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UN MONDE SANS ENFANTS

Bons baisers de Séoul

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09min |22/04/2024
Play
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UN MONDE SANS ENFANTS

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09min |22/04/2024
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Description

Épilogue de la saison 2. Dans cet épisode enregistré en Corée du sud, pays souffrant du plus bas taux de fécondité du monde, je pars à la rencontre de l’absence d’enfant. Enfermée dans un déclin démographique aux allures de vrille, la Corée est-elle un avant-goût de ce qui nous attend ? Et Nietzsche ? Écoutait-il vraiment de la K-pop ?


Sources

Sur la Syphilis

https://www.economist.com/britain/2022/01/01/syphilis-rates-are-rising-relentlessly-in-britain

Sur les prévisions de fécondité coréenne pour 2025

https://www.koreaherald.com/view.php?ud=20231208000534

Sur les no-kids zones

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/19/en-coree-du-sud-les-no-kids-zones-fleurissent-dans-les-cafes-et-les-restaurants_6217233_3210.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes, bonjour à tous, bonjour à tout le monde. Il y a une citation que j'adore, qui est de Nietzsche dans, "Ainsi parlait, Zeratoustra". Ouais, je sais, décidément, ce podcast est très chic. La voilà, j'ouvre les guillemets : "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". Je la répète parce que vraiment je l'aime beaucoup. Et moi, j'ai toujours un peu peur de faire partie de ceux qui n'entendent pas la musique. Cet épisode n'est pas un épisode comme les autres, car je l'enregistre depuis la ligne du front, là où la sous-fécondité fait rage, là où émerge "un monde sans enfants". Je vous parle depuis la Corée du Sud. Et si le son est mauvais, je m'en excuse, mais c'est le prix à payer pour un reportage pris sur le vif, sur le terrain, presque dans les tranchées. Je me sens comme Tintin, mais sans le racisme, ou comme Spirou, mais sans Spip, son écureuil. Et j'arpente les rues de Séoul en cherchant quelque chose de bien précis. L'absence d'enfants. Comment fait-on pour chercher une absence ? Eh bien, partout où je ne vois pas d'enfants, je m'écris Je le savais, j'en étais sûr. Et si par malheur j'aperçois un marmot, je détourne le regard et prétends n'avoir rien vu. Ainsi, ma méthodologie implacable est d'une mauvaise foi totale. Bonjour, je m'appelle David Duhamel, je suis professeur d'économie à l'Illerie et enseignant à Sciences Po. Je vous parle du monde dans lequel on vit, et surtout du monde à venir, un monde sans enfants. La syphilis Il y a quelque chose de rigolo, quelque chose de poétique à propos de la syphilis. Les anglais l'appelaient la maladie française, mais les français la nommaient maladie de Naples. Pour les russes, c'est la maladie des polonais, mais pour les polonais, la maladie allemande. Et les allemands, eux, disent qu'elle est française, et les danois, espagnol. Plus rassembleurs, les turcs la nommaient maladie des chrétiens, et en Inde, on parlait de maladie des européens. Alors je me suis demandé, et si la sous-fécondité était une maladie, à qui l'attribuerait-on ? Attention, pas une maladie individuelle bien sûr. Toute personne qui ne veut pas d'enfant a bien raison de ne pas en faire, et personne ne devrait le lui reprocher, ni lui demander de rendre raison de son choix. Mais une maladie collective peut-être ? Dans le sens où une société sans enfants ne jouira pas de son infécondité. Au contraire, elle en souffrira. Dans le sens où un groupe qui ne fait plus d'enfants se met, consciemment ou inconsciemment, sur une trajectoire de déclin et peut-être d'extinction. Bref, je me suis demandé à qui la faute. J'ai d'abord cherché le patient zéro, là où tout a commencé. La sous-fécondité qui semble toucher en 2024 70% des pays de la planète. Est-ce une maladie française ? Parce que les Français sont les premiers au monde à avoir moins d'enfants au début du XIXe siècle. Est-ce une maladie anglaise ? Parce que c'est en Angleterre que la transition démographique a commencé. Les Anglais sont les premiers à vivre plus longtemps. Et parce que c'est toujours sympa de blâmer les Anglais. Une maladie japonaise ? Après tout, ils ont un nom, eux, pour désigner la sous-natalité. Shoshika. Et le Japon est le premier pays du monde à passer durablement sous le seuil de remplacement. Une maladie occidentale ? Une maladie laïque ? La maladie des mécréants ? La maladie des riches ou des modernes ? En fait, j'ai du mal à trouver le patient zéro. À trouver l'origine d'un monde sans enfants. En revanche, il est facile de déceler le pays le plus avancé dans la maladie. Avec 0,7 enfants par femme et pas vraiment d'immigration, la Corée du Sud apparaît, certes pas au stade terminal, mais bien malade tout de même. Pour comprendre ce qu'il se passe en Corée, je vous propose une petite expérience de pensée. Admettons que la fécondité des coréennes se stabilise à 0,6 enfants par femme, qui est le chiffre prévu officiellement pour 2025. Imaginez une première génération de 100 coréens nés en 2024. Par simplicité, imaginons-les tous hétérosexuels, avec autant de femmes que d'hommes, et faisons l'hypothèse qu'il n'y a ni immigration, ni émigration. Histoire de simplifier. 100 Coréens, ça nous donne donc 50 Coréennes qui ont 0,6 enfant en moyenne. Cela donne 30 enfants, 15 femmes qui ont 9 petits-enfants, puis 3 arrière-petits-enfants. Et c'est tout. De 100 à 30, à 9, à 3, à 0. La collision avec le néant semble certaine et surtout imminente. Alors, la sous-fécondité est-ce LA maladie coréenne ? Je ne sais pas. Mais il n'est pas exclu que la Corée en meure. Alors je sillonne Séoul à la recherche de pas d'enfants. Par exemple, là, je suis dans l'ascenseur de mon hôtel. Eh bien, croyez-le ou non, mais il n'y a pas d'enfants. Je le savais, j'en étais sûr. Un récent article du Monde pointe l'existence de no kids zone en Corée, des espaces interdits aux enfants. Et moi, il me semble que c'est tout le pays qui est devenu no kids Mais honnêtement, ce n'est pas en me baladant le nez en l'air que je vais saisir l'essence de la société coréenne. C'est plutôt en allant à la rencontre des Coréens et en lisant la montagne d'informations qu'ils génèrent de manière quotidienne sur le sujet. Et d'ailleurs, plus je bosse sur la Corée, et moins je crois qu'il y a quelque chose à apprendre d'elle. D'une certaine manière, avec une fécondité de 0,7 et bientôt à 0,6, la Corée est trop folle, elle va trop vite pour décrire ce que vont vivre tous les pays de la planète à des moments et des rythmes différents. Cela ne la rend pas moins fascinante pour autant, bien au contraire, mais moins utile pour comprendre la marche du monde. Et tandis que la Corée disparaît, la France s'empare du sujet démographique à sa manière, c'est-à-dire dans le désordre. Emmanuel Macron glace le sang des femmes lorsqu'il appelle au réarmement démographique mais, en même temps, fait inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Ça part dans tous les sens, mais là n'est pas la question. J'ai commencé cette deuxième saison en promettant beaucoup, et je n'ai pas tenu toutes mes promesses. J'ai eu la joie de converser avec des spécialistes plus érudits que moi. Nous avons parlé féminisme, vieillissement, écologie et géopolitique. Mais contrairement à ce que j'annonçais, je n'ai pas parlé d'immigration, ni d'infertilité. Je n'ai pas évoqué la possible exception africaine, pas plus que je n'ai discuté de comment la technologie bouleversera, et bouleverse déjà, notre rapport à l'autre. La technologie qui rend peut-être la procréation plus facile, mais qui éloigne les individus les uns des autres, les rend solitaires et anxieux. On le voit, il reste plein de trucs hyper intéressants à raconter. Et cela sera l'objet d'une troisième saison, que je sortirai tambour battant dans quelques mois, à la faveur d'un heureux événement. Non, je n'attends pas un enfant. Je vous dirai quoi le moment venu. En attendant, je retourne dans la rue coréenne et j'observe cette société étrange et à mes yeux un peu folle en repensant à la phrase de Nietzsche. Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient pas entendre la musique. Cette musique que je n'entends pas et dont parle Nietzsche, est-ce de la K-pop ? C'est très calme, ça me plaît beaucoup. C'est la fin de cet épisode un peu bizarre. C'est aussi la fin de cette deuxième saison d'Un Monde Sans Enfants. Si ça vous a plu, parlez-en, partagez-la, mettez des étoiles. Votre soutien est toujours précieux. Et puis comme d'habitude, et vous le savez, si ça ne vous a pas plu, partagez-le quand même avec des gens que vous n'aimez pas. Allez, à très vite. Merci

Description

Épilogue de la saison 2. Dans cet épisode enregistré en Corée du sud, pays souffrant du plus bas taux de fécondité du monde, je pars à la rencontre de l’absence d’enfant. Enfermée dans un déclin démographique aux allures de vrille, la Corée est-elle un avant-goût de ce qui nous attend ? Et Nietzsche ? Écoutait-il vraiment de la K-pop ?


Sources

Sur la Syphilis

https://www.economist.com/britain/2022/01/01/syphilis-rates-are-rising-relentlessly-in-britain

Sur les prévisions de fécondité coréenne pour 2025

https://www.koreaherald.com/view.php?ud=20231208000534

Sur les no-kids zones

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/19/en-coree-du-sud-les-no-kids-zones-fleurissent-dans-les-cafes-et-les-restaurants_6217233_3210.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes, bonjour à tous, bonjour à tout le monde. Il y a une citation que j'adore, qui est de Nietzsche dans, "Ainsi parlait, Zeratoustra". Ouais, je sais, décidément, ce podcast est très chic. La voilà, j'ouvre les guillemets : "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". Je la répète parce que vraiment je l'aime beaucoup. Et moi, j'ai toujours un peu peur de faire partie de ceux qui n'entendent pas la musique. Cet épisode n'est pas un épisode comme les autres, car je l'enregistre depuis la ligne du front, là où la sous-fécondité fait rage, là où émerge "un monde sans enfants". Je vous parle depuis la Corée du Sud. Et si le son est mauvais, je m'en excuse, mais c'est le prix à payer pour un reportage pris sur le vif, sur le terrain, presque dans les tranchées. Je me sens comme Tintin, mais sans le racisme, ou comme Spirou, mais sans Spip, son écureuil. Et j'arpente les rues de Séoul en cherchant quelque chose de bien précis. L'absence d'enfants. Comment fait-on pour chercher une absence ? Eh bien, partout où je ne vois pas d'enfants, je m'écris Je le savais, j'en étais sûr. Et si par malheur j'aperçois un marmot, je détourne le regard et prétends n'avoir rien vu. Ainsi, ma méthodologie implacable est d'une mauvaise foi totale. Bonjour, je m'appelle David Duhamel, je suis professeur d'économie à l'Illerie et enseignant à Sciences Po. Je vous parle du monde dans lequel on vit, et surtout du monde à venir, un monde sans enfants. La syphilis Il y a quelque chose de rigolo, quelque chose de poétique à propos de la syphilis. Les anglais l'appelaient la maladie française, mais les français la nommaient maladie de Naples. Pour les russes, c'est la maladie des polonais, mais pour les polonais, la maladie allemande. Et les allemands, eux, disent qu'elle est française, et les danois, espagnol. Plus rassembleurs, les turcs la nommaient maladie des chrétiens, et en Inde, on parlait de maladie des européens. Alors je me suis demandé, et si la sous-fécondité était une maladie, à qui l'attribuerait-on ? Attention, pas une maladie individuelle bien sûr. Toute personne qui ne veut pas d'enfant a bien raison de ne pas en faire, et personne ne devrait le lui reprocher, ni lui demander de rendre raison de son choix. Mais une maladie collective peut-être ? Dans le sens où une société sans enfants ne jouira pas de son infécondité. Au contraire, elle en souffrira. Dans le sens où un groupe qui ne fait plus d'enfants se met, consciemment ou inconsciemment, sur une trajectoire de déclin et peut-être d'extinction. Bref, je me suis demandé à qui la faute. J'ai d'abord cherché le patient zéro, là où tout a commencé. La sous-fécondité qui semble toucher en 2024 70% des pays de la planète. Est-ce une maladie française ? Parce que les Français sont les premiers au monde à avoir moins d'enfants au début du XIXe siècle. Est-ce une maladie anglaise ? Parce que c'est en Angleterre que la transition démographique a commencé. Les Anglais sont les premiers à vivre plus longtemps. Et parce que c'est toujours sympa de blâmer les Anglais. Une maladie japonaise ? Après tout, ils ont un nom, eux, pour désigner la sous-natalité. Shoshika. Et le Japon est le premier pays du monde à passer durablement sous le seuil de remplacement. Une maladie occidentale ? Une maladie laïque ? La maladie des mécréants ? La maladie des riches ou des modernes ? En fait, j'ai du mal à trouver le patient zéro. À trouver l'origine d'un monde sans enfants. En revanche, il est facile de déceler le pays le plus avancé dans la maladie. Avec 0,7 enfants par femme et pas vraiment d'immigration, la Corée du Sud apparaît, certes pas au stade terminal, mais bien malade tout de même. Pour comprendre ce qu'il se passe en Corée, je vous propose une petite expérience de pensée. Admettons que la fécondité des coréennes se stabilise à 0,6 enfants par femme, qui est le chiffre prévu officiellement pour 2025. Imaginez une première génération de 100 coréens nés en 2024. Par simplicité, imaginons-les tous hétérosexuels, avec autant de femmes que d'hommes, et faisons l'hypothèse qu'il n'y a ni immigration, ni émigration. Histoire de simplifier. 100 Coréens, ça nous donne donc 50 Coréennes qui ont 0,6 enfant en moyenne. Cela donne 30 enfants, 15 femmes qui ont 9 petits-enfants, puis 3 arrière-petits-enfants. Et c'est tout. De 100 à 30, à 9, à 3, à 0. La collision avec le néant semble certaine et surtout imminente. Alors, la sous-fécondité est-ce LA maladie coréenne ? Je ne sais pas. Mais il n'est pas exclu que la Corée en meure. Alors je sillonne Séoul à la recherche de pas d'enfants. Par exemple, là, je suis dans l'ascenseur de mon hôtel. Eh bien, croyez-le ou non, mais il n'y a pas d'enfants. Je le savais, j'en étais sûr. Un récent article du Monde pointe l'existence de no kids zone en Corée, des espaces interdits aux enfants. Et moi, il me semble que c'est tout le pays qui est devenu no kids Mais honnêtement, ce n'est pas en me baladant le nez en l'air que je vais saisir l'essence de la société coréenne. C'est plutôt en allant à la rencontre des Coréens et en lisant la montagne d'informations qu'ils génèrent de manière quotidienne sur le sujet. Et d'ailleurs, plus je bosse sur la Corée, et moins je crois qu'il y a quelque chose à apprendre d'elle. D'une certaine manière, avec une fécondité de 0,7 et bientôt à 0,6, la Corée est trop folle, elle va trop vite pour décrire ce que vont vivre tous les pays de la planète à des moments et des rythmes différents. Cela ne la rend pas moins fascinante pour autant, bien au contraire, mais moins utile pour comprendre la marche du monde. Et tandis que la Corée disparaît, la France s'empare du sujet démographique à sa manière, c'est-à-dire dans le désordre. Emmanuel Macron glace le sang des femmes lorsqu'il appelle au réarmement démographique mais, en même temps, fait inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Ça part dans tous les sens, mais là n'est pas la question. J'ai commencé cette deuxième saison en promettant beaucoup, et je n'ai pas tenu toutes mes promesses. J'ai eu la joie de converser avec des spécialistes plus érudits que moi. Nous avons parlé féminisme, vieillissement, écologie et géopolitique. Mais contrairement à ce que j'annonçais, je n'ai pas parlé d'immigration, ni d'infertilité. Je n'ai pas évoqué la possible exception africaine, pas plus que je n'ai discuté de comment la technologie bouleversera, et bouleverse déjà, notre rapport à l'autre. La technologie qui rend peut-être la procréation plus facile, mais qui éloigne les individus les uns des autres, les rend solitaires et anxieux. On le voit, il reste plein de trucs hyper intéressants à raconter. Et cela sera l'objet d'une troisième saison, que je sortirai tambour battant dans quelques mois, à la faveur d'un heureux événement. Non, je n'attends pas un enfant. Je vous dirai quoi le moment venu. En attendant, je retourne dans la rue coréenne et j'observe cette société étrange et à mes yeux un peu folle en repensant à la phrase de Nietzsche. Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient pas entendre la musique. Cette musique que je n'entends pas et dont parle Nietzsche, est-ce de la K-pop ? C'est très calme, ça me plaît beaucoup. C'est la fin de cet épisode un peu bizarre. C'est aussi la fin de cette deuxième saison d'Un Monde Sans Enfants. Si ça vous a plu, parlez-en, partagez-la, mettez des étoiles. Votre soutien est toujours précieux. Et puis comme d'habitude, et vous le savez, si ça ne vous a pas plu, partagez-le quand même avec des gens que vous n'aimez pas. Allez, à très vite. Merci

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Épilogue de la saison 2. Dans cet épisode enregistré en Corée du sud, pays souffrant du plus bas taux de fécondité du monde, je pars à la rencontre de l’absence d’enfant. Enfermée dans un déclin démographique aux allures de vrille, la Corée est-elle un avant-goût de ce qui nous attend ? Et Nietzsche ? Écoutait-il vraiment de la K-pop ?


Sources

Sur la Syphilis

https://www.economist.com/britain/2022/01/01/syphilis-rates-are-rising-relentlessly-in-britain

Sur les prévisions de fécondité coréenne pour 2025

https://www.koreaherald.com/view.php?ud=20231208000534

Sur les no-kids zones

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/19/en-coree-du-sud-les-no-kids-zones-fleurissent-dans-les-cafes-et-les-restaurants_6217233_3210.html


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes, bonjour à tous, bonjour à tout le monde. Il y a une citation que j'adore, qui est de Nietzsche dans, "Ainsi parlait, Zeratoustra". Ouais, je sais, décidément, ce podcast est très chic. La voilà, j'ouvre les guillemets : "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". Je la répète parce que vraiment je l'aime beaucoup. Et moi, j'ai toujours un peu peur de faire partie de ceux qui n'entendent pas la musique. Cet épisode n'est pas un épisode comme les autres, car je l'enregistre depuis la ligne du front, là où la sous-fécondité fait rage, là où émerge "un monde sans enfants". Je vous parle depuis la Corée du Sud. Et si le son est mauvais, je m'en excuse, mais c'est le prix à payer pour un reportage pris sur le vif, sur le terrain, presque dans les tranchées. Je me sens comme Tintin, mais sans le racisme, ou comme Spirou, mais sans Spip, son écureuil. Et j'arpente les rues de Séoul en cherchant quelque chose de bien précis. L'absence d'enfants. Comment fait-on pour chercher une absence ? Eh bien, partout où je ne vois pas d'enfants, je m'écris Je le savais, j'en étais sûr. Et si par malheur j'aperçois un marmot, je détourne le regard et prétends n'avoir rien vu. Ainsi, ma méthodologie implacable est d'une mauvaise foi totale. Bonjour, je m'appelle David Duhamel, je suis professeur d'économie à l'Illerie et enseignant à Sciences Po. Je vous parle du monde dans lequel on vit, et surtout du monde à venir, un monde sans enfants. La syphilis Il y a quelque chose de rigolo, quelque chose de poétique à propos de la syphilis. Les anglais l'appelaient la maladie française, mais les français la nommaient maladie de Naples. Pour les russes, c'est la maladie des polonais, mais pour les polonais, la maladie allemande. Et les allemands, eux, disent qu'elle est française, et les danois, espagnol. Plus rassembleurs, les turcs la nommaient maladie des chrétiens, et en Inde, on parlait de maladie des européens. Alors je me suis demandé, et si la sous-fécondité était une maladie, à qui l'attribuerait-on ? Attention, pas une maladie individuelle bien sûr. Toute personne qui ne veut pas d'enfant a bien raison de ne pas en faire, et personne ne devrait le lui reprocher, ni lui demander de rendre raison de son choix. Mais une maladie collective peut-être ? Dans le sens où une société sans enfants ne jouira pas de son infécondité. Au contraire, elle en souffrira. Dans le sens où un groupe qui ne fait plus d'enfants se met, consciemment ou inconsciemment, sur une trajectoire de déclin et peut-être d'extinction. Bref, je me suis demandé à qui la faute. J'ai d'abord cherché le patient zéro, là où tout a commencé. La sous-fécondité qui semble toucher en 2024 70% des pays de la planète. Est-ce une maladie française ? Parce que les Français sont les premiers au monde à avoir moins d'enfants au début du XIXe siècle. Est-ce une maladie anglaise ? Parce que c'est en Angleterre que la transition démographique a commencé. Les Anglais sont les premiers à vivre plus longtemps. Et parce que c'est toujours sympa de blâmer les Anglais. Une maladie japonaise ? Après tout, ils ont un nom, eux, pour désigner la sous-natalité. Shoshika. Et le Japon est le premier pays du monde à passer durablement sous le seuil de remplacement. Une maladie occidentale ? Une maladie laïque ? La maladie des mécréants ? La maladie des riches ou des modernes ? En fait, j'ai du mal à trouver le patient zéro. À trouver l'origine d'un monde sans enfants. En revanche, il est facile de déceler le pays le plus avancé dans la maladie. Avec 0,7 enfants par femme et pas vraiment d'immigration, la Corée du Sud apparaît, certes pas au stade terminal, mais bien malade tout de même. Pour comprendre ce qu'il se passe en Corée, je vous propose une petite expérience de pensée. Admettons que la fécondité des coréennes se stabilise à 0,6 enfants par femme, qui est le chiffre prévu officiellement pour 2025. Imaginez une première génération de 100 coréens nés en 2024. Par simplicité, imaginons-les tous hétérosexuels, avec autant de femmes que d'hommes, et faisons l'hypothèse qu'il n'y a ni immigration, ni émigration. Histoire de simplifier. 100 Coréens, ça nous donne donc 50 Coréennes qui ont 0,6 enfant en moyenne. Cela donne 30 enfants, 15 femmes qui ont 9 petits-enfants, puis 3 arrière-petits-enfants. Et c'est tout. De 100 à 30, à 9, à 3, à 0. La collision avec le néant semble certaine et surtout imminente. Alors, la sous-fécondité est-ce LA maladie coréenne ? Je ne sais pas. Mais il n'est pas exclu que la Corée en meure. Alors je sillonne Séoul à la recherche de pas d'enfants. Par exemple, là, je suis dans l'ascenseur de mon hôtel. Eh bien, croyez-le ou non, mais il n'y a pas d'enfants. Je le savais, j'en étais sûr. Un récent article du Monde pointe l'existence de no kids zone en Corée, des espaces interdits aux enfants. Et moi, il me semble que c'est tout le pays qui est devenu no kids Mais honnêtement, ce n'est pas en me baladant le nez en l'air que je vais saisir l'essence de la société coréenne. C'est plutôt en allant à la rencontre des Coréens et en lisant la montagne d'informations qu'ils génèrent de manière quotidienne sur le sujet. Et d'ailleurs, plus je bosse sur la Corée, et moins je crois qu'il y a quelque chose à apprendre d'elle. D'une certaine manière, avec une fécondité de 0,7 et bientôt à 0,6, la Corée est trop folle, elle va trop vite pour décrire ce que vont vivre tous les pays de la planète à des moments et des rythmes différents. Cela ne la rend pas moins fascinante pour autant, bien au contraire, mais moins utile pour comprendre la marche du monde. Et tandis que la Corée disparaît, la France s'empare du sujet démographique à sa manière, c'est-à-dire dans le désordre. Emmanuel Macron glace le sang des femmes lorsqu'il appelle au réarmement démographique mais, en même temps, fait inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Ça part dans tous les sens, mais là n'est pas la question. J'ai commencé cette deuxième saison en promettant beaucoup, et je n'ai pas tenu toutes mes promesses. J'ai eu la joie de converser avec des spécialistes plus érudits que moi. Nous avons parlé féminisme, vieillissement, écologie et géopolitique. Mais contrairement à ce que j'annonçais, je n'ai pas parlé d'immigration, ni d'infertilité. Je n'ai pas évoqué la possible exception africaine, pas plus que je n'ai discuté de comment la technologie bouleversera, et bouleverse déjà, notre rapport à l'autre. La technologie qui rend peut-être la procréation plus facile, mais qui éloigne les individus les uns des autres, les rend solitaires et anxieux. On le voit, il reste plein de trucs hyper intéressants à raconter. Et cela sera l'objet d'une troisième saison, que je sortirai tambour battant dans quelques mois, à la faveur d'un heureux événement. Non, je n'attends pas un enfant. Je vous dirai quoi le moment venu. En attendant, je retourne dans la rue coréenne et j'observe cette société étrange et à mes yeux un peu folle en repensant à la phrase de Nietzsche. Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient pas entendre la musique. Cette musique que je n'entends pas et dont parle Nietzsche, est-ce de la K-pop ? C'est très calme, ça me plaît beaucoup. C'est la fin de cet épisode un peu bizarre. C'est aussi la fin de cette deuxième saison d'Un Monde Sans Enfants. Si ça vous a plu, parlez-en, partagez-la, mettez des étoiles. Votre soutien est toujours précieux. Et puis comme d'habitude, et vous le savez, si ça ne vous a pas plu, partagez-le quand même avec des gens que vous n'aimez pas. Allez, à très vite. Merci

Description

Épilogue de la saison 2. Dans cet épisode enregistré en Corée du sud, pays souffrant du plus bas taux de fécondité du monde, je pars à la rencontre de l’absence d’enfant. Enfermée dans un déclin démographique aux allures de vrille, la Corée est-elle un avant-goût de ce qui nous attend ? Et Nietzsche ? Écoutait-il vraiment de la K-pop ?


Sources

Sur la Syphilis

https://www.economist.com/britain/2022/01/01/syphilis-rates-are-rising-relentlessly-in-britain

Sur les prévisions de fécondité coréenne pour 2025

https://www.koreaherald.com/view.php?ud=20231208000534

Sur les no-kids zones

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/19/en-coree-du-sud-les-no-kids-zones-fleurissent-dans-les-cafes-et-les-restaurants_6217233_3210.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes, bonjour à tous, bonjour à tout le monde. Il y a une citation que j'adore, qui est de Nietzsche dans, "Ainsi parlait, Zeratoustra". Ouais, je sais, décidément, ce podcast est très chic. La voilà, j'ouvre les guillemets : "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". "Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique". Je la répète parce que vraiment je l'aime beaucoup. Et moi, j'ai toujours un peu peur de faire partie de ceux qui n'entendent pas la musique. Cet épisode n'est pas un épisode comme les autres, car je l'enregistre depuis la ligne du front, là où la sous-fécondité fait rage, là où émerge "un monde sans enfants". Je vous parle depuis la Corée du Sud. Et si le son est mauvais, je m'en excuse, mais c'est le prix à payer pour un reportage pris sur le vif, sur le terrain, presque dans les tranchées. Je me sens comme Tintin, mais sans le racisme, ou comme Spirou, mais sans Spip, son écureuil. Et j'arpente les rues de Séoul en cherchant quelque chose de bien précis. L'absence d'enfants. Comment fait-on pour chercher une absence ? Eh bien, partout où je ne vois pas d'enfants, je m'écris Je le savais, j'en étais sûr. Et si par malheur j'aperçois un marmot, je détourne le regard et prétends n'avoir rien vu. Ainsi, ma méthodologie implacable est d'une mauvaise foi totale. Bonjour, je m'appelle David Duhamel, je suis professeur d'économie à l'Illerie et enseignant à Sciences Po. Je vous parle du monde dans lequel on vit, et surtout du monde à venir, un monde sans enfants. La syphilis Il y a quelque chose de rigolo, quelque chose de poétique à propos de la syphilis. Les anglais l'appelaient la maladie française, mais les français la nommaient maladie de Naples. Pour les russes, c'est la maladie des polonais, mais pour les polonais, la maladie allemande. Et les allemands, eux, disent qu'elle est française, et les danois, espagnol. Plus rassembleurs, les turcs la nommaient maladie des chrétiens, et en Inde, on parlait de maladie des européens. Alors je me suis demandé, et si la sous-fécondité était une maladie, à qui l'attribuerait-on ? Attention, pas une maladie individuelle bien sûr. Toute personne qui ne veut pas d'enfant a bien raison de ne pas en faire, et personne ne devrait le lui reprocher, ni lui demander de rendre raison de son choix. Mais une maladie collective peut-être ? Dans le sens où une société sans enfants ne jouira pas de son infécondité. Au contraire, elle en souffrira. Dans le sens où un groupe qui ne fait plus d'enfants se met, consciemment ou inconsciemment, sur une trajectoire de déclin et peut-être d'extinction. Bref, je me suis demandé à qui la faute. J'ai d'abord cherché le patient zéro, là où tout a commencé. La sous-fécondité qui semble toucher en 2024 70% des pays de la planète. Est-ce une maladie française ? Parce que les Français sont les premiers au monde à avoir moins d'enfants au début du XIXe siècle. Est-ce une maladie anglaise ? Parce que c'est en Angleterre que la transition démographique a commencé. Les Anglais sont les premiers à vivre plus longtemps. Et parce que c'est toujours sympa de blâmer les Anglais. Une maladie japonaise ? Après tout, ils ont un nom, eux, pour désigner la sous-natalité. Shoshika. Et le Japon est le premier pays du monde à passer durablement sous le seuil de remplacement. Une maladie occidentale ? Une maladie laïque ? La maladie des mécréants ? La maladie des riches ou des modernes ? En fait, j'ai du mal à trouver le patient zéro. À trouver l'origine d'un monde sans enfants. En revanche, il est facile de déceler le pays le plus avancé dans la maladie. Avec 0,7 enfants par femme et pas vraiment d'immigration, la Corée du Sud apparaît, certes pas au stade terminal, mais bien malade tout de même. Pour comprendre ce qu'il se passe en Corée, je vous propose une petite expérience de pensée. Admettons que la fécondité des coréennes se stabilise à 0,6 enfants par femme, qui est le chiffre prévu officiellement pour 2025. Imaginez une première génération de 100 coréens nés en 2024. Par simplicité, imaginons-les tous hétérosexuels, avec autant de femmes que d'hommes, et faisons l'hypothèse qu'il n'y a ni immigration, ni émigration. Histoire de simplifier. 100 Coréens, ça nous donne donc 50 Coréennes qui ont 0,6 enfant en moyenne. Cela donne 30 enfants, 15 femmes qui ont 9 petits-enfants, puis 3 arrière-petits-enfants. Et c'est tout. De 100 à 30, à 9, à 3, à 0. La collision avec le néant semble certaine et surtout imminente. Alors, la sous-fécondité est-ce LA maladie coréenne ? Je ne sais pas. Mais il n'est pas exclu que la Corée en meure. Alors je sillonne Séoul à la recherche de pas d'enfants. Par exemple, là, je suis dans l'ascenseur de mon hôtel. Eh bien, croyez-le ou non, mais il n'y a pas d'enfants. Je le savais, j'en étais sûr. Un récent article du Monde pointe l'existence de no kids zone en Corée, des espaces interdits aux enfants. Et moi, il me semble que c'est tout le pays qui est devenu no kids Mais honnêtement, ce n'est pas en me baladant le nez en l'air que je vais saisir l'essence de la société coréenne. C'est plutôt en allant à la rencontre des Coréens et en lisant la montagne d'informations qu'ils génèrent de manière quotidienne sur le sujet. Et d'ailleurs, plus je bosse sur la Corée, et moins je crois qu'il y a quelque chose à apprendre d'elle. D'une certaine manière, avec une fécondité de 0,7 et bientôt à 0,6, la Corée est trop folle, elle va trop vite pour décrire ce que vont vivre tous les pays de la planète à des moments et des rythmes différents. Cela ne la rend pas moins fascinante pour autant, bien au contraire, mais moins utile pour comprendre la marche du monde. Et tandis que la Corée disparaît, la France s'empare du sujet démographique à sa manière, c'est-à-dire dans le désordre. Emmanuel Macron glace le sang des femmes lorsqu'il appelle au réarmement démographique mais, en même temps, fait inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Ça part dans tous les sens, mais là n'est pas la question. J'ai commencé cette deuxième saison en promettant beaucoup, et je n'ai pas tenu toutes mes promesses. J'ai eu la joie de converser avec des spécialistes plus érudits que moi. Nous avons parlé féminisme, vieillissement, écologie et géopolitique. Mais contrairement à ce que j'annonçais, je n'ai pas parlé d'immigration, ni d'infertilité. Je n'ai pas évoqué la possible exception africaine, pas plus que je n'ai discuté de comment la technologie bouleversera, et bouleverse déjà, notre rapport à l'autre. La technologie qui rend peut-être la procréation plus facile, mais qui éloigne les individus les uns des autres, les rend solitaires et anxieux. On le voit, il reste plein de trucs hyper intéressants à raconter. Et cela sera l'objet d'une troisième saison, que je sortirai tambour battant dans quelques mois, à la faveur d'un heureux événement. Non, je n'attends pas un enfant. Je vous dirai quoi le moment venu. En attendant, je retourne dans la rue coréenne et j'observe cette société étrange et à mes yeux un peu folle en repensant à la phrase de Nietzsche. Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient pas entendre la musique. Cette musique que je n'entends pas et dont parle Nietzsche, est-ce de la K-pop ? C'est très calme, ça me plaît beaucoup. C'est la fin de cet épisode un peu bizarre. C'est aussi la fin de cette deuxième saison d'Un Monde Sans Enfants. Si ça vous a plu, parlez-en, partagez-la, mettez des étoiles. Votre soutien est toujours précieux. Et puis comme d'habitude, et vous le savez, si ça ne vous a pas plu, partagez-le quand même avec des gens que vous n'aimez pas. Allez, à très vite. Merci

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