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Familles Solidaires avec Jean Ruch

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46min |08/03/2025
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Description

VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


Le Mulhousien Jean Ruch est le fondateur du groupe associatif FAMILLES SOLIDAIRES créé en 2012 qui a pour but de développer l'habitat inclusif pour les personnes fragilisées. Présente dans cinq régions françaises, cette entreprise immobilière à but non lucratif invente une solidarité nouvelle pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les malades qui ne sont plus autonomes. Entretien pour découvrir les 11 millions d'aidants familiaux, les problèmes sociétaux immenses que la dépendance croissante pose et surtout les solutions pleines d'espoir portées par ce groupe associatif pas comme les autres.


Entretien réalisé le 7 mars 2025 pour la Nef des sciences et À VOTRE SANTÉ ! le mois de la santé et de la recherche médicale en Alsace et dans le Grand Est. Propos recueillis par Jean-Luc Wertenschlag pour Radio Quetsch, L'Alterpresse et Warum Net Experience.


Rencontrez JEAN RUCH vendredi 28 mars 2025 à 20h au cinéma Bel Air, rue Fénelon à Mulhouse, à l'occasion d'un ciné-débat gratuit. Projection du film THE FATHER suivie d'une rencontre avec Jean Ruch et d'autres intervenants.



VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


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Transcription

  • Speaker #0

    Vis une nouvelle expérience, écoute la nef des sciences, participe à l'aventure des podcasts sciences et cultures.

  • Speaker #1

    Nous sommes le 7 mars 2025 en compagnie de Jean Ruch, fondateur et président de Famille Solidaire. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Alors, on va peut-être d'abord te... présenter, avant de présenter ce groupe associatif Famille Solidaire, mais qui es-tu

  • Speaker #0

    Jean-Ruch ? Alors moi je suis un mulhousien de naissance j'ai 48 ans, deux enfants, un parcours associatif assez riche dans divers associations et de métier initial je suis monteur de film et aujourd'hui je suis dirigeant d'entreprise.

  • Speaker #1

    Une entreprise multiple, à multiples facettes, qui s'appelle Famille Solidaire. Alors, est-ce qu'on commence par expliquer ce groupe associatif Famille Solidaire, peut-être ?

  • Speaker #0

    Oui, alors, quand on parle d'entreprise, c'est vrai que ce n'est pas commun de parler d'association. On n'a pas ce réflexe. En général, on sépare bien l'entreprise lucrative de l'association qui est non lucrative. Famille Solidaire, c'est une entreprise solidaire d'utilité sociale. Ça veut dire que... que l'objectif de Famille Solidaire, comme toute entreprise, est d'atteindre un équilibre économique, mais que son premier objectif est surtout de servir une utilité sociale. Et donc, tout ça pour dire que Famille Solidaire, dans son ensemble, est un groupe associatif composé d'associations et d'entreprises solidaires dont l'objectif commun est de permettre à des personnes fragilisées par l'âge, la maladie ou le handicap, de vivre avec et comme les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire simplement qu'on rassemble sur cinq régions françaises aujourd'hui des proches aidants de personnes en situation de handicap ou des personnes âgées dépendantes qui cherchent à inventer de nouvelles solutions pour l'accueil de leurs proches. Parce que si on se penche un tout petit peu sur le sujet des aidants, il y a 11 millions de personnes en France qui accompagnent un proche en perte d'autonomie. 11 millions, c'est un Français sur six. Ça veut dire que concrètement... dans nos vies, à un moment ou à un autre, on sera concerné par des parents qui perdent de l'autonomie, parfois par des enfants en situation de handicap et probablement, si on vieillit, par sa propre perte d'autonomie. Donc c'est un enjeu sociétal important aujourd'hui et démographiquement ça va devenir un enjeu de société centrale dans les 30 prochaines années puisqu'on aura bientôt plus d'un tiers de la population française qui aura plus de 65 ans.

  • Speaker #1

    Sauf si on ouvre les frontières et qu'on accueille des jeunes immigrés pour nous aider, comme ça se passe souvent dans les pays trop riches et trop vieux.

  • Speaker #0

    Je pense en tout cas que penser aujourd'hui le vieillissement des personnes âgées, l'accompagnement des personnes en situation de handicap, en se privant des richesses liées à l'immigration, ça va être très compliqué pour notre pays. Aujourd'hui, vous avez un papa et une maman à domicile. vous cherchez une auxiliaire de vie pour venir lui faire la toilette, l'aider à faire ses courses ou ne serait-ce qu'aller se balader au parc, je vous souhaite bien du courage. Parce qu'il y a une crise des vocations majeures, qui manque de main-d'œuvre et que les personnes qui y travaillent ne sont pas toutes formées. Donc ce qui amène à des complexités, notamment pour les personnes les plus dépendantes.

  • Speaker #1

    Mais Jean-Ruch, tu t'es engagé dans l'action en faveur des personnes fragilisées. Par l'âge, la maladie, le handicap, est-ce que, pourquoi cette vocation ? Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans ce combat ?

  • Speaker #0

    D'abord, je pense qu'il y a un terreau familial. J'ai des parents qui étaient très investis dans le monde associatif. Et puis, dans ma vie, est arrivé à un moment donné un accident de vie. Ma compagne, quand j'avais 16 ans, c'était mon amour de jeunesse à l'époque, c'était pas... Ma compagne a eu un grave accident de la route l'année de ses 18 ans. Elle a fait 6 semaines de coma, 6 mois de rééducation, et elle s'en est sortie relativement bien au niveau physique. Mais le physique c'est une chose. La majorité des handicaps aujourd'hui en France ne sont pas physiques. Ils peuvent être psychiques, ils peuvent être cognitifs, ils peuvent être intellectuels, ils peuvent être sensoriels. Et dans le cas de ma compagne à l'époque, ça a été un handicap qu'on appelle une cérébro-lésion acquise, c'est-à-dire le coma, l'accident, l'hémorragie cérébrale comme on voit dans les films américains. Mais malheureusement pour elle, ce n'est pas un film américain et donc elle ne s'est pas réveillée avec des super pouvoirs, mais plutôt avec la difficulté à se rappeler. le nom de ses amis, ce qu'elle avait fait dans la journée, ce qu'elle devait faire dans une heure et ce qui s'était passé il y a cinq minutes, puisque c'est de ce niveau-là la situation des personnes qui ont des lésions cérébrales acquises, que ce soit des AVC, des traumas crâniens, des scléroses en plaques, ça touche le cerveau. Et donc, ça crée des handicaps invisibles qui empêchent très souvent d'accéder au monde du travail. Et de fait, ça crée des personnes pauvres, parce qu'elles n'accéderont pas forcément au travail. Et ça crée surtout des personnes dépendantes de leur entourage, puisque nous, on a eu la chance de pouvoir quand même avoir deux enfants. Mais c'est une organisation et ça demande énormément d'investissement des proches qui entourent la personne qui a des troubles cognitifs. On le comprend facilement sur les personnes âgées. Quand on parle aux gens de la maladie d'Alzheimer par exemple, tout le monde en a peur parce que c'est une maladie qui est terrible. On perd progressivement sa capacité de mémoire, sa capacité d'organisation, on perd la mémoire de ses proches, de ses enfants, de ses petits-enfants. Donc quand on a 20 ans et qu'on a un accident de la route et qu'on se retrouve dans une situation proche, évidemment c'est très compliqué à gérer parce qu'il faut retrouver un nouveau sens à l'existence qui n'est pas forcément celui de travailler. Parce que le travail ne veut pas de vous. Il faut être, aujourd'hui, si on se dit les choses concrètement, dans le monde du travail, il faut pouvoir faire quatre choses en même temps, être productif, ce qui n'est plus possible pour une personne traumatisée crânienne. Donc quand je suis sorti avec Flavie à 18 ans, je n'imaginais pas tout ce qui allait se passer deux ans plus tard. Il y a eu cet accident. Et puis on a continué notre petit bonhomme de chemin. On a découvert le handicap ensemble. On a découvert la parentalité ensemble. On a découvert l'aide à la parentalité aussi. Parce que... Gérer des nourrissons quand on a des troubles de la mémoire, c'est compliqué. Et pour autant, on a quand même reconstruit une vie malgré, je dirais, l'événement initial qui aurait pu se terminer dramatiquement.

  • Speaker #1

    Jean-Ruch, le handicap que tu as découvert dans ta jeunesse, C'est quelque chose qui n'est pas aujourd'hui véritablement pris en compte, me semble-t-il, dans notre société à un niveau politique. C'est-à-dire qu'on parle régulièrement de handicap, on vote des lois qui ne sont pas appliquées. L'accessibilité pour tous et toutes, par exemple, on l'a voté il y a quelques années, ce n'est toujours pas effectif. Tu as écrit un livre, par exemple. Les aidants familiaux pour les nuls en 2017, si ma mémoire est bonne. Pourquoi le handicap n'existe pas vraiment dans notre société médiatiquement, culturellement, politiquement ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il fait peur le handicap. La perte d'autonomie, ça nous renvoie quelque part à ce qui nous arrivera tous un jour, c'est le fait de disparaître. Et dans le processus, notre société... Jusqu'au Covid a quand même été énormément basé sur la performance professionnelle. Quelqu'un qui n'avait pas de travail n'avait pas de position sociale, aujourd'hui ça change un petit peu. Donc le monde du handicap, il fait peur depuis très longtemps. Et les gens, je ne suis pas sûr que ça soit une peur des personnes handicapées, mais c'est à mon avis souvent l'incapacité à savoir comment réagir parce que les gens ne savent pas, ne connaissent pas. Donc le handicap a évolué. Il y a... Il y a 200-300 ans, on n'était pas loin parfois de l'eugénisme. Les personnes en situation de handicap avaient une espérance de vie autour de 20-25 ans puisqu'elles vivaient dans des structures plus ou moins bienfaisantes pour leur santé. Ensuite, il y a eu l'industrialisation de la France, on a commencé à mettre en place des hospices, il y a toute la tradition chrétienne d'accueil des malades dans les asiles, dans les monastères, etc. Et on est arrivé en fait à un monde où on a quand même de plus en plus de situations de fragilité, en tout cas on reconnaît de plus en plus de situations de fragilité. On n'a pas multiplié par 10 le nombre de personnes handicapées depuis 40 ans. En fait on a simplement accepté de dire que d'avoir une dyspraxie, une dyscalculie ou d'avoir un trouble du neurodéveloppement, c'est un handicap. Parce qu'on a fait évoluer la définition du handicap dans les années 75. Il faut se dire qu'avant 1975, il n'y avait aucun établissement d'hébergement pour personnes handicapées. Ça n'existait pas. En 1975, il y a eu une première loi sur le handicap, où on parlait de déficience, d'incapacité. Donc tu étais trisomique, tu étais amputé, tu étais paraplégique. Parce que tu étais toujours vu en fonction de ton empêchement, de ton handicap, de ta maladie, etc. C'était un modèle très médical, ce qu'on appelait le modèle de Wood, qui est un modèle qui a préexisté et qui disait, en gros, quand on a un handicap physique, parfois on peut le compenser. Mais on reste le handicap physique. Depuis la loi de 2005, celle dont tu parlais, qui notamment traite des questions d'accessibilité des bâtiments publics, la définition du handicap a changé. On dit du handicap, la définition de la loi de 2005, c'est « constitue un handicap au sens de la présente loi, toute limitation d'activité et restriction de participation liée à un handicap physique, sensoriel, cognitif, intellectuel ou à un trouble du neurodéveloppement ou à une maladie qui excède une durée d'un an. » Donc aujourd'hui, on peut être en situation de handicap quand on a un cancer. On peut aussi être en situation de handicap quand on est avec un handicap, comme dans la trisomie 21 par exemple. Mais on peut aussi découvrir au fur et à mesure que son gamin ne se développe pas comme il devrait biologiquement, au fur et à mesure, ce qu'on appelle les troubles du neurodéveloppement, l'autisme notamment. Il y en a de plus en plus. Aujourd'hui, il y a un enfant sur 100 qui naît autiste parce qu'on a amélioré le diagnostic. Je ne suis pas sûr qu'on... produisent plus de handicap qu'il y a 100 ans. Mais en tout cas, on le reconnaît mieux, on l'accepte un petit peu mieux. Il y a deux façons de le voir. Il y a la façon quand on est concerné, quand on a besoin de réponses rapides, urgentes, qu'on a un enfant dont on vient de détecter le handicap et qu'on nous dit qu'il faut qu'il aille à l'école. Et puis le combat pour avoir une auxiliaire de vie scolaire, etc. Là, c'est un combat qui est urgent. Les familles n'ont pas la même représentation du temps. que les administrations. Si je le regarde du côté des familles, c'est insuffisant, ce n'est pas satisfaisant. Il y aurait encore des milliards de choses à améliorer. C'est le point de vue que j'ai. Si je le regarde du point de vue sociétal, depuis 2005, on a énormément d'enfants qui vont à l'école. Ça a eu un effet sociétal. C'est-à-dire qu'on s'est habitué à ce que les personnes en situation de handicap, les personnes en perte d'autonomie, vivent au milieu de nous. Ça rejoint d'ailleurs le... La maxime de Famille Solidaire qui est permettre à des personnes de vivre avec et comme les autres. Et c'est tout l'esprit de l'inclusion, c'est tout l'esprit de la loi de 2005, c'est aussi une nouvelle définition du handicap, on n'est pas que un pied, un foie, un estomac, un cerveau, on est une personne et même si on est en situation de handicap, on a le droit d'avoir ses choix, ses incohérences, comme n'importe quel citoyen de notre monde.

  • Speaker #1

    Oui, et on peut voter aussi. Famille Solidaire s'est créée quand ?

  • Speaker #0

    Famille Solidaire s'est créée en 2012. C'était le rassemblement de 7 amis et familles qui ont décidé collectivement de mettre un peu d'argent dans une entreprise d'utilité sociale. On a mis 180 000 euros en 2012 avec comme leitmotiv de créer un outil qui permette de créer de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif, c'est une façon de vivre ensemble pour des personnes âgées ou en situation de handicap, où finalement on accepte de vivre ensemble parce qu'on a envie de lutter contre l'isolement social, parce qu'on a envie d'avoir des voisins, parce qu'on a envie d'avoir une animation de cette vie sociale. C'est dans cet esprit-là que j'ai créé le premier habitat inclusif avec Famille Solidaire en 2012. L'idée, c'était de permettre à des personnes traumatisées crâniennes sur Strasbourg de vivre en coloc, de partager le petit bout de la réponse qu'ils avaient, puisqu'ils avaient tous 3 heures d'aide humaine, 3-4 heures d'aide humaine, mais ils vivaient tous à la maison parce que quand on n'a pas de mémoire, quand on n'a pas d'orientation dans le temps et dans l'espace, en fait on n'a pas besoin de 3 heures par jour, on n'a pas besoin de 24 heures sur 24 non plus, mais on a besoin de 5 minutes réparties aléatoirement dans la journée 24 fois. Donc concrètement, des aidants qui ont un gamin cérébro-lésé ou un adulte cérébro-lésé à la maison, Ils n'osent jamais le laisser seul parce que c'est toujours dans les moments où les personnes sont seules que se produisent les difficultés. Donc ils n'ont pas de solution pour l'avenir, puisqu'il y a très peu de places en hébergement, très très très peu. Et vivre seul à domicile, si la personne est seulement sécure pendant 3 heures sur 24 heures, évidemment les parents ne lâchent pas. L'habitat inclusif est venu s'insérer à ce moment-là, quand chacun avait cette petite dotation en aide humaine, pour dire que si on se rassemble, on crée les conditions d'une permanence. On crée les conditions qui permettent à des aidants de se dire, mon gamin, il va être bien en colocation avec ses cinq autres potes autistes ou des personnes plus âgées qui vont vivre dans une colocation Alzheimer comme à Zillisheim par exemple. Et donc c'est tout ça qui a permis finalement de créer de l'habitat inclusif et donc 12 ans après, cette entreprise solidaire, cette foncière famille solidaire, aujourd'hui elle pèse 7 millions d'euros de capital social, on a une... dizaines de sociétés de gestion qui sont investies, de différentes banques, BNP Paribas, Crédit Coopératif, Caisse d'épargne, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Crédit Mutuel Arkea, qui on a d'autres encore, on a des fonds communs de placement, des gens qui acceptent de nous confier une partie d'argent pour qu'on crée des immeubles, des appartements, des maisons où les gens vivent ensemble, où ils sont soutenus pour vivre ensemble. et où on les aide à organiser l'écosystème de leur autonomie. L'écosystème de leur autonomie à domicile, c'est quoi ? Le plus simple pour que les auditeurs comprennent, quand on a une maman ou un papa qui perdent l'autonomie à domicile, le premier réflexe qu'on a, parce qu'on a peur qu'ils tombent, on va commencer à mettre une télé-alarme. Sauf que souvent, le beeper ou le bracelet ou le médaillon, il est sur la table de nuit, et puis le grand-père, il est dans la salle de bain par terre à ne pouvoir rappeler personne. Ce qui motive souvent la mise en place de tout ça, c'est la peur. Donc une fois qu'on a mis le médaillon, on se rend compte que le médaillon, ça ne fonctionne pas toujours. Et puis que la personne, elle a d'autres besoins. Elle a besoin d'aide pour la toilette, elle a besoin parfois d'aide pour faire ses courses, puisqu'elle se déplace moins bien. Donc on va commencer à chercher une auxiliaire de vie sociale. Donc auxiliaire de vie sociale, c'est un travailleur social qui intervient à domicile pour compenser les effets du handicap. qu'il soit physique par exemple aider une personne en fauteuil roulant à faire son transfert pour aller dans sa douche si elle peut pas le faire par elle même et lui faire j'allais dire lui rendre des services qui sont liés à son handicap ça c'est une façon compensée il y a des handicaps qui sont plus complexes à compenser on parlait des personnes cérébralisées traumatisées crâniennes mais comme elles ont des besoins aléatoires c'est extrêmement complexe en individuel de vivre seul et donc l'habitat inclusif permet ce regroupement de personnes, permet de créer les conditions d'un système qui survivra aux aidants. Parce que la principale inquiétude des parents proches aidants, c'est qu'est-ce qu'il devient si moi je ne suis plus en capacité de l'accompagner. Et nous, on accueille dans nos habitats pour personnes âgées des gens qui ont des enfants en situation de handicap et en général, quand ça craque, ça craque. La fille, le fils est placé, la maman aussi. Et les gens, ils ont tenu tout ça à bout de bras pendant 30, 40, 50 ans, sans rien demander à personne. Et je ne crois pas que beaucoup de gens soient conscients aujourd'hui dans notre monde, mais pour vivre en France correctement, en bénéficiant d'aide, on a toujours l'image de la fraude sociale qui coûte très cher, etc. Moi, je vous dirais que pour aujourd'hui bénéficier des aides sociales, pour bénéficier... d'allocations pour aider une personne en perte d'autonomie, il faut surtout avoir un master en bureaucratie. Parce que vous avez 5, 6 interlocuteurs, on vous parle de choses dont c'est la première fois que vous entendez parler. On vous demande d'être un peu assistante sociale, un peu psychologue, un peu infirmière, parce qu'il n'y en a plus assez pour venir faire la toilette de votre maman. Donc parfois on se retrouve à prendre des positions en tant qu'aidant qu'on ne devrait pas prendre. Et donc l'habitat inclusif, en fait, il vient à cet endroit-là. Il vient créer un système entre familles pour permettre à des personnes d'être rassurées sur leur futur et puis surtout pour permettre aux locataires d'avoir une vie de citoyen la plus ordinaire possible. Je finis sur un chiffre qui est assez révélateur quand même de notre positionnement. En France, on a à peu près 60 colocations Alzheimer. En Allemagne, il y en a 3 700 parce que c'est le mode majoritaire d'accueil des personnes âgées qui ont la maladie d'Alzheimer. Et c'est un vrai choix de société.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs l'opération Mulhouse Loves Freiburg qui n'a rien à voir avec Alzheimer, c'est aussi aller voir en Allemagne ce qui se passe culturellement, socialement, politiquement, parce qu'ils ont tellement, tellement, tellement de choses à nous apprendre. Mais Jean Ruch, fondateur de Famille Solidaire en 2012, depuis du chemin a été parcouru, des bâtiments ont été construits, vous êtes présent dans cinq régions. On peut prendre un exemple local, si possible, autour de Mulhouse, pour comment ça se passe, comment ça marche, comment ça fonctionne ?

  • Speaker #0

    L'exemple qui me paraît le plus révélateur de la richesse et de la complexité de l'habitat inclusif, c'est la colocation Alzheimer que nous avons construite à Zillisheim. Donc Zillisheim, c'est une petite commune autour de Mulhouse, qui a un peu plus de 1000 habitants, village plutôt bien conservé en termes de services, de commerce, de présence publique. Donc on a... une pharmacie, un petit supermarché, on a la mairie, on a un tabac, on a un bar, un cabinet infirmier, des médecins, etc. Donc un village où il fait plutôt bon vivre quand on est relativement autonome. Et on a eu la proposition de s'associer avec un architecte, donc l'agence AMRS à Flaxlanden, pour porter un projet immobilier d'un lotissement qui s'appelle le Domaine des Hirondelles, dans lequel... Famille Solidaire a acheté un appartement de 300 m² et a installé une colocation pour 8 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Donc 8 personnes, aujourd'hui de plus de 60 ans, qui ont jusqu'à 98 ans, qui ont toutes comme point commun d'avoir quand même une maladie relativement avancée, c'est-à-dire des difficultés d'orientation dans le temps, dans l'espace, parfois des difficultés physiques associées, puisque quand on a 98 ans, évidemment... Le corps est plus usé, il y a besoin de plus de soins. Et donc cette colocation, elle fêtera le 1er avril prochain ses trois ans d'existence. Ça veut dire que depuis trois ans, cette colocation est ouverte 24 heures sur 24 avec la présence d'auxiliaires de vie qui aident des habitants, des colocataires, même si ce n'est pas une colloque d'étudiants, c'est une colloque de personnes expérimentées, on va le dire comme ça. Et donc ça a permis aussi à huit familles... de trouver un mode d'accueil qui est différent de l'EHPAD. Ce n'est pas opposé aux structures d'hébergement. Je pense qu'on a besoin de toutes les structures aujourd'hui pour faire face à la maladie d'Alzheimer. C'est quand même un malade d'Alzheimer toutes les trois minutes en plus en France. Donc on est aujourd'hui à 1,2 million de malades d'Alzheimer et on prévoit que d'ici 30 ans, on passe à 2,4 millions. Parce qu'on vieillit pour plein de raisons. Ce sont des maladies qui évoluent, que ce soit démographiquement. Donc il faut trouver des solutions. Parce qu'aujourd'hui, quand on doit trouver une solution pour son papa, sa maman en EHPAD, c'est dur. Il n'y a pas beaucoup de place, c'est cher. Mais quand on aura multiplié par trois le nombre de personnes âgées, ça sera plus dur, ça sera impossible. Donc il faut qu'on trouve des alternatives en nombre suffisant, qui sont complémentaires les unes des autres. Ça ne veut pas dire que l'habitat inclusif, c'est avant l'EHPAD. Ça peut être après, ça peut être avant, peu importe. On a des locataires qui sortent d'EHPAD pour aller en habitat inclusif. Mais en tout cas, ça correspond à un moment de la vie, à un moment du parcours résidentiel de la personne, tout comme le domicile individuel peut l'être, et on a le droit de changer dans sa vie. On n'est pas obligé d'entrer à 25 ans dans un établissement d'hébergement et de se dire qu'on va passer toute sa vie en hébergement. Ça, c'est pour les personnes en situation de handicap et pour les personnes âgées. Je crois que 97% dans le dernier baromètre au CIRP, 97% des Français veulent mourir à domicile.

  • Speaker #1

    Très bonne idée. A Zillisheim, cette résidence Lysirondel, qui paye combien ? C'est comme dans un EHPAD ?

  • Speaker #0

    Concrètement, c'est organisé très différemment d'un EHPAD. Ce n'est pas forcément plus cher ou moins cher. Je pense que là-dessus, ce n'est pas l'argument qu'on utilisera. Mais c'est du domicile. Donc la différence, elle est là. Quand on entre dans un EHPAD, on est accueilli dans une structure collective. qui est soumis à plein de réglementations, par exemple la réglementation incendie. Et en fait, on est accueilli par une association, une entreprise qui est gestionnaire et qui vous accueille chez elle, mais avec ses règles. Quand on signe un bail dans son propre logement, tant qu'on paye le loyer, on est chez soi. Et donc, ce n'est pas du tout le même rapport aux intervenants extérieurs. Ce n'est pas du tout non plus la même façon de fonctionner. Dans un EHPAD, il y a un employeur qui emploie tout le monde. Dans un habitat inclusif, vous avez un service à la personne qui met à disposition les auxiliaires de vie. Vous avez des infirmières libérales qui viennent préparer les médicaments le matin et le soir. Vous avez le médecin généraliste du village qui se mobilise et Dieu sait qu'on a de la chance de les avoir sur DidiSign parce que c'est des gens vraiment motivés et soutenants. Donc on est comme au domicile en fait, on va aller chercher un petit bout de réponse un peu partout, dans le monde de l'hôpital, dans le monde du médical libéral, dans le monde ordinaire, très ordinaire. Et en fait la différence conceptuelle c'est que dans un EHPAD... Ce n'est pas vous qui décidez de ce que vous faites. Dans un habitat inclusif, il y a peut-être un petit peu plus de capacité de décision, mais ce ne sont pas des structures qui s'opposent. Nous, on a aussi accueilli, par exemple, à l'ouverture de la colocation des jeunes Alzheimer. En France, il y en a 55 000 qui développent la maladie d'Alzheimer avant l'âge de 60 ans. Ça commence à 35 ans. en moyenne. C'est des maladies qui sont extrêmement évolutives. Aujourd'hui en France, sans même parler de l'Alsace, il y a deux établissements de 40 places pour 55 000 malades. Donc en fait, ce qu'on nous dit clairement par cette situation-là, qu'il y a une carence de moyens publics, une carence de décisions politiques, ce qu'on nous dit c'est que de toute façon, pour accompagner les personnes en perte d'autonomie, On s'appuie sur la famille, c'est comme pour les mesures de protection, la tutelle, la curatelle. S'il n'y avait pas les tuteurs familiaux, notre système craquerait. Dans le monde du handicap et de la perte d'autonomie liée à l'âge, c'est exactement la même chose. Les proches aidants sont la variable d'ajustement qui permet aujourd'hui d'avoir une solidarité nationale à défaut. Enfin, une solidarité familiale qui prend le relais d'une solidarité nationale qui est parfois défaillante. En tout cas... Pour les personnes les plus lourdement handicapées, parce que le tableau que je dresse peut paraître très noir aux auditeurs, mais quand vous vous retrouvez avec un papa et une maman qui commencent à ne plus être autonomes, à se mettre en danger à domicile, il y a beaucoup de familles qui vivent ça tous les jours, c'est extrêmement difficile de trouver des solutions et on n'est pas préparé à le faire.

  • Speaker #1

    Mais à votre santé, donc le mois de la recherche et de la santé en Alsace, en mars 2025 par exemple ? permet aussi de découvrir des solutions, des idées. Un neuropsychologue de l'Université de Caen, Normandie, Hervé Platel, spécialisé dans l'étude du pouvoir de la musique dans notre cerveau, a découvert avec d'autres que, par rapport à la maladie d'Alzheimer par exemple, il y avait une possibilité, en écoutant des mélodies qu'on écoutait quand on était jeune, de retrouver de l'énergie, de la mémoire. Alors évidemment... Ça ne va pas solutionner tous les problèmes Alzheimer du monde, mais néanmoins, cette puissance de la musique dans notre cerveau, j'ai découvert ça grâce à ce neuropsychologue, et je pense qu'il y a sans doute des petits plaisirs, des petits sursauts d'énergie possibles grâce à la musique et à Famille Solidaire.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une bonne façon de le dire en fait. Je pense que ce qu'on appelle les approches non médicamenteuses, c'est-à-dire tout ce qui permet de traiter une personne quand elle est angoissée, quand elle a des troubles du comportement, quand elle a des problématiques de mémoire, d'améliorer son confort, d'améliorer sa vie, c'est bénéfique. Parce qu'on a une habitude, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'autres solutions aussi, c'est que souvent les gens sont médiqués de façon assez forte. Parce qu'ils ont des gros troubles du comportement, parce qu'ils se mettent en danger aussi, parce que parfois ils mettent en danger les gens qui sont autour d'eux. Mais il y a d'autres façons de le faire. Par exemple, tu évoquais la question de la musicothérapie. Il y a énormément de travaux qui sont conduits sur ces thérapies-là, pour une raison, c'est que ça permet de mobiliser finalement la sphère cognitive. Même pour des gens qui ne parlent plus, qui n'ont plus l'accès à la parole ou qui ne savent plus lire parce que quand on a Alzheimer, au bout d'un moment, le cerveau n'arrive plus à interpréter la lecture, n'arrive plus forcément à trouver les bons mots, on fait de la phasie, on fait plein de choses. Sur la colloque de Zilli-Seim, c'est résolument l'approche qu'on a choisie parce que, par exemple, on a une thérapie non médicamenteuse qu'on utilise dans la colocation qui est la thérapie par le voyage. un mode d'accompagnement qui est encore différent. Tu vas découvrir encore une nouvelle solution. Ça vient de l'université de Como, je crois, donc tout proche de la frontière avec la Suisse, de Como-Lugano, je crois, où ils se sont rendus compte qu'en reproduisant une fausse cabine de train, en mettant en place toute une démarche d'accompagnement des personnes, où on simule finalement la montée dans le train, on arrive à revisiter des souvenirs de la personne très ancien. Et donc la personne rentre dans une fausse cabine, elle a un écran de télé qui fait comme la vitre du wagon, et on voit le paysage défiler. En fait, en utilisant cette thérapie avec toute une démarche scientifique autour, ça peut permettre de rediscuter avec des personnes, de les remobiliser, surtout d'apaiser leurs angoisses, et finalement d'aider à ce qu'ils vivent mieux leur vie. Alors c'est jamais miraculeux, c'est pas parce qu'on fait de la thérapie par le voyage ou... ou de la musicothérapie, que la maladie disparaît. Mais si ça permet à la personne de mieux vivre ses difficultés, si ça permet à l'aidant d'avoir deux heures de répit, si ça permet finalement de créer des moments de bonheur, c'est ça qui est important dans la vie, qu'on soit valide ou un peu plus extraordinaire.

  • Speaker #1

    Famille Solidaire, dont tu es le fondateur Jean Ruch, c'est aussi la possibilité d'accueillir plein de gens différents, puisqu'on va peut-être lister ensemble ceux et celles qui peuvent être intéressés pour entrer en contact avec Famille Solidaire. Il y a d'abord ceux qui ont de l'argent et qui veulent investir dans un immobilier partagé et solidaire. Il y a les aidants. qui peuvent se perdre dans le massif administratif auquel ils font face. Mais il y a aussi évidemment les malades, les personnes âgées et puis sans doute d'autres. Quels sont les gens que tu recherches, qui peuvent ? Il y a aussi de la formation professionnelle me semble-t-il.

  • Speaker #0

    De quoi on a besoin du côté de Famille Solidaire aujourd'hui ? C'est de plein de choses, je vais les décrire de façon complètement désordonnée, mais si je suis l'histoire de Famille Solidaire, les premiers qui ont cru dans l'aventure, c'était des investisseurs solidaires. Donc c'est cette famille qui ont mis 180 000 euros dans l'entreprise Solidaire. Aujourd'hui, ça fait 7 millions d'euros de capital social, mais en gros, les cinq premières années, on a collecté un million d'euros de gens qui étaient convaincus par ce qu'on faisait, et aujourd'hui, on a des banques. Donc ça facilite un peu, puisqu'il faut qu'on... On trouve des capitaux, mais on peut toujours devenir actionnaire solidaire personne physique. J'ai un peu de sous, je ne veux pas forcément les mettre sur mon livret A parce que je veux leur donner un peu plus de sens. Vous pouvez les investir dans la foncière famille solidaire. Ça donne 25% de réduction d'impôt sur l'investissement. Donc si vous mettez 100 000 euros, vous êtes propriétaire de 100 000 euros d'actions. Vous pouvez déduire 25 000 euros de vos impôts par exemple. Et c'est pareil à 1 000, à 10 000, peu importe le chiffre. C'est juste pour expliquer le principe. Donc 25% de l'investissement est déductible des impôts. Ça, c'est une façon de nous soutenir. Ça permet de créer des projets auxquels les gens ne croient pas toujours. Les banques, elles ne croient pas toujours quand on leur dit on va monter une coloc Alzheimer. Ils se disent mais ils sont complètement fous. Ces gens-là, ça ne va jamais marcher. Ils sont attaqués aux gens les plus compliqués. Et on l'a entendu à de nombreuses reprises. Mais concrètement, on sait que ça marche. On sait que ça existe dans d'autres endroits. Donc il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas capable de le faire en Alsace comme ailleurs. De l'investisseur solidaire, on en a besoin. On a besoin de bénévoles aussi. Je pense aux bénévoles qui se mobilisent sur la maison de Bansenheim. On a quelques bénévoles qui viennent régulièrement pour aider pour les activités. A Zillisheim, je pense à Pierina, je pense à Pascal, je pense à un certain nombre de gens qui viennent filer un coup de main, des fois deux heures, pour aller se balader avec un locataire dans le village. venir aider à faire du bricolage dans le jardin ou à entretenir le jardin. On a besoin de bénévoles sur des engagements qui peuvent être compatibles avec des choix. Parce qu'aujourd'hui, les bénévoles, ils n'ont plus forcément envie de venir toutes les semaines. Et puis, trois jours dans la semaine. Donc, on sait s'adapter aussi aux gens qui nous contactent. On a beaucoup d'appels d'aidants qui cherchent des solutions. Alors malheureusement, je vous donnais les chiffres tout à l'heure des colocs Alzheimer. Il y a 60 colocs Alzheimer en France. Il y en a 3700 en Allemagne. Donc... En France, on est encore loin de pouvoir dire qu'on est une solution facilement mobilisable si quelqu'un a besoin. Mais on sait aussi accompagner, et c'est ce qu'on fait depuis le début de la création de Famille Solidaire, d'autres porteurs de projets. Aujourd'hui, j'accompagne à peu près 35 porteurs de projets en France. Ça peut être des services à la personne, des assos médico-socials, ça peut être des aidants qui veulent créer. Souvent, c'est des parents d'enfants autistes. qui veulent créer une coloc ou des appartements regroupés et qui appellent en disant « Je ne comprends rien à tout ce secteur, mais j'ai envie parce que je n'ai pas de solution pour mon gosse, je n'ai pas de place en hébergement, je vieillis, je muse. » Et c'est vrai que ce sont des situations qui peuvent être très compliquées pour tout le monde, que ce soit la personne aidée ou l'aidant. Donc on accompagne ces gens-là en formation. et en conseil. Donc on les aide à monter leurs projets, à revoir les plans, à trouver des architectes, à faire les plans de financement. Évidemment, comme on a aussi besoin de vivre, parce qu'une association, c'est plus comme il y a 50 ans. Aujourd'hui, dans le groupe associatif, on n'a qu'un salarié. Donc le fonctionnement du groupe implique presque 700 000 euros de masse salariale. Donc évidemment, on donne des conseils aux associations. On le fait de façon assez modeste quand c'est bénévole. On fait quelques heures de temps en temps données à quelques porteurs de projet et puis les autres porteurs de projet financent cette intervention pour qu'on puisse les conseiller. Mais ça permet de faire émerger des projets. On a accompagné Véronique à Pézenas. C'est une maman dont deux enfants sur trois et le mari avait la maladie de Huntington qui est une maladie neuroévolutive à la montée. des logements pour personnes touchées par la maladie de Huntington. Ce sont des gens qui ont énormément d'énergie, de belles valeurs, et puis surtout qui ont une vision de la vie qui est quand même très différente. Quand on a été confronté plein de fois finalement à des situations critiques, je crois qu'on se concentre peut-être un peu moins sur son plan de carrière, sur le consumérisme, sur le matérialisme, et qu'on se dit, quand on arrive à... j'allais dire à y survivre, quand on arrive à s'en sortir, on se dit qu'on a beaucoup de chance. C'est ça qui est paradoxal. Là où beaucoup de gens qui ont énormément de moyens matériels et qui vivent dans le luxe, dès qu'il leur arrive le moins de petits pépins de santé, on a l'impression que c'est la fin du monde. Je trouve que les aidants sont très résilients. On a besoin d'investisseurs, on a besoin de bénévoles, on a besoin de porteurs de projets qui... porte cette question de l'habitat inclusif partout en France. Et là, on va lancer d'ici la fin mai un appel à projet pour soutenir 10 projets de colocation Alzheimer en France avec un accompagnement pendant 18 mois. Là, ça sera entièrement gratuit, financé par une grande fondation. Et notre objectif, c'est de permettre et de dire oui, c'est possible de faire des colocs Alzheimer, même si on continue à faire des EHPAD. L'un n'empêche pas l'autre et on a besoin des deux solutions. Parce que ce qui est le plus difficile quand on perd en autonomie, lorsqu'il s'agit de quitter son domicile, il y a effectivement l'attachement historique, la maison où on a élevé ses enfants, parfois la maison où on a passé toute sa vie, ça existe encore. Mais ce qui est surtout compliqué dans le fait de vieillir, c'est finalement d'avoir... au fur et à mesure un appauvrissement du lien social. Parce que quand on a une mobilité difficile, on sort moins de chez soi, donc on voit moins les voisins. Et puis progressivement, quand cette perte d'autonomie va toucher la sphère intellectuelle, j'allais dire, on va être moins capable d'adaptation, on va moins supporter le bruit, on va moins supporter les autres. C'est un processus qui est assez systématique. Ça ne veut pas dire que tout le monde le vit de la même façon. On a une tendance naturelle avec le vieillissement à se mettre en retrait social. S'il n'y a pas des personnes qui rattrapent ça, on peut vite se retrouver avec des gens qui décèdent à domicile et qu'on retrouve trois semaines plus tard. C'est la réalité de notre monde aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, et puis on ne va pas forcément découvrir TikTok ou Instagram à 75 ans, c'est vrai. Question transfrontalière en passant, s'il y a tellement plus de possibilités en Allemagne concernant l'accueil des malades d'Alzheimer, est-ce que les Alsaciens, par exemple, peuvent aller en Allemagne ?

  • Speaker #0

    Dans des Wohngemeinschafts, donc Wohngemeinschaft, ça veut dire « habitant inclusif » en allemand. Je ne saurais pas répondre à cette question, mais je m'engage à chercher la réponse pour la prochaine fois qu'on se voit. Ce que je sais, c'est que par exemple, moi, j'ai découvert les Wohngen-Mainschaft en allant visiter le quartier Vauban à Fribourg. Vous vous baladez dans un quartier, il y a donc en autopromotion, l'Allemagne, les Baugruppen, où on donne un...

  • Speaker #1

    Autopromotion,

  • Speaker #0

    on peut peut-être expliquer que c'est pour ceux qui ne savent pas. Alors, pourquoi c'est différent la France et l'Allemagne par rapport à cette question de l'habitat inclusif et des Wohngen-Mainschaft ? L'Allemagne, après la Deuxième Guerre mondiale, a été démilitarisée. À Fribourg, on avait une énorme caserne qui était quasiment en plein centre de la ville. Les pouvoirs publics ont été plutôt intelligents et ont dit « on va essayer un nouveau mode de construction d'habitat, c'est que 99% de la promotion immobilière en France, c'est les promoteurs. » Il y a assez peu de gens qui construisent par eux-mêmes. Et donc, ils ont lancé des appels à projets pour... On a regroupé quelques personnes qui avaient envie d'habiter dans le quartier en leur disant, voilà, on vous donne un terrain, imaginez un projet architectural et faites le construire. Et donc ça, ça s'est énormément développé. Et donc on se retrouve avec des quartiers extrêmement riches socialement, parce que les gens se parlent beaucoup. Alors c'est peut-être un peu bourgeois bohème par certains côtés, mais pas que. Et donc tout ça a permis finalement d'assurer un renouvellement immobilier, parce qu'il y avait besoin de tout ça. Et l'habitat inclusif, il arrive à peu près au même moment, fin des années 90, des grandes demeures bourgeoises vides. On a besoin de trouver des solutions pragmatiques pour des personnes âgées, des personnes en situation de handicap. On transforme ces grandes maisons finalement en appartements regroupés avec un espace commun et c'est comme ça que sont nées les colocations Alzheimer. A l'inverse, en Allemagne, vous avez énormément de mal à trouver un établissement d'hébergement. Il y en a beaucoup moins qu'en France et en fait c'est un choix sociétal qui a été fait il y a plus de 40 ans maintenant. La France a choisi l'institutionnalisation et est d'ailleurs régulièrement dénoncée par l'Organisation des Nations Unies dans le cadre de la Convention des Nations Unies pour les personnes handicapées en disant « ce que vous faites relève du siècle dernier, il faut arriver à ouvrir les institutions, il faut permettre aux personnes en perte d'autonomie, même aux personnes les plus lourdement handicapées, d'avoir les mêmes droits que les autres citoyens parce que sinon c'est... » Ce n'est plus la charte universelle des droits de l'homme, sinon on revient à ce qu'on a connu, j'allais dire toute l'institutionnalisation dans le sens négatif du terme. Et donc l'Allemagne, il y a énormément d'habitats inclusifs, mais il y a très peu d'établissements d'hébergement. En France, vous avez beaucoup d'établissements d'hébergement et très peu de colocations, très peu d'habitats inclusifs.

  • Speaker #1

    Allez visiter Freiburg, le quartier Vauban, la cathédrale et puis ces saucisses vegan au pied de la cathédrale. Alors Jean Ruch de Famille Solidaire, on peut te rencontrer dans le cadre de À votre santé, le mois de la santé et de la recherche médicale, le vendredi 28 mars 2025 à 20h au Cinéma Bel Air, projection du film The Father avec Anthony Hopkins, qui parle de la maladie d'Alzheimer, et puis c'est un ciné-débat, c'est tout gratuit. Et puis on peut rencontrer Jean Ruch de Famille Solidaire et d'autres intervenants. Mais sinon, peut-être, avant de conclure, Famille Solidaire, où est-ce qu'on le trouve, puisque vous êtes présent dans cinq régions de France, sur Internet ? Enfin, si on veut attraper Jean Ruch, si on veut parler à quelqu'un de Famille Solidaire, on clique où ? On fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je dirais, hormis pour les auditeurs qui sont en Polynésie française, je vous invite pour nos amis alsaciens... En proximité, vous allez sur votre moteur de recherche, vous tapez Famille Solidaire Alsace et vous tomberez sur le site internet de l'association qui oeuvre sur différents territoires en Alsace. On est présent à Schleital, le plus long village d'Alsace à 6 km de Wissenburg, dans le 67. On a un habitat inclusif sur Ilkirch-Grafenstaden, pour des personnes en situation de handicap au sud de l'agglomération de Strasbourg. On a également investi la Maison pour tous de Bansenheim avec le soutien de la mairie il y a un peu plus de deux ans maintenant, où on accueille cinq locataires âgés et en situation de handicap et puis sur Dillisheim et puis bien sûr notre siège social à Mulhouse qui est 14 avenue Tassigny. On est présent assez régulièrement dans plein de manifestations. N'hésitez pas à nous faire un petit message si vous avez des besoins pour réagir, pour dire c'est bien, c'est nul ce que vous faites. Vous savez quand on entreprend... On a souvent besoin de signaux faibles pour se dire qu'on est en phase avec la société. Et que ce qu'on dit, parce que quand je parle de la dépendance, c'est sûr que je ne dresse pas un portrait de notre monde qui est hyper encourageant. Mais si on ne dénonce pas ce qui ne fonctionne pas, ça ne change jamais. Et pour ma part, en tant qu'aidant, j'y ai été confronté à de nombreuses reprises. Venez à notre rencontre, venez à cette soirée du mois de mars. Et puis globalement, sinon, vous pouvez envoyer un petit message sur info.at.famille.com. Le tiret du milieu, solidaire.com. On essaiera de vous répondre dans les meilleurs délais. Et on espère surtout avoir l'occasion de vous croiser.

  • Speaker #1

    Dernière question, parce que j'y pense, tu cites les mairies comme partenaires souvent des projets Familles Solidaires. Les municipalités vont être renouvelées en mars 2026. Est-ce qu'il y a des revendications, des messages apportés auprès des candidats pour qu'ils soient plus actifs en direction ?

  • Speaker #0

    Oui. Oui, clairement. Je pense que ce n'est pas la responsabilité uniquement des maires, ou uniquement des départements, ou uniquement des conseils régionaux. Mais ce qui serait bien, c'est qu'il y a dix ans, au niveau du gouvernement, on a créé le comité interministériel. Parce qu'en fait, on ne parlait de handicap qu'au ministère de la Santé. Ce qui serait super, c'est que les mairies se sentent... tout autant concernés par les personnes en situation de handicap et en perte d'autonomie que par l'assainissement ou le réseau d'éclairage public. Parce que nos concitoyens, c'est souvent aux plus proches qu'on les repère, c'est aux plus proches qu'ils ont besoin de soutien. Et donc cette compétence handicap, qu'on ne s'abrite pas toujours derrière « Ah mais ce n'est pas moi qui suis le financeur, donc allez vous adresser à tel financeur » . On est tous responsables de la situation actuelle. On a tous besoin qu'elle évolue, ne serait-ce que pour nos besoins individuels futurs, parce qu'on aura des besoins. Oui, il serait quand même grand temps qu'au lieu de parler tout le temps d'immigration, on parle des 13 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, des 3 millions de personnes dépendantes, et de leurs 11 millions d'aidants qui sont pour 60% d'entre eux, donc 6 millions d'entre eux, ils bossent et ils s'occupent d'un proche. Ça veut dire que... C'est des femmes de 40-50 ans qui s'occupent d'une maman qui perd de l'autonomie, qui vont le matin, le midi, le soir. Et ça, personne ne le reconnaît. Donc oui, ouvrez les yeux, messieurs les élus, parce que je pense que les femmes ont une vision beaucoup plus claire de ce que veut dire la perte d'autonomie pour s'en occuper depuis des siècles. Ouvrez les yeux et arrêtez de dire que c'est de la compétence des autres, c'est de la compétence de tout le monde d'accueillir les personnes correctement.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jean-Ruch, fondateur de Famille Solidaire, qu'on peut retrouver au Ciné-Débat, au cinéma Bel Air à Mulhouse le vendredi 28 mars 2025 à 20h. C'est gratuit, c'est en tram Bel Air et sinon sur internet famillesolidaire.com. Merci beaucoup Jean-Ruch.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt. Vis une nouvelle expérience. Écoute la nef des sciences. Participe à l'aventure des podcasts Science et Culture.

Description

VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


Le Mulhousien Jean Ruch est le fondateur du groupe associatif FAMILLES SOLIDAIRES créé en 2012 qui a pour but de développer l'habitat inclusif pour les personnes fragilisées. Présente dans cinq régions françaises, cette entreprise immobilière à but non lucratif invente une solidarité nouvelle pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les malades qui ne sont plus autonomes. Entretien pour découvrir les 11 millions d'aidants familiaux, les problèmes sociétaux immenses que la dépendance croissante pose et surtout les solutions pleines d'espoir portées par ce groupe associatif pas comme les autres.


Entretien réalisé le 7 mars 2025 pour la Nef des sciences et À VOTRE SANTÉ ! le mois de la santé et de la recherche médicale en Alsace et dans le Grand Est. Propos recueillis par Jean-Luc Wertenschlag pour Radio Quetsch, L'Alterpresse et Warum Net Experience.


Rencontrez JEAN RUCH vendredi 28 mars 2025 à 20h au cinéma Bel Air, rue Fénelon à Mulhouse, à l'occasion d'un ciné-débat gratuit. Projection du film THE FATHER suivie d'une rencontre avec Jean Ruch et d'autres intervenants.



VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


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Transcription

  • Speaker #0

    Vis une nouvelle expérience, écoute la nef des sciences, participe à l'aventure des podcasts sciences et cultures.

  • Speaker #1

    Nous sommes le 7 mars 2025 en compagnie de Jean Ruch, fondateur et président de Famille Solidaire. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Alors, on va peut-être d'abord te... présenter, avant de présenter ce groupe associatif Famille Solidaire, mais qui es-tu

  • Speaker #0

    Jean-Ruch ? Alors moi je suis un mulhousien de naissance j'ai 48 ans, deux enfants, un parcours associatif assez riche dans divers associations et de métier initial je suis monteur de film et aujourd'hui je suis dirigeant d'entreprise.

  • Speaker #1

    Une entreprise multiple, à multiples facettes, qui s'appelle Famille Solidaire. Alors, est-ce qu'on commence par expliquer ce groupe associatif Famille Solidaire, peut-être ?

  • Speaker #0

    Oui, alors, quand on parle d'entreprise, c'est vrai que ce n'est pas commun de parler d'association. On n'a pas ce réflexe. En général, on sépare bien l'entreprise lucrative de l'association qui est non lucrative. Famille Solidaire, c'est une entreprise solidaire d'utilité sociale. Ça veut dire que... que l'objectif de Famille Solidaire, comme toute entreprise, est d'atteindre un équilibre économique, mais que son premier objectif est surtout de servir une utilité sociale. Et donc, tout ça pour dire que Famille Solidaire, dans son ensemble, est un groupe associatif composé d'associations et d'entreprises solidaires dont l'objectif commun est de permettre à des personnes fragilisées par l'âge, la maladie ou le handicap, de vivre avec et comme les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire simplement qu'on rassemble sur cinq régions françaises aujourd'hui des proches aidants de personnes en situation de handicap ou des personnes âgées dépendantes qui cherchent à inventer de nouvelles solutions pour l'accueil de leurs proches. Parce que si on se penche un tout petit peu sur le sujet des aidants, il y a 11 millions de personnes en France qui accompagnent un proche en perte d'autonomie. 11 millions, c'est un Français sur six. Ça veut dire que concrètement... dans nos vies, à un moment ou à un autre, on sera concerné par des parents qui perdent de l'autonomie, parfois par des enfants en situation de handicap et probablement, si on vieillit, par sa propre perte d'autonomie. Donc c'est un enjeu sociétal important aujourd'hui et démographiquement ça va devenir un enjeu de société centrale dans les 30 prochaines années puisqu'on aura bientôt plus d'un tiers de la population française qui aura plus de 65 ans.

  • Speaker #1

    Sauf si on ouvre les frontières et qu'on accueille des jeunes immigrés pour nous aider, comme ça se passe souvent dans les pays trop riches et trop vieux.

  • Speaker #0

    Je pense en tout cas que penser aujourd'hui le vieillissement des personnes âgées, l'accompagnement des personnes en situation de handicap, en se privant des richesses liées à l'immigration, ça va être très compliqué pour notre pays. Aujourd'hui, vous avez un papa et une maman à domicile. vous cherchez une auxiliaire de vie pour venir lui faire la toilette, l'aider à faire ses courses ou ne serait-ce qu'aller se balader au parc, je vous souhaite bien du courage. Parce qu'il y a une crise des vocations majeures, qui manque de main-d'œuvre et que les personnes qui y travaillent ne sont pas toutes formées. Donc ce qui amène à des complexités, notamment pour les personnes les plus dépendantes.

  • Speaker #1

    Mais Jean-Ruch, tu t'es engagé dans l'action en faveur des personnes fragilisées. Par l'âge, la maladie, le handicap, est-ce que, pourquoi cette vocation ? Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans ce combat ?

  • Speaker #0

    D'abord, je pense qu'il y a un terreau familial. J'ai des parents qui étaient très investis dans le monde associatif. Et puis, dans ma vie, est arrivé à un moment donné un accident de vie. Ma compagne, quand j'avais 16 ans, c'était mon amour de jeunesse à l'époque, c'était pas... Ma compagne a eu un grave accident de la route l'année de ses 18 ans. Elle a fait 6 semaines de coma, 6 mois de rééducation, et elle s'en est sortie relativement bien au niveau physique. Mais le physique c'est une chose. La majorité des handicaps aujourd'hui en France ne sont pas physiques. Ils peuvent être psychiques, ils peuvent être cognitifs, ils peuvent être intellectuels, ils peuvent être sensoriels. Et dans le cas de ma compagne à l'époque, ça a été un handicap qu'on appelle une cérébro-lésion acquise, c'est-à-dire le coma, l'accident, l'hémorragie cérébrale comme on voit dans les films américains. Mais malheureusement pour elle, ce n'est pas un film américain et donc elle ne s'est pas réveillée avec des super pouvoirs, mais plutôt avec la difficulté à se rappeler. le nom de ses amis, ce qu'elle avait fait dans la journée, ce qu'elle devait faire dans une heure et ce qui s'était passé il y a cinq minutes, puisque c'est de ce niveau-là la situation des personnes qui ont des lésions cérébrales acquises, que ce soit des AVC, des traumas crâniens, des scléroses en plaques, ça touche le cerveau. Et donc, ça crée des handicaps invisibles qui empêchent très souvent d'accéder au monde du travail. Et de fait, ça crée des personnes pauvres, parce qu'elles n'accéderont pas forcément au travail. Et ça crée surtout des personnes dépendantes de leur entourage, puisque nous, on a eu la chance de pouvoir quand même avoir deux enfants. Mais c'est une organisation et ça demande énormément d'investissement des proches qui entourent la personne qui a des troubles cognitifs. On le comprend facilement sur les personnes âgées. Quand on parle aux gens de la maladie d'Alzheimer par exemple, tout le monde en a peur parce que c'est une maladie qui est terrible. On perd progressivement sa capacité de mémoire, sa capacité d'organisation, on perd la mémoire de ses proches, de ses enfants, de ses petits-enfants. Donc quand on a 20 ans et qu'on a un accident de la route et qu'on se retrouve dans une situation proche, évidemment c'est très compliqué à gérer parce qu'il faut retrouver un nouveau sens à l'existence qui n'est pas forcément celui de travailler. Parce que le travail ne veut pas de vous. Il faut être, aujourd'hui, si on se dit les choses concrètement, dans le monde du travail, il faut pouvoir faire quatre choses en même temps, être productif, ce qui n'est plus possible pour une personne traumatisée crânienne. Donc quand je suis sorti avec Flavie à 18 ans, je n'imaginais pas tout ce qui allait se passer deux ans plus tard. Il y a eu cet accident. Et puis on a continué notre petit bonhomme de chemin. On a découvert le handicap ensemble. On a découvert la parentalité ensemble. On a découvert l'aide à la parentalité aussi. Parce que... Gérer des nourrissons quand on a des troubles de la mémoire, c'est compliqué. Et pour autant, on a quand même reconstruit une vie malgré, je dirais, l'événement initial qui aurait pu se terminer dramatiquement.

  • Speaker #1

    Jean-Ruch, le handicap que tu as découvert dans ta jeunesse, C'est quelque chose qui n'est pas aujourd'hui véritablement pris en compte, me semble-t-il, dans notre société à un niveau politique. C'est-à-dire qu'on parle régulièrement de handicap, on vote des lois qui ne sont pas appliquées. L'accessibilité pour tous et toutes, par exemple, on l'a voté il y a quelques années, ce n'est toujours pas effectif. Tu as écrit un livre, par exemple. Les aidants familiaux pour les nuls en 2017, si ma mémoire est bonne. Pourquoi le handicap n'existe pas vraiment dans notre société médiatiquement, culturellement, politiquement ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il fait peur le handicap. La perte d'autonomie, ça nous renvoie quelque part à ce qui nous arrivera tous un jour, c'est le fait de disparaître. Et dans le processus, notre société... Jusqu'au Covid a quand même été énormément basé sur la performance professionnelle. Quelqu'un qui n'avait pas de travail n'avait pas de position sociale, aujourd'hui ça change un petit peu. Donc le monde du handicap, il fait peur depuis très longtemps. Et les gens, je ne suis pas sûr que ça soit une peur des personnes handicapées, mais c'est à mon avis souvent l'incapacité à savoir comment réagir parce que les gens ne savent pas, ne connaissent pas. Donc le handicap a évolué. Il y a... Il y a 200-300 ans, on n'était pas loin parfois de l'eugénisme. Les personnes en situation de handicap avaient une espérance de vie autour de 20-25 ans puisqu'elles vivaient dans des structures plus ou moins bienfaisantes pour leur santé. Ensuite, il y a eu l'industrialisation de la France, on a commencé à mettre en place des hospices, il y a toute la tradition chrétienne d'accueil des malades dans les asiles, dans les monastères, etc. Et on est arrivé en fait à un monde où on a quand même de plus en plus de situations de fragilité, en tout cas on reconnaît de plus en plus de situations de fragilité. On n'a pas multiplié par 10 le nombre de personnes handicapées depuis 40 ans. En fait on a simplement accepté de dire que d'avoir une dyspraxie, une dyscalculie ou d'avoir un trouble du neurodéveloppement, c'est un handicap. Parce qu'on a fait évoluer la définition du handicap dans les années 75. Il faut se dire qu'avant 1975, il n'y avait aucun établissement d'hébergement pour personnes handicapées. Ça n'existait pas. En 1975, il y a eu une première loi sur le handicap, où on parlait de déficience, d'incapacité. Donc tu étais trisomique, tu étais amputé, tu étais paraplégique. Parce que tu étais toujours vu en fonction de ton empêchement, de ton handicap, de ta maladie, etc. C'était un modèle très médical, ce qu'on appelait le modèle de Wood, qui est un modèle qui a préexisté et qui disait, en gros, quand on a un handicap physique, parfois on peut le compenser. Mais on reste le handicap physique. Depuis la loi de 2005, celle dont tu parlais, qui notamment traite des questions d'accessibilité des bâtiments publics, la définition du handicap a changé. On dit du handicap, la définition de la loi de 2005, c'est « constitue un handicap au sens de la présente loi, toute limitation d'activité et restriction de participation liée à un handicap physique, sensoriel, cognitif, intellectuel ou à un trouble du neurodéveloppement ou à une maladie qui excède une durée d'un an. » Donc aujourd'hui, on peut être en situation de handicap quand on a un cancer. On peut aussi être en situation de handicap quand on est avec un handicap, comme dans la trisomie 21 par exemple. Mais on peut aussi découvrir au fur et à mesure que son gamin ne se développe pas comme il devrait biologiquement, au fur et à mesure, ce qu'on appelle les troubles du neurodéveloppement, l'autisme notamment. Il y en a de plus en plus. Aujourd'hui, il y a un enfant sur 100 qui naît autiste parce qu'on a amélioré le diagnostic. Je ne suis pas sûr qu'on... produisent plus de handicap qu'il y a 100 ans. Mais en tout cas, on le reconnaît mieux, on l'accepte un petit peu mieux. Il y a deux façons de le voir. Il y a la façon quand on est concerné, quand on a besoin de réponses rapides, urgentes, qu'on a un enfant dont on vient de détecter le handicap et qu'on nous dit qu'il faut qu'il aille à l'école. Et puis le combat pour avoir une auxiliaire de vie scolaire, etc. Là, c'est un combat qui est urgent. Les familles n'ont pas la même représentation du temps. que les administrations. Si je le regarde du côté des familles, c'est insuffisant, ce n'est pas satisfaisant. Il y aurait encore des milliards de choses à améliorer. C'est le point de vue que j'ai. Si je le regarde du point de vue sociétal, depuis 2005, on a énormément d'enfants qui vont à l'école. Ça a eu un effet sociétal. C'est-à-dire qu'on s'est habitué à ce que les personnes en situation de handicap, les personnes en perte d'autonomie, vivent au milieu de nous. Ça rejoint d'ailleurs le... La maxime de Famille Solidaire qui est permettre à des personnes de vivre avec et comme les autres. Et c'est tout l'esprit de l'inclusion, c'est tout l'esprit de la loi de 2005, c'est aussi une nouvelle définition du handicap, on n'est pas que un pied, un foie, un estomac, un cerveau, on est une personne et même si on est en situation de handicap, on a le droit d'avoir ses choix, ses incohérences, comme n'importe quel citoyen de notre monde.

  • Speaker #1

    Oui, et on peut voter aussi. Famille Solidaire s'est créée quand ?

  • Speaker #0

    Famille Solidaire s'est créée en 2012. C'était le rassemblement de 7 amis et familles qui ont décidé collectivement de mettre un peu d'argent dans une entreprise d'utilité sociale. On a mis 180 000 euros en 2012 avec comme leitmotiv de créer un outil qui permette de créer de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif, c'est une façon de vivre ensemble pour des personnes âgées ou en situation de handicap, où finalement on accepte de vivre ensemble parce qu'on a envie de lutter contre l'isolement social, parce qu'on a envie d'avoir des voisins, parce qu'on a envie d'avoir une animation de cette vie sociale. C'est dans cet esprit-là que j'ai créé le premier habitat inclusif avec Famille Solidaire en 2012. L'idée, c'était de permettre à des personnes traumatisées crâniennes sur Strasbourg de vivre en coloc, de partager le petit bout de la réponse qu'ils avaient, puisqu'ils avaient tous 3 heures d'aide humaine, 3-4 heures d'aide humaine, mais ils vivaient tous à la maison parce que quand on n'a pas de mémoire, quand on n'a pas d'orientation dans le temps et dans l'espace, en fait on n'a pas besoin de 3 heures par jour, on n'a pas besoin de 24 heures sur 24 non plus, mais on a besoin de 5 minutes réparties aléatoirement dans la journée 24 fois. Donc concrètement, des aidants qui ont un gamin cérébro-lésé ou un adulte cérébro-lésé à la maison, Ils n'osent jamais le laisser seul parce que c'est toujours dans les moments où les personnes sont seules que se produisent les difficultés. Donc ils n'ont pas de solution pour l'avenir, puisqu'il y a très peu de places en hébergement, très très très peu. Et vivre seul à domicile, si la personne est seulement sécure pendant 3 heures sur 24 heures, évidemment les parents ne lâchent pas. L'habitat inclusif est venu s'insérer à ce moment-là, quand chacun avait cette petite dotation en aide humaine, pour dire que si on se rassemble, on crée les conditions d'une permanence. On crée les conditions qui permettent à des aidants de se dire, mon gamin, il va être bien en colocation avec ses cinq autres potes autistes ou des personnes plus âgées qui vont vivre dans une colocation Alzheimer comme à Zillisheim par exemple. Et donc c'est tout ça qui a permis finalement de créer de l'habitat inclusif et donc 12 ans après, cette entreprise solidaire, cette foncière famille solidaire, aujourd'hui elle pèse 7 millions d'euros de capital social, on a une... dizaines de sociétés de gestion qui sont investies, de différentes banques, BNP Paribas, Crédit Coopératif, Caisse d'épargne, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Crédit Mutuel Arkea, qui on a d'autres encore, on a des fonds communs de placement, des gens qui acceptent de nous confier une partie d'argent pour qu'on crée des immeubles, des appartements, des maisons où les gens vivent ensemble, où ils sont soutenus pour vivre ensemble. et où on les aide à organiser l'écosystème de leur autonomie. L'écosystème de leur autonomie à domicile, c'est quoi ? Le plus simple pour que les auditeurs comprennent, quand on a une maman ou un papa qui perdent l'autonomie à domicile, le premier réflexe qu'on a, parce qu'on a peur qu'ils tombent, on va commencer à mettre une télé-alarme. Sauf que souvent, le beeper ou le bracelet ou le médaillon, il est sur la table de nuit, et puis le grand-père, il est dans la salle de bain par terre à ne pouvoir rappeler personne. Ce qui motive souvent la mise en place de tout ça, c'est la peur. Donc une fois qu'on a mis le médaillon, on se rend compte que le médaillon, ça ne fonctionne pas toujours. Et puis que la personne, elle a d'autres besoins. Elle a besoin d'aide pour la toilette, elle a besoin parfois d'aide pour faire ses courses, puisqu'elle se déplace moins bien. Donc on va commencer à chercher une auxiliaire de vie sociale. Donc auxiliaire de vie sociale, c'est un travailleur social qui intervient à domicile pour compenser les effets du handicap. qu'il soit physique par exemple aider une personne en fauteuil roulant à faire son transfert pour aller dans sa douche si elle peut pas le faire par elle même et lui faire j'allais dire lui rendre des services qui sont liés à son handicap ça c'est une façon compensée il y a des handicaps qui sont plus complexes à compenser on parlait des personnes cérébralisées traumatisées crâniennes mais comme elles ont des besoins aléatoires c'est extrêmement complexe en individuel de vivre seul et donc l'habitat inclusif permet ce regroupement de personnes, permet de créer les conditions d'un système qui survivra aux aidants. Parce que la principale inquiétude des parents proches aidants, c'est qu'est-ce qu'il devient si moi je ne suis plus en capacité de l'accompagner. Et nous, on accueille dans nos habitats pour personnes âgées des gens qui ont des enfants en situation de handicap et en général, quand ça craque, ça craque. La fille, le fils est placé, la maman aussi. Et les gens, ils ont tenu tout ça à bout de bras pendant 30, 40, 50 ans, sans rien demander à personne. Et je ne crois pas que beaucoup de gens soient conscients aujourd'hui dans notre monde, mais pour vivre en France correctement, en bénéficiant d'aide, on a toujours l'image de la fraude sociale qui coûte très cher, etc. Moi, je vous dirais que pour aujourd'hui bénéficier des aides sociales, pour bénéficier... d'allocations pour aider une personne en perte d'autonomie, il faut surtout avoir un master en bureaucratie. Parce que vous avez 5, 6 interlocuteurs, on vous parle de choses dont c'est la première fois que vous entendez parler. On vous demande d'être un peu assistante sociale, un peu psychologue, un peu infirmière, parce qu'il n'y en a plus assez pour venir faire la toilette de votre maman. Donc parfois on se retrouve à prendre des positions en tant qu'aidant qu'on ne devrait pas prendre. Et donc l'habitat inclusif, en fait, il vient à cet endroit-là. Il vient créer un système entre familles pour permettre à des personnes d'être rassurées sur leur futur et puis surtout pour permettre aux locataires d'avoir une vie de citoyen la plus ordinaire possible. Je finis sur un chiffre qui est assez révélateur quand même de notre positionnement. En France, on a à peu près 60 colocations Alzheimer. En Allemagne, il y en a 3 700 parce que c'est le mode majoritaire d'accueil des personnes âgées qui ont la maladie d'Alzheimer. Et c'est un vrai choix de société.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs l'opération Mulhouse Loves Freiburg qui n'a rien à voir avec Alzheimer, c'est aussi aller voir en Allemagne ce qui se passe culturellement, socialement, politiquement, parce qu'ils ont tellement, tellement, tellement de choses à nous apprendre. Mais Jean Ruch, fondateur de Famille Solidaire en 2012, depuis du chemin a été parcouru, des bâtiments ont été construits, vous êtes présent dans cinq régions. On peut prendre un exemple local, si possible, autour de Mulhouse, pour comment ça se passe, comment ça marche, comment ça fonctionne ?

  • Speaker #0

    L'exemple qui me paraît le plus révélateur de la richesse et de la complexité de l'habitat inclusif, c'est la colocation Alzheimer que nous avons construite à Zillisheim. Donc Zillisheim, c'est une petite commune autour de Mulhouse, qui a un peu plus de 1000 habitants, village plutôt bien conservé en termes de services, de commerce, de présence publique. Donc on a... une pharmacie, un petit supermarché, on a la mairie, on a un tabac, on a un bar, un cabinet infirmier, des médecins, etc. Donc un village où il fait plutôt bon vivre quand on est relativement autonome. Et on a eu la proposition de s'associer avec un architecte, donc l'agence AMRS à Flaxlanden, pour porter un projet immobilier d'un lotissement qui s'appelle le Domaine des Hirondelles, dans lequel... Famille Solidaire a acheté un appartement de 300 m² et a installé une colocation pour 8 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Donc 8 personnes, aujourd'hui de plus de 60 ans, qui ont jusqu'à 98 ans, qui ont toutes comme point commun d'avoir quand même une maladie relativement avancée, c'est-à-dire des difficultés d'orientation dans le temps, dans l'espace, parfois des difficultés physiques associées, puisque quand on a 98 ans, évidemment... Le corps est plus usé, il y a besoin de plus de soins. Et donc cette colocation, elle fêtera le 1er avril prochain ses trois ans d'existence. Ça veut dire que depuis trois ans, cette colocation est ouverte 24 heures sur 24 avec la présence d'auxiliaires de vie qui aident des habitants, des colocataires, même si ce n'est pas une colloque d'étudiants, c'est une colloque de personnes expérimentées, on va le dire comme ça. Et donc ça a permis aussi à huit familles... de trouver un mode d'accueil qui est différent de l'EHPAD. Ce n'est pas opposé aux structures d'hébergement. Je pense qu'on a besoin de toutes les structures aujourd'hui pour faire face à la maladie d'Alzheimer. C'est quand même un malade d'Alzheimer toutes les trois minutes en plus en France. Donc on est aujourd'hui à 1,2 million de malades d'Alzheimer et on prévoit que d'ici 30 ans, on passe à 2,4 millions. Parce qu'on vieillit pour plein de raisons. Ce sont des maladies qui évoluent, que ce soit démographiquement. Donc il faut trouver des solutions. Parce qu'aujourd'hui, quand on doit trouver une solution pour son papa, sa maman en EHPAD, c'est dur. Il n'y a pas beaucoup de place, c'est cher. Mais quand on aura multiplié par trois le nombre de personnes âgées, ça sera plus dur, ça sera impossible. Donc il faut qu'on trouve des alternatives en nombre suffisant, qui sont complémentaires les unes des autres. Ça ne veut pas dire que l'habitat inclusif, c'est avant l'EHPAD. Ça peut être après, ça peut être avant, peu importe. On a des locataires qui sortent d'EHPAD pour aller en habitat inclusif. Mais en tout cas, ça correspond à un moment de la vie, à un moment du parcours résidentiel de la personne, tout comme le domicile individuel peut l'être, et on a le droit de changer dans sa vie. On n'est pas obligé d'entrer à 25 ans dans un établissement d'hébergement et de se dire qu'on va passer toute sa vie en hébergement. Ça, c'est pour les personnes en situation de handicap et pour les personnes âgées. Je crois que 97% dans le dernier baromètre au CIRP, 97% des Français veulent mourir à domicile.

  • Speaker #1

    Très bonne idée. A Zillisheim, cette résidence Lysirondel, qui paye combien ? C'est comme dans un EHPAD ?

  • Speaker #0

    Concrètement, c'est organisé très différemment d'un EHPAD. Ce n'est pas forcément plus cher ou moins cher. Je pense que là-dessus, ce n'est pas l'argument qu'on utilisera. Mais c'est du domicile. Donc la différence, elle est là. Quand on entre dans un EHPAD, on est accueilli dans une structure collective. qui est soumis à plein de réglementations, par exemple la réglementation incendie. Et en fait, on est accueilli par une association, une entreprise qui est gestionnaire et qui vous accueille chez elle, mais avec ses règles. Quand on signe un bail dans son propre logement, tant qu'on paye le loyer, on est chez soi. Et donc, ce n'est pas du tout le même rapport aux intervenants extérieurs. Ce n'est pas du tout non plus la même façon de fonctionner. Dans un EHPAD, il y a un employeur qui emploie tout le monde. Dans un habitat inclusif, vous avez un service à la personne qui met à disposition les auxiliaires de vie. Vous avez des infirmières libérales qui viennent préparer les médicaments le matin et le soir. Vous avez le médecin généraliste du village qui se mobilise et Dieu sait qu'on a de la chance de les avoir sur DidiSign parce que c'est des gens vraiment motivés et soutenants. Donc on est comme au domicile en fait, on va aller chercher un petit bout de réponse un peu partout, dans le monde de l'hôpital, dans le monde du médical libéral, dans le monde ordinaire, très ordinaire. Et en fait la différence conceptuelle c'est que dans un EHPAD... Ce n'est pas vous qui décidez de ce que vous faites. Dans un habitat inclusif, il y a peut-être un petit peu plus de capacité de décision, mais ce ne sont pas des structures qui s'opposent. Nous, on a aussi accueilli, par exemple, à l'ouverture de la colocation des jeunes Alzheimer. En France, il y en a 55 000 qui développent la maladie d'Alzheimer avant l'âge de 60 ans. Ça commence à 35 ans. en moyenne. C'est des maladies qui sont extrêmement évolutives. Aujourd'hui en France, sans même parler de l'Alsace, il y a deux établissements de 40 places pour 55 000 malades. Donc en fait, ce qu'on nous dit clairement par cette situation-là, qu'il y a une carence de moyens publics, une carence de décisions politiques, ce qu'on nous dit c'est que de toute façon, pour accompagner les personnes en perte d'autonomie, On s'appuie sur la famille, c'est comme pour les mesures de protection, la tutelle, la curatelle. S'il n'y avait pas les tuteurs familiaux, notre système craquerait. Dans le monde du handicap et de la perte d'autonomie liée à l'âge, c'est exactement la même chose. Les proches aidants sont la variable d'ajustement qui permet aujourd'hui d'avoir une solidarité nationale à défaut. Enfin, une solidarité familiale qui prend le relais d'une solidarité nationale qui est parfois défaillante. En tout cas... Pour les personnes les plus lourdement handicapées, parce que le tableau que je dresse peut paraître très noir aux auditeurs, mais quand vous vous retrouvez avec un papa et une maman qui commencent à ne plus être autonomes, à se mettre en danger à domicile, il y a beaucoup de familles qui vivent ça tous les jours, c'est extrêmement difficile de trouver des solutions et on n'est pas préparé à le faire.

  • Speaker #1

    Mais à votre santé, donc le mois de la recherche et de la santé en Alsace, en mars 2025 par exemple ? permet aussi de découvrir des solutions, des idées. Un neuropsychologue de l'Université de Caen, Normandie, Hervé Platel, spécialisé dans l'étude du pouvoir de la musique dans notre cerveau, a découvert avec d'autres que, par rapport à la maladie d'Alzheimer par exemple, il y avait une possibilité, en écoutant des mélodies qu'on écoutait quand on était jeune, de retrouver de l'énergie, de la mémoire. Alors évidemment... Ça ne va pas solutionner tous les problèmes Alzheimer du monde, mais néanmoins, cette puissance de la musique dans notre cerveau, j'ai découvert ça grâce à ce neuropsychologue, et je pense qu'il y a sans doute des petits plaisirs, des petits sursauts d'énergie possibles grâce à la musique et à Famille Solidaire.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une bonne façon de le dire en fait. Je pense que ce qu'on appelle les approches non médicamenteuses, c'est-à-dire tout ce qui permet de traiter une personne quand elle est angoissée, quand elle a des troubles du comportement, quand elle a des problématiques de mémoire, d'améliorer son confort, d'améliorer sa vie, c'est bénéfique. Parce qu'on a une habitude, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'autres solutions aussi, c'est que souvent les gens sont médiqués de façon assez forte. Parce qu'ils ont des gros troubles du comportement, parce qu'ils se mettent en danger aussi, parce que parfois ils mettent en danger les gens qui sont autour d'eux. Mais il y a d'autres façons de le faire. Par exemple, tu évoquais la question de la musicothérapie. Il y a énormément de travaux qui sont conduits sur ces thérapies-là, pour une raison, c'est que ça permet de mobiliser finalement la sphère cognitive. Même pour des gens qui ne parlent plus, qui n'ont plus l'accès à la parole ou qui ne savent plus lire parce que quand on a Alzheimer, au bout d'un moment, le cerveau n'arrive plus à interpréter la lecture, n'arrive plus forcément à trouver les bons mots, on fait de la phasie, on fait plein de choses. Sur la colloque de Zilli-Seim, c'est résolument l'approche qu'on a choisie parce que, par exemple, on a une thérapie non médicamenteuse qu'on utilise dans la colocation qui est la thérapie par le voyage. un mode d'accompagnement qui est encore différent. Tu vas découvrir encore une nouvelle solution. Ça vient de l'université de Como, je crois, donc tout proche de la frontière avec la Suisse, de Como-Lugano, je crois, où ils se sont rendus compte qu'en reproduisant une fausse cabine de train, en mettant en place toute une démarche d'accompagnement des personnes, où on simule finalement la montée dans le train, on arrive à revisiter des souvenirs de la personne très ancien. Et donc la personne rentre dans une fausse cabine, elle a un écran de télé qui fait comme la vitre du wagon, et on voit le paysage défiler. En fait, en utilisant cette thérapie avec toute une démarche scientifique autour, ça peut permettre de rediscuter avec des personnes, de les remobiliser, surtout d'apaiser leurs angoisses, et finalement d'aider à ce qu'ils vivent mieux leur vie. Alors c'est jamais miraculeux, c'est pas parce qu'on fait de la thérapie par le voyage ou... ou de la musicothérapie, que la maladie disparaît. Mais si ça permet à la personne de mieux vivre ses difficultés, si ça permet à l'aidant d'avoir deux heures de répit, si ça permet finalement de créer des moments de bonheur, c'est ça qui est important dans la vie, qu'on soit valide ou un peu plus extraordinaire.

  • Speaker #1

    Famille Solidaire, dont tu es le fondateur Jean Ruch, c'est aussi la possibilité d'accueillir plein de gens différents, puisqu'on va peut-être lister ensemble ceux et celles qui peuvent être intéressés pour entrer en contact avec Famille Solidaire. Il y a d'abord ceux qui ont de l'argent et qui veulent investir dans un immobilier partagé et solidaire. Il y a les aidants. qui peuvent se perdre dans le massif administratif auquel ils font face. Mais il y a aussi évidemment les malades, les personnes âgées et puis sans doute d'autres. Quels sont les gens que tu recherches, qui peuvent ? Il y a aussi de la formation professionnelle me semble-t-il.

  • Speaker #0

    De quoi on a besoin du côté de Famille Solidaire aujourd'hui ? C'est de plein de choses, je vais les décrire de façon complètement désordonnée, mais si je suis l'histoire de Famille Solidaire, les premiers qui ont cru dans l'aventure, c'était des investisseurs solidaires. Donc c'est cette famille qui ont mis 180 000 euros dans l'entreprise Solidaire. Aujourd'hui, ça fait 7 millions d'euros de capital social, mais en gros, les cinq premières années, on a collecté un million d'euros de gens qui étaient convaincus par ce qu'on faisait, et aujourd'hui, on a des banques. Donc ça facilite un peu, puisqu'il faut qu'on... On trouve des capitaux, mais on peut toujours devenir actionnaire solidaire personne physique. J'ai un peu de sous, je ne veux pas forcément les mettre sur mon livret A parce que je veux leur donner un peu plus de sens. Vous pouvez les investir dans la foncière famille solidaire. Ça donne 25% de réduction d'impôt sur l'investissement. Donc si vous mettez 100 000 euros, vous êtes propriétaire de 100 000 euros d'actions. Vous pouvez déduire 25 000 euros de vos impôts par exemple. Et c'est pareil à 1 000, à 10 000, peu importe le chiffre. C'est juste pour expliquer le principe. Donc 25% de l'investissement est déductible des impôts. Ça, c'est une façon de nous soutenir. Ça permet de créer des projets auxquels les gens ne croient pas toujours. Les banques, elles ne croient pas toujours quand on leur dit on va monter une coloc Alzheimer. Ils se disent mais ils sont complètement fous. Ces gens-là, ça ne va jamais marcher. Ils sont attaqués aux gens les plus compliqués. Et on l'a entendu à de nombreuses reprises. Mais concrètement, on sait que ça marche. On sait que ça existe dans d'autres endroits. Donc il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas capable de le faire en Alsace comme ailleurs. De l'investisseur solidaire, on en a besoin. On a besoin de bénévoles aussi. Je pense aux bénévoles qui se mobilisent sur la maison de Bansenheim. On a quelques bénévoles qui viennent régulièrement pour aider pour les activités. A Zillisheim, je pense à Pierina, je pense à Pascal, je pense à un certain nombre de gens qui viennent filer un coup de main, des fois deux heures, pour aller se balader avec un locataire dans le village. venir aider à faire du bricolage dans le jardin ou à entretenir le jardin. On a besoin de bénévoles sur des engagements qui peuvent être compatibles avec des choix. Parce qu'aujourd'hui, les bénévoles, ils n'ont plus forcément envie de venir toutes les semaines. Et puis, trois jours dans la semaine. Donc, on sait s'adapter aussi aux gens qui nous contactent. On a beaucoup d'appels d'aidants qui cherchent des solutions. Alors malheureusement, je vous donnais les chiffres tout à l'heure des colocs Alzheimer. Il y a 60 colocs Alzheimer en France. Il y en a 3700 en Allemagne. Donc... En France, on est encore loin de pouvoir dire qu'on est une solution facilement mobilisable si quelqu'un a besoin. Mais on sait aussi accompagner, et c'est ce qu'on fait depuis le début de la création de Famille Solidaire, d'autres porteurs de projets. Aujourd'hui, j'accompagne à peu près 35 porteurs de projets en France. Ça peut être des services à la personne, des assos médico-socials, ça peut être des aidants qui veulent créer. Souvent, c'est des parents d'enfants autistes. qui veulent créer une coloc ou des appartements regroupés et qui appellent en disant « Je ne comprends rien à tout ce secteur, mais j'ai envie parce que je n'ai pas de solution pour mon gosse, je n'ai pas de place en hébergement, je vieillis, je muse. » Et c'est vrai que ce sont des situations qui peuvent être très compliquées pour tout le monde, que ce soit la personne aidée ou l'aidant. Donc on accompagne ces gens-là en formation. et en conseil. Donc on les aide à monter leurs projets, à revoir les plans, à trouver des architectes, à faire les plans de financement. Évidemment, comme on a aussi besoin de vivre, parce qu'une association, c'est plus comme il y a 50 ans. Aujourd'hui, dans le groupe associatif, on n'a qu'un salarié. Donc le fonctionnement du groupe implique presque 700 000 euros de masse salariale. Donc évidemment, on donne des conseils aux associations. On le fait de façon assez modeste quand c'est bénévole. On fait quelques heures de temps en temps données à quelques porteurs de projet et puis les autres porteurs de projet financent cette intervention pour qu'on puisse les conseiller. Mais ça permet de faire émerger des projets. On a accompagné Véronique à Pézenas. C'est une maman dont deux enfants sur trois et le mari avait la maladie de Huntington qui est une maladie neuroévolutive à la montée. des logements pour personnes touchées par la maladie de Huntington. Ce sont des gens qui ont énormément d'énergie, de belles valeurs, et puis surtout qui ont une vision de la vie qui est quand même très différente. Quand on a été confronté plein de fois finalement à des situations critiques, je crois qu'on se concentre peut-être un peu moins sur son plan de carrière, sur le consumérisme, sur le matérialisme, et qu'on se dit, quand on arrive à... j'allais dire à y survivre, quand on arrive à s'en sortir, on se dit qu'on a beaucoup de chance. C'est ça qui est paradoxal. Là où beaucoup de gens qui ont énormément de moyens matériels et qui vivent dans le luxe, dès qu'il leur arrive le moins de petits pépins de santé, on a l'impression que c'est la fin du monde. Je trouve que les aidants sont très résilients. On a besoin d'investisseurs, on a besoin de bénévoles, on a besoin de porteurs de projets qui... porte cette question de l'habitat inclusif partout en France. Et là, on va lancer d'ici la fin mai un appel à projet pour soutenir 10 projets de colocation Alzheimer en France avec un accompagnement pendant 18 mois. Là, ça sera entièrement gratuit, financé par une grande fondation. Et notre objectif, c'est de permettre et de dire oui, c'est possible de faire des colocs Alzheimer, même si on continue à faire des EHPAD. L'un n'empêche pas l'autre et on a besoin des deux solutions. Parce que ce qui est le plus difficile quand on perd en autonomie, lorsqu'il s'agit de quitter son domicile, il y a effectivement l'attachement historique, la maison où on a élevé ses enfants, parfois la maison où on a passé toute sa vie, ça existe encore. Mais ce qui est surtout compliqué dans le fait de vieillir, c'est finalement d'avoir... au fur et à mesure un appauvrissement du lien social. Parce que quand on a une mobilité difficile, on sort moins de chez soi, donc on voit moins les voisins. Et puis progressivement, quand cette perte d'autonomie va toucher la sphère intellectuelle, j'allais dire, on va être moins capable d'adaptation, on va moins supporter le bruit, on va moins supporter les autres. C'est un processus qui est assez systématique. Ça ne veut pas dire que tout le monde le vit de la même façon. On a une tendance naturelle avec le vieillissement à se mettre en retrait social. S'il n'y a pas des personnes qui rattrapent ça, on peut vite se retrouver avec des gens qui décèdent à domicile et qu'on retrouve trois semaines plus tard. C'est la réalité de notre monde aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, et puis on ne va pas forcément découvrir TikTok ou Instagram à 75 ans, c'est vrai. Question transfrontalière en passant, s'il y a tellement plus de possibilités en Allemagne concernant l'accueil des malades d'Alzheimer, est-ce que les Alsaciens, par exemple, peuvent aller en Allemagne ?

  • Speaker #0

    Dans des Wohngemeinschafts, donc Wohngemeinschaft, ça veut dire « habitant inclusif » en allemand. Je ne saurais pas répondre à cette question, mais je m'engage à chercher la réponse pour la prochaine fois qu'on se voit. Ce que je sais, c'est que par exemple, moi, j'ai découvert les Wohngen-Mainschaft en allant visiter le quartier Vauban à Fribourg. Vous vous baladez dans un quartier, il y a donc en autopromotion, l'Allemagne, les Baugruppen, où on donne un...

  • Speaker #1

    Autopromotion,

  • Speaker #0

    on peut peut-être expliquer que c'est pour ceux qui ne savent pas. Alors, pourquoi c'est différent la France et l'Allemagne par rapport à cette question de l'habitat inclusif et des Wohngen-Mainschaft ? L'Allemagne, après la Deuxième Guerre mondiale, a été démilitarisée. À Fribourg, on avait une énorme caserne qui était quasiment en plein centre de la ville. Les pouvoirs publics ont été plutôt intelligents et ont dit « on va essayer un nouveau mode de construction d'habitat, c'est que 99% de la promotion immobilière en France, c'est les promoteurs. » Il y a assez peu de gens qui construisent par eux-mêmes. Et donc, ils ont lancé des appels à projets pour... On a regroupé quelques personnes qui avaient envie d'habiter dans le quartier en leur disant, voilà, on vous donne un terrain, imaginez un projet architectural et faites le construire. Et donc ça, ça s'est énormément développé. Et donc on se retrouve avec des quartiers extrêmement riches socialement, parce que les gens se parlent beaucoup. Alors c'est peut-être un peu bourgeois bohème par certains côtés, mais pas que. Et donc tout ça a permis finalement d'assurer un renouvellement immobilier, parce qu'il y avait besoin de tout ça. Et l'habitat inclusif, il arrive à peu près au même moment, fin des années 90, des grandes demeures bourgeoises vides. On a besoin de trouver des solutions pragmatiques pour des personnes âgées, des personnes en situation de handicap. On transforme ces grandes maisons finalement en appartements regroupés avec un espace commun et c'est comme ça que sont nées les colocations Alzheimer. A l'inverse, en Allemagne, vous avez énormément de mal à trouver un établissement d'hébergement. Il y en a beaucoup moins qu'en France et en fait c'est un choix sociétal qui a été fait il y a plus de 40 ans maintenant. La France a choisi l'institutionnalisation et est d'ailleurs régulièrement dénoncée par l'Organisation des Nations Unies dans le cadre de la Convention des Nations Unies pour les personnes handicapées en disant « ce que vous faites relève du siècle dernier, il faut arriver à ouvrir les institutions, il faut permettre aux personnes en perte d'autonomie, même aux personnes les plus lourdement handicapées, d'avoir les mêmes droits que les autres citoyens parce que sinon c'est... » Ce n'est plus la charte universelle des droits de l'homme, sinon on revient à ce qu'on a connu, j'allais dire toute l'institutionnalisation dans le sens négatif du terme. Et donc l'Allemagne, il y a énormément d'habitats inclusifs, mais il y a très peu d'établissements d'hébergement. En France, vous avez beaucoup d'établissements d'hébergement et très peu de colocations, très peu d'habitats inclusifs.

  • Speaker #1

    Allez visiter Freiburg, le quartier Vauban, la cathédrale et puis ces saucisses vegan au pied de la cathédrale. Alors Jean Ruch de Famille Solidaire, on peut te rencontrer dans le cadre de À votre santé, le mois de la santé et de la recherche médicale, le vendredi 28 mars 2025 à 20h au Cinéma Bel Air, projection du film The Father avec Anthony Hopkins, qui parle de la maladie d'Alzheimer, et puis c'est un ciné-débat, c'est tout gratuit. Et puis on peut rencontrer Jean Ruch de Famille Solidaire et d'autres intervenants. Mais sinon, peut-être, avant de conclure, Famille Solidaire, où est-ce qu'on le trouve, puisque vous êtes présent dans cinq régions de France, sur Internet ? Enfin, si on veut attraper Jean Ruch, si on veut parler à quelqu'un de Famille Solidaire, on clique où ? On fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je dirais, hormis pour les auditeurs qui sont en Polynésie française, je vous invite pour nos amis alsaciens... En proximité, vous allez sur votre moteur de recherche, vous tapez Famille Solidaire Alsace et vous tomberez sur le site internet de l'association qui oeuvre sur différents territoires en Alsace. On est présent à Schleital, le plus long village d'Alsace à 6 km de Wissenburg, dans le 67. On a un habitat inclusif sur Ilkirch-Grafenstaden, pour des personnes en situation de handicap au sud de l'agglomération de Strasbourg. On a également investi la Maison pour tous de Bansenheim avec le soutien de la mairie il y a un peu plus de deux ans maintenant, où on accueille cinq locataires âgés et en situation de handicap et puis sur Dillisheim et puis bien sûr notre siège social à Mulhouse qui est 14 avenue Tassigny. On est présent assez régulièrement dans plein de manifestations. N'hésitez pas à nous faire un petit message si vous avez des besoins pour réagir, pour dire c'est bien, c'est nul ce que vous faites. Vous savez quand on entreprend... On a souvent besoin de signaux faibles pour se dire qu'on est en phase avec la société. Et que ce qu'on dit, parce que quand je parle de la dépendance, c'est sûr que je ne dresse pas un portrait de notre monde qui est hyper encourageant. Mais si on ne dénonce pas ce qui ne fonctionne pas, ça ne change jamais. Et pour ma part, en tant qu'aidant, j'y ai été confronté à de nombreuses reprises. Venez à notre rencontre, venez à cette soirée du mois de mars. Et puis globalement, sinon, vous pouvez envoyer un petit message sur info.at.famille.com. Le tiret du milieu, solidaire.com. On essaiera de vous répondre dans les meilleurs délais. Et on espère surtout avoir l'occasion de vous croiser.

  • Speaker #1

    Dernière question, parce que j'y pense, tu cites les mairies comme partenaires souvent des projets Familles Solidaires. Les municipalités vont être renouvelées en mars 2026. Est-ce qu'il y a des revendications, des messages apportés auprès des candidats pour qu'ils soient plus actifs en direction ?

  • Speaker #0

    Oui. Oui, clairement. Je pense que ce n'est pas la responsabilité uniquement des maires, ou uniquement des départements, ou uniquement des conseils régionaux. Mais ce qui serait bien, c'est qu'il y a dix ans, au niveau du gouvernement, on a créé le comité interministériel. Parce qu'en fait, on ne parlait de handicap qu'au ministère de la Santé. Ce qui serait super, c'est que les mairies se sentent... tout autant concernés par les personnes en situation de handicap et en perte d'autonomie que par l'assainissement ou le réseau d'éclairage public. Parce que nos concitoyens, c'est souvent aux plus proches qu'on les repère, c'est aux plus proches qu'ils ont besoin de soutien. Et donc cette compétence handicap, qu'on ne s'abrite pas toujours derrière « Ah mais ce n'est pas moi qui suis le financeur, donc allez vous adresser à tel financeur » . On est tous responsables de la situation actuelle. On a tous besoin qu'elle évolue, ne serait-ce que pour nos besoins individuels futurs, parce qu'on aura des besoins. Oui, il serait quand même grand temps qu'au lieu de parler tout le temps d'immigration, on parle des 13 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, des 3 millions de personnes dépendantes, et de leurs 11 millions d'aidants qui sont pour 60% d'entre eux, donc 6 millions d'entre eux, ils bossent et ils s'occupent d'un proche. Ça veut dire que... C'est des femmes de 40-50 ans qui s'occupent d'une maman qui perd de l'autonomie, qui vont le matin, le midi, le soir. Et ça, personne ne le reconnaît. Donc oui, ouvrez les yeux, messieurs les élus, parce que je pense que les femmes ont une vision beaucoup plus claire de ce que veut dire la perte d'autonomie pour s'en occuper depuis des siècles. Ouvrez les yeux et arrêtez de dire que c'est de la compétence des autres, c'est de la compétence de tout le monde d'accueillir les personnes correctement.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jean-Ruch, fondateur de Famille Solidaire, qu'on peut retrouver au Ciné-Débat, au cinéma Bel Air à Mulhouse le vendredi 28 mars 2025 à 20h. C'est gratuit, c'est en tram Bel Air et sinon sur internet famillesolidaire.com. Merci beaucoup Jean-Ruch.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt. Vis une nouvelle expérience. Écoute la nef des sciences. Participe à l'aventure des podcasts Science et Culture.

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VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


Le Mulhousien Jean Ruch est le fondateur du groupe associatif FAMILLES SOLIDAIRES créé en 2012 qui a pour but de développer l'habitat inclusif pour les personnes fragilisées. Présente dans cinq régions françaises, cette entreprise immobilière à but non lucratif invente une solidarité nouvelle pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les malades qui ne sont plus autonomes. Entretien pour découvrir les 11 millions d'aidants familiaux, les problèmes sociétaux immenses que la dépendance croissante pose et surtout les solutions pleines d'espoir portées par ce groupe associatif pas comme les autres.


Entretien réalisé le 7 mars 2025 pour la Nef des sciences et À VOTRE SANTÉ ! le mois de la santé et de la recherche médicale en Alsace et dans le Grand Est. Propos recueillis par Jean-Luc Wertenschlag pour Radio Quetsch, L'Alterpresse et Warum Net Experience.


Rencontrez JEAN RUCH vendredi 28 mars 2025 à 20h au cinéma Bel Air, rue Fénelon à Mulhouse, à l'occasion d'un ciné-débat gratuit. Projection du film THE FATHER suivie d'une rencontre avec Jean Ruch et d'autres intervenants.



VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


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Transcription

  • Speaker #0

    Vis une nouvelle expérience, écoute la nef des sciences, participe à l'aventure des podcasts sciences et cultures.

  • Speaker #1

    Nous sommes le 7 mars 2025 en compagnie de Jean Ruch, fondateur et président de Famille Solidaire. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Alors, on va peut-être d'abord te... présenter, avant de présenter ce groupe associatif Famille Solidaire, mais qui es-tu

  • Speaker #0

    Jean-Ruch ? Alors moi je suis un mulhousien de naissance j'ai 48 ans, deux enfants, un parcours associatif assez riche dans divers associations et de métier initial je suis monteur de film et aujourd'hui je suis dirigeant d'entreprise.

  • Speaker #1

    Une entreprise multiple, à multiples facettes, qui s'appelle Famille Solidaire. Alors, est-ce qu'on commence par expliquer ce groupe associatif Famille Solidaire, peut-être ?

  • Speaker #0

    Oui, alors, quand on parle d'entreprise, c'est vrai que ce n'est pas commun de parler d'association. On n'a pas ce réflexe. En général, on sépare bien l'entreprise lucrative de l'association qui est non lucrative. Famille Solidaire, c'est une entreprise solidaire d'utilité sociale. Ça veut dire que... que l'objectif de Famille Solidaire, comme toute entreprise, est d'atteindre un équilibre économique, mais que son premier objectif est surtout de servir une utilité sociale. Et donc, tout ça pour dire que Famille Solidaire, dans son ensemble, est un groupe associatif composé d'associations et d'entreprises solidaires dont l'objectif commun est de permettre à des personnes fragilisées par l'âge, la maladie ou le handicap, de vivre avec et comme les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire simplement qu'on rassemble sur cinq régions françaises aujourd'hui des proches aidants de personnes en situation de handicap ou des personnes âgées dépendantes qui cherchent à inventer de nouvelles solutions pour l'accueil de leurs proches. Parce que si on se penche un tout petit peu sur le sujet des aidants, il y a 11 millions de personnes en France qui accompagnent un proche en perte d'autonomie. 11 millions, c'est un Français sur six. Ça veut dire que concrètement... dans nos vies, à un moment ou à un autre, on sera concerné par des parents qui perdent de l'autonomie, parfois par des enfants en situation de handicap et probablement, si on vieillit, par sa propre perte d'autonomie. Donc c'est un enjeu sociétal important aujourd'hui et démographiquement ça va devenir un enjeu de société centrale dans les 30 prochaines années puisqu'on aura bientôt plus d'un tiers de la population française qui aura plus de 65 ans.

  • Speaker #1

    Sauf si on ouvre les frontières et qu'on accueille des jeunes immigrés pour nous aider, comme ça se passe souvent dans les pays trop riches et trop vieux.

  • Speaker #0

    Je pense en tout cas que penser aujourd'hui le vieillissement des personnes âgées, l'accompagnement des personnes en situation de handicap, en se privant des richesses liées à l'immigration, ça va être très compliqué pour notre pays. Aujourd'hui, vous avez un papa et une maman à domicile. vous cherchez une auxiliaire de vie pour venir lui faire la toilette, l'aider à faire ses courses ou ne serait-ce qu'aller se balader au parc, je vous souhaite bien du courage. Parce qu'il y a une crise des vocations majeures, qui manque de main-d'œuvre et que les personnes qui y travaillent ne sont pas toutes formées. Donc ce qui amène à des complexités, notamment pour les personnes les plus dépendantes.

  • Speaker #1

    Mais Jean-Ruch, tu t'es engagé dans l'action en faveur des personnes fragilisées. Par l'âge, la maladie, le handicap, est-ce que, pourquoi cette vocation ? Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans ce combat ?

  • Speaker #0

    D'abord, je pense qu'il y a un terreau familial. J'ai des parents qui étaient très investis dans le monde associatif. Et puis, dans ma vie, est arrivé à un moment donné un accident de vie. Ma compagne, quand j'avais 16 ans, c'était mon amour de jeunesse à l'époque, c'était pas... Ma compagne a eu un grave accident de la route l'année de ses 18 ans. Elle a fait 6 semaines de coma, 6 mois de rééducation, et elle s'en est sortie relativement bien au niveau physique. Mais le physique c'est une chose. La majorité des handicaps aujourd'hui en France ne sont pas physiques. Ils peuvent être psychiques, ils peuvent être cognitifs, ils peuvent être intellectuels, ils peuvent être sensoriels. Et dans le cas de ma compagne à l'époque, ça a été un handicap qu'on appelle une cérébro-lésion acquise, c'est-à-dire le coma, l'accident, l'hémorragie cérébrale comme on voit dans les films américains. Mais malheureusement pour elle, ce n'est pas un film américain et donc elle ne s'est pas réveillée avec des super pouvoirs, mais plutôt avec la difficulté à se rappeler. le nom de ses amis, ce qu'elle avait fait dans la journée, ce qu'elle devait faire dans une heure et ce qui s'était passé il y a cinq minutes, puisque c'est de ce niveau-là la situation des personnes qui ont des lésions cérébrales acquises, que ce soit des AVC, des traumas crâniens, des scléroses en plaques, ça touche le cerveau. Et donc, ça crée des handicaps invisibles qui empêchent très souvent d'accéder au monde du travail. Et de fait, ça crée des personnes pauvres, parce qu'elles n'accéderont pas forcément au travail. Et ça crée surtout des personnes dépendantes de leur entourage, puisque nous, on a eu la chance de pouvoir quand même avoir deux enfants. Mais c'est une organisation et ça demande énormément d'investissement des proches qui entourent la personne qui a des troubles cognitifs. On le comprend facilement sur les personnes âgées. Quand on parle aux gens de la maladie d'Alzheimer par exemple, tout le monde en a peur parce que c'est une maladie qui est terrible. On perd progressivement sa capacité de mémoire, sa capacité d'organisation, on perd la mémoire de ses proches, de ses enfants, de ses petits-enfants. Donc quand on a 20 ans et qu'on a un accident de la route et qu'on se retrouve dans une situation proche, évidemment c'est très compliqué à gérer parce qu'il faut retrouver un nouveau sens à l'existence qui n'est pas forcément celui de travailler. Parce que le travail ne veut pas de vous. Il faut être, aujourd'hui, si on se dit les choses concrètement, dans le monde du travail, il faut pouvoir faire quatre choses en même temps, être productif, ce qui n'est plus possible pour une personne traumatisée crânienne. Donc quand je suis sorti avec Flavie à 18 ans, je n'imaginais pas tout ce qui allait se passer deux ans plus tard. Il y a eu cet accident. Et puis on a continué notre petit bonhomme de chemin. On a découvert le handicap ensemble. On a découvert la parentalité ensemble. On a découvert l'aide à la parentalité aussi. Parce que... Gérer des nourrissons quand on a des troubles de la mémoire, c'est compliqué. Et pour autant, on a quand même reconstruit une vie malgré, je dirais, l'événement initial qui aurait pu se terminer dramatiquement.

  • Speaker #1

    Jean-Ruch, le handicap que tu as découvert dans ta jeunesse, C'est quelque chose qui n'est pas aujourd'hui véritablement pris en compte, me semble-t-il, dans notre société à un niveau politique. C'est-à-dire qu'on parle régulièrement de handicap, on vote des lois qui ne sont pas appliquées. L'accessibilité pour tous et toutes, par exemple, on l'a voté il y a quelques années, ce n'est toujours pas effectif. Tu as écrit un livre, par exemple. Les aidants familiaux pour les nuls en 2017, si ma mémoire est bonne. Pourquoi le handicap n'existe pas vraiment dans notre société médiatiquement, culturellement, politiquement ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il fait peur le handicap. La perte d'autonomie, ça nous renvoie quelque part à ce qui nous arrivera tous un jour, c'est le fait de disparaître. Et dans le processus, notre société... Jusqu'au Covid a quand même été énormément basé sur la performance professionnelle. Quelqu'un qui n'avait pas de travail n'avait pas de position sociale, aujourd'hui ça change un petit peu. Donc le monde du handicap, il fait peur depuis très longtemps. Et les gens, je ne suis pas sûr que ça soit une peur des personnes handicapées, mais c'est à mon avis souvent l'incapacité à savoir comment réagir parce que les gens ne savent pas, ne connaissent pas. Donc le handicap a évolué. Il y a... Il y a 200-300 ans, on n'était pas loin parfois de l'eugénisme. Les personnes en situation de handicap avaient une espérance de vie autour de 20-25 ans puisqu'elles vivaient dans des structures plus ou moins bienfaisantes pour leur santé. Ensuite, il y a eu l'industrialisation de la France, on a commencé à mettre en place des hospices, il y a toute la tradition chrétienne d'accueil des malades dans les asiles, dans les monastères, etc. Et on est arrivé en fait à un monde où on a quand même de plus en plus de situations de fragilité, en tout cas on reconnaît de plus en plus de situations de fragilité. On n'a pas multiplié par 10 le nombre de personnes handicapées depuis 40 ans. En fait on a simplement accepté de dire que d'avoir une dyspraxie, une dyscalculie ou d'avoir un trouble du neurodéveloppement, c'est un handicap. Parce qu'on a fait évoluer la définition du handicap dans les années 75. Il faut se dire qu'avant 1975, il n'y avait aucun établissement d'hébergement pour personnes handicapées. Ça n'existait pas. En 1975, il y a eu une première loi sur le handicap, où on parlait de déficience, d'incapacité. Donc tu étais trisomique, tu étais amputé, tu étais paraplégique. Parce que tu étais toujours vu en fonction de ton empêchement, de ton handicap, de ta maladie, etc. C'était un modèle très médical, ce qu'on appelait le modèle de Wood, qui est un modèle qui a préexisté et qui disait, en gros, quand on a un handicap physique, parfois on peut le compenser. Mais on reste le handicap physique. Depuis la loi de 2005, celle dont tu parlais, qui notamment traite des questions d'accessibilité des bâtiments publics, la définition du handicap a changé. On dit du handicap, la définition de la loi de 2005, c'est « constitue un handicap au sens de la présente loi, toute limitation d'activité et restriction de participation liée à un handicap physique, sensoriel, cognitif, intellectuel ou à un trouble du neurodéveloppement ou à une maladie qui excède une durée d'un an. » Donc aujourd'hui, on peut être en situation de handicap quand on a un cancer. On peut aussi être en situation de handicap quand on est avec un handicap, comme dans la trisomie 21 par exemple. Mais on peut aussi découvrir au fur et à mesure que son gamin ne se développe pas comme il devrait biologiquement, au fur et à mesure, ce qu'on appelle les troubles du neurodéveloppement, l'autisme notamment. Il y en a de plus en plus. Aujourd'hui, il y a un enfant sur 100 qui naît autiste parce qu'on a amélioré le diagnostic. Je ne suis pas sûr qu'on... produisent plus de handicap qu'il y a 100 ans. Mais en tout cas, on le reconnaît mieux, on l'accepte un petit peu mieux. Il y a deux façons de le voir. Il y a la façon quand on est concerné, quand on a besoin de réponses rapides, urgentes, qu'on a un enfant dont on vient de détecter le handicap et qu'on nous dit qu'il faut qu'il aille à l'école. Et puis le combat pour avoir une auxiliaire de vie scolaire, etc. Là, c'est un combat qui est urgent. Les familles n'ont pas la même représentation du temps. que les administrations. Si je le regarde du côté des familles, c'est insuffisant, ce n'est pas satisfaisant. Il y aurait encore des milliards de choses à améliorer. C'est le point de vue que j'ai. Si je le regarde du point de vue sociétal, depuis 2005, on a énormément d'enfants qui vont à l'école. Ça a eu un effet sociétal. C'est-à-dire qu'on s'est habitué à ce que les personnes en situation de handicap, les personnes en perte d'autonomie, vivent au milieu de nous. Ça rejoint d'ailleurs le... La maxime de Famille Solidaire qui est permettre à des personnes de vivre avec et comme les autres. Et c'est tout l'esprit de l'inclusion, c'est tout l'esprit de la loi de 2005, c'est aussi une nouvelle définition du handicap, on n'est pas que un pied, un foie, un estomac, un cerveau, on est une personne et même si on est en situation de handicap, on a le droit d'avoir ses choix, ses incohérences, comme n'importe quel citoyen de notre monde.

  • Speaker #1

    Oui, et on peut voter aussi. Famille Solidaire s'est créée quand ?

  • Speaker #0

    Famille Solidaire s'est créée en 2012. C'était le rassemblement de 7 amis et familles qui ont décidé collectivement de mettre un peu d'argent dans une entreprise d'utilité sociale. On a mis 180 000 euros en 2012 avec comme leitmotiv de créer un outil qui permette de créer de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif, c'est une façon de vivre ensemble pour des personnes âgées ou en situation de handicap, où finalement on accepte de vivre ensemble parce qu'on a envie de lutter contre l'isolement social, parce qu'on a envie d'avoir des voisins, parce qu'on a envie d'avoir une animation de cette vie sociale. C'est dans cet esprit-là que j'ai créé le premier habitat inclusif avec Famille Solidaire en 2012. L'idée, c'était de permettre à des personnes traumatisées crâniennes sur Strasbourg de vivre en coloc, de partager le petit bout de la réponse qu'ils avaient, puisqu'ils avaient tous 3 heures d'aide humaine, 3-4 heures d'aide humaine, mais ils vivaient tous à la maison parce que quand on n'a pas de mémoire, quand on n'a pas d'orientation dans le temps et dans l'espace, en fait on n'a pas besoin de 3 heures par jour, on n'a pas besoin de 24 heures sur 24 non plus, mais on a besoin de 5 minutes réparties aléatoirement dans la journée 24 fois. Donc concrètement, des aidants qui ont un gamin cérébro-lésé ou un adulte cérébro-lésé à la maison, Ils n'osent jamais le laisser seul parce que c'est toujours dans les moments où les personnes sont seules que se produisent les difficultés. Donc ils n'ont pas de solution pour l'avenir, puisqu'il y a très peu de places en hébergement, très très très peu. Et vivre seul à domicile, si la personne est seulement sécure pendant 3 heures sur 24 heures, évidemment les parents ne lâchent pas. L'habitat inclusif est venu s'insérer à ce moment-là, quand chacun avait cette petite dotation en aide humaine, pour dire que si on se rassemble, on crée les conditions d'une permanence. On crée les conditions qui permettent à des aidants de se dire, mon gamin, il va être bien en colocation avec ses cinq autres potes autistes ou des personnes plus âgées qui vont vivre dans une colocation Alzheimer comme à Zillisheim par exemple. Et donc c'est tout ça qui a permis finalement de créer de l'habitat inclusif et donc 12 ans après, cette entreprise solidaire, cette foncière famille solidaire, aujourd'hui elle pèse 7 millions d'euros de capital social, on a une... dizaines de sociétés de gestion qui sont investies, de différentes banques, BNP Paribas, Crédit Coopératif, Caisse d'épargne, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Crédit Mutuel Arkea, qui on a d'autres encore, on a des fonds communs de placement, des gens qui acceptent de nous confier une partie d'argent pour qu'on crée des immeubles, des appartements, des maisons où les gens vivent ensemble, où ils sont soutenus pour vivre ensemble. et où on les aide à organiser l'écosystème de leur autonomie. L'écosystème de leur autonomie à domicile, c'est quoi ? Le plus simple pour que les auditeurs comprennent, quand on a une maman ou un papa qui perdent l'autonomie à domicile, le premier réflexe qu'on a, parce qu'on a peur qu'ils tombent, on va commencer à mettre une télé-alarme. Sauf que souvent, le beeper ou le bracelet ou le médaillon, il est sur la table de nuit, et puis le grand-père, il est dans la salle de bain par terre à ne pouvoir rappeler personne. Ce qui motive souvent la mise en place de tout ça, c'est la peur. Donc une fois qu'on a mis le médaillon, on se rend compte que le médaillon, ça ne fonctionne pas toujours. Et puis que la personne, elle a d'autres besoins. Elle a besoin d'aide pour la toilette, elle a besoin parfois d'aide pour faire ses courses, puisqu'elle se déplace moins bien. Donc on va commencer à chercher une auxiliaire de vie sociale. Donc auxiliaire de vie sociale, c'est un travailleur social qui intervient à domicile pour compenser les effets du handicap. qu'il soit physique par exemple aider une personne en fauteuil roulant à faire son transfert pour aller dans sa douche si elle peut pas le faire par elle même et lui faire j'allais dire lui rendre des services qui sont liés à son handicap ça c'est une façon compensée il y a des handicaps qui sont plus complexes à compenser on parlait des personnes cérébralisées traumatisées crâniennes mais comme elles ont des besoins aléatoires c'est extrêmement complexe en individuel de vivre seul et donc l'habitat inclusif permet ce regroupement de personnes, permet de créer les conditions d'un système qui survivra aux aidants. Parce que la principale inquiétude des parents proches aidants, c'est qu'est-ce qu'il devient si moi je ne suis plus en capacité de l'accompagner. Et nous, on accueille dans nos habitats pour personnes âgées des gens qui ont des enfants en situation de handicap et en général, quand ça craque, ça craque. La fille, le fils est placé, la maman aussi. Et les gens, ils ont tenu tout ça à bout de bras pendant 30, 40, 50 ans, sans rien demander à personne. Et je ne crois pas que beaucoup de gens soient conscients aujourd'hui dans notre monde, mais pour vivre en France correctement, en bénéficiant d'aide, on a toujours l'image de la fraude sociale qui coûte très cher, etc. Moi, je vous dirais que pour aujourd'hui bénéficier des aides sociales, pour bénéficier... d'allocations pour aider une personne en perte d'autonomie, il faut surtout avoir un master en bureaucratie. Parce que vous avez 5, 6 interlocuteurs, on vous parle de choses dont c'est la première fois que vous entendez parler. On vous demande d'être un peu assistante sociale, un peu psychologue, un peu infirmière, parce qu'il n'y en a plus assez pour venir faire la toilette de votre maman. Donc parfois on se retrouve à prendre des positions en tant qu'aidant qu'on ne devrait pas prendre. Et donc l'habitat inclusif, en fait, il vient à cet endroit-là. Il vient créer un système entre familles pour permettre à des personnes d'être rassurées sur leur futur et puis surtout pour permettre aux locataires d'avoir une vie de citoyen la plus ordinaire possible. Je finis sur un chiffre qui est assez révélateur quand même de notre positionnement. En France, on a à peu près 60 colocations Alzheimer. En Allemagne, il y en a 3 700 parce que c'est le mode majoritaire d'accueil des personnes âgées qui ont la maladie d'Alzheimer. Et c'est un vrai choix de société.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs l'opération Mulhouse Loves Freiburg qui n'a rien à voir avec Alzheimer, c'est aussi aller voir en Allemagne ce qui se passe culturellement, socialement, politiquement, parce qu'ils ont tellement, tellement, tellement de choses à nous apprendre. Mais Jean Ruch, fondateur de Famille Solidaire en 2012, depuis du chemin a été parcouru, des bâtiments ont été construits, vous êtes présent dans cinq régions. On peut prendre un exemple local, si possible, autour de Mulhouse, pour comment ça se passe, comment ça marche, comment ça fonctionne ?

  • Speaker #0

    L'exemple qui me paraît le plus révélateur de la richesse et de la complexité de l'habitat inclusif, c'est la colocation Alzheimer que nous avons construite à Zillisheim. Donc Zillisheim, c'est une petite commune autour de Mulhouse, qui a un peu plus de 1000 habitants, village plutôt bien conservé en termes de services, de commerce, de présence publique. Donc on a... une pharmacie, un petit supermarché, on a la mairie, on a un tabac, on a un bar, un cabinet infirmier, des médecins, etc. Donc un village où il fait plutôt bon vivre quand on est relativement autonome. Et on a eu la proposition de s'associer avec un architecte, donc l'agence AMRS à Flaxlanden, pour porter un projet immobilier d'un lotissement qui s'appelle le Domaine des Hirondelles, dans lequel... Famille Solidaire a acheté un appartement de 300 m² et a installé une colocation pour 8 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Donc 8 personnes, aujourd'hui de plus de 60 ans, qui ont jusqu'à 98 ans, qui ont toutes comme point commun d'avoir quand même une maladie relativement avancée, c'est-à-dire des difficultés d'orientation dans le temps, dans l'espace, parfois des difficultés physiques associées, puisque quand on a 98 ans, évidemment... Le corps est plus usé, il y a besoin de plus de soins. Et donc cette colocation, elle fêtera le 1er avril prochain ses trois ans d'existence. Ça veut dire que depuis trois ans, cette colocation est ouverte 24 heures sur 24 avec la présence d'auxiliaires de vie qui aident des habitants, des colocataires, même si ce n'est pas une colloque d'étudiants, c'est une colloque de personnes expérimentées, on va le dire comme ça. Et donc ça a permis aussi à huit familles... de trouver un mode d'accueil qui est différent de l'EHPAD. Ce n'est pas opposé aux structures d'hébergement. Je pense qu'on a besoin de toutes les structures aujourd'hui pour faire face à la maladie d'Alzheimer. C'est quand même un malade d'Alzheimer toutes les trois minutes en plus en France. Donc on est aujourd'hui à 1,2 million de malades d'Alzheimer et on prévoit que d'ici 30 ans, on passe à 2,4 millions. Parce qu'on vieillit pour plein de raisons. Ce sont des maladies qui évoluent, que ce soit démographiquement. Donc il faut trouver des solutions. Parce qu'aujourd'hui, quand on doit trouver une solution pour son papa, sa maman en EHPAD, c'est dur. Il n'y a pas beaucoup de place, c'est cher. Mais quand on aura multiplié par trois le nombre de personnes âgées, ça sera plus dur, ça sera impossible. Donc il faut qu'on trouve des alternatives en nombre suffisant, qui sont complémentaires les unes des autres. Ça ne veut pas dire que l'habitat inclusif, c'est avant l'EHPAD. Ça peut être après, ça peut être avant, peu importe. On a des locataires qui sortent d'EHPAD pour aller en habitat inclusif. Mais en tout cas, ça correspond à un moment de la vie, à un moment du parcours résidentiel de la personne, tout comme le domicile individuel peut l'être, et on a le droit de changer dans sa vie. On n'est pas obligé d'entrer à 25 ans dans un établissement d'hébergement et de se dire qu'on va passer toute sa vie en hébergement. Ça, c'est pour les personnes en situation de handicap et pour les personnes âgées. Je crois que 97% dans le dernier baromètre au CIRP, 97% des Français veulent mourir à domicile.

  • Speaker #1

    Très bonne idée. A Zillisheim, cette résidence Lysirondel, qui paye combien ? C'est comme dans un EHPAD ?

  • Speaker #0

    Concrètement, c'est organisé très différemment d'un EHPAD. Ce n'est pas forcément plus cher ou moins cher. Je pense que là-dessus, ce n'est pas l'argument qu'on utilisera. Mais c'est du domicile. Donc la différence, elle est là. Quand on entre dans un EHPAD, on est accueilli dans une structure collective. qui est soumis à plein de réglementations, par exemple la réglementation incendie. Et en fait, on est accueilli par une association, une entreprise qui est gestionnaire et qui vous accueille chez elle, mais avec ses règles. Quand on signe un bail dans son propre logement, tant qu'on paye le loyer, on est chez soi. Et donc, ce n'est pas du tout le même rapport aux intervenants extérieurs. Ce n'est pas du tout non plus la même façon de fonctionner. Dans un EHPAD, il y a un employeur qui emploie tout le monde. Dans un habitat inclusif, vous avez un service à la personne qui met à disposition les auxiliaires de vie. Vous avez des infirmières libérales qui viennent préparer les médicaments le matin et le soir. Vous avez le médecin généraliste du village qui se mobilise et Dieu sait qu'on a de la chance de les avoir sur DidiSign parce que c'est des gens vraiment motivés et soutenants. Donc on est comme au domicile en fait, on va aller chercher un petit bout de réponse un peu partout, dans le monde de l'hôpital, dans le monde du médical libéral, dans le monde ordinaire, très ordinaire. Et en fait la différence conceptuelle c'est que dans un EHPAD... Ce n'est pas vous qui décidez de ce que vous faites. Dans un habitat inclusif, il y a peut-être un petit peu plus de capacité de décision, mais ce ne sont pas des structures qui s'opposent. Nous, on a aussi accueilli, par exemple, à l'ouverture de la colocation des jeunes Alzheimer. En France, il y en a 55 000 qui développent la maladie d'Alzheimer avant l'âge de 60 ans. Ça commence à 35 ans. en moyenne. C'est des maladies qui sont extrêmement évolutives. Aujourd'hui en France, sans même parler de l'Alsace, il y a deux établissements de 40 places pour 55 000 malades. Donc en fait, ce qu'on nous dit clairement par cette situation-là, qu'il y a une carence de moyens publics, une carence de décisions politiques, ce qu'on nous dit c'est que de toute façon, pour accompagner les personnes en perte d'autonomie, On s'appuie sur la famille, c'est comme pour les mesures de protection, la tutelle, la curatelle. S'il n'y avait pas les tuteurs familiaux, notre système craquerait. Dans le monde du handicap et de la perte d'autonomie liée à l'âge, c'est exactement la même chose. Les proches aidants sont la variable d'ajustement qui permet aujourd'hui d'avoir une solidarité nationale à défaut. Enfin, une solidarité familiale qui prend le relais d'une solidarité nationale qui est parfois défaillante. En tout cas... Pour les personnes les plus lourdement handicapées, parce que le tableau que je dresse peut paraître très noir aux auditeurs, mais quand vous vous retrouvez avec un papa et une maman qui commencent à ne plus être autonomes, à se mettre en danger à domicile, il y a beaucoup de familles qui vivent ça tous les jours, c'est extrêmement difficile de trouver des solutions et on n'est pas préparé à le faire.

  • Speaker #1

    Mais à votre santé, donc le mois de la recherche et de la santé en Alsace, en mars 2025 par exemple ? permet aussi de découvrir des solutions, des idées. Un neuropsychologue de l'Université de Caen, Normandie, Hervé Platel, spécialisé dans l'étude du pouvoir de la musique dans notre cerveau, a découvert avec d'autres que, par rapport à la maladie d'Alzheimer par exemple, il y avait une possibilité, en écoutant des mélodies qu'on écoutait quand on était jeune, de retrouver de l'énergie, de la mémoire. Alors évidemment... Ça ne va pas solutionner tous les problèmes Alzheimer du monde, mais néanmoins, cette puissance de la musique dans notre cerveau, j'ai découvert ça grâce à ce neuropsychologue, et je pense qu'il y a sans doute des petits plaisirs, des petits sursauts d'énergie possibles grâce à la musique et à Famille Solidaire.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une bonne façon de le dire en fait. Je pense que ce qu'on appelle les approches non médicamenteuses, c'est-à-dire tout ce qui permet de traiter une personne quand elle est angoissée, quand elle a des troubles du comportement, quand elle a des problématiques de mémoire, d'améliorer son confort, d'améliorer sa vie, c'est bénéfique. Parce qu'on a une habitude, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'autres solutions aussi, c'est que souvent les gens sont médiqués de façon assez forte. Parce qu'ils ont des gros troubles du comportement, parce qu'ils se mettent en danger aussi, parce que parfois ils mettent en danger les gens qui sont autour d'eux. Mais il y a d'autres façons de le faire. Par exemple, tu évoquais la question de la musicothérapie. Il y a énormément de travaux qui sont conduits sur ces thérapies-là, pour une raison, c'est que ça permet de mobiliser finalement la sphère cognitive. Même pour des gens qui ne parlent plus, qui n'ont plus l'accès à la parole ou qui ne savent plus lire parce que quand on a Alzheimer, au bout d'un moment, le cerveau n'arrive plus à interpréter la lecture, n'arrive plus forcément à trouver les bons mots, on fait de la phasie, on fait plein de choses. Sur la colloque de Zilli-Seim, c'est résolument l'approche qu'on a choisie parce que, par exemple, on a une thérapie non médicamenteuse qu'on utilise dans la colocation qui est la thérapie par le voyage. un mode d'accompagnement qui est encore différent. Tu vas découvrir encore une nouvelle solution. Ça vient de l'université de Como, je crois, donc tout proche de la frontière avec la Suisse, de Como-Lugano, je crois, où ils se sont rendus compte qu'en reproduisant une fausse cabine de train, en mettant en place toute une démarche d'accompagnement des personnes, où on simule finalement la montée dans le train, on arrive à revisiter des souvenirs de la personne très ancien. Et donc la personne rentre dans une fausse cabine, elle a un écran de télé qui fait comme la vitre du wagon, et on voit le paysage défiler. En fait, en utilisant cette thérapie avec toute une démarche scientifique autour, ça peut permettre de rediscuter avec des personnes, de les remobiliser, surtout d'apaiser leurs angoisses, et finalement d'aider à ce qu'ils vivent mieux leur vie. Alors c'est jamais miraculeux, c'est pas parce qu'on fait de la thérapie par le voyage ou... ou de la musicothérapie, que la maladie disparaît. Mais si ça permet à la personne de mieux vivre ses difficultés, si ça permet à l'aidant d'avoir deux heures de répit, si ça permet finalement de créer des moments de bonheur, c'est ça qui est important dans la vie, qu'on soit valide ou un peu plus extraordinaire.

  • Speaker #1

    Famille Solidaire, dont tu es le fondateur Jean Ruch, c'est aussi la possibilité d'accueillir plein de gens différents, puisqu'on va peut-être lister ensemble ceux et celles qui peuvent être intéressés pour entrer en contact avec Famille Solidaire. Il y a d'abord ceux qui ont de l'argent et qui veulent investir dans un immobilier partagé et solidaire. Il y a les aidants. qui peuvent se perdre dans le massif administratif auquel ils font face. Mais il y a aussi évidemment les malades, les personnes âgées et puis sans doute d'autres. Quels sont les gens que tu recherches, qui peuvent ? Il y a aussi de la formation professionnelle me semble-t-il.

  • Speaker #0

    De quoi on a besoin du côté de Famille Solidaire aujourd'hui ? C'est de plein de choses, je vais les décrire de façon complètement désordonnée, mais si je suis l'histoire de Famille Solidaire, les premiers qui ont cru dans l'aventure, c'était des investisseurs solidaires. Donc c'est cette famille qui ont mis 180 000 euros dans l'entreprise Solidaire. Aujourd'hui, ça fait 7 millions d'euros de capital social, mais en gros, les cinq premières années, on a collecté un million d'euros de gens qui étaient convaincus par ce qu'on faisait, et aujourd'hui, on a des banques. Donc ça facilite un peu, puisqu'il faut qu'on... On trouve des capitaux, mais on peut toujours devenir actionnaire solidaire personne physique. J'ai un peu de sous, je ne veux pas forcément les mettre sur mon livret A parce que je veux leur donner un peu plus de sens. Vous pouvez les investir dans la foncière famille solidaire. Ça donne 25% de réduction d'impôt sur l'investissement. Donc si vous mettez 100 000 euros, vous êtes propriétaire de 100 000 euros d'actions. Vous pouvez déduire 25 000 euros de vos impôts par exemple. Et c'est pareil à 1 000, à 10 000, peu importe le chiffre. C'est juste pour expliquer le principe. Donc 25% de l'investissement est déductible des impôts. Ça, c'est une façon de nous soutenir. Ça permet de créer des projets auxquels les gens ne croient pas toujours. Les banques, elles ne croient pas toujours quand on leur dit on va monter une coloc Alzheimer. Ils se disent mais ils sont complètement fous. Ces gens-là, ça ne va jamais marcher. Ils sont attaqués aux gens les plus compliqués. Et on l'a entendu à de nombreuses reprises. Mais concrètement, on sait que ça marche. On sait que ça existe dans d'autres endroits. Donc il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas capable de le faire en Alsace comme ailleurs. De l'investisseur solidaire, on en a besoin. On a besoin de bénévoles aussi. Je pense aux bénévoles qui se mobilisent sur la maison de Bansenheim. On a quelques bénévoles qui viennent régulièrement pour aider pour les activités. A Zillisheim, je pense à Pierina, je pense à Pascal, je pense à un certain nombre de gens qui viennent filer un coup de main, des fois deux heures, pour aller se balader avec un locataire dans le village. venir aider à faire du bricolage dans le jardin ou à entretenir le jardin. On a besoin de bénévoles sur des engagements qui peuvent être compatibles avec des choix. Parce qu'aujourd'hui, les bénévoles, ils n'ont plus forcément envie de venir toutes les semaines. Et puis, trois jours dans la semaine. Donc, on sait s'adapter aussi aux gens qui nous contactent. On a beaucoup d'appels d'aidants qui cherchent des solutions. Alors malheureusement, je vous donnais les chiffres tout à l'heure des colocs Alzheimer. Il y a 60 colocs Alzheimer en France. Il y en a 3700 en Allemagne. Donc... En France, on est encore loin de pouvoir dire qu'on est une solution facilement mobilisable si quelqu'un a besoin. Mais on sait aussi accompagner, et c'est ce qu'on fait depuis le début de la création de Famille Solidaire, d'autres porteurs de projets. Aujourd'hui, j'accompagne à peu près 35 porteurs de projets en France. Ça peut être des services à la personne, des assos médico-socials, ça peut être des aidants qui veulent créer. Souvent, c'est des parents d'enfants autistes. qui veulent créer une coloc ou des appartements regroupés et qui appellent en disant « Je ne comprends rien à tout ce secteur, mais j'ai envie parce que je n'ai pas de solution pour mon gosse, je n'ai pas de place en hébergement, je vieillis, je muse. » Et c'est vrai que ce sont des situations qui peuvent être très compliquées pour tout le monde, que ce soit la personne aidée ou l'aidant. Donc on accompagne ces gens-là en formation. et en conseil. Donc on les aide à monter leurs projets, à revoir les plans, à trouver des architectes, à faire les plans de financement. Évidemment, comme on a aussi besoin de vivre, parce qu'une association, c'est plus comme il y a 50 ans. Aujourd'hui, dans le groupe associatif, on n'a qu'un salarié. Donc le fonctionnement du groupe implique presque 700 000 euros de masse salariale. Donc évidemment, on donne des conseils aux associations. On le fait de façon assez modeste quand c'est bénévole. On fait quelques heures de temps en temps données à quelques porteurs de projet et puis les autres porteurs de projet financent cette intervention pour qu'on puisse les conseiller. Mais ça permet de faire émerger des projets. On a accompagné Véronique à Pézenas. C'est une maman dont deux enfants sur trois et le mari avait la maladie de Huntington qui est une maladie neuroévolutive à la montée. des logements pour personnes touchées par la maladie de Huntington. Ce sont des gens qui ont énormément d'énergie, de belles valeurs, et puis surtout qui ont une vision de la vie qui est quand même très différente. Quand on a été confronté plein de fois finalement à des situations critiques, je crois qu'on se concentre peut-être un peu moins sur son plan de carrière, sur le consumérisme, sur le matérialisme, et qu'on se dit, quand on arrive à... j'allais dire à y survivre, quand on arrive à s'en sortir, on se dit qu'on a beaucoup de chance. C'est ça qui est paradoxal. Là où beaucoup de gens qui ont énormément de moyens matériels et qui vivent dans le luxe, dès qu'il leur arrive le moins de petits pépins de santé, on a l'impression que c'est la fin du monde. Je trouve que les aidants sont très résilients. On a besoin d'investisseurs, on a besoin de bénévoles, on a besoin de porteurs de projets qui... porte cette question de l'habitat inclusif partout en France. Et là, on va lancer d'ici la fin mai un appel à projet pour soutenir 10 projets de colocation Alzheimer en France avec un accompagnement pendant 18 mois. Là, ça sera entièrement gratuit, financé par une grande fondation. Et notre objectif, c'est de permettre et de dire oui, c'est possible de faire des colocs Alzheimer, même si on continue à faire des EHPAD. L'un n'empêche pas l'autre et on a besoin des deux solutions. Parce que ce qui est le plus difficile quand on perd en autonomie, lorsqu'il s'agit de quitter son domicile, il y a effectivement l'attachement historique, la maison où on a élevé ses enfants, parfois la maison où on a passé toute sa vie, ça existe encore. Mais ce qui est surtout compliqué dans le fait de vieillir, c'est finalement d'avoir... au fur et à mesure un appauvrissement du lien social. Parce que quand on a une mobilité difficile, on sort moins de chez soi, donc on voit moins les voisins. Et puis progressivement, quand cette perte d'autonomie va toucher la sphère intellectuelle, j'allais dire, on va être moins capable d'adaptation, on va moins supporter le bruit, on va moins supporter les autres. C'est un processus qui est assez systématique. Ça ne veut pas dire que tout le monde le vit de la même façon. On a une tendance naturelle avec le vieillissement à se mettre en retrait social. S'il n'y a pas des personnes qui rattrapent ça, on peut vite se retrouver avec des gens qui décèdent à domicile et qu'on retrouve trois semaines plus tard. C'est la réalité de notre monde aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, et puis on ne va pas forcément découvrir TikTok ou Instagram à 75 ans, c'est vrai. Question transfrontalière en passant, s'il y a tellement plus de possibilités en Allemagne concernant l'accueil des malades d'Alzheimer, est-ce que les Alsaciens, par exemple, peuvent aller en Allemagne ?

  • Speaker #0

    Dans des Wohngemeinschafts, donc Wohngemeinschaft, ça veut dire « habitant inclusif » en allemand. Je ne saurais pas répondre à cette question, mais je m'engage à chercher la réponse pour la prochaine fois qu'on se voit. Ce que je sais, c'est que par exemple, moi, j'ai découvert les Wohngen-Mainschaft en allant visiter le quartier Vauban à Fribourg. Vous vous baladez dans un quartier, il y a donc en autopromotion, l'Allemagne, les Baugruppen, où on donne un...

  • Speaker #1

    Autopromotion,

  • Speaker #0

    on peut peut-être expliquer que c'est pour ceux qui ne savent pas. Alors, pourquoi c'est différent la France et l'Allemagne par rapport à cette question de l'habitat inclusif et des Wohngen-Mainschaft ? L'Allemagne, après la Deuxième Guerre mondiale, a été démilitarisée. À Fribourg, on avait une énorme caserne qui était quasiment en plein centre de la ville. Les pouvoirs publics ont été plutôt intelligents et ont dit « on va essayer un nouveau mode de construction d'habitat, c'est que 99% de la promotion immobilière en France, c'est les promoteurs. » Il y a assez peu de gens qui construisent par eux-mêmes. Et donc, ils ont lancé des appels à projets pour... On a regroupé quelques personnes qui avaient envie d'habiter dans le quartier en leur disant, voilà, on vous donne un terrain, imaginez un projet architectural et faites le construire. Et donc ça, ça s'est énormément développé. Et donc on se retrouve avec des quartiers extrêmement riches socialement, parce que les gens se parlent beaucoup. Alors c'est peut-être un peu bourgeois bohème par certains côtés, mais pas que. Et donc tout ça a permis finalement d'assurer un renouvellement immobilier, parce qu'il y avait besoin de tout ça. Et l'habitat inclusif, il arrive à peu près au même moment, fin des années 90, des grandes demeures bourgeoises vides. On a besoin de trouver des solutions pragmatiques pour des personnes âgées, des personnes en situation de handicap. On transforme ces grandes maisons finalement en appartements regroupés avec un espace commun et c'est comme ça que sont nées les colocations Alzheimer. A l'inverse, en Allemagne, vous avez énormément de mal à trouver un établissement d'hébergement. Il y en a beaucoup moins qu'en France et en fait c'est un choix sociétal qui a été fait il y a plus de 40 ans maintenant. La France a choisi l'institutionnalisation et est d'ailleurs régulièrement dénoncée par l'Organisation des Nations Unies dans le cadre de la Convention des Nations Unies pour les personnes handicapées en disant « ce que vous faites relève du siècle dernier, il faut arriver à ouvrir les institutions, il faut permettre aux personnes en perte d'autonomie, même aux personnes les plus lourdement handicapées, d'avoir les mêmes droits que les autres citoyens parce que sinon c'est... » Ce n'est plus la charte universelle des droits de l'homme, sinon on revient à ce qu'on a connu, j'allais dire toute l'institutionnalisation dans le sens négatif du terme. Et donc l'Allemagne, il y a énormément d'habitats inclusifs, mais il y a très peu d'établissements d'hébergement. En France, vous avez beaucoup d'établissements d'hébergement et très peu de colocations, très peu d'habitats inclusifs.

  • Speaker #1

    Allez visiter Freiburg, le quartier Vauban, la cathédrale et puis ces saucisses vegan au pied de la cathédrale. Alors Jean Ruch de Famille Solidaire, on peut te rencontrer dans le cadre de À votre santé, le mois de la santé et de la recherche médicale, le vendredi 28 mars 2025 à 20h au Cinéma Bel Air, projection du film The Father avec Anthony Hopkins, qui parle de la maladie d'Alzheimer, et puis c'est un ciné-débat, c'est tout gratuit. Et puis on peut rencontrer Jean Ruch de Famille Solidaire et d'autres intervenants. Mais sinon, peut-être, avant de conclure, Famille Solidaire, où est-ce qu'on le trouve, puisque vous êtes présent dans cinq régions de France, sur Internet ? Enfin, si on veut attraper Jean Ruch, si on veut parler à quelqu'un de Famille Solidaire, on clique où ? On fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je dirais, hormis pour les auditeurs qui sont en Polynésie française, je vous invite pour nos amis alsaciens... En proximité, vous allez sur votre moteur de recherche, vous tapez Famille Solidaire Alsace et vous tomberez sur le site internet de l'association qui oeuvre sur différents territoires en Alsace. On est présent à Schleital, le plus long village d'Alsace à 6 km de Wissenburg, dans le 67. On a un habitat inclusif sur Ilkirch-Grafenstaden, pour des personnes en situation de handicap au sud de l'agglomération de Strasbourg. On a également investi la Maison pour tous de Bansenheim avec le soutien de la mairie il y a un peu plus de deux ans maintenant, où on accueille cinq locataires âgés et en situation de handicap et puis sur Dillisheim et puis bien sûr notre siège social à Mulhouse qui est 14 avenue Tassigny. On est présent assez régulièrement dans plein de manifestations. N'hésitez pas à nous faire un petit message si vous avez des besoins pour réagir, pour dire c'est bien, c'est nul ce que vous faites. Vous savez quand on entreprend... On a souvent besoin de signaux faibles pour se dire qu'on est en phase avec la société. Et que ce qu'on dit, parce que quand je parle de la dépendance, c'est sûr que je ne dresse pas un portrait de notre monde qui est hyper encourageant. Mais si on ne dénonce pas ce qui ne fonctionne pas, ça ne change jamais. Et pour ma part, en tant qu'aidant, j'y ai été confronté à de nombreuses reprises. Venez à notre rencontre, venez à cette soirée du mois de mars. Et puis globalement, sinon, vous pouvez envoyer un petit message sur info.at.famille.com. Le tiret du milieu, solidaire.com. On essaiera de vous répondre dans les meilleurs délais. Et on espère surtout avoir l'occasion de vous croiser.

  • Speaker #1

    Dernière question, parce que j'y pense, tu cites les mairies comme partenaires souvent des projets Familles Solidaires. Les municipalités vont être renouvelées en mars 2026. Est-ce qu'il y a des revendications, des messages apportés auprès des candidats pour qu'ils soient plus actifs en direction ?

  • Speaker #0

    Oui. Oui, clairement. Je pense que ce n'est pas la responsabilité uniquement des maires, ou uniquement des départements, ou uniquement des conseils régionaux. Mais ce qui serait bien, c'est qu'il y a dix ans, au niveau du gouvernement, on a créé le comité interministériel. Parce qu'en fait, on ne parlait de handicap qu'au ministère de la Santé. Ce qui serait super, c'est que les mairies se sentent... tout autant concernés par les personnes en situation de handicap et en perte d'autonomie que par l'assainissement ou le réseau d'éclairage public. Parce que nos concitoyens, c'est souvent aux plus proches qu'on les repère, c'est aux plus proches qu'ils ont besoin de soutien. Et donc cette compétence handicap, qu'on ne s'abrite pas toujours derrière « Ah mais ce n'est pas moi qui suis le financeur, donc allez vous adresser à tel financeur » . On est tous responsables de la situation actuelle. On a tous besoin qu'elle évolue, ne serait-ce que pour nos besoins individuels futurs, parce qu'on aura des besoins. Oui, il serait quand même grand temps qu'au lieu de parler tout le temps d'immigration, on parle des 13 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, des 3 millions de personnes dépendantes, et de leurs 11 millions d'aidants qui sont pour 60% d'entre eux, donc 6 millions d'entre eux, ils bossent et ils s'occupent d'un proche. Ça veut dire que... C'est des femmes de 40-50 ans qui s'occupent d'une maman qui perd de l'autonomie, qui vont le matin, le midi, le soir. Et ça, personne ne le reconnaît. Donc oui, ouvrez les yeux, messieurs les élus, parce que je pense que les femmes ont une vision beaucoup plus claire de ce que veut dire la perte d'autonomie pour s'en occuper depuis des siècles. Ouvrez les yeux et arrêtez de dire que c'est de la compétence des autres, c'est de la compétence de tout le monde d'accueillir les personnes correctement.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jean-Ruch, fondateur de Famille Solidaire, qu'on peut retrouver au Ciné-Débat, au cinéma Bel Air à Mulhouse le vendredi 28 mars 2025 à 20h. C'est gratuit, c'est en tram Bel Air et sinon sur internet famillesolidaire.com. Merci beaucoup Jean-Ruch.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt. Vis une nouvelle expérience. Écoute la nef des sciences. Participe à l'aventure des podcasts Science et Culture.

Description

VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


Le Mulhousien Jean Ruch est le fondateur du groupe associatif FAMILLES SOLIDAIRES créé en 2012 qui a pour but de développer l'habitat inclusif pour les personnes fragilisées. Présente dans cinq régions françaises, cette entreprise immobilière à but non lucratif invente une solidarité nouvelle pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les malades qui ne sont plus autonomes. Entretien pour découvrir les 11 millions d'aidants familiaux, les problèmes sociétaux immenses que la dépendance croissante pose et surtout les solutions pleines d'espoir portées par ce groupe associatif pas comme les autres.


Entretien réalisé le 7 mars 2025 pour la Nef des sciences et À VOTRE SANTÉ ! le mois de la santé et de la recherche médicale en Alsace et dans le Grand Est. Propos recueillis par Jean-Luc Wertenschlag pour Radio Quetsch, L'Alterpresse et Warum Net Experience.


Rencontrez JEAN RUCH vendredi 28 mars 2025 à 20h au cinéma Bel Air, rue Fénelon à Mulhouse, à l'occasion d'un ciné-débat gratuit. Projection du film THE FATHER suivie d'une rencontre avec Jean Ruch et d'autres intervenants.



VOUS POUVEZ LIRE LA TRANSCRIPTION ÉCRITE DE CET ENTRETIEN https://www.radiowne.eu/post/jeanruch


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Transcription

  • Speaker #0

    Vis une nouvelle expérience, écoute la nef des sciences, participe à l'aventure des podcasts sciences et cultures.

  • Speaker #1

    Nous sommes le 7 mars 2025 en compagnie de Jean Ruch, fondateur et président de Famille Solidaire. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Alors, on va peut-être d'abord te... présenter, avant de présenter ce groupe associatif Famille Solidaire, mais qui es-tu

  • Speaker #0

    Jean-Ruch ? Alors moi je suis un mulhousien de naissance j'ai 48 ans, deux enfants, un parcours associatif assez riche dans divers associations et de métier initial je suis monteur de film et aujourd'hui je suis dirigeant d'entreprise.

  • Speaker #1

    Une entreprise multiple, à multiples facettes, qui s'appelle Famille Solidaire. Alors, est-ce qu'on commence par expliquer ce groupe associatif Famille Solidaire, peut-être ?

  • Speaker #0

    Oui, alors, quand on parle d'entreprise, c'est vrai que ce n'est pas commun de parler d'association. On n'a pas ce réflexe. En général, on sépare bien l'entreprise lucrative de l'association qui est non lucrative. Famille Solidaire, c'est une entreprise solidaire d'utilité sociale. Ça veut dire que... que l'objectif de Famille Solidaire, comme toute entreprise, est d'atteindre un équilibre économique, mais que son premier objectif est surtout de servir une utilité sociale. Et donc, tout ça pour dire que Famille Solidaire, dans son ensemble, est un groupe associatif composé d'associations et d'entreprises solidaires dont l'objectif commun est de permettre à des personnes fragilisées par l'âge, la maladie ou le handicap, de vivre avec et comme les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire simplement qu'on rassemble sur cinq régions françaises aujourd'hui des proches aidants de personnes en situation de handicap ou des personnes âgées dépendantes qui cherchent à inventer de nouvelles solutions pour l'accueil de leurs proches. Parce que si on se penche un tout petit peu sur le sujet des aidants, il y a 11 millions de personnes en France qui accompagnent un proche en perte d'autonomie. 11 millions, c'est un Français sur six. Ça veut dire que concrètement... dans nos vies, à un moment ou à un autre, on sera concerné par des parents qui perdent de l'autonomie, parfois par des enfants en situation de handicap et probablement, si on vieillit, par sa propre perte d'autonomie. Donc c'est un enjeu sociétal important aujourd'hui et démographiquement ça va devenir un enjeu de société centrale dans les 30 prochaines années puisqu'on aura bientôt plus d'un tiers de la population française qui aura plus de 65 ans.

  • Speaker #1

    Sauf si on ouvre les frontières et qu'on accueille des jeunes immigrés pour nous aider, comme ça se passe souvent dans les pays trop riches et trop vieux.

  • Speaker #0

    Je pense en tout cas que penser aujourd'hui le vieillissement des personnes âgées, l'accompagnement des personnes en situation de handicap, en se privant des richesses liées à l'immigration, ça va être très compliqué pour notre pays. Aujourd'hui, vous avez un papa et une maman à domicile. vous cherchez une auxiliaire de vie pour venir lui faire la toilette, l'aider à faire ses courses ou ne serait-ce qu'aller se balader au parc, je vous souhaite bien du courage. Parce qu'il y a une crise des vocations majeures, qui manque de main-d'œuvre et que les personnes qui y travaillent ne sont pas toutes formées. Donc ce qui amène à des complexités, notamment pour les personnes les plus dépendantes.

  • Speaker #1

    Mais Jean-Ruch, tu t'es engagé dans l'action en faveur des personnes fragilisées. Par l'âge, la maladie, le handicap, est-ce que, pourquoi cette vocation ? Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans ce combat ?

  • Speaker #0

    D'abord, je pense qu'il y a un terreau familial. J'ai des parents qui étaient très investis dans le monde associatif. Et puis, dans ma vie, est arrivé à un moment donné un accident de vie. Ma compagne, quand j'avais 16 ans, c'était mon amour de jeunesse à l'époque, c'était pas... Ma compagne a eu un grave accident de la route l'année de ses 18 ans. Elle a fait 6 semaines de coma, 6 mois de rééducation, et elle s'en est sortie relativement bien au niveau physique. Mais le physique c'est une chose. La majorité des handicaps aujourd'hui en France ne sont pas physiques. Ils peuvent être psychiques, ils peuvent être cognitifs, ils peuvent être intellectuels, ils peuvent être sensoriels. Et dans le cas de ma compagne à l'époque, ça a été un handicap qu'on appelle une cérébro-lésion acquise, c'est-à-dire le coma, l'accident, l'hémorragie cérébrale comme on voit dans les films américains. Mais malheureusement pour elle, ce n'est pas un film américain et donc elle ne s'est pas réveillée avec des super pouvoirs, mais plutôt avec la difficulté à se rappeler. le nom de ses amis, ce qu'elle avait fait dans la journée, ce qu'elle devait faire dans une heure et ce qui s'était passé il y a cinq minutes, puisque c'est de ce niveau-là la situation des personnes qui ont des lésions cérébrales acquises, que ce soit des AVC, des traumas crâniens, des scléroses en plaques, ça touche le cerveau. Et donc, ça crée des handicaps invisibles qui empêchent très souvent d'accéder au monde du travail. Et de fait, ça crée des personnes pauvres, parce qu'elles n'accéderont pas forcément au travail. Et ça crée surtout des personnes dépendantes de leur entourage, puisque nous, on a eu la chance de pouvoir quand même avoir deux enfants. Mais c'est une organisation et ça demande énormément d'investissement des proches qui entourent la personne qui a des troubles cognitifs. On le comprend facilement sur les personnes âgées. Quand on parle aux gens de la maladie d'Alzheimer par exemple, tout le monde en a peur parce que c'est une maladie qui est terrible. On perd progressivement sa capacité de mémoire, sa capacité d'organisation, on perd la mémoire de ses proches, de ses enfants, de ses petits-enfants. Donc quand on a 20 ans et qu'on a un accident de la route et qu'on se retrouve dans une situation proche, évidemment c'est très compliqué à gérer parce qu'il faut retrouver un nouveau sens à l'existence qui n'est pas forcément celui de travailler. Parce que le travail ne veut pas de vous. Il faut être, aujourd'hui, si on se dit les choses concrètement, dans le monde du travail, il faut pouvoir faire quatre choses en même temps, être productif, ce qui n'est plus possible pour une personne traumatisée crânienne. Donc quand je suis sorti avec Flavie à 18 ans, je n'imaginais pas tout ce qui allait se passer deux ans plus tard. Il y a eu cet accident. Et puis on a continué notre petit bonhomme de chemin. On a découvert le handicap ensemble. On a découvert la parentalité ensemble. On a découvert l'aide à la parentalité aussi. Parce que... Gérer des nourrissons quand on a des troubles de la mémoire, c'est compliqué. Et pour autant, on a quand même reconstruit une vie malgré, je dirais, l'événement initial qui aurait pu se terminer dramatiquement.

  • Speaker #1

    Jean-Ruch, le handicap que tu as découvert dans ta jeunesse, C'est quelque chose qui n'est pas aujourd'hui véritablement pris en compte, me semble-t-il, dans notre société à un niveau politique. C'est-à-dire qu'on parle régulièrement de handicap, on vote des lois qui ne sont pas appliquées. L'accessibilité pour tous et toutes, par exemple, on l'a voté il y a quelques années, ce n'est toujours pas effectif. Tu as écrit un livre, par exemple. Les aidants familiaux pour les nuls en 2017, si ma mémoire est bonne. Pourquoi le handicap n'existe pas vraiment dans notre société médiatiquement, culturellement, politiquement ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il fait peur le handicap. La perte d'autonomie, ça nous renvoie quelque part à ce qui nous arrivera tous un jour, c'est le fait de disparaître. Et dans le processus, notre société... Jusqu'au Covid a quand même été énormément basé sur la performance professionnelle. Quelqu'un qui n'avait pas de travail n'avait pas de position sociale, aujourd'hui ça change un petit peu. Donc le monde du handicap, il fait peur depuis très longtemps. Et les gens, je ne suis pas sûr que ça soit une peur des personnes handicapées, mais c'est à mon avis souvent l'incapacité à savoir comment réagir parce que les gens ne savent pas, ne connaissent pas. Donc le handicap a évolué. Il y a... Il y a 200-300 ans, on n'était pas loin parfois de l'eugénisme. Les personnes en situation de handicap avaient une espérance de vie autour de 20-25 ans puisqu'elles vivaient dans des structures plus ou moins bienfaisantes pour leur santé. Ensuite, il y a eu l'industrialisation de la France, on a commencé à mettre en place des hospices, il y a toute la tradition chrétienne d'accueil des malades dans les asiles, dans les monastères, etc. Et on est arrivé en fait à un monde où on a quand même de plus en plus de situations de fragilité, en tout cas on reconnaît de plus en plus de situations de fragilité. On n'a pas multiplié par 10 le nombre de personnes handicapées depuis 40 ans. En fait on a simplement accepté de dire que d'avoir une dyspraxie, une dyscalculie ou d'avoir un trouble du neurodéveloppement, c'est un handicap. Parce qu'on a fait évoluer la définition du handicap dans les années 75. Il faut se dire qu'avant 1975, il n'y avait aucun établissement d'hébergement pour personnes handicapées. Ça n'existait pas. En 1975, il y a eu une première loi sur le handicap, où on parlait de déficience, d'incapacité. Donc tu étais trisomique, tu étais amputé, tu étais paraplégique. Parce que tu étais toujours vu en fonction de ton empêchement, de ton handicap, de ta maladie, etc. C'était un modèle très médical, ce qu'on appelait le modèle de Wood, qui est un modèle qui a préexisté et qui disait, en gros, quand on a un handicap physique, parfois on peut le compenser. Mais on reste le handicap physique. Depuis la loi de 2005, celle dont tu parlais, qui notamment traite des questions d'accessibilité des bâtiments publics, la définition du handicap a changé. On dit du handicap, la définition de la loi de 2005, c'est « constitue un handicap au sens de la présente loi, toute limitation d'activité et restriction de participation liée à un handicap physique, sensoriel, cognitif, intellectuel ou à un trouble du neurodéveloppement ou à une maladie qui excède une durée d'un an. » Donc aujourd'hui, on peut être en situation de handicap quand on a un cancer. On peut aussi être en situation de handicap quand on est avec un handicap, comme dans la trisomie 21 par exemple. Mais on peut aussi découvrir au fur et à mesure que son gamin ne se développe pas comme il devrait biologiquement, au fur et à mesure, ce qu'on appelle les troubles du neurodéveloppement, l'autisme notamment. Il y en a de plus en plus. Aujourd'hui, il y a un enfant sur 100 qui naît autiste parce qu'on a amélioré le diagnostic. Je ne suis pas sûr qu'on... produisent plus de handicap qu'il y a 100 ans. Mais en tout cas, on le reconnaît mieux, on l'accepte un petit peu mieux. Il y a deux façons de le voir. Il y a la façon quand on est concerné, quand on a besoin de réponses rapides, urgentes, qu'on a un enfant dont on vient de détecter le handicap et qu'on nous dit qu'il faut qu'il aille à l'école. Et puis le combat pour avoir une auxiliaire de vie scolaire, etc. Là, c'est un combat qui est urgent. Les familles n'ont pas la même représentation du temps. que les administrations. Si je le regarde du côté des familles, c'est insuffisant, ce n'est pas satisfaisant. Il y aurait encore des milliards de choses à améliorer. C'est le point de vue que j'ai. Si je le regarde du point de vue sociétal, depuis 2005, on a énormément d'enfants qui vont à l'école. Ça a eu un effet sociétal. C'est-à-dire qu'on s'est habitué à ce que les personnes en situation de handicap, les personnes en perte d'autonomie, vivent au milieu de nous. Ça rejoint d'ailleurs le... La maxime de Famille Solidaire qui est permettre à des personnes de vivre avec et comme les autres. Et c'est tout l'esprit de l'inclusion, c'est tout l'esprit de la loi de 2005, c'est aussi une nouvelle définition du handicap, on n'est pas que un pied, un foie, un estomac, un cerveau, on est une personne et même si on est en situation de handicap, on a le droit d'avoir ses choix, ses incohérences, comme n'importe quel citoyen de notre monde.

  • Speaker #1

    Oui, et on peut voter aussi. Famille Solidaire s'est créée quand ?

  • Speaker #0

    Famille Solidaire s'est créée en 2012. C'était le rassemblement de 7 amis et familles qui ont décidé collectivement de mettre un peu d'argent dans une entreprise d'utilité sociale. On a mis 180 000 euros en 2012 avec comme leitmotiv de créer un outil qui permette de créer de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif, c'est une façon de vivre ensemble pour des personnes âgées ou en situation de handicap, où finalement on accepte de vivre ensemble parce qu'on a envie de lutter contre l'isolement social, parce qu'on a envie d'avoir des voisins, parce qu'on a envie d'avoir une animation de cette vie sociale. C'est dans cet esprit-là que j'ai créé le premier habitat inclusif avec Famille Solidaire en 2012. L'idée, c'était de permettre à des personnes traumatisées crâniennes sur Strasbourg de vivre en coloc, de partager le petit bout de la réponse qu'ils avaient, puisqu'ils avaient tous 3 heures d'aide humaine, 3-4 heures d'aide humaine, mais ils vivaient tous à la maison parce que quand on n'a pas de mémoire, quand on n'a pas d'orientation dans le temps et dans l'espace, en fait on n'a pas besoin de 3 heures par jour, on n'a pas besoin de 24 heures sur 24 non plus, mais on a besoin de 5 minutes réparties aléatoirement dans la journée 24 fois. Donc concrètement, des aidants qui ont un gamin cérébro-lésé ou un adulte cérébro-lésé à la maison, Ils n'osent jamais le laisser seul parce que c'est toujours dans les moments où les personnes sont seules que se produisent les difficultés. Donc ils n'ont pas de solution pour l'avenir, puisqu'il y a très peu de places en hébergement, très très très peu. Et vivre seul à domicile, si la personne est seulement sécure pendant 3 heures sur 24 heures, évidemment les parents ne lâchent pas. L'habitat inclusif est venu s'insérer à ce moment-là, quand chacun avait cette petite dotation en aide humaine, pour dire que si on se rassemble, on crée les conditions d'une permanence. On crée les conditions qui permettent à des aidants de se dire, mon gamin, il va être bien en colocation avec ses cinq autres potes autistes ou des personnes plus âgées qui vont vivre dans une colocation Alzheimer comme à Zillisheim par exemple. Et donc c'est tout ça qui a permis finalement de créer de l'habitat inclusif et donc 12 ans après, cette entreprise solidaire, cette foncière famille solidaire, aujourd'hui elle pèse 7 millions d'euros de capital social, on a une... dizaines de sociétés de gestion qui sont investies, de différentes banques, BNP Paribas, Crédit Coopératif, Caisse d'épargne, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Crédit Mutuel Arkea, qui on a d'autres encore, on a des fonds communs de placement, des gens qui acceptent de nous confier une partie d'argent pour qu'on crée des immeubles, des appartements, des maisons où les gens vivent ensemble, où ils sont soutenus pour vivre ensemble. et où on les aide à organiser l'écosystème de leur autonomie. L'écosystème de leur autonomie à domicile, c'est quoi ? Le plus simple pour que les auditeurs comprennent, quand on a une maman ou un papa qui perdent l'autonomie à domicile, le premier réflexe qu'on a, parce qu'on a peur qu'ils tombent, on va commencer à mettre une télé-alarme. Sauf que souvent, le beeper ou le bracelet ou le médaillon, il est sur la table de nuit, et puis le grand-père, il est dans la salle de bain par terre à ne pouvoir rappeler personne. Ce qui motive souvent la mise en place de tout ça, c'est la peur. Donc une fois qu'on a mis le médaillon, on se rend compte que le médaillon, ça ne fonctionne pas toujours. Et puis que la personne, elle a d'autres besoins. Elle a besoin d'aide pour la toilette, elle a besoin parfois d'aide pour faire ses courses, puisqu'elle se déplace moins bien. Donc on va commencer à chercher une auxiliaire de vie sociale. Donc auxiliaire de vie sociale, c'est un travailleur social qui intervient à domicile pour compenser les effets du handicap. qu'il soit physique par exemple aider une personne en fauteuil roulant à faire son transfert pour aller dans sa douche si elle peut pas le faire par elle même et lui faire j'allais dire lui rendre des services qui sont liés à son handicap ça c'est une façon compensée il y a des handicaps qui sont plus complexes à compenser on parlait des personnes cérébralisées traumatisées crâniennes mais comme elles ont des besoins aléatoires c'est extrêmement complexe en individuel de vivre seul et donc l'habitat inclusif permet ce regroupement de personnes, permet de créer les conditions d'un système qui survivra aux aidants. Parce que la principale inquiétude des parents proches aidants, c'est qu'est-ce qu'il devient si moi je ne suis plus en capacité de l'accompagner. Et nous, on accueille dans nos habitats pour personnes âgées des gens qui ont des enfants en situation de handicap et en général, quand ça craque, ça craque. La fille, le fils est placé, la maman aussi. Et les gens, ils ont tenu tout ça à bout de bras pendant 30, 40, 50 ans, sans rien demander à personne. Et je ne crois pas que beaucoup de gens soient conscients aujourd'hui dans notre monde, mais pour vivre en France correctement, en bénéficiant d'aide, on a toujours l'image de la fraude sociale qui coûte très cher, etc. Moi, je vous dirais que pour aujourd'hui bénéficier des aides sociales, pour bénéficier... d'allocations pour aider une personne en perte d'autonomie, il faut surtout avoir un master en bureaucratie. Parce que vous avez 5, 6 interlocuteurs, on vous parle de choses dont c'est la première fois que vous entendez parler. On vous demande d'être un peu assistante sociale, un peu psychologue, un peu infirmière, parce qu'il n'y en a plus assez pour venir faire la toilette de votre maman. Donc parfois on se retrouve à prendre des positions en tant qu'aidant qu'on ne devrait pas prendre. Et donc l'habitat inclusif, en fait, il vient à cet endroit-là. Il vient créer un système entre familles pour permettre à des personnes d'être rassurées sur leur futur et puis surtout pour permettre aux locataires d'avoir une vie de citoyen la plus ordinaire possible. Je finis sur un chiffre qui est assez révélateur quand même de notre positionnement. En France, on a à peu près 60 colocations Alzheimer. En Allemagne, il y en a 3 700 parce que c'est le mode majoritaire d'accueil des personnes âgées qui ont la maladie d'Alzheimer. Et c'est un vrai choix de société.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs l'opération Mulhouse Loves Freiburg qui n'a rien à voir avec Alzheimer, c'est aussi aller voir en Allemagne ce qui se passe culturellement, socialement, politiquement, parce qu'ils ont tellement, tellement, tellement de choses à nous apprendre. Mais Jean Ruch, fondateur de Famille Solidaire en 2012, depuis du chemin a été parcouru, des bâtiments ont été construits, vous êtes présent dans cinq régions. On peut prendre un exemple local, si possible, autour de Mulhouse, pour comment ça se passe, comment ça marche, comment ça fonctionne ?

  • Speaker #0

    L'exemple qui me paraît le plus révélateur de la richesse et de la complexité de l'habitat inclusif, c'est la colocation Alzheimer que nous avons construite à Zillisheim. Donc Zillisheim, c'est une petite commune autour de Mulhouse, qui a un peu plus de 1000 habitants, village plutôt bien conservé en termes de services, de commerce, de présence publique. Donc on a... une pharmacie, un petit supermarché, on a la mairie, on a un tabac, on a un bar, un cabinet infirmier, des médecins, etc. Donc un village où il fait plutôt bon vivre quand on est relativement autonome. Et on a eu la proposition de s'associer avec un architecte, donc l'agence AMRS à Flaxlanden, pour porter un projet immobilier d'un lotissement qui s'appelle le Domaine des Hirondelles, dans lequel... Famille Solidaire a acheté un appartement de 300 m² et a installé une colocation pour 8 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Donc 8 personnes, aujourd'hui de plus de 60 ans, qui ont jusqu'à 98 ans, qui ont toutes comme point commun d'avoir quand même une maladie relativement avancée, c'est-à-dire des difficultés d'orientation dans le temps, dans l'espace, parfois des difficultés physiques associées, puisque quand on a 98 ans, évidemment... Le corps est plus usé, il y a besoin de plus de soins. Et donc cette colocation, elle fêtera le 1er avril prochain ses trois ans d'existence. Ça veut dire que depuis trois ans, cette colocation est ouverte 24 heures sur 24 avec la présence d'auxiliaires de vie qui aident des habitants, des colocataires, même si ce n'est pas une colloque d'étudiants, c'est une colloque de personnes expérimentées, on va le dire comme ça. Et donc ça a permis aussi à huit familles... de trouver un mode d'accueil qui est différent de l'EHPAD. Ce n'est pas opposé aux structures d'hébergement. Je pense qu'on a besoin de toutes les structures aujourd'hui pour faire face à la maladie d'Alzheimer. C'est quand même un malade d'Alzheimer toutes les trois minutes en plus en France. Donc on est aujourd'hui à 1,2 million de malades d'Alzheimer et on prévoit que d'ici 30 ans, on passe à 2,4 millions. Parce qu'on vieillit pour plein de raisons. Ce sont des maladies qui évoluent, que ce soit démographiquement. Donc il faut trouver des solutions. Parce qu'aujourd'hui, quand on doit trouver une solution pour son papa, sa maman en EHPAD, c'est dur. Il n'y a pas beaucoup de place, c'est cher. Mais quand on aura multiplié par trois le nombre de personnes âgées, ça sera plus dur, ça sera impossible. Donc il faut qu'on trouve des alternatives en nombre suffisant, qui sont complémentaires les unes des autres. Ça ne veut pas dire que l'habitat inclusif, c'est avant l'EHPAD. Ça peut être après, ça peut être avant, peu importe. On a des locataires qui sortent d'EHPAD pour aller en habitat inclusif. Mais en tout cas, ça correspond à un moment de la vie, à un moment du parcours résidentiel de la personne, tout comme le domicile individuel peut l'être, et on a le droit de changer dans sa vie. On n'est pas obligé d'entrer à 25 ans dans un établissement d'hébergement et de se dire qu'on va passer toute sa vie en hébergement. Ça, c'est pour les personnes en situation de handicap et pour les personnes âgées. Je crois que 97% dans le dernier baromètre au CIRP, 97% des Français veulent mourir à domicile.

  • Speaker #1

    Très bonne idée. A Zillisheim, cette résidence Lysirondel, qui paye combien ? C'est comme dans un EHPAD ?

  • Speaker #0

    Concrètement, c'est organisé très différemment d'un EHPAD. Ce n'est pas forcément plus cher ou moins cher. Je pense que là-dessus, ce n'est pas l'argument qu'on utilisera. Mais c'est du domicile. Donc la différence, elle est là. Quand on entre dans un EHPAD, on est accueilli dans une structure collective. qui est soumis à plein de réglementations, par exemple la réglementation incendie. Et en fait, on est accueilli par une association, une entreprise qui est gestionnaire et qui vous accueille chez elle, mais avec ses règles. Quand on signe un bail dans son propre logement, tant qu'on paye le loyer, on est chez soi. Et donc, ce n'est pas du tout le même rapport aux intervenants extérieurs. Ce n'est pas du tout non plus la même façon de fonctionner. Dans un EHPAD, il y a un employeur qui emploie tout le monde. Dans un habitat inclusif, vous avez un service à la personne qui met à disposition les auxiliaires de vie. Vous avez des infirmières libérales qui viennent préparer les médicaments le matin et le soir. Vous avez le médecin généraliste du village qui se mobilise et Dieu sait qu'on a de la chance de les avoir sur DidiSign parce que c'est des gens vraiment motivés et soutenants. Donc on est comme au domicile en fait, on va aller chercher un petit bout de réponse un peu partout, dans le monde de l'hôpital, dans le monde du médical libéral, dans le monde ordinaire, très ordinaire. Et en fait la différence conceptuelle c'est que dans un EHPAD... Ce n'est pas vous qui décidez de ce que vous faites. Dans un habitat inclusif, il y a peut-être un petit peu plus de capacité de décision, mais ce ne sont pas des structures qui s'opposent. Nous, on a aussi accueilli, par exemple, à l'ouverture de la colocation des jeunes Alzheimer. En France, il y en a 55 000 qui développent la maladie d'Alzheimer avant l'âge de 60 ans. Ça commence à 35 ans. en moyenne. C'est des maladies qui sont extrêmement évolutives. Aujourd'hui en France, sans même parler de l'Alsace, il y a deux établissements de 40 places pour 55 000 malades. Donc en fait, ce qu'on nous dit clairement par cette situation-là, qu'il y a une carence de moyens publics, une carence de décisions politiques, ce qu'on nous dit c'est que de toute façon, pour accompagner les personnes en perte d'autonomie, On s'appuie sur la famille, c'est comme pour les mesures de protection, la tutelle, la curatelle. S'il n'y avait pas les tuteurs familiaux, notre système craquerait. Dans le monde du handicap et de la perte d'autonomie liée à l'âge, c'est exactement la même chose. Les proches aidants sont la variable d'ajustement qui permet aujourd'hui d'avoir une solidarité nationale à défaut. Enfin, une solidarité familiale qui prend le relais d'une solidarité nationale qui est parfois défaillante. En tout cas... Pour les personnes les plus lourdement handicapées, parce que le tableau que je dresse peut paraître très noir aux auditeurs, mais quand vous vous retrouvez avec un papa et une maman qui commencent à ne plus être autonomes, à se mettre en danger à domicile, il y a beaucoup de familles qui vivent ça tous les jours, c'est extrêmement difficile de trouver des solutions et on n'est pas préparé à le faire.

  • Speaker #1

    Mais à votre santé, donc le mois de la recherche et de la santé en Alsace, en mars 2025 par exemple ? permet aussi de découvrir des solutions, des idées. Un neuropsychologue de l'Université de Caen, Normandie, Hervé Platel, spécialisé dans l'étude du pouvoir de la musique dans notre cerveau, a découvert avec d'autres que, par rapport à la maladie d'Alzheimer par exemple, il y avait une possibilité, en écoutant des mélodies qu'on écoutait quand on était jeune, de retrouver de l'énergie, de la mémoire. Alors évidemment... Ça ne va pas solutionner tous les problèmes Alzheimer du monde, mais néanmoins, cette puissance de la musique dans notre cerveau, j'ai découvert ça grâce à ce neuropsychologue, et je pense qu'il y a sans doute des petits plaisirs, des petits sursauts d'énergie possibles grâce à la musique et à Famille Solidaire.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une bonne façon de le dire en fait. Je pense que ce qu'on appelle les approches non médicamenteuses, c'est-à-dire tout ce qui permet de traiter une personne quand elle est angoissée, quand elle a des troubles du comportement, quand elle a des problématiques de mémoire, d'améliorer son confort, d'améliorer sa vie, c'est bénéfique. Parce qu'on a une habitude, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'autres solutions aussi, c'est que souvent les gens sont médiqués de façon assez forte. Parce qu'ils ont des gros troubles du comportement, parce qu'ils se mettent en danger aussi, parce que parfois ils mettent en danger les gens qui sont autour d'eux. Mais il y a d'autres façons de le faire. Par exemple, tu évoquais la question de la musicothérapie. Il y a énormément de travaux qui sont conduits sur ces thérapies-là, pour une raison, c'est que ça permet de mobiliser finalement la sphère cognitive. Même pour des gens qui ne parlent plus, qui n'ont plus l'accès à la parole ou qui ne savent plus lire parce que quand on a Alzheimer, au bout d'un moment, le cerveau n'arrive plus à interpréter la lecture, n'arrive plus forcément à trouver les bons mots, on fait de la phasie, on fait plein de choses. Sur la colloque de Zilli-Seim, c'est résolument l'approche qu'on a choisie parce que, par exemple, on a une thérapie non médicamenteuse qu'on utilise dans la colocation qui est la thérapie par le voyage. un mode d'accompagnement qui est encore différent. Tu vas découvrir encore une nouvelle solution. Ça vient de l'université de Como, je crois, donc tout proche de la frontière avec la Suisse, de Como-Lugano, je crois, où ils se sont rendus compte qu'en reproduisant une fausse cabine de train, en mettant en place toute une démarche d'accompagnement des personnes, où on simule finalement la montée dans le train, on arrive à revisiter des souvenirs de la personne très ancien. Et donc la personne rentre dans une fausse cabine, elle a un écran de télé qui fait comme la vitre du wagon, et on voit le paysage défiler. En fait, en utilisant cette thérapie avec toute une démarche scientifique autour, ça peut permettre de rediscuter avec des personnes, de les remobiliser, surtout d'apaiser leurs angoisses, et finalement d'aider à ce qu'ils vivent mieux leur vie. Alors c'est jamais miraculeux, c'est pas parce qu'on fait de la thérapie par le voyage ou... ou de la musicothérapie, que la maladie disparaît. Mais si ça permet à la personne de mieux vivre ses difficultés, si ça permet à l'aidant d'avoir deux heures de répit, si ça permet finalement de créer des moments de bonheur, c'est ça qui est important dans la vie, qu'on soit valide ou un peu plus extraordinaire.

  • Speaker #1

    Famille Solidaire, dont tu es le fondateur Jean Ruch, c'est aussi la possibilité d'accueillir plein de gens différents, puisqu'on va peut-être lister ensemble ceux et celles qui peuvent être intéressés pour entrer en contact avec Famille Solidaire. Il y a d'abord ceux qui ont de l'argent et qui veulent investir dans un immobilier partagé et solidaire. Il y a les aidants. qui peuvent se perdre dans le massif administratif auquel ils font face. Mais il y a aussi évidemment les malades, les personnes âgées et puis sans doute d'autres. Quels sont les gens que tu recherches, qui peuvent ? Il y a aussi de la formation professionnelle me semble-t-il.

  • Speaker #0

    De quoi on a besoin du côté de Famille Solidaire aujourd'hui ? C'est de plein de choses, je vais les décrire de façon complètement désordonnée, mais si je suis l'histoire de Famille Solidaire, les premiers qui ont cru dans l'aventure, c'était des investisseurs solidaires. Donc c'est cette famille qui ont mis 180 000 euros dans l'entreprise Solidaire. Aujourd'hui, ça fait 7 millions d'euros de capital social, mais en gros, les cinq premières années, on a collecté un million d'euros de gens qui étaient convaincus par ce qu'on faisait, et aujourd'hui, on a des banques. Donc ça facilite un peu, puisqu'il faut qu'on... On trouve des capitaux, mais on peut toujours devenir actionnaire solidaire personne physique. J'ai un peu de sous, je ne veux pas forcément les mettre sur mon livret A parce que je veux leur donner un peu plus de sens. Vous pouvez les investir dans la foncière famille solidaire. Ça donne 25% de réduction d'impôt sur l'investissement. Donc si vous mettez 100 000 euros, vous êtes propriétaire de 100 000 euros d'actions. Vous pouvez déduire 25 000 euros de vos impôts par exemple. Et c'est pareil à 1 000, à 10 000, peu importe le chiffre. C'est juste pour expliquer le principe. Donc 25% de l'investissement est déductible des impôts. Ça, c'est une façon de nous soutenir. Ça permet de créer des projets auxquels les gens ne croient pas toujours. Les banques, elles ne croient pas toujours quand on leur dit on va monter une coloc Alzheimer. Ils se disent mais ils sont complètement fous. Ces gens-là, ça ne va jamais marcher. Ils sont attaqués aux gens les plus compliqués. Et on l'a entendu à de nombreuses reprises. Mais concrètement, on sait que ça marche. On sait que ça existe dans d'autres endroits. Donc il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas capable de le faire en Alsace comme ailleurs. De l'investisseur solidaire, on en a besoin. On a besoin de bénévoles aussi. Je pense aux bénévoles qui se mobilisent sur la maison de Bansenheim. On a quelques bénévoles qui viennent régulièrement pour aider pour les activités. A Zillisheim, je pense à Pierina, je pense à Pascal, je pense à un certain nombre de gens qui viennent filer un coup de main, des fois deux heures, pour aller se balader avec un locataire dans le village. venir aider à faire du bricolage dans le jardin ou à entretenir le jardin. On a besoin de bénévoles sur des engagements qui peuvent être compatibles avec des choix. Parce qu'aujourd'hui, les bénévoles, ils n'ont plus forcément envie de venir toutes les semaines. Et puis, trois jours dans la semaine. Donc, on sait s'adapter aussi aux gens qui nous contactent. On a beaucoup d'appels d'aidants qui cherchent des solutions. Alors malheureusement, je vous donnais les chiffres tout à l'heure des colocs Alzheimer. Il y a 60 colocs Alzheimer en France. Il y en a 3700 en Allemagne. Donc... En France, on est encore loin de pouvoir dire qu'on est une solution facilement mobilisable si quelqu'un a besoin. Mais on sait aussi accompagner, et c'est ce qu'on fait depuis le début de la création de Famille Solidaire, d'autres porteurs de projets. Aujourd'hui, j'accompagne à peu près 35 porteurs de projets en France. Ça peut être des services à la personne, des assos médico-socials, ça peut être des aidants qui veulent créer. Souvent, c'est des parents d'enfants autistes. qui veulent créer une coloc ou des appartements regroupés et qui appellent en disant « Je ne comprends rien à tout ce secteur, mais j'ai envie parce que je n'ai pas de solution pour mon gosse, je n'ai pas de place en hébergement, je vieillis, je muse. » Et c'est vrai que ce sont des situations qui peuvent être très compliquées pour tout le monde, que ce soit la personne aidée ou l'aidant. Donc on accompagne ces gens-là en formation. et en conseil. Donc on les aide à monter leurs projets, à revoir les plans, à trouver des architectes, à faire les plans de financement. Évidemment, comme on a aussi besoin de vivre, parce qu'une association, c'est plus comme il y a 50 ans. Aujourd'hui, dans le groupe associatif, on n'a qu'un salarié. Donc le fonctionnement du groupe implique presque 700 000 euros de masse salariale. Donc évidemment, on donne des conseils aux associations. On le fait de façon assez modeste quand c'est bénévole. On fait quelques heures de temps en temps données à quelques porteurs de projet et puis les autres porteurs de projet financent cette intervention pour qu'on puisse les conseiller. Mais ça permet de faire émerger des projets. On a accompagné Véronique à Pézenas. C'est une maman dont deux enfants sur trois et le mari avait la maladie de Huntington qui est une maladie neuroévolutive à la montée. des logements pour personnes touchées par la maladie de Huntington. Ce sont des gens qui ont énormément d'énergie, de belles valeurs, et puis surtout qui ont une vision de la vie qui est quand même très différente. Quand on a été confronté plein de fois finalement à des situations critiques, je crois qu'on se concentre peut-être un peu moins sur son plan de carrière, sur le consumérisme, sur le matérialisme, et qu'on se dit, quand on arrive à... j'allais dire à y survivre, quand on arrive à s'en sortir, on se dit qu'on a beaucoup de chance. C'est ça qui est paradoxal. Là où beaucoup de gens qui ont énormément de moyens matériels et qui vivent dans le luxe, dès qu'il leur arrive le moins de petits pépins de santé, on a l'impression que c'est la fin du monde. Je trouve que les aidants sont très résilients. On a besoin d'investisseurs, on a besoin de bénévoles, on a besoin de porteurs de projets qui... porte cette question de l'habitat inclusif partout en France. Et là, on va lancer d'ici la fin mai un appel à projet pour soutenir 10 projets de colocation Alzheimer en France avec un accompagnement pendant 18 mois. Là, ça sera entièrement gratuit, financé par une grande fondation. Et notre objectif, c'est de permettre et de dire oui, c'est possible de faire des colocs Alzheimer, même si on continue à faire des EHPAD. L'un n'empêche pas l'autre et on a besoin des deux solutions. Parce que ce qui est le plus difficile quand on perd en autonomie, lorsqu'il s'agit de quitter son domicile, il y a effectivement l'attachement historique, la maison où on a élevé ses enfants, parfois la maison où on a passé toute sa vie, ça existe encore. Mais ce qui est surtout compliqué dans le fait de vieillir, c'est finalement d'avoir... au fur et à mesure un appauvrissement du lien social. Parce que quand on a une mobilité difficile, on sort moins de chez soi, donc on voit moins les voisins. Et puis progressivement, quand cette perte d'autonomie va toucher la sphère intellectuelle, j'allais dire, on va être moins capable d'adaptation, on va moins supporter le bruit, on va moins supporter les autres. C'est un processus qui est assez systématique. Ça ne veut pas dire que tout le monde le vit de la même façon. On a une tendance naturelle avec le vieillissement à se mettre en retrait social. S'il n'y a pas des personnes qui rattrapent ça, on peut vite se retrouver avec des gens qui décèdent à domicile et qu'on retrouve trois semaines plus tard. C'est la réalité de notre monde aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui, et puis on ne va pas forcément découvrir TikTok ou Instagram à 75 ans, c'est vrai. Question transfrontalière en passant, s'il y a tellement plus de possibilités en Allemagne concernant l'accueil des malades d'Alzheimer, est-ce que les Alsaciens, par exemple, peuvent aller en Allemagne ?

  • Speaker #0

    Dans des Wohngemeinschafts, donc Wohngemeinschaft, ça veut dire « habitant inclusif » en allemand. Je ne saurais pas répondre à cette question, mais je m'engage à chercher la réponse pour la prochaine fois qu'on se voit. Ce que je sais, c'est que par exemple, moi, j'ai découvert les Wohngen-Mainschaft en allant visiter le quartier Vauban à Fribourg. Vous vous baladez dans un quartier, il y a donc en autopromotion, l'Allemagne, les Baugruppen, où on donne un...

  • Speaker #1

    Autopromotion,

  • Speaker #0

    on peut peut-être expliquer que c'est pour ceux qui ne savent pas. Alors, pourquoi c'est différent la France et l'Allemagne par rapport à cette question de l'habitat inclusif et des Wohngen-Mainschaft ? L'Allemagne, après la Deuxième Guerre mondiale, a été démilitarisée. À Fribourg, on avait une énorme caserne qui était quasiment en plein centre de la ville. Les pouvoirs publics ont été plutôt intelligents et ont dit « on va essayer un nouveau mode de construction d'habitat, c'est que 99% de la promotion immobilière en France, c'est les promoteurs. » Il y a assez peu de gens qui construisent par eux-mêmes. Et donc, ils ont lancé des appels à projets pour... On a regroupé quelques personnes qui avaient envie d'habiter dans le quartier en leur disant, voilà, on vous donne un terrain, imaginez un projet architectural et faites le construire. Et donc ça, ça s'est énormément développé. Et donc on se retrouve avec des quartiers extrêmement riches socialement, parce que les gens se parlent beaucoup. Alors c'est peut-être un peu bourgeois bohème par certains côtés, mais pas que. Et donc tout ça a permis finalement d'assurer un renouvellement immobilier, parce qu'il y avait besoin de tout ça. Et l'habitat inclusif, il arrive à peu près au même moment, fin des années 90, des grandes demeures bourgeoises vides. On a besoin de trouver des solutions pragmatiques pour des personnes âgées, des personnes en situation de handicap. On transforme ces grandes maisons finalement en appartements regroupés avec un espace commun et c'est comme ça que sont nées les colocations Alzheimer. A l'inverse, en Allemagne, vous avez énormément de mal à trouver un établissement d'hébergement. Il y en a beaucoup moins qu'en France et en fait c'est un choix sociétal qui a été fait il y a plus de 40 ans maintenant. La France a choisi l'institutionnalisation et est d'ailleurs régulièrement dénoncée par l'Organisation des Nations Unies dans le cadre de la Convention des Nations Unies pour les personnes handicapées en disant « ce que vous faites relève du siècle dernier, il faut arriver à ouvrir les institutions, il faut permettre aux personnes en perte d'autonomie, même aux personnes les plus lourdement handicapées, d'avoir les mêmes droits que les autres citoyens parce que sinon c'est... » Ce n'est plus la charte universelle des droits de l'homme, sinon on revient à ce qu'on a connu, j'allais dire toute l'institutionnalisation dans le sens négatif du terme. Et donc l'Allemagne, il y a énormément d'habitats inclusifs, mais il y a très peu d'établissements d'hébergement. En France, vous avez beaucoup d'établissements d'hébergement et très peu de colocations, très peu d'habitats inclusifs.

  • Speaker #1

    Allez visiter Freiburg, le quartier Vauban, la cathédrale et puis ces saucisses vegan au pied de la cathédrale. Alors Jean Ruch de Famille Solidaire, on peut te rencontrer dans le cadre de À votre santé, le mois de la santé et de la recherche médicale, le vendredi 28 mars 2025 à 20h au Cinéma Bel Air, projection du film The Father avec Anthony Hopkins, qui parle de la maladie d'Alzheimer, et puis c'est un ciné-débat, c'est tout gratuit. Et puis on peut rencontrer Jean Ruch de Famille Solidaire et d'autres intervenants. Mais sinon, peut-être, avant de conclure, Famille Solidaire, où est-ce qu'on le trouve, puisque vous êtes présent dans cinq régions de France, sur Internet ? Enfin, si on veut attraper Jean Ruch, si on veut parler à quelqu'un de Famille Solidaire, on clique où ? On fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je dirais, hormis pour les auditeurs qui sont en Polynésie française, je vous invite pour nos amis alsaciens... En proximité, vous allez sur votre moteur de recherche, vous tapez Famille Solidaire Alsace et vous tomberez sur le site internet de l'association qui oeuvre sur différents territoires en Alsace. On est présent à Schleital, le plus long village d'Alsace à 6 km de Wissenburg, dans le 67. On a un habitat inclusif sur Ilkirch-Grafenstaden, pour des personnes en situation de handicap au sud de l'agglomération de Strasbourg. On a également investi la Maison pour tous de Bansenheim avec le soutien de la mairie il y a un peu plus de deux ans maintenant, où on accueille cinq locataires âgés et en situation de handicap et puis sur Dillisheim et puis bien sûr notre siège social à Mulhouse qui est 14 avenue Tassigny. On est présent assez régulièrement dans plein de manifestations. N'hésitez pas à nous faire un petit message si vous avez des besoins pour réagir, pour dire c'est bien, c'est nul ce que vous faites. Vous savez quand on entreprend... On a souvent besoin de signaux faibles pour se dire qu'on est en phase avec la société. Et que ce qu'on dit, parce que quand je parle de la dépendance, c'est sûr que je ne dresse pas un portrait de notre monde qui est hyper encourageant. Mais si on ne dénonce pas ce qui ne fonctionne pas, ça ne change jamais. Et pour ma part, en tant qu'aidant, j'y ai été confronté à de nombreuses reprises. Venez à notre rencontre, venez à cette soirée du mois de mars. Et puis globalement, sinon, vous pouvez envoyer un petit message sur info.at.famille.com. Le tiret du milieu, solidaire.com. On essaiera de vous répondre dans les meilleurs délais. Et on espère surtout avoir l'occasion de vous croiser.

  • Speaker #1

    Dernière question, parce que j'y pense, tu cites les mairies comme partenaires souvent des projets Familles Solidaires. Les municipalités vont être renouvelées en mars 2026. Est-ce qu'il y a des revendications, des messages apportés auprès des candidats pour qu'ils soient plus actifs en direction ?

  • Speaker #0

    Oui. Oui, clairement. Je pense que ce n'est pas la responsabilité uniquement des maires, ou uniquement des départements, ou uniquement des conseils régionaux. Mais ce qui serait bien, c'est qu'il y a dix ans, au niveau du gouvernement, on a créé le comité interministériel. Parce qu'en fait, on ne parlait de handicap qu'au ministère de la Santé. Ce qui serait super, c'est que les mairies se sentent... tout autant concernés par les personnes en situation de handicap et en perte d'autonomie que par l'assainissement ou le réseau d'éclairage public. Parce que nos concitoyens, c'est souvent aux plus proches qu'on les repère, c'est aux plus proches qu'ils ont besoin de soutien. Et donc cette compétence handicap, qu'on ne s'abrite pas toujours derrière « Ah mais ce n'est pas moi qui suis le financeur, donc allez vous adresser à tel financeur » . On est tous responsables de la situation actuelle. On a tous besoin qu'elle évolue, ne serait-ce que pour nos besoins individuels futurs, parce qu'on aura des besoins. Oui, il serait quand même grand temps qu'au lieu de parler tout le temps d'immigration, on parle des 13 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, des 3 millions de personnes dépendantes, et de leurs 11 millions d'aidants qui sont pour 60% d'entre eux, donc 6 millions d'entre eux, ils bossent et ils s'occupent d'un proche. Ça veut dire que... C'est des femmes de 40-50 ans qui s'occupent d'une maman qui perd de l'autonomie, qui vont le matin, le midi, le soir. Et ça, personne ne le reconnaît. Donc oui, ouvrez les yeux, messieurs les élus, parce que je pense que les femmes ont une vision beaucoup plus claire de ce que veut dire la perte d'autonomie pour s'en occuper depuis des siècles. Ouvrez les yeux et arrêtez de dire que c'est de la compétence des autres, c'est de la compétence de tout le monde d'accueillir les personnes correctement.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jean-Ruch, fondateur de Famille Solidaire, qu'on peut retrouver au Ciné-Débat, au cinéma Bel Air à Mulhouse le vendredi 28 mars 2025 à 20h. C'est gratuit, c'est en tram Bel Air et sinon sur internet famillesolidaire.com. Merci beaucoup Jean-Ruch.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt. Vis une nouvelle expérience. Écoute la nef des sciences. Participe à l'aventure des podcasts Science et Culture.

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