- Speaker #0
La très grande majorité des usages professionnels de l'IA sont des initiatives d'employés. On utilise un outil qu'on ne comprend pas, on utilise un outil que l'on craint. Pour les entreprises, on estime que le combo junior plus IA pourrait rendre les experts beaucoup moins indispensables. Le problème de chat GPT, vous le savez, l'IA générative, c'est le fameux shit in, shit out. Vous pouvez avoir la réponse à votre question, mais vous n'avez peut-être pas posé la bonne question. L'IA, c'est de la technique. mais elle charrie des caractéristiques sociales sur le collectif de travail et chez les individus. On me parle de destruction, on me parle de déshumanisation. Moi, je pointe sur la désingularisation. Un emploi sur dix à haut niveau de probabilité d'automatisation et par contre, un emploi sur deux à haut niveau de transformation.
- Speaker #1
Que oui ou non, on va gagner en productivité ou est-ce que c'est du bullshit ?
- Speaker #0
Alors, on va être très concret.
- Speaker #1
À la machine à café, j'ai encore eu un énorme débat sur, mais tchao GPT, qu'est-ce que ça va faire dans l'entreprise ? En quoi ça va changer finalement notre travail ?
- Speaker #2
Ça va te dire si tu dois prendre du café avec ou sans sucre, ou plutôt préférer le cottage à la tomate, qui est vraiment immonde.
- Speaker #3
Non mais la vraie question qui est derrière, c'est est-ce que ça va tous nous remplacer ? Parce que moi ça je l'entends en revanche beaucoup beaucoup.
- Speaker #2
Oui mais est-ce que c'est la vraie question ? Est-ce que c'est parce que tout le monde se pose la question qui est toujours la même depuis des temps ?
- Speaker #1
On est dans une vraie discussion. C'est un trottoir là !
- Speaker #2
C'est exactement ça !
- Speaker #1
On aille voir quelqu'un de sérieux sur ce sujet.
- Speaker #0
Vous semblez oublier en effet mes amis que vous n'êtes que des salariés c'est à dire les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste des chômeurs en puissance Fini la petite auto Fini les vacances au crottoir Fini le tiercé Finstech Esprit critique pour TechEthique
- Speaker #2
Good morning French Tech ! Bienvenue à toi qui nous écoute ce matin, cet après-midi ou peut-être ce soir, debout, assis, couché, peu importe, merci d'être là avec nous. Cyril Chaudoy derrière le micro, toujours accompagné de mes frères d'armes,
- Speaker #1
Mick Levy et
- Speaker #2
Thibaut Le Man.
- Speaker #3
Salut !
- Speaker #2
Les gars, j'ai une confidence à vous faire.
- Speaker #1
Ouh génial, j'adore les potins !
- Speaker #2
Non, non, non, non, foin de potin ! c'est quelque chose de bien plus fantastique Mick.
- Speaker #1
On y est,
- Speaker #2
on y est, on y est,
- Speaker #3
on y est ! Microsoft rachète Trendstech !
- Speaker #1
Oh non pas eux !
- Speaker #2
Non non non, t'excites pas non plus, ce serait un peu trop gros Thibaut. Non, écoutez bien, l'intelligence artificielle transformerait le monde du travail !
- Speaker #1
Ah si si si si !
- Speaker #2
Et en redéfinissant les tâches de chaque collaborateur, l'IA rebat potentiellement aussi les responsabilités qui en découlent. Dans les dîners en ville, comme dans l'atmosphère feutrée des comités de direction, l'IA suscite aussi des tâches de travail. autant d'espoir que d'inquiétude. Et vous savez quoi, les gars ? Ben c'est normal ! Ben oui ! Parce que comme à chaque fois, comme à chaque vague de transformation de nos entreprises à l'arrivée d'une techno de rupture, c'est la même chanson, ou plutôt le même storytelling. Avec d'un côté les vendeurs d'espoir, et de l'autre les vendeurs de peur. Parce que dans les deux cas, ça reste des vendeurs. Et il n'y a pas de mal à ça, sauf à raconter des conneries pour vendre leur soupe sans se soucier des réels impacts sur le travail, et donc par extension sur celles et ceux... qu'ils le font et qui jouent leur place, voire même leur employabilité sur un plus long terme. Un peu comme dans l'extrait d'un idiot à Paris de 1967, la crainte du chômage peut parfois nous pousser à avaler des couleuvres. Alors fini le bullshit, puisqu'on s'attaque à un Everest dont l'ascension est trop importante pour négliger sa préparation, et bien nous sommes allés chercher le meilleur pour en parler. Yann Ferguson est sociologue à l'INRIA, l'Institut National de Recherche en Sciences et Technologies du Numérique. Et il est aussi directeur scientifique du LaborIA, laboratoire de recherche sous tutelle du ministère du Travail, du Plein Emploi et de l'Insertion. Tout cela pour explorer ces enjeux de transformation liés à l'IA. Ses travaux éclairent les implications de l'IA sur des travailleurs et les entreprises, et bien sûr les enjeux éthiques que cela soulève. Alors que vous soyez employé, patron d'entreprise, manager ou futur employé, patron d'entreprise, manager, et bien restez jusqu'au bout, il y en aura pour tout le monde. Dans cette émission, nous commencerons par examiner comment l'IA modifie concrètement l'État. tâches et les modes de travail et comment les travailleurs perçoivent ces changements. Ensuite, nous explorerons l'automatisation sous un angle éthique. L'IA conduit-elle uniquement à plus de productivité ou peut-elle émanciper les travailleurs ? Enfin, nous verrons comment les entreprises peuvent adopter l'IA sans provoquer de tensions en trouvant les stratégies adéquates pour un déploiement réussi. Et comme nous sommes généreux chez TrenchTech, vous retrouverez aussi deux véritables cadeaux dans cet épisode. Oui, deux chroniques que vous allez... adorée. La tech entre les lignes de Louis de Disbach et elle font la tech de Sandrine Charpentier. Et dans moins d'une heure maintenant, nous débrieferons juste entre vous et nous des idées clés partagées avec Yann dans cet épisode. Alors restez bien jusqu'au bout. Bonjour Yann.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #2
Bonjour. On se tutoie ?
- Speaker #0
Allez, on y va.
- Speaker #2
Eh bien écoute, on va se lancer dans notre grand entretien. Vous êtes bien dans Trench Tech et ça commence maintenant.
- Speaker #1
Trench Tech, esprit critique pour Tech Ethic. Bon Yann, moi j'aimerais commencer avec deux petites anecdotes de bureau. Entendu l'autre jour, bon j'ai pas besoin de venir à ta réunion, j'envoie une IA, elle me fera un résumé et puis on va tous gagner du temps comme ça. Super.
- Speaker #2
C'est parce que c'était toi la réunion, c'est pour ça. C'était ta réunion.
- Speaker #1
C'était peut-être pour ça, je l'ai pas mal pris mais bon t'as raison. Et puis autre lieu, autre endroit, autre moment dans un open space. Il y a quelques semaines, ah mon IA est en panne et alors grosse panique de la personne, vraiment. Mais comment je vais faire pour travailler ? Je ne peux même pas rédiger un mail, du coup, je suis bloqué. Alors, pour démarrer, Yann, on voit bien l'IA en train de bousculer finalement nos tâches au quotidien dans le travail. Concrètement, comment c'est en train de se déployer ? Comment ça bouscule le travail au quotidien ?
- Speaker #0
Alors, l'intelligence artificielle, aujourd'hui, elle a deux grandes trajectoires. Elle a une trajectoire qui était celle qui était déjà initiée depuis les années 2010. C'est celle qui repose sur l'accélération de l'IA à base d'apprentissage. C'est ça. Et puis une trajectoire beaucoup plus récente qui est la trajectoire de l'IA générative. La première, l'IA cas d'usage, c'est un projet d'employeur qui identifie des opportunités d'usage de l'intelligence artificielle dans un métier, généralement autour d'un cercle à nombre de tâches, tâches qui relèvent plutôt de la répétitivité. Et donc la promesse pour l'entreprise, c'est de gagner en productivité. La promesse pour le travailleur, c'est de lui dire... on va te libérer on va te libérer de ces tâches pénibles répétitives routinières qui t'empêchent de faire ce qui te plaît dans ton job voilà donc ça c'était l'automatisation des tâches les plus simples voilà exactement exactement on parle des fois de l'IA invisible aussi d'ailleurs sur ces tâches là finalement effectivement parce que généralement ce qu'on automatise on a tendance à l'invisibiliser depuis deux ans depuis l'arrivée de l'IA générative on a une autre trajectoire c'est-à-dire non pas les projets d'employeurs, mais les initiatives d'employés. Et aujourd'hui, la très grande majorité des usages professionnels de l'IA, dont ceux que tu viens d'évoquer, sont des initiatives d'employés qui ont un peu deux termes, le Bring Your Own AI ou le Shadow AI, parce que ces initiatives, elles sont cachées, elles sont dans l'ombre.
- Speaker #2
On a connu ça d'ailleurs avec le Bring Your Own Device il y a quelques années, puisque... L'IT, les DSI avaient verrouillé l'accès à un certain nombre de choses, notamment les réseaux sociaux. Et après, on a demandé à tout le monde d'aller sur les réseaux sociaux pour faire la pub en termes de marque employeur. Et là, aujourd'hui, c'est vrai qu'on retrouve le même phénomène et les gens vont quand même via leur device sur ChatGPT, etc. C'est ça, en fait ?
- Speaker #0
Exactement. Et je vais vous donner un exemple sans trop démasquer. J'étais dans un ministère il y a deux jours, réputé pour sa sécurisation. Eh bien, il nous disait en off, c'est pour ça que je vous le dis en off. off, il n'y a personne qui nous écoute, eh bien, qu'en quelques mois, ils avaient identifié 1,2 millions d'usages de chat GPT sur les 4 premiers mois d'apparition de l'IA. 1,2 millions d'usages dans un ministère hautement sécurisé.
- Speaker #3
Sur combien de personnes ? Si tu as dit personne, 1 million, ça fait quand même...
- Speaker #0
Plus de 20 000 salariés.
- Speaker #2
On n'en dit pas trop, après on va finir par le découvrir.
- Speaker #0
Exactement. Et donc vous voyez, ces deux trajectoires sont totalement différentes. Parce que dans un cas, vous avez un projet d'employeur. Dans l'autre cas, vous avez une initiative d'employé. Et ce qui est intéressant, c'est de voir que les employés ne vont pas nécessairement vers le gain de productivité. C'est une promesse qu'ils vont chercher. Mais quand on regarde les enquêtes sur leur pratique, ils vont faire bien autre chose, et notamment la créativité.
- Speaker #1
Je reviens sur cette notion. Il y a quand même aussi des employeurs qui sont en train de massivement faire des déploiements d'IA génératifs comme outils de productivité au quotidien des collaborateurs. Je pense à Total Energy, par exemple, qui, je crois, a annoncé avoir acquis 30 000 licences d'outils d'IA pour la bureautique, en l'occurrence de Microsoft Copilot, pour ne pas les citer. On le voit dans plein d'autres grands groupes. Il y a des déploiements assez massifs de ces outils-là.
- Speaker #0
Exactement. La grande différence, c'est que... Il le déploie sur une promesse de valeur, mais qui n'a pas nécessairement de KPI très clairement identifié. Pourquoi ? Parce que d'abord, tu l'as dit, ces outils vont plutôt vers de la bureautique et qui utilisent de la bureautique plutôt des cadres ou quelques administratifs, mais beaucoup de cadres. Et ces métiers-là ont la chance ou la malchance, selon comment on se positionne, qu'ils n'ont pas nécessairement d'injonction à la productivité avec... des critères de productivité très précis. Donc quelque part, ce n'est pas très facile de maîtriser la productivité de ces métiers. Donc ça, c'est un sujet qui est assez intéressant. C'est de voir qu'on parle beaucoup de gains de productivité, mais sur des métiers où il n'y a pas une grande tradition de la mesure de la productivité. On a plutôt une tradition d'autonomie de moyens. et de se centrer sur les résultats.
- Speaker #2
Sur la productivité, justement, on va y revenir tout à l'heure. Mais pardon de t'interrompre, juste tu évoquais tout à l'heure le type de tâches qui sont les plus concernées, donc par le Bring Your Own AI. Qu'est-ce que tu observes, toi ? Qu'est-ce que vous avez pu noter ? C'est pour quel type de tâches dites créatives ?
- Speaker #0
Alors, on va être très concret. Un exemple qui a été, qu'on a pu étudier, c'est par exemple une... commerciale d'origine polonaise qui dit qu'elle a des difficultés de résultats avec certaines cultures. Elle est commerciale à l'international et elle pense que c'est probablement sa culture d'Europe centrale qui l'amène parfois à avoir des messages qui ne sont culturellement pas adaptés aux Italiens et aux Français. Et donc, elle va envoyer son message à l'Union Générative, lui dire, voilà, ça c'est les messages que j'ai écrits en tant que polonaise, peux-tu le rendre acceptable ? de table culturellement par des Italiens et des Français. Et en même temps, elle lui donne le message subliminal qu'elle poursuit.
- Speaker #2
C'est intéressant parce que c'est pas juste de la traduction, c'est pas que de la traduction, c'est pas de l'avatarisation avec Agen ou Synthesia pour pouvoir parler dans toutes les langues. Là, c'est s'adapter à la culture pour que ça matche mieux, que ce soit mieux accepté sur le fond.
- Speaker #1
Et est-ce qu'elle a plus vendu du coup aux Français et aux Italiens ?
- Speaker #0
Elle a dit que...
- Speaker #1
Elle a fait la fin de l'histoire quand même !
- Speaker #0
Elle a beaucoup moins de sujets de l'ordre de la vexation. elle avait l'impression qu'elle avait des réponses un peu tendues et elle elle avait déduit que c'était lié au fait qu'elle s'était mal exprimée dans la culture
- Speaker #2
Est-ce que ça veut dire que grâce à ça on atteindra moins facilement le point Godwin dans nos échanges de mail ?
- Speaker #0
Alors ça c'est pas gagné Non mais c'est un vrai sujet Un autre témoignage un expert comptable qui dit que finalement elle ne peut pas elle confie de plus en plus le travail du chiffre à l'IA et qu'elle se focalise davantage sur ce qu'elle appelle le jugement professionnel du client. C'est-à-dire qu'elle se concentre beaucoup plus sur la compréhension de son client, un peu son profiling, mais en mode, pas data, mais un profiling parce que vraiment intuitif. Et c'est d'autant plus intéressant que, comme on appelle les experts comptables, les métiers du chiffre. Et là, elle est en train de nous dire que c'est un métier de l'humain, parce que le chiffre, ce n'est plus elle. Donc ça, c'est assez fascinant.
- Speaker #2
Ça, c'est une bonne nouvelle. Si les comptables arrivent à lire autrement qu'à travers les chiffres, c'est plutôt une bonne nouvelle parce qu'ils ne sont pas tous dans le relationnel. C'est vrai.
- Speaker #3
On pourrait remonter sur la finance aussi. Il y a un point qui est assez intéressant sur ce que tu dis, c'est que c'est des initiatives des collaborateurs, finalement, qui poussent les IA génératives. Et pour autant, on entend souvent le chiffon rouge s'agiter en disant que les IA vont, entre guillemets, remplacer les collaborateurs. Et donc, comment est-ce que tu peux analyser ce double effet qui se coule, où finalement on fait rentrer le loup dans la bergerie, où finalement on le fait en conscience, et ça nous aide dans le travail de tous les jours, et qu'au final, on accepte plutôt le sujet ?
- Speaker #0
Moi, je suis un très grand utilisateur de cette expression, le double effet qui se coule, qui est un marqueur générationnel, et notamment pour expliquer comment les études tendent à montrer que l'explosion des utilisations n'a pas diminué l'inquiétude. Et on voit très clairement que les deux émotions que j'appelle le wow et le wow montent en simultané. Et donc, pour moi, c'est bien la preuve que cette situation d'utilisation individuelle, singulière et secrète de l'IA, elle n'est pas soutenable sur la durée parce qu'on utilise un outil qu'on ne comprend pas, on utilise un outil que l'on craint. Et donc ça, on ne peut pas rester durablement là-dedans. Moi, mon credo, c'est de dire que dans un premier temps, il faut associer cette pratique non seulement à une acculturation pour comprendre ce que c'est, mais aussi le sortir du colloque singulier et aller vers le collectif du travail. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un partage d'expérience autour de ces usages pour sortir de l'effet wow.
- Speaker #2
Est-ce que ça, c'est valable pour tout type de métier ? Ou est-ce que tu observes, toi, une différence entre travailleurs qualifiés et non qualifiés ? J'ai en mémoire une étude, je crois, du MIT qui avait été réalisée avec la complicité de consultants du BCG, qui atterrissait sur pas mal d'enseignements, dont celui-là. C'est que c'était utile pour les consultants qui devenaient plus productifs, plus créatifs aussi, mais surtout pour les moins bons d'entre eux. Est-ce que c'est vérifié ? Est-ce que toi, tu l'observes pareil ?
- Speaker #0
En fait, le déplacement de la valeur du travail, c'est un très grand sujet. Et ils ne se déplacent pas toujours dans le même sens. C'est-à-dire que l'étude de BCG du MIT montre effectivement que ce qu'ils appellent les consultants aux compétences moyennes tirent davantage bénéfice de l'usage de l'IA, et en l'occurrence, là, c'était de chaque GPT-4, alors que les super consultants en tirent un avantage, mais inférieur. Et donc, ça semble montrer que progressivement, il y a un enjeu que pour les entreprises, on estime que le combo junior plus IA pourrait... potentiellement rendre les experts beaucoup moins indispensables. L'avantage d'un junior, c'est qu'il est moins cher, il a moins de revendications, etc. Mais dans d'autres cas, et aussi chez les consultants, on a des sujets juniors qui sont que, parfois, il y a une articulation du travail du junior et du senior. Le senior, c'est celui qui, justement, est face au client, et le junior, c'est celui qui est dans la face préparatoire. Et en fait, on se rend compte que ce qui occupe le junior la semaine en face préparatoire, potentiellement... On pourrait l'intégrer dans la charge de travail du senior parce que lui, il va être très fort pour compter, valider. Et finalement, il va le faire en très peu de temps. Et donc, on a beaucoup moins besoin de juniors. Donc, en fait, le mouvement n'est pas dans un seul sens. Il faut vraiment regarder en fonction de la stratégie d'entreprise, mais aussi en fonction des métiers.
- Speaker #2
Et précisément là-dessus, sur ce dernier point, j'aimerais bien t'entendre parce qu'effectivement, l'idée selon laquelle peut-être l'IA pourrait venir couper... couper l'herbe sous le pied des juniors, alors on peut aussi penser aux stagiaires et puis après les juniors quand ils intègrent l'entreprise, parce qu'on apprend sur le tas, parce qu'il y a une forme de mentoring, on apprend aussi des seniors, etc. Ça, si c'est délégué à la machine, comment ils vont continuer de se former sur le terrain et acquérir des compétences qui sont peut-être un petit peu mineures, on va dire, mais qui seront indispensables pour pouvoir comprendre les tâches qui les attendent plus tard ?
- Speaker #0
Effectivement, les tâches d'entrée, ce sont des tâches qui permettent progressivement d'aller vers la complexité, mais c'est aussi celles qui parfois ont un chaînage avec les tâches complexes, c'est-à-dire qu'on comprend mieux le complexe parce qu'on a fait le simple. Donc ça, c'est évidemment un sujet important. Et l'autre risque, c'est que, et ça a été vérifié il n'y a pas très longtemps, j'ai analysé un cas d'usage, c'était un jeune banquier d'affaires qui disait qu'il se faisait senioriser par Tchad GPT. C'est-à-dire qu'en fait, quand il a une action à faire, il demande à Tchad GPT si c'est la bonne option. Et en fait, le problème de chat GPT, vous le savez, il y a un génératif, c'est le fameux shit in, shit out. C'est-à-dire que vous pouvez avoir la réponse à votre question, mais vous n'avez peut-être pas posé la bonne question. Souvenez-vous de ce qu'avait dit Einstein. Einstein avait dit, si j'avais une heure pour résoudre un problème, je passerais 50 minutes à poser des questions et 10 minutes à y répondre. Parce que les bonnes questions orientent les réponses. Et quand vous allez voir le senior, le senior, il vous dit peut-être, ce n'est pas la bonne question. Ce n'est pas la bonne question. Et en plus, il ne vous dit pas quelle est la réponse. Il vous dit aussi quelle est la réponse de la compagnie, de la société, de l'employeur. Il vous donne tout un ensemble d'éléments de contexte. Alors que TchaGPD ne vous répond qu'à la question que vous avez posée, sans la lier à votre contexte, parce que vous, vous ne l'avez peut-être pas intégrée.
- Speaker #2
Sauf parce qu'il a été fonctionné avec la data et donc la DS.
- Speaker #0
Si c'était un RAG, effectivement, il a pu être coloré dans une direction. Et là, on peut réduire le delta. Mais pour autant...
- Speaker #1
Je traduis juste le terme RAG. c'est un terme barbare qui veut dire Retrieval Augmented Generation c'est qu'on donne des sources intérieures de l'entreprise des sources spécifiques à une IA générative pour qu'elle sache parler le langage de l'entreprise des problèmes qui peuvent être rencontrés etc.
- Speaker #3
Plus tu avances dans le temps, plus ton anglais est absolument impeccable T'as vu que c'est un premier moment
- Speaker #2
C'est Mick qui l'a dit
- Speaker #1
En tant que vous l'avez remarqué j'ai soigné mon accent Pardon,
- Speaker #3
pardon,
- Speaker #2
excusez-nous
- Speaker #1
Une dernière question pour cette séquence. Est-ce qu'il n'y a pas une crainte de perte de compétence dans l'entreprise ? Regarde l'exemple de la personne qui ne savait même plus rédiger de mail le jour où son IA était tombé en panne.
- Speaker #0
Alors, il y a toujours une perte de compétence quand on met une technologie. Nous ne sommes plus très mobiles parce que nous avons sédentarisé nos modes de vie et la technologie nous l'a permis. Et quand nous devons nous déplacer, nous utilisons tout un tas d'outils et la plupart du temps, on court juste pour le plaisir. Donc, on a perdu des compétences de mobilité. Et la plupart des gens dans les sociétés occidentales ont davantage de problèmes de surpoids que d'autres problèmes. Et donc, on perd toujours une compétence. Quand le téléphone est arrivé, on a arrêté de se parler. Quand le mail est arrivé, on a arrêté de se téléphoner. Et maintenant, on est en train de mettre des... Mais là,
- Speaker #1
on risque de perdre beaucoup de compétences quand même. Il y a à la fois les compétences rédactionnelles, des compétences créatives, des compétences cognitives, de réflexion qui sont engagées.
- Speaker #0
Exactement. Par contre, on voit souvent ce qu'on perd, mais il est plus difficile de comprendre ce qui se crée. Et vous savez que Socrate avait condamné l'écriture. Et vous savez que Montaigne lui répond des siècles plus tard en disant il vaut mieux une tête bien faite qu'une tête bien pleine. De manière à dire finalement il n'y a plus besoin de mémoriser, ce qui est important c'est de pouvoir raisonner. Donc on a évidemment des inquiétudes par rapport à ce qui constitue aujourd'hui le socle de compétences que l'on valorise. Et là on voit à quel point ce socle de compétences il est quelque part remis en question par l'IA. Ce qu'on ne voit pas c'est dans quelle mesure le fait qu'on automatise un certain nombre de ces compétences nous amène au next step.
- Speaker #1
à devoir développer de nouvelles compétences et surtout on ne les connait pas encore forcément on en reparlera tout à l'heure parce qu'il y a quand même des indices peut-être juste clarifiant moi je suis l'homme qui clarifie aujourd'hui l'affaire de Platon nous on connait bien parce que c'était Anne Allombert une précédente invitée qui nous en est parlé donc Platon effectivement qui a vécu un peu la généralisation de l'écriture et qui a amené une grande crainte de perte de l'humanité en tant qu'humain on se perd nous-mêmes puisqu'on n'aurait plus à se souvenir des choses puisque comme on pourrait noter on n'aurait plus besoin d'exercer notre mémoire. C'était ça sa crainte.
- Speaker #2
Puisqu'on est dans le quart d'heure philosophie, je me permets juste de répondre à un tout petit point. Oui, je sais, on va couper, mais c'est pas grave, je fais quand même ce que je veux. Répondre au point de Yann sur on perd, mais on gagne également. J'en mémoire cette phrase que Michel Serres sortait assez souvent et qu'il attribuait à l'un de ses profs, je crois, à l'un de ses profs de l'histoire, peu importe, qui disait l'être humain est un animal qui perd autant qu'il gagne. Il prenait l'exemple totalement fictif, mais... c'est pour la beauté de la métaphore que lorsqu'on s'est levé sur nos pattes arrière on n'avait plus besoin de nos mains comme des pattes pour pouvoir avancer, donc on avait perdu ça mais qu'on avait gagné au toucher à la caresse et au fait de pouvoir fabriquer des objets donc c'était très très joli à dire on a traversé là les temps philosophiques on gagne autant que l'on perd
- Speaker #3
Juste une dernière chose, tu veux pas rajouter quelque chose sur les deux philosophes en herbe que j'ai devant la table tu veux pas rajouter un élément là ?
- Speaker #1
Il est pas mal, c'était plateau et montagne
- Speaker #3
Il ne leur reste pas la dernière parole quand même.
- Speaker #0
Je ne vais pas rajouter en philosophie, mais de toute manière générale, on a toujours co-évolué avec les technologies qu'on produit. C'est-à-dire qu'on produit des technologies qui, en retour, nous modifient. Il y a un effet d'hominisation de la technologie. C'est-à-dire que la technologie a un effet sur ce que nous sommes en tant qu'espèce. Et évidemment, on commence toujours par voir ce qu'on perd, mais on ne sait pas encore dans quelle mesure on gagne, sachant que... Toutes choses égales par ailleurs, notamment sur la partie écologique, on a plutôt eu l'impression de gagner que de perdre. Maintenant, ça ne dit pas ce vers quoi on va avec lire.
- Speaker #1
Hello,
- Speaker #0
c'est Greg. Si ce n'est pas la première fois que tu nous écoutes, c'est sans doute que tu trouves de la valeur et de l'intérêt. Alors,
- Speaker #1
je t'invite à nous noter sur ta plateforme d'écoute.
- Speaker #0
Et si l'envie te prend, de nous dire pourquoi tu continues de nous écouter.
- Speaker #1
Ton avis nous aide énormément à améliorer l'émission. Allez,
- Speaker #0
on reprend.
- Speaker #1
Sur ces perspectives, je vous propose qu'on retrouve Louis de Diezbach et sa... tech entre les lignes. La tech entre les lignes. Alors Louis, tu nous as réservé un gros programme aujourd'hui. Idéologie, philosophie, éthique de la fin du monde et de l'intelligence artificielle. Il va falloir qu'on fasse le point. Ouais,
- Speaker #4
l'invité était assez relevé, donc je vous ai mis un truc un peu relevé. Et au titre tout aussi solide, le bundle TESCRIL entre eugénisme et promesse d'utopie grâce à l'intelligence artificielle générale. Éco-signé par deux auteurs de renom, j'ai nommé Émile Torres et la fameuse Timnit Gebru.
- Speaker #1
Ah oui, oui, fameuse parce qu'elle a été licenciée de son rôle de responsable de l'éthique de l'IA chez Google après un papier qu'elle a commis sur les risques éthiques des large language models, ces grands modèles de langage qu'on utilise maintenant quasi tous, dont on parle là avec Yann, tel que Chaljipiti. Est-ce que c'était par hasard sur ta première chronique de Trench Tech, non ?
- Speaker #4
Je vois que tu as bonne mémoire sur les dangers des perroquets stochastiques. Tout à fait. Et on retrouve dans le papier du jour ces thèmes de prédilection autour du racisme. du sexisme, de l'impact environnemental et d'autres soucis de la tech qu'on connaît quand même plutôt pas mal chez Trench Tech. Dans leur papier d'ailleurs, Torres et Djébrou expliquent que la course à l'AGI, pour Artificial General Intelligence, est soutenue par une idéologie eugéniste qu'on peut retrouver dans l'acronyme TESCRIL. Ok,
- Speaker #1
ok, alors attends, tu nous balances mot sur mot, TESCRIL, eugénisme, non il faut clarifier, aide, aide, simplifie.
- Speaker #4
TESCRIL, T-E-S-C-R-E-A-L, mais on va faire les choses dans le norme. L'eugénisme, c'est un courant de pensée regroupant, je cite, l'ensemble des méthodes et pratiques visant à sélectionner le patrimoine génétique et génération future d'une population en fonction d'un cadre de sélection prédéfini En d'autres termes, c'est de faire avec les humains ce qu'on ferait avec les chiens de race, garder les meilleurs et annihiler les défaillants. Le courant est né post-Darwin en montrant que grâce à la théorie de l'évolution, on pouvait ou on pourrait créer une meilleure race humaine en favorisant les personnes belles, fortes, intelligentes, comme toi et moi donc, et en éliminant, je cite, les tarés et les crétins, ce qui à l'époque incluait aussi les handicapés physiques ou mentaux, les noirs, etc. C'était pas joli joli le début du XXe siècle.
- Speaker #1
Ouais, on peut même dire que l'eugénisme c'est plutôt sacrément dégueulasse comme courant. Bon, et le T-Skrill alors, c'est quoi ?
- Speaker #4
Alors l'acronyme regroupe des idéologies qui d'une part prouvent leur origine dans le mouvement eugéniste et d'autre part, et c'est là que c'est intéressant, viennent aujourd'hui nourrir la pensée dominante derrière le développement et la recherche de les G.I.
- Speaker #1
Ok, bon, donc toi, tu es le roi du suspense sur cette chronique. On peut en venir au fait ? Ça veut dire quoi ?
- Speaker #4
Alors, Tess Creel pour consumanisme, extropianisme, singulatarianisme, cosmisme, rationalisme, effectuive, effective altruisme et longueterreisme. T'as vu, moi-même, je galère. C'est un anachronisme que Gebro et Torres ont trouvé pour regrouper différentes idéologies qui misent sur l'amélioration de l'espèce humaine. Tu retrouves donc toute la question de l'eugénisme pour, je cite, un avenir meilleur. Alors je ne vais pas tous les développer, mais je vais m'attarder sur le premier et le dernier. Transhumanisme et long-termisme. Le transhumanisme, on le sait, c'est une idéologie centrée sur le fait que l'humanité peut s'auto-transcender. On parle donc d'une volonté radicale d'amélioration de l'organisme et de l'espèce vers l'immortalité, la super-intelligence, etc. Le long-termisme, qui est d'ailleurs très lié à l'effectif altruisme, met en avant... La volonté de créer un maximum de valeur dans le temps très long, sauver et améliorer un maximum de vie possible, pas uniquement dans le présent, mais aussi dans les millions, voire milliards d'années à venir.
- Speaker #1
Oui, tout un programme. J'espère que nos politiques n'ont pas trop ça en tête quand même. Tu peux nous donner quelques exemples de personnes qui seraient dans ces courants de pensée peut-être ?
- Speaker #4
Ah mais carrément ! Attends, tu peux penser à Altman, Peter Thiel, Elon Musk, Ray Kurzweil, Nick Bostrom, etc. Mais laisse-moi te dire, les impacts que tout ça a dans le monde de la...
- Speaker #0
Tech.
- Speaker #1
Ah non, attends, on n'a plus vraiment le time, là. Désolé, il faut couper maintenant. Ah,
- Speaker #4
euh... Bon bah, à la suite au prochain épisode, alors.
- Speaker #1
Hashtag Esprit Critique pour TechEthique.
- Speaker #2
Quel facétieux, ce Louis, on te salue bien. Qui sera le Chaplin des temps modernes modernes, c'est-à-dire ceux du XXIe siècle, à votre avis ? Parce que, je ne sais pas pour vous, mais personnellement, j'ai l'impression de voir se jouer le même scénario que lors de la précédente révolution industrielle. À la mécanisation de nos gestes et savoir-faire musculaires succéderait aujourd'hui l'automatisation de nos facultés cognitives. Raisonnement, créativité, Yann en parlait tout à l'heure, compréhension du monde qui nous entoure et à la fin, prise de décision. L'IA permet des gains de productivité, à la bonne heure, mais lesquels ? En quelles proportions ? Et au profit de l'émancipation ou d'une nouvelle aliénation des travailleurs ? Yann, si on commençait par redéfinir ensemble les gains de productivité ? Et les gains de productivité liés à l'IA en particulier ?
- Speaker #0
Les gains de productivité, vous savez, c'est la manière d'optimiser les ressources utilisées pour réaliser une activité, réaliser une tâche. On cherche une efficience, en fait. On cherche une efficience, le meilleur équilibre entre le résultat et les ressources qui sont dédiées à la production de ce résultat. Donc, c'est une mesure qui, évidemment, est montée très fort au moment de la révolution industrielle. lorsqu'on avait plutôt un mode de conception artisanal de la production. Et petit à petit, à travers des réflexions comme le taylorisme, on a fait de la productivité la mesure fondamentale de la performance industrielle. Et donc, c'est devenu un terme qui est né plutôt dans l'industrie et qui aujourd'hui s'est répandu presque dans le langage courant. Vous pouvez avoir des enfants qui peuvent dire je ne suis pas productif à l'école alors que… Personne ne leur demande d'être productif, on leur demande d'être apprenant.
- Speaker #1
Et pour l'IA alors, est-ce qu'effectivement ça va booster la productivité des travailleurs, des entreprises ?
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
alors peut-être des États d'ailleurs.
- Speaker #0
L'intelligence artificielle, comme toute révolution technologique qui porte sur le travail et l'industrie dans le monde moderne, est venue avec cette promesse de productivité. Et non seulement elle a été portée dès le début sur la productivité, mais... elle est mesurée de plus en plus sur la productivité. Et les débats, notamment sur les échecs antérieurs, en tout cas... pour certains, de l'informatique avec le fameux paradoxe de Solow qui dit on voit les ordinateurs partout selon les statistiques de productivité. Dans le numérique où on sait que on passe beaucoup de temps aujourd'hui à répondre à des mails et on se demande si jamais ça n'impacte pas notre productivité alors même que le numérique devait le faire. Maintenant on est en train de se dire que sur l'IA ça pourrait être la même chose. Vous avez sûrement déjà parlé de cet article d'Assez Mauglu, l'économiste anglais, qui dit que dans les dix prochaines années, lui, il voit du 0,07 de productivité associée à l'IA sur les dix années à venir.
- Speaker #1
C'est justement de poser la question comment on trie entre des grands fournisseurs, je crois avoir en tête des études de Microsoft, mais Google a dû en faire, et des grands cabinets de consulting en ont fait, qui nous promessent parfois des gains de productivité jusqu'à 40% sur certaines fonctions, notamment toutes les fonctions de développeurs informatiques, ou au marketing, ou pour les consultants. Et puis de l'autre côté, tu as un AC Moglou qui nous dit qu'on va gagner 0,05% de productivité sur les 10 ans à venir à l'échelle des pays qui l'utilisent. Comment on fait le tri là-dedans ? Et comment on choisit ? Est-ce que oui ou non, on va gagner en productivité ou est-ce que c'est du bullshit ?
- Speaker #0
Alors, il y a probablement une très forte spéculation, notamment liée au moins à deux facteurs. Le premier, c'est qu'il y a évidemment une proposition market très très forte. qui est porté par des gens qui ont un intérêt à vous le vendre et l'autre c'est que on rien à 1,23 l'autre la deuxième c'est que pour une grande partie des solutions on adresse des métiers qui n'ont pas de tradition de la productivité de la mesure de la productivité comme le mien sur les cadres comme le mien par exemple et qui ne voudront pas qui ne voudront pas en avoir ils sont pas fous voilà le troisième C'est que pour l'instant, on maîtrise mal ce qu'on va appeler la dette technologique. La dette technologique, c'est que vous mettez en place une techno, à l'instant T, elle peut potentiellement délivrer de la valeur, mais ce que vous ne savez pas, c'est les coûts de maintenance, les coûts qu'il peut y avoir à revenir sur un certain nombre de choses qui auraient été traitées par l'IA, mais finalement, il y a de l'erreur. Tout ça, ce n'est pas bien documenté. De manière générale, c'est très difficile de les voir. Par exemple... la dette technologique d'une voiture. On est dans un monde très largement véhiculodépendant. On sait qu'on l'achète, on sait qu'elle a un coût d'entretien, on sait qu'il y a une révision régulière, et globalement, pour un couple biactif qui serait dépendant, véhiculodépendant, on estime que tous les vendredis, il travaille pour sa voiture. Donc vous voyez, du lundi au jeudi, sa voiture lui fait gagner en productivité, mais le vendredi, on inverse le rapport, ce n'est pas la voiture qui nous permet d'aller au travail, c'est le travail qui permet de payer la voiture.
- Speaker #1
Et bien faites comme moi, roulez à vélo les amis.
- Speaker #0
Et pourtant ça fait des années qu'on le sait, des années qu'on le sait, et globalement quand les gens y réfléchissent, ils reviennent toujours à la voiture. Donc sur l'IA, on n'a pas cette historique, et malgré tout même quand on l'a, on a du mal quand même à le jauger.
- Speaker #2
Mais alors dis-moi, Mick est parti comme une balle sur les chiffres, est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, etc. On n'a pas totalement, selon moi, terminé la définition du gain de productivité, parce qu'au fond, ces gains de productivité, on peut les gagner de... De quelle manière ? Est-ce qu'il n'y a pas deux natures de gains de productivité ? Il y a d'un côté la diminution des coûts du facteur de production, ou la génération, la création de valeurs supplémentaires avec les mêmes facteurs de production. Dit autrement, soit on automatise à mort et donc on diminue le facteur humain parce que ça nous coûte trop cher, soit on fait en sorte que le facteur humain puisse produire à plus forte valeur ajoutée. Dans un cas, on va avoir une techno qui est plutôt aliénante et qui est destructrice d'emplois. soit dans un autre cas, on va émanciper, incapaciter l'être humain, c'est ça ?
- Speaker #0
Oui, alors ça, évidemment, c'est les deux grandes tendances. Côté ministère du Travail, ce qu'on veut valoriser, c'est ce qu'on appelle l'IA incapacitante, c'est l'empowerment, l'encapacitation. Ce que l'on observe, c'est que parfois, on a tendance, qu'on soit pro-IA ou anti-IA, à avoir une vision très techno-centrée. du sujet, c'est-à-dire qu'on dit l'IA fait ci, l'IA fait ça, et derrière on va regarder le KIP-EI et le retour sur investissement. En fait ce qu'on occulte beaucoup c'est que il faut qu'il y ait un environnement de travail, il faut qu'il y ait une culture professionnelle qui soit adéquat avec, je dirais, ce qu'on va appeler les caractéristiques sociotechniques de l'IA. C'est-à-dire que l'IA c'est la technique mais elle engage, elle embrasse des Elle charrie des caractéristiques sociales sur le collectif de travail et chez les individus.
- Speaker #2
Tu peux nous en donner une ou deux caractéristiques sociales ?
- Speaker #0
Je vais vous donner un exemple d'une étude qu'on a faite au Laboria. le cas d'usage c'était pas de l'IA générative c'était un cas d'usage le cas d'usage consistait à essayer d'assister les boroscopeurs les boroscopeurs ce sont des professionnels qui observent des parties critiques et difficiles d'accès d'un avion qui font un contrôle visuel de l'avion avant qu'il reparte en service et on avait deux équipes de boroscopeurs une à Roissy et une à Orly et même métier, même tâche, même techno. Un groupe d'adhérents, un groupe qui rejette totalement. Alors, qu'est-ce qui se passe ? L'IA est la même. Donc, est-ce que c'est la faute à l'IA ? Non, en fait, on se rend compte que il y a un groupe qui a une tradition de management directif et un autre qui a une tradition de management participatif. Et en fait, dans l'équipe qui a une tradition de management directif, l'IA n'est que le ventriloque d'une forme managériale, parce que l'IA, elle diagnostique, elle préconise. Et en fait, le manager directif, il avait tendance à dire aux gens ce qu'ils avaient à faire. Et finalement, l'IA n'est que le porte-voix de ce manager. Dans l'équipe participative, rejet total. C'est quoi ce petit chef électronique qui vient nous dire ce qu'on a à faire ? Vous voyez ? Et donc, on croit que l'IA fait ci et fait ça, mais en fait, on occulte toute la culture et tout l'environnement qui fait que derrière, il y a un environnement favorable à la technologie ou pas parce qu'il y a différentes cultures qui font que ça rejette ou que ça adhère.
- Speaker #3
C'est un peu ça le sens du propos, c'est-à-dire que dans la technologie qu'on essaie de mettre en place depuis des années, on est toujours à la quête de la productivité. Et si je fie les deux, trois statistiques que j'ai pu regarder en attendant, en t'écoutant, depuis 1890 jusqu'en 2022, la productivité n'a gagné que 2,5% la productivité par heure en France. On ne pourrait pas s'attendre, enfin moi je me serais attendu à quelque chose de beaucoup plus large vu... l'ampleur des évolutions technologiques. Donc finalement, on n'a pas gagné grand-chose.
- Speaker #0
C'est pour ça qu'on peut se demander aussi si on a les bonnes mesures. C'est-à-dire qu'on a construit des facteurs de productivité, des mesures de productivité, à un moment où on a basculé d'un mode de vie pré-industriel, enfin de production pré-industrielle, à un mode industriel, où là on a eu des gaps énormes. Voilà, on a des gaps énormes. Et maintenant, on est quand même rentré sur des marges de manœuvre qui sont plus faibles. Ceci étant dit, je mène une grande étude dans un ministère qui contrôle notamment la fiscalité. Et aujourd'hui, par exemple, là où avant un agent avait besoin de contrôler dix entreprises pour tomber sur une qui était probablement en dehors des clous, aujourd'hui avec l'IA ils sont à 3 pour 1 donc sur certains sujets on a quand même des choses assez importantes
- Speaker #2
Merci l'IA, tiens d'ailleurs puisque tu l'as mentionné j'en profite pour rappeler l'ensemble des travaux de LaborIA qui sont tous excellents mais le dernier rapport si je ne m'abuse qui date du mois de mai, le rapport Explorer qui est intitulé études des impacts de l'IA sur le travail alors accrochez-vous bien les petits amis, il fait à peu près 93 pages moi je me le suis goinfré en entier parce que c'est aussi mon métier et que c'est vraiment passionnant... Vous avez une fiche de synthèse qui fait 22 pages sur le site. Vous pourrez les télécharger, on vous mettra tous les liens, évidemment, sur la fiche de l'épisode. Moi, je voulais te poser une question assez singulière. Mick, tout à l'heure, en fin de première séquence, te disait est-ce qu'il n'y a pas un risque de perte de compétences ? Moi, c'est une question un peu plus anglaise. C'est est-ce qu'il n'y a pas un risque de perte d'estime de soi ? J'ai lu, il n'y a pas très longtemps, un bouquin qui s'appelle Le pianiste déchaîné. C'est un bouquin de science-fiction d'anticipation de Karl. Carl Vonnegut Junior, voilà c'est ça, un américain très connu chez lui mais pas chez nous. Et donc, long story short, c'est post-révolution industrielle, une ville dystopique comme il y en a dans beaucoup de romans de ce type-là. Tous les anciens travailleurs habitent de l'autre côté du Rubicon et sont déclassés, désocialisés, etc. Seules les machines font à leur place et il y a quelques humains qui viennent pour contrôler et puis le conseil d'administration. Et il y a un personnage assez singulier qui est un ouvrier de l'époque qui a donné toutes ses compétences à la machine. à cette époque-là, ils étaient filmés et enregistrés sur bandes magnétiques, un peu comme nos VHS de notre époque. Et donc, c'est la machine qui reproduit chacun de ces faits et gestes. C'était le meilleur technicien à son époque dans l'usine. Et il est complètement désocialisé, mais lui, il a encore cette fierté d'avoir finalement, fierté un peu naïve, d'avoir donné l'intégralité de ses savoir-faire, de son geste technique. Est-ce qu'on en est là avec l'IA et est-ce qu'il va y avoir un problème d'ego, d'estime de soi et de finalement de remplacement de... au-delà du travail, de ce que l'on est en tant que tel ?
- Speaker #0
Alors, il faut être vigilant sur ce sujet. C'est une vraie thématique. parfois on me parle de destruction d'emploi, des fois on me parle de déshumanisation, en disant on a du job, mais ce n'est pas humain, parce qu'il y a des machines partout. Et moi, je pointe sur la désingularisation, parce que quand on parle d'estime de soi, ça veut dire qu'à travers le travail, on a un geste d'expression de soi, on dit qui on est. Et il faut savoir que pendant très longtemps, ça a relevé plutôt du référentiel de l'artiste. C'était l'artiste qui... et disait qui il était à travers son geste. Et en fait, ce référentiel de l'artiste, qui est un référentiel hyper individualiste, c'est-à-dire je veux être reconnu comme unique est un référentiel qui se diffuse à l'ensemble des travailleurs. Il y a chez chaque travailleur la volonté non seulement de faire du bon travail, du travail utile, mais aussi du beau travail. Et à travers le beau, il y a l'idée de dire c'est lui qui l'a fait, et ce n'est pas un autre c'est lui qui l'a fait et pas un autre. Vous faites un podcast, il y a d'autres podcasts sur l'IA, mais celui-là, c'est le vôtre, vous avez créé, vous y avez mis du vôtre. D'ailleurs, quand on rencontre quelqu'un pour la première fois, qu'est-ce que tu fais dans la vie ? C'est une des questions qu'on lui pose en premier. Et donc, il existe ce risque de désingularisation qui, dans le rapport de force potentiel avec l'employeur, est plutôt favorable à l'employeur. Parce que son intérêt, tu as parlé de Chaplin tout à l'heure, vous vous souvenez, dans les temps modernes, La première image qu'on voit, c'est des moutons. C'est des moutons. Et un mouton, c'est difficile d'en distinguer l'un d'un autre. On n'a besoin que de moutons. Et en fait, aujourd'hui au travail, on ne veut pas être des moutons. On veut être unique. L'individu, c'est celui qui est indivisible. Le dividu, il est divisible.
- Speaker #1
Trouver sa singularité,
- Speaker #0
comme tu disais. Exactement.
- Speaker #3
Le mouton à cinq pattes.
- Speaker #0
Voilà, exactement.
- Speaker #2
Ou le mouton numérique. Salut Irénée Réau.
- Speaker #0
Exactement. Et donc, cette tendance existe. Et ça peut être d'ailleurs, quelque part... une quête managériale, c'est-à-dire je mets de l'IA pour... Il y a eu un rapport en 2017 qui avait parlé de prolétarisation des savoirs, c'est-à-dire vous n'êtes plus propriétaire de votre savoir.
- Speaker #2
On en a discuté avec Anna Lombert, effectivement, de cette prolétarisation du savoir également, sujet éminemment intéressant, forcément.
- Speaker #1
Tu as lâché le terme, ça y est, tu l'as dit. On parle beaucoup aussi de destruction d'emploi, du risque de destruction d'emploi. Est-ce qu'il est réel ? Je prends deux études qui semblent totalement s'opposer, encore une fois.... Goldman Sachs, qui ont clairement mis le feu aux poudres, avait prédit que l'IA, selon lui, irait jusqu'à détruire 300 millions d'emplois, soit 42% des emplois qui sont dans les pays à revenus élevés, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie. Et puis, de l'autre côté, il y a l'étude d'Assez-Moglo qu'on a déjà citée tout à l'heure, qui dit qu'on va gagner 0,05% de productivité sur 10 ans grâce à l'IA. Donc, autant dire que ces gains de productivité ne vont absolument pas permettre qu'on vire plein de monde par ailleurs. Donc... Est-ce que c'est sérieux ? Et comment, toi, tu vois cette évolution du risque de la destruction d'emplois ?
- Speaker #0
Alors d'abord, le débat, je le regarde avec distance, admiration pour le talent des économistes qui montent des méthodologies, une sophistication formidable. Souvenez-vous, en 2013, c'était 47% des emplois américains qui vont être détruits. C'était l'article de Frey-Hosborne.
- Speaker #1
À quel horizon il l'avait pris ?
- Speaker #0
10-20 ans. Donc on est à la moitié.
- Speaker #1
Jusque-là, tout va bien.
- Speaker #0
Par exemple, eux, ils envisageaient tous les métiers des transports quasiment détruits à 5 ans parce qu'ils avaient vu la Google Car et pour eux, le chauffeur s'était réglé dans les 5 ans. Et là, si vous regardez le film de Samuel Durand et Hayat Work, vous avez Osborne qui parle. Et clairement, on voit qu'ils se sont trompés sur les transports. Donc, il y a une méthodologie qui est magnifique et qui souvent repose quand même sur une vision très linéaire entre des performances observées et des transformations. et sur des choses à très court terme. Nous, ce que l'on évoque plutôt en sociologie, c'est ce qu'on appelle les trois vitesses de l'innovation. Il y a la vitesse des promesses, il y a la vitesse des usages. On est dedans. Voilà, promesses, on commence les usages.
- Speaker #1
On commence les usages, oui.
- Speaker #0
Et les gens qui sont à l'usage, y compris Copilot, ils disent mais c'est pas ça qu'on nous avait promis ? Et après, il y a le temps de l'appropriation, qui est beaucoup plus lent. Et tout ça fait qu'entre le temps des annonces et le temps de l'appropriation, il se passe beaucoup plus de temps que prévu. Alors peut-être qu'Iliade ne va pas respecter ce calendrier. Mais il faut quand même comprendre un peu l'histoire. Nous, les hypothèses sur lesquelles on travaille, c'est un emploi sur 10 qui se situerait quand même à haut niveau de probabilité d'automatisation, ou en tout cas d'automatisation partielle. Donc pour nous, un haut niveau d'automatisation, c'est de dire 70% des tâches sont exposées. Et par contre, un emploi sur deux à haut niveau de... transformation. Et pour nous, transformation, c'est lorsqu'au moins 50% des tâches sont exposées. Donc, une fois qu'on a dit ça, et qu'on dit que le grand sujet, c'est la transformation, deux questions se posent. L'emploi transformé permet-il d'assurer la dignité matérielle à celui qui l'a ? L'emploi transformé permet-il d'assurer la dignité spirituelle à celui qui l'a ? Avoir des moyens de subsistance, mais aussi gagner de mieux en mieux sa vie. Ce n'est pas bien la gagner, c'est la gagner de mieux en mieux, parce qu'on veut progresser, on a des projets, et à mesure qu'on avance dans la vie, nos projets augmentent. Et la question aussi, c'est de savoir, est-ce que ce travail a du sens ? Est-ce qu'il me permet de m'y épanouir ? Donc ça, ce sont les deux grandes questions que l'on pose.
- Speaker #2
Est-ce que ça permet de s'épanouir ? On a suffisamment de bullshit jobs, de burn-out et de bore-out. On y reviendra juste après, justement, sur comment bien déployer l'IA dans ses stratégies d'entreprise. Mais comme tu nous as parlé de trois temps, on va en respecter un quatrième. C'est celui de la chronique de Sandrine Charpentier, Elle font la tech.
- Speaker #0
Elle. Elle.
- Speaker #1
Elle.
- Speaker #0
Elle. Elle font la tech !
- Speaker #4
S'il n'y a pas de première, il n'y aura pas de deuxième. C'est le mantra de Deepti Chander, développeuse informatique et femme d'influence dans la tech, qui compte bien faire bouger les lignes pour une innovation plus paritaire. Deepti Chander est aujourd'hui manager au sein du département Cloud de Google, un des géants de la tech mondiale. Mais pour en arriver là, son parcours n'a vraiment pas été linéaire. Deepti est une passionnée d'informatique dès le plus jeune âge. Elle rêve d'une carrière dans l'informatique déjà sur les bancs du lycée, Malgré les réticences de sa conseillère d'orientation, qui considérait l'informatique comme un domaine réservé aux hommes, et malgré la pression culturelle héritée de ses origines indiennes, où l'échec est très mal perçu. Déterminée à suivre sa passion, Dipti décide de se battre et découvre l'école Epitech pour se former au développement informatique. En tant que professionnelle de la tech, elle y est arrivée. Elle prône une tech inclusive et aujourd'hui son quotidien professionnel est bien rempli. qui mieux que Dipti pour en parler. Dipti, bonjour, je suis ravie de t'accueillir dans cette chronique.
- Speaker #5
Merci beaucoup Sandrine, je suis ravie d'être là.
- Speaker #4
Alors, première question Dipti, quel est ton super pouvoir de développeuse et d'experte de la tech ?
- Speaker #5
Je ne pense pas que j'ai de super pouvoir, je pense vraiment que c'est la détermination qui a été un facteur clé du succès et de là où je me trouve, puisque à chaque moment où ça a été difficile, j'ai pensé... à cette détermination-là qui m'a suivie tout au long de mes années en informatique et c'est ce qui fait de moi ce que je suis aujourd'hui.
- Speaker #4
Bravo à toi. Et quelles sont tes convictions sur la place des femmes dans la tech ? Je sais que tu es très investie.
- Speaker #5
Effectivement, c'est important de souligner ce sujet puisqu'aujourd'hui, il y a très peu de femmes dans la tech. Il est important qu'il y ait en fait une représentation de notre société, des femmes et de la diversité, donc plus de profils. issus de la diversité dans la tech, puisqu'on ne peut pas se contenter finalement d'une partie de la population qui est en train de créer ses innovations. On parle beaucoup d'IA, de big data, de cloud, sans avoir toute une population qui soit consciente de ce que c'est et qui fasse partie de cette aventure-là.
- Speaker #4
Et est-ce que tu peux nous en dire plus sur tes engagements avec l'association ? Emma, puisque tu agis concrètement sur ces sujets.
- Speaker #5
Oui, bien sûr, l'association Emma, justement, promouvoit en fait ces valeurs de diversité qu'on vient à l'instant de parler à travers bien évidemment l'éducation, puisque l'éducation pour nous c'est l'arme la plus importante pour faire changer les choses. Un métier comme l'informatique est très peu compris par beaucoup, beaucoup de gens. Et donc pour nous, c'est important de faire d'enlever justement ces billets qu'on peut avoir et dans la tech c'est à dire que la tech est réservée par une partie de la population que n'importe qui ne peut pas avoir accès à ces métiers pour nous à travers un programme qui s'appelle code atom parmi parmi d'autres qui permet d'initier à un million d'enfants et d'ados dans le monde avec bien évidemment une annexe très important d'avoir plus de jeunes filles plus de jeunes femmes dans l'informatique et donc dès le très jeune âge ils apprennent la programmation le code et c'est ça qui fait que ils vont comprendre ces métiers et vont enlever les billets qu'ils peuvent avoir sur la connaissance de l'informatique. Et donc pour nous, c'est important de se dire que chaque individu à travers le monde doit comprendre ces outils-là, puisqu'ils nous entourent au quotidien, du matin au soir. On est consommateur, consommatrice de ces outils-là. Mais en tout cas, comment est-ce qu'on les crée ? C'est vraiment ce que Emma passe comme message. La création de ces outils doit être faite de manière équitable, avec chacun et chacune, pour pouvoir changer le monde de demain.
- Speaker #4
Merci Dipti et merci pour l'impact que tu as pour une tech plus inclusive.
- Speaker #5
Merci à toi.
- Speaker #0
Strange Tech,
- Speaker #2
esprit critique,
- Speaker #0
perspective.
- Speaker #3
Vraiment fan de cette chronique qui nous fait découvrir de bien belles personnes. Le déploiement de l'IA est crucial pour les entreprises. Mais aujourd'hui, encore beaucoup de codires, comex s'interrogent. Cette vague risque-t-elle d'être une mode passagère sans réel impact ? Coucou Metaverse ! Ou au contraire, s'expose-t-il à une levée de bouclier sans précédent s'ils veulent intégrer l'IA à leur stratégie d'entreprise ? Au fond, ils posent la question du juste équilibre à trouver pour tirer parti de ce progrès technique de manière responsable et durable. Yann, quelle est la stratégie des entreprises ? Qu'est-ce qu'elles doivent adopter pour éviter que l'IA ne fasse un boom ou fasse pchit plutôt ?
- Speaker #0
Alors, il y a plusieurs niveaux de réponse. Le niveau, on va dire un peu mezzo, c'est-à-dire avoir développé un peu une vision de ce sujet. Le premier niveau, c'est d'abord, il faut qu'il y ait un comité de direction qui soit engagé sur le sujet, qui développe une feuille de route, qui partage sur la vision de l'entreprise. C'est-à-dire, ce n'est pas l'IA parce que c'est le buzz, c'est l'IA parce que ça a du sens pour nous. Et il faut des moyens et un sponsor du COMEX. Deuxième chose, il faut former les collaborateurs. Il faut que les collaborateurs soient formés. Aujourd'hui, vous avez des entreprises où il y a énormément de projets IA, certains grands groupes, mais vous n'avez que 5% des collaborateurs qui sont reliés au sujet de l'IA. 95% vous pouvez les croiser et vous diront l'IA, on n'en fait pas chez nous. Alors que vous, vous savez qu'ils ont 200 cas d'usage. Donc ça, il y a un problème. Le troisième élément, toujours lié un peu à la partie IRH, c'est quelle est la vision ? que les collaborateurs ont l'IA. Est-ce qu'ils le voient comme quelque chose qui les remplace ? Ou est-ce qu'on est plutôt sur l'alignation ou plutôt sur l'encapacitation ? Si on est sur l'alignation, ceux qui sont sur l'alignation n'ont pas complètement raison, ils n'ont pas complètement tort. Ceux qui sont sur l'encapacitation et qu'on en plaint les yeux sont aussi dans l'enthousiasme, mais ils n'ont pas complètement raison, ils n'ont pas complètement tort. Donc on doit pouvoir trouver quand même un équilibre entre les deux. Il y a aussi les talents, il y a, quatrième point. Est-ce qu'on a investi dans des gens qui ont des compétences avancées, que ce soit des compétences de développeur ou d'intégration ? Et puis après, il y a la question de la culture de l'innovation. Dernier point, est-ce que les entreprises, eux, pour la techno, c'est sur étagère, plug and play, et on veut que dans deux mois, il y ait la lumière à tous les étages ? Ou est-ce qu'ils conçoivent la maturité actuelle de l'IA ? Ils conçoivent aussi, notamment dans le cas de l'IA générative, le parcours de la valeur de l'IA qui n'est pas forcément top-down. Il peut être bottom-up, c'est-à-dire que ce sont les usages qui dévoilent la valeur. Et donc tout ça, ça veut dire quoi ? Faire confiance aux collaborateurs dans leur pratique. Donc voilà, vous avez déjà un peu quelques repères. Alors,
- Speaker #2
je trouve ça intéressant la fin de ta phrase. Ce sont les usages qui font la valeur de l'IA. Moi, ça me fait penser à quelque chose. J'accompagne énormément d'entreprises dans la conduite du changement et tu te doutes bien, en ce moment, c'est beaucoup à travers l'IA. Et souvent, on vient me chercher en me disant... Comment l'IA va impacter les métiers et les compétences ? Et j'ai coutume de leur répondre. D'abord, il faut se demander s'il y a quelque chose à vous apporter, à quelque chose à apporter à votre stratégie. Et le deuxième écueil que j'estime être un écueil, c'est que beaucoup disent, alors on a filé les accès à ChatGPT ou à d'autres, pour ne pas citer que ChatGPT, à des échantillons de collaborateurs. Ils testent et puis, tout d'un coup, on a 200 cas d'usage. Parce qu'ils ont découvert, forcément, nous tous, quand on a mis les mains dans les outils, Il y a plein de bonnes idées qui arrivent. Entre une bonne idée et un véritable cas d'usage, qui plus est un cas d'usage, qui vient servir la vision stratégique de la boîte, il y a quand même un monde. Est-ce que c'est ce que tu observes aussi ? Et comment tu essaies de remettre les pendules à l'heure ?
- Speaker #0
C'est effectivement ce que j'observe. C'est-à-dire qu'après la grande kermesse de l'IA, où tout le monde était en mode shadow et puis en mode bring your own AI, les entreprises, elles essayent de recibiliser tout ça. Ça commence par... sécuriser la techno, c'est-à-dire s'assurer que l'outil est fiable et surtout sécurisé par rapport aux datas.
- Speaker #2
C'est le retour de l'IT et des DSI.
- Speaker #0
Voilà, exactement. Et après, souvent, comme tu dis, il y a des collectifs qui vont partager sur leur pratique. Et là, effectivement, à un moment, il y a une espèce de magma et on commence à identifier où est-ce qu'il y a de la valeur. Donc, on est dans cette approche très bottom-up. qui est très riche et très forte dans notamment la courbe d'adoption. Parce que quand la valeur, elle vient de soi, elle est plus proche du travail réel. Parce qu'une des choses qu'on a observé dans le laboria, c'est parfois le cas d'usage. En théorie, sur le travail tel qu'il devrait se faire, ça marche très bien. Mais par rapport à ce qui se fait vraiment, c'est moins bien. Par exemple, on avait observé dans une grande agence qui utilisait l'IA pour identifier les propos discriminatoires contenus dans des offres d'emploi. Eh bien... Parfois, un critère discriminatoire, c'est véhicule obligatoire. C'est un critère de richesse. Et donc, en théorie, c'est interdit. Et l'IA, elle le voit très bien. Et donc, elle est en permanence en train de marteler, attention, attention, ce n'est pas bien, ce n'est pas bien, ce n'est pas bien. Sauf que l'humain, il est capable aussi de voir le contexte. Et si l'offre d'emploi, elle se situe dans une zone rurale où de facto, la voiture sera obligatoire, eh bien, il laisse passer l'erreur. Sauf que là, il laisse passer l'erreur avec une IA qui lui dit, ce n'est pas bien, ce n'est pas bien, ce n'est pas bien. Donc, ça la gasse. Donc, quand ça monte comme ça des usages, eh bien, on a ce décalage avec le travail réel qui est plus faible. Mais là, effectivement, on est quand même sur ce qu'on va appeler l'everyday AI, c'est-à-dire que les collaborateurs, ils intègrent l'IA dans des petites tâches de tous les jours. Ce qui est intéressant, c'est l'évolution, l'innovation incrémentale. Le risque, c'est de continuer à fourmiller comme ça et de passer à côté de la game-changing AI.
- Speaker #2
C'est ça, parce qu'autrement, on va se retrouver avec toutes les boîtes qui penseront avoir fait la révolution AI pour trier les mails, pour écrire un discours et puis basta. Et donc, en fait... il n'y aura zéro valeur ajoutée stratégique pour les entreprises qui ont fait ça.
- Speaker #0
D'où l'importance d'avoir une vraie stratégie. Et parfois, une stratégie peut passer par d'abord aller vers l'everyday AI, parce que derrière, ce n'est pas trop disrupteur, ce n'est pas trop déstabilisant, et on s'approprie l'IA.
- Speaker #1
C'est la culture.
- Speaker #0
Voilà, on commence à développer. Et puis après, derrière, on est plus ouvert pour aller vers des game changing. Parce que derrière, la phase d'acculturation, elle est là.
- Speaker #1
Revenons, si tu veux bien, Yann, à l'intégration finalement de l'IA. dans le travail et dans le quotidien de l'entreprise. J'ai l'impression que ça amène aussi beaucoup de conflits internes dans les entreprises, parfois exprimés, parfois moins exprimés. Mais j'entends parler même des fois de réunions avec des syndicats ou avec des représentants du personnel qui deviennent très, très, très chaudes quand l'entreprise commence à évoquer le fait d'intégrer de l'IA. Ça semble visiblement commencer à poser des premiers problèmes, on va dire générationnels. avec des jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi, qui ont énormément utilisé l'IA pendant les études et donc qui continuent comme un outil de travail du quotidien. Il y a cette fameuse phrase que je trouve merdique, je vous le dis avec un gros mot, qui est tu ne seras pas remplacé par une IA, mais par quelqu'un qui maîtrise mieux l'IA que toi Tout ça est source de conflits, de dingues dans l'entreprise. Comment on gère cette nouvelle conflictualité finalement autour de l'IA ?
- Speaker #0
Oui, c'est vrai que... que les tensions se cristallisent beaucoup autour de l'automatisation, du remplacement, etc. Et passent à côté des sujets que nous, on voit dans l'IA, je dirais, ordinaire, celle qui ne fait pas la chronique des médias, celle qui est des petits projets, mais qui sont supposés faciliter la vie des travailleurs, gagner un peu en productivité. Et... Nous, ce qu'on accompagne, ce qu'on promeut, c'est de regarder le travail tel qu'il est en train de se transformer à l'aune de critères assez classiques, comme par exemple la reconnaissance. Par exemple, on sait que sur l'IA générative, il y a beaucoup de personnes qui n'osent pas le dire à leur manager, de peur que leur manager estime que le mérite ne leur revient plus. Et oui, et oui.
- Speaker #1
Vous venez de dire la question tout à l'heure sur l'ego.
- Speaker #0
Et le mérite ne leur revient plus. plus, c'est devenu facile. Et les managers sont-ils accompagnés pour reconnaître le mérite d'un collaborateur qui a utilisé l'IA ? Tant que le collaborateur ne le sait pas, il ne va pas le dire.
- Speaker #2
Et ça, ça se règle à l'entretien individuel de fin d'année, les petits amis. Et sur la demande de hausse de salaire, vous rigolez. Mais ça fait partie dans ton rapport, celui que tu as piloté, parce que je pense que tu étais accompagné, des six facteurs ou six risques d'acceptabilité sociale du déploiement de l'IA, c'est ça ? Puisqu'on est là-dessus, est-ce que tu peux juste nous citer les six ?
- Speaker #0
Oui, alors on regarde les sujets, les cas d'usage à travers six critères. La façon dont l'IA vient potentialiser ou altérer la question de la reconnaissance. Celle des relations humaines, comment le collectif de travail est touché par l'introduction du système d'IA. On regarde aussi le sentiment de contrôle et de surveillance qui peut être généré par le fait qu'on utilise l'IA. On va aller regarder l'évolution des savoir-faire, dans quelle mesure certains savoir-faire sont obsolètes, dans quelle mesure des nouveaux savoir-faire émergent, dans quelle mesure les savoir-faire doivent évoluer. On va regarder la question de l'autonomie, dans quelle mesure le fait d'avoir un système d'IA qui a tendance à notifier un certain nombre de choses réduit ce qu'on appelle le sentiment de puissance que l'on peut avoir sur sa propre activité. Voilà. Parfois,
- Speaker #1
superviser une machine qui fait, ce n'est pas la même chose que faire par soi-même. Voilà. Et ça va avoir un impact. Sixième critère sur la responsabilité, c'est-à-dire la façon dont je me sens responsable du résultat du travail. Donc, ce sont des questions...
- Speaker #2
Pour bien comprendre, c'est des critères de quoi ? Cyril disait que c'est des critères d'acceptabilité de l'intégration de l'IA dans l'entreprise. C'est ça ?
- Speaker #1
Ce sont des critères par lesquels on regarde le travail de manière assez traditionnelle. Et nous, on regarde comment l'IA... vient reprendre ses vieilles questions en des nouveaux termes. D'accord,
- Speaker #2
d'accord. Les six critères sur lesquels l'IA va venir impacter des éléments clés de la relation au travail.
- Speaker #3
On a vu l'exemple de la reconnaissance. C'est plus difficile d'aller négocier son salaire si à la fin on dit Attends, toi t'as peut-être mis 25 ans à acquérir ces compétences-là, mais l'IA en six mois elle a été entraînée, elle en fait autant que toi. Je reviens juste sur l'un de ces critères qui est la relation sociale. Dans un groupe, par exemple de collègues, effectivement, Qu'est-ce que ça sous-entend directement ? Première question, est-ce que le fait d'interagir quotidiennement avec un assistant virtuel fait qu'on aura des interactions homme-homme différentes à cause des interactions homme-machine ? Et tout de suite, deuxième question, est-ce que ça, ça ne nous dit pas quelque chose sur les nouvelles compétences à acquérir ou en tout cas celles à préserver, ce qu'on appelle dans le langage du management les soft skills ? Oui,
- Speaker #1
tout à fait. Pendant très longtemps, on a dit que l'IA allait centrer la valeur des travailleurs humains sur les soft skills et notamment les tâches relationnelles. Et en fait, on se rend compte qu'une des premières choses qu'on ait faites, et ce n'est pas anodin parce qu'on est une espèce ultra sociale à notre façon, c'est de mettre l'IA dans les relations humaines. L'un des premiers cas d'usage avant l'IA génératif, c'était les fameux chatbots. Vous avez un service, alors en interne, parce qu'on parle des relations entre collègues, on ne parle pas des chatbots clients. Vous avez un service qui assaillit tous les jours de questions qui sont un peu toujours les mêmes. Comment vous mettez un chatbot pour essayer d'absorber les questions les plus répétitives ? Alors ça, ça a été... été très utilisée. Quand ça marche, le service qui a été soulagé de ces questions les plus répétitives peut parfois, quelques mois ou quelques années après, regretter ce chatbot en disant qu'ils sont désormais un peu isolés, un peu coupés. Un autre cas qu'on avait pu voir, c'était un bot dans une banque qui était pour les commerciaux, qui était habitué à appeler une experte. Et cette experte, maintenant, son travail, c'est d'alimenter en connaissant un bot. Et son critère de performance en tant que, alors en plus ils avaient un nom, les mamans du bot, en tant que maman du bot, son critère d'évaluation, c'est ce qu'on appelle le taux d'escalade, c'est-à-dire le nombre de fois où on l'a appelé pour se réassurer de la réponse du chatbot. Et donc, cette personne, moins on l'appelait, mieux elle était scourée en termes de performance. Deuxième chose, on a remarqué chez les early adopters de l'IA générative, une forte propension à utiliser l'IA générative pour brainstormer. Et le brainstorming, c'est une tâche très fondatrice d'un collectif de travail, non seulement par le résultat, mais surtout par le processus par lequel vous échangez vos positions et vos vues. Et ce processus va irriguer le collectif pour plein d'autres choses que le cas d'espèce du brainstorming. Et lorsque l'on commence à brainstormer avec l'IA générative, on a un effet waouh, il faut le dire, quand on sait un peu faire, c'est incroyable, quand on fait un arbre de pensée. c'est incroyable. En plus, ces fonctions sont internalisées dans chatbot.hdpt4.1. Vous avez le résultat, mais vous n'avez plus le processus. Ce processus est hyper important, mais il faut le dire, il est aussi irritant. C'est-à-dire qu'il faut trouver sur l'agenda de tout le monde une dispo. Il faut supporter Jean-Michel qui a tendance à parler pendant 20 minutes et après, il n'y a plus la place pour les autres.
- Speaker #2
Il s'appelle Thierry.
- Speaker #3
Le fameux Jean-Michel qui revient très souvent.
- Speaker #1
Exactement. Il y a le pauvre Jean-Michel. Il y a toujours... quelque chose qui est irritant et il faut savoir qu'on a quand même une tendance, et le numérique alimente cette tendance, à de plus en plus mettre à distance le prochain. On se rapproche du lointain, mais on met à distance le prochain. Et le risque, c'est que plutôt que brainstormer avec mes collègues, je me retrouve en télétravail à brainstormer avec Tchadjepeté ou un de ses avatars ou un de ses cousins. Et ça, évidemment, pour le collectif de travail, ça peut être très fort comme dégradation.
- Speaker #3
Ça Serge Tisseron l'avait déjà prophétisé dans un bouquin il y a quelques années, il disait on finira par préférer nos artefacts à nos semblables parce qu'eux au moins ils seront toujours de bonne humeur et complaisants avec nos demandes.
- Speaker #1
Exactement, dans son livre qui s'appelle Le jour où mon robot m'aimera.
- Speaker #2
J'ai une question peut-être un peu tricky mais qui m'occupe beaucoup l'esprit. J'ai échangé il n'y a pas si longtemps avec une traductrice qui me disait que du coup en moins de deux ans avec l'avènement de ChatGPT, elle avait perdu en quelques mois seulement 60% de ses demandes, de son chiffre d'affaires. et que c'était encore en train de diminuer. J'intervenais il y a à peine quelques jours pour des professionnels de la relation client, donc c'est tous ceux qui sont notamment sur les centres d'appel, où ils ont très très peur qu'ils soient remplacés peu à peu par des chatbots, voire par des... call-bots avec une IA qui synthétise même leur propre voix à eux pour faire vraiment plus vrai que nature.
- Speaker #3
J'ai reçu des premiers coups de fil avec ça, mais c'est insupportable. Donc,
- Speaker #2
dans ces fonctions-là, ils ont extrêmement peur. Dans ces métiers-là, ils ont très très peur de ce remplacement par l'IA ou d'être rendu obsolète par l'IA. Qu'est-ce qu'on peut dire à ces personnes-là ? N'y croyez pas trop, c'est comme les routiers d'il y a 10 ans. Regardez, il y a encore des routiers, ils n'ont pas été remplacés par des camions autonomes. Ou alors... C'est ainsi, c'est la marche du monde et on ne peut rien y faire, je ne sais pas.
- Speaker #1
Alors pour l'instant, il y a une tendance mineure et une tendance majeure. La tendance mineure, c'est de la mettre directement en compte client. Et c'est mineur parce que notamment sur l'IA générative, c'est un énorme avantage, c'est qu'il n'y a pas de tunnelisation de la relation client lorsqu'elle est automatisée de manière classique. On sait, quand on a des tapé 1, tapé 2, tapé 3, on est dans des arborescences insupportables. Là, avec l'IAGénérative, on arrive à quelque chose de beaucoup plus naturel au sens de l'expérience de Turing, vitesse de Turing. Mais par contre, il y a eu des bad buzz. Vous avez eu le bad buzz avec DPD où un client a réussi à faire dire aux bots que DPD était la pire entreprise de livraison du monde, et en plus dans un langage injurieux. Et il y a eu le bad buzz de la compagnie aérienne au Canada qui a proposé une respawn et qui n'a pas pu être assurée parce qu'elle n'existait pas. Donc actuellement, ce que l'on a...
- Speaker #3
Ils ont été obligés de l'accepter. Ils ont été obligés de l'accepter,
- Speaker #1
exactement.
- Speaker #2
Ils ont eu raison. OK. Quand tu dis ça, moi, c'est l'exemple que je cite aussi, mais on me dit, OK, allez, dans deux ans, ça s'est plié. Il y a beaucoup moins d'hallucinations. Ça a fonctionné. Et dans tous les cas, pour les traducteurs, j'ai eu un témoignage de quelqu'un qui me dit que j'ai perdu 60% de mon job, de mon chiffre d'affaires, en quelques mois.
- Speaker #1
Sur les traducteurs, on est d'accord. À part la traduction, je dirais, littéraire, il y a vraiment... un très gros sujet. Alors avec en plus la double... C'est-à-dire que quand ça compte vraiment la traduction, les contrats, les machins, etc., on appelle quand même un traducteur, mais on lui demande de venir en inspecteur des travaux finis. Et là, on lui dit du coup, on va te payer moins cher parce que tu ne fais que vérifier, mais c'est quand même toi qui signes. Donc c'est toi qui as la responsabilité à la fin. Et en plus, c'est pareil, on parlait tout à l'heure du beau travail. Il y a le traducteur qui va s'attacher simplement au fait qu'il n'y ait pas de contresens. et puis un traducteur qui va dire à la fin il y a mon nom potentiellement à la fin de la traduction et moi je laisse pas passer des choses pas aussi fausses mais aussi moches et donc petit à petit il va se dire maintenant je vais reformuler parce que c'est pas que c'est faux mais c'est que c'est moche et au final il passe presque autant de temps à refaire la traduction du bot mais en étant payé deux fois moins donc c'est vrai que sur les traducteurs il y a un très gros sujet de vigilance sur la relation client... Il y en a un, mais je dirais qu'il y a des entreprises aussi qui vont peut-être, il va peut-être y avoir une bipolarisation du marché. C'est-à-dire, on va dire, si vous voulez du client humain, c'est possible, mais c'est cher. Si côté client, vous voulez une machine, c'est gratuit, mais ce n'est pas forcément...
- Speaker #2
Qu'est-ce que tu dirais pour les algorithmes de météo ? Il y avait un bon reportage d'envoyé spécial hier soir là-dessus d'ailleurs. Il y a une fight là pour savoir qui pose la question suivante. Entre Cyril et Thibaut, vous pouvez envoyer une vidéo. Thibaut,
- Speaker #3
je te laisse la priorité parce que j'ai une question qui se pose. Absolument.
- Speaker #4
J'ai juste la petite question sur la dualité entre tu veux parler à un bot, ça sera moins cher, et tu veux parler à un humain, ça sera plus cher. En règle générale, quand on a ce cadre-là, souvent les prix vont se rejoindre assez simplement. Ou du moins... on va arriver à un bot, on va essayer de le rentabiliser pour en avoir un petit peu plus et de le mettre juste en dessous de l'humain. On n'a pas peut-être une course à l'échalote qui est en train de se monter si on a cette dualité ? Oui,
- Speaker #1
c'est possible. On est encore de toute façon en face d'observations. On est peut-être en train de construire des business models qui vont complètement s'effondrer lorsque l'on va se rendre compte que ça ne marche pas si bien que ça. Des gens qui vont vouloir être réassurés. Et puis, il peut y avoir aussi des entreprises qui vont revendiquer le fait que vous n'aurez jamais affaire à une machine. Et ça, j'ai vu des publicités de la Matmut et de la Maïf, pour ne pas les citer, avec des panneaux dans la rue. Je les ai pris en photo et qui disaient est-ce que vous préférez avoir un humain qui parle de machine ? C'est le spiritueliste. Voilà, exactement. Et donc, on peut aussi avoir… un marketing de l'humain. par rapport à des concurrents qui iraient vers de la machine.
- Speaker #3
Justement, pour remettre l'humain au centre et parler de business model, tu vas voir là encore, un peu singulier, une question qui va essayer de compacter un petit peu tout ça. En termes de milieu d'entreprise et de RH, on parle beaucoup de QVT, qualité de vie au travail. On entend beaucoup parler de l'explosion des burn-out, du bore-out. On connaît les chiffres pour la plupart d'entre nous du taux d'engagement des salariés. C'est 7% je crois en France et on est 38ème. pays sur 38 en Europe. Ma question est simple, est-ce que le business de demain, Yann, c'est pas psy ? Étant donné que les IA vont venir se poser sur le poste de travail juste à côté de nous.
- Speaker #2
À moins que des IA puissent devenir psy.
- Speaker #3
Est-ce qu'il faut qu'on conseille à nos enfants de devenir psy ?
- Speaker #1
J'avais envie de le prendre par là parce que si vous avez en tête la première émotion hôtesse de Turing, c'était Elisa. Elisa, dans les années 60, qui imitait un thérapeute rogérien. On a eu l'année dernière une vraie réflexion sur des adolescents qui préféraient échanger avec leur petit bot plutôt qu'avec le psy que leurs parents avaient choisi, disant que le psy bot au moins ne les jugeait pas. Et puis, on a vu aussi quelques travaux, alors encore très embryonnaires, mais sur le fait que dans un challenge entre réponse de médecins à des patients qui étaient faits par des médecins réponses à ces mêmes patients par des bots, eh bien, des jurys estimaient que la proposition du bot, elle était plus qualitative, elle était plus empathique. Voilà, donc, il y a quand même... Peut-être que le métier de psy n'est pas celui qu'il faut aller chercher, notamment parce que, pour beaucoup de gens qui sont... Il faut savoir quand même que le numérique, c'est une expérience qui est incroyable. C'est une expérience qui...
- Speaker #0
C'est une expérience qui...
- Speaker #1
La proposition d'expérience numérique, d'expérience utilisateur, elle n'a aucune friction avec le réel. Et on devient de plus en plus intolérant à la friction avec le réel. Si je compare l'achat sur une plateforme d'achat et le magasin, le magasin c'est plein de frustration. Il faut y aller, il faut se déplacer, le produit n'est peut-être pas là, il faut faire la file d'attente dans là. Tout ça, on vous dit, dans 12 heures le produit est chez vous. Et donc, on devient de plus en plus intolérant à ça. Et d'une certaine façon, la relation en petit, c'est aussi une frustration. Il faut trouver le bon psy, il faut s'allonger, il faut arrêter sa journée, etc. Et peut-être que je vais préférer cette relation avec le psybot parce qu'il ne me juge pas. Donc, il y aura peut-être des problèmes, si, mais peut-être qu'ils seront aussi gérés par des machines.
- Speaker #4
Conseillons-leur donc d'être des éthiciens. Je pense que là, en revanche, tu es d'accord pour dire que ça ne sera pas remplacé par une IA ?
- Speaker #1
Oui, alors il y a tout un sujet Oui,
- Speaker #4
pas garanti
- Speaker #1
Je dis ça parce que par exemple typiquement il y a un vrai sujet vous savez, de morale machine il y a un sujet aussi, comment on embarque des raisonnements éthiques dans des drones à charge létale donc quelque part dans certaines situations, il y a des dilemmes moraux, des dilemmes éthiques qui vont être traités par des machines
- Speaker #3
Ce sera le mot de la fin. Bisous à tous les psys et bisous à nos éthiciens qui travaillent dans notre collectif chez TrenchTech. Les gars, il va falloir vous accrocher. Merci Yann, c'était hyper riche. On te remercie d'être venu dans notre épisode. On suivra avec attention la suite des travaux de Laboria.
- Speaker #2
Merci beaucoup Yann.
- Speaker #4
Au revoir.
- Speaker #3
Pour vous qui nous écoutez, restez avec nous, c'est l'heure du débrief entre Thibaut, Mick et moi-même.
- Speaker #4
Alors moi, j'ai découvert un nouveau terme.
- Speaker #3
Lequel ?
- Speaker #4
HOMONISATION de la tech.
- Speaker #3
HOMINISATION, je crois.
- Speaker #4
HOMINISATION ?
- Speaker #3
Ouais.
- Speaker #2
HOMINISATION. Tu ne l'as pas complètement découvert.
- Speaker #4
Je le découvre, je le découvre. On le découvre. Je suis à la mesure. Hyper intéressant.
- Speaker #3
L'hominisation de la tech, effectivement. L'hominisation, moi, ça me fait penser encore une fois à Michel Serres. Mais il faut que j'arrête avec ça parce que vous allez finir par penser que je vous cèdez. c'est vrai effectivement et moi j'ai découvert le wow effect et le wow effect dans les entreprises cohabitent les deux c'est l'outil magique et le wow c'est vrai qu'on a ce rapport un peu d'attirance,
- Speaker #2
de curiosité et en même temps de peur qui commence très très vite à se mêler dans le truc pour moi ce que j'ai surkiffé dans cet épisode et ce que j'adore dans beaucoup de nos épisodes c'est la raison pour laquelle je kiffe Trench Tech c'est nous deux
- Speaker #3
Thibaut et moi.
- Speaker #2
Déjà, c'est d'être avec vous.
- Speaker #4
Merci,
- Speaker #2
merci. C'est cool.
- Speaker #4
On n'oublie pas Greg.
- Speaker #2
Ainsi qu'avec Greg, exactement, il nous a invités. Mais là, c'est d'avoir, comme souvent, un côté mesuré sur ce qui est en train de se passer, sur l'impact. C'est aussi de dire qu'il y a des fois où on ne sait pas exactement, mais il a bien expliqué les difficultés à mesurer réellement la productivité et le fait qu'on n'est pas partout, que sur la perte d'emploi, la messe n'est pas du tout dite. Et que là encore, on ne sait pas exactement ce que le futur en réalité nous réserve.
- Speaker #3
Par contre, on sait ce que le passé nous raconte, que c'est systématiquement la même rengaine. Et surtout, je reviens quand même sur ce que tu rappelles là, c'est que... Parler de gain de productivité, c'est une chose, mais encore faut-il savoir mesurer cette productivité de façon ISO, tout secteur et toute entreprise confondue. Et à un niveau micro, il y a beaucoup de boîtes qui ne savent pas mesurer la réelle productivité. Et donc, du coup, pouvoir mesurer ces fameux soi-disant gains de productivité qu'on est censé retirer. Il a rappelé le paradoxe de Solo, vous vous souvenez de la micro-informatique.
- Speaker #4
Il n'y est pas toujours. Il y a aussi un autre point hyper intéressant sur, qu'on se rassure aussi sur l'emploi des seniors, on s'en rapproche de plus en plus. Mais seul le senior est capable de pouvoir dire le pourquoi, enfin, quelle est la bonne question à poser pour répondre au bon problème ?
- Speaker #3
Oui, enfin, il y a le bon senior et le mauvais senior.
- Speaker #4
Alors, attends, ouais.
- Speaker #3
En revanche, sur la notion de seniorité, il nous rappelle que pour un bon déploiement en entreprise, en fait, en général, ça passe quand même par trois temps. D'abord, il y a la vitesse d'arrivée sur le marché des outils, et ça, on l'a vécu depuis deux ans avec OpenAI, entre autres. Il y a ensuite le temps des usages. Il faut découvrir quels sont les usages, qu'est-ce qu'on peut en faire, mais puis surtout s'interroger sur de quoi j'ai besoin pour ma stratégie et pas foncer tête baissée sur l'outillage. Et le troisième temps, c'est l'adoption. C'est probablement le temps le plus long parce qu'il faut faire accepter, d'une certaine manière, à l'ensemble des forces vives de l'entreprise de devoir travailler avec un assistant virtuel qui, parfois, peut venir gratter un peu.
- Speaker #4
Et vous avez retenu les stats ? Ils vous avaient donné un emploi sur dix à haut niveau d'automatisation.
- Speaker #3
Oui. Et ?
- Speaker #4
Et donc ça, il y a une question de dignité sociale. Et 1 sur 2 sont au niveau d'être transformés. Et là se pose une question de dignité spirituelle.
- Speaker #3
Alors là, les amis, il faut quand même que je vous explique un truc, ce qui s'est passé dans le studio, parce que vous ne l'avez pas vu, vous l'avez peut-être entendu, mais Thibaut est parti sur une punchline et surtout sur un chiffre que Mick envisageait. de débriefer entre nous.
- Speaker #2
Écoute-moi, Mitch. C'est quoi sur les 250 000 points où tu nous le fais ? C'est une idée qui me paraissait essentielle, effectivement. Et c'est bien d'avoir ces chiffres-là. Et en même temps que tu parlais, que je te faisais effectivement un doigt d'honneur.
- Speaker #3
Disons-le. En tout cas.
- Speaker #2
Disons-le quand même. C'était un doigt d'honneur tout à fait amical. Oui, oui, oui. Je me suis tombé sur la une d'un magazine qui disait jusqu'où les robots vont prendre nos emplois. Point interrogation, un petit peu inquiétant. Et puis là, je me disais, tiens, je vais quand même regarder la date du magazine. Et en fait, c'était le 28 mars, mais 1920.
- Speaker #4
Ah oui.
- Speaker #2
Alors, il faut que vous le sachiez, cette peur de la crainte sur l'emploi avec les machines, avec des robots, avec l'IA aujourd'hui, elle existe depuis plus de 100 ans. Et à chaque fois, on pourrait ressortir les mêmes titres, les mêmes unes, peut-être même les mêmes articles. Cette peur sur l'emploi, c'est un véritable marronnier des approches techniques.
- Speaker #3
Deux films, ça va. Peur sur l'emploi. Mais on sait que c'est un marronnier. Effectivement, on a cité à nouveau Platon. Et on sait que, sans faire offense à nos amis philosophes qui travaillent avec nous et qui nous écoutent, c'est le fameux mythe du remplacement de l'humain par la technique qu'il a créée lui-même, le fait d'être dépassé. Donc, on nage et on replonge à chaque fois dans les mêmes sujets et dans les mêmes peurs. Et voilà, c'est entretenu par un certain nombre de personnes.
- Speaker #2
Donc, restons en confiance. Tout va bien se passer.
- Speaker #3
Et voilà, nous avons passé plus ou moins 60 minutes ensemble pour exercer notre esprit critique sur l'impact des IA sur le travail. On espère que cet épisode avec Yann Ferguson vous a inspiré et qu'il a une nouvelle fois permis d'exercer votre esprit critique pour une tech éthique. On se retrouve sur toutes les plateformes de podcast et en vidéo maintenant sur YouTube aussi. Tiens, au passage, une suggestion, mettez-nous 5 étoiles ou partagez cet épisode avec un ou une collègue qui sait. Vous rendrez peut-être service à quelqu'un en nous aidant. à nous faire connaître. Et jusqu'au prochain épisode, j'ai envie de vous laisser méditer sur ce bon mot de Boris Vian. Le travail, c'est ce qu'on ne peut pas s'arrêter de faire quand on a envie de s'arrêter de le faire.
- Speaker #5
Merci.