. Ça, c'est une espèce de règle hyper absurde, mais tellement vraie. En cuisine, tu as toujours quelque chose à faire. Et ça, je trouve que ça caractérise vraiment une énergie parce qu'il n'y a jamais d'inactivité. Les moments d'inactivité, c'est des moments de fatigue, uniquement. Où en fait, t'es épuisé, t'as trop chaud, t'as limite la tête qui tourne. Donc tu t'assoies, si t'as de quoi t'asseoir, parce qu'en cuisine t'as pas de quoi t'asseoir. Ça va surprendre, mais en fait tu t'assoies par terre quand tu veux prendre un temps pour toi. Dans une cuisine, t'es tout le temps hyper attentif et hyper en lien, qu'il soit verbal ou non verbal, avec tes collègues, tout le temps. Déjà parce que tu touches presque le dos de ton collègue de derrière, et en plus de ça parce qu'on t'apprend vite en cuisine qu'il faut avoir tous les sens éveillés. À titre hyper personnel, j'ai eu la chance de tomber, de mon point de vue, sur la meilleure brigade dans sa bienveillance, dans son oreille attentive, dans son envie de transmettre le savoir. Il y avait beaucoup de douceur, il y avait beaucoup de fraternité, donc pas de sororité, parce que j'étais la seule femme. Et d'ailleurs, c'était très intéressant, après avoir quitté ce restaurant, quand je rediscutais avec mes anciens collègues, qui y étaient eux encore, ils me disaient c'est dingue comme l'énergie d'une femme nous manque Donc c'est vrai que c'est vraiment un mélange très humain. Moi, les énergies que j'ai ressenties, elles étaient vraiment tournées vers le partage, la rencontre, la bienveillance, tout ça, ça a caractérisé mon expérience. Et je ne pourrais jamais remercier assez cette brigade et ce chef, et ces deux chefs qui m'ont transmis tout ce qu'ils savaient, parce que j'ai tout appris grâce à eux. Ils m'ont fait naître une passion, ils m'ont fait naître des émotions. Les émotions caractérisent aussi énormément la cuisine, étant donné que tu es dans un petit métrage carré, avec un nombre de personnes qui remplit quand même relativement vite l'espace. Tu peux pas masquer tes émotions. C'est-à-dire que t'arrives épuisée parce que t'es en gueule de bois ou épuisée parce que t'es en peine amoureuse, ça va transparaître. Si t'as une boule noire en cuisine, l'énergie elle est flinguée. Si tu commences à t'énerver, à te fermer, à être négatif, etc., automatiquement, il va y avoir une mauvaise ambiance pendant le service où quelque chose va mal se passer pour toi. Moi, je l'ai vu quand j'étais trop fatiguée et que je ne voulais pas l'accepter, quand j'étais énervée ou que j'étais dans une mauvaise phase, parce qu'on est quand même tous humains. Ça arrive, mais le peu de fois où tu le contenances trop et que t'en fais une boule noire, en fait, tu t'enfermes dans un espèce de cercle horrible où tout va mal se passer pendant ta journée et où tu vas accumuler encore plus de frustration. Ça a été le premier apprentissage que j'ai eu du grand chef, enfin du grand chef, on l'appelait le grand chef comme le grand magnitou, qui me disait Lucie, la cuisine c'est un métier de grande satisfaction autant que de grande frustration. Parce que c'est tellement concret que quand tu réussis quelque chose, tu es hyper satisfaite. Mais dès que tu rates quelque chose, ce qui arrive régulièrement, notamment quand tu commences, tu accumules de la frustration en permanence. Et en plus de ça, ça peut te mettre dans un jus pas possible, parce qu'en fait si tu loupes tes choux que tu cuis au moment du service, t'es dans la merde. Mais c'est que des énergies qui sont tellement canalisantes. Moi, je sais que j'ai réussi, pour la première fois de ma vie, à canaliser une vraie forme d'hyperactivité. C'est assez contradictoire parce que j'étais très apaisée dans cette tempête, en fait. Parce que pour la première fois de ma vie, pendant trois heures, j'arrivais à baisser la tête et à penser à rien d'autre que avancer. Et que travailler, qu'être motivée, et qu'être surtout très concentrée. donc c'est tout plein d'énergie qui se confronte dans une cuisine mais je pense qu'en fait c'est un lieu de vie tellement intense la cuisine que toutes les émotions que vous pouvez ressentir dans une journée elles sont contenancées en une heure dans une cuisine c'est à peu près ça je crois tellement c'est intense et tellement c'est du huis clos La cuisine, il faut te formater à écouter. Moi, j'ai été très vite dans le oui-mais. C'est pas tant que j'aime bien avoir raison, c'est juste que j'aime tellement tout comprendre que souvent j'interroge tout en faisant du oui-mais. Donc ce qui était intéressant et que j'ai adoré dans l'apprentissage, c'est que j'avais un chef qui était très saoulé que je lui fasse du oui-mais, mais qui était très paternel et vachement dans la transmission. Du coup, à chaque fois que je lui faisais un oui-mais, il me disait vas-y, fais Donc moi, petite Anne que je suis, je faisais. Je me trompais. je ratais, il me regardait et me disait Voilà, la prochaine fois, tu m'écouteras. L'apprentissage, il a été assez militaire sur l'erreur, mais très positif. Donc ça, c'était chouette. Du coup, j'ai commencé au dessert. Et la philosophie du groupe dans lequel je bossais, c'était que tous les gens qui rentraient, soit sans expérience, soit avec peu d'expérience, ils commençaient au dessert pour mettre tout le monde sur un même pied d'égalité. Et notamment parce que les desserts, même si on n'était pas pâtissier, on faisait des desserts de cuisinier, ça demande beaucoup de rigueur, de la recette. Donc on travaillait sur des recettes écrites sur du papier. Donc l'apprentissage au début, il était assez scolaire, même s'il y a toujours beaucoup d'instinct dans la cuisine. Si tu ne cuisines pas par instinct, tu n'y arriveras jamais. Après, l'avantage aussi d'être au dessert au début, c'est que, étant donné que toi, ton travail, il commence après que les premières entrées, les premiers plats aient été envoyés. Finalement, l'envoi des premières entrées et l'envoi des premiers plats, tu peux l'observer depuis ton poste, tu peux même y participer. parce que si la personne qui est aux entrées, elle se prend un gros coup de jus dès le début du service, toi qui es au dessert et qui, si tu es à la bourre, as un peu plus de temps pour te mettre en place, mais si tu es à l'heure, ne fais rien, tu vas être appelé à participer, à dresser les entrées, à aider pour les réchauffes des plats, et donc tu apprends un peu par mimétisme et par observation au début, et après le parcours a été du coup, je ne sais plus, j'ai dû faire six bons mois quand même au dessert, à la fin tu en as un peu marre, parce que c'est quand même redondant, C'est un peu moins expressif que le salé, étant donné que tu suis des recettes, mais c'est très formateur si t'es rigoureux. Ensuite, apprentissage du salé par les entrées, où il y a quand même un regard du chef sur ce que tu fais, mais t'es vachement plus livré à toi-même, ou du moins libre de mettre un peu plus de sel si tu veux, mettre un peu plus de piment d'Espelette si tu veux. Et finalement, de toute manière, quand t'es en mise en place, il y a plein de moments où tu te démerdes. Tu te démerdes, t'es ta vie, chacun a du travail, tout le monde doit être prêt à la même heure, et tout le monde a une liste de mise en place, comme on appelle ça. Et en fait, tout le monde est tête baissée et a pas le temps. Donc il y a plein de moments où t'as des questions, bah tu testes. Après, attention aux initiatives personnelles, ce que je disais très très régulièrement, mon chef c'est pas d'initiatives personnelles, mauvais mauvais mauvais. Mais c'est aussi comme ça que t'apprends. Donc je crois que la cuisine c'est vraiment souvent se péter la gueule pour apprendre à se relever en fonçant. parce que pour le coup ça c'est aussi un réel apprentissage T'es tout le temps en action et t'es tout le temps dans l'action. Et je crois que d'ailleurs, une des énergies que j'aime le plus dans la cuisine, c'est que tu dois toujours être dans l'action, force de proposition et prêt à dégainer une solution en 10 secondes. T'apprends très très vite parce que c'est de l'apprentissage terrain. Je suis arrivée sans CAP, sans aucune expérience. J'ai fini à seconder le chef et je ne suis pas plus intelligente ou je n'ai pas plus de dextérité que quelqu'un d'autre. Donc finalement, c'est juste... Avoir les yeux ouverts, les oreilles ouvertes, le nez bien bien ouvert aussi, et ça roule. Je pense que comme dans n'importe quel métier, on fait des erreurs, on fait des bêtises, il y a des choses qui tournent et il y a des choses qui ne tournent pas. Moi, il m'est arrivé au tout début de ma reconversion, ce qu'on pourrait appeler une bourde en cuisine, un cauchemar en cuisine. On est en plein mois de septembre, il fait encore bien bien chaud et une des particularités du resto dans lequel je bossais, c'est que tous les desserts sont accompagnés de glace et pour ce faire, on a une très très belle machine suisse. Mais du coup, les machines suisses, souvent, elles sont chères. Et là, Lulu, elle n'écoute pas bien les instructions, mais en fait, par mimétisme d'autres collègues un peu négligents, elle nettoie mal cette machine qui permet en fait de faire passer la glace d'un bloc de béton à une crème hyper onctueuse. Et un jour, un peu dans la panique du début de service, je lance la machine. Mon chef, à ce moment-là, me dit Tu l'as bien nettoyé la machine hier ? Sur quoi je réponds Oui, ça n'a pas manqué. Ni une ni deux, il y a de la fumée qui sort de la machine, limite au moment où je lui réponds ça. Et en fait, j'ai complètement flingué cette machine qui a un prix démentiel. Et ce qui a été assez extraordinaire d'ailleurs à ce moment-là, c'est que mon chef ne m'a pas du tout engueulée. Il a été hyper doux, il m'a dit Ok, pas de problème. Et c'est en ça d'ailleurs que le ou la meilleur des chefs, c'est celui ou celle qui va réussir à ne jamais s'énerver. Après, il faut savoir que je pense qu'en cuisine, je faisais une bourde par jour. Des grosses, certainement pas, parce qu'elles étaient rattrapables, mais des bourdes quand même, et c'est comme ça qu'on apprend, je crois. Le plus difficile au début dans la resto, et dans une cuisine surtout, c'est le rythme. En fait, je crois qu'il y a un double sentiment, c'est le fait de dire que t'es là par passion et t'es là avec toute ton énergie, que t'es pas forcément reconnue à ta valeur. Donc ça, c'est dur. Mais ce qui a été le plus dur au début, c'est l'épuisement physique. Et le temps de t'y faire, ça prend quand même pas mal de points de vie, étant donné que t'arrives à 8h30, 8h du matin, tu bosses à fond, fond, fond, et tout ça toujours debout. jusqu'à la fin de ton service qui est à 15h, 15h30, tu rentres chez toi, tu dors une heure, tu reviens en cuisine à 17h, tu reboches jusqu'au début de service, tu tapes tout ton service, tu nettoies et tu ranges toute la cuisine. Et là, il est minuit. Donc en fait, de 8h à minuit avec une heure de pause plus deux fois une demi-heure pour tenter de te nourrir. T'es debout et t'es dans un stress, donc c'est épuisant. C'est énergivore à fond. Et ça, ça a été le plus dur au début. Et l'autre chose, je pense, qui est dure, c'est le fait d'avoir un rythme très décalé. Je sortais de service à minuit le vendredi. J'avais l'anniversaire de ma meilleure copine, par exemple. Je voulais y aller, donc j'y allais. J'y allais jusqu'à 2, 3, 4 heures du matin. Et je me réveillais le lendemain à 7h30 pour aller en cuisine. Donc j'essayais de le combattre. Mais je pense que je me suis aussi abîmée à un moment. Et que je continue en continuant ce métier. Je continue à m'abîmer physiquement notamment. Mais ça, je crois que c'est deux éléments. La fatigue physique et la fatigue sociale. Je crois que ça, ça a été assez dur. Il y a un grand chef qui est gestionnaire de plusieurs restaurants et il y a un chef exécutif dans chacun des restaurants. Je vais d'abord parler du grand chef. Je l'aime bien, moi il me charme assez vite. C'est un mec qui parie sur des reconvertis par exemple, ça c'est la première image que j'ai de lui. C'est qu'il dit voilà, moi j'adore les gens qui se reconvertissent parce que c'est les plus ambitieux, c'est ceux qui savent où ils veulent aller, c'est ceux qui ont le plus d'énergie. Donc il me charme très très vite avec son discours et je le vois à l'œuvre parce que je suis dans une cuisine où il y a plein de reconvertis donc évidemment que je trouve que c'est une belle philosophie. C'est un gars qui vient de palaces, d'étoilés, d'une grande rigueur, donc ça c'est une philosophie qui m'intéresse, où en fait c'est la quête de l'exigence permanente. Quitte à se faire mal, quitte à ce que ce soit dur, c'est l'exigence à tout prix. Donc ça, ça me plaît énormément. C'est un jeune vieux, entre guillemets, qui est assez conscient de l'écologie, enfin de l'écologie, c'est même pas tant de l'écologie, mais c'est des problématiques de transition alimentaire. Et il les embrasse plutôt pas mal, donc il se fournit relativement bien et tout, même si... Il y a plein de choses qui me dérangent. Par exemple, au dessert, souvent tu utilises des siphons. C'est des bonbonnes pressurisées avec du gaz qui sont en cartouche. Les cartouches, on les foutait limite dans les éviers. Enfin, j'exagère, mais on les foutait à la poubelle. Et moi, la première fois que j'ai utilisé un siphon et que j'ai sorti une cartouche vide, j'aurais dit oui, je la mets où ? pour la trier, parce que c'est quand même des produits un peu dangereux et des matériaux un peu dégueux. Et là, il me regarde à ma souris, il me dit bah, dans la poubelle ! Et typiquement, ça c'est un truc très vite. Moi, je me suis révoltée. Je lui ai proposé des solutions. J'étais un peu conseillère de nouvelles solutions, en plus d'être cuisinière. Et du coup, j'aimais sa philosophie, mais j'avais beaucoup de choses à lui redire. Après, mon chef exécutif, qui était le chef que je voyais quotidiennement, lui, alors il avait plein de défauts, mais qu'est-ce qu'il était extraordinaire. Il avait plein de défauts parce que c'est un homme, et que quelqu'un de parfait, c'est nul. Mais lui, sa philosophie, pour le coup, elle m'a marquée à vie, parce que c'est un gars, je pense, qui veut tellement donner que sa philosophie, elle n'était qu'humaine. Il faisait ça par humanité, pour l'humain et pour le plaisir de l'autre. Il y a plein de choses que je partage pas avec l'un, l'autre, mais tout ce que j'ai pris chez eux, je l'adore. Tout ce qu'ils m'ont donné, je l'adore. J'ai un triple sentiment quand je cuisine, je crois, qui est un sentiment où je suis canalisée. J'ai un grand sentiment où je me sens à ma place. Et ça, pour rien au monde, je veux troquer ce sentiment, même si c'est pour être la reine du monde. Vraiment juste, je me sens à ma place quand j'ai un couteau dans la main et que je suis en train de créer. Il y en a un troisième, c'est une excitation assez permanente, je crois. J'adore cuisiner les légumes plus que la viande, les poissons, etc. Parce que je trouve qu'ils peuvent prendre des formes tellement diverses que ça m'hallucine. Et surtout, je suis dans une curiosité permanente de savoir jusqu'à quel point je peux utiliser la totalité d'un légume et la totalité d'un aliment. Et je trouve que c'est dans le légume, quel qu'il soit, carottes, tomates, courgettes, de saison évidemment s'il vous plaît, je suis toujours très curieuse de voir jusqu'à quel point on peut le transformer. Donc mon aliment préféré c'est ça, après j'avoue j'adore les pâtes, c'est vraiment un truc qui me passionne, cuisiner les pâtes ça me passionne, je trouve ça toujours réconfortant, c'est un plat qui plaît à tout le monde et qui parle à n'importe qui. Donc j'avoue que les pâtes c'est simple mais bien réalisé, c'est pas si simple. Ça fait huit mois que je suis dans ce resto où je décide de me reconvertir et où je passe du très bon temps. Et à ce moment-là, j'ai tout un tas de copines qui me rappellent une nouvelle fois, parce que ce n'est pas la première fois que j'entends ça sur les dernières années, qu'il faut absolument que je rencontre cette fille-là, il faut absolument qu'on se revoie, qu'on discute. Cette fille-là, ce sera ma future associée. Et c'est une fille que j'ai rencontrée 15 ans auparavant. mais dont j'avais pas le numéro de téléphone et avec qui je souhaitais pas les anniversaires. Mais dès qu'on se croisait, même le temps d'une soirée tous les deux ans, on discutait énormément. C'est la cuisine qui nous a rapprochés, parce que ça fait huit mois que moi je suis dans le restaurant, et Louise, elle vient de se reconvertir, se lance dans un CAP et a un peu besoin de conseils. Donc on se décide de s'appeler, on discute au téléphone, puis on se voit très vite. Et en fait, là, il y a un coup d'éclat entre nos deux énergies incroyables. En fait, on clique sur beaucoup de choses, beaucoup de points de vue similaires, beaucoup d'énergies similaires, une philosophie globale qui va dans le même sens où en fait, j'ai un peu l'impression d'être face à une sœur. Et c'est hyper perturbant sur le moment, parce que je me dis, waouh, en fait, ah ouais, on connecte énormément toutes les deux. Donc elle, elle fait son bout de chemin dans la cuisine pendant que moi, j'évolue dans mon resto. Mais on est vachement en contact, on se donne toujours des tips. Elle, plus elle avance dans sa formation et dans des expériences dans des restos, plus on a d'interactions parce qu'on commence vraiment à ressentir les mêmes choses, professionnellement mais du coup personnellement aussi. Et donc les discussions sont toujours plus fortes, toujours plus dans le même sens. En tout cas niveau pro et niveau vision de demain, on est vraiment sur la même longueur d'onde. Et six mois après nos premiers contacts... Elle m'appelle et elle me dit, Lucie, on va arrêter de se faire chier et puis on va travailler pour nous. Est-ce que tu veux qu'on se lance dans une aventure ? Donc là, moi, ça me tombe un peu dessus, mais j'aime bien ce qu'elle me raconte. Elle me parle de courses larges, de marins, de chefs à domicile. Et c'est plein de choses qui m'animent et où, en fait, intrinsèquement, depuis longtemps, je sais que je veux faire de l'entrepreneuriat, mais je n'avais toujours pas trouvé mon énergie. Et en fait, elle me fait rendre compte que j'ai trouvé l'énergie pour démarrer mon aventure entrepreneuriale. Mon énergie, c'est la cuisine et elle, ça va être mon catalyseur d'énergie. Donc, on se revoit à la rentrée après cet appel du 15 août. Moi, je suis tout feu, tout flamme. Je veux tout de suite quitter mon resto, je veux qu'on se lance maintenant. Elle, dans sa grande mesure et dans une forme de sagesse qu'elle a, elle me dit non, prends encore ce que tu as à prendre. Moi, de mon côté, je prends encore ce que j'ai à prendre en expérience. Mais on continue à discuter, on perfectionne notre envie, notre idée, et si on est vraiment sûr, on se lance. Au bout de quasi un an de discussion, on décide de s'associer. Et là, les étincelles ont commencé à jaillir dans nos têtes, dans nos cœurs, parce que ce qui est assez marrant, c'est que c'est une association qui a été évidente pour tout le monde, sauf pour nous. Donc le jour où on décide vraiment de le faire et qu'on commence à faire de la cuisine ensemble, à faire des événements ensemble, à se montrer au public, à deux en tant que binôme, très vite, j'avoue que je sais que j'ai pris la bonne décision. Le 25 mai 2023, les Michel naissent, une association de Louise et moi-même, en tant que chef nomade et néo-traiteur. C'est toute une philosophie qui se veut remettre l'humain au centre du débat et être dans le lien permanent à l'autre, parce que je pense qu'on est cruellement en manque de liens sociaux et de liens positifs entre nous. Donc ça, c'est ce qui nous unit en tant qu'humaines, Louise et moi. Ensuite, Chef Nomade, ça nous permet d'aller chez les gens, de voyager pour tout plein de missions différentes. Et puis, c'est cette envie aussi de se dire qu'on va aider les autres plutôt que se mettre en galère parce qu'aujourd'hui, la resto, avoir un lieu, etc., ça peut être hyper compliqué. Donc, pour le moment, on préfère aller aider les gens en s'installant, par exemple, dans des restos un peu à bout de souffle, qui galèrent et qui sont avec des restaurateurs épuisés, pour les soulager. Et ensuite, néo-traiteur, ça veut dire nouveauté. En fait, on veut, avec Louise, essayer d'avoir une nouvelle philosophie en tant que traiteur. On aime bien aussi s'appeler des néo-mamies, parce que notre envie, c'est de revenir à l'essentiel, de revenir à la terre, de revenir à l'humain, à travers une cuisine locale, maison et fraîche. Et je crois que réunir ces trois éléments, c'est vraiment notre projet, parce qu'en fait, notre triple respect, qui est le respect de la terre, à travers les liens qu'on tisse avec nos fournisseurs, nos producteurs, les agriculteurs. avec qui on passe en semi ou en direct. Le deuxième respect, qui est évidemment le respect de nous-mêmes en tant que cuisinières et du coup de l'ensemble des maillons de la chaîne de restauration, donc les serveurs, les cuisiniers, les plongeurs, les bookers, les managers, tous ces gens-là, c'est des gens qu'il faut remettre sous le feu des projecteurs. Le dernier respect, il est évidemment pour le client final avec lequel on... Essayent toujours d'avoir un premier appel téléphonique pour saisir la totalité de l'envie, du besoin, de ce qu'ils ont dans la tête pour leurs événements. Et c'est les respecter aussi à travers du non-mensonge, un prix juste dans l'assiette et des bons produits. C'est ça les Michel. On a décidé depuis le début avec Louise de dire en fait, on a les têtes relativement bien faites pour aujourd'hui être actrice, parce que le temps presse. Je crois que c'est une réalisation qu'on a toutes les deux, à travers ce qu'on a vécu, ce qu'on a vu, ce qu'on a appris. Le temps il presse et on n'a plus le droit de se cacher. Donc évidemment, aucun consommateur n'est parfait. Moi la première, je suis en parfaite dans ma consommation, mais en tout cas aujourd'hui, sans jamais être moralisatrice, on essaye de créer de la sensibilisation. Autour de nous, que ce soit auprès de copains qui nous demandent comment évoluent nos projets, surtout auprès de clients, parce que très concrètement, on ne va pas changer l'éducation des gens, mais par contre à notre échelle, si on arrive à créer des réalisations un peu à l'image du colibri, on va réussir à éteindre le feu. Et donc du coup, à chaque fois par exemple qu'on a une demande de devis pour un événement ou pour une occasion, notre premier réflexe c'est de décrocher notre téléphone, d'appeler les gens, et de leur expliquer pourquoi passer avec les Michel, c'est bien, pourquoi c'est vertueux. On impose énormément de choses. Aujourd'hui, moi, je suis persuadée que si on veut faire bouger les choses, il faut en poser. Et on voit aujourd'hui que ça fonctionne, à notre petite échelle, encore une fois, mais c'est déjà énorme. Parce qu'en fait, depuis qu'on a commencé avec Louise, il y a une seule prestat en un an où on a utilisé du jetable. Toutes les autres, c'était que de la vaisselle, de la vraie vaisselle vintage. Donc oui, c'est un coût en plus, mais si tu l'expliques bien aux gens. Ils sont de plus en plus ouverts, notamment quand il s'agit de budgets qui ne sortent pas de leur compte en banque, mais de ceux de leur boîte. En fait, ils sont OK de mettre X euros en plus. Et je crois que tout l'intérêt de notre discours est l'un, c'est de leur dire que vous allez être acteurs du changement en passant par nous. Le rôle pédagogique, il se matérialise aussi. Si on a possibilité, dans les événements sur lesquels on officie, on ne veut plus être des traiteurs fantômes. Du moins, ce qu'on appelle un peu des traiteurs fantômes, qui sont des gens qui vont passer des plateaux sans jamais être vus ou insister à un point. Et donc nous, sur plein d'événements où on travaille, on demande, voire on impose aux gens de nous laisser un temps de parole. Et donc du coup, dans des réunions de dirigeants du CAC 40, parfois on prend... Ne serait-ce qu'une minute trente pour pitcher ce qu'on fait, leur souhaiter de se régaler, mais en tout cas pour leur dire ce qu'on fait. Et ça je crois qu'elle est là la sensibilisation, c'est que déjà ça perturbe souvent. C'est les gens en face qui se disent mais c'est marrant, jamais on... qui nous expliquaient quelle était l'importance de bien se nourrir, etc. Mais je crois que ça, ça marque. Parce qu'on ne le fait jamais de manière poussive ou agressive, etc. On le fait vraiment toujours dans un cadre de collaboration, en fait. Si les gens, ils se disent, ok, on veut passer avec les Michel parce que ça nous rend vertueux, on leur dit, laissez-nous placer deux minutes juste pour qu'on dise aux gens que ce qu'ils vont manger, c'est issu de la main de l'homme et du pouvoir de la collaboration. J'ai un rapport maintenant qui est hyper différent à plein de choses, c'est-à-dire que la consommation frénétique de la société m'effraie, elle m'effrayait moins avant. J'ai un respect encore plus important aujourd'hui pour tous les métiers de la Terre. Ça m'a aussi ouvert vachement les yeux sur l'urgence dans laquelle on se trouve quant à la façon dont on va traiter l'humain, notamment dans des métiers hyper hard comme la resto, mais surtout l'urgence climatique et qui se retranscrit dans les produits qu'on a ou justement qu'on n'a pas. Dans le gâchis alimentaire, dans la surproduction, dans la surconsommation, toutes ces choses-là, j'en ai encore plus pris conscience à travers mon métier. J'en fais le combat de ma vie. Et autre chose que je pense que j'ai réalisée avec ce métier, c'est le fait de toujours être hyper exigeante. On n'est jamais trop exigeant, même si ce n'est pas comme les autres. Il vaut mieux être trop exigeant que pas assez. Je crois que je me suis rendue compte aussi de la vraie pénibilité du travail. J'ai eu une révélation avant de quitter mon taf, mon premier travail. Je l'ai quitté, je suis arrivée dans la cuisine. J'ai adoré. En fait, depuis la décision que j'ai prise en 2021 de quitter la norme qu'on m'avait inculquée et que je respecte, mais qui ne me convenait pas, c'est devenu mon état d'esprit général. C'est-à-dire que je ne suis même pas sûre d'avoir choisi ce métier comme étant ma carrière de demain. J'ai choisi ce métier parce qu'il m'aligne avec moi-même, il répond à ce que je veux donner à l'autre, il répond à ce que je veux donner au monde, etc. Et je le vis plus comme une philosophie de vie que comme un métier ou une carrière, parce que je sais déjà quel est mon métier dans dix ans. Je veux refaire des meubles, je veux retapisser des sièges. La liberté que j'ai eue en prenant cette décision, elle m'a marquée, je pense, à vie, dans le fait de se dire qu'il ne faut pas faire de plan, il faut juste suivre son instinct. Cette philosophie, elle a été tatouée sur mon cœur et dans ma tête. Le jour où j'ai dit je m'en vais, j'arrête d'essayer de rentrer dans des cases et en fait je suis moi-même et juste moi-même à travers mes décisions. Si je n'avais pas fait la décision il y a 4 ans de me lancer, de me reconvertir un peu sur un coup de tête dans la cuisine, je pense qu'aujourd'hui je n'aurais pas ce sentiment d'être à ma place et je serais finalement beaucoup beaucoup moins heureuse que ce que je ne suis. Je crois qu'en effet je suis assez fière d'avoir fait ce move-là. Je ne suis pas tant fière de m'être convertie, d'être allée dans ce milieu, mais je suis fière d'avoir suivi mon instinct. Faire un métier comme celui que je fais, j'en suis fière. Et je suis aussi et surtout très très fière de le faire de la manière dont je le fais. C'est une fierté assez quotidienne de mettre en valeur notre terroir et nos compétences gastronomiques en France. Je crois que s'il faut que je donne deux conseils à quelqu'un qui aimerait se lancer, que ce soit dans la cuisine, dans la peinture ou dans le cirque, je lui dirais de foncer, d'avoir hyper confiance en sa décision tant qu'il suit son instinct et surtout de jamais vivre à travers le rêve de quelqu'un d'autre. Parce que c'est comme ça qu'on devient heureux, je crois.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Tentatives, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que le témoignage de Lucie vous a plu, et si vous aussi vous voulez raconter une expérience qui vous a marqué, vous pouvez me contacter sur Instagram, je vous mets le lien dans la description. D'ailleurs, vous pouvez aussi suivre le compte Instagram du podcast, et n'hésitez pas à le partager et à vous abonner pour me soutenir. A dans deux semaines pour un nouvel épisode ! Ciao !

Description

Et si une expérience toute simple de la vie en changeait le cours ? Si d’un simple service pouvait découler une révélation puis une démission, une reconversion, et un plongeon corps et âme dans un univers inconnu, le tenteriez-vous ? Lucie oui, elle a rendu un service à son frère, et sa vie à changé. Aujourd’hui, elle nous fait découvrir les mystères des cuisines des restaurants parisiens.


Alors retroussez vos manches, passez de l’autre côté du restaurant, et soyez prêts, la température monte à plus de 43° dans la cuisine du restaurant où Lucie fait ses premiers pas…


Pour suivre les aventures de Lucie et Louise AKA Les Michèles, RDV sur leur compte instagram : https://www.instagram.com/lesmichelesnomades/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressorties grandes. Je m'appelle Lucie Erlin, j'ai 26 ans. Depuis 4 ans, je suis reconvertie en cuisine, alors il n'y a pas que ça qui me définit. Je suis aussi pleine de bonnes énergies et d'hyperactivité. En 2021, j'ai commencé à bosser avec un super entrepreneur et une de mes missions les plus importantes, c'était que je préparais l'édition d'un magazine saisonnier qui sortait quatre fois par an. Et donc, j'étais à la fois sur le terrain, en régie, en logistique, sur les doses d'impression et de direction artistique ensuite. Suite à deux ans de boulot avec lui, je me rends compte que j'adore mon métier, j'adore mon travail, mais qu'il manque quelque chose. Et ça commence à vraiment me peser. Je ressentais une vraie frustration parce que je voguais dans des milieux hyper artistiques et hyper créatifs que sont l'édition, la production ciné et tout. Mais j'étais toujours la figure sérieuse, administrative, qui gérait les comptes, qui s'occupait de la logistique. Je sentais qu'il me manquait un truc foncièrement, j'avais un vide en moi. Donc ce vide, il s'est automatiquement transformé en une espèce de tristesse, où je n'avais plus trop goût quand je me réveillais le matin, où j'avais du mal à m'automotiver, où j'avais des pertes de concentration hyper fréquentes, voire quasi constantes quand j'étais devant un ordi. Je m'étais beaucoup moins d'entrain à faire les missions que j'avais à faire, même si je construisais toujours des relations incroyables professionnellement parlant, à travers des rencontres, à travers l'évolution de la relation que j'avais avec mon ancien patron qui était... juste extraordinaire et qui aujourd'hui est un vrai mentor et un vrai gars que j'admire énormément. Donc c'était étrange parce que j'avais une dualité de sentiments où j'admirais fortement quelqu'un et où j'avais vraiment envie de reproduire ce qu'il faisait, où il m'a inculqué l'entrepreneuriat, etc. Mais où de l'autre côté, en fait, je jalousais peut-être la liberté des gens que j'observais et je me disais, ok, ça ne te ressemble pas de t'enfermer dans quelque chose où finalement tu n'es pas aligné avec toi-même. ce sentiment j'ai eu besoin de le combattre et je m'interroge parce que ça me rend malheureuse sans vraiment que j'arrive à comprendre pourquoi et un jour je me dis ok je veux plus de concret, plus artistique donc ça c'est la première pensée que j'ai je me dis ok ça te ressemble pas d'être toute molle, d'être toute dépressive parce que j'étais vraiment dans un sentiment quasi dépressif à ce moment là je me dis prends action fais quelque chose à ce moment là peut-être par coup du destin mon frère fête ses 25 ans En y réfléchissant ensemble et en l'organisant tous les deux, je me rends compte qu'en fait je me sens hyper capable de produire le dîner pour les 75 invités qu'il avait décidé d'asseoir autour d'une grande table et d'un grand banquet. Je commence à me mettre en tête que je vais prendre ce challenge avec trois objectifs. Le premier, c'est que j'y prenne du plaisir. Le deuxième, c'est que les gens kiffent déguster ce que je leur aurais préparé. Et le troisième, je ne sais pas pourquoi, j'avais un espèce d'objectif de me dire Ok, il faut que tu y arrives dans un certain temps, il faut que tu y arrives avec un minimum de paire et avec un maximum de goût. Tout ça se met en place, ça va assez vite. Je pense qu'en un mois, j'ai dit à mon frère, je m'en occupe et finalement la soirée a lieu. Entre midi et 22h, je m'active en cuisine pour préparer des dizaines de plats différents pour nourrir ces 75 personnes. En 6-6, je suis hyper fière de moi, les gens se sont régalés. On a réussi à asseoir 75 personnes dans une vieille verrière des expositions universelles au milieu d'une forêt, où finalement j'ai cuisiné avec une cuisine plus que rudimentaire, donc c'était assez énorme. Et en fait, suite à ça, je rentre à Paris le dimanche soir, et le lundi, je me dis Ok, fais des CV, envoie-les pour de la resto Donc le lundi, je suis en canapé en télétravail. Je suis en train d'envoyer des CV à des annonces qui recrutent des gens sans forcément d'expérience. Donc là, je shoot. Trois jours après, j'ai une première réponse d'un chef qui me dit Je suis désolée, c'était hyper long le délai d'attente et tout. Ce à quoi je lui réponds Vous inquiétez pas, je suis habituée à un tout petit peu plus mon temps dans le domaine du commerce, donc pas de problème. Le lendemain, je démissionne en me disant Je ne peux pas être sur deux tableaux et j'ai pris ma décision. Je vais faire de la cuisine. La semaine d'après, je fais mon jour d'essai. Je suis prise le lendemain de mon jour d'essai. Et je commence sept jours après. Donc là, les deux pieds dans le plat, je me retrouve commis cuisine. Je me rends bien compte qu'au début, je suis quand même dans une hésitation. Même si avec du recul, j'ai bien fait de ne pas réfléchir et d'y aller hyper vite. Parce que finalement, c'est ça qui a été clé dans mon switch. J'ai de me dire... N'écoute pas les autres, suis ton instinct et vas-y. Pour moi, il y a eu deux premiers jours de ce travail. Il y a eu un premier jour qui était le jour d'essai, qui est en fait une journée type que tu vas passer en tant que potentiel prétendant au poste. Tu es en poste à l'endroit où tu seras le jour où tu viendras pour vraiment travailler et tu observes. Donc tu es là pour épauler et soutenir pendant le service si tu en as la capacité et s'il y en a un besoin, mais sinon tu es là pour observer. J'avais été hyper surprise quand le chef avec qui j'ai fait le premier entretien avant l'essai m'avait dit pas de pression pour ton premier jour Et pour ta première fois dans une cuisine professionnelle, parce que je tiens à le rappeler, c'était ma première fois au sein d'une cuisine professionnelle, sachant que tout ce que je faisais, c'était recevoir des copains à dîner ou à déjeuner. Alors oui, des grandes tablées, mais pas des restaurants gastronomiques. Et il me dit, tu ne vas pas être jugée sur tes capacités à cuisiner, tu vas être jugée sur notamment ta gestuelle de corps et ton énergie de corps, parce que dans 6 mètres carrés à 5, il faut savoir se comporter et tu peux être la meilleure des cuisinières. Si tu donnes des grands coups dans tous les sens, tu ne travailleras pas avec nous. J'étais assez stressée pour le jour d'essai. En plus, on m'avait prêté des affaires de cuisine, je me trouvais ridiculement moche et tout. Il y avait tout plein d'étapes à accepter. Je me souviens que j'étais épuisée le soir parce que c'est un espèce de tumulte fou d'informations. Quand tu es dans une cuisine en plein service, dans un restaurant type celui dans lequel je bossais, on parle de 70 couverts au déjeuner en 50 minutes à une hauteur gastronomique en termes de qualité dans l'assiette et de 80 couverts le soir. Et tout ça en étant seule au poste des desserts, seule au poste des entrées. ou à deux au poste des plats. Donc, il faut un tout petit peu d'énergie. Donc, je me souviens d'avoir été hyper rincée, très contente, parce que j'ai ressenti beaucoup de satisfaction. Satisfaction de travailler avec mes mains, satisfaction d'être dans une interaction permanente. Donc, une première journée qui me rend très heureuse, en fait, je crois. Les réactions, elles ont été assez variées quand j'ai posé ma dème et que j'ai quitté ce super job que j'avais. Moi, je me sentais hyper soulagée et très fière, même si, évidemment, aller vers l'inconnu, ça fait toujours un peu peur. Il y a eu des réactions interpersonnelles de plein de copains qui me disaient que c'est hyper courageux de faire ça. En fait, ça allait tellement vite que les gens n'ont pas eu le temps d'avoir de ressenti sur le moment. Ils l'ont eu quand j'y étais déjà. Limite, ils ont appris que j'étais dans une cuisine quand je les ai revues deux semaines plus tard. Donc c'était plus genre, mais non, arrête, de la surprise, beaucoup de surprises. Évidemment, j'ai une maman qui a commencé à s'inquiéter en me disant mais Lucie, c'est un monde dur, c'est un monde pénible, physiquement, mentalement, psychologiquement, c'est un monde d'hommes. Elle a été surprise, mais d'un autre côté, elle était dans un soutien total parce que j'ai la chance d'avoir des parents qui, depuis le début, quoi que je fasse, m'ont énormément soutenue. Et je crois que la meilleure des réactions, ça a été celle de mon grand-père, qui est un monsieur plutôt classique, plutôt traditionnel, etc. Et je ne sais plus comment il l'a appris, mais en tout cas, je me souviens qu'il essaye de m'appeler. Et j'étais en cuisine du coup, ce jour-là, c'était un des premiers jours, donc je ne réponds pas. Et il me laisse un message. Et il me dit à quel point il est fier que j'ai osé faire ça, que j'ai osé prendre et apprendre à manier la poêle. Et je ne sais pas, je me souviens que ça m'a chamboulé le fait qu'il éprouve autant de sensibilité, autant de fierté. Ça m'a chamboulé, je me suis dit Ok, je suis au bon endroit, c'est cool Personne ne sait ce qui se passe en cuisine. Il n'y a que les cuisiniers qui savent ce qui se passe en cuisine, parce que même un responsable de salle, tant qu'il n'a pas mis les deux pieds dans une cuisine pendant un service, il ne comprendra jamais. J'ai commencé en juin, il faisait très très chaud, donc je découvrais en fait la complexité ultime de la cuisine, qui sont des services aussi rapides qu'en plein hiver, mais où il fait 43 degrés au-dessus des plaques dans la cuisine. Donc il fait très très très très très chaud. Donc ça, je m'en souviens, ça fait partie des premiers trucs que j'ai remarqués. C'était la chaleur qu'il y avait et cette espèce d'omniprésence de pression, de pression de temps, de pression de qualité, mais qui n'était pas forcément, voire jamais, une pression négative. Il y a du stress, il y a du retard. Un cuisinier est toujours en retard. Ça, c'est une espèce de règle hyper absurde, mais tellement vraie. En cuisine, tu as toujours quelque chose à faire. Et ça, je trouve que ça caractérise vraiment une énergie parce qu'il n'y a jamais d'inactivité. Les moments d'inactivité, c'est des moments de fatigue, uniquement. Où en fait, t'es épuisé, t'as trop chaud, t'as limite la tête qui tourne. Donc tu t'assoies, si t'as de quoi t'asseoir, parce qu'en cuisine t'as pas de quoi t'asseoir. Ça va surprendre, mais en fait tu t'assoies par terre quand tu veux prendre un temps pour toi. Dans une cuisine, t'es tout le temps hyper attentif et hyper en lien, qu'il soit verbal ou non verbal, avec tes collègues, tout le temps. Déjà parce que tu touches presque le dos de ton collègue de derrière, et en plus de ça parce qu'on t'apprend vite en cuisine qu'il faut avoir tous les sens éveillés. À titre hyper personnel, j'ai eu la chance de tomber, de mon point de vue, sur la meilleure brigade dans sa bienveillance, dans son oreille attentive, dans son envie de transmettre le savoir. Il y avait beaucoup de douceur, il y avait beaucoup de fraternité, donc pas de sororité, parce que j'étais la seule femme. Et d'ailleurs, c'était très intéressant, après avoir quitté ce restaurant, quand je rediscutais avec mes anciens collègues, qui y étaient eux encore, ils me disaient c'est dingue comme l'énergie d'une femme nous manque Donc c'est vrai que c'est vraiment un mélange très humain. Moi, les énergies que j'ai ressenties, elles étaient vraiment tournées vers le partage, la rencontre, la bienveillance, tout ça, ça a caractérisé mon expérience. Et je ne pourrais jamais remercier assez cette brigade et ce chef, et ces deux chefs qui m'ont transmis tout ce qu'ils savaient, parce que j'ai tout appris grâce à eux. Ils m'ont fait naître une passion, ils m'ont fait naître des émotions. Les émotions caractérisent aussi énormément la cuisine, étant donné que tu es dans un petit métrage carré, avec un nombre de personnes qui remplit quand même relativement vite l'espace. Tu peux pas masquer tes émotions. C'est-à-dire que t'arrives épuisée parce que t'es en gueule de bois ou épuisée parce que t'es en peine amoureuse, ça va transparaître. Si t'as une boule noire en cuisine, l'énergie elle est flinguée. Si tu commences à t'énerver, à te fermer, à être négatif, etc., automatiquement, il va y avoir une mauvaise ambiance pendant le service où quelque chose va mal se passer pour toi. Moi, je l'ai vu quand j'étais trop fatiguée et que je ne voulais pas l'accepter, quand j'étais énervée ou que j'étais dans une mauvaise phase, parce qu'on est quand même tous humains. Ça arrive, mais le peu de fois où tu le contenances trop et que t'en fais une boule noire, en fait, tu t'enfermes dans un espèce de cercle horrible où tout va mal se passer pendant ta journée et où tu vas accumuler encore plus de frustration. Ça a été le premier apprentissage que j'ai eu du grand chef, enfin du grand chef, on l'appelait le grand chef comme le grand magnitou, qui me disait Lucie, la cuisine c'est un métier de grande satisfaction autant que de grande frustration. Parce que c'est tellement concret que quand tu réussis quelque chose, tu es hyper satisfaite. Mais dès que tu rates quelque chose, ce qui arrive régulièrement, notamment quand tu commences, tu accumules de la frustration en permanence. Et en plus de ça, ça peut te mettre dans un jus pas possible, parce qu'en fait si tu loupes tes choux que tu cuis au moment du service, t'es dans la merde. Mais c'est que des énergies qui sont tellement canalisantes. Moi, je sais que j'ai réussi, pour la première fois de ma vie, à canaliser une vraie forme d'hyperactivité. C'est assez contradictoire parce que j'étais très apaisée dans cette tempête, en fait. Parce que pour la première fois de ma vie, pendant trois heures, j'arrivais à baisser la tête et à penser à rien d'autre que avancer. Et que travailler, qu'être motivée, et qu'être surtout très concentrée. donc c'est tout plein d'énergie qui se confronte dans une cuisine mais je pense qu'en fait c'est un lieu de vie tellement intense la cuisine que toutes les émotions que vous pouvez ressentir dans une journée elles sont contenancées en une heure dans une cuisine c'est à peu près ça je crois tellement c'est intense et tellement c'est du huis clos La cuisine, il faut te formater à écouter. Moi, j'ai été très vite dans le oui-mais. C'est pas tant que j'aime bien avoir raison, c'est juste que j'aime tellement tout comprendre que souvent j'interroge tout en faisant du oui-mais. Donc ce qui était intéressant et que j'ai adoré dans l'apprentissage, c'est que j'avais un chef qui était très saoulé que je lui fasse du oui-mais, mais qui était très paternel et vachement dans la transmission. Du coup, à chaque fois que je lui faisais un oui-mais, il me disait vas-y, fais Donc moi, petite Anne que je suis, je faisais. Je me trompais. je ratais, il me regardait et me disait Voilà, la prochaine fois, tu m'écouteras. L'apprentissage, il a été assez militaire sur l'erreur, mais très positif. Donc ça, c'était chouette. Du coup, j'ai commencé au dessert. Et la philosophie du groupe dans lequel je bossais, c'était que tous les gens qui rentraient, soit sans expérience, soit avec peu d'expérience, ils commençaient au dessert pour mettre tout le monde sur un même pied d'égalité. Et notamment parce que les desserts, même si on n'était pas pâtissier, on faisait des desserts de cuisinier, ça demande beaucoup de rigueur, de la recette. Donc on travaillait sur des recettes écrites sur du papier. Donc l'apprentissage au début, il était assez scolaire, même s'il y a toujours beaucoup d'instinct dans la cuisine. Si tu ne cuisines pas par instinct, tu n'y arriveras jamais. Après, l'avantage aussi d'être au dessert au début, c'est que, étant donné que toi, ton travail, il commence après que les premières entrées, les premiers plats aient été envoyés. Finalement, l'envoi des premières entrées et l'envoi des premiers plats, tu peux l'observer depuis ton poste, tu peux même y participer. parce que si la personne qui est aux entrées, elle se prend un gros coup de jus dès le début du service, toi qui es au dessert et qui, si tu es à la bourre, as un peu plus de temps pour te mettre en place, mais si tu es à l'heure, ne fais rien, tu vas être appelé à participer, à dresser les entrées, à aider pour les réchauffes des plats, et donc tu apprends un peu par mimétisme et par observation au début, et après le parcours a été du coup, je ne sais plus, j'ai dû faire six bons mois quand même au dessert, à la fin tu en as un peu marre, parce que c'est quand même redondant, C'est un peu moins expressif que le salé, étant donné que tu suis des recettes, mais c'est très formateur si t'es rigoureux. Ensuite, apprentissage du salé par les entrées, où il y a quand même un regard du chef sur ce que tu fais, mais t'es vachement plus livré à toi-même, ou du moins libre de mettre un peu plus de sel si tu veux, mettre un peu plus de piment d'Espelette si tu veux. Et finalement, de toute manière, quand t'es en mise en place, il y a plein de moments où tu te démerdes. Tu te démerdes, t'es ta vie, chacun a du travail, tout le monde doit être prêt à la même heure, et tout le monde a une liste de mise en place, comme on appelle ça. Et en fait, tout le monde est tête baissée et a pas le temps. Donc il y a plein de moments où t'as des questions, bah tu testes. Après, attention aux initiatives personnelles, ce que je disais très très régulièrement, mon chef c'est pas d'initiatives personnelles, mauvais mauvais mauvais. Mais c'est aussi comme ça que t'apprends. Donc je crois que la cuisine c'est vraiment souvent se péter la gueule pour apprendre à se relever en fonçant. parce que pour le coup ça c'est aussi un réel apprentissage T'es tout le temps en action et t'es tout le temps dans l'action. Et je crois que d'ailleurs, une des énergies que j'aime le plus dans la cuisine, c'est que tu dois toujours être dans l'action, force de proposition et prêt à dégainer une solution en 10 secondes. T'apprends très très vite parce que c'est de l'apprentissage terrain. Je suis arrivée sans CAP, sans aucune expérience. J'ai fini à seconder le chef et je ne suis pas plus intelligente ou je n'ai pas plus de dextérité que quelqu'un d'autre. Donc finalement, c'est juste... Avoir les yeux ouverts, les oreilles ouvertes, le nez bien bien ouvert aussi, et ça roule. Je pense que comme dans n'importe quel métier, on fait des erreurs, on fait des bêtises, il y a des choses qui tournent et il y a des choses qui ne tournent pas. Moi, il m'est arrivé au tout début de ma reconversion, ce qu'on pourrait appeler une bourde en cuisine, un cauchemar en cuisine. On est en plein mois de septembre, il fait encore bien bien chaud et une des particularités du resto dans lequel je bossais, c'est que tous les desserts sont accompagnés de glace et pour ce faire, on a une très très belle machine suisse. Mais du coup, les machines suisses, souvent, elles sont chères. Et là, Lulu, elle n'écoute pas bien les instructions, mais en fait, par mimétisme d'autres collègues un peu négligents, elle nettoie mal cette machine qui permet en fait de faire passer la glace d'un bloc de béton à une crème hyper onctueuse. Et un jour, un peu dans la panique du début de service, je lance la machine. Mon chef, à ce moment-là, me dit Tu l'as bien nettoyé la machine hier ? Sur quoi je réponds Oui, ça n'a pas manqué. Ni une ni deux, il y a de la fumée qui sort de la machine, limite au moment où je lui réponds ça. Et en fait, j'ai complètement flingué cette machine qui a un prix démentiel. Et ce qui a été assez extraordinaire d'ailleurs à ce moment-là, c'est que mon chef ne m'a pas du tout engueulée. Il a été hyper doux, il m'a dit Ok, pas de problème. Et c'est en ça d'ailleurs que le ou la meilleur des chefs, c'est celui ou celle qui va réussir à ne jamais s'énerver. Après, il faut savoir que je pense qu'en cuisine, je faisais une bourde par jour. Des grosses, certainement pas, parce qu'elles étaient rattrapables, mais des bourdes quand même, et c'est comme ça qu'on apprend, je crois. Le plus difficile au début dans la resto, et dans une cuisine surtout, c'est le rythme. En fait, je crois qu'il y a un double sentiment, c'est le fait de dire que t'es là par passion et t'es là avec toute ton énergie, que t'es pas forcément reconnue à ta valeur. Donc ça, c'est dur. Mais ce qui a été le plus dur au début, c'est l'épuisement physique. Et le temps de t'y faire, ça prend quand même pas mal de points de vie, étant donné que t'arrives à 8h30, 8h du matin, tu bosses à fond, fond, fond, et tout ça toujours debout. jusqu'à la fin de ton service qui est à 15h, 15h30, tu rentres chez toi, tu dors une heure, tu reviens en cuisine à 17h, tu reboches jusqu'au début de service, tu tapes tout ton service, tu nettoies et tu ranges toute la cuisine. Et là, il est minuit. Donc en fait, de 8h à minuit avec une heure de pause plus deux fois une demi-heure pour tenter de te nourrir. T'es debout et t'es dans un stress, donc c'est épuisant. C'est énergivore à fond. Et ça, ça a été le plus dur au début. Et l'autre chose, je pense, qui est dure, c'est le fait d'avoir un rythme très décalé. Je sortais de service à minuit le vendredi. J'avais l'anniversaire de ma meilleure copine, par exemple. Je voulais y aller, donc j'y allais. J'y allais jusqu'à 2, 3, 4 heures du matin. Et je me réveillais le lendemain à 7h30 pour aller en cuisine. Donc j'essayais de le combattre. Mais je pense que je me suis aussi abîmée à un moment. Et que je continue en continuant ce métier. Je continue à m'abîmer physiquement notamment. Mais ça, je crois que c'est deux éléments. La fatigue physique et la fatigue sociale. Je crois que ça, ça a été assez dur. Il y a un grand chef qui est gestionnaire de plusieurs restaurants et il y a un chef exécutif dans chacun des restaurants. Je vais d'abord parler du grand chef. Je l'aime bien, moi il me charme assez vite. C'est un mec qui parie sur des reconvertis par exemple, ça c'est la première image que j'ai de lui. C'est qu'il dit voilà, moi j'adore les gens qui se reconvertissent parce que c'est les plus ambitieux, c'est ceux qui savent où ils veulent aller, c'est ceux qui ont le plus d'énergie. Donc il me charme très très vite avec son discours et je le vois à l'œuvre parce que je suis dans une cuisine où il y a plein de reconvertis donc évidemment que je trouve que c'est une belle philosophie. C'est un gars qui vient de palaces, d'étoilés, d'une grande rigueur, donc ça c'est une philosophie qui m'intéresse, où en fait c'est la quête de l'exigence permanente. Quitte à se faire mal, quitte à ce que ce soit dur, c'est l'exigence à tout prix. Donc ça, ça me plaît énormément. C'est un jeune vieux, entre guillemets, qui est assez conscient de l'écologie, enfin de l'écologie, c'est même pas tant de l'écologie, mais c'est des problématiques de transition alimentaire. Et il les embrasse plutôt pas mal, donc il se fournit relativement bien et tout, même si... Il y a plein de choses qui me dérangent. Par exemple, au dessert, souvent tu utilises des siphons. C'est des bonbonnes pressurisées avec du gaz qui sont en cartouche. Les cartouches, on les foutait limite dans les éviers. Enfin, j'exagère, mais on les foutait à la poubelle. Et moi, la première fois que j'ai utilisé un siphon et que j'ai sorti une cartouche vide, j'aurais dit oui, je la mets où ? pour la trier, parce que c'est quand même des produits un peu dangereux et des matériaux un peu dégueux. Et là, il me regarde à ma souris, il me dit bah, dans la poubelle ! Et typiquement, ça c'est un truc très vite. Moi, je me suis révoltée. Je lui ai proposé des solutions. J'étais un peu conseillère de nouvelles solutions, en plus d'être cuisinière. Et du coup, j'aimais sa philosophie, mais j'avais beaucoup de choses à lui redire. Après, mon chef exécutif, qui était le chef que je voyais quotidiennement, lui, alors il avait plein de défauts, mais qu'est-ce qu'il était extraordinaire. Il avait plein de défauts parce que c'est un homme, et que quelqu'un de parfait, c'est nul. Mais lui, sa philosophie, pour le coup, elle m'a marquée à vie, parce que c'est un gars, je pense, qui veut tellement donner que sa philosophie, elle n'était qu'humaine. Il faisait ça par humanité, pour l'humain et pour le plaisir de l'autre. Il y a plein de choses que je partage pas avec l'un, l'autre, mais tout ce que j'ai pris chez eux, je l'adore. Tout ce qu'ils m'ont donné, je l'adore. J'ai un triple sentiment quand je cuisine, je crois, qui est un sentiment où je suis canalisée. J'ai un grand sentiment où je me sens à ma place. Et ça, pour rien au monde, je veux troquer ce sentiment, même si c'est pour être la reine du monde. Vraiment juste, je me sens à ma place quand j'ai un couteau dans la main et que je suis en train de créer. Il y en a un troisième, c'est une excitation assez permanente, je crois. J'adore cuisiner les légumes plus que la viande, les poissons, etc. Parce que je trouve qu'ils peuvent prendre des formes tellement diverses que ça m'hallucine. Et surtout, je suis dans une curiosité permanente de savoir jusqu'à quel point je peux utiliser la totalité d'un légume et la totalité d'un aliment. Et je trouve que c'est dans le légume, quel qu'il soit, carottes, tomates, courgettes, de saison évidemment s'il vous plaît, je suis toujours très curieuse de voir jusqu'à quel point on peut le transformer. Donc mon aliment préféré c'est ça, après j'avoue j'adore les pâtes, c'est vraiment un truc qui me passionne, cuisiner les pâtes ça me passionne, je trouve ça toujours réconfortant, c'est un plat qui plaît à tout le monde et qui parle à n'importe qui. Donc j'avoue que les pâtes c'est simple mais bien réalisé, c'est pas si simple. Ça fait huit mois que je suis dans ce resto où je décide de me reconvertir et où je passe du très bon temps. Et à ce moment-là, j'ai tout un tas de copines qui me rappellent une nouvelle fois, parce que ce n'est pas la première fois que j'entends ça sur les dernières années, qu'il faut absolument que je rencontre cette fille-là, il faut absolument qu'on se revoie, qu'on discute. Cette fille-là, ce sera ma future associée. Et c'est une fille que j'ai rencontrée 15 ans auparavant. mais dont j'avais pas le numéro de téléphone et avec qui je souhaitais pas les anniversaires. Mais dès qu'on se croisait, même le temps d'une soirée tous les deux ans, on discutait énormément. C'est la cuisine qui nous a rapprochés, parce que ça fait huit mois que moi je suis dans le restaurant, et Louise, elle vient de se reconvertir, se lance dans un CAP et a un peu besoin de conseils. Donc on se décide de s'appeler, on discute au téléphone, puis on se voit très vite. Et en fait, là, il y a un coup d'éclat entre nos deux énergies incroyables. En fait, on clique sur beaucoup de choses, beaucoup de points de vue similaires, beaucoup d'énergies similaires, une philosophie globale qui va dans le même sens où en fait, j'ai un peu l'impression d'être face à une sœur. Et c'est hyper perturbant sur le moment, parce que je me dis, waouh, en fait, ah ouais, on connecte énormément toutes les deux. Donc elle, elle fait son bout de chemin dans la cuisine pendant que moi, j'évolue dans mon resto. Mais on est vachement en contact, on se donne toujours des tips. Elle, plus elle avance dans sa formation et dans des expériences dans des restos, plus on a d'interactions parce qu'on commence vraiment à ressentir les mêmes choses, professionnellement mais du coup personnellement aussi. Et donc les discussions sont toujours plus fortes, toujours plus dans le même sens. En tout cas niveau pro et niveau vision de demain, on est vraiment sur la même longueur d'onde. Et six mois après nos premiers contacts... Elle m'appelle et elle me dit, Lucie, on va arrêter de se faire chier et puis on va travailler pour nous. Est-ce que tu veux qu'on se lance dans une aventure ? Donc là, moi, ça me tombe un peu dessus, mais j'aime bien ce qu'elle me raconte. Elle me parle de courses larges, de marins, de chefs à domicile. Et c'est plein de choses qui m'animent et où, en fait, intrinsèquement, depuis longtemps, je sais que je veux faire de l'entrepreneuriat, mais je n'avais toujours pas trouvé mon énergie. Et en fait, elle me fait rendre compte que j'ai trouvé l'énergie pour démarrer mon aventure entrepreneuriale. Mon énergie, c'est la cuisine et elle, ça va être mon catalyseur d'énergie. Donc, on se revoit à la rentrée après cet appel du 15 août. Moi, je suis tout feu, tout flamme. Je veux tout de suite quitter mon resto, je veux qu'on se lance maintenant. Elle, dans sa grande mesure et dans une forme de sagesse qu'elle a, elle me dit non, prends encore ce que tu as à prendre. Moi, de mon côté, je prends encore ce que j'ai à prendre en expérience. Mais on continue à discuter, on perfectionne notre envie, notre idée, et si on est vraiment sûr, on se lance. Au bout de quasi un an de discussion, on décide de s'associer. Et là, les étincelles ont commencé à jaillir dans nos têtes, dans nos cœurs, parce que ce qui est assez marrant, c'est que c'est une association qui a été évidente pour tout le monde, sauf pour nous. Donc le jour où on décide vraiment de le faire et qu'on commence à faire de la cuisine ensemble, à faire des événements ensemble, à se montrer au public, à deux en tant que binôme, très vite, j'avoue que je sais que j'ai pris la bonne décision. Le 25 mai 2023, les Michel naissent, une association de Louise et moi-même, en tant que chef nomade et néo-traiteur. C'est toute une philosophie qui se veut remettre l'humain au centre du débat et être dans le lien permanent à l'autre, parce que je pense qu'on est cruellement en manque de liens sociaux et de liens positifs entre nous. Donc ça, c'est ce qui nous unit en tant qu'humaines, Louise et moi. Ensuite, Chef Nomade, ça nous permet d'aller chez les gens, de voyager pour tout plein de missions différentes. Et puis, c'est cette envie aussi de se dire qu'on va aider les autres plutôt que se mettre en galère parce qu'aujourd'hui, la resto, avoir un lieu, etc., ça peut être hyper compliqué. Donc, pour le moment, on préfère aller aider les gens en s'installant, par exemple, dans des restos un peu à bout de souffle, qui galèrent et qui sont avec des restaurateurs épuisés, pour les soulager. Et ensuite, néo-traiteur, ça veut dire nouveauté. En fait, on veut, avec Louise, essayer d'avoir une nouvelle philosophie en tant que traiteur. On aime bien aussi s'appeler des néo-mamies, parce que notre envie, c'est de revenir à l'essentiel, de revenir à la terre, de revenir à l'humain, à travers une cuisine locale, maison et fraîche. Et je crois que réunir ces trois éléments, c'est vraiment notre projet, parce qu'en fait, notre triple respect, qui est le respect de la terre, à travers les liens qu'on tisse avec nos fournisseurs, nos producteurs, les agriculteurs. avec qui on passe en semi ou en direct. Le deuxième respect, qui est évidemment le respect de nous-mêmes en tant que cuisinières et du coup de l'ensemble des maillons de la chaîne de restauration, donc les serveurs, les cuisiniers, les plongeurs, les bookers, les managers, tous ces gens-là, c'est des gens qu'il faut remettre sous le feu des projecteurs. Le dernier respect, il est évidemment pour le client final avec lequel on... Essayent toujours d'avoir un premier appel téléphonique pour saisir la totalité de l'envie, du besoin, de ce qu'ils ont dans la tête pour leurs événements. Et c'est les respecter aussi à travers du non-mensonge, un prix juste dans l'assiette et des bons produits. C'est ça les Michel. On a décidé depuis le début avec Louise de dire en fait, on a les têtes relativement bien faites pour aujourd'hui être actrice, parce que le temps presse. Je crois que c'est une réalisation qu'on a toutes les deux, à travers ce qu'on a vécu, ce qu'on a vu, ce qu'on a appris. Le temps il presse et on n'a plus le droit de se cacher. Donc évidemment, aucun consommateur n'est parfait. Moi la première, je suis en parfaite dans ma consommation, mais en tout cas aujourd'hui, sans jamais être moralisatrice, on essaye de créer de la sensibilisation. Autour de nous, que ce soit auprès de copains qui nous demandent comment évoluent nos projets, surtout auprès de clients, parce que très concrètement, on ne va pas changer l'éducation des gens, mais par contre à notre échelle, si on arrive à créer des réalisations un peu à l'image du colibri, on va réussir à éteindre le feu. Et donc du coup, à chaque fois par exemple qu'on a une demande de devis pour un événement ou pour une occasion, notre premier réflexe c'est de décrocher notre téléphone, d'appeler les gens, et de leur expliquer pourquoi passer avec les Michel, c'est bien, pourquoi c'est vertueux. On impose énormément de choses. Aujourd'hui, moi, je suis persuadée que si on veut faire bouger les choses, il faut en poser. Et on voit aujourd'hui que ça fonctionne, à notre petite échelle, encore une fois, mais c'est déjà énorme. Parce qu'en fait, depuis qu'on a commencé avec Louise, il y a une seule prestat en un an où on a utilisé du jetable. Toutes les autres, c'était que de la vaisselle, de la vraie vaisselle vintage. Donc oui, c'est un coût en plus, mais si tu l'expliques bien aux gens. Ils sont de plus en plus ouverts, notamment quand il s'agit de budgets qui ne sortent pas de leur compte en banque, mais de ceux de leur boîte. En fait, ils sont OK de mettre X euros en plus. Et je crois que tout l'intérêt de notre discours est l'un, c'est de leur dire que vous allez être acteurs du changement en passant par nous. Le rôle pédagogique, il se matérialise aussi. Si on a possibilité, dans les événements sur lesquels on officie, on ne veut plus être des traiteurs fantômes. Du moins, ce qu'on appelle un peu des traiteurs fantômes, qui sont des gens qui vont passer des plateaux sans jamais être vus ou insister à un point. Et donc nous, sur plein d'événements où on travaille, on demande, voire on impose aux gens de nous laisser un temps de parole. Et donc du coup, dans des réunions de dirigeants du CAC 40, parfois on prend... Ne serait-ce qu'une minute trente pour pitcher ce qu'on fait, leur souhaiter de se régaler, mais en tout cas pour leur dire ce qu'on fait. Et ça je crois qu'elle est là la sensibilisation, c'est que déjà ça perturbe souvent. C'est les gens en face qui se disent mais c'est marrant, jamais on... qui nous expliquaient quelle était l'importance de bien se nourrir, etc. Mais je crois que ça, ça marque. Parce qu'on ne le fait jamais de manière poussive ou agressive, etc. On le fait vraiment toujours dans un cadre de collaboration, en fait. Si les gens, ils se disent, ok, on veut passer avec les Michel parce que ça nous rend vertueux, on leur dit, laissez-nous placer deux minutes juste pour qu'on dise aux gens que ce qu'ils vont manger, c'est issu de la main de l'homme et du pouvoir de la collaboration. J'ai un rapport maintenant qui est hyper différent à plein de choses, c'est-à-dire que la consommation frénétique de la société m'effraie, elle m'effrayait moins avant. J'ai un respect encore plus important aujourd'hui pour tous les métiers de la Terre. Ça m'a aussi ouvert vachement les yeux sur l'urgence dans laquelle on se trouve quant à la façon dont on va traiter l'humain, notamment dans des métiers hyper hard comme la resto, mais surtout l'urgence climatique et qui se retranscrit dans les produits qu'on a ou justement qu'on n'a pas. Dans le gâchis alimentaire, dans la surproduction, dans la surconsommation, toutes ces choses-là, j'en ai encore plus pris conscience à travers mon métier. J'en fais le combat de ma vie. Et autre chose que je pense que j'ai réalisée avec ce métier, c'est le fait de toujours être hyper exigeante. On n'est jamais trop exigeant, même si ce n'est pas comme les autres. Il vaut mieux être trop exigeant que pas assez. Je crois que je me suis rendue compte aussi de la vraie pénibilité du travail. J'ai eu une révélation avant de quitter mon taf, mon premier travail. Je l'ai quitté, je suis arrivée dans la cuisine. J'ai adoré. En fait, depuis la décision que j'ai prise en 2021 de quitter la norme qu'on m'avait inculquée et que je respecte, mais qui ne me convenait pas, c'est devenu mon état d'esprit général. C'est-à-dire que je ne suis même pas sûre d'avoir choisi ce métier comme étant ma carrière de demain. J'ai choisi ce métier parce qu'il m'aligne avec moi-même, il répond à ce que je veux donner à l'autre, il répond à ce que je veux donner au monde, etc. Et je le vis plus comme une philosophie de vie que comme un métier ou une carrière, parce que je sais déjà quel est mon métier dans dix ans. Je veux refaire des meubles, je veux retapisser des sièges. La liberté que j'ai eue en prenant cette décision, elle m'a marquée, je pense, à vie, dans le fait de se dire qu'il ne faut pas faire de plan, il faut juste suivre son instinct. Cette philosophie, elle a été tatouée sur mon cœur et dans ma tête. Le jour où j'ai dit je m'en vais, j'arrête d'essayer de rentrer dans des cases et en fait je suis moi-même et juste moi-même à travers mes décisions. Si je n'avais pas fait la décision il y a 4 ans de me lancer, de me reconvertir un peu sur un coup de tête dans la cuisine, je pense qu'aujourd'hui je n'aurais pas ce sentiment d'être à ma place et je serais finalement beaucoup beaucoup moins heureuse que ce que je ne suis. Je crois qu'en effet je suis assez fière d'avoir fait ce move-là. Je ne suis pas tant fière de m'être convertie, d'être allée dans ce milieu, mais je suis fière d'avoir suivi mon instinct. Faire un métier comme celui que je fais, j'en suis fière. Et je suis aussi et surtout très très fière de le faire de la manière dont je le fais. C'est une fierté assez quotidienne de mettre en valeur notre terroir et nos compétences gastronomiques en France. Je crois que s'il faut que je donne deux conseils à quelqu'un qui aimerait se lancer, que ce soit dans la cuisine, dans la peinture ou dans le cirque, je lui dirais de foncer, d'avoir hyper confiance en sa décision tant qu'il suit son instinct et surtout de jamais vivre à travers le rêve de quelqu'un d'autre. Parce que c'est comme ça qu'on devient heureux, je crois.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Tentatives, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que le témoignage de Lucie vous a plu, et si vous aussi vous voulez raconter une expérience qui vous a marqué, vous pouvez me contacter sur Instagram, je vous mets le lien dans la description. D'ailleurs, vous pouvez aussi suivre le compte Instagram du podcast, et n'hésitez pas à le partager et à vous abonner pour me soutenir. A dans deux semaines pour un nouvel épisode ! Ciao !

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Description

Et si une expérience toute simple de la vie en changeait le cours ? Si d’un simple service pouvait découler une révélation puis une démission, une reconversion, et un plongeon corps et âme dans un univers inconnu, le tenteriez-vous ? Lucie oui, elle a rendu un service à son frère, et sa vie à changé. Aujourd’hui, elle nous fait découvrir les mystères des cuisines des restaurants parisiens.


Alors retroussez vos manches, passez de l’autre côté du restaurant, et soyez prêts, la température monte à plus de 43° dans la cuisine du restaurant où Lucie fait ses premiers pas…


Pour suivre les aventures de Lucie et Louise AKA Les Michèles, RDV sur leur compte instagram : https://www.instagram.com/lesmichelesnomades/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressorties grandes. Je m'appelle Lucie Erlin, j'ai 26 ans. Depuis 4 ans, je suis reconvertie en cuisine, alors il n'y a pas que ça qui me définit. Je suis aussi pleine de bonnes énergies et d'hyperactivité. En 2021, j'ai commencé à bosser avec un super entrepreneur et une de mes missions les plus importantes, c'était que je préparais l'édition d'un magazine saisonnier qui sortait quatre fois par an. Et donc, j'étais à la fois sur le terrain, en régie, en logistique, sur les doses d'impression et de direction artistique ensuite. Suite à deux ans de boulot avec lui, je me rends compte que j'adore mon métier, j'adore mon travail, mais qu'il manque quelque chose. Et ça commence à vraiment me peser. Je ressentais une vraie frustration parce que je voguais dans des milieux hyper artistiques et hyper créatifs que sont l'édition, la production ciné et tout. Mais j'étais toujours la figure sérieuse, administrative, qui gérait les comptes, qui s'occupait de la logistique. Je sentais qu'il me manquait un truc foncièrement, j'avais un vide en moi. Donc ce vide, il s'est automatiquement transformé en une espèce de tristesse, où je n'avais plus trop goût quand je me réveillais le matin, où j'avais du mal à m'automotiver, où j'avais des pertes de concentration hyper fréquentes, voire quasi constantes quand j'étais devant un ordi. Je m'étais beaucoup moins d'entrain à faire les missions que j'avais à faire, même si je construisais toujours des relations incroyables professionnellement parlant, à travers des rencontres, à travers l'évolution de la relation que j'avais avec mon ancien patron qui était... juste extraordinaire et qui aujourd'hui est un vrai mentor et un vrai gars que j'admire énormément. Donc c'était étrange parce que j'avais une dualité de sentiments où j'admirais fortement quelqu'un et où j'avais vraiment envie de reproduire ce qu'il faisait, où il m'a inculqué l'entrepreneuriat, etc. Mais où de l'autre côté, en fait, je jalousais peut-être la liberté des gens que j'observais et je me disais, ok, ça ne te ressemble pas de t'enfermer dans quelque chose où finalement tu n'es pas aligné avec toi-même. ce sentiment j'ai eu besoin de le combattre et je m'interroge parce que ça me rend malheureuse sans vraiment que j'arrive à comprendre pourquoi et un jour je me dis ok je veux plus de concret, plus artistique donc ça c'est la première pensée que j'ai je me dis ok ça te ressemble pas d'être toute molle, d'être toute dépressive parce que j'étais vraiment dans un sentiment quasi dépressif à ce moment là je me dis prends action fais quelque chose à ce moment là peut-être par coup du destin mon frère fête ses 25 ans En y réfléchissant ensemble et en l'organisant tous les deux, je me rends compte qu'en fait je me sens hyper capable de produire le dîner pour les 75 invités qu'il avait décidé d'asseoir autour d'une grande table et d'un grand banquet. Je commence à me mettre en tête que je vais prendre ce challenge avec trois objectifs. Le premier, c'est que j'y prenne du plaisir. Le deuxième, c'est que les gens kiffent déguster ce que je leur aurais préparé. Et le troisième, je ne sais pas pourquoi, j'avais un espèce d'objectif de me dire Ok, il faut que tu y arrives dans un certain temps, il faut que tu y arrives avec un minimum de paire et avec un maximum de goût. Tout ça se met en place, ça va assez vite. Je pense qu'en un mois, j'ai dit à mon frère, je m'en occupe et finalement la soirée a lieu. Entre midi et 22h, je m'active en cuisine pour préparer des dizaines de plats différents pour nourrir ces 75 personnes. En 6-6, je suis hyper fière de moi, les gens se sont régalés. On a réussi à asseoir 75 personnes dans une vieille verrière des expositions universelles au milieu d'une forêt, où finalement j'ai cuisiné avec une cuisine plus que rudimentaire, donc c'était assez énorme. Et en fait, suite à ça, je rentre à Paris le dimanche soir, et le lundi, je me dis Ok, fais des CV, envoie-les pour de la resto Donc le lundi, je suis en canapé en télétravail. Je suis en train d'envoyer des CV à des annonces qui recrutent des gens sans forcément d'expérience. Donc là, je shoot. Trois jours après, j'ai une première réponse d'un chef qui me dit Je suis désolée, c'était hyper long le délai d'attente et tout. Ce à quoi je lui réponds Vous inquiétez pas, je suis habituée à un tout petit peu plus mon temps dans le domaine du commerce, donc pas de problème. Le lendemain, je démissionne en me disant Je ne peux pas être sur deux tableaux et j'ai pris ma décision. Je vais faire de la cuisine. La semaine d'après, je fais mon jour d'essai. Je suis prise le lendemain de mon jour d'essai. Et je commence sept jours après. Donc là, les deux pieds dans le plat, je me retrouve commis cuisine. Je me rends bien compte qu'au début, je suis quand même dans une hésitation. Même si avec du recul, j'ai bien fait de ne pas réfléchir et d'y aller hyper vite. Parce que finalement, c'est ça qui a été clé dans mon switch. J'ai de me dire... N'écoute pas les autres, suis ton instinct et vas-y. Pour moi, il y a eu deux premiers jours de ce travail. Il y a eu un premier jour qui était le jour d'essai, qui est en fait une journée type que tu vas passer en tant que potentiel prétendant au poste. Tu es en poste à l'endroit où tu seras le jour où tu viendras pour vraiment travailler et tu observes. Donc tu es là pour épauler et soutenir pendant le service si tu en as la capacité et s'il y en a un besoin, mais sinon tu es là pour observer. J'avais été hyper surprise quand le chef avec qui j'ai fait le premier entretien avant l'essai m'avait dit pas de pression pour ton premier jour Et pour ta première fois dans une cuisine professionnelle, parce que je tiens à le rappeler, c'était ma première fois au sein d'une cuisine professionnelle, sachant que tout ce que je faisais, c'était recevoir des copains à dîner ou à déjeuner. Alors oui, des grandes tablées, mais pas des restaurants gastronomiques. Et il me dit, tu ne vas pas être jugée sur tes capacités à cuisiner, tu vas être jugée sur notamment ta gestuelle de corps et ton énergie de corps, parce que dans 6 mètres carrés à 5, il faut savoir se comporter et tu peux être la meilleure des cuisinières. Si tu donnes des grands coups dans tous les sens, tu ne travailleras pas avec nous. J'étais assez stressée pour le jour d'essai. En plus, on m'avait prêté des affaires de cuisine, je me trouvais ridiculement moche et tout. Il y avait tout plein d'étapes à accepter. Je me souviens que j'étais épuisée le soir parce que c'est un espèce de tumulte fou d'informations. Quand tu es dans une cuisine en plein service, dans un restaurant type celui dans lequel je bossais, on parle de 70 couverts au déjeuner en 50 minutes à une hauteur gastronomique en termes de qualité dans l'assiette et de 80 couverts le soir. Et tout ça en étant seule au poste des desserts, seule au poste des entrées. ou à deux au poste des plats. Donc, il faut un tout petit peu d'énergie. Donc, je me souviens d'avoir été hyper rincée, très contente, parce que j'ai ressenti beaucoup de satisfaction. Satisfaction de travailler avec mes mains, satisfaction d'être dans une interaction permanente. Donc, une première journée qui me rend très heureuse, en fait, je crois. Les réactions, elles ont été assez variées quand j'ai posé ma dème et que j'ai quitté ce super job que j'avais. Moi, je me sentais hyper soulagée et très fière, même si, évidemment, aller vers l'inconnu, ça fait toujours un peu peur. Il y a eu des réactions interpersonnelles de plein de copains qui me disaient que c'est hyper courageux de faire ça. En fait, ça allait tellement vite que les gens n'ont pas eu le temps d'avoir de ressenti sur le moment. Ils l'ont eu quand j'y étais déjà. Limite, ils ont appris que j'étais dans une cuisine quand je les ai revues deux semaines plus tard. Donc c'était plus genre, mais non, arrête, de la surprise, beaucoup de surprises. Évidemment, j'ai une maman qui a commencé à s'inquiéter en me disant mais Lucie, c'est un monde dur, c'est un monde pénible, physiquement, mentalement, psychologiquement, c'est un monde d'hommes. Elle a été surprise, mais d'un autre côté, elle était dans un soutien total parce que j'ai la chance d'avoir des parents qui, depuis le début, quoi que je fasse, m'ont énormément soutenue. Et je crois que la meilleure des réactions, ça a été celle de mon grand-père, qui est un monsieur plutôt classique, plutôt traditionnel, etc. Et je ne sais plus comment il l'a appris, mais en tout cas, je me souviens qu'il essaye de m'appeler. Et j'étais en cuisine du coup, ce jour-là, c'était un des premiers jours, donc je ne réponds pas. Et il me laisse un message. Et il me dit à quel point il est fier que j'ai osé faire ça, que j'ai osé prendre et apprendre à manier la poêle. Et je ne sais pas, je me souviens que ça m'a chamboulé le fait qu'il éprouve autant de sensibilité, autant de fierté. Ça m'a chamboulé, je me suis dit Ok, je suis au bon endroit, c'est cool Personne ne sait ce qui se passe en cuisine. Il n'y a que les cuisiniers qui savent ce qui se passe en cuisine, parce que même un responsable de salle, tant qu'il n'a pas mis les deux pieds dans une cuisine pendant un service, il ne comprendra jamais. J'ai commencé en juin, il faisait très très chaud, donc je découvrais en fait la complexité ultime de la cuisine, qui sont des services aussi rapides qu'en plein hiver, mais où il fait 43 degrés au-dessus des plaques dans la cuisine. Donc il fait très très très très très chaud. Donc ça, je m'en souviens, ça fait partie des premiers trucs que j'ai remarqués. C'était la chaleur qu'il y avait et cette espèce d'omniprésence de pression, de pression de temps, de pression de qualité, mais qui n'était pas forcément, voire jamais, une pression négative. Il y a du stress, il y a du retard. Un cuisinier est toujours en retard. Ça, c'est une espèce de règle hyper absurde, mais tellement vraie. En cuisine, tu as toujours quelque chose à faire. Et ça, je trouve que ça caractérise vraiment une énergie parce qu'il n'y a jamais d'inactivité. Les moments d'inactivité, c'est des moments de fatigue, uniquement. Où en fait, t'es épuisé, t'as trop chaud, t'as limite la tête qui tourne. Donc tu t'assoies, si t'as de quoi t'asseoir, parce qu'en cuisine t'as pas de quoi t'asseoir. Ça va surprendre, mais en fait tu t'assoies par terre quand tu veux prendre un temps pour toi. Dans une cuisine, t'es tout le temps hyper attentif et hyper en lien, qu'il soit verbal ou non verbal, avec tes collègues, tout le temps. Déjà parce que tu touches presque le dos de ton collègue de derrière, et en plus de ça parce qu'on t'apprend vite en cuisine qu'il faut avoir tous les sens éveillés. À titre hyper personnel, j'ai eu la chance de tomber, de mon point de vue, sur la meilleure brigade dans sa bienveillance, dans son oreille attentive, dans son envie de transmettre le savoir. Il y avait beaucoup de douceur, il y avait beaucoup de fraternité, donc pas de sororité, parce que j'étais la seule femme. Et d'ailleurs, c'était très intéressant, après avoir quitté ce restaurant, quand je rediscutais avec mes anciens collègues, qui y étaient eux encore, ils me disaient c'est dingue comme l'énergie d'une femme nous manque Donc c'est vrai que c'est vraiment un mélange très humain. Moi, les énergies que j'ai ressenties, elles étaient vraiment tournées vers le partage, la rencontre, la bienveillance, tout ça, ça a caractérisé mon expérience. Et je ne pourrais jamais remercier assez cette brigade et ce chef, et ces deux chefs qui m'ont transmis tout ce qu'ils savaient, parce que j'ai tout appris grâce à eux. Ils m'ont fait naître une passion, ils m'ont fait naître des émotions. Les émotions caractérisent aussi énormément la cuisine, étant donné que tu es dans un petit métrage carré, avec un nombre de personnes qui remplit quand même relativement vite l'espace. Tu peux pas masquer tes émotions. C'est-à-dire que t'arrives épuisée parce que t'es en gueule de bois ou épuisée parce que t'es en peine amoureuse, ça va transparaître. Si t'as une boule noire en cuisine, l'énergie elle est flinguée. Si tu commences à t'énerver, à te fermer, à être négatif, etc., automatiquement, il va y avoir une mauvaise ambiance pendant le service où quelque chose va mal se passer pour toi. Moi, je l'ai vu quand j'étais trop fatiguée et que je ne voulais pas l'accepter, quand j'étais énervée ou que j'étais dans une mauvaise phase, parce qu'on est quand même tous humains. Ça arrive, mais le peu de fois où tu le contenances trop et que t'en fais une boule noire, en fait, tu t'enfermes dans un espèce de cercle horrible où tout va mal se passer pendant ta journée et où tu vas accumuler encore plus de frustration. Ça a été le premier apprentissage que j'ai eu du grand chef, enfin du grand chef, on l'appelait le grand chef comme le grand magnitou, qui me disait Lucie, la cuisine c'est un métier de grande satisfaction autant que de grande frustration. Parce que c'est tellement concret que quand tu réussis quelque chose, tu es hyper satisfaite. Mais dès que tu rates quelque chose, ce qui arrive régulièrement, notamment quand tu commences, tu accumules de la frustration en permanence. Et en plus de ça, ça peut te mettre dans un jus pas possible, parce qu'en fait si tu loupes tes choux que tu cuis au moment du service, t'es dans la merde. Mais c'est que des énergies qui sont tellement canalisantes. Moi, je sais que j'ai réussi, pour la première fois de ma vie, à canaliser une vraie forme d'hyperactivité. C'est assez contradictoire parce que j'étais très apaisée dans cette tempête, en fait. Parce que pour la première fois de ma vie, pendant trois heures, j'arrivais à baisser la tête et à penser à rien d'autre que avancer. Et que travailler, qu'être motivée, et qu'être surtout très concentrée. donc c'est tout plein d'énergie qui se confronte dans une cuisine mais je pense qu'en fait c'est un lieu de vie tellement intense la cuisine que toutes les émotions que vous pouvez ressentir dans une journée elles sont contenancées en une heure dans une cuisine c'est à peu près ça je crois tellement c'est intense et tellement c'est du huis clos La cuisine, il faut te formater à écouter. Moi, j'ai été très vite dans le oui-mais. C'est pas tant que j'aime bien avoir raison, c'est juste que j'aime tellement tout comprendre que souvent j'interroge tout en faisant du oui-mais. Donc ce qui était intéressant et que j'ai adoré dans l'apprentissage, c'est que j'avais un chef qui était très saoulé que je lui fasse du oui-mais, mais qui était très paternel et vachement dans la transmission. Du coup, à chaque fois que je lui faisais un oui-mais, il me disait vas-y, fais Donc moi, petite Anne que je suis, je faisais. Je me trompais. je ratais, il me regardait et me disait Voilà, la prochaine fois, tu m'écouteras. L'apprentissage, il a été assez militaire sur l'erreur, mais très positif. Donc ça, c'était chouette. Du coup, j'ai commencé au dessert. Et la philosophie du groupe dans lequel je bossais, c'était que tous les gens qui rentraient, soit sans expérience, soit avec peu d'expérience, ils commençaient au dessert pour mettre tout le monde sur un même pied d'égalité. Et notamment parce que les desserts, même si on n'était pas pâtissier, on faisait des desserts de cuisinier, ça demande beaucoup de rigueur, de la recette. Donc on travaillait sur des recettes écrites sur du papier. Donc l'apprentissage au début, il était assez scolaire, même s'il y a toujours beaucoup d'instinct dans la cuisine. Si tu ne cuisines pas par instinct, tu n'y arriveras jamais. Après, l'avantage aussi d'être au dessert au début, c'est que, étant donné que toi, ton travail, il commence après que les premières entrées, les premiers plats aient été envoyés. Finalement, l'envoi des premières entrées et l'envoi des premiers plats, tu peux l'observer depuis ton poste, tu peux même y participer. parce que si la personne qui est aux entrées, elle se prend un gros coup de jus dès le début du service, toi qui es au dessert et qui, si tu es à la bourre, as un peu plus de temps pour te mettre en place, mais si tu es à l'heure, ne fais rien, tu vas être appelé à participer, à dresser les entrées, à aider pour les réchauffes des plats, et donc tu apprends un peu par mimétisme et par observation au début, et après le parcours a été du coup, je ne sais plus, j'ai dû faire six bons mois quand même au dessert, à la fin tu en as un peu marre, parce que c'est quand même redondant, C'est un peu moins expressif que le salé, étant donné que tu suis des recettes, mais c'est très formateur si t'es rigoureux. Ensuite, apprentissage du salé par les entrées, où il y a quand même un regard du chef sur ce que tu fais, mais t'es vachement plus livré à toi-même, ou du moins libre de mettre un peu plus de sel si tu veux, mettre un peu plus de piment d'Espelette si tu veux. Et finalement, de toute manière, quand t'es en mise en place, il y a plein de moments où tu te démerdes. Tu te démerdes, t'es ta vie, chacun a du travail, tout le monde doit être prêt à la même heure, et tout le monde a une liste de mise en place, comme on appelle ça. Et en fait, tout le monde est tête baissée et a pas le temps. Donc il y a plein de moments où t'as des questions, bah tu testes. Après, attention aux initiatives personnelles, ce que je disais très très régulièrement, mon chef c'est pas d'initiatives personnelles, mauvais mauvais mauvais. Mais c'est aussi comme ça que t'apprends. Donc je crois que la cuisine c'est vraiment souvent se péter la gueule pour apprendre à se relever en fonçant. parce que pour le coup ça c'est aussi un réel apprentissage T'es tout le temps en action et t'es tout le temps dans l'action. Et je crois que d'ailleurs, une des énergies que j'aime le plus dans la cuisine, c'est que tu dois toujours être dans l'action, force de proposition et prêt à dégainer une solution en 10 secondes. T'apprends très très vite parce que c'est de l'apprentissage terrain. Je suis arrivée sans CAP, sans aucune expérience. J'ai fini à seconder le chef et je ne suis pas plus intelligente ou je n'ai pas plus de dextérité que quelqu'un d'autre. Donc finalement, c'est juste... Avoir les yeux ouverts, les oreilles ouvertes, le nez bien bien ouvert aussi, et ça roule. Je pense que comme dans n'importe quel métier, on fait des erreurs, on fait des bêtises, il y a des choses qui tournent et il y a des choses qui ne tournent pas. Moi, il m'est arrivé au tout début de ma reconversion, ce qu'on pourrait appeler une bourde en cuisine, un cauchemar en cuisine. On est en plein mois de septembre, il fait encore bien bien chaud et une des particularités du resto dans lequel je bossais, c'est que tous les desserts sont accompagnés de glace et pour ce faire, on a une très très belle machine suisse. Mais du coup, les machines suisses, souvent, elles sont chères. Et là, Lulu, elle n'écoute pas bien les instructions, mais en fait, par mimétisme d'autres collègues un peu négligents, elle nettoie mal cette machine qui permet en fait de faire passer la glace d'un bloc de béton à une crème hyper onctueuse. Et un jour, un peu dans la panique du début de service, je lance la machine. Mon chef, à ce moment-là, me dit Tu l'as bien nettoyé la machine hier ? Sur quoi je réponds Oui, ça n'a pas manqué. Ni une ni deux, il y a de la fumée qui sort de la machine, limite au moment où je lui réponds ça. Et en fait, j'ai complètement flingué cette machine qui a un prix démentiel. Et ce qui a été assez extraordinaire d'ailleurs à ce moment-là, c'est que mon chef ne m'a pas du tout engueulée. Il a été hyper doux, il m'a dit Ok, pas de problème. Et c'est en ça d'ailleurs que le ou la meilleur des chefs, c'est celui ou celle qui va réussir à ne jamais s'énerver. Après, il faut savoir que je pense qu'en cuisine, je faisais une bourde par jour. Des grosses, certainement pas, parce qu'elles étaient rattrapables, mais des bourdes quand même, et c'est comme ça qu'on apprend, je crois. Le plus difficile au début dans la resto, et dans une cuisine surtout, c'est le rythme. En fait, je crois qu'il y a un double sentiment, c'est le fait de dire que t'es là par passion et t'es là avec toute ton énergie, que t'es pas forcément reconnue à ta valeur. Donc ça, c'est dur. Mais ce qui a été le plus dur au début, c'est l'épuisement physique. Et le temps de t'y faire, ça prend quand même pas mal de points de vie, étant donné que t'arrives à 8h30, 8h du matin, tu bosses à fond, fond, fond, et tout ça toujours debout. jusqu'à la fin de ton service qui est à 15h, 15h30, tu rentres chez toi, tu dors une heure, tu reviens en cuisine à 17h, tu reboches jusqu'au début de service, tu tapes tout ton service, tu nettoies et tu ranges toute la cuisine. Et là, il est minuit. Donc en fait, de 8h à minuit avec une heure de pause plus deux fois une demi-heure pour tenter de te nourrir. T'es debout et t'es dans un stress, donc c'est épuisant. C'est énergivore à fond. Et ça, ça a été le plus dur au début. Et l'autre chose, je pense, qui est dure, c'est le fait d'avoir un rythme très décalé. Je sortais de service à minuit le vendredi. J'avais l'anniversaire de ma meilleure copine, par exemple. Je voulais y aller, donc j'y allais. J'y allais jusqu'à 2, 3, 4 heures du matin. Et je me réveillais le lendemain à 7h30 pour aller en cuisine. Donc j'essayais de le combattre. Mais je pense que je me suis aussi abîmée à un moment. Et que je continue en continuant ce métier. Je continue à m'abîmer physiquement notamment. Mais ça, je crois que c'est deux éléments. La fatigue physique et la fatigue sociale. Je crois que ça, ça a été assez dur. Il y a un grand chef qui est gestionnaire de plusieurs restaurants et il y a un chef exécutif dans chacun des restaurants. Je vais d'abord parler du grand chef. Je l'aime bien, moi il me charme assez vite. C'est un mec qui parie sur des reconvertis par exemple, ça c'est la première image que j'ai de lui. C'est qu'il dit voilà, moi j'adore les gens qui se reconvertissent parce que c'est les plus ambitieux, c'est ceux qui savent où ils veulent aller, c'est ceux qui ont le plus d'énergie. Donc il me charme très très vite avec son discours et je le vois à l'œuvre parce que je suis dans une cuisine où il y a plein de reconvertis donc évidemment que je trouve que c'est une belle philosophie. C'est un gars qui vient de palaces, d'étoilés, d'une grande rigueur, donc ça c'est une philosophie qui m'intéresse, où en fait c'est la quête de l'exigence permanente. Quitte à se faire mal, quitte à ce que ce soit dur, c'est l'exigence à tout prix. Donc ça, ça me plaît énormément. C'est un jeune vieux, entre guillemets, qui est assez conscient de l'écologie, enfin de l'écologie, c'est même pas tant de l'écologie, mais c'est des problématiques de transition alimentaire. Et il les embrasse plutôt pas mal, donc il se fournit relativement bien et tout, même si... Il y a plein de choses qui me dérangent. Par exemple, au dessert, souvent tu utilises des siphons. C'est des bonbonnes pressurisées avec du gaz qui sont en cartouche. Les cartouches, on les foutait limite dans les éviers. Enfin, j'exagère, mais on les foutait à la poubelle. Et moi, la première fois que j'ai utilisé un siphon et que j'ai sorti une cartouche vide, j'aurais dit oui, je la mets où ? pour la trier, parce que c'est quand même des produits un peu dangereux et des matériaux un peu dégueux. Et là, il me regarde à ma souris, il me dit bah, dans la poubelle ! Et typiquement, ça c'est un truc très vite. Moi, je me suis révoltée. Je lui ai proposé des solutions. J'étais un peu conseillère de nouvelles solutions, en plus d'être cuisinière. Et du coup, j'aimais sa philosophie, mais j'avais beaucoup de choses à lui redire. Après, mon chef exécutif, qui était le chef que je voyais quotidiennement, lui, alors il avait plein de défauts, mais qu'est-ce qu'il était extraordinaire. Il avait plein de défauts parce que c'est un homme, et que quelqu'un de parfait, c'est nul. Mais lui, sa philosophie, pour le coup, elle m'a marquée à vie, parce que c'est un gars, je pense, qui veut tellement donner que sa philosophie, elle n'était qu'humaine. Il faisait ça par humanité, pour l'humain et pour le plaisir de l'autre. Il y a plein de choses que je partage pas avec l'un, l'autre, mais tout ce que j'ai pris chez eux, je l'adore. Tout ce qu'ils m'ont donné, je l'adore. J'ai un triple sentiment quand je cuisine, je crois, qui est un sentiment où je suis canalisée. J'ai un grand sentiment où je me sens à ma place. Et ça, pour rien au monde, je veux troquer ce sentiment, même si c'est pour être la reine du monde. Vraiment juste, je me sens à ma place quand j'ai un couteau dans la main et que je suis en train de créer. Il y en a un troisième, c'est une excitation assez permanente, je crois. J'adore cuisiner les légumes plus que la viande, les poissons, etc. Parce que je trouve qu'ils peuvent prendre des formes tellement diverses que ça m'hallucine. Et surtout, je suis dans une curiosité permanente de savoir jusqu'à quel point je peux utiliser la totalité d'un légume et la totalité d'un aliment. Et je trouve que c'est dans le légume, quel qu'il soit, carottes, tomates, courgettes, de saison évidemment s'il vous plaît, je suis toujours très curieuse de voir jusqu'à quel point on peut le transformer. Donc mon aliment préféré c'est ça, après j'avoue j'adore les pâtes, c'est vraiment un truc qui me passionne, cuisiner les pâtes ça me passionne, je trouve ça toujours réconfortant, c'est un plat qui plaît à tout le monde et qui parle à n'importe qui. Donc j'avoue que les pâtes c'est simple mais bien réalisé, c'est pas si simple. Ça fait huit mois que je suis dans ce resto où je décide de me reconvertir et où je passe du très bon temps. Et à ce moment-là, j'ai tout un tas de copines qui me rappellent une nouvelle fois, parce que ce n'est pas la première fois que j'entends ça sur les dernières années, qu'il faut absolument que je rencontre cette fille-là, il faut absolument qu'on se revoie, qu'on discute. Cette fille-là, ce sera ma future associée. Et c'est une fille que j'ai rencontrée 15 ans auparavant. mais dont j'avais pas le numéro de téléphone et avec qui je souhaitais pas les anniversaires. Mais dès qu'on se croisait, même le temps d'une soirée tous les deux ans, on discutait énormément. C'est la cuisine qui nous a rapprochés, parce que ça fait huit mois que moi je suis dans le restaurant, et Louise, elle vient de se reconvertir, se lance dans un CAP et a un peu besoin de conseils. Donc on se décide de s'appeler, on discute au téléphone, puis on se voit très vite. Et en fait, là, il y a un coup d'éclat entre nos deux énergies incroyables. En fait, on clique sur beaucoup de choses, beaucoup de points de vue similaires, beaucoup d'énergies similaires, une philosophie globale qui va dans le même sens où en fait, j'ai un peu l'impression d'être face à une sœur. Et c'est hyper perturbant sur le moment, parce que je me dis, waouh, en fait, ah ouais, on connecte énormément toutes les deux. Donc elle, elle fait son bout de chemin dans la cuisine pendant que moi, j'évolue dans mon resto. Mais on est vachement en contact, on se donne toujours des tips. Elle, plus elle avance dans sa formation et dans des expériences dans des restos, plus on a d'interactions parce qu'on commence vraiment à ressentir les mêmes choses, professionnellement mais du coup personnellement aussi. Et donc les discussions sont toujours plus fortes, toujours plus dans le même sens. En tout cas niveau pro et niveau vision de demain, on est vraiment sur la même longueur d'onde. Et six mois après nos premiers contacts... Elle m'appelle et elle me dit, Lucie, on va arrêter de se faire chier et puis on va travailler pour nous. Est-ce que tu veux qu'on se lance dans une aventure ? Donc là, moi, ça me tombe un peu dessus, mais j'aime bien ce qu'elle me raconte. Elle me parle de courses larges, de marins, de chefs à domicile. Et c'est plein de choses qui m'animent et où, en fait, intrinsèquement, depuis longtemps, je sais que je veux faire de l'entrepreneuriat, mais je n'avais toujours pas trouvé mon énergie. Et en fait, elle me fait rendre compte que j'ai trouvé l'énergie pour démarrer mon aventure entrepreneuriale. Mon énergie, c'est la cuisine et elle, ça va être mon catalyseur d'énergie. Donc, on se revoit à la rentrée après cet appel du 15 août. Moi, je suis tout feu, tout flamme. Je veux tout de suite quitter mon resto, je veux qu'on se lance maintenant. Elle, dans sa grande mesure et dans une forme de sagesse qu'elle a, elle me dit non, prends encore ce que tu as à prendre. Moi, de mon côté, je prends encore ce que j'ai à prendre en expérience. Mais on continue à discuter, on perfectionne notre envie, notre idée, et si on est vraiment sûr, on se lance. Au bout de quasi un an de discussion, on décide de s'associer. Et là, les étincelles ont commencé à jaillir dans nos têtes, dans nos cœurs, parce que ce qui est assez marrant, c'est que c'est une association qui a été évidente pour tout le monde, sauf pour nous. Donc le jour où on décide vraiment de le faire et qu'on commence à faire de la cuisine ensemble, à faire des événements ensemble, à se montrer au public, à deux en tant que binôme, très vite, j'avoue que je sais que j'ai pris la bonne décision. Le 25 mai 2023, les Michel naissent, une association de Louise et moi-même, en tant que chef nomade et néo-traiteur. C'est toute une philosophie qui se veut remettre l'humain au centre du débat et être dans le lien permanent à l'autre, parce que je pense qu'on est cruellement en manque de liens sociaux et de liens positifs entre nous. Donc ça, c'est ce qui nous unit en tant qu'humaines, Louise et moi. Ensuite, Chef Nomade, ça nous permet d'aller chez les gens, de voyager pour tout plein de missions différentes. Et puis, c'est cette envie aussi de se dire qu'on va aider les autres plutôt que se mettre en galère parce qu'aujourd'hui, la resto, avoir un lieu, etc., ça peut être hyper compliqué. Donc, pour le moment, on préfère aller aider les gens en s'installant, par exemple, dans des restos un peu à bout de souffle, qui galèrent et qui sont avec des restaurateurs épuisés, pour les soulager. Et ensuite, néo-traiteur, ça veut dire nouveauté. En fait, on veut, avec Louise, essayer d'avoir une nouvelle philosophie en tant que traiteur. On aime bien aussi s'appeler des néo-mamies, parce que notre envie, c'est de revenir à l'essentiel, de revenir à la terre, de revenir à l'humain, à travers une cuisine locale, maison et fraîche. Et je crois que réunir ces trois éléments, c'est vraiment notre projet, parce qu'en fait, notre triple respect, qui est le respect de la terre, à travers les liens qu'on tisse avec nos fournisseurs, nos producteurs, les agriculteurs. avec qui on passe en semi ou en direct. Le deuxième respect, qui est évidemment le respect de nous-mêmes en tant que cuisinières et du coup de l'ensemble des maillons de la chaîne de restauration, donc les serveurs, les cuisiniers, les plongeurs, les bookers, les managers, tous ces gens-là, c'est des gens qu'il faut remettre sous le feu des projecteurs. Le dernier respect, il est évidemment pour le client final avec lequel on... Essayent toujours d'avoir un premier appel téléphonique pour saisir la totalité de l'envie, du besoin, de ce qu'ils ont dans la tête pour leurs événements. Et c'est les respecter aussi à travers du non-mensonge, un prix juste dans l'assiette et des bons produits. C'est ça les Michel. On a décidé depuis le début avec Louise de dire en fait, on a les têtes relativement bien faites pour aujourd'hui être actrice, parce que le temps presse. Je crois que c'est une réalisation qu'on a toutes les deux, à travers ce qu'on a vécu, ce qu'on a vu, ce qu'on a appris. Le temps il presse et on n'a plus le droit de se cacher. Donc évidemment, aucun consommateur n'est parfait. Moi la première, je suis en parfaite dans ma consommation, mais en tout cas aujourd'hui, sans jamais être moralisatrice, on essaye de créer de la sensibilisation. Autour de nous, que ce soit auprès de copains qui nous demandent comment évoluent nos projets, surtout auprès de clients, parce que très concrètement, on ne va pas changer l'éducation des gens, mais par contre à notre échelle, si on arrive à créer des réalisations un peu à l'image du colibri, on va réussir à éteindre le feu. Et donc du coup, à chaque fois par exemple qu'on a une demande de devis pour un événement ou pour une occasion, notre premier réflexe c'est de décrocher notre téléphone, d'appeler les gens, et de leur expliquer pourquoi passer avec les Michel, c'est bien, pourquoi c'est vertueux. On impose énormément de choses. Aujourd'hui, moi, je suis persuadée que si on veut faire bouger les choses, il faut en poser. Et on voit aujourd'hui que ça fonctionne, à notre petite échelle, encore une fois, mais c'est déjà énorme. Parce qu'en fait, depuis qu'on a commencé avec Louise, il y a une seule prestat en un an où on a utilisé du jetable. Toutes les autres, c'était que de la vaisselle, de la vraie vaisselle vintage. Donc oui, c'est un coût en plus, mais si tu l'expliques bien aux gens. Ils sont de plus en plus ouverts, notamment quand il s'agit de budgets qui ne sortent pas de leur compte en banque, mais de ceux de leur boîte. En fait, ils sont OK de mettre X euros en plus. Et je crois que tout l'intérêt de notre discours est l'un, c'est de leur dire que vous allez être acteurs du changement en passant par nous. Le rôle pédagogique, il se matérialise aussi. Si on a possibilité, dans les événements sur lesquels on officie, on ne veut plus être des traiteurs fantômes. Du moins, ce qu'on appelle un peu des traiteurs fantômes, qui sont des gens qui vont passer des plateaux sans jamais être vus ou insister à un point. Et donc nous, sur plein d'événements où on travaille, on demande, voire on impose aux gens de nous laisser un temps de parole. Et donc du coup, dans des réunions de dirigeants du CAC 40, parfois on prend... Ne serait-ce qu'une minute trente pour pitcher ce qu'on fait, leur souhaiter de se régaler, mais en tout cas pour leur dire ce qu'on fait. Et ça je crois qu'elle est là la sensibilisation, c'est que déjà ça perturbe souvent. C'est les gens en face qui se disent mais c'est marrant, jamais on... qui nous expliquaient quelle était l'importance de bien se nourrir, etc. Mais je crois que ça, ça marque. Parce qu'on ne le fait jamais de manière poussive ou agressive, etc. On le fait vraiment toujours dans un cadre de collaboration, en fait. Si les gens, ils se disent, ok, on veut passer avec les Michel parce que ça nous rend vertueux, on leur dit, laissez-nous placer deux minutes juste pour qu'on dise aux gens que ce qu'ils vont manger, c'est issu de la main de l'homme et du pouvoir de la collaboration. J'ai un rapport maintenant qui est hyper différent à plein de choses, c'est-à-dire que la consommation frénétique de la société m'effraie, elle m'effrayait moins avant. J'ai un respect encore plus important aujourd'hui pour tous les métiers de la Terre. Ça m'a aussi ouvert vachement les yeux sur l'urgence dans laquelle on se trouve quant à la façon dont on va traiter l'humain, notamment dans des métiers hyper hard comme la resto, mais surtout l'urgence climatique et qui se retranscrit dans les produits qu'on a ou justement qu'on n'a pas. Dans le gâchis alimentaire, dans la surproduction, dans la surconsommation, toutes ces choses-là, j'en ai encore plus pris conscience à travers mon métier. J'en fais le combat de ma vie. Et autre chose que je pense que j'ai réalisée avec ce métier, c'est le fait de toujours être hyper exigeante. On n'est jamais trop exigeant, même si ce n'est pas comme les autres. Il vaut mieux être trop exigeant que pas assez. Je crois que je me suis rendue compte aussi de la vraie pénibilité du travail. J'ai eu une révélation avant de quitter mon taf, mon premier travail. Je l'ai quitté, je suis arrivée dans la cuisine. J'ai adoré. En fait, depuis la décision que j'ai prise en 2021 de quitter la norme qu'on m'avait inculquée et que je respecte, mais qui ne me convenait pas, c'est devenu mon état d'esprit général. C'est-à-dire que je ne suis même pas sûre d'avoir choisi ce métier comme étant ma carrière de demain. J'ai choisi ce métier parce qu'il m'aligne avec moi-même, il répond à ce que je veux donner à l'autre, il répond à ce que je veux donner au monde, etc. Et je le vis plus comme une philosophie de vie que comme un métier ou une carrière, parce que je sais déjà quel est mon métier dans dix ans. Je veux refaire des meubles, je veux retapisser des sièges. La liberté que j'ai eue en prenant cette décision, elle m'a marquée, je pense, à vie, dans le fait de se dire qu'il ne faut pas faire de plan, il faut juste suivre son instinct. Cette philosophie, elle a été tatouée sur mon cœur et dans ma tête. Le jour où j'ai dit je m'en vais, j'arrête d'essayer de rentrer dans des cases et en fait je suis moi-même et juste moi-même à travers mes décisions. Si je n'avais pas fait la décision il y a 4 ans de me lancer, de me reconvertir un peu sur un coup de tête dans la cuisine, je pense qu'aujourd'hui je n'aurais pas ce sentiment d'être à ma place et je serais finalement beaucoup beaucoup moins heureuse que ce que je ne suis. Je crois qu'en effet je suis assez fière d'avoir fait ce move-là. Je ne suis pas tant fière de m'être convertie, d'être allée dans ce milieu, mais je suis fière d'avoir suivi mon instinct. Faire un métier comme celui que je fais, j'en suis fière. Et je suis aussi et surtout très très fière de le faire de la manière dont je le fais. C'est une fierté assez quotidienne de mettre en valeur notre terroir et nos compétences gastronomiques en France. Je crois que s'il faut que je donne deux conseils à quelqu'un qui aimerait se lancer, que ce soit dans la cuisine, dans la peinture ou dans le cirque, je lui dirais de foncer, d'avoir hyper confiance en sa décision tant qu'il suit son instinct et surtout de jamais vivre à travers le rêve de quelqu'un d'autre. Parce que c'est comme ça qu'on devient heureux, je crois.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Tentatives, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que le témoignage de Lucie vous a plu, et si vous aussi vous voulez raconter une expérience qui vous a marqué, vous pouvez me contacter sur Instagram, je vous mets le lien dans la description. D'ailleurs, vous pouvez aussi suivre le compte Instagram du podcast, et n'hésitez pas à le partager et à vous abonner pour me soutenir. A dans deux semaines pour un nouvel épisode ! Ciao !

Description

Et si une expérience toute simple de la vie en changeait le cours ? Si d’un simple service pouvait découler une révélation puis une démission, une reconversion, et un plongeon corps et âme dans un univers inconnu, le tenteriez-vous ? Lucie oui, elle a rendu un service à son frère, et sa vie à changé. Aujourd’hui, elle nous fait découvrir les mystères des cuisines des restaurants parisiens.


Alors retroussez vos manches, passez de l’autre côté du restaurant, et soyez prêts, la température monte à plus de 43° dans la cuisine du restaurant où Lucie fait ses premiers pas…


Pour suivre les aventures de Lucie et Louise AKA Les Michèles, RDV sur leur compte instagram : https://www.instagram.com/lesmichelesnomades/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressorties grandes. Je m'appelle Lucie Erlin, j'ai 26 ans. Depuis 4 ans, je suis reconvertie en cuisine, alors il n'y a pas que ça qui me définit. Je suis aussi pleine de bonnes énergies et d'hyperactivité. En 2021, j'ai commencé à bosser avec un super entrepreneur et une de mes missions les plus importantes, c'était que je préparais l'édition d'un magazine saisonnier qui sortait quatre fois par an. Et donc, j'étais à la fois sur le terrain, en régie, en logistique, sur les doses d'impression et de direction artistique ensuite. Suite à deux ans de boulot avec lui, je me rends compte que j'adore mon métier, j'adore mon travail, mais qu'il manque quelque chose. Et ça commence à vraiment me peser. Je ressentais une vraie frustration parce que je voguais dans des milieux hyper artistiques et hyper créatifs que sont l'édition, la production ciné et tout. Mais j'étais toujours la figure sérieuse, administrative, qui gérait les comptes, qui s'occupait de la logistique. Je sentais qu'il me manquait un truc foncièrement, j'avais un vide en moi. Donc ce vide, il s'est automatiquement transformé en une espèce de tristesse, où je n'avais plus trop goût quand je me réveillais le matin, où j'avais du mal à m'automotiver, où j'avais des pertes de concentration hyper fréquentes, voire quasi constantes quand j'étais devant un ordi. Je m'étais beaucoup moins d'entrain à faire les missions que j'avais à faire, même si je construisais toujours des relations incroyables professionnellement parlant, à travers des rencontres, à travers l'évolution de la relation que j'avais avec mon ancien patron qui était... juste extraordinaire et qui aujourd'hui est un vrai mentor et un vrai gars que j'admire énormément. Donc c'était étrange parce que j'avais une dualité de sentiments où j'admirais fortement quelqu'un et où j'avais vraiment envie de reproduire ce qu'il faisait, où il m'a inculqué l'entrepreneuriat, etc. Mais où de l'autre côté, en fait, je jalousais peut-être la liberté des gens que j'observais et je me disais, ok, ça ne te ressemble pas de t'enfermer dans quelque chose où finalement tu n'es pas aligné avec toi-même. ce sentiment j'ai eu besoin de le combattre et je m'interroge parce que ça me rend malheureuse sans vraiment que j'arrive à comprendre pourquoi et un jour je me dis ok je veux plus de concret, plus artistique donc ça c'est la première pensée que j'ai je me dis ok ça te ressemble pas d'être toute molle, d'être toute dépressive parce que j'étais vraiment dans un sentiment quasi dépressif à ce moment là je me dis prends action fais quelque chose à ce moment là peut-être par coup du destin mon frère fête ses 25 ans En y réfléchissant ensemble et en l'organisant tous les deux, je me rends compte qu'en fait je me sens hyper capable de produire le dîner pour les 75 invités qu'il avait décidé d'asseoir autour d'une grande table et d'un grand banquet. Je commence à me mettre en tête que je vais prendre ce challenge avec trois objectifs. Le premier, c'est que j'y prenne du plaisir. Le deuxième, c'est que les gens kiffent déguster ce que je leur aurais préparé. Et le troisième, je ne sais pas pourquoi, j'avais un espèce d'objectif de me dire Ok, il faut que tu y arrives dans un certain temps, il faut que tu y arrives avec un minimum de paire et avec un maximum de goût. Tout ça se met en place, ça va assez vite. Je pense qu'en un mois, j'ai dit à mon frère, je m'en occupe et finalement la soirée a lieu. Entre midi et 22h, je m'active en cuisine pour préparer des dizaines de plats différents pour nourrir ces 75 personnes. En 6-6, je suis hyper fière de moi, les gens se sont régalés. On a réussi à asseoir 75 personnes dans une vieille verrière des expositions universelles au milieu d'une forêt, où finalement j'ai cuisiné avec une cuisine plus que rudimentaire, donc c'était assez énorme. Et en fait, suite à ça, je rentre à Paris le dimanche soir, et le lundi, je me dis Ok, fais des CV, envoie-les pour de la resto Donc le lundi, je suis en canapé en télétravail. Je suis en train d'envoyer des CV à des annonces qui recrutent des gens sans forcément d'expérience. Donc là, je shoot. Trois jours après, j'ai une première réponse d'un chef qui me dit Je suis désolée, c'était hyper long le délai d'attente et tout. Ce à quoi je lui réponds Vous inquiétez pas, je suis habituée à un tout petit peu plus mon temps dans le domaine du commerce, donc pas de problème. Le lendemain, je démissionne en me disant Je ne peux pas être sur deux tableaux et j'ai pris ma décision. Je vais faire de la cuisine. La semaine d'après, je fais mon jour d'essai. Je suis prise le lendemain de mon jour d'essai. Et je commence sept jours après. Donc là, les deux pieds dans le plat, je me retrouve commis cuisine. Je me rends bien compte qu'au début, je suis quand même dans une hésitation. Même si avec du recul, j'ai bien fait de ne pas réfléchir et d'y aller hyper vite. Parce que finalement, c'est ça qui a été clé dans mon switch. J'ai de me dire... N'écoute pas les autres, suis ton instinct et vas-y. Pour moi, il y a eu deux premiers jours de ce travail. Il y a eu un premier jour qui était le jour d'essai, qui est en fait une journée type que tu vas passer en tant que potentiel prétendant au poste. Tu es en poste à l'endroit où tu seras le jour où tu viendras pour vraiment travailler et tu observes. Donc tu es là pour épauler et soutenir pendant le service si tu en as la capacité et s'il y en a un besoin, mais sinon tu es là pour observer. J'avais été hyper surprise quand le chef avec qui j'ai fait le premier entretien avant l'essai m'avait dit pas de pression pour ton premier jour Et pour ta première fois dans une cuisine professionnelle, parce que je tiens à le rappeler, c'était ma première fois au sein d'une cuisine professionnelle, sachant que tout ce que je faisais, c'était recevoir des copains à dîner ou à déjeuner. Alors oui, des grandes tablées, mais pas des restaurants gastronomiques. Et il me dit, tu ne vas pas être jugée sur tes capacités à cuisiner, tu vas être jugée sur notamment ta gestuelle de corps et ton énergie de corps, parce que dans 6 mètres carrés à 5, il faut savoir se comporter et tu peux être la meilleure des cuisinières. Si tu donnes des grands coups dans tous les sens, tu ne travailleras pas avec nous. J'étais assez stressée pour le jour d'essai. En plus, on m'avait prêté des affaires de cuisine, je me trouvais ridiculement moche et tout. Il y avait tout plein d'étapes à accepter. Je me souviens que j'étais épuisée le soir parce que c'est un espèce de tumulte fou d'informations. Quand tu es dans une cuisine en plein service, dans un restaurant type celui dans lequel je bossais, on parle de 70 couverts au déjeuner en 50 minutes à une hauteur gastronomique en termes de qualité dans l'assiette et de 80 couverts le soir. Et tout ça en étant seule au poste des desserts, seule au poste des entrées. ou à deux au poste des plats. Donc, il faut un tout petit peu d'énergie. Donc, je me souviens d'avoir été hyper rincée, très contente, parce que j'ai ressenti beaucoup de satisfaction. Satisfaction de travailler avec mes mains, satisfaction d'être dans une interaction permanente. Donc, une première journée qui me rend très heureuse, en fait, je crois. Les réactions, elles ont été assez variées quand j'ai posé ma dème et que j'ai quitté ce super job que j'avais. Moi, je me sentais hyper soulagée et très fière, même si, évidemment, aller vers l'inconnu, ça fait toujours un peu peur. Il y a eu des réactions interpersonnelles de plein de copains qui me disaient que c'est hyper courageux de faire ça. En fait, ça allait tellement vite que les gens n'ont pas eu le temps d'avoir de ressenti sur le moment. Ils l'ont eu quand j'y étais déjà. Limite, ils ont appris que j'étais dans une cuisine quand je les ai revues deux semaines plus tard. Donc c'était plus genre, mais non, arrête, de la surprise, beaucoup de surprises. Évidemment, j'ai une maman qui a commencé à s'inquiéter en me disant mais Lucie, c'est un monde dur, c'est un monde pénible, physiquement, mentalement, psychologiquement, c'est un monde d'hommes. Elle a été surprise, mais d'un autre côté, elle était dans un soutien total parce que j'ai la chance d'avoir des parents qui, depuis le début, quoi que je fasse, m'ont énormément soutenue. Et je crois que la meilleure des réactions, ça a été celle de mon grand-père, qui est un monsieur plutôt classique, plutôt traditionnel, etc. Et je ne sais plus comment il l'a appris, mais en tout cas, je me souviens qu'il essaye de m'appeler. Et j'étais en cuisine du coup, ce jour-là, c'était un des premiers jours, donc je ne réponds pas. Et il me laisse un message. Et il me dit à quel point il est fier que j'ai osé faire ça, que j'ai osé prendre et apprendre à manier la poêle. Et je ne sais pas, je me souviens que ça m'a chamboulé le fait qu'il éprouve autant de sensibilité, autant de fierté. Ça m'a chamboulé, je me suis dit Ok, je suis au bon endroit, c'est cool Personne ne sait ce qui se passe en cuisine. Il n'y a que les cuisiniers qui savent ce qui se passe en cuisine, parce que même un responsable de salle, tant qu'il n'a pas mis les deux pieds dans une cuisine pendant un service, il ne comprendra jamais. J'ai commencé en juin, il faisait très très chaud, donc je découvrais en fait la complexité ultime de la cuisine, qui sont des services aussi rapides qu'en plein hiver, mais où il fait 43 degrés au-dessus des plaques dans la cuisine. Donc il fait très très très très très chaud. Donc ça, je m'en souviens, ça fait partie des premiers trucs que j'ai remarqués. C'était la chaleur qu'il y avait et cette espèce d'omniprésence de pression, de pression de temps, de pression de qualité, mais qui n'était pas forcément, voire jamais, une pression négative. Il y a du stress, il y a du retard. Un cuisinier est toujours en retard. Ça, c'est une espèce de règle hyper absurde, mais tellement vraie. En cuisine, tu as toujours quelque chose à faire. Et ça, je trouve que ça caractérise vraiment une énergie parce qu'il n'y a jamais d'inactivité. Les moments d'inactivité, c'est des moments de fatigue, uniquement. Où en fait, t'es épuisé, t'as trop chaud, t'as limite la tête qui tourne. Donc tu t'assoies, si t'as de quoi t'asseoir, parce qu'en cuisine t'as pas de quoi t'asseoir. Ça va surprendre, mais en fait tu t'assoies par terre quand tu veux prendre un temps pour toi. Dans une cuisine, t'es tout le temps hyper attentif et hyper en lien, qu'il soit verbal ou non verbal, avec tes collègues, tout le temps. Déjà parce que tu touches presque le dos de ton collègue de derrière, et en plus de ça parce qu'on t'apprend vite en cuisine qu'il faut avoir tous les sens éveillés. À titre hyper personnel, j'ai eu la chance de tomber, de mon point de vue, sur la meilleure brigade dans sa bienveillance, dans son oreille attentive, dans son envie de transmettre le savoir. Il y avait beaucoup de douceur, il y avait beaucoup de fraternité, donc pas de sororité, parce que j'étais la seule femme. Et d'ailleurs, c'était très intéressant, après avoir quitté ce restaurant, quand je rediscutais avec mes anciens collègues, qui y étaient eux encore, ils me disaient c'est dingue comme l'énergie d'une femme nous manque Donc c'est vrai que c'est vraiment un mélange très humain. Moi, les énergies que j'ai ressenties, elles étaient vraiment tournées vers le partage, la rencontre, la bienveillance, tout ça, ça a caractérisé mon expérience. Et je ne pourrais jamais remercier assez cette brigade et ce chef, et ces deux chefs qui m'ont transmis tout ce qu'ils savaient, parce que j'ai tout appris grâce à eux. Ils m'ont fait naître une passion, ils m'ont fait naître des émotions. Les émotions caractérisent aussi énormément la cuisine, étant donné que tu es dans un petit métrage carré, avec un nombre de personnes qui remplit quand même relativement vite l'espace. Tu peux pas masquer tes émotions. C'est-à-dire que t'arrives épuisée parce que t'es en gueule de bois ou épuisée parce que t'es en peine amoureuse, ça va transparaître. Si t'as une boule noire en cuisine, l'énergie elle est flinguée. Si tu commences à t'énerver, à te fermer, à être négatif, etc., automatiquement, il va y avoir une mauvaise ambiance pendant le service où quelque chose va mal se passer pour toi. Moi, je l'ai vu quand j'étais trop fatiguée et que je ne voulais pas l'accepter, quand j'étais énervée ou que j'étais dans une mauvaise phase, parce qu'on est quand même tous humains. Ça arrive, mais le peu de fois où tu le contenances trop et que t'en fais une boule noire, en fait, tu t'enfermes dans un espèce de cercle horrible où tout va mal se passer pendant ta journée et où tu vas accumuler encore plus de frustration. Ça a été le premier apprentissage que j'ai eu du grand chef, enfin du grand chef, on l'appelait le grand chef comme le grand magnitou, qui me disait Lucie, la cuisine c'est un métier de grande satisfaction autant que de grande frustration. Parce que c'est tellement concret que quand tu réussis quelque chose, tu es hyper satisfaite. Mais dès que tu rates quelque chose, ce qui arrive régulièrement, notamment quand tu commences, tu accumules de la frustration en permanence. Et en plus de ça, ça peut te mettre dans un jus pas possible, parce qu'en fait si tu loupes tes choux que tu cuis au moment du service, t'es dans la merde. Mais c'est que des énergies qui sont tellement canalisantes. Moi, je sais que j'ai réussi, pour la première fois de ma vie, à canaliser une vraie forme d'hyperactivité. C'est assez contradictoire parce que j'étais très apaisée dans cette tempête, en fait. Parce que pour la première fois de ma vie, pendant trois heures, j'arrivais à baisser la tête et à penser à rien d'autre que avancer. Et que travailler, qu'être motivée, et qu'être surtout très concentrée. donc c'est tout plein d'énergie qui se confronte dans une cuisine mais je pense qu'en fait c'est un lieu de vie tellement intense la cuisine que toutes les émotions que vous pouvez ressentir dans une journée elles sont contenancées en une heure dans une cuisine c'est à peu près ça je crois tellement c'est intense et tellement c'est du huis clos La cuisine, il faut te formater à écouter. Moi, j'ai été très vite dans le oui-mais. C'est pas tant que j'aime bien avoir raison, c'est juste que j'aime tellement tout comprendre que souvent j'interroge tout en faisant du oui-mais. Donc ce qui était intéressant et que j'ai adoré dans l'apprentissage, c'est que j'avais un chef qui était très saoulé que je lui fasse du oui-mais, mais qui était très paternel et vachement dans la transmission. Du coup, à chaque fois que je lui faisais un oui-mais, il me disait vas-y, fais Donc moi, petite Anne que je suis, je faisais. Je me trompais. je ratais, il me regardait et me disait Voilà, la prochaine fois, tu m'écouteras. L'apprentissage, il a été assez militaire sur l'erreur, mais très positif. Donc ça, c'était chouette. Du coup, j'ai commencé au dessert. Et la philosophie du groupe dans lequel je bossais, c'était que tous les gens qui rentraient, soit sans expérience, soit avec peu d'expérience, ils commençaient au dessert pour mettre tout le monde sur un même pied d'égalité. Et notamment parce que les desserts, même si on n'était pas pâtissier, on faisait des desserts de cuisinier, ça demande beaucoup de rigueur, de la recette. Donc on travaillait sur des recettes écrites sur du papier. Donc l'apprentissage au début, il était assez scolaire, même s'il y a toujours beaucoup d'instinct dans la cuisine. Si tu ne cuisines pas par instinct, tu n'y arriveras jamais. Après, l'avantage aussi d'être au dessert au début, c'est que, étant donné que toi, ton travail, il commence après que les premières entrées, les premiers plats aient été envoyés. Finalement, l'envoi des premières entrées et l'envoi des premiers plats, tu peux l'observer depuis ton poste, tu peux même y participer. parce que si la personne qui est aux entrées, elle se prend un gros coup de jus dès le début du service, toi qui es au dessert et qui, si tu es à la bourre, as un peu plus de temps pour te mettre en place, mais si tu es à l'heure, ne fais rien, tu vas être appelé à participer, à dresser les entrées, à aider pour les réchauffes des plats, et donc tu apprends un peu par mimétisme et par observation au début, et après le parcours a été du coup, je ne sais plus, j'ai dû faire six bons mois quand même au dessert, à la fin tu en as un peu marre, parce que c'est quand même redondant, C'est un peu moins expressif que le salé, étant donné que tu suis des recettes, mais c'est très formateur si t'es rigoureux. Ensuite, apprentissage du salé par les entrées, où il y a quand même un regard du chef sur ce que tu fais, mais t'es vachement plus livré à toi-même, ou du moins libre de mettre un peu plus de sel si tu veux, mettre un peu plus de piment d'Espelette si tu veux. Et finalement, de toute manière, quand t'es en mise en place, il y a plein de moments où tu te démerdes. Tu te démerdes, t'es ta vie, chacun a du travail, tout le monde doit être prêt à la même heure, et tout le monde a une liste de mise en place, comme on appelle ça. Et en fait, tout le monde est tête baissée et a pas le temps. Donc il y a plein de moments où t'as des questions, bah tu testes. Après, attention aux initiatives personnelles, ce que je disais très très régulièrement, mon chef c'est pas d'initiatives personnelles, mauvais mauvais mauvais. Mais c'est aussi comme ça que t'apprends. Donc je crois que la cuisine c'est vraiment souvent se péter la gueule pour apprendre à se relever en fonçant. parce que pour le coup ça c'est aussi un réel apprentissage T'es tout le temps en action et t'es tout le temps dans l'action. Et je crois que d'ailleurs, une des énergies que j'aime le plus dans la cuisine, c'est que tu dois toujours être dans l'action, force de proposition et prêt à dégainer une solution en 10 secondes. T'apprends très très vite parce que c'est de l'apprentissage terrain. Je suis arrivée sans CAP, sans aucune expérience. J'ai fini à seconder le chef et je ne suis pas plus intelligente ou je n'ai pas plus de dextérité que quelqu'un d'autre. Donc finalement, c'est juste... Avoir les yeux ouverts, les oreilles ouvertes, le nez bien bien ouvert aussi, et ça roule. Je pense que comme dans n'importe quel métier, on fait des erreurs, on fait des bêtises, il y a des choses qui tournent et il y a des choses qui ne tournent pas. Moi, il m'est arrivé au tout début de ma reconversion, ce qu'on pourrait appeler une bourde en cuisine, un cauchemar en cuisine. On est en plein mois de septembre, il fait encore bien bien chaud et une des particularités du resto dans lequel je bossais, c'est que tous les desserts sont accompagnés de glace et pour ce faire, on a une très très belle machine suisse. Mais du coup, les machines suisses, souvent, elles sont chères. Et là, Lulu, elle n'écoute pas bien les instructions, mais en fait, par mimétisme d'autres collègues un peu négligents, elle nettoie mal cette machine qui permet en fait de faire passer la glace d'un bloc de béton à une crème hyper onctueuse. Et un jour, un peu dans la panique du début de service, je lance la machine. Mon chef, à ce moment-là, me dit Tu l'as bien nettoyé la machine hier ? Sur quoi je réponds Oui, ça n'a pas manqué. Ni une ni deux, il y a de la fumée qui sort de la machine, limite au moment où je lui réponds ça. Et en fait, j'ai complètement flingué cette machine qui a un prix démentiel. Et ce qui a été assez extraordinaire d'ailleurs à ce moment-là, c'est que mon chef ne m'a pas du tout engueulée. Il a été hyper doux, il m'a dit Ok, pas de problème. Et c'est en ça d'ailleurs que le ou la meilleur des chefs, c'est celui ou celle qui va réussir à ne jamais s'énerver. Après, il faut savoir que je pense qu'en cuisine, je faisais une bourde par jour. Des grosses, certainement pas, parce qu'elles étaient rattrapables, mais des bourdes quand même, et c'est comme ça qu'on apprend, je crois. Le plus difficile au début dans la resto, et dans une cuisine surtout, c'est le rythme. En fait, je crois qu'il y a un double sentiment, c'est le fait de dire que t'es là par passion et t'es là avec toute ton énergie, que t'es pas forcément reconnue à ta valeur. Donc ça, c'est dur. Mais ce qui a été le plus dur au début, c'est l'épuisement physique. Et le temps de t'y faire, ça prend quand même pas mal de points de vie, étant donné que t'arrives à 8h30, 8h du matin, tu bosses à fond, fond, fond, et tout ça toujours debout. jusqu'à la fin de ton service qui est à 15h, 15h30, tu rentres chez toi, tu dors une heure, tu reviens en cuisine à 17h, tu reboches jusqu'au début de service, tu tapes tout ton service, tu nettoies et tu ranges toute la cuisine. Et là, il est minuit. Donc en fait, de 8h à minuit avec une heure de pause plus deux fois une demi-heure pour tenter de te nourrir. T'es debout et t'es dans un stress, donc c'est épuisant. C'est énergivore à fond. Et ça, ça a été le plus dur au début. Et l'autre chose, je pense, qui est dure, c'est le fait d'avoir un rythme très décalé. Je sortais de service à minuit le vendredi. J'avais l'anniversaire de ma meilleure copine, par exemple. Je voulais y aller, donc j'y allais. J'y allais jusqu'à 2, 3, 4 heures du matin. Et je me réveillais le lendemain à 7h30 pour aller en cuisine. Donc j'essayais de le combattre. Mais je pense que je me suis aussi abîmée à un moment. Et que je continue en continuant ce métier. Je continue à m'abîmer physiquement notamment. Mais ça, je crois que c'est deux éléments. La fatigue physique et la fatigue sociale. Je crois que ça, ça a été assez dur. Il y a un grand chef qui est gestionnaire de plusieurs restaurants et il y a un chef exécutif dans chacun des restaurants. Je vais d'abord parler du grand chef. Je l'aime bien, moi il me charme assez vite. C'est un mec qui parie sur des reconvertis par exemple, ça c'est la première image que j'ai de lui. C'est qu'il dit voilà, moi j'adore les gens qui se reconvertissent parce que c'est les plus ambitieux, c'est ceux qui savent où ils veulent aller, c'est ceux qui ont le plus d'énergie. Donc il me charme très très vite avec son discours et je le vois à l'œuvre parce que je suis dans une cuisine où il y a plein de reconvertis donc évidemment que je trouve que c'est une belle philosophie. C'est un gars qui vient de palaces, d'étoilés, d'une grande rigueur, donc ça c'est une philosophie qui m'intéresse, où en fait c'est la quête de l'exigence permanente. Quitte à se faire mal, quitte à ce que ce soit dur, c'est l'exigence à tout prix. Donc ça, ça me plaît énormément. C'est un jeune vieux, entre guillemets, qui est assez conscient de l'écologie, enfin de l'écologie, c'est même pas tant de l'écologie, mais c'est des problématiques de transition alimentaire. Et il les embrasse plutôt pas mal, donc il se fournit relativement bien et tout, même si... Il y a plein de choses qui me dérangent. Par exemple, au dessert, souvent tu utilises des siphons. C'est des bonbonnes pressurisées avec du gaz qui sont en cartouche. Les cartouches, on les foutait limite dans les éviers. Enfin, j'exagère, mais on les foutait à la poubelle. Et moi, la première fois que j'ai utilisé un siphon et que j'ai sorti une cartouche vide, j'aurais dit oui, je la mets où ? pour la trier, parce que c'est quand même des produits un peu dangereux et des matériaux un peu dégueux. Et là, il me regarde à ma souris, il me dit bah, dans la poubelle ! Et typiquement, ça c'est un truc très vite. Moi, je me suis révoltée. Je lui ai proposé des solutions. J'étais un peu conseillère de nouvelles solutions, en plus d'être cuisinière. Et du coup, j'aimais sa philosophie, mais j'avais beaucoup de choses à lui redire. Après, mon chef exécutif, qui était le chef que je voyais quotidiennement, lui, alors il avait plein de défauts, mais qu'est-ce qu'il était extraordinaire. Il avait plein de défauts parce que c'est un homme, et que quelqu'un de parfait, c'est nul. Mais lui, sa philosophie, pour le coup, elle m'a marquée à vie, parce que c'est un gars, je pense, qui veut tellement donner que sa philosophie, elle n'était qu'humaine. Il faisait ça par humanité, pour l'humain et pour le plaisir de l'autre. Il y a plein de choses que je partage pas avec l'un, l'autre, mais tout ce que j'ai pris chez eux, je l'adore. Tout ce qu'ils m'ont donné, je l'adore. J'ai un triple sentiment quand je cuisine, je crois, qui est un sentiment où je suis canalisée. J'ai un grand sentiment où je me sens à ma place. Et ça, pour rien au monde, je veux troquer ce sentiment, même si c'est pour être la reine du monde. Vraiment juste, je me sens à ma place quand j'ai un couteau dans la main et que je suis en train de créer. Il y en a un troisième, c'est une excitation assez permanente, je crois. J'adore cuisiner les légumes plus que la viande, les poissons, etc. Parce que je trouve qu'ils peuvent prendre des formes tellement diverses que ça m'hallucine. Et surtout, je suis dans une curiosité permanente de savoir jusqu'à quel point je peux utiliser la totalité d'un légume et la totalité d'un aliment. Et je trouve que c'est dans le légume, quel qu'il soit, carottes, tomates, courgettes, de saison évidemment s'il vous plaît, je suis toujours très curieuse de voir jusqu'à quel point on peut le transformer. Donc mon aliment préféré c'est ça, après j'avoue j'adore les pâtes, c'est vraiment un truc qui me passionne, cuisiner les pâtes ça me passionne, je trouve ça toujours réconfortant, c'est un plat qui plaît à tout le monde et qui parle à n'importe qui. Donc j'avoue que les pâtes c'est simple mais bien réalisé, c'est pas si simple. Ça fait huit mois que je suis dans ce resto où je décide de me reconvertir et où je passe du très bon temps. Et à ce moment-là, j'ai tout un tas de copines qui me rappellent une nouvelle fois, parce que ce n'est pas la première fois que j'entends ça sur les dernières années, qu'il faut absolument que je rencontre cette fille-là, il faut absolument qu'on se revoie, qu'on discute. Cette fille-là, ce sera ma future associée. Et c'est une fille que j'ai rencontrée 15 ans auparavant. mais dont j'avais pas le numéro de téléphone et avec qui je souhaitais pas les anniversaires. Mais dès qu'on se croisait, même le temps d'une soirée tous les deux ans, on discutait énormément. C'est la cuisine qui nous a rapprochés, parce que ça fait huit mois que moi je suis dans le restaurant, et Louise, elle vient de se reconvertir, se lance dans un CAP et a un peu besoin de conseils. Donc on se décide de s'appeler, on discute au téléphone, puis on se voit très vite. Et en fait, là, il y a un coup d'éclat entre nos deux énergies incroyables. En fait, on clique sur beaucoup de choses, beaucoup de points de vue similaires, beaucoup d'énergies similaires, une philosophie globale qui va dans le même sens où en fait, j'ai un peu l'impression d'être face à une sœur. Et c'est hyper perturbant sur le moment, parce que je me dis, waouh, en fait, ah ouais, on connecte énormément toutes les deux. Donc elle, elle fait son bout de chemin dans la cuisine pendant que moi, j'évolue dans mon resto. Mais on est vachement en contact, on se donne toujours des tips. Elle, plus elle avance dans sa formation et dans des expériences dans des restos, plus on a d'interactions parce qu'on commence vraiment à ressentir les mêmes choses, professionnellement mais du coup personnellement aussi. Et donc les discussions sont toujours plus fortes, toujours plus dans le même sens. En tout cas niveau pro et niveau vision de demain, on est vraiment sur la même longueur d'onde. Et six mois après nos premiers contacts... Elle m'appelle et elle me dit, Lucie, on va arrêter de se faire chier et puis on va travailler pour nous. Est-ce que tu veux qu'on se lance dans une aventure ? Donc là, moi, ça me tombe un peu dessus, mais j'aime bien ce qu'elle me raconte. Elle me parle de courses larges, de marins, de chefs à domicile. Et c'est plein de choses qui m'animent et où, en fait, intrinsèquement, depuis longtemps, je sais que je veux faire de l'entrepreneuriat, mais je n'avais toujours pas trouvé mon énergie. Et en fait, elle me fait rendre compte que j'ai trouvé l'énergie pour démarrer mon aventure entrepreneuriale. Mon énergie, c'est la cuisine et elle, ça va être mon catalyseur d'énergie. Donc, on se revoit à la rentrée après cet appel du 15 août. Moi, je suis tout feu, tout flamme. Je veux tout de suite quitter mon resto, je veux qu'on se lance maintenant. Elle, dans sa grande mesure et dans une forme de sagesse qu'elle a, elle me dit non, prends encore ce que tu as à prendre. Moi, de mon côté, je prends encore ce que j'ai à prendre en expérience. Mais on continue à discuter, on perfectionne notre envie, notre idée, et si on est vraiment sûr, on se lance. Au bout de quasi un an de discussion, on décide de s'associer. Et là, les étincelles ont commencé à jaillir dans nos têtes, dans nos cœurs, parce que ce qui est assez marrant, c'est que c'est une association qui a été évidente pour tout le monde, sauf pour nous. Donc le jour où on décide vraiment de le faire et qu'on commence à faire de la cuisine ensemble, à faire des événements ensemble, à se montrer au public, à deux en tant que binôme, très vite, j'avoue que je sais que j'ai pris la bonne décision. Le 25 mai 2023, les Michel naissent, une association de Louise et moi-même, en tant que chef nomade et néo-traiteur. C'est toute une philosophie qui se veut remettre l'humain au centre du débat et être dans le lien permanent à l'autre, parce que je pense qu'on est cruellement en manque de liens sociaux et de liens positifs entre nous. Donc ça, c'est ce qui nous unit en tant qu'humaines, Louise et moi. Ensuite, Chef Nomade, ça nous permet d'aller chez les gens, de voyager pour tout plein de missions différentes. Et puis, c'est cette envie aussi de se dire qu'on va aider les autres plutôt que se mettre en galère parce qu'aujourd'hui, la resto, avoir un lieu, etc., ça peut être hyper compliqué. Donc, pour le moment, on préfère aller aider les gens en s'installant, par exemple, dans des restos un peu à bout de souffle, qui galèrent et qui sont avec des restaurateurs épuisés, pour les soulager. Et ensuite, néo-traiteur, ça veut dire nouveauté. En fait, on veut, avec Louise, essayer d'avoir une nouvelle philosophie en tant que traiteur. On aime bien aussi s'appeler des néo-mamies, parce que notre envie, c'est de revenir à l'essentiel, de revenir à la terre, de revenir à l'humain, à travers une cuisine locale, maison et fraîche. Et je crois que réunir ces trois éléments, c'est vraiment notre projet, parce qu'en fait, notre triple respect, qui est le respect de la terre, à travers les liens qu'on tisse avec nos fournisseurs, nos producteurs, les agriculteurs. avec qui on passe en semi ou en direct. Le deuxième respect, qui est évidemment le respect de nous-mêmes en tant que cuisinières et du coup de l'ensemble des maillons de la chaîne de restauration, donc les serveurs, les cuisiniers, les plongeurs, les bookers, les managers, tous ces gens-là, c'est des gens qu'il faut remettre sous le feu des projecteurs. Le dernier respect, il est évidemment pour le client final avec lequel on... Essayent toujours d'avoir un premier appel téléphonique pour saisir la totalité de l'envie, du besoin, de ce qu'ils ont dans la tête pour leurs événements. Et c'est les respecter aussi à travers du non-mensonge, un prix juste dans l'assiette et des bons produits. C'est ça les Michel. On a décidé depuis le début avec Louise de dire en fait, on a les têtes relativement bien faites pour aujourd'hui être actrice, parce que le temps presse. Je crois que c'est une réalisation qu'on a toutes les deux, à travers ce qu'on a vécu, ce qu'on a vu, ce qu'on a appris. Le temps il presse et on n'a plus le droit de se cacher. Donc évidemment, aucun consommateur n'est parfait. Moi la première, je suis en parfaite dans ma consommation, mais en tout cas aujourd'hui, sans jamais être moralisatrice, on essaye de créer de la sensibilisation. Autour de nous, que ce soit auprès de copains qui nous demandent comment évoluent nos projets, surtout auprès de clients, parce que très concrètement, on ne va pas changer l'éducation des gens, mais par contre à notre échelle, si on arrive à créer des réalisations un peu à l'image du colibri, on va réussir à éteindre le feu. Et donc du coup, à chaque fois par exemple qu'on a une demande de devis pour un événement ou pour une occasion, notre premier réflexe c'est de décrocher notre téléphone, d'appeler les gens, et de leur expliquer pourquoi passer avec les Michel, c'est bien, pourquoi c'est vertueux. On impose énormément de choses. Aujourd'hui, moi, je suis persuadée que si on veut faire bouger les choses, il faut en poser. Et on voit aujourd'hui que ça fonctionne, à notre petite échelle, encore une fois, mais c'est déjà énorme. Parce qu'en fait, depuis qu'on a commencé avec Louise, il y a une seule prestat en un an où on a utilisé du jetable. Toutes les autres, c'était que de la vaisselle, de la vraie vaisselle vintage. Donc oui, c'est un coût en plus, mais si tu l'expliques bien aux gens. Ils sont de plus en plus ouverts, notamment quand il s'agit de budgets qui ne sortent pas de leur compte en banque, mais de ceux de leur boîte. En fait, ils sont OK de mettre X euros en plus. Et je crois que tout l'intérêt de notre discours est l'un, c'est de leur dire que vous allez être acteurs du changement en passant par nous. Le rôle pédagogique, il se matérialise aussi. Si on a possibilité, dans les événements sur lesquels on officie, on ne veut plus être des traiteurs fantômes. Du moins, ce qu'on appelle un peu des traiteurs fantômes, qui sont des gens qui vont passer des plateaux sans jamais être vus ou insister à un point. Et donc nous, sur plein d'événements où on travaille, on demande, voire on impose aux gens de nous laisser un temps de parole. Et donc du coup, dans des réunions de dirigeants du CAC 40, parfois on prend... Ne serait-ce qu'une minute trente pour pitcher ce qu'on fait, leur souhaiter de se régaler, mais en tout cas pour leur dire ce qu'on fait. Et ça je crois qu'elle est là la sensibilisation, c'est que déjà ça perturbe souvent. C'est les gens en face qui se disent mais c'est marrant, jamais on... qui nous expliquaient quelle était l'importance de bien se nourrir, etc. Mais je crois que ça, ça marque. Parce qu'on ne le fait jamais de manière poussive ou agressive, etc. On le fait vraiment toujours dans un cadre de collaboration, en fait. Si les gens, ils se disent, ok, on veut passer avec les Michel parce que ça nous rend vertueux, on leur dit, laissez-nous placer deux minutes juste pour qu'on dise aux gens que ce qu'ils vont manger, c'est issu de la main de l'homme et du pouvoir de la collaboration. J'ai un rapport maintenant qui est hyper différent à plein de choses, c'est-à-dire que la consommation frénétique de la société m'effraie, elle m'effrayait moins avant. J'ai un respect encore plus important aujourd'hui pour tous les métiers de la Terre. Ça m'a aussi ouvert vachement les yeux sur l'urgence dans laquelle on se trouve quant à la façon dont on va traiter l'humain, notamment dans des métiers hyper hard comme la resto, mais surtout l'urgence climatique et qui se retranscrit dans les produits qu'on a ou justement qu'on n'a pas. Dans le gâchis alimentaire, dans la surproduction, dans la surconsommation, toutes ces choses-là, j'en ai encore plus pris conscience à travers mon métier. J'en fais le combat de ma vie. Et autre chose que je pense que j'ai réalisée avec ce métier, c'est le fait de toujours être hyper exigeante. On n'est jamais trop exigeant, même si ce n'est pas comme les autres. Il vaut mieux être trop exigeant que pas assez. Je crois que je me suis rendue compte aussi de la vraie pénibilité du travail. J'ai eu une révélation avant de quitter mon taf, mon premier travail. Je l'ai quitté, je suis arrivée dans la cuisine. J'ai adoré. En fait, depuis la décision que j'ai prise en 2021 de quitter la norme qu'on m'avait inculquée et que je respecte, mais qui ne me convenait pas, c'est devenu mon état d'esprit général. C'est-à-dire que je ne suis même pas sûre d'avoir choisi ce métier comme étant ma carrière de demain. J'ai choisi ce métier parce qu'il m'aligne avec moi-même, il répond à ce que je veux donner à l'autre, il répond à ce que je veux donner au monde, etc. Et je le vis plus comme une philosophie de vie que comme un métier ou une carrière, parce que je sais déjà quel est mon métier dans dix ans. Je veux refaire des meubles, je veux retapisser des sièges. La liberté que j'ai eue en prenant cette décision, elle m'a marquée, je pense, à vie, dans le fait de se dire qu'il ne faut pas faire de plan, il faut juste suivre son instinct. Cette philosophie, elle a été tatouée sur mon cœur et dans ma tête. Le jour où j'ai dit je m'en vais, j'arrête d'essayer de rentrer dans des cases et en fait je suis moi-même et juste moi-même à travers mes décisions. Si je n'avais pas fait la décision il y a 4 ans de me lancer, de me reconvertir un peu sur un coup de tête dans la cuisine, je pense qu'aujourd'hui je n'aurais pas ce sentiment d'être à ma place et je serais finalement beaucoup beaucoup moins heureuse que ce que je ne suis. Je crois qu'en effet je suis assez fière d'avoir fait ce move-là. Je ne suis pas tant fière de m'être convertie, d'être allée dans ce milieu, mais je suis fière d'avoir suivi mon instinct. Faire un métier comme celui que je fais, j'en suis fière. Et je suis aussi et surtout très très fière de le faire de la manière dont je le fais. C'est une fierté assez quotidienne de mettre en valeur notre terroir et nos compétences gastronomiques en France. Je crois que s'il faut que je donne deux conseils à quelqu'un qui aimerait se lancer, que ce soit dans la cuisine, dans la peinture ou dans le cirque, je lui dirais de foncer, d'avoir hyper confiance en sa décision tant qu'il suit son instinct et surtout de jamais vivre à travers le rêve de quelqu'un d'autre. Parce que c'est comme ça qu'on devient heureux, je crois.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Tentatives, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que le témoignage de Lucie vous a plu, et si vous aussi vous voulez raconter une expérience qui vous a marqué, vous pouvez me contacter sur Instagram, je vous mets le lien dans la description. D'ailleurs, vous pouvez aussi suivre le compte Instagram du podcast, et n'hésitez pas à le partager et à vous abonner pour me soutenir. A dans deux semaines pour un nouvel épisode ! Ciao !

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