Speaker #0Ces derniers jours, un article de l'Express avec un titre accrocheur Assurance chômage "et si l'on s'intéressait enfin aux milliards qui s'échappent vers la Suisse" a mis sur la table le délicat sujet de la prise en charge de l'assurance chômage des frontaliers. Alors vous ne le savez peut-être pas, mais un frontalier français travaillant en Suisse qui se retrouve au chômage est indemnisé par la France alors même que les travailleurs frontaliers cotisent pour l'assurance chômage en Suisse. Cela concerne la Suisse, mais aussi d'autres pays et notamment le Luxembourg. Le problème, c'est que ce mécanisme pèse lourd dans les caisses françaises, notamment parce que le salaire moyen d'un frontalier représente plus du double de celui d'un salarié en France. Je vous en parlais d'ailleurs déjà en 2016 sur mon blog. On considérait même à l'époque que les frontaliers représentaient les deuxièmes plus grosses dépenses de l'UNEDIC après les intermittents du spectacle. Selon l'Express, en 2020, le déficit de l'UNEDIC lié au chômage des frontaliers est d'un peu moins d'un milliard d'euros et le déficit cumulé depuis 2011, c'est 7 milliards. Le journaliste indique d'ailleurs à juste titre que tout ceci est régi par un règlement européen, le règlement européen 883. D'ailleurs, le mécanisme entre-États prévoit toutefois que la Suisse rétrocède une partie des cotisations chômage des frontaliers à la France, soit en moyenne moins de 20%. En clair, 80% de la note de l'assurance chômage des frontaliers est prise en charge par la France. Dans un contexte où le déficit français atteint des sommets, ce sujet tombe à point nommé et il n'en fallait pas plus pour que les politiques français se saisissent de cette formidable opportunité de détourner l'attention sur la Suisse. Les parlementaires français sont donc partis en croisade avec en tête le député de Haute-Savoie, Xavier Roseren, qui, cité dans un article d'ODS Radio, déclare Cette situation, dans un contexte de plein emploi en Haute-Savoie et de réduction du déficit public, est inacceptable Le syndicat français Force Ouvrière, par la voix de Michel Boga, assesseur de l'UNEDIC, cloue pour sa part au pilori la Suisse dans l'article de l'Express, déclarant Côté Suisse, on joue la montre et la mauvaise foi Inacceptable, mauvaise foi, ok. Tous ces politiques, députés et autres acteurs gravitant autour de la cause frontalière et cités dans ces articles ont une bien mauvaise mémoire ou connaissent fort mal leur dossier, ou les deux. Car si la Suisse rétrocète si peu à la France, moins de 20% de ce qu'elle a encaissé en cotisation chômage des frontaliers, c'est bien la France qui en est responsable. Je vous explique. Historiquement, la rétrocession de la Suisse à la France était totale. Mais quand le droit européen a changé les règles en 2010, pour réduire la rétrocession entre pays, la France aurait pu faire recours. Mais elle ne l'a pas fait, comme le précise très justement le journal Le Temps dans un article de 2013. Mais pourquoi donc la France n'a-t-elle pas fait recours alors même que les enjeux financiers étaient colossaux ? Tout simplement parce que Pôle emploi, à l'époque, n'a pas été capable d'estimer ni de communiquer à la Commission européenne, dans les délais impartis, le montant à rembourser. La Suisse n'a donc pas grand-chose à voir là-dedans et doit finalement bien rigoler. Les contribuables français, pour leur part, apprécieront cette incapacité de notre administration qui coûte aujourd'hui plusieurs milliards d'euros aux Français. Comme l'indique Xavier Roseren, la situation est en effet inacceptable, mais pas pour les raisons qu'on imagine. Des fonctionnaires de l'État n'ont, à l'époque, pas fait leur travail. Ces mêmes fonctionnaires ont été couverts par leur ministère et donc par des hauts fonctionnaires. Ce qui est inacceptable ici, c'est de ne absolument rien faire. On est en présence ici du retard administratif le plus cher de l'histoire française. Un retard administratif qui coûte plusieurs milliards d'euros, on n'en voit quand même pas tous les jours. à moins qu'il y en ait d'autres. C'est peut-être ça que nos politiciens professionnels devraient chercher à combattre, si vous voulez mon avis. Mais revenons à eux, justement. Alors finalement, que dire de ces élus parlementaires Haut-Savoyards, certains étant élus depuis 2014, qui savaient, qui ont peut-être agi, mais qui n'ont finalement rien fait au total, puisqu'il n'y a pas eu d'effet, il n'y a pas eu de mesure, il n'y a pas eu d'impact, et la France continue à payer. Faut-il se réveiller dans une situation financière catastrophique pour pointer du doigt un fautif qui n'en est pas un ? Et pourquoi ces politiciens professionnels se réveillent-ils maintenant à l'aube des élections européennes ? Et bien la réponse est dans la question. Allez, tchuss !