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TENTATIVES

Traverser l’Atlantique à la voile - Héloïse

Traverser l’Atlantique à la voile - Héloïse

39min |18/03/2024
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TENTATIVES

Traverser l’Atlantique à la voile - Héloïse

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39min |18/03/2024
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Description

Cap à l’Est ! Il est l’heure de traverser l’Atlantique à bord du voilier « Uponente ». Hissez les voiles, bravez la tempête, réparez votre mât, frissonnez du grand froid !

Suivez Héloïse dans cette merveilleuse aventure dont elle ressort grandie… et lancez-vous à votre tour !

 

Pour les photos de son voyage, rdv sur insta : @hb_en_transat


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue dans Tentative. Vous écoutez l'épisode d'Héloïse qui va vous faire prendre le grand linge. Si vous êtes curieux, je vous mets son compte Instagram de la traversée en description. Bonne écoute ! Je m'appelle Héloïse Bertrand, j'ai 26 ans et il y a deux ans maintenant, j'ai traversé l'Atlantique, de la Martinique jusqu'à la Corse et c'était le voyage d'une vie. J'ai commencé la voile quand j'avais 15 ans, à l'occasion d'un stage de voile une semaine l'été. J'ai tout de suite beaucoup aimé, donc je suis restée finalement un mois. J'ai passé pas mal de niveaux de voile, de dériveur notamment et de voile légère. C'est tout ce qui est catamaran, dériveur, planche à voile. C'est vraiment prendre un petit bateau et pouvoir mettre pied à terre quand on veut. à la fin d'une navigation. Alors que la croisière, c'est vraiment gros bateau et voyage en itinérance, soit pour faire de la croisière côtière, donc longer la côte, soit haute surière et aller en haute mer. Je suis monitrice en voile légère et j'ai un bon niveau en croisière maintenant. Moi, je naviguais principalement dans l'archipel des Glénans en Bretagne Sud, dans un périmètre de navigation hyper sécurisé où on est toujours surveillé en permanence et où à la fin, je connaissais le plan d'eau par cœur avec ses obstacles, ses difficultés, les passages difficiles, les rochers et tout ça. Alors qu'en... En haute mer, c'est plus facile en un sens parce qu'il y a moins d'obstacles, moins de marées, moins de rochers à éviter au milieu de l'Atlantique. Mais il faut quand même des sacrées connaissances en météo et en sécu. Donc c'est beaucoup plus de liberté et moins contraignant comme espace, mais les erreurs coûtent un peu plus cher. J'avais vraiment cette envie et cet objectif dans ma vie de faire une transatlantique avec ma famille ou plus tard quand j'estimais, et si j'estimais un jour, être en mesure et d'avoir les capacités et la connaissance pour le faire. Donc c'est quelque chose que j'ai toujours voulu faire et l'occasion s'est finalement présentée il y a deux ans. Ce que j'aime beaucoup dans la navigation et dans la voile, c'est vraiment très exaltant comme sensation de pouvoir aller au gré du vent où on veut. Et c'est vraiment une sensation de liberté, une espèce de symbiose avec les éléments aussi qu'on retrouve difficilement ailleurs, je trouve. Lorsque je me suis mise pour de vrai à la croisière, j'ai décidé de faire des stages et un stage de navigation intensif en croisière. J'ai rencontré un skipper de mon école de voile. Trois mois plus tard, mon école de voile me rappelle pour me proposer un convoyage pour une transatlantique retour, donc des Antilles vers la Méditerranée. La haute saison de la voile. En hiver, ce passe aux Antilles, donc les bateaux partent de la Méditerranée jusqu'aux Antilles, font la saison, mais après, il faut les ramener pour la haute saison en Corse ou en Bretagne. Il manquait des personnes et il fallait des personnes un peu compétentes, mais surtout très motivées pour se taper trois semaines, six semaines de voile dans des conditions de la transatlantique. J'ai reçu ce message hyper long et ayant toutes les bonnes raisons selon lesquelles ça serait une super opportunité pour moi. J'étais à la fois terrifiée et super excitée à l'idée de le faire. Et je m'étais dit que c'était un rêve que j'avais envie de faire depuis longtemps et que là, c'était un alignement des planètes. Parce que j'avais du temps, c'était sur un bateau tout neuf, hyper sécurisé, avec mon école de voile et des gens compétents. Et qu'une occasion pareille ne se représenterait peut-être pas dans longtemps. Je prends une semaine pour prendre ma décision, parce que je me dis, c'est une belle opportunité, il ne faut pas louper ça, mais en même temps, il y a des gens qui meurent au milieu de l'Atlantique, où mets-tu le curseur ? Je regarde pas mal de vidéos et j'essaye de me former surtout en météo. Parce que, encore une fois, moi je venais d'un milieu de voile légère, je suis parisienne, je ne suis pas voileuse. Les conditions météorologiques et les conditions de l'Atlantique et de la navigation auturière, ça ne s'apprend pas dans les livres. Donc je regarde des vidéos, je me forme en sécu et en météo. Et c'est tout, c'est tout. Je vais au vieux campeur prendre plein de matos et c'est tout. Et en toute honnêteté, sur ma préparation météo très assidue, je pense que... Non, ça ne m'a absolument pas servi. On avait un très bon routage météo. Un routage météo, c'était un moniteur des glénans qui nous guidait, qui prenait des fichiers météo et qui nous disait là, il faut caper un peu plus au nord ou un peu plus au sud parce que sinon, vous allez avoir un anticyclote. Sinon, vous allez avoir beaucoup de vent à tel endroit ou beaucoup de vent à tel autre endroit. Donc, prenez ce chemin, ce sera plus safe. Au moment du départ, j'étais tellement anxieuse. J'avais à la fois hâte de partir, mais j'avais tellement peur. Toute ma famille me disait, c'est pas un échec. Si tu prends l'avion retour à l'air tour, c'est pas grave. Et je me souviens aussi que j'ai reçu la nouvelle de la quatrième coéquipière qui ne pouvait pas partir quand j'étais dans l'avion grâce au Wi-Fi de l'avion. Et heureusement, j'ai reçu ce message dans l'avion parce que je ne sais pas si j'aurais pris mon... Mon avion, si j'avais su avant, en fait, ça voulait dire qu'on était trois pour la Transat et pas quatre. Ça voulait dire que les quarts, ça chamboulait tout. Ça voulait dire qu'en termes de fatigue et de temps d'adaptation et tout ça, ça allait être beaucoup plus demandant. Quand j'arrive aux Antilles et en Martinique, je rencontre mes deux coéquipiers et les autres bateaux qui partent avec nous. Il y avait trois bateaux qui se suivaient des Antilles jusqu'à la Corse. Et donc dans mon équipage, on était trois, il y avait Gaël le skipper. Et ça me rassurait beaucoup d'être avec lui parce qu'il avait fait la Transatlantique Allée, qu'il avait toujours navigué et ça faisait trois mois qu'il naviguait aux Antilles. et Marie, une autre monitrice qui était à un niveau supérieur de monitrice, elle était responsable de tout un pôle de moniteurs dans mon école de voile. C'était des profils assez voileux, c'était des vrais voileux, pas un faux voileux comme moi qui vient faire de la voile l'été. C'était des personnes qui faisaient de la voile à l'année et qui connaissaient la douceur de l'été mais aussi la dureté de l'hiver. Et donc je me sens un peu rassurée et aussi impressionnée d'être avec des personnes aussi... Fortiche. Aussi fortiche et expérimentée. Notre départ était conditionné par les bonnes conditions de mer. Et donc j'arrive aux Antilles et là j'apprends que la fenêtre météorologique pour partir n'est pas à plus d'une semaine ou plus dix jours comme je l'ai escompté, mais à plus trois jours. parce qu'après ça, il y avait plein d'anticyclones et plein de tempêtes. Donc là, re petite panique de Hello dans ma tête. Et donc, j'arrive un peu après la bataille, parce que Marie et Gaël étaient déjà sur place. Les trois bateaux étaient prêts et avaient été vérifiés, et il fallait partir. Donc, ils avaient fait tout l'avitaillement. L'avitaillement, c'est les courses. On part avec le double de la durée du trajet. Donc par exemple, là, nous, on visait large trois semaines. On part avec six semaines de nourriture. Donc des canettes en voiture, voilà. Encore des canettes, du riz et des pâtes. Et encore du riz et des pâtes et du boulgour et du quinoa. Enfin, beaucoup de conserves et beaucoup de dior. Et des fruits aussi quand même parce que ça fait plaisir, mais ça ne se conserve pas beaucoup. On part avec tellement d'eau, on remplit tout le fond du bateau pour pouvoir être autosuffisant en eau pendant l'aller-retour si jamais il y a un problème. Donc ça c'est pour la partie habitaillement. Sur la partie préparation du bateau, un check est fait. Moi je participe à la fin du check. On vérifie tous les petits boulons. On vérifie le mât. On vérifie que le mât tienne bien, qu'il n'y ait pas trop de tension dans l'un des câbles ou pas assez de tension. Enfin vraiment, on fait tout ce qu'on peut à terre pour s'assurer de la bonne sécurité du bateau à terre. On vérifie tout le matériel de sécurité. On charge à balles la batterie du bateau. Un élément essentiel à la préparation du bateau, on définit nos rôles à chacun dans l'équipage. Et comme moi, j'étais la moins expérimentée, j'étais un peu la mousse. Il y avait le capitaine, le sous-capitaine, et moi, j'étais la mousse. On définit, par exemple, les tâches. On fait un calendrier qu'on affiche sur la porte des toilettes en face de la cuisine. Bon, il y avait 50 cm d'écart entre les deux, c'était très spacieux. On définit qui navigue, qui conduit, qui fait les tâches ménagères, et ça, sur trois semaines. On switch de façon de disséquer le temps, on pense par 4 heures désormais. Pendant 4 heures, tu conduis le bateau. Pendant 30 minutes, tu vas faire du grand nettoyage. Ensuite, tu dors. Il y a aussi une dimension où tu peux être très solitaire dans une transatlantique et ne jamais croiser tes potes. Vu que tu conduis 4 heures et après tu vas te coucher ou tu vêtes ta vie à l'intérieur, t'es pas obligé de rester sur le pont. Je savais que j'allais avoir des moments de solitude et je partais un peu pour ça aussi. Mais c'est vrai que parfois on n'a pas vu Marie pendant 2 jours ou 3, tu vois. C'était un 11 mètres de long, 39 pieds. Ça nous a permis au début de suivre cet emploi du temps et de s'amariner, de se faire au rythme de la mer. Ça s'appelle s'amariner. Et au début, je me souviens que curieusement, moi qui débarquais d'avion, je n'avais pas le mal de mer. Et Marie et Gaëlle avaient tellement le mal de mer qu'on ne s'est pas vues pendant quatre jours. C'était horrible. Et donc moi, je pouvais tout faire à l'intérieur parce que je n'étais pas une pro de la barre non plus. Donc c'était très bien pour tout le monde. Mais on a mis du temps avant de vraiment savourer la mer. Je me souviens qu'on a quitté la côte, enfin, on a perdu de vue la côte, c'est un moment hyper symbolique, et c'était l'hécatombe sur le bateau. C'était mal de mer partie. Et au moment où on perd la visibilité sur la côte, moi j'avais peur tout le temps en fait. J'avais vraiment cette boule au ventre, un peu en permanence, en me disant là t'es en train de faire quelque chose de grand mais t'as quand même pas la boîte à outils pour le faire. Et cette sensation elle est partie qu'au bout d'une semaine ou dix jours d'un marinage et de car où je gérais à la barre et en fait ça allait. Pendant la traversée, on a eu vraiment beaucoup de moments calmes et cools où c'était beau temps, belle mer et c'est des merveilleux souvenirs. On a eu quelques avaries et quelques gros coups de vent, mais la majorité du temps, c'était quand même calme et cool à la barre. Principalement, on restait dehors. Je ne me lassais pas vraiment de ce paysage, ça allait faire traîner, mais ça variait tout le temps. On voyait pas beaucoup d'animaux au milieu de l'Atlantique. On a vu des baleines une fois de loin. Si, on a vu une baleine qui s'est mise sur notre route et qui dormait à la surface, qu'on a failli taper. Et là, heureusement que j'étais avec des gens expérimentés parce que moi, je pensais que c'était les reflets argentés d'une vague. Mais non, non, c'était une grosse baleine. Et Marie a fait une manœuvre en catastrophe, mais on n'a pas vu beaucoup d'animaux sinon. Et on s'occupait en lisant, en cuisinant, en parlant. On parlait beaucoup, on faisait des jeux. On communiquait aussi pas mal avec les deux autres bateaux de l'escadre. On faisait des faux JT. Enfin vraiment, on s'ennuyait au milieu de l'Atlantique. Donc on faisait des faux JT, on faisait des batailles navales, on se racontait notre vie par mail, on lisait. C'était vraiment tout doux, tout doux comme temps. La vie à trois bloquée sur un bateau, je crois que c'était vraiment hyper enrichissant. J'ai eu beaucoup de chance parce que ça s'est bien passé. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression d'avoir eu l'opportunité une fois dans ma vie de tellement bien connaître des personnes et pas que en cosmétique. J'ai l'impression d'avoir pu rencontrer des personnes pour de vrai, connaître toutes leurs petites habitudes, leurs histoires. Et je n'ai jamais eu ça dans ma vie, même en couple ou même avec mes amis les plus proches. C'était une opportunité unique de vraiment rencontrer les gens. Et évidemment, parfois, il y avait des tensions, parfois, on s'est un peu disputés, on a dû recadrer, mais on avait quand même cette volonté d'arriver jusqu'au bout de l'expérience commune qui fait qu'on avait ce respect d'autrui et aussi cette abnégation où que ça aille entre nous ou pas, que t'as envie de faire la vaisselle ou pas, ou que t'en aies ras-le-bol de te mouiller sous la tempête pendant 4 heures, on s'accordait et on y allait. Pour la communication, on avait la chance d'avoir un téléphone satellitaire. Un Iridium, ça s'appelle, c'est un téléphone satellitaire qui coûte une fortune, qui permet de se brancher et qui capte en fait, et ça prend 20 minutes d'envoyer un mail ou de recevoir un mail, mais ça permet de communiquer avec l'extérieur. Donc ils nous envoyaient des fichiers météo qu'on pouvait analyser, qu'on téléchargeait, ça s'appelle des fichiers GRIM. Tous les jours on disait, là on va aller plus par là, plus au nord, plus à l'est, plus à l'ouest, et ça nous permettait d'optimiser notre trajectoire. Pour se nourrir, on a une cuisine de bateau. C'est tout petit, mais il y a une gazinière et un four. Et on peut cuisiner, effectivement. C'est parfois plus difficile. En fait, ça dépend vraiment des conditions. Parfois, le bateau penche vraiment beaucoup d'un côté. Quand tu es à 15 degrés d'angle pour touiller les pâtes, c'est beaucoup moins pratique tout à coup. Tu peux te faire ébouillanter si tu es un peu maladroit. Il y a des systèmes très bien faits. Il y a une espèce de balance sur les fours et les gazinières qui fait que ça reste droit et ça suit le gré des vagues. Il y a même une barre. pour s'accrocher avec son mousqueton de gilet de sauvetage. C'était tellement fatiguant. C'est pour ça que tout était effort. De préparer de la nourriture, c'était un effort. Ça demandait des surcapacités de gainage et d'attention accrue. Et en termes d'hygiène, on peut se laver, mais on n'a pas beaucoup d'eau quand même. On s'est pas beaucoup lavés. On s'est lavés 4 fois en 6 semaines. Parce qu'en fait, on se lavait avec un seau et de l'eau salée sur le pont. Au début, quand on était encore aux Antilles et qu'il faisait grand beau, on se lavait dans les grains. C'est-à-dire que moi, je pensais que c'était une blague, ce truc de se laver sous la tempête. Mais quand il y avait une tempête, on se disait Yes ! Et on se mettait en maillot, tu vois, et on se savonnait et tout ça, et on se prenait la tempête et on se lavait. Je me souviens que c'était un effort d'hygiène pour moi de se foutre en maillot alors que t'as... tellement froid et qu'il faut s'attacher et se balancer des seaux d'eau salée sur la figure, non merci, non merci, non merci. T'es habillée comme au ski. En fait, la transatlantique retour est connue parce que... Elle est réputée pour être un peu plus difficile que celle de l'aller. Je ne sais pas à quel point c'est véridique, mais je sais une chose, c'est que quand tu pars à l'aller en plein mois de novembre de l'Europe vers les Antilles, tu vas vers le soleil et vers de l'eau chaude. Alors que quand tu pars au mois de mai, avant la saison cyclonique aux Antilles... Tu tapes l'Atlantique Nord ou parfois, oui, Grélet. Parfois, il faisait vraiment, vraiment froid. Je n'ai jamais eu aussi froid de ma vie, en fait. Je crois que c'est dû à la fatigue, certainement. Mais je n'avais pas du tout envie d'enlever mes sous-couches techniques comme au ski, là, pour me laver. Moi, je faisais de la langette et de la gengette. À un moment donné, je pense que c'est le moment où ça a été le plus chaud pour nous. On a eu des alertes de notre moniteur qui a analysé la météo pour nous et qui nous disait, bon là, il faut aller beaucoup plus vers le nord parce que vous êtes en train de vous faire rattraper par une dépression. Je ne suis pas une pro de la météo, mais juste, on était en train de se faire rattraper par un système de dépression où on se faisait aspirer et on n'arrivait pas à en sortir. Nous, on l'a vu. Enfin, on l'a vu et sur les fichiers, mais on l'a aussi très vite vu avec le ciel bas, gris et lourd. Donc ça, c'est vraiment ce que tu veux éviter. Et beaucoup de changements de pression. On suivait tous les jours, en fait, la pression, la nébulosité, les vagues, la visibilité, pour vraiment essayer d'identifier ces phénomènes. Et là on a vu qu'on allait se faire douiller Là on l'a senti On s'est fait rattraper par le truc Mais vraiment l'impression de se faire aspirer par une merde Et de pas pouvoir en sortir Et là ça a duré 4 jours Marie est tombée malade en plus à ce moment là Et donc il fallait tourner à deux avec Gaël Enfin on se faisait rincer quoi Là, il pleuvait en permanence. On se prenait grains sur la tête, des trompes d'eau. Il pleuvait et il y avait beaucoup de vent et des vagues. Et parfois, il y avait des accalmies entre les grains, mais on se faisait rattraper toujours. On avait un cap, on essayait de se faire désaspirer de ce truc et on n'arrivait pas. Je sais, t'as des lignes de vie pour t'accrocher. C'était hyper excitant aussi, ce truc de se dire Ok, là, c'est moi qui conduis. Et pour qu'on se sorte de là, on continue tout droit. Tu te clipses et t'es partie avec toutes tes couches pour... Et on faisait des quarts de 6 heures à ce moment-là, comme Marie n'était plus de la partie. Mais ce qui est assez drôle, enfin, ce qui est assez curieux, c'est qu'une fois que t'es la tête dans les vagues, c'est pas si impressionnant. Je trouve que c'est toujours très impressionnant dans les films, quand tu vois les bateaux qui descendent et qui remontent. Mais au final, quand t'es la tête dans le guidon, tu te dis, OK, on va essayer de faire celle-là, et puis après celle-là, et on verra plus tard. Mais ça réveille, ça réveille. Et je me souviens que je mettais de la musique à fond, et j'avais un peu l'impression d'être dans une fiesta à 3h du matin. À ce moment-là, je réalise un peu l'expérience que je suis en train de vivre et je prends toute la mesure de ce truc. En fait, ce n'est pas une blague, on est vraiment au milieu de l'Atlantique. Et après, on a enfin vu le bout de ce truc, mais nos fringues ne séchaient pas. Tu vois la sensation de quand tu sors du bain ? En permanence. À la fin de la tempête, notre bateau avait bien tiré. Et notre mât, le mât sur un voilier, tient grâce à des câbles sous tension. Et à un moment donné, c'était une magnifique journée, beau temps, belle mer, comme on s'imagine en transatlantique. On buvait des petits ponches, on écoutait de la musique et on chillait sur le pont. Il y avait quand même pas mal de vagues. On avançait vite à 7 nœuds. Et là, on entend un schlonk. Pire bruit, c'est le bruit d'un câble qui pète. Tu regardes et tu te dis, ok, qu'est-ce qui a pété ? On veut savoir ce qui a pété. C'était le câble qui retenait le mât, qui tirait le mât vers l'arrière. Là, il faut agir hyper vite et repasser un bout de corde pour retenir le mât parce qu'en fait, à tout moment, il peut tomber. Ça peut arriver à minute plus 1 ou à J plus 3. On enclenche une procédure de sécurité, on prévient notre école de voile, notre routeur météo et tout ça, on prévient des manipsécu qu'on a faits. On prépare nos sacs de survie. On prépare tout. On prépare tout et on se dit, peut-être que dans deux heures, on est barrés. On a revu toutes les procédures. Je me souviens de procédures risibles à trois heures du mat où Gaël nous disait, donc si jamais le mat tombe, vous mettez vos mains en croix au-dessus de votre tête. Le mec, il doit peser 40 000 tonnes. Là, tu vois, s'il veut nous éclater le crâne, il nous éclate le crâne. Et c'était au milieu de la nuit en fait. Donc on a veillé toute la nuit sur le pont. On savait pas si le mât allait tenir. Donc on attendait les vérifications techniques de notre école de voile de est-ce que ça peut tenir avec seulement trois câbles. Mais tu vois, je ne sais même pas combien ça pèse un mât, mais juste s'il tombe, ça peut être mortel. Soit ça pète la coque, soit ça pète tout sur son passage, mais c'est vraiment dangereux. Donc on avait une pince Monseigneur, je ne sais pas si vous voyez ce que c'est, mais c'est comme un gros sécateur qui sert à... couper des câbles très très épais, de quoi péter tous les autres câbles pour que le mât tombe dans le bon sens pour le larguer. On avait sorti en visu, on avait de l'eau, Marie avait son doudou, on avait pris des M&M's, et c'était parti, si jamais on devait se barrer, on se barrait. Et on a eu tellement peur. Je me souviens avoir fait une blague à mon skipper à deux heures du mat parce que c'était quand même très lourd, on avait très peur. Et je lui ai dit, mais moi j'ai 24 ans, je suis trop jeune pour mourir. Et je me souviens que là, ça lui a déclenché un mal de verre et qu'il a été faire ce qu'il avait à faire sur le pont. Et je me suis dit, oh là là. Et là, à ce moment-là, j'ai réalisé que c'était grave ce qui était en train de se passer. En fait, il y a eu plusieurs étapes à notre soulagement là-dedans. La première étape, c'est que le bateau qui était devant nous est revenu en visibilité et faisait des rondes autour de nous. Donc ça, c'était très rassurant, ça nous a enlevé un énorme poids. La deuxième chose, c'est que quand ça arrivait, c'était au milieu de la nuit. C'est bizarre, mais ça confère tout de suite un environnement où tu es beaucoup moins serein la nuit. Et donc, quand le jour s'est levé, on était déjà beaucoup plus soulagés de pouvoir voir l'étendue des dégâts. et voir qu'on avait mis une réparation, on avait passé une corde à la place d'un câble en acier, et ça tenait. Et ensuite, on a reçu un mail de notre école de voile qui disait que notre bateau était configuré de telle sorte que ça tenait très bien avec trois câbles, et qu'il fallait juste pas trop tirer sur le mât, mais que ça allait le faire encore pendant dix jours. Et donc, grand soulagement, Ouais, immense soulagement, en fait, une fois que c'est passé, mais on était quand même toujours sur la réserve. Pour les voyages hauteuriers, pareil, c'est connu que tu as des grands moments de solitude, en fait. Des grands moments où tu peux t'ennuyer pendant longtemps si tu n'as pas beaucoup d'occupation, parce qu'effectivement, tu n'as pas de data. Moi, j'ai coupé mon téléphone pendant un mois et demi. Je trouve que c'est un luxe incroyable et j'espère que j'aurai le courage ou l'envie de refaire ça un jour. Pour s'occuper, on est parti avec des livres. Enfin, Gaëlle et moi, on est parti avec des livres. Marie, elle est partie avec ses Game Boys, tu vois. C'est deux perceptions différentes. Mais pour s'occuper, donc, tu cuisines, tu... Moi, je tenais un journal de bord où je notais mes journées, enfin, mes journées, mes quarts, ma perception du temps. Tu tiens un livre de bord aussi, c'est très important dans la traversée. En fait, tu notes toutes les quatre heures, chaque événement important, ton cap, la situation météo, la pression barométrique et tout ça. Et t'es pas mal dehors, effectivement, sur le pont à t'ennuyer. À t'ennuyer, mais ça n'a jamais été aussi bénéfique pour moi. C'est vrai que j'ai vraiment l'impression d'avoir été au bout de moi-même et au bout de l'ennui. Donc tu as des conversations hyper intéressantes avec tes coéquipiers quand ils sont là, mais parfois c'est vrai que tu passes trois heures à t'ennuyer dans les vagues, mais c'est pas plus mal non plus, tu es un peu aussi là pour ça. C'est vraiment quelque chose que j'aimerais revivre plus tard, parce que c'est une bulle de temps où tu n'es pas disposable. Par exemple, sans mentir, je vous rends ça comme si c'était quelque chose de hyper positif, mais parfois on s'ennuyait tellement. Parfois je me souviens qu'on faisait des concours de celui qui lit le plus vite son livre avec Gaëlle. Ça dure longtemps de lire vite un livre. Ou on faisait du yoga, on faisait des parties d'échecs. J'ai pas gagné une partie d'échecs sur la transat. Je récitais mes tables de multiplication à l'envers quand j'étais solo parfois. Tu perds la notion des jours et la notion du temps. En fait, tu es vraiment très en phase avec le soleil qui se lève et le soleil qui se couche. Mais par exemple, moi je prends la pilule et je n'arrivais pas à prendre à heure fixe ma pilule parce que tu oublies aussi que tu traverses plusieurs fuseaux horaires et c'est toi qui changes ton heure. C'est assez luxueux, en fait t'es au cycle de tes besoins, donc de ton sommeil, de comment le bateau avance. Tu manges quand t'as faim, parce qu'il y a plus d'heures qui vaut, tu vois. Parce que t'es éclaté de fatigue et tu vis au rythme du soleil. Nous on a décidé de changer les heures quand on s'est rendu compte que le soleil se levait à 3h du mat. On s'est dit, ah ouais mais c'est vrai qu'on a traversé 3 fuseaux horaires, on change d'heure ! Et ce que j'ai beaucoup apprécié au milieu de la traversée, c'est que je suis quelqu'un qui essaie toujours de prévoir sa prochaine activité, de toujours remplir le temps pour que ce soit un investissement constructif pour moi demain. Et je me souviens que sur le bateau, je ne pouvais pas faire ça et c'était une sensation tellement agréable de juste voir... Mon job, c'était de barrer. Je devais barrer pendant quatre heures et faire mon petit bout de chemin. Il fallait que j'embrasse cette situation du temps présent où je ne pouvais faire que ça. Et c'était hyper sérénisant en fait. Chaque activité que je faisais, comme je n'étais pas disposable et que je concentrais 100% de mon énergie à cette tâche, je m'en souviens beaucoup plus. Je me souviens beaucoup plus des livres que j'ai lus il y a deux ans en prenant pleinement le temps de les lire que ceux d'il y a une semaine. C'était vraiment une sérénité de l'esprit que je n'avais pas expérimenté auparavant. Donc entre chacune des deux terres, il se passe 17 jours, je crois, quelque chose comme ça. Entre les deux, t'as vraiment l'impression d'être une poussière dans l'océan. T'as vraiment l'impression d'être tout petit et je trouve que ça remet à sa place. Bon, ça paraît très niais ce que je dis, mais je pense qu'il faut le vivre pour le comprendre. Tu te sens infiniment petit et tu te dis qu'effectivement, s'il y a une tempête, t'es pas sûr de gagner. Apparemment, il y a quelque chose d'assez connu dans le milieu de voileux, de vrais voileux, pas de voileux parisiens un peu comme moi. c'est que quand vous embarquez, je vous donne un petit conseil, quand vous faites les courses et l'avitaillement, et que vous embarquez des produits issus de supermarchés, des cartons, des plastiques et des choses comme ça, il se peut, très probablement, qu'il y ait des petits nids de bébêtes dans ces emballages. Et donc, petit conseil, n'embarquez pas les emballages, embarquez juste la bouffe, sinon vous risquez de vous retrouver comme nous, avec un maman et un papa cafard, comme nous. qui lance une colonie de cafards à l'intérieur. Et en fait, c'est assez connu, ce truc des cafards dans les bateaux. Mais une fois que t'en as un, c'est tellement difficile de désinfester. Et nous, on était partis avec. On est partis avec, on s'en est rendu compte au bout de cinq jours. On avait acheté des produits et tout ça, mais il tenait à tout. Je me souviens de me dire, donc moi j'ai le mal de mer, j'arrive pas à dormir, j'arrive pas à me nourrir correctement, je suis super fatiguée, on se fait violenter par les vagues, parfois tu te prends des vagues, ça réveille un homme, parfois tu te prends des vagues, des torgnolles, les cafards ça mouftait pas, ils étaient toujours là, de plus en plus nombreux. À la fin on en riait, je me souviens qu'au début j'étais un peu, je me disais que c'était pas hygiénique et tout ça, mais à la fin on a juste... abandonner le combat. Il faut que vous visualisez un bateau, mais c'est très difficile de bloquer à la source les cafards. En fait, tout est communiquant dans les placards et dans les fonds. Dans les équipés, ça s'appelle. Quand on ouvre un, en fait, t'as une paroi dans le fond qui va jusque dans la coque. Donc tu peux vider un placard si tu veux, mais les cafards passent par la coque et vont de l'autre côté. Je me souviens qu'à la fin de nos cars, on avait ajouté une ligne pour l'infestation des cafards. Il fallait qu'on mette un petit pchit par équipé, tu vois. On a lâché l'affaire après que Gaëlle ait décidé de démonter tout le bateau pour les niquer. Et ça n'a pas marché, on ne pouvait juste pas marcher par terre, tu vois, sur toutes les parois. On ne pouvait plus marcher, c'était plus plat, c'était creux. Mais à la fin, on avait tellement faim, on était tellement fatigués que... Par exemple, je me souviens d'un dilemme avec le dernier paquet de pain, où tu vois, il nous restait une semaine de navigation. On bouffait des haricots rouges sauce tomate dans des mugs. Et Marie elle trouve un bébé caffard dans le paquet de pain et là on se dit, on se regarde avec elle genre Non s'il te plaît le jette pas, le jette pas, on va le cuire très fort A la fin de la traversée, à J plus 15, on devait arriver au bout de 18 jours, un truc comme ça, mais à cause de notre avarie et de notre système D avec des cordes tendues de mâts, on devait réduire la voilure et donc pas aller aussi vite que d'habitude. Donc on a pris trois jours de plus. Et je me souviens qu'on disait, on arrive après demain. Et ça a duré quatre jours ce truc de, on arrive après demain. On arrive d'abord aux Açores, en fait. Je me souviens de l'arrivée où ils grêlaient, et il faisait tellement froid, c'était affreux. Il y avait 60 nœuds au port, quoi. Donc on arrive, là on a un peu de casse-matériel, on arrive à 3h du mat dans la nuit, et là il n'y avait pas une place au parking. Enfin, pas une place dans le port. Et là on se dit, mais on ne va pas se refoutre en dehors de Horta, alors qu'il y a 60 nœuds pour la nuit, là. C'est mort, ça fait du vent à 80 km heure, c'est mort. Donc là, on met notre encre au milieu du port, tu vois. Personne ne fait ça, c'est complètement illégal. Et on se dit, on va se tanquer ici, c'est pas grave, on n'en peut plus. Et là, on affole nos voiles et tout ça, et c'est hyper émouvant comme moment. On a fait les deux tiers de l'Atlantique, il reste que un tiers et ça va aller. On sait qu'on a fait le plus gros, tu vois. On arrive à Horta, qui est une île mythique des Açores, parce que c'est la porte d'entrée et de sortie de l'Atlantique, et à cette période-là, il n'y a que des marins qui traversent l'Atlantique. Il y a une ambiance très particulière, c'est vraiment le temple de ceux qui ont traversé l'Atlantique, et c'est très valorisé là-bas, sur la marina. Chaque marin qui a traversé l'Atlantique doit peindre quelque chose sur une dalle. C'est des énormes dalles, et donc la ville est peinture lurée de sigles de bateaux, de noms, de dates, et c'est vraiment très particulier comme ambiance. Notre bateau s'appelait U-Ponante, comme le ponant, et leur bateau s'appelait U-Levanté, comme le levant, comme le soleil qui se lève et qui se couche en Orient et en Occident. Et donc, on a peint deux tournesols tournés vers l'Orient et vers l'Occident, en jaune et en noir. Et on a marqué nos noms et tout ça. Bon, ça fait un peu collégien, mais tout le monde le fait. Ensuite, on passe les meilleurs repas de notre vie à terre, où tu vois tout ce qui paraît tellement acquis. Ne l'était plus pour nous, par exemple. Je rêvais que d'une chose, c'était de courir. J'en pouvais plus, moi, de rester sur 11 mètres de long. Et donc, on a fait un énorme jogging avec Gaëlle dans Horta, qui est magnifique, qui est hyper volcanique et montagnard. Trop beau. On a pris une douche aussi, la douche d'une vie. On a fait de l'habitailment. Enfin, vraiment, on s'est retapés pendant deux jours et ensuite, on est repartis. On ne voulait pas non plus se désamariner parce que ça prend du temps de se faire au rythme des cars, de la vie en mer, du bateau JT et tout ça. et l'écueil là-dedans c'est de rester trop longtemps et de se retaper tout le seul processus de réadaptation donc on reste 3 jours et après on s'en va pour moi ça n'a pas été trop dur de repartir je crois mais j'avais quand même très peur de passer Gibraltar parce que c'était impressionnant, qu'on n'était pas très manœuvrant et que ça faisait beaucoup de trafic, beaucoup de monde Sur le passage de Gibraltar, il faut quand même des conditions favorables. En fait, Gibraltar, ça fait un effet venturi. Un effet venturi, c'est un effet où le vent se compresse dans un étau et accélère leur vitesse dans l'étau. Ça fait, pour vous illustrer, un peu comme dans les couloirs du métro, quand la même quantité d'air essaye de passer le petit couloir du métro à la sortie et que vous vous prenez un banc d'air chaud dans la figure. Ça fait le même effet. C'est connu pour être très venteux, très technique, parce qu'il y a ce qu'on appelle le rail. de tout le commerce mondial qui passe avec des gros cargos des deux côtés. Il y a 30 km qui séparent la côte espagnole de la côte marocaine. C'est vraiment un mouchoir de poche avec beaucoup de vent qui va soit dans un sens soit dans l'autre et avec sur le côté des espèces de parois à ne pas toucher qui sont les cargos. Donc là on se rend compte que les conditions ne sont pas favorables pour passer. Depuis quelques jours on voit tellement de cargo et surtout à la VHF on entend que ça parle toutes les langues. Arabe, espagnol, t'as les douanes qui disent non mais rabattez-vous. T'as SOS Méditerranée qui se fait alpaguer par Frontex. Enfin vraiment t'entends tout le monde que t'as pas eu pendant trois semaines tu l'entends à la VHF. Et donc on décide de se stopper en Espagne et d'attendre que le vent tourne pour nous pousser dans le bon sens. Et au bout de trois jours... On se rend compte que les vents favorables ne tournent pas, que ça ne descend pas et qu'il va falloir y aller. On calcule, ça va durer 40 heures avant qu'on soit safe. Je me souviens qu'on quitte le quai en se disant ok les gars, on se voit de l'autre côté, on aura traversé l'Atlantique. Là, on ne va pas beaucoup dormir pendant 40 heures, mais ce n'est pas grave. Tout le monde sur le pont et ce n'est pas grave s'il ne faut pas dormir pendant 40 heures. On fera des micro-sieces entre-temps et on se relaie. Donc on se relayait et c'était intense. Je me souviens que le bateau était vraiment à 15 degrés d'angle où tu marchais sur le mur en fait. Je ne sais pas comment vous illustrer ça, mais tu marches sur le mur et sur les fenêtres parce que le bateau est à l'envers tellement il est gîté. Et il fallait vraiment une vigilance accrue de chaque instant. C'est comme si tu avais deux autoroutes, en fait, et parfois les bateaux traversent pour aller d'un à l'autre. Et comme tu es le plus manœuvrant, parce que tu es un bateau à voile, c'est à toi de dégager, évidemment. C'est vraiment émouvant, comme au moment où tu vois la côte espagnole, tu vois la côte marocaine, et tu te dis, là, on est en train de le faire, là, à la ligne, on aura traversé l'Atlantique. Quand on a passé Gibraltar, on remonte un peu vers la côte espagnole, On voit de loin chaque ville espagnole. On dit que c'est un sapin de Noël. Il faut s'imaginer que nous, on voyait la nuit noire ou le grand bleu sans pollution visuelle, sonore ou lumineuse. Et là, on est baignés dans le début de la Méditerranée. On voit les côtes, ça nous fait trop bizarre. Et en termes de rythme, tout s'adoucit un peu. On a passé le gros du vent et on arrive à la Méditerranée. Il n'y a pas beaucoup de vent parfois. Là, on a mis du moteur pendant deux jours, alors que c'était la guerre pendant trois semaines avant. À ce moment-là, on se dit gros rangement, gros chill, on pète le champagne avec les autres deux bateaux. Et c'était vraiment tout doux et on avait fait le plus gros, on savait qu'on avait fait le plus gros. On était un peu en sécurité à la maison. On a vu plein de dauphins, d'oiseaux. Pas mal de plastocs, c'est pas un animal mais gros fléaux. Et des méduses aussi. Des très belles méduses mais avec des filaments bleus de 4 mètres, plein de phytoplankton. Ça c'est magnifique. La nuit quand tu vois il fait tout noir et que t'as pas trop de pollution lumineuse sur les côtes, tu peux spoter et voir un océan de phytoplankton dans la mer, c'est trop beau. Je redoutais de plus en plus l'arrivée en Corse. Moi, je n'avais pas du tout hâte d'arriver. C'était le moment où j'étais enfin à l'aise. La vie était douce, mais on arrive en Corse quand même explosée de fatigue. On n'a jamais été tous aussi fatigués de notre vie. On n'a jamais autant tiré sur la corde que pendant ce périple. Donc, il était temps d'arriver. On avait tout préparé pour notre arrivée en se disant qu'on avait fait un truc monstrueux. On se demandait ce qui allait nous attendre à l'arrivée, mais en fait rien, tu fais cet exploit en silence, tu vois, t'arrives à 9h du mat, on fait la dernière manœuvre de port et tout, on se range, et en fait on se range à côté de gros semi-rigides tout noirs qui prennent toutes les places de parking du port, on se dit tranquille ça va passer ici, on vient de faire une transat, et là il y a un corse qui vient de dire hé, non non, vous allez vous garer là-bas, parce que la mafia corse a la moitié du port, donc on va se garer tout là-bas. On se gare et ensuite on met enfin pieds à terre. Et là on va prendre un petit déjeuner. Et là c'est la fin quoi. Je me souviens d'être vraiment triste que ce soit fini, mais en même temps tout ça est exacerbé par un lot de fatigue, comme jamais on en a connu, donc ça exacerbe tout, tu vois. Et j'ai aussi envie de célébrer. On arrive le 21 juin et on a envie de faire la méga fiesta. On a envie de danser jusqu'au bout de la nuit, de prendre plein de vin, et de prendre des cafés qui ne tombent pas et ne nous ébouillantent pas, d'arrêter les conserves et de manger des tomates mozza fraîches. Le retour à la vie normale était assez violent presque. C'était bizarre de voir tellement de gens, d'entendre tellement de bruit, de ne plus avoir ce silence. Par exemple, au début, c'était impensable pour moi d'aller dans un supermarché. C'était vraiment des agressions. Et j'étais très fatiguée et j'ai passé un mois à dormir. J'étais décalquée à toute heure du jour et de la nuit. Et ça a mis du temps à se réparer cette fatigue. C'était impressionnant. Quand j'y repense, je suis tellement heureuse d'avoir eu le courage d'écouter ma petite voix qui me disait Vas-y, c'est le moment d'y aller Je suis un peu aussi nostalgique et j'aimerais ne pas perdre tous les apprentissages de cette expérience. J'aimerais me dire que je suis capable de me détacher de mon téléphone pendant une semaine et que ce ne soit pas un problème et que je suis capable aussi d'avoir une vie assez minimaliste et portée sur l'essentiel, mais c'est difficile dans notre quotidien. Je ressens vraiment grandir et j'ai l'impression d'avoir une force énorme. À chaque fois que je rencontre une petite contrariété dans ma vie, c'est toujours un appel à relativiser où je me dis Wow, wow, wow, on a connu pire et ça va aller, ça va aller. En fait, j'ai aussi fait ce challenge parce que j'avais vraiment du mal à être toute seule et que j'avais toujours besoin de meubler le temps, de toujours investir mon temps de façon à ce que ce soit rentable pour moi, pour la version de moi-même dans dix ans. Vraiment une vision utilitariste du temps. Et je ressors vraiment grandie parce que j'ai appris à me connaître, à être super en paix toute seule. Je ne sais pas s'il fallait une transat pour ça, mais ça m'a fait vraiment beaucoup de bien. ça m'a donné beaucoup confiance en moi aussi et je me suis rendue compte que j'étais pleine de ressources et que j'avais des grandes forces j'étais pas une pro de la voile mais j'ai une richesse intellectuelle qui fait que je peux m'occuper tranquille pendant 6 semaines et ça j'en avais peut-être pas la conscience à l'époque L'un des meilleurs souvenirs que j'ai, c'est... Moi, j'avais un quart de 4h à 8h du mat, et donc ça, c'est le meilleur quart parce que t'as le lever de soleil. Et on venait de passer une tempête horrible où j'étais rincée, moi, psychologiquement et physiquement, vraiment épuisée. À chaque nouveau quart, il fallait mettre ses fringues trempées, couche par couche. Enfin, nerveusement, j'en menais pas large. On change de cap pour aller vers l'Est. Gros moment parce qu'on n'a pas mis le route à prendre. Je me dis, OK, je vais pouvoir tourner un peu le volant. Yes ! Et là, le soleil se lève plein Est et on capait à l'Est, tu vois. Donc, je vois un magnifique lever de soleil. Et là, Gaël se lève et il fait des crêpes. Ça sent trop bon, les crêpes, au milieu de l'Atlantique. On s'est fait rincer la gueule pendant trois jours. On est trempés, mais il fait grand beau. La tempête est finie et on s'approche des côtes avec le bon cap. On va hyper vite. C'était vraiment un chouette moment, ça. Merci d'avoir écouté cet épisode de Tentative. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain. Ciao !

Description

Cap à l’Est ! Il est l’heure de traverser l’Atlantique à bord du voilier « Uponente ». Hissez les voiles, bravez la tempête, réparez votre mât, frissonnez du grand froid !

Suivez Héloïse dans cette merveilleuse aventure dont elle ressort grandie… et lancez-vous à votre tour !

 

Pour les photos de son voyage, rdv sur insta : @hb_en_transat


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue dans Tentative. Vous écoutez l'épisode d'Héloïse qui va vous faire prendre le grand linge. Si vous êtes curieux, je vous mets son compte Instagram de la traversée en description. Bonne écoute ! Je m'appelle Héloïse Bertrand, j'ai 26 ans et il y a deux ans maintenant, j'ai traversé l'Atlantique, de la Martinique jusqu'à la Corse et c'était le voyage d'une vie. J'ai commencé la voile quand j'avais 15 ans, à l'occasion d'un stage de voile une semaine l'été. J'ai tout de suite beaucoup aimé, donc je suis restée finalement un mois. J'ai passé pas mal de niveaux de voile, de dériveur notamment et de voile légère. C'est tout ce qui est catamaran, dériveur, planche à voile. C'est vraiment prendre un petit bateau et pouvoir mettre pied à terre quand on veut. à la fin d'une navigation. Alors que la croisière, c'est vraiment gros bateau et voyage en itinérance, soit pour faire de la croisière côtière, donc longer la côte, soit haute surière et aller en haute mer. Je suis monitrice en voile légère et j'ai un bon niveau en croisière maintenant. Moi, je naviguais principalement dans l'archipel des Glénans en Bretagne Sud, dans un périmètre de navigation hyper sécurisé où on est toujours surveillé en permanence et où à la fin, je connaissais le plan d'eau par cœur avec ses obstacles, ses difficultés, les passages difficiles, les rochers et tout ça. Alors qu'en... En haute mer, c'est plus facile en un sens parce qu'il y a moins d'obstacles, moins de marées, moins de rochers à éviter au milieu de l'Atlantique. Mais il faut quand même des sacrées connaissances en météo et en sécu. Donc c'est beaucoup plus de liberté et moins contraignant comme espace, mais les erreurs coûtent un peu plus cher. J'avais vraiment cette envie et cet objectif dans ma vie de faire une transatlantique avec ma famille ou plus tard quand j'estimais, et si j'estimais un jour, être en mesure et d'avoir les capacités et la connaissance pour le faire. Donc c'est quelque chose que j'ai toujours voulu faire et l'occasion s'est finalement présentée il y a deux ans. Ce que j'aime beaucoup dans la navigation et dans la voile, c'est vraiment très exaltant comme sensation de pouvoir aller au gré du vent où on veut. Et c'est vraiment une sensation de liberté, une espèce de symbiose avec les éléments aussi qu'on retrouve difficilement ailleurs, je trouve. Lorsque je me suis mise pour de vrai à la croisière, j'ai décidé de faire des stages et un stage de navigation intensif en croisière. J'ai rencontré un skipper de mon école de voile. Trois mois plus tard, mon école de voile me rappelle pour me proposer un convoyage pour une transatlantique retour, donc des Antilles vers la Méditerranée. La haute saison de la voile. En hiver, ce passe aux Antilles, donc les bateaux partent de la Méditerranée jusqu'aux Antilles, font la saison, mais après, il faut les ramener pour la haute saison en Corse ou en Bretagne. Il manquait des personnes et il fallait des personnes un peu compétentes, mais surtout très motivées pour se taper trois semaines, six semaines de voile dans des conditions de la transatlantique. J'ai reçu ce message hyper long et ayant toutes les bonnes raisons selon lesquelles ça serait une super opportunité pour moi. J'étais à la fois terrifiée et super excitée à l'idée de le faire. Et je m'étais dit que c'était un rêve que j'avais envie de faire depuis longtemps et que là, c'était un alignement des planètes. Parce que j'avais du temps, c'était sur un bateau tout neuf, hyper sécurisé, avec mon école de voile et des gens compétents. Et qu'une occasion pareille ne se représenterait peut-être pas dans longtemps. Je prends une semaine pour prendre ma décision, parce que je me dis, c'est une belle opportunité, il ne faut pas louper ça, mais en même temps, il y a des gens qui meurent au milieu de l'Atlantique, où mets-tu le curseur ? Je regarde pas mal de vidéos et j'essaye de me former surtout en météo. Parce que, encore une fois, moi je venais d'un milieu de voile légère, je suis parisienne, je ne suis pas voileuse. Les conditions météorologiques et les conditions de l'Atlantique et de la navigation auturière, ça ne s'apprend pas dans les livres. Donc je regarde des vidéos, je me forme en sécu et en météo. Et c'est tout, c'est tout. Je vais au vieux campeur prendre plein de matos et c'est tout. Et en toute honnêteté, sur ma préparation météo très assidue, je pense que... Non, ça ne m'a absolument pas servi. On avait un très bon routage météo. Un routage météo, c'était un moniteur des glénans qui nous guidait, qui prenait des fichiers météo et qui nous disait là, il faut caper un peu plus au nord ou un peu plus au sud parce que sinon, vous allez avoir un anticyclote. Sinon, vous allez avoir beaucoup de vent à tel endroit ou beaucoup de vent à tel autre endroit. Donc, prenez ce chemin, ce sera plus safe. Au moment du départ, j'étais tellement anxieuse. J'avais à la fois hâte de partir, mais j'avais tellement peur. Toute ma famille me disait, c'est pas un échec. Si tu prends l'avion retour à l'air tour, c'est pas grave. Et je me souviens aussi que j'ai reçu la nouvelle de la quatrième coéquipière qui ne pouvait pas partir quand j'étais dans l'avion grâce au Wi-Fi de l'avion. Et heureusement, j'ai reçu ce message dans l'avion parce que je ne sais pas si j'aurais pris mon... Mon avion, si j'avais su avant, en fait, ça voulait dire qu'on était trois pour la Transat et pas quatre. Ça voulait dire que les quarts, ça chamboulait tout. Ça voulait dire qu'en termes de fatigue et de temps d'adaptation et tout ça, ça allait être beaucoup plus demandant. Quand j'arrive aux Antilles et en Martinique, je rencontre mes deux coéquipiers et les autres bateaux qui partent avec nous. Il y avait trois bateaux qui se suivaient des Antilles jusqu'à la Corse. Et donc dans mon équipage, on était trois, il y avait Gaël le skipper. Et ça me rassurait beaucoup d'être avec lui parce qu'il avait fait la Transatlantique Allée, qu'il avait toujours navigué et ça faisait trois mois qu'il naviguait aux Antilles. et Marie, une autre monitrice qui était à un niveau supérieur de monitrice, elle était responsable de tout un pôle de moniteurs dans mon école de voile. C'était des profils assez voileux, c'était des vrais voileux, pas un faux voileux comme moi qui vient faire de la voile l'été. C'était des personnes qui faisaient de la voile à l'année et qui connaissaient la douceur de l'été mais aussi la dureté de l'hiver. Et donc je me sens un peu rassurée et aussi impressionnée d'être avec des personnes aussi... Fortiche. Aussi fortiche et expérimentée. Notre départ était conditionné par les bonnes conditions de mer. Et donc j'arrive aux Antilles et là j'apprends que la fenêtre météorologique pour partir n'est pas à plus d'une semaine ou plus dix jours comme je l'ai escompté, mais à plus trois jours. parce qu'après ça, il y avait plein d'anticyclones et plein de tempêtes. Donc là, re petite panique de Hello dans ma tête. Et donc, j'arrive un peu après la bataille, parce que Marie et Gaël étaient déjà sur place. Les trois bateaux étaient prêts et avaient été vérifiés, et il fallait partir. Donc, ils avaient fait tout l'avitaillement. L'avitaillement, c'est les courses. On part avec le double de la durée du trajet. Donc par exemple, là, nous, on visait large trois semaines. On part avec six semaines de nourriture. Donc des canettes en voiture, voilà. Encore des canettes, du riz et des pâtes. Et encore du riz et des pâtes et du boulgour et du quinoa. Enfin, beaucoup de conserves et beaucoup de dior. Et des fruits aussi quand même parce que ça fait plaisir, mais ça ne se conserve pas beaucoup. On part avec tellement d'eau, on remplit tout le fond du bateau pour pouvoir être autosuffisant en eau pendant l'aller-retour si jamais il y a un problème. Donc ça c'est pour la partie habitaillement. Sur la partie préparation du bateau, un check est fait. Moi je participe à la fin du check. On vérifie tous les petits boulons. On vérifie le mât. On vérifie que le mât tienne bien, qu'il n'y ait pas trop de tension dans l'un des câbles ou pas assez de tension. Enfin vraiment, on fait tout ce qu'on peut à terre pour s'assurer de la bonne sécurité du bateau à terre. On vérifie tout le matériel de sécurité. On charge à balles la batterie du bateau. Un élément essentiel à la préparation du bateau, on définit nos rôles à chacun dans l'équipage. Et comme moi, j'étais la moins expérimentée, j'étais un peu la mousse. Il y avait le capitaine, le sous-capitaine, et moi, j'étais la mousse. On définit, par exemple, les tâches. On fait un calendrier qu'on affiche sur la porte des toilettes en face de la cuisine. Bon, il y avait 50 cm d'écart entre les deux, c'était très spacieux. On définit qui navigue, qui conduit, qui fait les tâches ménagères, et ça, sur trois semaines. On switch de façon de disséquer le temps, on pense par 4 heures désormais. Pendant 4 heures, tu conduis le bateau. Pendant 30 minutes, tu vas faire du grand nettoyage. Ensuite, tu dors. Il y a aussi une dimension où tu peux être très solitaire dans une transatlantique et ne jamais croiser tes potes. Vu que tu conduis 4 heures et après tu vas te coucher ou tu vêtes ta vie à l'intérieur, t'es pas obligé de rester sur le pont. Je savais que j'allais avoir des moments de solitude et je partais un peu pour ça aussi. Mais c'est vrai que parfois on n'a pas vu Marie pendant 2 jours ou 3, tu vois. C'était un 11 mètres de long, 39 pieds. Ça nous a permis au début de suivre cet emploi du temps et de s'amariner, de se faire au rythme de la mer. Ça s'appelle s'amariner. Et au début, je me souviens que curieusement, moi qui débarquais d'avion, je n'avais pas le mal de mer. Et Marie et Gaëlle avaient tellement le mal de mer qu'on ne s'est pas vues pendant quatre jours. C'était horrible. Et donc moi, je pouvais tout faire à l'intérieur parce que je n'étais pas une pro de la barre non plus. Donc c'était très bien pour tout le monde. Mais on a mis du temps avant de vraiment savourer la mer. Je me souviens qu'on a quitté la côte, enfin, on a perdu de vue la côte, c'est un moment hyper symbolique, et c'était l'hécatombe sur le bateau. C'était mal de mer partie. Et au moment où on perd la visibilité sur la côte, moi j'avais peur tout le temps en fait. J'avais vraiment cette boule au ventre, un peu en permanence, en me disant là t'es en train de faire quelque chose de grand mais t'as quand même pas la boîte à outils pour le faire. Et cette sensation elle est partie qu'au bout d'une semaine ou dix jours d'un marinage et de car où je gérais à la barre et en fait ça allait. Pendant la traversée, on a eu vraiment beaucoup de moments calmes et cools où c'était beau temps, belle mer et c'est des merveilleux souvenirs. On a eu quelques avaries et quelques gros coups de vent, mais la majorité du temps, c'était quand même calme et cool à la barre. Principalement, on restait dehors. Je ne me lassais pas vraiment de ce paysage, ça allait faire traîner, mais ça variait tout le temps. On voyait pas beaucoup d'animaux au milieu de l'Atlantique. On a vu des baleines une fois de loin. Si, on a vu une baleine qui s'est mise sur notre route et qui dormait à la surface, qu'on a failli taper. Et là, heureusement que j'étais avec des gens expérimentés parce que moi, je pensais que c'était les reflets argentés d'une vague. Mais non, non, c'était une grosse baleine. Et Marie a fait une manœuvre en catastrophe, mais on n'a pas vu beaucoup d'animaux sinon. Et on s'occupait en lisant, en cuisinant, en parlant. On parlait beaucoup, on faisait des jeux. On communiquait aussi pas mal avec les deux autres bateaux de l'escadre. On faisait des faux JT. Enfin vraiment, on s'ennuyait au milieu de l'Atlantique. Donc on faisait des faux JT, on faisait des batailles navales, on se racontait notre vie par mail, on lisait. C'était vraiment tout doux, tout doux comme temps. La vie à trois bloquée sur un bateau, je crois que c'était vraiment hyper enrichissant. J'ai eu beaucoup de chance parce que ça s'est bien passé. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression d'avoir eu l'opportunité une fois dans ma vie de tellement bien connaître des personnes et pas que en cosmétique. J'ai l'impression d'avoir pu rencontrer des personnes pour de vrai, connaître toutes leurs petites habitudes, leurs histoires. Et je n'ai jamais eu ça dans ma vie, même en couple ou même avec mes amis les plus proches. C'était une opportunité unique de vraiment rencontrer les gens. Et évidemment, parfois, il y avait des tensions, parfois, on s'est un peu disputés, on a dû recadrer, mais on avait quand même cette volonté d'arriver jusqu'au bout de l'expérience commune qui fait qu'on avait ce respect d'autrui et aussi cette abnégation où que ça aille entre nous ou pas, que t'as envie de faire la vaisselle ou pas, ou que t'en aies ras-le-bol de te mouiller sous la tempête pendant 4 heures, on s'accordait et on y allait. Pour la communication, on avait la chance d'avoir un téléphone satellitaire. Un Iridium, ça s'appelle, c'est un téléphone satellitaire qui coûte une fortune, qui permet de se brancher et qui capte en fait, et ça prend 20 minutes d'envoyer un mail ou de recevoir un mail, mais ça permet de communiquer avec l'extérieur. Donc ils nous envoyaient des fichiers météo qu'on pouvait analyser, qu'on téléchargeait, ça s'appelle des fichiers GRIM. Tous les jours on disait, là on va aller plus par là, plus au nord, plus à l'est, plus à l'ouest, et ça nous permettait d'optimiser notre trajectoire. Pour se nourrir, on a une cuisine de bateau. C'est tout petit, mais il y a une gazinière et un four. Et on peut cuisiner, effectivement. C'est parfois plus difficile. En fait, ça dépend vraiment des conditions. Parfois, le bateau penche vraiment beaucoup d'un côté. Quand tu es à 15 degrés d'angle pour touiller les pâtes, c'est beaucoup moins pratique tout à coup. Tu peux te faire ébouillanter si tu es un peu maladroit. Il y a des systèmes très bien faits. Il y a une espèce de balance sur les fours et les gazinières qui fait que ça reste droit et ça suit le gré des vagues. Il y a même une barre. pour s'accrocher avec son mousqueton de gilet de sauvetage. C'était tellement fatiguant. C'est pour ça que tout était effort. De préparer de la nourriture, c'était un effort. Ça demandait des surcapacités de gainage et d'attention accrue. Et en termes d'hygiène, on peut se laver, mais on n'a pas beaucoup d'eau quand même. On s'est pas beaucoup lavés. On s'est lavés 4 fois en 6 semaines. Parce qu'en fait, on se lavait avec un seau et de l'eau salée sur le pont. Au début, quand on était encore aux Antilles et qu'il faisait grand beau, on se lavait dans les grains. C'est-à-dire que moi, je pensais que c'était une blague, ce truc de se laver sous la tempête. Mais quand il y avait une tempête, on se disait Yes ! Et on se mettait en maillot, tu vois, et on se savonnait et tout ça, et on se prenait la tempête et on se lavait. Je me souviens que c'était un effort d'hygiène pour moi de se foutre en maillot alors que t'as... tellement froid et qu'il faut s'attacher et se balancer des seaux d'eau salée sur la figure, non merci, non merci, non merci. T'es habillée comme au ski. En fait, la transatlantique retour est connue parce que... Elle est réputée pour être un peu plus difficile que celle de l'aller. Je ne sais pas à quel point c'est véridique, mais je sais une chose, c'est que quand tu pars à l'aller en plein mois de novembre de l'Europe vers les Antilles, tu vas vers le soleil et vers de l'eau chaude. Alors que quand tu pars au mois de mai, avant la saison cyclonique aux Antilles... Tu tapes l'Atlantique Nord ou parfois, oui, Grélet. Parfois, il faisait vraiment, vraiment froid. Je n'ai jamais eu aussi froid de ma vie, en fait. Je crois que c'est dû à la fatigue, certainement. Mais je n'avais pas du tout envie d'enlever mes sous-couches techniques comme au ski, là, pour me laver. Moi, je faisais de la langette et de la gengette. À un moment donné, je pense que c'est le moment où ça a été le plus chaud pour nous. On a eu des alertes de notre moniteur qui a analysé la météo pour nous et qui nous disait, bon là, il faut aller beaucoup plus vers le nord parce que vous êtes en train de vous faire rattraper par une dépression. Je ne suis pas une pro de la météo, mais juste, on était en train de se faire rattraper par un système de dépression où on se faisait aspirer et on n'arrivait pas à en sortir. Nous, on l'a vu. Enfin, on l'a vu et sur les fichiers, mais on l'a aussi très vite vu avec le ciel bas, gris et lourd. Donc ça, c'est vraiment ce que tu veux éviter. Et beaucoup de changements de pression. On suivait tous les jours, en fait, la pression, la nébulosité, les vagues, la visibilité, pour vraiment essayer d'identifier ces phénomènes. Et là on a vu qu'on allait se faire douiller Là on l'a senti On s'est fait rattraper par le truc Mais vraiment l'impression de se faire aspirer par une merde Et de pas pouvoir en sortir Et là ça a duré 4 jours Marie est tombée malade en plus à ce moment là Et donc il fallait tourner à deux avec Gaël Enfin on se faisait rincer quoi Là, il pleuvait en permanence. On se prenait grains sur la tête, des trompes d'eau. Il pleuvait et il y avait beaucoup de vent et des vagues. Et parfois, il y avait des accalmies entre les grains, mais on se faisait rattraper toujours. On avait un cap, on essayait de se faire désaspirer de ce truc et on n'arrivait pas. Je sais, t'as des lignes de vie pour t'accrocher. C'était hyper excitant aussi, ce truc de se dire Ok, là, c'est moi qui conduis. Et pour qu'on se sorte de là, on continue tout droit. Tu te clipses et t'es partie avec toutes tes couches pour... Et on faisait des quarts de 6 heures à ce moment-là, comme Marie n'était plus de la partie. Mais ce qui est assez drôle, enfin, ce qui est assez curieux, c'est qu'une fois que t'es la tête dans les vagues, c'est pas si impressionnant. Je trouve que c'est toujours très impressionnant dans les films, quand tu vois les bateaux qui descendent et qui remontent. Mais au final, quand t'es la tête dans le guidon, tu te dis, OK, on va essayer de faire celle-là, et puis après celle-là, et on verra plus tard. Mais ça réveille, ça réveille. Et je me souviens que je mettais de la musique à fond, et j'avais un peu l'impression d'être dans une fiesta à 3h du matin. À ce moment-là, je réalise un peu l'expérience que je suis en train de vivre et je prends toute la mesure de ce truc. En fait, ce n'est pas une blague, on est vraiment au milieu de l'Atlantique. Et après, on a enfin vu le bout de ce truc, mais nos fringues ne séchaient pas. Tu vois la sensation de quand tu sors du bain ? En permanence. À la fin de la tempête, notre bateau avait bien tiré. Et notre mât, le mât sur un voilier, tient grâce à des câbles sous tension. Et à un moment donné, c'était une magnifique journée, beau temps, belle mer, comme on s'imagine en transatlantique. On buvait des petits ponches, on écoutait de la musique et on chillait sur le pont. Il y avait quand même pas mal de vagues. On avançait vite à 7 nœuds. Et là, on entend un schlonk. Pire bruit, c'est le bruit d'un câble qui pète. Tu regardes et tu te dis, ok, qu'est-ce qui a pété ? On veut savoir ce qui a pété. C'était le câble qui retenait le mât, qui tirait le mât vers l'arrière. Là, il faut agir hyper vite et repasser un bout de corde pour retenir le mât parce qu'en fait, à tout moment, il peut tomber. Ça peut arriver à minute plus 1 ou à J plus 3. On enclenche une procédure de sécurité, on prévient notre école de voile, notre routeur météo et tout ça, on prévient des manipsécu qu'on a faits. On prépare nos sacs de survie. On prépare tout. On prépare tout et on se dit, peut-être que dans deux heures, on est barrés. On a revu toutes les procédures. Je me souviens de procédures risibles à trois heures du mat où Gaël nous disait, donc si jamais le mat tombe, vous mettez vos mains en croix au-dessus de votre tête. Le mec, il doit peser 40 000 tonnes. Là, tu vois, s'il veut nous éclater le crâne, il nous éclate le crâne. Et c'était au milieu de la nuit en fait. Donc on a veillé toute la nuit sur le pont. On savait pas si le mât allait tenir. Donc on attendait les vérifications techniques de notre école de voile de est-ce que ça peut tenir avec seulement trois câbles. Mais tu vois, je ne sais même pas combien ça pèse un mât, mais juste s'il tombe, ça peut être mortel. Soit ça pète la coque, soit ça pète tout sur son passage, mais c'est vraiment dangereux. Donc on avait une pince Monseigneur, je ne sais pas si vous voyez ce que c'est, mais c'est comme un gros sécateur qui sert à... couper des câbles très très épais, de quoi péter tous les autres câbles pour que le mât tombe dans le bon sens pour le larguer. On avait sorti en visu, on avait de l'eau, Marie avait son doudou, on avait pris des M&M's, et c'était parti, si jamais on devait se barrer, on se barrait. Et on a eu tellement peur. Je me souviens avoir fait une blague à mon skipper à deux heures du mat parce que c'était quand même très lourd, on avait très peur. Et je lui ai dit, mais moi j'ai 24 ans, je suis trop jeune pour mourir. Et je me souviens que là, ça lui a déclenché un mal de verre et qu'il a été faire ce qu'il avait à faire sur le pont. Et je me suis dit, oh là là. Et là, à ce moment-là, j'ai réalisé que c'était grave ce qui était en train de se passer. En fait, il y a eu plusieurs étapes à notre soulagement là-dedans. La première étape, c'est que le bateau qui était devant nous est revenu en visibilité et faisait des rondes autour de nous. Donc ça, c'était très rassurant, ça nous a enlevé un énorme poids. La deuxième chose, c'est que quand ça arrivait, c'était au milieu de la nuit. C'est bizarre, mais ça confère tout de suite un environnement où tu es beaucoup moins serein la nuit. Et donc, quand le jour s'est levé, on était déjà beaucoup plus soulagés de pouvoir voir l'étendue des dégâts. et voir qu'on avait mis une réparation, on avait passé une corde à la place d'un câble en acier, et ça tenait. Et ensuite, on a reçu un mail de notre école de voile qui disait que notre bateau était configuré de telle sorte que ça tenait très bien avec trois câbles, et qu'il fallait juste pas trop tirer sur le mât, mais que ça allait le faire encore pendant dix jours. Et donc, grand soulagement, Ouais, immense soulagement, en fait, une fois que c'est passé, mais on était quand même toujours sur la réserve. Pour les voyages hauteuriers, pareil, c'est connu que tu as des grands moments de solitude, en fait. Des grands moments où tu peux t'ennuyer pendant longtemps si tu n'as pas beaucoup d'occupation, parce qu'effectivement, tu n'as pas de data. Moi, j'ai coupé mon téléphone pendant un mois et demi. Je trouve que c'est un luxe incroyable et j'espère que j'aurai le courage ou l'envie de refaire ça un jour. Pour s'occuper, on est parti avec des livres. Enfin, Gaëlle et moi, on est parti avec des livres. Marie, elle est partie avec ses Game Boys, tu vois. C'est deux perceptions différentes. Mais pour s'occuper, donc, tu cuisines, tu... Moi, je tenais un journal de bord où je notais mes journées, enfin, mes journées, mes quarts, ma perception du temps. Tu tiens un livre de bord aussi, c'est très important dans la traversée. En fait, tu notes toutes les quatre heures, chaque événement important, ton cap, la situation météo, la pression barométrique et tout ça. Et t'es pas mal dehors, effectivement, sur le pont à t'ennuyer. À t'ennuyer, mais ça n'a jamais été aussi bénéfique pour moi. C'est vrai que j'ai vraiment l'impression d'avoir été au bout de moi-même et au bout de l'ennui. Donc tu as des conversations hyper intéressantes avec tes coéquipiers quand ils sont là, mais parfois c'est vrai que tu passes trois heures à t'ennuyer dans les vagues, mais c'est pas plus mal non plus, tu es un peu aussi là pour ça. C'est vraiment quelque chose que j'aimerais revivre plus tard, parce que c'est une bulle de temps où tu n'es pas disposable. Par exemple, sans mentir, je vous rends ça comme si c'était quelque chose de hyper positif, mais parfois on s'ennuyait tellement. Parfois je me souviens qu'on faisait des concours de celui qui lit le plus vite son livre avec Gaëlle. Ça dure longtemps de lire vite un livre. Ou on faisait du yoga, on faisait des parties d'échecs. J'ai pas gagné une partie d'échecs sur la transat. Je récitais mes tables de multiplication à l'envers quand j'étais solo parfois. Tu perds la notion des jours et la notion du temps. En fait, tu es vraiment très en phase avec le soleil qui se lève et le soleil qui se couche. Mais par exemple, moi je prends la pilule et je n'arrivais pas à prendre à heure fixe ma pilule parce que tu oublies aussi que tu traverses plusieurs fuseaux horaires et c'est toi qui changes ton heure. C'est assez luxueux, en fait t'es au cycle de tes besoins, donc de ton sommeil, de comment le bateau avance. Tu manges quand t'as faim, parce qu'il y a plus d'heures qui vaut, tu vois. Parce que t'es éclaté de fatigue et tu vis au rythme du soleil. Nous on a décidé de changer les heures quand on s'est rendu compte que le soleil se levait à 3h du mat. On s'est dit, ah ouais mais c'est vrai qu'on a traversé 3 fuseaux horaires, on change d'heure ! Et ce que j'ai beaucoup apprécié au milieu de la traversée, c'est que je suis quelqu'un qui essaie toujours de prévoir sa prochaine activité, de toujours remplir le temps pour que ce soit un investissement constructif pour moi demain. Et je me souviens que sur le bateau, je ne pouvais pas faire ça et c'était une sensation tellement agréable de juste voir... Mon job, c'était de barrer. Je devais barrer pendant quatre heures et faire mon petit bout de chemin. Il fallait que j'embrasse cette situation du temps présent où je ne pouvais faire que ça. Et c'était hyper sérénisant en fait. Chaque activité que je faisais, comme je n'étais pas disposable et que je concentrais 100% de mon énergie à cette tâche, je m'en souviens beaucoup plus. Je me souviens beaucoup plus des livres que j'ai lus il y a deux ans en prenant pleinement le temps de les lire que ceux d'il y a une semaine. C'était vraiment une sérénité de l'esprit que je n'avais pas expérimenté auparavant. Donc entre chacune des deux terres, il se passe 17 jours, je crois, quelque chose comme ça. Entre les deux, t'as vraiment l'impression d'être une poussière dans l'océan. T'as vraiment l'impression d'être tout petit et je trouve que ça remet à sa place. Bon, ça paraît très niais ce que je dis, mais je pense qu'il faut le vivre pour le comprendre. Tu te sens infiniment petit et tu te dis qu'effectivement, s'il y a une tempête, t'es pas sûr de gagner. Apparemment, il y a quelque chose d'assez connu dans le milieu de voileux, de vrais voileux, pas de voileux parisiens un peu comme moi. c'est que quand vous embarquez, je vous donne un petit conseil, quand vous faites les courses et l'avitaillement, et que vous embarquez des produits issus de supermarchés, des cartons, des plastiques et des choses comme ça, il se peut, très probablement, qu'il y ait des petits nids de bébêtes dans ces emballages. Et donc, petit conseil, n'embarquez pas les emballages, embarquez juste la bouffe, sinon vous risquez de vous retrouver comme nous, avec un maman et un papa cafard, comme nous. qui lance une colonie de cafards à l'intérieur. Et en fait, c'est assez connu, ce truc des cafards dans les bateaux. Mais une fois que t'en as un, c'est tellement difficile de désinfester. Et nous, on était partis avec. On est partis avec, on s'en est rendu compte au bout de cinq jours. On avait acheté des produits et tout ça, mais il tenait à tout. Je me souviens de me dire, donc moi j'ai le mal de mer, j'arrive pas à dormir, j'arrive pas à me nourrir correctement, je suis super fatiguée, on se fait violenter par les vagues, parfois tu te prends des vagues, ça réveille un homme, parfois tu te prends des vagues, des torgnolles, les cafards ça mouftait pas, ils étaient toujours là, de plus en plus nombreux. À la fin on en riait, je me souviens qu'au début j'étais un peu, je me disais que c'était pas hygiénique et tout ça, mais à la fin on a juste... abandonner le combat. Il faut que vous visualisez un bateau, mais c'est très difficile de bloquer à la source les cafards. En fait, tout est communiquant dans les placards et dans les fonds. Dans les équipés, ça s'appelle. Quand on ouvre un, en fait, t'as une paroi dans le fond qui va jusque dans la coque. Donc tu peux vider un placard si tu veux, mais les cafards passent par la coque et vont de l'autre côté. Je me souviens qu'à la fin de nos cars, on avait ajouté une ligne pour l'infestation des cafards. Il fallait qu'on mette un petit pchit par équipé, tu vois. On a lâché l'affaire après que Gaëlle ait décidé de démonter tout le bateau pour les niquer. Et ça n'a pas marché, on ne pouvait juste pas marcher par terre, tu vois, sur toutes les parois. On ne pouvait plus marcher, c'était plus plat, c'était creux. Mais à la fin, on avait tellement faim, on était tellement fatigués que... Par exemple, je me souviens d'un dilemme avec le dernier paquet de pain, où tu vois, il nous restait une semaine de navigation. On bouffait des haricots rouges sauce tomate dans des mugs. Et Marie elle trouve un bébé caffard dans le paquet de pain et là on se dit, on se regarde avec elle genre Non s'il te plaît le jette pas, le jette pas, on va le cuire très fort A la fin de la traversée, à J plus 15, on devait arriver au bout de 18 jours, un truc comme ça, mais à cause de notre avarie et de notre système D avec des cordes tendues de mâts, on devait réduire la voilure et donc pas aller aussi vite que d'habitude. Donc on a pris trois jours de plus. Et je me souviens qu'on disait, on arrive après demain. Et ça a duré quatre jours ce truc de, on arrive après demain. On arrive d'abord aux Açores, en fait. Je me souviens de l'arrivée où ils grêlaient, et il faisait tellement froid, c'était affreux. Il y avait 60 nœuds au port, quoi. Donc on arrive, là on a un peu de casse-matériel, on arrive à 3h du mat dans la nuit, et là il n'y avait pas une place au parking. Enfin, pas une place dans le port. Et là on se dit, mais on ne va pas se refoutre en dehors de Horta, alors qu'il y a 60 nœuds pour la nuit, là. C'est mort, ça fait du vent à 80 km heure, c'est mort. Donc là, on met notre encre au milieu du port, tu vois. Personne ne fait ça, c'est complètement illégal. Et on se dit, on va se tanquer ici, c'est pas grave, on n'en peut plus. Et là, on affole nos voiles et tout ça, et c'est hyper émouvant comme moment. On a fait les deux tiers de l'Atlantique, il reste que un tiers et ça va aller. On sait qu'on a fait le plus gros, tu vois. On arrive à Horta, qui est une île mythique des Açores, parce que c'est la porte d'entrée et de sortie de l'Atlantique, et à cette période-là, il n'y a que des marins qui traversent l'Atlantique. Il y a une ambiance très particulière, c'est vraiment le temple de ceux qui ont traversé l'Atlantique, et c'est très valorisé là-bas, sur la marina. Chaque marin qui a traversé l'Atlantique doit peindre quelque chose sur une dalle. C'est des énormes dalles, et donc la ville est peinture lurée de sigles de bateaux, de noms, de dates, et c'est vraiment très particulier comme ambiance. Notre bateau s'appelait U-Ponante, comme le ponant, et leur bateau s'appelait U-Levanté, comme le levant, comme le soleil qui se lève et qui se couche en Orient et en Occident. Et donc, on a peint deux tournesols tournés vers l'Orient et vers l'Occident, en jaune et en noir. Et on a marqué nos noms et tout ça. Bon, ça fait un peu collégien, mais tout le monde le fait. Ensuite, on passe les meilleurs repas de notre vie à terre, où tu vois tout ce qui paraît tellement acquis. Ne l'était plus pour nous, par exemple. Je rêvais que d'une chose, c'était de courir. J'en pouvais plus, moi, de rester sur 11 mètres de long. Et donc, on a fait un énorme jogging avec Gaëlle dans Horta, qui est magnifique, qui est hyper volcanique et montagnard. Trop beau. On a pris une douche aussi, la douche d'une vie. On a fait de l'habitailment. Enfin, vraiment, on s'est retapés pendant deux jours et ensuite, on est repartis. On ne voulait pas non plus se désamariner parce que ça prend du temps de se faire au rythme des cars, de la vie en mer, du bateau JT et tout ça. et l'écueil là-dedans c'est de rester trop longtemps et de se retaper tout le seul processus de réadaptation donc on reste 3 jours et après on s'en va pour moi ça n'a pas été trop dur de repartir je crois mais j'avais quand même très peur de passer Gibraltar parce que c'était impressionnant, qu'on n'était pas très manœuvrant et que ça faisait beaucoup de trafic, beaucoup de monde Sur le passage de Gibraltar, il faut quand même des conditions favorables. En fait, Gibraltar, ça fait un effet venturi. Un effet venturi, c'est un effet où le vent se compresse dans un étau et accélère leur vitesse dans l'étau. Ça fait, pour vous illustrer, un peu comme dans les couloirs du métro, quand la même quantité d'air essaye de passer le petit couloir du métro à la sortie et que vous vous prenez un banc d'air chaud dans la figure. Ça fait le même effet. C'est connu pour être très venteux, très technique, parce qu'il y a ce qu'on appelle le rail. de tout le commerce mondial qui passe avec des gros cargos des deux côtés. Il y a 30 km qui séparent la côte espagnole de la côte marocaine. C'est vraiment un mouchoir de poche avec beaucoup de vent qui va soit dans un sens soit dans l'autre et avec sur le côté des espèces de parois à ne pas toucher qui sont les cargos. Donc là on se rend compte que les conditions ne sont pas favorables pour passer. Depuis quelques jours on voit tellement de cargo et surtout à la VHF on entend que ça parle toutes les langues. Arabe, espagnol, t'as les douanes qui disent non mais rabattez-vous. T'as SOS Méditerranée qui se fait alpaguer par Frontex. Enfin vraiment t'entends tout le monde que t'as pas eu pendant trois semaines tu l'entends à la VHF. Et donc on décide de se stopper en Espagne et d'attendre que le vent tourne pour nous pousser dans le bon sens. Et au bout de trois jours... On se rend compte que les vents favorables ne tournent pas, que ça ne descend pas et qu'il va falloir y aller. On calcule, ça va durer 40 heures avant qu'on soit safe. Je me souviens qu'on quitte le quai en se disant ok les gars, on se voit de l'autre côté, on aura traversé l'Atlantique. Là, on ne va pas beaucoup dormir pendant 40 heures, mais ce n'est pas grave. Tout le monde sur le pont et ce n'est pas grave s'il ne faut pas dormir pendant 40 heures. On fera des micro-sieces entre-temps et on se relaie. Donc on se relayait et c'était intense. Je me souviens que le bateau était vraiment à 15 degrés d'angle où tu marchais sur le mur en fait. Je ne sais pas comment vous illustrer ça, mais tu marches sur le mur et sur les fenêtres parce que le bateau est à l'envers tellement il est gîté. Et il fallait vraiment une vigilance accrue de chaque instant. C'est comme si tu avais deux autoroutes, en fait, et parfois les bateaux traversent pour aller d'un à l'autre. Et comme tu es le plus manœuvrant, parce que tu es un bateau à voile, c'est à toi de dégager, évidemment. C'est vraiment émouvant, comme au moment où tu vois la côte espagnole, tu vois la côte marocaine, et tu te dis, là, on est en train de le faire, là, à la ligne, on aura traversé l'Atlantique. Quand on a passé Gibraltar, on remonte un peu vers la côte espagnole, On voit de loin chaque ville espagnole. On dit que c'est un sapin de Noël. Il faut s'imaginer que nous, on voyait la nuit noire ou le grand bleu sans pollution visuelle, sonore ou lumineuse. Et là, on est baignés dans le début de la Méditerranée. On voit les côtes, ça nous fait trop bizarre. Et en termes de rythme, tout s'adoucit un peu. On a passé le gros du vent et on arrive à la Méditerranée. Il n'y a pas beaucoup de vent parfois. Là, on a mis du moteur pendant deux jours, alors que c'était la guerre pendant trois semaines avant. À ce moment-là, on se dit gros rangement, gros chill, on pète le champagne avec les autres deux bateaux. Et c'était vraiment tout doux et on avait fait le plus gros, on savait qu'on avait fait le plus gros. On était un peu en sécurité à la maison. On a vu plein de dauphins, d'oiseaux. Pas mal de plastocs, c'est pas un animal mais gros fléaux. Et des méduses aussi. Des très belles méduses mais avec des filaments bleus de 4 mètres, plein de phytoplankton. Ça c'est magnifique. La nuit quand tu vois il fait tout noir et que t'as pas trop de pollution lumineuse sur les côtes, tu peux spoter et voir un océan de phytoplankton dans la mer, c'est trop beau. Je redoutais de plus en plus l'arrivée en Corse. Moi, je n'avais pas du tout hâte d'arriver. C'était le moment où j'étais enfin à l'aise. La vie était douce, mais on arrive en Corse quand même explosée de fatigue. On n'a jamais été tous aussi fatigués de notre vie. On n'a jamais autant tiré sur la corde que pendant ce périple. Donc, il était temps d'arriver. On avait tout préparé pour notre arrivée en se disant qu'on avait fait un truc monstrueux. On se demandait ce qui allait nous attendre à l'arrivée, mais en fait rien, tu fais cet exploit en silence, tu vois, t'arrives à 9h du mat, on fait la dernière manœuvre de port et tout, on se range, et en fait on se range à côté de gros semi-rigides tout noirs qui prennent toutes les places de parking du port, on se dit tranquille ça va passer ici, on vient de faire une transat, et là il y a un corse qui vient de dire hé, non non, vous allez vous garer là-bas, parce que la mafia corse a la moitié du port, donc on va se garer tout là-bas. On se gare et ensuite on met enfin pieds à terre. Et là on va prendre un petit déjeuner. Et là c'est la fin quoi. Je me souviens d'être vraiment triste que ce soit fini, mais en même temps tout ça est exacerbé par un lot de fatigue, comme jamais on en a connu, donc ça exacerbe tout, tu vois. Et j'ai aussi envie de célébrer. On arrive le 21 juin et on a envie de faire la méga fiesta. On a envie de danser jusqu'au bout de la nuit, de prendre plein de vin, et de prendre des cafés qui ne tombent pas et ne nous ébouillantent pas, d'arrêter les conserves et de manger des tomates mozza fraîches. Le retour à la vie normale était assez violent presque. C'était bizarre de voir tellement de gens, d'entendre tellement de bruit, de ne plus avoir ce silence. Par exemple, au début, c'était impensable pour moi d'aller dans un supermarché. C'était vraiment des agressions. Et j'étais très fatiguée et j'ai passé un mois à dormir. J'étais décalquée à toute heure du jour et de la nuit. Et ça a mis du temps à se réparer cette fatigue. C'était impressionnant. Quand j'y repense, je suis tellement heureuse d'avoir eu le courage d'écouter ma petite voix qui me disait Vas-y, c'est le moment d'y aller Je suis un peu aussi nostalgique et j'aimerais ne pas perdre tous les apprentissages de cette expérience. J'aimerais me dire que je suis capable de me détacher de mon téléphone pendant une semaine et que ce ne soit pas un problème et que je suis capable aussi d'avoir une vie assez minimaliste et portée sur l'essentiel, mais c'est difficile dans notre quotidien. Je ressens vraiment grandir et j'ai l'impression d'avoir une force énorme. À chaque fois que je rencontre une petite contrariété dans ma vie, c'est toujours un appel à relativiser où je me dis Wow, wow, wow, on a connu pire et ça va aller, ça va aller. En fait, j'ai aussi fait ce challenge parce que j'avais vraiment du mal à être toute seule et que j'avais toujours besoin de meubler le temps, de toujours investir mon temps de façon à ce que ce soit rentable pour moi, pour la version de moi-même dans dix ans. Vraiment une vision utilitariste du temps. Et je ressors vraiment grandie parce que j'ai appris à me connaître, à être super en paix toute seule. Je ne sais pas s'il fallait une transat pour ça, mais ça m'a fait vraiment beaucoup de bien. ça m'a donné beaucoup confiance en moi aussi et je me suis rendue compte que j'étais pleine de ressources et que j'avais des grandes forces j'étais pas une pro de la voile mais j'ai une richesse intellectuelle qui fait que je peux m'occuper tranquille pendant 6 semaines et ça j'en avais peut-être pas la conscience à l'époque L'un des meilleurs souvenirs que j'ai, c'est... Moi, j'avais un quart de 4h à 8h du mat, et donc ça, c'est le meilleur quart parce que t'as le lever de soleil. Et on venait de passer une tempête horrible où j'étais rincée, moi, psychologiquement et physiquement, vraiment épuisée. À chaque nouveau quart, il fallait mettre ses fringues trempées, couche par couche. Enfin, nerveusement, j'en menais pas large. On change de cap pour aller vers l'Est. Gros moment parce qu'on n'a pas mis le route à prendre. Je me dis, OK, je vais pouvoir tourner un peu le volant. Yes ! Et là, le soleil se lève plein Est et on capait à l'Est, tu vois. Donc, je vois un magnifique lever de soleil. Et là, Gaël se lève et il fait des crêpes. Ça sent trop bon, les crêpes, au milieu de l'Atlantique. On s'est fait rincer la gueule pendant trois jours. On est trempés, mais il fait grand beau. La tempête est finie et on s'approche des côtes avec le bon cap. On va hyper vite. C'était vraiment un chouette moment, ça. Merci d'avoir écouté cet épisode de Tentative. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain. Ciao !

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Cap à l’Est ! Il est l’heure de traverser l’Atlantique à bord du voilier « Uponente ». Hissez les voiles, bravez la tempête, réparez votre mât, frissonnez du grand froid !

Suivez Héloïse dans cette merveilleuse aventure dont elle ressort grandie… et lancez-vous à votre tour !

 

Pour les photos de son voyage, rdv sur insta : @hb_en_transat


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue dans Tentative. Vous écoutez l'épisode d'Héloïse qui va vous faire prendre le grand linge. Si vous êtes curieux, je vous mets son compte Instagram de la traversée en description. Bonne écoute ! Je m'appelle Héloïse Bertrand, j'ai 26 ans et il y a deux ans maintenant, j'ai traversé l'Atlantique, de la Martinique jusqu'à la Corse et c'était le voyage d'une vie. J'ai commencé la voile quand j'avais 15 ans, à l'occasion d'un stage de voile une semaine l'été. J'ai tout de suite beaucoup aimé, donc je suis restée finalement un mois. J'ai passé pas mal de niveaux de voile, de dériveur notamment et de voile légère. C'est tout ce qui est catamaran, dériveur, planche à voile. C'est vraiment prendre un petit bateau et pouvoir mettre pied à terre quand on veut. à la fin d'une navigation. Alors que la croisière, c'est vraiment gros bateau et voyage en itinérance, soit pour faire de la croisière côtière, donc longer la côte, soit haute surière et aller en haute mer. Je suis monitrice en voile légère et j'ai un bon niveau en croisière maintenant. Moi, je naviguais principalement dans l'archipel des Glénans en Bretagne Sud, dans un périmètre de navigation hyper sécurisé où on est toujours surveillé en permanence et où à la fin, je connaissais le plan d'eau par cœur avec ses obstacles, ses difficultés, les passages difficiles, les rochers et tout ça. Alors qu'en... En haute mer, c'est plus facile en un sens parce qu'il y a moins d'obstacles, moins de marées, moins de rochers à éviter au milieu de l'Atlantique. Mais il faut quand même des sacrées connaissances en météo et en sécu. Donc c'est beaucoup plus de liberté et moins contraignant comme espace, mais les erreurs coûtent un peu plus cher. J'avais vraiment cette envie et cet objectif dans ma vie de faire une transatlantique avec ma famille ou plus tard quand j'estimais, et si j'estimais un jour, être en mesure et d'avoir les capacités et la connaissance pour le faire. Donc c'est quelque chose que j'ai toujours voulu faire et l'occasion s'est finalement présentée il y a deux ans. Ce que j'aime beaucoup dans la navigation et dans la voile, c'est vraiment très exaltant comme sensation de pouvoir aller au gré du vent où on veut. Et c'est vraiment une sensation de liberté, une espèce de symbiose avec les éléments aussi qu'on retrouve difficilement ailleurs, je trouve. Lorsque je me suis mise pour de vrai à la croisière, j'ai décidé de faire des stages et un stage de navigation intensif en croisière. J'ai rencontré un skipper de mon école de voile. Trois mois plus tard, mon école de voile me rappelle pour me proposer un convoyage pour une transatlantique retour, donc des Antilles vers la Méditerranée. La haute saison de la voile. En hiver, ce passe aux Antilles, donc les bateaux partent de la Méditerranée jusqu'aux Antilles, font la saison, mais après, il faut les ramener pour la haute saison en Corse ou en Bretagne. Il manquait des personnes et il fallait des personnes un peu compétentes, mais surtout très motivées pour se taper trois semaines, six semaines de voile dans des conditions de la transatlantique. J'ai reçu ce message hyper long et ayant toutes les bonnes raisons selon lesquelles ça serait une super opportunité pour moi. J'étais à la fois terrifiée et super excitée à l'idée de le faire. Et je m'étais dit que c'était un rêve que j'avais envie de faire depuis longtemps et que là, c'était un alignement des planètes. Parce que j'avais du temps, c'était sur un bateau tout neuf, hyper sécurisé, avec mon école de voile et des gens compétents. Et qu'une occasion pareille ne se représenterait peut-être pas dans longtemps. Je prends une semaine pour prendre ma décision, parce que je me dis, c'est une belle opportunité, il ne faut pas louper ça, mais en même temps, il y a des gens qui meurent au milieu de l'Atlantique, où mets-tu le curseur ? Je regarde pas mal de vidéos et j'essaye de me former surtout en météo. Parce que, encore une fois, moi je venais d'un milieu de voile légère, je suis parisienne, je ne suis pas voileuse. Les conditions météorologiques et les conditions de l'Atlantique et de la navigation auturière, ça ne s'apprend pas dans les livres. Donc je regarde des vidéos, je me forme en sécu et en météo. Et c'est tout, c'est tout. Je vais au vieux campeur prendre plein de matos et c'est tout. Et en toute honnêteté, sur ma préparation météo très assidue, je pense que... Non, ça ne m'a absolument pas servi. On avait un très bon routage météo. Un routage météo, c'était un moniteur des glénans qui nous guidait, qui prenait des fichiers météo et qui nous disait là, il faut caper un peu plus au nord ou un peu plus au sud parce que sinon, vous allez avoir un anticyclote. Sinon, vous allez avoir beaucoup de vent à tel endroit ou beaucoup de vent à tel autre endroit. Donc, prenez ce chemin, ce sera plus safe. Au moment du départ, j'étais tellement anxieuse. J'avais à la fois hâte de partir, mais j'avais tellement peur. Toute ma famille me disait, c'est pas un échec. Si tu prends l'avion retour à l'air tour, c'est pas grave. Et je me souviens aussi que j'ai reçu la nouvelle de la quatrième coéquipière qui ne pouvait pas partir quand j'étais dans l'avion grâce au Wi-Fi de l'avion. Et heureusement, j'ai reçu ce message dans l'avion parce que je ne sais pas si j'aurais pris mon... Mon avion, si j'avais su avant, en fait, ça voulait dire qu'on était trois pour la Transat et pas quatre. Ça voulait dire que les quarts, ça chamboulait tout. Ça voulait dire qu'en termes de fatigue et de temps d'adaptation et tout ça, ça allait être beaucoup plus demandant. Quand j'arrive aux Antilles et en Martinique, je rencontre mes deux coéquipiers et les autres bateaux qui partent avec nous. Il y avait trois bateaux qui se suivaient des Antilles jusqu'à la Corse. Et donc dans mon équipage, on était trois, il y avait Gaël le skipper. Et ça me rassurait beaucoup d'être avec lui parce qu'il avait fait la Transatlantique Allée, qu'il avait toujours navigué et ça faisait trois mois qu'il naviguait aux Antilles. et Marie, une autre monitrice qui était à un niveau supérieur de monitrice, elle était responsable de tout un pôle de moniteurs dans mon école de voile. C'était des profils assez voileux, c'était des vrais voileux, pas un faux voileux comme moi qui vient faire de la voile l'été. C'était des personnes qui faisaient de la voile à l'année et qui connaissaient la douceur de l'été mais aussi la dureté de l'hiver. Et donc je me sens un peu rassurée et aussi impressionnée d'être avec des personnes aussi... Fortiche. Aussi fortiche et expérimentée. Notre départ était conditionné par les bonnes conditions de mer. Et donc j'arrive aux Antilles et là j'apprends que la fenêtre météorologique pour partir n'est pas à plus d'une semaine ou plus dix jours comme je l'ai escompté, mais à plus trois jours. parce qu'après ça, il y avait plein d'anticyclones et plein de tempêtes. Donc là, re petite panique de Hello dans ma tête. Et donc, j'arrive un peu après la bataille, parce que Marie et Gaël étaient déjà sur place. Les trois bateaux étaient prêts et avaient été vérifiés, et il fallait partir. Donc, ils avaient fait tout l'avitaillement. L'avitaillement, c'est les courses. On part avec le double de la durée du trajet. Donc par exemple, là, nous, on visait large trois semaines. On part avec six semaines de nourriture. Donc des canettes en voiture, voilà. Encore des canettes, du riz et des pâtes. Et encore du riz et des pâtes et du boulgour et du quinoa. Enfin, beaucoup de conserves et beaucoup de dior. Et des fruits aussi quand même parce que ça fait plaisir, mais ça ne se conserve pas beaucoup. On part avec tellement d'eau, on remplit tout le fond du bateau pour pouvoir être autosuffisant en eau pendant l'aller-retour si jamais il y a un problème. Donc ça c'est pour la partie habitaillement. Sur la partie préparation du bateau, un check est fait. Moi je participe à la fin du check. On vérifie tous les petits boulons. On vérifie le mât. On vérifie que le mât tienne bien, qu'il n'y ait pas trop de tension dans l'un des câbles ou pas assez de tension. Enfin vraiment, on fait tout ce qu'on peut à terre pour s'assurer de la bonne sécurité du bateau à terre. On vérifie tout le matériel de sécurité. On charge à balles la batterie du bateau. Un élément essentiel à la préparation du bateau, on définit nos rôles à chacun dans l'équipage. Et comme moi, j'étais la moins expérimentée, j'étais un peu la mousse. Il y avait le capitaine, le sous-capitaine, et moi, j'étais la mousse. On définit, par exemple, les tâches. On fait un calendrier qu'on affiche sur la porte des toilettes en face de la cuisine. Bon, il y avait 50 cm d'écart entre les deux, c'était très spacieux. On définit qui navigue, qui conduit, qui fait les tâches ménagères, et ça, sur trois semaines. On switch de façon de disséquer le temps, on pense par 4 heures désormais. Pendant 4 heures, tu conduis le bateau. Pendant 30 minutes, tu vas faire du grand nettoyage. Ensuite, tu dors. Il y a aussi une dimension où tu peux être très solitaire dans une transatlantique et ne jamais croiser tes potes. Vu que tu conduis 4 heures et après tu vas te coucher ou tu vêtes ta vie à l'intérieur, t'es pas obligé de rester sur le pont. Je savais que j'allais avoir des moments de solitude et je partais un peu pour ça aussi. Mais c'est vrai que parfois on n'a pas vu Marie pendant 2 jours ou 3, tu vois. C'était un 11 mètres de long, 39 pieds. Ça nous a permis au début de suivre cet emploi du temps et de s'amariner, de se faire au rythme de la mer. Ça s'appelle s'amariner. Et au début, je me souviens que curieusement, moi qui débarquais d'avion, je n'avais pas le mal de mer. Et Marie et Gaëlle avaient tellement le mal de mer qu'on ne s'est pas vues pendant quatre jours. C'était horrible. Et donc moi, je pouvais tout faire à l'intérieur parce que je n'étais pas une pro de la barre non plus. Donc c'était très bien pour tout le monde. Mais on a mis du temps avant de vraiment savourer la mer. Je me souviens qu'on a quitté la côte, enfin, on a perdu de vue la côte, c'est un moment hyper symbolique, et c'était l'hécatombe sur le bateau. C'était mal de mer partie. Et au moment où on perd la visibilité sur la côte, moi j'avais peur tout le temps en fait. J'avais vraiment cette boule au ventre, un peu en permanence, en me disant là t'es en train de faire quelque chose de grand mais t'as quand même pas la boîte à outils pour le faire. Et cette sensation elle est partie qu'au bout d'une semaine ou dix jours d'un marinage et de car où je gérais à la barre et en fait ça allait. Pendant la traversée, on a eu vraiment beaucoup de moments calmes et cools où c'était beau temps, belle mer et c'est des merveilleux souvenirs. On a eu quelques avaries et quelques gros coups de vent, mais la majorité du temps, c'était quand même calme et cool à la barre. Principalement, on restait dehors. Je ne me lassais pas vraiment de ce paysage, ça allait faire traîner, mais ça variait tout le temps. On voyait pas beaucoup d'animaux au milieu de l'Atlantique. On a vu des baleines une fois de loin. Si, on a vu une baleine qui s'est mise sur notre route et qui dormait à la surface, qu'on a failli taper. Et là, heureusement que j'étais avec des gens expérimentés parce que moi, je pensais que c'était les reflets argentés d'une vague. Mais non, non, c'était une grosse baleine. Et Marie a fait une manœuvre en catastrophe, mais on n'a pas vu beaucoup d'animaux sinon. Et on s'occupait en lisant, en cuisinant, en parlant. On parlait beaucoup, on faisait des jeux. On communiquait aussi pas mal avec les deux autres bateaux de l'escadre. On faisait des faux JT. Enfin vraiment, on s'ennuyait au milieu de l'Atlantique. Donc on faisait des faux JT, on faisait des batailles navales, on se racontait notre vie par mail, on lisait. C'était vraiment tout doux, tout doux comme temps. La vie à trois bloquée sur un bateau, je crois que c'était vraiment hyper enrichissant. J'ai eu beaucoup de chance parce que ça s'est bien passé. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression d'avoir eu l'opportunité une fois dans ma vie de tellement bien connaître des personnes et pas que en cosmétique. J'ai l'impression d'avoir pu rencontrer des personnes pour de vrai, connaître toutes leurs petites habitudes, leurs histoires. Et je n'ai jamais eu ça dans ma vie, même en couple ou même avec mes amis les plus proches. C'était une opportunité unique de vraiment rencontrer les gens. Et évidemment, parfois, il y avait des tensions, parfois, on s'est un peu disputés, on a dû recadrer, mais on avait quand même cette volonté d'arriver jusqu'au bout de l'expérience commune qui fait qu'on avait ce respect d'autrui et aussi cette abnégation où que ça aille entre nous ou pas, que t'as envie de faire la vaisselle ou pas, ou que t'en aies ras-le-bol de te mouiller sous la tempête pendant 4 heures, on s'accordait et on y allait. Pour la communication, on avait la chance d'avoir un téléphone satellitaire. Un Iridium, ça s'appelle, c'est un téléphone satellitaire qui coûte une fortune, qui permet de se brancher et qui capte en fait, et ça prend 20 minutes d'envoyer un mail ou de recevoir un mail, mais ça permet de communiquer avec l'extérieur. Donc ils nous envoyaient des fichiers météo qu'on pouvait analyser, qu'on téléchargeait, ça s'appelle des fichiers GRIM. Tous les jours on disait, là on va aller plus par là, plus au nord, plus à l'est, plus à l'ouest, et ça nous permettait d'optimiser notre trajectoire. Pour se nourrir, on a une cuisine de bateau. C'est tout petit, mais il y a une gazinière et un four. Et on peut cuisiner, effectivement. C'est parfois plus difficile. En fait, ça dépend vraiment des conditions. Parfois, le bateau penche vraiment beaucoup d'un côté. Quand tu es à 15 degrés d'angle pour touiller les pâtes, c'est beaucoup moins pratique tout à coup. Tu peux te faire ébouillanter si tu es un peu maladroit. Il y a des systèmes très bien faits. Il y a une espèce de balance sur les fours et les gazinières qui fait que ça reste droit et ça suit le gré des vagues. Il y a même une barre. pour s'accrocher avec son mousqueton de gilet de sauvetage. C'était tellement fatiguant. C'est pour ça que tout était effort. De préparer de la nourriture, c'était un effort. Ça demandait des surcapacités de gainage et d'attention accrue. Et en termes d'hygiène, on peut se laver, mais on n'a pas beaucoup d'eau quand même. On s'est pas beaucoup lavés. On s'est lavés 4 fois en 6 semaines. Parce qu'en fait, on se lavait avec un seau et de l'eau salée sur le pont. Au début, quand on était encore aux Antilles et qu'il faisait grand beau, on se lavait dans les grains. C'est-à-dire que moi, je pensais que c'était une blague, ce truc de se laver sous la tempête. Mais quand il y avait une tempête, on se disait Yes ! Et on se mettait en maillot, tu vois, et on se savonnait et tout ça, et on se prenait la tempête et on se lavait. Je me souviens que c'était un effort d'hygiène pour moi de se foutre en maillot alors que t'as... tellement froid et qu'il faut s'attacher et se balancer des seaux d'eau salée sur la figure, non merci, non merci, non merci. T'es habillée comme au ski. En fait, la transatlantique retour est connue parce que... Elle est réputée pour être un peu plus difficile que celle de l'aller. Je ne sais pas à quel point c'est véridique, mais je sais une chose, c'est que quand tu pars à l'aller en plein mois de novembre de l'Europe vers les Antilles, tu vas vers le soleil et vers de l'eau chaude. Alors que quand tu pars au mois de mai, avant la saison cyclonique aux Antilles... Tu tapes l'Atlantique Nord ou parfois, oui, Grélet. Parfois, il faisait vraiment, vraiment froid. Je n'ai jamais eu aussi froid de ma vie, en fait. Je crois que c'est dû à la fatigue, certainement. Mais je n'avais pas du tout envie d'enlever mes sous-couches techniques comme au ski, là, pour me laver. Moi, je faisais de la langette et de la gengette. À un moment donné, je pense que c'est le moment où ça a été le plus chaud pour nous. On a eu des alertes de notre moniteur qui a analysé la météo pour nous et qui nous disait, bon là, il faut aller beaucoup plus vers le nord parce que vous êtes en train de vous faire rattraper par une dépression. Je ne suis pas une pro de la météo, mais juste, on était en train de se faire rattraper par un système de dépression où on se faisait aspirer et on n'arrivait pas à en sortir. Nous, on l'a vu. Enfin, on l'a vu et sur les fichiers, mais on l'a aussi très vite vu avec le ciel bas, gris et lourd. Donc ça, c'est vraiment ce que tu veux éviter. Et beaucoup de changements de pression. On suivait tous les jours, en fait, la pression, la nébulosité, les vagues, la visibilité, pour vraiment essayer d'identifier ces phénomènes. Et là on a vu qu'on allait se faire douiller Là on l'a senti On s'est fait rattraper par le truc Mais vraiment l'impression de se faire aspirer par une merde Et de pas pouvoir en sortir Et là ça a duré 4 jours Marie est tombée malade en plus à ce moment là Et donc il fallait tourner à deux avec Gaël Enfin on se faisait rincer quoi Là, il pleuvait en permanence. On se prenait grains sur la tête, des trompes d'eau. Il pleuvait et il y avait beaucoup de vent et des vagues. Et parfois, il y avait des accalmies entre les grains, mais on se faisait rattraper toujours. On avait un cap, on essayait de se faire désaspirer de ce truc et on n'arrivait pas. Je sais, t'as des lignes de vie pour t'accrocher. C'était hyper excitant aussi, ce truc de se dire Ok, là, c'est moi qui conduis. Et pour qu'on se sorte de là, on continue tout droit. Tu te clipses et t'es partie avec toutes tes couches pour... Et on faisait des quarts de 6 heures à ce moment-là, comme Marie n'était plus de la partie. Mais ce qui est assez drôle, enfin, ce qui est assez curieux, c'est qu'une fois que t'es la tête dans les vagues, c'est pas si impressionnant. Je trouve que c'est toujours très impressionnant dans les films, quand tu vois les bateaux qui descendent et qui remontent. Mais au final, quand t'es la tête dans le guidon, tu te dis, OK, on va essayer de faire celle-là, et puis après celle-là, et on verra plus tard. Mais ça réveille, ça réveille. Et je me souviens que je mettais de la musique à fond, et j'avais un peu l'impression d'être dans une fiesta à 3h du matin. À ce moment-là, je réalise un peu l'expérience que je suis en train de vivre et je prends toute la mesure de ce truc. En fait, ce n'est pas une blague, on est vraiment au milieu de l'Atlantique. Et après, on a enfin vu le bout de ce truc, mais nos fringues ne séchaient pas. Tu vois la sensation de quand tu sors du bain ? En permanence. À la fin de la tempête, notre bateau avait bien tiré. Et notre mât, le mât sur un voilier, tient grâce à des câbles sous tension. Et à un moment donné, c'était une magnifique journée, beau temps, belle mer, comme on s'imagine en transatlantique. On buvait des petits ponches, on écoutait de la musique et on chillait sur le pont. Il y avait quand même pas mal de vagues. On avançait vite à 7 nœuds. Et là, on entend un schlonk. Pire bruit, c'est le bruit d'un câble qui pète. Tu regardes et tu te dis, ok, qu'est-ce qui a pété ? On veut savoir ce qui a pété. C'était le câble qui retenait le mât, qui tirait le mât vers l'arrière. Là, il faut agir hyper vite et repasser un bout de corde pour retenir le mât parce qu'en fait, à tout moment, il peut tomber. Ça peut arriver à minute plus 1 ou à J plus 3. On enclenche une procédure de sécurité, on prévient notre école de voile, notre routeur météo et tout ça, on prévient des manipsécu qu'on a faits. On prépare nos sacs de survie. On prépare tout. On prépare tout et on se dit, peut-être que dans deux heures, on est barrés. On a revu toutes les procédures. Je me souviens de procédures risibles à trois heures du mat où Gaël nous disait, donc si jamais le mat tombe, vous mettez vos mains en croix au-dessus de votre tête. Le mec, il doit peser 40 000 tonnes. Là, tu vois, s'il veut nous éclater le crâne, il nous éclate le crâne. Et c'était au milieu de la nuit en fait. Donc on a veillé toute la nuit sur le pont. On savait pas si le mât allait tenir. Donc on attendait les vérifications techniques de notre école de voile de est-ce que ça peut tenir avec seulement trois câbles. Mais tu vois, je ne sais même pas combien ça pèse un mât, mais juste s'il tombe, ça peut être mortel. Soit ça pète la coque, soit ça pète tout sur son passage, mais c'est vraiment dangereux. Donc on avait une pince Monseigneur, je ne sais pas si vous voyez ce que c'est, mais c'est comme un gros sécateur qui sert à... couper des câbles très très épais, de quoi péter tous les autres câbles pour que le mât tombe dans le bon sens pour le larguer. On avait sorti en visu, on avait de l'eau, Marie avait son doudou, on avait pris des M&M's, et c'était parti, si jamais on devait se barrer, on se barrait. Et on a eu tellement peur. Je me souviens avoir fait une blague à mon skipper à deux heures du mat parce que c'était quand même très lourd, on avait très peur. Et je lui ai dit, mais moi j'ai 24 ans, je suis trop jeune pour mourir. Et je me souviens que là, ça lui a déclenché un mal de verre et qu'il a été faire ce qu'il avait à faire sur le pont. Et je me suis dit, oh là là. Et là, à ce moment-là, j'ai réalisé que c'était grave ce qui était en train de se passer. En fait, il y a eu plusieurs étapes à notre soulagement là-dedans. La première étape, c'est que le bateau qui était devant nous est revenu en visibilité et faisait des rondes autour de nous. Donc ça, c'était très rassurant, ça nous a enlevé un énorme poids. La deuxième chose, c'est que quand ça arrivait, c'était au milieu de la nuit. C'est bizarre, mais ça confère tout de suite un environnement où tu es beaucoup moins serein la nuit. Et donc, quand le jour s'est levé, on était déjà beaucoup plus soulagés de pouvoir voir l'étendue des dégâts. et voir qu'on avait mis une réparation, on avait passé une corde à la place d'un câble en acier, et ça tenait. Et ensuite, on a reçu un mail de notre école de voile qui disait que notre bateau était configuré de telle sorte que ça tenait très bien avec trois câbles, et qu'il fallait juste pas trop tirer sur le mât, mais que ça allait le faire encore pendant dix jours. Et donc, grand soulagement, Ouais, immense soulagement, en fait, une fois que c'est passé, mais on était quand même toujours sur la réserve. Pour les voyages hauteuriers, pareil, c'est connu que tu as des grands moments de solitude, en fait. Des grands moments où tu peux t'ennuyer pendant longtemps si tu n'as pas beaucoup d'occupation, parce qu'effectivement, tu n'as pas de data. Moi, j'ai coupé mon téléphone pendant un mois et demi. Je trouve que c'est un luxe incroyable et j'espère que j'aurai le courage ou l'envie de refaire ça un jour. Pour s'occuper, on est parti avec des livres. Enfin, Gaëlle et moi, on est parti avec des livres. Marie, elle est partie avec ses Game Boys, tu vois. C'est deux perceptions différentes. Mais pour s'occuper, donc, tu cuisines, tu... Moi, je tenais un journal de bord où je notais mes journées, enfin, mes journées, mes quarts, ma perception du temps. Tu tiens un livre de bord aussi, c'est très important dans la traversée. En fait, tu notes toutes les quatre heures, chaque événement important, ton cap, la situation météo, la pression barométrique et tout ça. Et t'es pas mal dehors, effectivement, sur le pont à t'ennuyer. À t'ennuyer, mais ça n'a jamais été aussi bénéfique pour moi. C'est vrai que j'ai vraiment l'impression d'avoir été au bout de moi-même et au bout de l'ennui. Donc tu as des conversations hyper intéressantes avec tes coéquipiers quand ils sont là, mais parfois c'est vrai que tu passes trois heures à t'ennuyer dans les vagues, mais c'est pas plus mal non plus, tu es un peu aussi là pour ça. C'est vraiment quelque chose que j'aimerais revivre plus tard, parce que c'est une bulle de temps où tu n'es pas disposable. Par exemple, sans mentir, je vous rends ça comme si c'était quelque chose de hyper positif, mais parfois on s'ennuyait tellement. Parfois je me souviens qu'on faisait des concours de celui qui lit le plus vite son livre avec Gaëlle. Ça dure longtemps de lire vite un livre. Ou on faisait du yoga, on faisait des parties d'échecs. J'ai pas gagné une partie d'échecs sur la transat. Je récitais mes tables de multiplication à l'envers quand j'étais solo parfois. Tu perds la notion des jours et la notion du temps. En fait, tu es vraiment très en phase avec le soleil qui se lève et le soleil qui se couche. Mais par exemple, moi je prends la pilule et je n'arrivais pas à prendre à heure fixe ma pilule parce que tu oublies aussi que tu traverses plusieurs fuseaux horaires et c'est toi qui changes ton heure. C'est assez luxueux, en fait t'es au cycle de tes besoins, donc de ton sommeil, de comment le bateau avance. Tu manges quand t'as faim, parce qu'il y a plus d'heures qui vaut, tu vois. Parce que t'es éclaté de fatigue et tu vis au rythme du soleil. Nous on a décidé de changer les heures quand on s'est rendu compte que le soleil se levait à 3h du mat. On s'est dit, ah ouais mais c'est vrai qu'on a traversé 3 fuseaux horaires, on change d'heure ! Et ce que j'ai beaucoup apprécié au milieu de la traversée, c'est que je suis quelqu'un qui essaie toujours de prévoir sa prochaine activité, de toujours remplir le temps pour que ce soit un investissement constructif pour moi demain. Et je me souviens que sur le bateau, je ne pouvais pas faire ça et c'était une sensation tellement agréable de juste voir... Mon job, c'était de barrer. Je devais barrer pendant quatre heures et faire mon petit bout de chemin. Il fallait que j'embrasse cette situation du temps présent où je ne pouvais faire que ça. Et c'était hyper sérénisant en fait. Chaque activité que je faisais, comme je n'étais pas disposable et que je concentrais 100% de mon énergie à cette tâche, je m'en souviens beaucoup plus. Je me souviens beaucoup plus des livres que j'ai lus il y a deux ans en prenant pleinement le temps de les lire que ceux d'il y a une semaine. C'était vraiment une sérénité de l'esprit que je n'avais pas expérimenté auparavant. Donc entre chacune des deux terres, il se passe 17 jours, je crois, quelque chose comme ça. Entre les deux, t'as vraiment l'impression d'être une poussière dans l'océan. T'as vraiment l'impression d'être tout petit et je trouve que ça remet à sa place. Bon, ça paraît très niais ce que je dis, mais je pense qu'il faut le vivre pour le comprendre. Tu te sens infiniment petit et tu te dis qu'effectivement, s'il y a une tempête, t'es pas sûr de gagner. Apparemment, il y a quelque chose d'assez connu dans le milieu de voileux, de vrais voileux, pas de voileux parisiens un peu comme moi. c'est que quand vous embarquez, je vous donne un petit conseil, quand vous faites les courses et l'avitaillement, et que vous embarquez des produits issus de supermarchés, des cartons, des plastiques et des choses comme ça, il se peut, très probablement, qu'il y ait des petits nids de bébêtes dans ces emballages. Et donc, petit conseil, n'embarquez pas les emballages, embarquez juste la bouffe, sinon vous risquez de vous retrouver comme nous, avec un maman et un papa cafard, comme nous. qui lance une colonie de cafards à l'intérieur. Et en fait, c'est assez connu, ce truc des cafards dans les bateaux. Mais une fois que t'en as un, c'est tellement difficile de désinfester. Et nous, on était partis avec. On est partis avec, on s'en est rendu compte au bout de cinq jours. On avait acheté des produits et tout ça, mais il tenait à tout. Je me souviens de me dire, donc moi j'ai le mal de mer, j'arrive pas à dormir, j'arrive pas à me nourrir correctement, je suis super fatiguée, on se fait violenter par les vagues, parfois tu te prends des vagues, ça réveille un homme, parfois tu te prends des vagues, des torgnolles, les cafards ça mouftait pas, ils étaient toujours là, de plus en plus nombreux. À la fin on en riait, je me souviens qu'au début j'étais un peu, je me disais que c'était pas hygiénique et tout ça, mais à la fin on a juste... abandonner le combat. Il faut que vous visualisez un bateau, mais c'est très difficile de bloquer à la source les cafards. En fait, tout est communiquant dans les placards et dans les fonds. Dans les équipés, ça s'appelle. Quand on ouvre un, en fait, t'as une paroi dans le fond qui va jusque dans la coque. Donc tu peux vider un placard si tu veux, mais les cafards passent par la coque et vont de l'autre côté. Je me souviens qu'à la fin de nos cars, on avait ajouté une ligne pour l'infestation des cafards. Il fallait qu'on mette un petit pchit par équipé, tu vois. On a lâché l'affaire après que Gaëlle ait décidé de démonter tout le bateau pour les niquer. Et ça n'a pas marché, on ne pouvait juste pas marcher par terre, tu vois, sur toutes les parois. On ne pouvait plus marcher, c'était plus plat, c'était creux. Mais à la fin, on avait tellement faim, on était tellement fatigués que... Par exemple, je me souviens d'un dilemme avec le dernier paquet de pain, où tu vois, il nous restait une semaine de navigation. On bouffait des haricots rouges sauce tomate dans des mugs. Et Marie elle trouve un bébé caffard dans le paquet de pain et là on se dit, on se regarde avec elle genre Non s'il te plaît le jette pas, le jette pas, on va le cuire très fort A la fin de la traversée, à J plus 15, on devait arriver au bout de 18 jours, un truc comme ça, mais à cause de notre avarie et de notre système D avec des cordes tendues de mâts, on devait réduire la voilure et donc pas aller aussi vite que d'habitude. Donc on a pris trois jours de plus. Et je me souviens qu'on disait, on arrive après demain. Et ça a duré quatre jours ce truc de, on arrive après demain. On arrive d'abord aux Açores, en fait. Je me souviens de l'arrivée où ils grêlaient, et il faisait tellement froid, c'était affreux. Il y avait 60 nœuds au port, quoi. Donc on arrive, là on a un peu de casse-matériel, on arrive à 3h du mat dans la nuit, et là il n'y avait pas une place au parking. Enfin, pas une place dans le port. Et là on se dit, mais on ne va pas se refoutre en dehors de Horta, alors qu'il y a 60 nœuds pour la nuit, là. C'est mort, ça fait du vent à 80 km heure, c'est mort. Donc là, on met notre encre au milieu du port, tu vois. Personne ne fait ça, c'est complètement illégal. Et on se dit, on va se tanquer ici, c'est pas grave, on n'en peut plus. Et là, on affole nos voiles et tout ça, et c'est hyper émouvant comme moment. On a fait les deux tiers de l'Atlantique, il reste que un tiers et ça va aller. On sait qu'on a fait le plus gros, tu vois. On arrive à Horta, qui est une île mythique des Açores, parce que c'est la porte d'entrée et de sortie de l'Atlantique, et à cette période-là, il n'y a que des marins qui traversent l'Atlantique. Il y a une ambiance très particulière, c'est vraiment le temple de ceux qui ont traversé l'Atlantique, et c'est très valorisé là-bas, sur la marina. Chaque marin qui a traversé l'Atlantique doit peindre quelque chose sur une dalle. C'est des énormes dalles, et donc la ville est peinture lurée de sigles de bateaux, de noms, de dates, et c'est vraiment très particulier comme ambiance. Notre bateau s'appelait U-Ponante, comme le ponant, et leur bateau s'appelait U-Levanté, comme le levant, comme le soleil qui se lève et qui se couche en Orient et en Occident. Et donc, on a peint deux tournesols tournés vers l'Orient et vers l'Occident, en jaune et en noir. Et on a marqué nos noms et tout ça. Bon, ça fait un peu collégien, mais tout le monde le fait. Ensuite, on passe les meilleurs repas de notre vie à terre, où tu vois tout ce qui paraît tellement acquis. Ne l'était plus pour nous, par exemple. Je rêvais que d'une chose, c'était de courir. J'en pouvais plus, moi, de rester sur 11 mètres de long. Et donc, on a fait un énorme jogging avec Gaëlle dans Horta, qui est magnifique, qui est hyper volcanique et montagnard. Trop beau. On a pris une douche aussi, la douche d'une vie. On a fait de l'habitailment. Enfin, vraiment, on s'est retapés pendant deux jours et ensuite, on est repartis. On ne voulait pas non plus se désamariner parce que ça prend du temps de se faire au rythme des cars, de la vie en mer, du bateau JT et tout ça. et l'écueil là-dedans c'est de rester trop longtemps et de se retaper tout le seul processus de réadaptation donc on reste 3 jours et après on s'en va pour moi ça n'a pas été trop dur de repartir je crois mais j'avais quand même très peur de passer Gibraltar parce que c'était impressionnant, qu'on n'était pas très manœuvrant et que ça faisait beaucoup de trafic, beaucoup de monde Sur le passage de Gibraltar, il faut quand même des conditions favorables. En fait, Gibraltar, ça fait un effet venturi. Un effet venturi, c'est un effet où le vent se compresse dans un étau et accélère leur vitesse dans l'étau. Ça fait, pour vous illustrer, un peu comme dans les couloirs du métro, quand la même quantité d'air essaye de passer le petit couloir du métro à la sortie et que vous vous prenez un banc d'air chaud dans la figure. Ça fait le même effet. C'est connu pour être très venteux, très technique, parce qu'il y a ce qu'on appelle le rail. de tout le commerce mondial qui passe avec des gros cargos des deux côtés. Il y a 30 km qui séparent la côte espagnole de la côte marocaine. C'est vraiment un mouchoir de poche avec beaucoup de vent qui va soit dans un sens soit dans l'autre et avec sur le côté des espèces de parois à ne pas toucher qui sont les cargos. Donc là on se rend compte que les conditions ne sont pas favorables pour passer. Depuis quelques jours on voit tellement de cargo et surtout à la VHF on entend que ça parle toutes les langues. Arabe, espagnol, t'as les douanes qui disent non mais rabattez-vous. T'as SOS Méditerranée qui se fait alpaguer par Frontex. Enfin vraiment t'entends tout le monde que t'as pas eu pendant trois semaines tu l'entends à la VHF. Et donc on décide de se stopper en Espagne et d'attendre que le vent tourne pour nous pousser dans le bon sens. Et au bout de trois jours... On se rend compte que les vents favorables ne tournent pas, que ça ne descend pas et qu'il va falloir y aller. On calcule, ça va durer 40 heures avant qu'on soit safe. Je me souviens qu'on quitte le quai en se disant ok les gars, on se voit de l'autre côté, on aura traversé l'Atlantique. Là, on ne va pas beaucoup dormir pendant 40 heures, mais ce n'est pas grave. Tout le monde sur le pont et ce n'est pas grave s'il ne faut pas dormir pendant 40 heures. On fera des micro-sieces entre-temps et on se relaie. Donc on se relayait et c'était intense. Je me souviens que le bateau était vraiment à 15 degrés d'angle où tu marchais sur le mur en fait. Je ne sais pas comment vous illustrer ça, mais tu marches sur le mur et sur les fenêtres parce que le bateau est à l'envers tellement il est gîté. Et il fallait vraiment une vigilance accrue de chaque instant. C'est comme si tu avais deux autoroutes, en fait, et parfois les bateaux traversent pour aller d'un à l'autre. Et comme tu es le plus manœuvrant, parce que tu es un bateau à voile, c'est à toi de dégager, évidemment. C'est vraiment émouvant, comme au moment où tu vois la côte espagnole, tu vois la côte marocaine, et tu te dis, là, on est en train de le faire, là, à la ligne, on aura traversé l'Atlantique. Quand on a passé Gibraltar, on remonte un peu vers la côte espagnole, On voit de loin chaque ville espagnole. On dit que c'est un sapin de Noël. Il faut s'imaginer que nous, on voyait la nuit noire ou le grand bleu sans pollution visuelle, sonore ou lumineuse. Et là, on est baignés dans le début de la Méditerranée. On voit les côtes, ça nous fait trop bizarre. Et en termes de rythme, tout s'adoucit un peu. On a passé le gros du vent et on arrive à la Méditerranée. Il n'y a pas beaucoup de vent parfois. Là, on a mis du moteur pendant deux jours, alors que c'était la guerre pendant trois semaines avant. À ce moment-là, on se dit gros rangement, gros chill, on pète le champagne avec les autres deux bateaux. Et c'était vraiment tout doux et on avait fait le plus gros, on savait qu'on avait fait le plus gros. On était un peu en sécurité à la maison. On a vu plein de dauphins, d'oiseaux. Pas mal de plastocs, c'est pas un animal mais gros fléaux. Et des méduses aussi. Des très belles méduses mais avec des filaments bleus de 4 mètres, plein de phytoplankton. Ça c'est magnifique. La nuit quand tu vois il fait tout noir et que t'as pas trop de pollution lumineuse sur les côtes, tu peux spoter et voir un océan de phytoplankton dans la mer, c'est trop beau. Je redoutais de plus en plus l'arrivée en Corse. Moi, je n'avais pas du tout hâte d'arriver. C'était le moment où j'étais enfin à l'aise. La vie était douce, mais on arrive en Corse quand même explosée de fatigue. On n'a jamais été tous aussi fatigués de notre vie. On n'a jamais autant tiré sur la corde que pendant ce périple. Donc, il était temps d'arriver. On avait tout préparé pour notre arrivée en se disant qu'on avait fait un truc monstrueux. On se demandait ce qui allait nous attendre à l'arrivée, mais en fait rien, tu fais cet exploit en silence, tu vois, t'arrives à 9h du mat, on fait la dernière manœuvre de port et tout, on se range, et en fait on se range à côté de gros semi-rigides tout noirs qui prennent toutes les places de parking du port, on se dit tranquille ça va passer ici, on vient de faire une transat, et là il y a un corse qui vient de dire hé, non non, vous allez vous garer là-bas, parce que la mafia corse a la moitié du port, donc on va se garer tout là-bas. On se gare et ensuite on met enfin pieds à terre. Et là on va prendre un petit déjeuner. Et là c'est la fin quoi. Je me souviens d'être vraiment triste que ce soit fini, mais en même temps tout ça est exacerbé par un lot de fatigue, comme jamais on en a connu, donc ça exacerbe tout, tu vois. Et j'ai aussi envie de célébrer. On arrive le 21 juin et on a envie de faire la méga fiesta. On a envie de danser jusqu'au bout de la nuit, de prendre plein de vin, et de prendre des cafés qui ne tombent pas et ne nous ébouillantent pas, d'arrêter les conserves et de manger des tomates mozza fraîches. Le retour à la vie normale était assez violent presque. C'était bizarre de voir tellement de gens, d'entendre tellement de bruit, de ne plus avoir ce silence. Par exemple, au début, c'était impensable pour moi d'aller dans un supermarché. C'était vraiment des agressions. Et j'étais très fatiguée et j'ai passé un mois à dormir. J'étais décalquée à toute heure du jour et de la nuit. Et ça a mis du temps à se réparer cette fatigue. C'était impressionnant. Quand j'y repense, je suis tellement heureuse d'avoir eu le courage d'écouter ma petite voix qui me disait Vas-y, c'est le moment d'y aller Je suis un peu aussi nostalgique et j'aimerais ne pas perdre tous les apprentissages de cette expérience. J'aimerais me dire que je suis capable de me détacher de mon téléphone pendant une semaine et que ce ne soit pas un problème et que je suis capable aussi d'avoir une vie assez minimaliste et portée sur l'essentiel, mais c'est difficile dans notre quotidien. Je ressens vraiment grandir et j'ai l'impression d'avoir une force énorme. À chaque fois que je rencontre une petite contrariété dans ma vie, c'est toujours un appel à relativiser où je me dis Wow, wow, wow, on a connu pire et ça va aller, ça va aller. En fait, j'ai aussi fait ce challenge parce que j'avais vraiment du mal à être toute seule et que j'avais toujours besoin de meubler le temps, de toujours investir mon temps de façon à ce que ce soit rentable pour moi, pour la version de moi-même dans dix ans. Vraiment une vision utilitariste du temps. Et je ressors vraiment grandie parce que j'ai appris à me connaître, à être super en paix toute seule. Je ne sais pas s'il fallait une transat pour ça, mais ça m'a fait vraiment beaucoup de bien. ça m'a donné beaucoup confiance en moi aussi et je me suis rendue compte que j'étais pleine de ressources et que j'avais des grandes forces j'étais pas une pro de la voile mais j'ai une richesse intellectuelle qui fait que je peux m'occuper tranquille pendant 6 semaines et ça j'en avais peut-être pas la conscience à l'époque L'un des meilleurs souvenirs que j'ai, c'est... Moi, j'avais un quart de 4h à 8h du mat, et donc ça, c'est le meilleur quart parce que t'as le lever de soleil. Et on venait de passer une tempête horrible où j'étais rincée, moi, psychologiquement et physiquement, vraiment épuisée. À chaque nouveau quart, il fallait mettre ses fringues trempées, couche par couche. Enfin, nerveusement, j'en menais pas large. On change de cap pour aller vers l'Est. Gros moment parce qu'on n'a pas mis le route à prendre. Je me dis, OK, je vais pouvoir tourner un peu le volant. Yes ! Et là, le soleil se lève plein Est et on capait à l'Est, tu vois. Donc, je vois un magnifique lever de soleil. Et là, Gaël se lève et il fait des crêpes. Ça sent trop bon, les crêpes, au milieu de l'Atlantique. On s'est fait rincer la gueule pendant trois jours. On est trempés, mais il fait grand beau. La tempête est finie et on s'approche des côtes avec le bon cap. On va hyper vite. C'était vraiment un chouette moment, ça. Merci d'avoir écouté cet épisode de Tentative. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain. Ciao !

Description

Cap à l’Est ! Il est l’heure de traverser l’Atlantique à bord du voilier « Uponente ». Hissez les voiles, bravez la tempête, réparez votre mât, frissonnez du grand froid !

Suivez Héloïse dans cette merveilleuse aventure dont elle ressort grandie… et lancez-vous à votre tour !

 

Pour les photos de son voyage, rdv sur insta : @hb_en_transat


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue dans Tentative. Vous écoutez l'épisode d'Héloïse qui va vous faire prendre le grand linge. Si vous êtes curieux, je vous mets son compte Instagram de la traversée en description. Bonne écoute ! Je m'appelle Héloïse Bertrand, j'ai 26 ans et il y a deux ans maintenant, j'ai traversé l'Atlantique, de la Martinique jusqu'à la Corse et c'était le voyage d'une vie. J'ai commencé la voile quand j'avais 15 ans, à l'occasion d'un stage de voile une semaine l'été. J'ai tout de suite beaucoup aimé, donc je suis restée finalement un mois. J'ai passé pas mal de niveaux de voile, de dériveur notamment et de voile légère. C'est tout ce qui est catamaran, dériveur, planche à voile. C'est vraiment prendre un petit bateau et pouvoir mettre pied à terre quand on veut. à la fin d'une navigation. Alors que la croisière, c'est vraiment gros bateau et voyage en itinérance, soit pour faire de la croisière côtière, donc longer la côte, soit haute surière et aller en haute mer. Je suis monitrice en voile légère et j'ai un bon niveau en croisière maintenant. Moi, je naviguais principalement dans l'archipel des Glénans en Bretagne Sud, dans un périmètre de navigation hyper sécurisé où on est toujours surveillé en permanence et où à la fin, je connaissais le plan d'eau par cœur avec ses obstacles, ses difficultés, les passages difficiles, les rochers et tout ça. Alors qu'en... En haute mer, c'est plus facile en un sens parce qu'il y a moins d'obstacles, moins de marées, moins de rochers à éviter au milieu de l'Atlantique. Mais il faut quand même des sacrées connaissances en météo et en sécu. Donc c'est beaucoup plus de liberté et moins contraignant comme espace, mais les erreurs coûtent un peu plus cher. J'avais vraiment cette envie et cet objectif dans ma vie de faire une transatlantique avec ma famille ou plus tard quand j'estimais, et si j'estimais un jour, être en mesure et d'avoir les capacités et la connaissance pour le faire. Donc c'est quelque chose que j'ai toujours voulu faire et l'occasion s'est finalement présentée il y a deux ans. Ce que j'aime beaucoup dans la navigation et dans la voile, c'est vraiment très exaltant comme sensation de pouvoir aller au gré du vent où on veut. Et c'est vraiment une sensation de liberté, une espèce de symbiose avec les éléments aussi qu'on retrouve difficilement ailleurs, je trouve. Lorsque je me suis mise pour de vrai à la croisière, j'ai décidé de faire des stages et un stage de navigation intensif en croisière. J'ai rencontré un skipper de mon école de voile. Trois mois plus tard, mon école de voile me rappelle pour me proposer un convoyage pour une transatlantique retour, donc des Antilles vers la Méditerranée. La haute saison de la voile. En hiver, ce passe aux Antilles, donc les bateaux partent de la Méditerranée jusqu'aux Antilles, font la saison, mais après, il faut les ramener pour la haute saison en Corse ou en Bretagne. Il manquait des personnes et il fallait des personnes un peu compétentes, mais surtout très motivées pour se taper trois semaines, six semaines de voile dans des conditions de la transatlantique. J'ai reçu ce message hyper long et ayant toutes les bonnes raisons selon lesquelles ça serait une super opportunité pour moi. J'étais à la fois terrifiée et super excitée à l'idée de le faire. Et je m'étais dit que c'était un rêve que j'avais envie de faire depuis longtemps et que là, c'était un alignement des planètes. Parce que j'avais du temps, c'était sur un bateau tout neuf, hyper sécurisé, avec mon école de voile et des gens compétents. Et qu'une occasion pareille ne se représenterait peut-être pas dans longtemps. Je prends une semaine pour prendre ma décision, parce que je me dis, c'est une belle opportunité, il ne faut pas louper ça, mais en même temps, il y a des gens qui meurent au milieu de l'Atlantique, où mets-tu le curseur ? Je regarde pas mal de vidéos et j'essaye de me former surtout en météo. Parce que, encore une fois, moi je venais d'un milieu de voile légère, je suis parisienne, je ne suis pas voileuse. Les conditions météorologiques et les conditions de l'Atlantique et de la navigation auturière, ça ne s'apprend pas dans les livres. Donc je regarde des vidéos, je me forme en sécu et en météo. Et c'est tout, c'est tout. Je vais au vieux campeur prendre plein de matos et c'est tout. Et en toute honnêteté, sur ma préparation météo très assidue, je pense que... Non, ça ne m'a absolument pas servi. On avait un très bon routage météo. Un routage météo, c'était un moniteur des glénans qui nous guidait, qui prenait des fichiers météo et qui nous disait là, il faut caper un peu plus au nord ou un peu plus au sud parce que sinon, vous allez avoir un anticyclote. Sinon, vous allez avoir beaucoup de vent à tel endroit ou beaucoup de vent à tel autre endroit. Donc, prenez ce chemin, ce sera plus safe. Au moment du départ, j'étais tellement anxieuse. J'avais à la fois hâte de partir, mais j'avais tellement peur. Toute ma famille me disait, c'est pas un échec. Si tu prends l'avion retour à l'air tour, c'est pas grave. Et je me souviens aussi que j'ai reçu la nouvelle de la quatrième coéquipière qui ne pouvait pas partir quand j'étais dans l'avion grâce au Wi-Fi de l'avion. Et heureusement, j'ai reçu ce message dans l'avion parce que je ne sais pas si j'aurais pris mon... Mon avion, si j'avais su avant, en fait, ça voulait dire qu'on était trois pour la Transat et pas quatre. Ça voulait dire que les quarts, ça chamboulait tout. Ça voulait dire qu'en termes de fatigue et de temps d'adaptation et tout ça, ça allait être beaucoup plus demandant. Quand j'arrive aux Antilles et en Martinique, je rencontre mes deux coéquipiers et les autres bateaux qui partent avec nous. Il y avait trois bateaux qui se suivaient des Antilles jusqu'à la Corse. Et donc dans mon équipage, on était trois, il y avait Gaël le skipper. Et ça me rassurait beaucoup d'être avec lui parce qu'il avait fait la Transatlantique Allée, qu'il avait toujours navigué et ça faisait trois mois qu'il naviguait aux Antilles. et Marie, une autre monitrice qui était à un niveau supérieur de monitrice, elle était responsable de tout un pôle de moniteurs dans mon école de voile. C'était des profils assez voileux, c'était des vrais voileux, pas un faux voileux comme moi qui vient faire de la voile l'été. C'était des personnes qui faisaient de la voile à l'année et qui connaissaient la douceur de l'été mais aussi la dureté de l'hiver. Et donc je me sens un peu rassurée et aussi impressionnée d'être avec des personnes aussi... Fortiche. Aussi fortiche et expérimentée. Notre départ était conditionné par les bonnes conditions de mer. Et donc j'arrive aux Antilles et là j'apprends que la fenêtre météorologique pour partir n'est pas à plus d'une semaine ou plus dix jours comme je l'ai escompté, mais à plus trois jours. parce qu'après ça, il y avait plein d'anticyclones et plein de tempêtes. Donc là, re petite panique de Hello dans ma tête. Et donc, j'arrive un peu après la bataille, parce que Marie et Gaël étaient déjà sur place. Les trois bateaux étaient prêts et avaient été vérifiés, et il fallait partir. Donc, ils avaient fait tout l'avitaillement. L'avitaillement, c'est les courses. On part avec le double de la durée du trajet. Donc par exemple, là, nous, on visait large trois semaines. On part avec six semaines de nourriture. Donc des canettes en voiture, voilà. Encore des canettes, du riz et des pâtes. Et encore du riz et des pâtes et du boulgour et du quinoa. Enfin, beaucoup de conserves et beaucoup de dior. Et des fruits aussi quand même parce que ça fait plaisir, mais ça ne se conserve pas beaucoup. On part avec tellement d'eau, on remplit tout le fond du bateau pour pouvoir être autosuffisant en eau pendant l'aller-retour si jamais il y a un problème. Donc ça c'est pour la partie habitaillement. Sur la partie préparation du bateau, un check est fait. Moi je participe à la fin du check. On vérifie tous les petits boulons. On vérifie le mât. On vérifie que le mât tienne bien, qu'il n'y ait pas trop de tension dans l'un des câbles ou pas assez de tension. Enfin vraiment, on fait tout ce qu'on peut à terre pour s'assurer de la bonne sécurité du bateau à terre. On vérifie tout le matériel de sécurité. On charge à balles la batterie du bateau. Un élément essentiel à la préparation du bateau, on définit nos rôles à chacun dans l'équipage. Et comme moi, j'étais la moins expérimentée, j'étais un peu la mousse. Il y avait le capitaine, le sous-capitaine, et moi, j'étais la mousse. On définit, par exemple, les tâches. On fait un calendrier qu'on affiche sur la porte des toilettes en face de la cuisine. Bon, il y avait 50 cm d'écart entre les deux, c'était très spacieux. On définit qui navigue, qui conduit, qui fait les tâches ménagères, et ça, sur trois semaines. On switch de façon de disséquer le temps, on pense par 4 heures désormais. Pendant 4 heures, tu conduis le bateau. Pendant 30 minutes, tu vas faire du grand nettoyage. Ensuite, tu dors. Il y a aussi une dimension où tu peux être très solitaire dans une transatlantique et ne jamais croiser tes potes. Vu que tu conduis 4 heures et après tu vas te coucher ou tu vêtes ta vie à l'intérieur, t'es pas obligé de rester sur le pont. Je savais que j'allais avoir des moments de solitude et je partais un peu pour ça aussi. Mais c'est vrai que parfois on n'a pas vu Marie pendant 2 jours ou 3, tu vois. C'était un 11 mètres de long, 39 pieds. Ça nous a permis au début de suivre cet emploi du temps et de s'amariner, de se faire au rythme de la mer. Ça s'appelle s'amariner. Et au début, je me souviens que curieusement, moi qui débarquais d'avion, je n'avais pas le mal de mer. Et Marie et Gaëlle avaient tellement le mal de mer qu'on ne s'est pas vues pendant quatre jours. C'était horrible. Et donc moi, je pouvais tout faire à l'intérieur parce que je n'étais pas une pro de la barre non plus. Donc c'était très bien pour tout le monde. Mais on a mis du temps avant de vraiment savourer la mer. Je me souviens qu'on a quitté la côte, enfin, on a perdu de vue la côte, c'est un moment hyper symbolique, et c'était l'hécatombe sur le bateau. C'était mal de mer partie. Et au moment où on perd la visibilité sur la côte, moi j'avais peur tout le temps en fait. J'avais vraiment cette boule au ventre, un peu en permanence, en me disant là t'es en train de faire quelque chose de grand mais t'as quand même pas la boîte à outils pour le faire. Et cette sensation elle est partie qu'au bout d'une semaine ou dix jours d'un marinage et de car où je gérais à la barre et en fait ça allait. Pendant la traversée, on a eu vraiment beaucoup de moments calmes et cools où c'était beau temps, belle mer et c'est des merveilleux souvenirs. On a eu quelques avaries et quelques gros coups de vent, mais la majorité du temps, c'était quand même calme et cool à la barre. Principalement, on restait dehors. Je ne me lassais pas vraiment de ce paysage, ça allait faire traîner, mais ça variait tout le temps. On voyait pas beaucoup d'animaux au milieu de l'Atlantique. On a vu des baleines une fois de loin. Si, on a vu une baleine qui s'est mise sur notre route et qui dormait à la surface, qu'on a failli taper. Et là, heureusement que j'étais avec des gens expérimentés parce que moi, je pensais que c'était les reflets argentés d'une vague. Mais non, non, c'était une grosse baleine. Et Marie a fait une manœuvre en catastrophe, mais on n'a pas vu beaucoup d'animaux sinon. Et on s'occupait en lisant, en cuisinant, en parlant. On parlait beaucoup, on faisait des jeux. On communiquait aussi pas mal avec les deux autres bateaux de l'escadre. On faisait des faux JT. Enfin vraiment, on s'ennuyait au milieu de l'Atlantique. Donc on faisait des faux JT, on faisait des batailles navales, on se racontait notre vie par mail, on lisait. C'était vraiment tout doux, tout doux comme temps. La vie à trois bloquée sur un bateau, je crois que c'était vraiment hyper enrichissant. J'ai eu beaucoup de chance parce que ça s'est bien passé. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression d'avoir eu l'opportunité une fois dans ma vie de tellement bien connaître des personnes et pas que en cosmétique. J'ai l'impression d'avoir pu rencontrer des personnes pour de vrai, connaître toutes leurs petites habitudes, leurs histoires. Et je n'ai jamais eu ça dans ma vie, même en couple ou même avec mes amis les plus proches. C'était une opportunité unique de vraiment rencontrer les gens. Et évidemment, parfois, il y avait des tensions, parfois, on s'est un peu disputés, on a dû recadrer, mais on avait quand même cette volonté d'arriver jusqu'au bout de l'expérience commune qui fait qu'on avait ce respect d'autrui et aussi cette abnégation où que ça aille entre nous ou pas, que t'as envie de faire la vaisselle ou pas, ou que t'en aies ras-le-bol de te mouiller sous la tempête pendant 4 heures, on s'accordait et on y allait. Pour la communication, on avait la chance d'avoir un téléphone satellitaire. Un Iridium, ça s'appelle, c'est un téléphone satellitaire qui coûte une fortune, qui permet de se brancher et qui capte en fait, et ça prend 20 minutes d'envoyer un mail ou de recevoir un mail, mais ça permet de communiquer avec l'extérieur. Donc ils nous envoyaient des fichiers météo qu'on pouvait analyser, qu'on téléchargeait, ça s'appelle des fichiers GRIM. Tous les jours on disait, là on va aller plus par là, plus au nord, plus à l'est, plus à l'ouest, et ça nous permettait d'optimiser notre trajectoire. Pour se nourrir, on a une cuisine de bateau. C'est tout petit, mais il y a une gazinière et un four. Et on peut cuisiner, effectivement. C'est parfois plus difficile. En fait, ça dépend vraiment des conditions. Parfois, le bateau penche vraiment beaucoup d'un côté. Quand tu es à 15 degrés d'angle pour touiller les pâtes, c'est beaucoup moins pratique tout à coup. Tu peux te faire ébouillanter si tu es un peu maladroit. Il y a des systèmes très bien faits. Il y a une espèce de balance sur les fours et les gazinières qui fait que ça reste droit et ça suit le gré des vagues. Il y a même une barre. pour s'accrocher avec son mousqueton de gilet de sauvetage. C'était tellement fatiguant. C'est pour ça que tout était effort. De préparer de la nourriture, c'était un effort. Ça demandait des surcapacités de gainage et d'attention accrue. Et en termes d'hygiène, on peut se laver, mais on n'a pas beaucoup d'eau quand même. On s'est pas beaucoup lavés. On s'est lavés 4 fois en 6 semaines. Parce qu'en fait, on se lavait avec un seau et de l'eau salée sur le pont. Au début, quand on était encore aux Antilles et qu'il faisait grand beau, on se lavait dans les grains. C'est-à-dire que moi, je pensais que c'était une blague, ce truc de se laver sous la tempête. Mais quand il y avait une tempête, on se disait Yes ! Et on se mettait en maillot, tu vois, et on se savonnait et tout ça, et on se prenait la tempête et on se lavait. Je me souviens que c'était un effort d'hygiène pour moi de se foutre en maillot alors que t'as... tellement froid et qu'il faut s'attacher et se balancer des seaux d'eau salée sur la figure, non merci, non merci, non merci. T'es habillée comme au ski. En fait, la transatlantique retour est connue parce que... Elle est réputée pour être un peu plus difficile que celle de l'aller. Je ne sais pas à quel point c'est véridique, mais je sais une chose, c'est que quand tu pars à l'aller en plein mois de novembre de l'Europe vers les Antilles, tu vas vers le soleil et vers de l'eau chaude. Alors que quand tu pars au mois de mai, avant la saison cyclonique aux Antilles... Tu tapes l'Atlantique Nord ou parfois, oui, Grélet. Parfois, il faisait vraiment, vraiment froid. Je n'ai jamais eu aussi froid de ma vie, en fait. Je crois que c'est dû à la fatigue, certainement. Mais je n'avais pas du tout envie d'enlever mes sous-couches techniques comme au ski, là, pour me laver. Moi, je faisais de la langette et de la gengette. À un moment donné, je pense que c'est le moment où ça a été le plus chaud pour nous. On a eu des alertes de notre moniteur qui a analysé la météo pour nous et qui nous disait, bon là, il faut aller beaucoup plus vers le nord parce que vous êtes en train de vous faire rattraper par une dépression. Je ne suis pas une pro de la météo, mais juste, on était en train de se faire rattraper par un système de dépression où on se faisait aspirer et on n'arrivait pas à en sortir. Nous, on l'a vu. Enfin, on l'a vu et sur les fichiers, mais on l'a aussi très vite vu avec le ciel bas, gris et lourd. Donc ça, c'est vraiment ce que tu veux éviter. Et beaucoup de changements de pression. On suivait tous les jours, en fait, la pression, la nébulosité, les vagues, la visibilité, pour vraiment essayer d'identifier ces phénomènes. Et là on a vu qu'on allait se faire douiller Là on l'a senti On s'est fait rattraper par le truc Mais vraiment l'impression de se faire aspirer par une merde Et de pas pouvoir en sortir Et là ça a duré 4 jours Marie est tombée malade en plus à ce moment là Et donc il fallait tourner à deux avec Gaël Enfin on se faisait rincer quoi Là, il pleuvait en permanence. On se prenait grains sur la tête, des trompes d'eau. Il pleuvait et il y avait beaucoup de vent et des vagues. Et parfois, il y avait des accalmies entre les grains, mais on se faisait rattraper toujours. On avait un cap, on essayait de se faire désaspirer de ce truc et on n'arrivait pas. Je sais, t'as des lignes de vie pour t'accrocher. C'était hyper excitant aussi, ce truc de se dire Ok, là, c'est moi qui conduis. Et pour qu'on se sorte de là, on continue tout droit. Tu te clipses et t'es partie avec toutes tes couches pour... Et on faisait des quarts de 6 heures à ce moment-là, comme Marie n'était plus de la partie. Mais ce qui est assez drôle, enfin, ce qui est assez curieux, c'est qu'une fois que t'es la tête dans les vagues, c'est pas si impressionnant. Je trouve que c'est toujours très impressionnant dans les films, quand tu vois les bateaux qui descendent et qui remontent. Mais au final, quand t'es la tête dans le guidon, tu te dis, OK, on va essayer de faire celle-là, et puis après celle-là, et on verra plus tard. Mais ça réveille, ça réveille. Et je me souviens que je mettais de la musique à fond, et j'avais un peu l'impression d'être dans une fiesta à 3h du matin. À ce moment-là, je réalise un peu l'expérience que je suis en train de vivre et je prends toute la mesure de ce truc. En fait, ce n'est pas une blague, on est vraiment au milieu de l'Atlantique. Et après, on a enfin vu le bout de ce truc, mais nos fringues ne séchaient pas. Tu vois la sensation de quand tu sors du bain ? En permanence. À la fin de la tempête, notre bateau avait bien tiré. Et notre mât, le mât sur un voilier, tient grâce à des câbles sous tension. Et à un moment donné, c'était une magnifique journée, beau temps, belle mer, comme on s'imagine en transatlantique. On buvait des petits ponches, on écoutait de la musique et on chillait sur le pont. Il y avait quand même pas mal de vagues. On avançait vite à 7 nœuds. Et là, on entend un schlonk. Pire bruit, c'est le bruit d'un câble qui pète. Tu regardes et tu te dis, ok, qu'est-ce qui a pété ? On veut savoir ce qui a pété. C'était le câble qui retenait le mât, qui tirait le mât vers l'arrière. Là, il faut agir hyper vite et repasser un bout de corde pour retenir le mât parce qu'en fait, à tout moment, il peut tomber. Ça peut arriver à minute plus 1 ou à J plus 3. On enclenche une procédure de sécurité, on prévient notre école de voile, notre routeur météo et tout ça, on prévient des manipsécu qu'on a faits. On prépare nos sacs de survie. On prépare tout. On prépare tout et on se dit, peut-être que dans deux heures, on est barrés. On a revu toutes les procédures. Je me souviens de procédures risibles à trois heures du mat où Gaël nous disait, donc si jamais le mat tombe, vous mettez vos mains en croix au-dessus de votre tête. Le mec, il doit peser 40 000 tonnes. Là, tu vois, s'il veut nous éclater le crâne, il nous éclate le crâne. Et c'était au milieu de la nuit en fait. Donc on a veillé toute la nuit sur le pont. On savait pas si le mât allait tenir. Donc on attendait les vérifications techniques de notre école de voile de est-ce que ça peut tenir avec seulement trois câbles. Mais tu vois, je ne sais même pas combien ça pèse un mât, mais juste s'il tombe, ça peut être mortel. Soit ça pète la coque, soit ça pète tout sur son passage, mais c'est vraiment dangereux. Donc on avait une pince Monseigneur, je ne sais pas si vous voyez ce que c'est, mais c'est comme un gros sécateur qui sert à... couper des câbles très très épais, de quoi péter tous les autres câbles pour que le mât tombe dans le bon sens pour le larguer. On avait sorti en visu, on avait de l'eau, Marie avait son doudou, on avait pris des M&M's, et c'était parti, si jamais on devait se barrer, on se barrait. Et on a eu tellement peur. Je me souviens avoir fait une blague à mon skipper à deux heures du mat parce que c'était quand même très lourd, on avait très peur. Et je lui ai dit, mais moi j'ai 24 ans, je suis trop jeune pour mourir. Et je me souviens que là, ça lui a déclenché un mal de verre et qu'il a été faire ce qu'il avait à faire sur le pont. Et je me suis dit, oh là là. Et là, à ce moment-là, j'ai réalisé que c'était grave ce qui était en train de se passer. En fait, il y a eu plusieurs étapes à notre soulagement là-dedans. La première étape, c'est que le bateau qui était devant nous est revenu en visibilité et faisait des rondes autour de nous. Donc ça, c'était très rassurant, ça nous a enlevé un énorme poids. La deuxième chose, c'est que quand ça arrivait, c'était au milieu de la nuit. C'est bizarre, mais ça confère tout de suite un environnement où tu es beaucoup moins serein la nuit. Et donc, quand le jour s'est levé, on était déjà beaucoup plus soulagés de pouvoir voir l'étendue des dégâts. et voir qu'on avait mis une réparation, on avait passé une corde à la place d'un câble en acier, et ça tenait. Et ensuite, on a reçu un mail de notre école de voile qui disait que notre bateau était configuré de telle sorte que ça tenait très bien avec trois câbles, et qu'il fallait juste pas trop tirer sur le mât, mais que ça allait le faire encore pendant dix jours. Et donc, grand soulagement, Ouais, immense soulagement, en fait, une fois que c'est passé, mais on était quand même toujours sur la réserve. Pour les voyages hauteuriers, pareil, c'est connu que tu as des grands moments de solitude, en fait. Des grands moments où tu peux t'ennuyer pendant longtemps si tu n'as pas beaucoup d'occupation, parce qu'effectivement, tu n'as pas de data. Moi, j'ai coupé mon téléphone pendant un mois et demi. Je trouve que c'est un luxe incroyable et j'espère que j'aurai le courage ou l'envie de refaire ça un jour. Pour s'occuper, on est parti avec des livres. Enfin, Gaëlle et moi, on est parti avec des livres. Marie, elle est partie avec ses Game Boys, tu vois. C'est deux perceptions différentes. Mais pour s'occuper, donc, tu cuisines, tu... Moi, je tenais un journal de bord où je notais mes journées, enfin, mes journées, mes quarts, ma perception du temps. Tu tiens un livre de bord aussi, c'est très important dans la traversée. En fait, tu notes toutes les quatre heures, chaque événement important, ton cap, la situation météo, la pression barométrique et tout ça. Et t'es pas mal dehors, effectivement, sur le pont à t'ennuyer. À t'ennuyer, mais ça n'a jamais été aussi bénéfique pour moi. C'est vrai que j'ai vraiment l'impression d'avoir été au bout de moi-même et au bout de l'ennui. Donc tu as des conversations hyper intéressantes avec tes coéquipiers quand ils sont là, mais parfois c'est vrai que tu passes trois heures à t'ennuyer dans les vagues, mais c'est pas plus mal non plus, tu es un peu aussi là pour ça. C'est vraiment quelque chose que j'aimerais revivre plus tard, parce que c'est une bulle de temps où tu n'es pas disposable. Par exemple, sans mentir, je vous rends ça comme si c'était quelque chose de hyper positif, mais parfois on s'ennuyait tellement. Parfois je me souviens qu'on faisait des concours de celui qui lit le plus vite son livre avec Gaëlle. Ça dure longtemps de lire vite un livre. Ou on faisait du yoga, on faisait des parties d'échecs. J'ai pas gagné une partie d'échecs sur la transat. Je récitais mes tables de multiplication à l'envers quand j'étais solo parfois. Tu perds la notion des jours et la notion du temps. En fait, tu es vraiment très en phase avec le soleil qui se lève et le soleil qui se couche. Mais par exemple, moi je prends la pilule et je n'arrivais pas à prendre à heure fixe ma pilule parce que tu oublies aussi que tu traverses plusieurs fuseaux horaires et c'est toi qui changes ton heure. C'est assez luxueux, en fait t'es au cycle de tes besoins, donc de ton sommeil, de comment le bateau avance. Tu manges quand t'as faim, parce qu'il y a plus d'heures qui vaut, tu vois. Parce que t'es éclaté de fatigue et tu vis au rythme du soleil. Nous on a décidé de changer les heures quand on s'est rendu compte que le soleil se levait à 3h du mat. On s'est dit, ah ouais mais c'est vrai qu'on a traversé 3 fuseaux horaires, on change d'heure ! Et ce que j'ai beaucoup apprécié au milieu de la traversée, c'est que je suis quelqu'un qui essaie toujours de prévoir sa prochaine activité, de toujours remplir le temps pour que ce soit un investissement constructif pour moi demain. Et je me souviens que sur le bateau, je ne pouvais pas faire ça et c'était une sensation tellement agréable de juste voir... Mon job, c'était de barrer. Je devais barrer pendant quatre heures et faire mon petit bout de chemin. Il fallait que j'embrasse cette situation du temps présent où je ne pouvais faire que ça. Et c'était hyper sérénisant en fait. Chaque activité que je faisais, comme je n'étais pas disposable et que je concentrais 100% de mon énergie à cette tâche, je m'en souviens beaucoup plus. Je me souviens beaucoup plus des livres que j'ai lus il y a deux ans en prenant pleinement le temps de les lire que ceux d'il y a une semaine. C'était vraiment une sérénité de l'esprit que je n'avais pas expérimenté auparavant. Donc entre chacune des deux terres, il se passe 17 jours, je crois, quelque chose comme ça. Entre les deux, t'as vraiment l'impression d'être une poussière dans l'océan. T'as vraiment l'impression d'être tout petit et je trouve que ça remet à sa place. Bon, ça paraît très niais ce que je dis, mais je pense qu'il faut le vivre pour le comprendre. Tu te sens infiniment petit et tu te dis qu'effectivement, s'il y a une tempête, t'es pas sûr de gagner. Apparemment, il y a quelque chose d'assez connu dans le milieu de voileux, de vrais voileux, pas de voileux parisiens un peu comme moi. c'est que quand vous embarquez, je vous donne un petit conseil, quand vous faites les courses et l'avitaillement, et que vous embarquez des produits issus de supermarchés, des cartons, des plastiques et des choses comme ça, il se peut, très probablement, qu'il y ait des petits nids de bébêtes dans ces emballages. Et donc, petit conseil, n'embarquez pas les emballages, embarquez juste la bouffe, sinon vous risquez de vous retrouver comme nous, avec un maman et un papa cafard, comme nous. qui lance une colonie de cafards à l'intérieur. Et en fait, c'est assez connu, ce truc des cafards dans les bateaux. Mais une fois que t'en as un, c'est tellement difficile de désinfester. Et nous, on était partis avec. On est partis avec, on s'en est rendu compte au bout de cinq jours. On avait acheté des produits et tout ça, mais il tenait à tout. Je me souviens de me dire, donc moi j'ai le mal de mer, j'arrive pas à dormir, j'arrive pas à me nourrir correctement, je suis super fatiguée, on se fait violenter par les vagues, parfois tu te prends des vagues, ça réveille un homme, parfois tu te prends des vagues, des torgnolles, les cafards ça mouftait pas, ils étaient toujours là, de plus en plus nombreux. À la fin on en riait, je me souviens qu'au début j'étais un peu, je me disais que c'était pas hygiénique et tout ça, mais à la fin on a juste... abandonner le combat. Il faut que vous visualisez un bateau, mais c'est très difficile de bloquer à la source les cafards. En fait, tout est communiquant dans les placards et dans les fonds. Dans les équipés, ça s'appelle. Quand on ouvre un, en fait, t'as une paroi dans le fond qui va jusque dans la coque. Donc tu peux vider un placard si tu veux, mais les cafards passent par la coque et vont de l'autre côté. Je me souviens qu'à la fin de nos cars, on avait ajouté une ligne pour l'infestation des cafards. Il fallait qu'on mette un petit pchit par équipé, tu vois. On a lâché l'affaire après que Gaëlle ait décidé de démonter tout le bateau pour les niquer. Et ça n'a pas marché, on ne pouvait juste pas marcher par terre, tu vois, sur toutes les parois. On ne pouvait plus marcher, c'était plus plat, c'était creux. Mais à la fin, on avait tellement faim, on était tellement fatigués que... Par exemple, je me souviens d'un dilemme avec le dernier paquet de pain, où tu vois, il nous restait une semaine de navigation. On bouffait des haricots rouges sauce tomate dans des mugs. Et Marie elle trouve un bébé caffard dans le paquet de pain et là on se dit, on se regarde avec elle genre Non s'il te plaît le jette pas, le jette pas, on va le cuire très fort A la fin de la traversée, à J plus 15, on devait arriver au bout de 18 jours, un truc comme ça, mais à cause de notre avarie et de notre système D avec des cordes tendues de mâts, on devait réduire la voilure et donc pas aller aussi vite que d'habitude. Donc on a pris trois jours de plus. Et je me souviens qu'on disait, on arrive après demain. Et ça a duré quatre jours ce truc de, on arrive après demain. On arrive d'abord aux Açores, en fait. Je me souviens de l'arrivée où ils grêlaient, et il faisait tellement froid, c'était affreux. Il y avait 60 nœuds au port, quoi. Donc on arrive, là on a un peu de casse-matériel, on arrive à 3h du mat dans la nuit, et là il n'y avait pas une place au parking. Enfin, pas une place dans le port. Et là on se dit, mais on ne va pas se refoutre en dehors de Horta, alors qu'il y a 60 nœuds pour la nuit, là. C'est mort, ça fait du vent à 80 km heure, c'est mort. Donc là, on met notre encre au milieu du port, tu vois. Personne ne fait ça, c'est complètement illégal. Et on se dit, on va se tanquer ici, c'est pas grave, on n'en peut plus. Et là, on affole nos voiles et tout ça, et c'est hyper émouvant comme moment. On a fait les deux tiers de l'Atlantique, il reste que un tiers et ça va aller. On sait qu'on a fait le plus gros, tu vois. On arrive à Horta, qui est une île mythique des Açores, parce que c'est la porte d'entrée et de sortie de l'Atlantique, et à cette période-là, il n'y a que des marins qui traversent l'Atlantique. Il y a une ambiance très particulière, c'est vraiment le temple de ceux qui ont traversé l'Atlantique, et c'est très valorisé là-bas, sur la marina. Chaque marin qui a traversé l'Atlantique doit peindre quelque chose sur une dalle. C'est des énormes dalles, et donc la ville est peinture lurée de sigles de bateaux, de noms, de dates, et c'est vraiment très particulier comme ambiance. Notre bateau s'appelait U-Ponante, comme le ponant, et leur bateau s'appelait U-Levanté, comme le levant, comme le soleil qui se lève et qui se couche en Orient et en Occident. Et donc, on a peint deux tournesols tournés vers l'Orient et vers l'Occident, en jaune et en noir. Et on a marqué nos noms et tout ça. Bon, ça fait un peu collégien, mais tout le monde le fait. Ensuite, on passe les meilleurs repas de notre vie à terre, où tu vois tout ce qui paraît tellement acquis. Ne l'était plus pour nous, par exemple. Je rêvais que d'une chose, c'était de courir. J'en pouvais plus, moi, de rester sur 11 mètres de long. Et donc, on a fait un énorme jogging avec Gaëlle dans Horta, qui est magnifique, qui est hyper volcanique et montagnard. Trop beau. On a pris une douche aussi, la douche d'une vie. On a fait de l'habitailment. Enfin, vraiment, on s'est retapés pendant deux jours et ensuite, on est repartis. On ne voulait pas non plus se désamariner parce que ça prend du temps de se faire au rythme des cars, de la vie en mer, du bateau JT et tout ça. et l'écueil là-dedans c'est de rester trop longtemps et de se retaper tout le seul processus de réadaptation donc on reste 3 jours et après on s'en va pour moi ça n'a pas été trop dur de repartir je crois mais j'avais quand même très peur de passer Gibraltar parce que c'était impressionnant, qu'on n'était pas très manœuvrant et que ça faisait beaucoup de trafic, beaucoup de monde Sur le passage de Gibraltar, il faut quand même des conditions favorables. En fait, Gibraltar, ça fait un effet venturi. Un effet venturi, c'est un effet où le vent se compresse dans un étau et accélère leur vitesse dans l'étau. Ça fait, pour vous illustrer, un peu comme dans les couloirs du métro, quand la même quantité d'air essaye de passer le petit couloir du métro à la sortie et que vous vous prenez un banc d'air chaud dans la figure. Ça fait le même effet. C'est connu pour être très venteux, très technique, parce qu'il y a ce qu'on appelle le rail. de tout le commerce mondial qui passe avec des gros cargos des deux côtés. Il y a 30 km qui séparent la côte espagnole de la côte marocaine. C'est vraiment un mouchoir de poche avec beaucoup de vent qui va soit dans un sens soit dans l'autre et avec sur le côté des espèces de parois à ne pas toucher qui sont les cargos. Donc là on se rend compte que les conditions ne sont pas favorables pour passer. Depuis quelques jours on voit tellement de cargo et surtout à la VHF on entend que ça parle toutes les langues. Arabe, espagnol, t'as les douanes qui disent non mais rabattez-vous. T'as SOS Méditerranée qui se fait alpaguer par Frontex. Enfin vraiment t'entends tout le monde que t'as pas eu pendant trois semaines tu l'entends à la VHF. Et donc on décide de se stopper en Espagne et d'attendre que le vent tourne pour nous pousser dans le bon sens. Et au bout de trois jours... On se rend compte que les vents favorables ne tournent pas, que ça ne descend pas et qu'il va falloir y aller. On calcule, ça va durer 40 heures avant qu'on soit safe. Je me souviens qu'on quitte le quai en se disant ok les gars, on se voit de l'autre côté, on aura traversé l'Atlantique. Là, on ne va pas beaucoup dormir pendant 40 heures, mais ce n'est pas grave. Tout le monde sur le pont et ce n'est pas grave s'il ne faut pas dormir pendant 40 heures. On fera des micro-sieces entre-temps et on se relaie. Donc on se relayait et c'était intense. Je me souviens que le bateau était vraiment à 15 degrés d'angle où tu marchais sur le mur en fait. Je ne sais pas comment vous illustrer ça, mais tu marches sur le mur et sur les fenêtres parce que le bateau est à l'envers tellement il est gîté. Et il fallait vraiment une vigilance accrue de chaque instant. C'est comme si tu avais deux autoroutes, en fait, et parfois les bateaux traversent pour aller d'un à l'autre. Et comme tu es le plus manœuvrant, parce que tu es un bateau à voile, c'est à toi de dégager, évidemment. C'est vraiment émouvant, comme au moment où tu vois la côte espagnole, tu vois la côte marocaine, et tu te dis, là, on est en train de le faire, là, à la ligne, on aura traversé l'Atlantique. Quand on a passé Gibraltar, on remonte un peu vers la côte espagnole, On voit de loin chaque ville espagnole. On dit que c'est un sapin de Noël. Il faut s'imaginer que nous, on voyait la nuit noire ou le grand bleu sans pollution visuelle, sonore ou lumineuse. Et là, on est baignés dans le début de la Méditerranée. On voit les côtes, ça nous fait trop bizarre. Et en termes de rythme, tout s'adoucit un peu. On a passé le gros du vent et on arrive à la Méditerranée. Il n'y a pas beaucoup de vent parfois. Là, on a mis du moteur pendant deux jours, alors que c'était la guerre pendant trois semaines avant. À ce moment-là, on se dit gros rangement, gros chill, on pète le champagne avec les autres deux bateaux. Et c'était vraiment tout doux et on avait fait le plus gros, on savait qu'on avait fait le plus gros. On était un peu en sécurité à la maison. On a vu plein de dauphins, d'oiseaux. Pas mal de plastocs, c'est pas un animal mais gros fléaux. Et des méduses aussi. Des très belles méduses mais avec des filaments bleus de 4 mètres, plein de phytoplankton. Ça c'est magnifique. La nuit quand tu vois il fait tout noir et que t'as pas trop de pollution lumineuse sur les côtes, tu peux spoter et voir un océan de phytoplankton dans la mer, c'est trop beau. Je redoutais de plus en plus l'arrivée en Corse. Moi, je n'avais pas du tout hâte d'arriver. C'était le moment où j'étais enfin à l'aise. La vie était douce, mais on arrive en Corse quand même explosée de fatigue. On n'a jamais été tous aussi fatigués de notre vie. On n'a jamais autant tiré sur la corde que pendant ce périple. Donc, il était temps d'arriver. On avait tout préparé pour notre arrivée en se disant qu'on avait fait un truc monstrueux. On se demandait ce qui allait nous attendre à l'arrivée, mais en fait rien, tu fais cet exploit en silence, tu vois, t'arrives à 9h du mat, on fait la dernière manœuvre de port et tout, on se range, et en fait on se range à côté de gros semi-rigides tout noirs qui prennent toutes les places de parking du port, on se dit tranquille ça va passer ici, on vient de faire une transat, et là il y a un corse qui vient de dire hé, non non, vous allez vous garer là-bas, parce que la mafia corse a la moitié du port, donc on va se garer tout là-bas. On se gare et ensuite on met enfin pieds à terre. Et là on va prendre un petit déjeuner. Et là c'est la fin quoi. Je me souviens d'être vraiment triste que ce soit fini, mais en même temps tout ça est exacerbé par un lot de fatigue, comme jamais on en a connu, donc ça exacerbe tout, tu vois. Et j'ai aussi envie de célébrer. On arrive le 21 juin et on a envie de faire la méga fiesta. On a envie de danser jusqu'au bout de la nuit, de prendre plein de vin, et de prendre des cafés qui ne tombent pas et ne nous ébouillantent pas, d'arrêter les conserves et de manger des tomates mozza fraîches. Le retour à la vie normale était assez violent presque. C'était bizarre de voir tellement de gens, d'entendre tellement de bruit, de ne plus avoir ce silence. Par exemple, au début, c'était impensable pour moi d'aller dans un supermarché. C'était vraiment des agressions. Et j'étais très fatiguée et j'ai passé un mois à dormir. J'étais décalquée à toute heure du jour et de la nuit. Et ça a mis du temps à se réparer cette fatigue. C'était impressionnant. Quand j'y repense, je suis tellement heureuse d'avoir eu le courage d'écouter ma petite voix qui me disait Vas-y, c'est le moment d'y aller Je suis un peu aussi nostalgique et j'aimerais ne pas perdre tous les apprentissages de cette expérience. J'aimerais me dire que je suis capable de me détacher de mon téléphone pendant une semaine et que ce ne soit pas un problème et que je suis capable aussi d'avoir une vie assez minimaliste et portée sur l'essentiel, mais c'est difficile dans notre quotidien. Je ressens vraiment grandir et j'ai l'impression d'avoir une force énorme. À chaque fois que je rencontre une petite contrariété dans ma vie, c'est toujours un appel à relativiser où je me dis Wow, wow, wow, on a connu pire et ça va aller, ça va aller. En fait, j'ai aussi fait ce challenge parce que j'avais vraiment du mal à être toute seule et que j'avais toujours besoin de meubler le temps, de toujours investir mon temps de façon à ce que ce soit rentable pour moi, pour la version de moi-même dans dix ans. Vraiment une vision utilitariste du temps. Et je ressors vraiment grandie parce que j'ai appris à me connaître, à être super en paix toute seule. Je ne sais pas s'il fallait une transat pour ça, mais ça m'a fait vraiment beaucoup de bien. ça m'a donné beaucoup confiance en moi aussi et je me suis rendue compte que j'étais pleine de ressources et que j'avais des grandes forces j'étais pas une pro de la voile mais j'ai une richesse intellectuelle qui fait que je peux m'occuper tranquille pendant 6 semaines et ça j'en avais peut-être pas la conscience à l'époque L'un des meilleurs souvenirs que j'ai, c'est... Moi, j'avais un quart de 4h à 8h du mat, et donc ça, c'est le meilleur quart parce que t'as le lever de soleil. Et on venait de passer une tempête horrible où j'étais rincée, moi, psychologiquement et physiquement, vraiment épuisée. À chaque nouveau quart, il fallait mettre ses fringues trempées, couche par couche. Enfin, nerveusement, j'en menais pas large. On change de cap pour aller vers l'Est. Gros moment parce qu'on n'a pas mis le route à prendre. Je me dis, OK, je vais pouvoir tourner un peu le volant. Yes ! Et là, le soleil se lève plein Est et on capait à l'Est, tu vois. Donc, je vois un magnifique lever de soleil. Et là, Gaël se lève et il fait des crêpes. Ça sent trop bon, les crêpes, au milieu de l'Atlantique. On s'est fait rincer la gueule pendant trois jours. On est trempés, mais il fait grand beau. La tempête est finie et on s'approche des côtes avec le bon cap. On va hyper vite. C'était vraiment un chouette moment, ça. Merci d'avoir écouté cet épisode de Tentative. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain. Ciao !

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