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Woke Up Nation

#1 - Selma Sardouk, thérapeute décoloniale

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56min |25/04/2024
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#1 - Selma Sardouk, thérapeute décoloniale

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56min |25/04/2024
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Description

Peut-on entreprendre en étant anticapitaliste ? Quelles sont les difficultés à entreprendre en tant que femme racisée ? Quelles conséquences à prendre la parole sur un génocide ?


Pour ce premier épisode, j'ai eu le plaisir d'accueillir Selma Sardouk, thérapeute décoloniale.


En plus de répondre à ces questions, nous avons abordé le passionnant sujet du soin communautaire, qui est au coeur de la pratique de Selma, mais aussi celui des valeurs militantes, de la place qu'on peut leur donner et de la manière dont on peut les faire s'incarner dans notre activité entrepreneuriale.


Vous pouvez retrouver Selma sur son compte instagram @selmasardouk ou sur son podcast Mäli Mäli.


Si vous souhaitez soutenir le podcast, n'hésitez pas à vous y abonner et à lui laisser un bon avis !
Vous pouvez aussi le retrouver sur instagram @wokeupnation, ou me contacter directement sur Linkedin !


Un podcast animé et imaginé par Léa Niang.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue sur Woke Up Nation, le podcast qui parle d'entrepreneuriat à la sauce wokiste. Je suis Léa Nian, je suis consultante en communication inclusive et passionnée des sujets d'inclusivité et de justice sociale. J'ai lancé Woke Up Nation dans une volonté de politiser le monde de l'entrepreneuriat et de donner la parole à des entrepreneurs et entrepreneuses qui se distinguent par leur prise de position politique et ou militante et qui, en ce sens, vont à l'encontre de ce que la Startup Nation attend de nous. J'ai été ravie d'accueillir pour ce tout premier épisode Selma Sardouk, qui se définit comme thérapeute et coach avec une approche décoloniale. Avant de vous laisser à l'épisode, quelques mots pour me situer. J'ai 30 ans, je m'identifie comme une femme cis, queer et une militante féministe. J'ai un nom et un métissage sénégalais, tout en bénéficiant d'un white passing dans mon quotidien, c'est-à-dire que la plupart des personnes qui me croisent pensent et estiment que je suis une personne blanche. Maintenant que les bases sont posées, je vous laisse à votre épisode. J'espère que vous l'aimerez autant que j'ai aimé l'enregistrer avec Selma. N'hésitez pas à vous abonner au podcast ou à lui laisser une bonne note. Bonne écoute ! Hello Selma, je suis ravie de t'accueillir sur Woke Up Nation. Comment tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Hello Léa, merci pour cette invitation, je vais bien, merci et toi ?

  • Speaker #0

    Ça va, ça va aussi. Est-ce que tu veux bien commencer par te présenter et aussi si tu veux bien te situer pour que les personnes qui nous écoutent puissent savoir de quel point de vue tu vas t'exprimer aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Avec plaisir. Je m'appelle Selma Sarbouk, je suis une femme cis. Je me définis comme une femme africaine. À Mazir, j'ai grandi en France, en banlieue parisienne. Dans la vie, je suis thérapeute et j'ai une approche décoloniale de la thérapie et du soin communautaire. C'est un peu tout ça que j'essaye de développer en ce moment.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors moi, du coup, je t'ai connue sur Instagram, notamment via tes prises de position militantes sur plusieurs sujets. Est-ce que tu peux commencer par me raconter un petit peu ton histoire entrepreneuriale ? Comment est-ce que tu t'es lancée à ton compte ? Est-ce que c'était une évidence de te lancer à ton compte ou est-ce que tu as d'abord tenté le salariat ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas trop tenté de ce point de vue-ci. J'ai déjà été salariée, mais c'était plus des petits boulots. J'étais étudiante, par exemple, même au tout début, quand j'étais à mon compte, j'avais un job alimentaire à côté. Donc en fait, mon expérience du salariat, c'est plus des jobs alimentaires que vraiment un truc où je vais faire carrière, etc. Parce qu'en vrai, je n'ai jamais cru à ce mythe. faire carrière. En fait, dans les faits, c'est vrai que je suis entrepreneur, parce que je suis à mon compte et tout, mais j'ai du mal à m'identifier comme étant entrepreneur, entrepreneuse. C'est un peu particulier parce que je ne me sens pas trop faire partie du monde de l'entreprenariat. Mais sinon, j'ai beaucoup été à mon compte, même quand... quand j'étais plus jeune je donnais des cours de français par exemple quand j'habitais à l'étranger et pareil je n'étais pas salariée c'est un truc que je faisais à mon compte quand tu dis que tu t'identifies pas au monde de l'entrepreneuriat c'est le monde start-up

  • Speaker #0

    nation ou c'est aussi la manière dont d'autres entrepreneurs de gauche font l'entrepreneuriat ouais bah alors la start-up nation c'est un peu de zerti rires

  • Speaker #1

    on va en parler voilà je pense qu'on a tout le temps d'en parler pendant cette conversation mais je m'identifie pas vraiment au monde de l'entrepreneuriat parce que je fais du soin j'ai une pratique de soin et du coup de fait il y a plein de choses qui ne me parlent pas dans l'entrepreneuriat parce que le soin, ce n'est pas quelque chose qui est… Alors si, moi je gagne ma vie, je vais employer mes factures grâce à ce métier. Je n'ai pas d'autres métiers à côté. Mais il y a ce truc de rentabilité, de productivité qu'on entend beaucoup même chez les entrepreneurs de gauche qui n'est pas du tout transposable au monde du soin. Alors même si on entend l'inverse, on entend plein de gens dire qu'il faudrait qu'on se positionne comme entrepreneur et qu'on prenne que c'est rentable, etc. Mais en fait, on fait du soin. Je suis juste... On a un métier où, alors oui, on peut optimiser certaines choses pour que ça ne nous pompe pas toute notre énergie, etc. Mais au final, on a du temps, on a une disponibilité émotionnelle, on a une formation, on a une posture. Et on ne peut pas... on ne peut pas démultiplier le nombre d'heures et on ne peut pas optimiser, on ne peut pas être productif en fait dans le soin. Et donc, de fait, il y a plein de discours, donc même chez les entrepreneurs de gauche qui ne me parlent pas parce qu'il y a toujours ce truc de ouais, mais il faut être productif, ouais, mais bah non en fait. Moi, je fais du soin, je n'ai pas du tout cette orientation de productivité parce que ça ne marche pas en fait.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ce que tu dis, c'est une position militante en soi, en fait. C'est une manière militante de faire ton métier et de mener ton activité. Est-ce que toi, tu te définis comme militante en tant que thérapeute et en tant qu'entrepreneuse, peut-être ?

  • Speaker #1

    Pour moi, être militant, c'est vraiment faire partie d'un collectif et mener une action collective. Alors oui, je suis militante par ailleurs, parce qu'en plus, il y a des actions qui sont en lien avec le monde du soin aussi. En fait, la barrière est un petit peu floue, j'avoue. C'est-à-dire que la barrière entre ma vie privée, mon métier, les espaces militants et même les espaces spirituels, tout ça, c'est un petit peu… Je n'ai pas vraiment de… frontières imperméables entre... tous mes domaines de vie, c'est un petit peu mélangé. Donc forcément, quand j'interviens en tant que Selma Sardouk, thérapeute, je dis que j'ai une approche décoloniale. Donc souvent, on me présente ou moi je peux aussi me présenter comme thérapeute décoloniale. C'est une prise de position militante quelque part. Et forcément, ça a aussi un impact sur les activités militantes qu'il va y avoir après. dans les collectifs militants. Mais du coup, mes réponses sont toujours très complexes. Mais je pense qu'en étant thérapeute seulement, même en ayant une posture décoloniale, etc., ça fait partie de ma façon d'être militante. Mais s'il n'y avait que ça, je ne me dirais pas militante.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es ok de nous partager les activités militantes hors travail que tu mènes ?

  • Speaker #1

    Oui, les gros projets du moment. On va rester dans la thématique du soin. Les gros projets du moment, c'est l'investissement dans une asso qui s'appelle Démocratsi et notamment l'ouverture d'un centre de soins communautaires. Alors du coup, moi, je ne suis pas à l'origine du projet. Mon Démocratsi était déjà constitué. J'ai rencontré... Capucine, qui est du coup la personne avec qui on travaille sur ce projet de centre de soins communautaires, qui du coup a trouvé qu'on était très alignés dans notre façon de voir les choses et de penser les choses. Moi, j'étais un petit peu déconnectée du monde militant et j'étais en train d'y revenir petit à petit puisque comme j'ai eu un enfant, je suis maman solo, j'avais beaucoup de choses qui faisaient que je ne pouvais pas vraiment m'impliquer à... à fond dans un collectif. Et puis là, en fait, c'est un moment où je commençais à revenir un petit peu dans ce milieu-là. Et donc, je rencontre Capucine qui, de par mes prises de position, justement, elle me disait que le fait de dire on fait du soin communautaire, c'est un truc qu'on ne voit pas beaucoup. En fait, on n'est pas très, très nombreuses en France à faire ça. et que comme elle était sur ce projet-là d'ouvrir un centre de soins communautaires, elle voulait savoir si j'étais partante. Donc, c'est comme ça que ça a commencé. Mais là, c'est vraiment le projet militant qui me prend beaucoup de temps. On est logé dans un squat à Montreuil et l'idée, c'est vraiment de faire du soin en priorité pour les personnes qui en ont le plus besoin, du soin communautaire antiraciste, anticapitaliste. et la réalité c'est que quand on est thérapeute nos séances peuvent coûter cher même en mettant en place moi j'ai plein de trucs en place pour que ce soit plus accessible c'est quand même difficile d'accès pour plein de gens et donc le fait qu'on soit dans un squat à Montreuil et qu'on fait des trucs à prix libre à partir de zéro euro. C'est-à-dire que tout ce qu'on fait, c'est à prix libre à partir de zéro euro, même les séances individuelles et tout. Du coup, ça permet une accessibilité. qu'on ne peut pas offrir dans un autre endroit. Et puis, ça nous permet aussi de vraiment porter le message du soin communautaire et de la santé communautaire comme étant un axe de lutte, en fait. Parce qu'on parle beaucoup de lutte. dans les milieux que je fréquente on parle beaucoup de limite on parle beaucoup de dégommer le patriarcat dégommer le système colonial le capitalisme etc mais en fait la santé communautaire ça fait partie de la lutte et malheureusement on n'en parle pas assez et on ne met pas assez ça en avant

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. En tout cas, longue vie à cet espace de soins communautaires. Tu parlais des petites choses que vous mettez en place dans ce centre communautaire, notamment au niveau des prix, avec le prix libre, etc. Est-ce que toi, dans ton activité solo de thérapeute, tu mets d'autres choses en place pour incarner ces valeurs-là, militantes, antiracistes, anticapitalistes ?

  • Speaker #1

    ouais bah du coup moi j'ai pour tous mes services j'ai 3 tarifs toujours j'ai plusieurs tarifications j'ai une tarification de base le tarif de base je propose un tarif réduit et un tarif soutien du coup les personnes qui sont à l'aise financièrement peuvent payer plus donc ça c'est vraiment un truc de base déjà que je propose après je fais beaucoup d'espace en non mixité ça s'est beaucoup beaucoup décrié je suis beaucoup critiquée par rapport à ça mais bon c'est comme ça je vais continuer à le faire donc j'ai beaucoup d'espaces en non mixité et des espaces en mixité choisie etc et puis du coup au niveau de l'accessibilité je trouve que ça se joue sur la tarification mais ça se joue aussi sur le message qu'on porte et sur comment est-ce qu'on parle des choses et du coup quand on parle de santé mentale sans parler de trauma racial ça rend tout de suite les choses peut-être un peu moins accessibles à des gens qui ne vont pas forcément s'identifier. Ou bien quand on parle de santé mentale, sans parler du manque d'accès aux soins, en fait on se coupe de toute une partie de la population qui ont besoin de ces services-là. Donc je pense que c'est vraiment autant dans la tarification que dans le message qu'on porte et ce qu'on dit. et à qui est-ce qu'on choisit de s'adresser en fait ?

  • Speaker #0

    Sur la question des tarifications, je sais qu'il y a des personnes qui sont réticentes à mettre en place ces tarifs solidaires parce qu'elles ont peur que des personnes en profitent. Est-ce que toi, tu observes ça ? Moi, j'ai tendance à penser que les personnes qui vont faire appel au service d'une personne qu'elles savent engager vont avoir conscience de leur position dans la société et vont donc choisir leur tarification en fonction. mais est-ce que c'est quelque chose sur lequel tu peux avoir un feedback ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais grave confiance aux gens. Ok. Moi, on a un truc de on fait confiance Je ne demande pas du tout de justificatif. Des fois, je fais des trucs à prix libre. Je ne mets même pas à partir de zéro euro, je mets vraiment prix libre comme ça. Par exemple, je peux faire des ateliers de deux heures à prix libre et franchement, il y a des gens qui ne payent pas et il y a des gens qui payent 100 euros. Donc, je ne sais pas. Moi, d'expérience, je pense qu'il faut faire confiance. et je pense que ce truc de on a peur que les gens profitent ça vient d'une idée capitaliste aussi et ça vient d'une idée de alors c'est pas du tout pour critiquer les gens qui pensent comme ça, je pense que c'est vraiment quelque chose qui peut faire peur parce que c'est de la propagande de la société de dire que les gens sont des assistés et les gens profitent en fait, mais en fait Pas du tout. La majorité des gens, alors c'est absolument pas scientifique comme chiffre, c'est vraiment un truc d'une expérience très personnelle, mais ça fait des années que je fais ça et que d'autres personnes autour de moi font ça aussi. en fait les gens payent le juste prix parce qu'ils correspondent à leur revenu alors moi j'ai même des personnes qui commencent en étant au chômage par exemple et donc en payant le prix réduit ou même parfois je fais des prix encore plus bas pour des personnes qui sont étudiantes ou des personnes qui sont au RSA, je peux proposer comme je fais le soutien ça me permet de financer aussi ça je peux proposer des tarifs encore plus bas genre 40 euros la séance, une séance d'1h15, 1h30, c'est rien du tout, en fait. C'est des personnes qui, après, quand ça va et qu'elles ont une situation stable, elles vont payer le tarif soutien. C'est du tout ce que j'attends. Mais c'est quelque chose que j'observe, en fait, que... faites confiance aux gens faites confiance aux gens et puis ça se passe plutôt bien après il y a une personne qui gagne très bien sa vie et qui va quand même payer 150 euros au prix réduit au lieu de payer la science soutien alors qu'elle en aurait les moyens oui ça arrive mais bon c'est la vie et c'est pas grave en soi

  • Speaker #0

    C'est chouette ce que tu décris, je trouve que ça illustre bien cet esprit collectif et communautaire où on rend ce dont on a pu bénéficier avant. Tu disais aussi sur les espaces en non-mixité, tu recevais pas mal de critiques, ça me fait penser aussi, j'ai vu que certains de tes programmes, tu les proposais à des tarifs différents pour les personnes racisées et pour les personnes blanches. est-ce que t'es ok d'expliquer cette voilà et aussi si tu veux bien dire je sais pas comment ça a été reçu et comment toi t'as alors

  • Speaker #1

    du coup alors mon activité principale c'est la thérapie comme je disais je fais des séances individuelles mais surtout du soin communautaire mais je fais aussi des espaces d'éducation et donc du coup c'est des espaces d'éducation où il y a de l'espace aussi pour parler de ses émotions et aller travailler aussi l'aspect émotionnel et l'aspect somatique de ce qu'on est en train d'apprendre c'est des espaces de conscientisation quelque part mais où on va pas juste apprendre les choses, on va apprendre et puis ensuite on va regarder qu'est-ce qui se passe au niveau émotionnel et qu'est-ce qui se passe dans le corps et puis du coup on travaille tout ça en même temps et du coup ces espaces-là j'en propose plein que ce soit en mixité ou en non mixité et puis récemment j'en ai proposé un qui était destiné aux personnes blanches en particulier c'est à dire que le programme il est pensé pour les personnes blanches pour travailler la posture de complice de la lutte décoloniale et des luttes antiracistes et du coup j'ai proposé un tarif qui était je peux dire les prix, c'était 250 euros pour les personnes blanches ce qui est vraiment pas cher le retour qu'on m'a fait c'est qu'au final c'était vraiment pas cher par rapport au contenu et du coup j'ai proposé aux personnes racisées de pouvoir participer mais en fait c'était pas je veux dire que la façon dont j'ai construit le programme c'était pas fait pour les personnes racisées mais si elles voulaient venir pour apprendre des trucs c'était possible donc j'ai proposé un tarif qui était très très bas de 50 euros. C'est un peu comme presque cadeau, en fait. Et j'ai reçu beaucoup, beaucoup de critiques par rapport à ça, parce que, justement, c'est une tarification qui était très différente. Et la raison pour laquelle j'ai proposé cette tarification différente, c'est parce que c'est un programme pour les personnes blanches. C'est les personnes blanches qui vont le plus bénéficier de ce truc-là. Les personnes racisées, elles n'ont pas besoin d'apprendre. la posture d'un complice et de ce que ça veut dire être complice c'est pas c'est donc c'était pour moi c'était logique en fait de pas faire payer pareil parce que pour moi la tarification on dit beaucoup qu'il faut réfléchir à ses prix en fonction de la valeur de ce qu'on donne on n'a toujours pas compris ce que ça veut dire on est là on a toujours pas compris mais on entend beaucoup on entend beaucoup parler de ça et moi je dis toujours que c'est très difficile parce que quand on fait du soin c'est une valeur inestimable ou bien quand on propose des espaces de conscientisation etc c'est une valeur inestimable donc c'est très difficile de dire c'est qu'Alain ne fait que des trucs à 10 000 balles et puis encore mais ça ne peut pas fonctionner comme ça donc pour moi en fait le prix c'est ok moi je sais que enfin je veux je connais ma façon de travailler et je sais que ce que je vais proposer, je vais faire de mon mieux pour que ce soit quelque chose de qualitatif. Mais je propose aussi, je réfléchis aussi à ma tarification en fonction des personnes à qui je m'adresse. Je reviens à cette histoire de tarification, plusieurs tarifications, et puis cette histoire de prix libre, toutes ces choses-là. Parce qu'en fait, quelqu'un qui gagne 5000 euros par mois peut avoir besoin de thérapie, mais du coup peut se permettre de mettre 150 euros dans une séance de thérapie, et même de le faire chaque semaine, et il n'y a pas de souci. Mais cette personne-là n'a pas forcément... elle ne va pas forcément avoir plus besoin de la thérapie qu'une personne qui est au RSA. Et une personne qui est au RSA ne peut pas mettre 550 euros. et ça ne veut pas dire qu'elle ne donne pas de valeur au travail au contraire en fait et donc pour moi il faut vraiment réfléchir à ça aussi quand on propose des services il y a ce que moi je propose et la certitude que je fais de mon mieux dans ce que je propose et que j'ai une posture et puis aussi des outils que les gens recherchent, donc ça je le sais mais en même temps les personnes qui ont le plus besoin de ce que je propose c'est pas les personnes qui vont pouvoir payer 150 euros donc à un moment donné je pense qu'il faut se décentrer de soi quand on est entrepreneur même si il y a beaucoup de discours contraires qui disent qu'il faut se centrer d'abord sur soi et que tout part de soi etc, oui mais il faut aussi savoir se décentrer de soi et de savoir qu'est-ce qu'on veut apporter en fait dans la communauté et comment est-ce qu'on peut le faire et du coup comment est-ce que je peux répondre à mes besoins parce que moi j'ai besoin de manger, j'ai besoin de payer mon loyer j'ai besoin de nourrir mon fils, donc comment est-ce que je peux répondre à mes besoins tout en ayant la capacité de répondre aux besoins des autres, et les autres ont besoin d'avoir des espaces de soins qui leur coûtent pas un bras trop intéressant,

  • Speaker #0

    je reviens aussi sur du coup sur les critiques que tu reçois alors du coup tu me disais que tu étais assez souvent critiquée sur les questions de non-mixité là j'imagine, j'ai Quand j'ai vu les tarifs différents pour les personnes racisées et les personnes blanches, je t'ai envoyé mentalement tout le soutien parce que je me suis dit que tu avais dû recevoir un certain nombre de messages pas très sympas. Là, au jour où on se parle, on est le 15 mars, on est au 159e jour du génocide perpétré à Gaza par l'État d'Israël. On est à plus de 31 000 personnes tuées. Je sais que toi, tu prends beaucoup la parole sur la question de la Palestine et du génocide, et de manière plus générale sur la situation coloniale en Palestine. Est-ce que c'est des prises de position qui te valent des critiques ou des choses pas sympas ?

  • Speaker #1

    Oui, mais en fait, je pense que c'est un peu tout le temps. là pour moi c'est pas plus violent que d'habitude, enfin il y a des vagues en fait on va dire il y a des vagues parce que j'ai une posture décoloniale tout le temps et anticoloniale tout le temps c'est pas spécifique à maintenant mais oui en fait je reçois des menaces de mort je reçois des messages très violents on me dit d'aller à Gaza je pense qu'on est beaucoup à recevoir des messages comme ça mais je ne vais pas me taire pour autant je continue à porter mon message et et je pense que c'est important qu'on le fasse pour moi c'est un privilège d'être ici en Europe et de ne pas vivre ça en fait juste d'être conscient conscient de ce qui se passe mais de ne pas le vivre dans la chair c'est un privilège donc je ne vais pas me taire pour autant. Et je pense qu'en tant que professionnelle du soin, professionnelle de la santé mentale, en fait, il est de notre devoir de parler de ces sujets-là. Après, encore une fois, j'ai beaucoup de privilèges. J'ai des espaces pour me ressourcer, j'ai des espaces pour après débriefer sur ce que je reçois. Mais je pense vraiment qu'en tant que professionnelle du soin, c'est hyper important qu'on prenne position sur ces questions-là, et d'autant plus quand on parle de trauma, parce que moi, ma spécialité, c'est le trauma systémique et social. Du coup, ça n'aurait pas de sens que je n'en parle pas, puisque le cœur de la spécialité trauma systémique et social, c'est justement les guerres, les génocides, la colonisation. et l'impact que ça a sur la santé mentale. Donc, du coup, ça n'a vraiment pas de sens. Et je pense, d'ailleurs, pour toutes les personnes qui travaillent sur le trauma en général... si ils ne prennent pas position sur la Palestine, le Congo, le Soudan, Hawaï et tout ce qui se passe dans le monde. Là, la Palestine, je trouve que ça cristallise beaucoup de choses. Et c'est le premier génocide en direct sur Instagram. Donc, voilà. Il y a quelque chose de particulier. Mais en fait, c'est vraiment tout ce qui se passe dans le monde. Il y a énormément de situations chromatiques. et donc il y a beaucoup beaucoup de gens qui parlent de trauma et qui sont formés à la prise en charge du trauma de différentes façons et du coup ça ne leur parle pas du tout en fait c'est comme si on s'était complètement déconnecté alors que non, si on ne prend pas position sur ce sujet-là alors que c'est exactement ce système-là qui est la source de beaucoup de souffrances que vivent des gens qu'on accompagne au quotidien, en fait, on passe à côté d'une partie du problème. Donc, pour moi, avoir des menaces de mort, ça fait partie du truc de toute façon parce que c'est une réaction. Je pense que c'est le... C'est malheureux à dire, mais c'est le jeu, quoi. On prend position, on va avoir des réactions très violentes parce que c'est un sujet qui est clivant. Mais c'est un sujet qui est clivant depuis que je suis gamine, en fait. Je le sais et j'ai eu, je crois, les réactions les plus violentes. C'était après le 7 octobre. On disait à tout le monde que ça avait déjà commencé. les reprisailles. On disait à tout le monde Est-ce que vous condamnez le Hamas ? Avant de s'exprimer, il fallait d'abord condamner le Hamas avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Et en fait, non. Je refuse, moi, de jouer à ce jeu-là et de devoir montrer patte blanche avant de pouvoir ouvrir la bouche sur quoi que ce soit. D'abord condamner... En fait, je comprends très bien pourquoi. quelle est la stratégie derrière ça mais en fait non je refuse et donc du coup j'avais reçu beaucoup de critiques et de trucs très très violents à ce moment là parce que d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui parce que non en fait je vais pas je vais pas rentrer dans le jeu de d'abord essayer de vous prouver que je suis pas une terroriste avant de parler de ce dont j'ai envie de parler. Sachant que, c'est pareil, j'avais aussi reçu beaucoup de critiques quand j'avais dit que l'acte du 7 octobre, c'est un acte de résistance. Juste, on peut remettre dans le contexte colonial. Et l'acte de résistance en soi, c'est quelque chose... qui est thérapeutique. Il y a plein de formes de résistance possibles. La résistance armée, ce n'est pas la seule forme de résistance, évidemment, mais c'est aussi une forme de résistance. et je pense que c'est pas le moment là de dire ah bah non moi je veux pas de résistance je suis contre la résistance anticoloniale en fait non juste je pense qu'on peut recentrer le débat sur autre chose et peut-être que on peut vraiment parler de ce que c'est que la colonisation et de ce que c'est que la violence coloniale et de comment est-ce qu'on perçoit Dès qu'il y a des Arabes ou des personnes perçues comme Arabes qui font valoir leurs droits ou qui vont avoir des actes de résistance, c'est perçu comme du terrorisme. On fait le parallèle tout de suite avec des choses qui n'ont absolument rien à voir. Et en fait, je pense qu'il y a... des débats à avoir sur ces questions-là en interne. On peut parler de ces questions-là et du coup, de dire est-ce que cette forme-là, en particulier, c'était vraiment la bonne forme, etc. Mais là, ce n'est pas le sujet, en fait. Il y a des gens qui sont en train de se faire tuer. Il y a un génocide en cours. Là, ce n'est pas le sujet. Je ne vais pas là maintenant tout de suite pour pouvoir m'exprimer sur un génocide et d'abord condamner une action. Ça n'a absolument aucun sens. et ça c'est beaucoup de critiques parce que du coup c'est tout de suite le raccourci si tu condamnes pas le Hamas tu es une terroriste et donc comme tu es une terroriste tu es complètement déshumanisé en fait on déshumanise complètement et comme on n'est pas perçu comme humain dans le regard de l'autre dans les propos qui sont tenus c'est très très violent et voilà c'est un peu ça ce qui se passe en ce moment

  • Speaker #0

    Est-ce que on peut en parler très très rapidement est-ce que tu arrives à mettre toi des choses en place pour soit te protéger de tout ça pour éviter que ça t'arrive ou je sais pas est-ce que tu as des espaces extérieurs a posteriori dans lesquels toi tu peux te te ressourcer débriefer comment tu gères ça ? alors du coup franchement en ce moment c'était un peu compliqué je vais pas faire comme si c'était pas difficile parce qu'en fait moi ça fait deux ans à peu près un peu plus de deux ans que je suis harcelée et que c'est violent donc du coup ouais c'était j'ai eu des moments très très dark où ça allait pas du tout mais du coup j'ai moi aussi je suis en thérapie comme beaucoup de thérapeutes du coup j'ai aussi cet espace là mais je suis aussi supervisée donc la supervision c'est un espace où on va travailler sur sa pratique en tant que thérapeute en thérapie je vais travailler sur moi en tant que personne et ce qui se passe dans ma vie, donc pas forcément dans mon travail, mais je suis aussi supervisée. J'ai une supervision individuelle et une supervision en groupe où justement, on va parler de comment est-ce que ça nous touche. Parce qu'en fait, on est... Alors, ce n'est pas du tout des choses qui se passent... Enfin, ce n'est pas en France, malheureusement, que je trouve ces espaces-là. Malheureusement, aujourd'hui, avec la visio et tout, on peut trouver pas mal d'espaces en ligne. Mais du coup, en fait, on est beaucoup de thérapeutes racisés qui travaillent sur le trauma racial. Moi, je travaille beaucoup sur le trauma racial et colonial. Du coup, je subis moi-même un stress racial important au quotidien de par ma position dans la société tout simplement, mais aussi de par les menaces que je reçois et les violences que je peux recevoir au quotidien. Du coup, j'ai ces espaces-là. Puis après aussi, j'ai mes proches.

  • Speaker #1

    avec qui je peux échanger et sur qui je peux compter aussi j'imagine que tes proches comprennent ta position mais est-ce qu'ils comprennent ta volonté de continuer à t'exprimer publiquement sur ces sujets là ou est-ce que c'est des choses qui leur font peur, est-ce qu'ils essayent de t'en dissuader

  • Speaker #0

    Ça dépend de qui. Pour la famille, il faut savoir que mon père est militant. Et mon père, il est un petit peu plus calme. On a un peu d'âge. Mais mon père, il est parti de son pays pour des raisons militantes. C'est pas... c'est pas une personne qui a la langue dans sa poche encore jusqu'à aujourd'hui en fait il va avoir des positions il s'en fiche complètement il dit vraiment les choses en fait et en fait j'ai beaucoup de gens dans mon entourage qui sont en mode on meurt pour la lutte enfin basta et donc du coup ces personnes là comprennent souvent dans les cercles spirituels, moi je suis musulmane et souvent dans les cercles spirituels et militants, donc les gens qui sont à la fois musulmans et militants c'est une posture qui est beaucoup mieux comprise parce qu'on voit le militantisme comme un... Je vais dire un mot qui fait peur aux fachos, mais je ne comprends pas. Mais je peux expliquer après ce que ça veut dire. Mais en gros, le militantisme, c'est une forme de djihad. Et le djihad, en fait, c'est la lutte contre l'oppression. Je le définis de façon très sommaire, dans des définitions. théologiques, etc. Mais en fait, il y a plusieurs formes de djihad. Mais le principe même du djihad, c'est la lutte contre l'oppression. pour les personnes musulmanes, ça a du sens de ne pas se taire, même s'il faut se protéger, etc. Mais ça a du sens de continuer à prendre la parole même si... Après, il y a d'autres personnes qui sont moins... Genre mon frère, par exemple, il ne comprend pas. Il est musulman et très pratiquant aussi et tout, mais il ne comprend pas. Il me dit, en fait, tu pourrais juste... En vrai, il ne me dit pas trop de choses, mais je le vois aussi beaucoup dans son regard. que je pourrais juste peut-être dire les choses en privé et arrêter de les dire en public. Mais en fait, pour moi, c'est vraiment un truc de... Je pense au collectif et à la communauté. Je pense qu'en sacrifiant un peu de ma sécurité individuelle, ça crée plus de sécurité pour le collectif. Parce que quand moi, je m'exprime, ça permet à plein de gens qui ont les mêmes idées de ne pas s'exprimer, de s'exprimer. Ça crée vraiment un truc de sécurité collective. Et je pense qu'en 2024, je pense qu'il est temps qu'on apprenne que la sécurité individuelle, ça ne protège pas beaucoup contre les systèmes et que peut-être que sacrifier un petit peu de sa sécurité individuelle pour la sécurité du collectif, c'est une stratégie à adopter pour le bien de tous.

  • Speaker #1

    Merci d'accepter de parler de ça dans ce podcast et j'espère que les personnes qui nous écouteront... trouveront, après nous avoir écouté, le courage. de prendre la parole aussi sur ces sujets-là. Je rebondis sur autre chose que tu disais tout à l'heure, ce que tu disais sur le fait d'être une femme racisée dans la société et que du coup, tu évolues en tant que femme racisée et tu subis... du stress racial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, j'ai bien compris que du coup, tu ne t'identifies pas exactement comme une entrepreneuse, mais tu as quand même une activité de type entrepreneurial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, ça pose des obstacles spécifiques ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui. Je pense que oui, parce que... en fait il y a un truc de l'ordre du professionnalisme où parfois juste en étant soi on va être perçu comme moins professionnel si on correspondait vraiment au code de la blanchité dans mon expérience personnelle je pense que je ne correspond pas à la thérapeute type Je ne suis pas neutre. Je ne dis jamais que je suis neutre. Je dis tout le temps que je ne suis pas neutre. Je parle comme je parle. Je ne fais pas changer ma façon de m'exprimer pour paraître plus professionnelle. Mais en même temps, je pense que la démarche entrepreneuriale pour beaucoup de femmes racisées et pour beaucoup de personnes racisées tout court, c'est une solution. au fait de ne pas trouver de taf en fait donc moi ça n'a pas été mon cas parce que j'ai beaucoup de mal avec l'autorité donc le salariat c'est pas fait pour moi et en plus comme j'ai cette posture très anti-capitaliste mais depuis très jeune du coup le salariat c'est dur je pense que je serais je serais syndicaliste et tout le temps dans les trucs mais pour beaucoup de personnes il y a ce truc de vivre du racisme au quotidien dans son travail qui est difficile et donc du coup on en sort pour avoir une démarche entrepreneuriale ou bien tout simplement je trouve pas de taf donc je vais lancer un truc un business où je vais me lancer dans l'entrepreneuriat parce que je trouve pas de taf et c'est vrai qu'en en parlant c'est vrai que je suis passée un peu à un moment donné par une phase où je cherchais du boulot je sais pas j'ai eu un truc où je voulais me conformer c'est hyper dur parce qu'en fait je voyais que je correspondais exactement au profil qui était recherché et j'étais pas enfin dans beaucoup de cas en fait j'étais pas j'étais pas embauchée, c'était dur de recevoir plein de reçus tout le temps sur un truc où je sais que j'ai les compétences en fait j'ai pas de problème d'estime de moi, de confiance en moi, je sais sur quoi j'ai les compétences et je sais sur quoi j'ai pas les compétences c'était des postes je savais que j'avais les compétences et je me rappelle avoir eu ce truc de me dire, bah en fait déjà je sais que le scélariat c'est pas spécialement fait pour moi, c'est plus un truc d'illusion de sécurité tu vois que je recherchais. En plus de ça, ces galères, autant mettre l'énergie que je mets à chercher du travail à lancer mon propre truc.

  • Speaker #1

    Je me suis noté une question. Je ne sais pas trop où je vais avec cette question, mais je vais quand même te la poser. Est-ce que tu dirais qu'il y a des projets entrepreneuriaux de personnes blanches et des projets entrepreneuriaux de personnes racisées ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. C'est une très bonne question. Alors, je ne sais pas. Je pense que oui. Je pense que oui. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes blanches engagées qui sont dans des trucs où elles ont l'impression par exemple l'entrepreneuriat social, des trucs comme ça. C'est beaucoup des personnes blanches. qui pensent qu'elles vont changer le monde grâce à l'entreprenariat vraiment cette croyance de je vais changer le monde grâce à l'entreprenariat mais je pense que c'est une vision très libérale de la société en fait de penser que par l'entreprenariat on va changer le monde alors que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de personnes racisées où c'est comme je disais tout à l'heure en fait je vais lancer mon activité parce que j'ai cette compétence c'est galère de trouver du taf donc

  • Speaker #1

    je pense qu'il y a des projets en particulier je suis là t'en penses quoi toi est-ce qu'il y a des projets type de personnes blanches mon instinct de réponse à cette question c'est oui après je sais pas si je dirais que c'est une typologie de projet différent mais je pense que par contre c'est une intention qui est derrière tu vois je te rejoins sur ce que tu dis c'est vrai qu'il y a beaucoup de projets dans l'ESS qui sont portés par des personnes blanches et j'ai l'impression que souvent c'est un peu plus bon on doit trouver une idée qui fait de l'argent mais on va essayer d'en faire le truc le plus positif possible alors que j'ai l'impression je fais des généralités c'est évidemment pas ça dans 100% des cas mais j'ai l'impression que quand ça part de personnes racisées ou de manière plus générale de personnes minorisées, on part plus d'un besoin et on essaie de le développer en se disant Ok, comment je peux ne pas trop perdre de plumes là-dedans et comment je peux aider un maximum de personnes ? Du coup, je pense que, je ne sais pas, ça m'a l'air pris dans deux sens différents. Les deux peuvent apporter du positif à la société, mais du coup, dans le déploiement, ce n'est pas pareil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si tu es d'accord, si tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Je vois. En fait, l'intention qu'il y a derrière, ce n'est pas forcément la même. Moi, je vois plutôt dans le monde du bien-être et du soin.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes blanches qui vont vouloir faire du bif. Le truc, c'est que je fais, par exemple, le coaching. je fais du coaching parce que je veux faire de l'argent même si c'est pas dit comme ça genre dans leur marketing etc c'est pas dit comme ça mais en formation de coaching on le voit en fait genre juste moi je veux des outils la façon, les shortcuts un peu la façon la plus rapide de créer le changement chez des gens on a beau leur expliquer que ça marche pas comme ça c'est pas il y a pas de raccourci en fait pour le changement mais bon du coup il y a beaucoup de projets comme ça qui peuvent émerger je vois beaucoup ça et beaucoup de personnes aussi qui se forment pour avoir une compétence supplémentaire et qui ont déjà un réseau en gros c'est je lance ma boîte de coaching mais en fait je sais déjà que je vais vendre à des grosses boîtes parce que je connais déjà plein de gens qui bossent dans ces grosses boîtes mais du coup c'est aussi très très différent que de un truc sans savoir si je vais avoir des des clients pas derrière ce que je vois aussi beaucoup qui sont des projets de personnes blanches dans le monde du bien-être c'est la propriation culturelle et en fait en vrai il y a aussi beaucoup de personnes racisées qui le font et qui vont avoir un positionnement de personnes blanches mais du coup qui n'ont pas du tout conscience que c'est un rapport colonial qu'on peut avoir aussi à soi-même de développer ce genre de projet etc mais du coup tous les trucs qui ont un rapport avec l'appropriation culturelle qui le truc de je développe ma propre méthode de coaching après un an de coaching, je développe ma propre méthode ou je développe ma propre méthode de thérapie après avoir accompagné 1500 personnes. Je ne sais pas comment il y a le fait. J'ai tout compris à la vie, je sais comment ça se passe. Je développe ma méthode et puis après, je crée une formation. Et c'est grâce à cette formation que je vais me faire du bif, en fait. Ça, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup des personnes. Et beaucoup des hommes blancs, d'ailleurs. Des femmes blanches aussi, d'ailleurs. En fait, il y a vraiment ce truc de comment est-ce que je peux créer un business scalable, mais dans le soin, ça ne marche pas. Dans le coaching non plus. Le coaching, ce n'est pas du soin en tant que tel, mais ça ne marche pas, en fait. Et du coup, c'est compliqué. Du coup, ça crée des propositions qui sont complètement hors sol. et qui sont complètement déconnectés de la réalité des gens qu'on va accompagner. Là où je vois beaucoup de personnes racisées, beaucoup de femmes racisées qui ont déjà cette expérience du soin communautaire parce que finalement, c'est un mode de vie en fait. C'est un truc qu'on a déjà dans la communauté. Et donc effectivement, qui vont d'abord réfléchir à un besoin au sein de la communauté et qui vont créer leur proposition en fonction de ce besoin dans la communauté.

  • Speaker #1

    je vois ce que tu veux dire je pense que c'est une différence d'approche et de conscience aussi de ces privilèges et de ces non privilèges et je pense qu'il y a beaucoup d'entrepreneureuses blancs et blanches qui ne se posent juste pas la question et qui estiment que c'est leur devoir de sauver je sais pas c'est toujours les mêmes trucs,

  • Speaker #0

    là je parle de ça en particulier mais par exemple aller créer un resto ou ou un concept autour de la nourriture en reprenant un truc qui n'est pas de sa culture. En ce moment, c'est les trucs asiatiques, est-asiatiques qui sont plus à la mode. On va chercher un truc en Asie de l'Est, on va faire un concept de ouf autour de... On va chercher un truc en Inde, par exemple, on va créer un concept de ouf par rapport à ça, mais on ne fait pas du tout travailler les personnes de cette communauté-là. et en même temps on a tout un narratif autour de grâce à mon restaurant on sauve les recettes traditionnelles enfin genre c'est juste et en fait ça existe vraiment dans tous les domaines et ça c'est vraiment un truc de mec qui sort d'école de commerce qui voit une opportunité business et qui capte pas du tout qu'en fait il y a des rapports de domination des marches coloniales et que ça fait du mal aux personnes à qui du coup il y a les recettes qui sont volées etc je vais quitter ne bénéficient pas du tout de l'argent qui va se faire grâce à leur culture. Ça, ça existe beaucoup dans tous les domaines, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, mais je pense sincèrement que ces personnes... pensent sincèrement qu'elles font bien, tu vois. Vraiment ? Oui, que leur démarche est positive et qu'elle apporte de l'impact positif, qu'elle sert vraiment les personnes.

  • Speaker #0

    Oui, je suis d'accord. En ce n'est pas une question d'intention. Et c'est là que c'est intéressant quand on parle de ces questions-là. En fait, la mentalité coloniale, ce n'est pas une question d'intention. Les gens qui sont colonialistes, ça, c'est clair. Et c'est les discours les plus faciles à démonter. Mais après, il y a tous les colons qui s'ignorent. Et les colons qui s'ignorent, ils n'ont pas l'intention de coloniser, ou ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche coloniale, ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche raciste. Et en fait, c'est en ça que c'est insidieux. et c'est ça qu'il y a le plus dans le monde de l'entrepreneuriat de gauche parce que les gens de droite en général ils s'en foutent c'est vraiment c'est pas le sujet on s'en fiche nous on veut juste faire du bif alors que les gens de gauche ils sont plus dans un truc plus non mais nous on veut faire un truc qui a un impact positif etc et donc du coup elles ne se rendent pas compte de leur propre biais et que l'intention c'est cool d'avoir une bonne intention mais l'enfant n'est pas fait de bonnes intentions donc du coup c'est pas l'intention qui prime c'est vraiment le résultat et l'impact de l'action l'impact du projet au final qui va compter et pas l'impact du projet dans mon territoire seulement. L'impact du projet à un niveau mondial, c'est quoi ? L'impact du projet pour les communautés ? auquel j'ai pris le concept. C'est quoi ? Pas uniquement l'impact environnemental. On parle beaucoup d'impact environnemental ou se faire de l'argent tout en étant plutôt clean au niveau de l'impact environnemental. En fait, il n'y a pas que ça qui compte. Il y a tout un autre pan qu'il faudra aller regarder aussi.

  • Speaker #1

    Ce que tu dis, ça me fait penser à... En juin dernier, il y a eu un... Au moment de l'assassinat de Naël, il y a eu des rassemblements... À Bordeaux, où je vis, il y a quelqu'un qui a pris la parole en disant que le racisme, certes, il se combattait en combattant les personnes qui étaient ouvertement d'extrême droite et ouvertement racistes, mais il se combattait aussi dans les personnes de gauche qui ne se questionnaient jamais sur leurs privilèges et qui ne réagissaient pas face aux micro-situations de racisme et qui ne questionnaient jamais rien. et que du coup effectivement c'est plus facile de démonter et de lutter visiblement contre des gens qui sont visiblement racistes mais qu'il y avait même chez nous qui luttons il y a plein de choses qui contribuent à alimenter et à faire vivre le racisme et le colonialisme et que c'est un devoir aussi de se questionner là-dessus et de remettre ça en question Il y a un dernier sujet que je voulais aborder avec toi. Tu as utilisé le mot plusieurs fois. C'est le mot anticapitaliste. Est-ce que tu peux nous dire en quoi ça consiste pour toi être anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    C'est vraiment gommer le capitalisme. Tout simplement, moi je vois vraiment tous les systèmes comme interconnectés. Du coup, je ne conçois pas le colonialisme sans le capitalisme, par exemple. Et je ne conçois pas le capitalisme sans le colonialisme. Parce que pour que le capitalisme ait pu prospérer, il a fallu la colonisation. Le colonialisme, ça repose sur le capitalisme et la suprématie. Pour moi, c'est dangereux de décorréler, de désarticuler. les systèmes en fait et de dire juste le capitalisme c'est un truc comme on l'entend beaucoup, juste le capitalisme c'est un truc en soi contre lequel on doit lutter seul et puis les autres c'est moins important pour moi vraiment tout est lié et tout est interconnecté et tous les systèmes d'oppression en fait ils peuvent croître et ils peuvent continuer à nous opprimer parce que ils se renforcent les uns les autres. Pour moi, être anticapitaliste, c'est comme j'ai dit, c'est tout simplement être dans un positionnement de détruire le système. Ce n'est pas trouver des façons de mieux vivre sous le capitalisme. Non, non, non plus du capitalisme, on n'en veut pas.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, j'imagine que dans les personnes qui nous écoutent, il y a d'autres personnes qui se définissent probablement comme anticapitalistes. ou en tout cas qui, d'un point de vue individuel, essayent de remettre en question tout ce système. Mais j'entends aussi qu'au niveau individuel, on peut avoir du mal à faire cohabiter ça avec le fait d'être entrepreneur, entrepreneuse et du coup de vouloir créer de la valeur monétaire, créer de l'argent ou avoir besoin de faire de l'argent. Est-ce que toi, tu vis ça ou tu as déjà vécu ça comme un antagonisme ? Et si oui, comment tu as fait pour dépasser ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense comme tout le monde, ce qui est un petit peu difficile, c'est d'être anticapitaliste, de faire du soin et de monétiser le soin. Il y a un truc qui peut être un peu compliqué là-dedans, mais je pense que c'est important de se laisser l'espace, de comprendre qu'il y a plein de choses qui peuvent coexister en soi. parce que oui, je suis anticapitaliste et je l'affiche et du coup dans ma façon d'appréhender mon métier etc ça se voit en fait que j'ai une démarche où je ne capitalise pas je ne crois pas d'être en train de capitaliser sur des luttes par exemple du coup faire coexister le fait que oui, je suis anticapitaliste, je déside anticapitaliste et je lutte contre le capitalisme au quotidien, que ce soit dans des actions que je peux mener. Alors, moi, je ne crois pas trop à l'action individuelle seule. Pour moi, ce n'est pas du tout ce qu'on va réussir à faire tomber les systèmes. Mais j'ai des privilèges qui font que je peux faire attention à certaines choses dans ma façon de consommer, par exemple, etc. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde, ce qui n'est pas le cas de toutes les personnes qui sont anticapitalistes. Mais en même temps, j'ai besoin de manger. je pars en tiers donc je suis obligée de travailler pour pouvoir vivre et ça c'est un truc qui me dépasse genre on est obligé de gagner de l'argent et on est obligé de pouvoir dormir quelque part je suis obligée de payer donc je pense que vraiment faire coexister les deux et apprendre à laisser la place aux contradictions et être à l'aise avec le fait de nommer ses propres contradictions, c'est un peu la clé par rapport à ça. Du coup, s'il y a des personnes qui nous écoutent et qui sont dans ce dilemme-là, le fait d'être à l'aise avec ces contradictions et de les nommer, ça peut aider. Et le fait aussi de se dire que le perfectionnisme, pourquoi je parle de perfectionnisme ? Parce que le fait de vouloir tout faire parfaitement et de se dire je ne participe pas au système c'est impossible de ne pas participer au système parce que c'est un système, donc du coup, on peut faire la paix déjà avec ça. Mais le fait d'être dans le perfectionnisme, même dans son militantisme, ça c'est un truc de la suprématie blanche et c'est un truc du capitalisme de vouloir qu'on soit tout le temps parfait et qu'on soit tout le temps dans la perfection et qu'on soit tout le temps à la recherche. de la perfection dans ce qu'on est en train de faire, même dans nos luttes. Et ça, c'est un truc que je retrouve beaucoup dans les milieux de lutte. Il faut que tout soit tout nickel, tout parfait. On n'a pas le droit à l'erreur, on n'a pas le droit d'avoir des contradictions en tant que personne, etc. Du coup, le fait de comprendre que même ce mécanisme-là de perfectionnisme, c'est un mécanisme qui vient du capitalisme et de la suprématie blanche, ça peut aider à faire la paix avec les contradictions et le fait que ça peut coexister et qu'on avance et que plus on avance dans la lutte et puis il y a des choses qui sont faciles. Mais aussi de se dire que être vraiment dans la lutte, ça demande de prendre des risques, des risques qui sont à hauteur de ce qu'on peut prendre comme risque, mais ça demande de prendre des risques. Donc savoir où est-ce qu'on peut les prendre ces risques pour pouvoir faire avancer les choses et qu'est-ce qu'on peut sacrifier de notre sécurité individuelle pour faire avancer la sécurité collective et le fait qu'il y ait de plus en plus de gens qui puissent être anticapitalistes, ouvertement se dire anticapitalistes et aussi être vraiment dans la lutte anticapitaliste, même parmi les entrepreneurs.

  • Speaker #1

    Trop bien, merci beaucoup pour ces conseils. J'ai deux petites questions pour clore cet entretien qui a été hyper riche et hyper intéressant. Merci beaucoup. Ma première question, c'est si tu pouvais, si tu devais reprendre ton parcours entrepreneurial depuis le début, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment ?

  • Speaker #0

    Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai appris beaucoup, beaucoup de choses en faisant des erreurs, justement. et que j'en serais pas là où je suis aujourd'hui si j'avais pas fait ces erreurs donc je pense que je ne sais pas rien

  • Speaker #1

    Très bien et la deuxième et dernière question du coup tu le sais le podcast s'appelle Woke Up Nation et c'est une manière de détourner la Startup Nation pour y mettre un petit peu de wokisme si tu avais un message à faire passer à la Startup Nation d'aujourd'hui celle d'Emmanuel Macron qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Pas sortez de votre illusion là. Réveillez-vous les gars. Ouais, je... Je sais pas si j'ai vraiment un message à leur faire passer. Parce que moi je m'adresse plus aux gens qui sont de notre côté. Pour qu'on puisse renforcer un petit peu nos rangs. Mais si vraiment je devais leur dire quelque chose, les gens... en fait votre monde c'est une illusion il faut sortir de cette illusion la vraie vie c'est pas le capitalisme c'est pas le colonialisme c'est pas l'esprématie blanche merci beaucoup je pense que c'est une parfaite conclusion merci

  • Speaker #1

    beaucoup Selma où est-ce qu'on peut te retrouver ? du coup sur Instagram c'est le Massardo qui a un podcast qui s'appelle Mali Mali ok trop bien je mettrai les liens nécessaires dans la description si tu as envie de partager d'autres ressources qu'on peut ajouter à l'épisode n'hésite pas à me les envoyer puis j'ajouterai tout ça dans la description merci beaucoup à tous de nous avoir écoutés on se retrouve pour un prochain épisode très bientôt ciao salut Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. N'hésitez pas à y réagir via les plateformes d'écoute, la newsletter ou encore les réseaux sociaux. Vous pouvez retrouver la retranscription complète de l'épisode sur leanyang.com. Je vous dis à très vite pour un nouvel épisode. A bientôt !

Description

Peut-on entreprendre en étant anticapitaliste ? Quelles sont les difficultés à entreprendre en tant que femme racisée ? Quelles conséquences à prendre la parole sur un génocide ?


Pour ce premier épisode, j'ai eu le plaisir d'accueillir Selma Sardouk, thérapeute décoloniale.


En plus de répondre à ces questions, nous avons abordé le passionnant sujet du soin communautaire, qui est au coeur de la pratique de Selma, mais aussi celui des valeurs militantes, de la place qu'on peut leur donner et de la manière dont on peut les faire s'incarner dans notre activité entrepreneuriale.


Vous pouvez retrouver Selma sur son compte instagram @selmasardouk ou sur son podcast Mäli Mäli.


Si vous souhaitez soutenir le podcast, n'hésitez pas à vous y abonner et à lui laisser un bon avis !
Vous pouvez aussi le retrouver sur instagram @wokeupnation, ou me contacter directement sur Linkedin !


Un podcast animé et imaginé par Léa Niang.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue sur Woke Up Nation, le podcast qui parle d'entrepreneuriat à la sauce wokiste. Je suis Léa Nian, je suis consultante en communication inclusive et passionnée des sujets d'inclusivité et de justice sociale. J'ai lancé Woke Up Nation dans une volonté de politiser le monde de l'entrepreneuriat et de donner la parole à des entrepreneurs et entrepreneuses qui se distinguent par leur prise de position politique et ou militante et qui, en ce sens, vont à l'encontre de ce que la Startup Nation attend de nous. J'ai été ravie d'accueillir pour ce tout premier épisode Selma Sardouk, qui se définit comme thérapeute et coach avec une approche décoloniale. Avant de vous laisser à l'épisode, quelques mots pour me situer. J'ai 30 ans, je m'identifie comme une femme cis, queer et une militante féministe. J'ai un nom et un métissage sénégalais, tout en bénéficiant d'un white passing dans mon quotidien, c'est-à-dire que la plupart des personnes qui me croisent pensent et estiment que je suis une personne blanche. Maintenant que les bases sont posées, je vous laisse à votre épisode. J'espère que vous l'aimerez autant que j'ai aimé l'enregistrer avec Selma. N'hésitez pas à vous abonner au podcast ou à lui laisser une bonne note. Bonne écoute ! Hello Selma, je suis ravie de t'accueillir sur Woke Up Nation. Comment tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Hello Léa, merci pour cette invitation, je vais bien, merci et toi ?

  • Speaker #0

    Ça va, ça va aussi. Est-ce que tu veux bien commencer par te présenter et aussi si tu veux bien te situer pour que les personnes qui nous écoutent puissent savoir de quel point de vue tu vas t'exprimer aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Avec plaisir. Je m'appelle Selma Sarbouk, je suis une femme cis. Je me définis comme une femme africaine. À Mazir, j'ai grandi en France, en banlieue parisienne. Dans la vie, je suis thérapeute et j'ai une approche décoloniale de la thérapie et du soin communautaire. C'est un peu tout ça que j'essaye de développer en ce moment.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors moi, du coup, je t'ai connue sur Instagram, notamment via tes prises de position militantes sur plusieurs sujets. Est-ce que tu peux commencer par me raconter un petit peu ton histoire entrepreneuriale ? Comment est-ce que tu t'es lancée à ton compte ? Est-ce que c'était une évidence de te lancer à ton compte ou est-ce que tu as d'abord tenté le salariat ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas trop tenté de ce point de vue-ci. J'ai déjà été salariée, mais c'était plus des petits boulots. J'étais étudiante, par exemple, même au tout début, quand j'étais à mon compte, j'avais un job alimentaire à côté. Donc en fait, mon expérience du salariat, c'est plus des jobs alimentaires que vraiment un truc où je vais faire carrière, etc. Parce qu'en vrai, je n'ai jamais cru à ce mythe. faire carrière. En fait, dans les faits, c'est vrai que je suis entrepreneur, parce que je suis à mon compte et tout, mais j'ai du mal à m'identifier comme étant entrepreneur, entrepreneuse. C'est un peu particulier parce que je ne me sens pas trop faire partie du monde de l'entreprenariat. Mais sinon, j'ai beaucoup été à mon compte, même quand... quand j'étais plus jeune je donnais des cours de français par exemple quand j'habitais à l'étranger et pareil je n'étais pas salariée c'est un truc que je faisais à mon compte quand tu dis que tu t'identifies pas au monde de l'entrepreneuriat c'est le monde start-up

  • Speaker #0

    nation ou c'est aussi la manière dont d'autres entrepreneurs de gauche font l'entrepreneuriat ouais bah alors la start-up nation c'est un peu de zerti rires

  • Speaker #1

    on va en parler voilà je pense qu'on a tout le temps d'en parler pendant cette conversation mais je m'identifie pas vraiment au monde de l'entrepreneuriat parce que je fais du soin j'ai une pratique de soin et du coup de fait il y a plein de choses qui ne me parlent pas dans l'entrepreneuriat parce que le soin, ce n'est pas quelque chose qui est… Alors si, moi je gagne ma vie, je vais employer mes factures grâce à ce métier. Je n'ai pas d'autres métiers à côté. Mais il y a ce truc de rentabilité, de productivité qu'on entend beaucoup même chez les entrepreneurs de gauche qui n'est pas du tout transposable au monde du soin. Alors même si on entend l'inverse, on entend plein de gens dire qu'il faudrait qu'on se positionne comme entrepreneur et qu'on prenne que c'est rentable, etc. Mais en fait, on fait du soin. Je suis juste... On a un métier où, alors oui, on peut optimiser certaines choses pour que ça ne nous pompe pas toute notre énergie, etc. Mais au final, on a du temps, on a une disponibilité émotionnelle, on a une formation, on a une posture. Et on ne peut pas... on ne peut pas démultiplier le nombre d'heures et on ne peut pas optimiser, on ne peut pas être productif en fait dans le soin. Et donc, de fait, il y a plein de discours, donc même chez les entrepreneurs de gauche qui ne me parlent pas parce qu'il y a toujours ce truc de ouais, mais il faut être productif, ouais, mais bah non en fait. Moi, je fais du soin, je n'ai pas du tout cette orientation de productivité parce que ça ne marche pas en fait.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ce que tu dis, c'est une position militante en soi, en fait. C'est une manière militante de faire ton métier et de mener ton activité. Est-ce que toi, tu te définis comme militante en tant que thérapeute et en tant qu'entrepreneuse, peut-être ?

  • Speaker #1

    Pour moi, être militant, c'est vraiment faire partie d'un collectif et mener une action collective. Alors oui, je suis militante par ailleurs, parce qu'en plus, il y a des actions qui sont en lien avec le monde du soin aussi. En fait, la barrière est un petit peu floue, j'avoue. C'est-à-dire que la barrière entre ma vie privée, mon métier, les espaces militants et même les espaces spirituels, tout ça, c'est un petit peu… Je n'ai pas vraiment de… frontières imperméables entre... tous mes domaines de vie, c'est un petit peu mélangé. Donc forcément, quand j'interviens en tant que Selma Sardouk, thérapeute, je dis que j'ai une approche décoloniale. Donc souvent, on me présente ou moi je peux aussi me présenter comme thérapeute décoloniale. C'est une prise de position militante quelque part. Et forcément, ça a aussi un impact sur les activités militantes qu'il va y avoir après. dans les collectifs militants. Mais du coup, mes réponses sont toujours très complexes. Mais je pense qu'en étant thérapeute seulement, même en ayant une posture décoloniale, etc., ça fait partie de ma façon d'être militante. Mais s'il n'y avait que ça, je ne me dirais pas militante.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es ok de nous partager les activités militantes hors travail que tu mènes ?

  • Speaker #1

    Oui, les gros projets du moment. On va rester dans la thématique du soin. Les gros projets du moment, c'est l'investissement dans une asso qui s'appelle Démocratsi et notamment l'ouverture d'un centre de soins communautaires. Alors du coup, moi, je ne suis pas à l'origine du projet. Mon Démocratsi était déjà constitué. J'ai rencontré... Capucine, qui est du coup la personne avec qui on travaille sur ce projet de centre de soins communautaires, qui du coup a trouvé qu'on était très alignés dans notre façon de voir les choses et de penser les choses. Moi, j'étais un petit peu déconnectée du monde militant et j'étais en train d'y revenir petit à petit puisque comme j'ai eu un enfant, je suis maman solo, j'avais beaucoup de choses qui faisaient que je ne pouvais pas vraiment m'impliquer à... à fond dans un collectif. Et puis là, en fait, c'est un moment où je commençais à revenir un petit peu dans ce milieu-là. Et donc, je rencontre Capucine qui, de par mes prises de position, justement, elle me disait que le fait de dire on fait du soin communautaire, c'est un truc qu'on ne voit pas beaucoup. En fait, on n'est pas très, très nombreuses en France à faire ça. et que comme elle était sur ce projet-là d'ouvrir un centre de soins communautaires, elle voulait savoir si j'étais partante. Donc, c'est comme ça que ça a commencé. Mais là, c'est vraiment le projet militant qui me prend beaucoup de temps. On est logé dans un squat à Montreuil et l'idée, c'est vraiment de faire du soin en priorité pour les personnes qui en ont le plus besoin, du soin communautaire antiraciste, anticapitaliste. et la réalité c'est que quand on est thérapeute nos séances peuvent coûter cher même en mettant en place moi j'ai plein de trucs en place pour que ce soit plus accessible c'est quand même difficile d'accès pour plein de gens et donc le fait qu'on soit dans un squat à Montreuil et qu'on fait des trucs à prix libre à partir de zéro euro. C'est-à-dire que tout ce qu'on fait, c'est à prix libre à partir de zéro euro, même les séances individuelles et tout. Du coup, ça permet une accessibilité. qu'on ne peut pas offrir dans un autre endroit. Et puis, ça nous permet aussi de vraiment porter le message du soin communautaire et de la santé communautaire comme étant un axe de lutte, en fait. Parce qu'on parle beaucoup de lutte. dans les milieux que je fréquente on parle beaucoup de limite on parle beaucoup de dégommer le patriarcat dégommer le système colonial le capitalisme etc mais en fait la santé communautaire ça fait partie de la lutte et malheureusement on n'en parle pas assez et on ne met pas assez ça en avant

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. En tout cas, longue vie à cet espace de soins communautaires. Tu parlais des petites choses que vous mettez en place dans ce centre communautaire, notamment au niveau des prix, avec le prix libre, etc. Est-ce que toi, dans ton activité solo de thérapeute, tu mets d'autres choses en place pour incarner ces valeurs-là, militantes, antiracistes, anticapitalistes ?

  • Speaker #1

    ouais bah du coup moi j'ai pour tous mes services j'ai 3 tarifs toujours j'ai plusieurs tarifications j'ai une tarification de base le tarif de base je propose un tarif réduit et un tarif soutien du coup les personnes qui sont à l'aise financièrement peuvent payer plus donc ça c'est vraiment un truc de base déjà que je propose après je fais beaucoup d'espace en non mixité ça s'est beaucoup beaucoup décrié je suis beaucoup critiquée par rapport à ça mais bon c'est comme ça je vais continuer à le faire donc j'ai beaucoup d'espaces en non mixité et des espaces en mixité choisie etc et puis du coup au niveau de l'accessibilité je trouve que ça se joue sur la tarification mais ça se joue aussi sur le message qu'on porte et sur comment est-ce qu'on parle des choses et du coup quand on parle de santé mentale sans parler de trauma racial ça rend tout de suite les choses peut-être un peu moins accessibles à des gens qui ne vont pas forcément s'identifier. Ou bien quand on parle de santé mentale, sans parler du manque d'accès aux soins, en fait on se coupe de toute une partie de la population qui ont besoin de ces services-là. Donc je pense que c'est vraiment autant dans la tarification que dans le message qu'on porte et ce qu'on dit. et à qui est-ce qu'on choisit de s'adresser en fait ?

  • Speaker #0

    Sur la question des tarifications, je sais qu'il y a des personnes qui sont réticentes à mettre en place ces tarifs solidaires parce qu'elles ont peur que des personnes en profitent. Est-ce que toi, tu observes ça ? Moi, j'ai tendance à penser que les personnes qui vont faire appel au service d'une personne qu'elles savent engager vont avoir conscience de leur position dans la société et vont donc choisir leur tarification en fonction. mais est-ce que c'est quelque chose sur lequel tu peux avoir un feedback ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais grave confiance aux gens. Ok. Moi, on a un truc de on fait confiance Je ne demande pas du tout de justificatif. Des fois, je fais des trucs à prix libre. Je ne mets même pas à partir de zéro euro, je mets vraiment prix libre comme ça. Par exemple, je peux faire des ateliers de deux heures à prix libre et franchement, il y a des gens qui ne payent pas et il y a des gens qui payent 100 euros. Donc, je ne sais pas. Moi, d'expérience, je pense qu'il faut faire confiance. et je pense que ce truc de on a peur que les gens profitent ça vient d'une idée capitaliste aussi et ça vient d'une idée de alors c'est pas du tout pour critiquer les gens qui pensent comme ça, je pense que c'est vraiment quelque chose qui peut faire peur parce que c'est de la propagande de la société de dire que les gens sont des assistés et les gens profitent en fait, mais en fait Pas du tout. La majorité des gens, alors c'est absolument pas scientifique comme chiffre, c'est vraiment un truc d'une expérience très personnelle, mais ça fait des années que je fais ça et que d'autres personnes autour de moi font ça aussi. en fait les gens payent le juste prix parce qu'ils correspondent à leur revenu alors moi j'ai même des personnes qui commencent en étant au chômage par exemple et donc en payant le prix réduit ou même parfois je fais des prix encore plus bas pour des personnes qui sont étudiantes ou des personnes qui sont au RSA, je peux proposer comme je fais le soutien ça me permet de financer aussi ça je peux proposer des tarifs encore plus bas genre 40 euros la séance, une séance d'1h15, 1h30, c'est rien du tout, en fait. C'est des personnes qui, après, quand ça va et qu'elles ont une situation stable, elles vont payer le tarif soutien. C'est du tout ce que j'attends. Mais c'est quelque chose que j'observe, en fait, que... faites confiance aux gens faites confiance aux gens et puis ça se passe plutôt bien après il y a une personne qui gagne très bien sa vie et qui va quand même payer 150 euros au prix réduit au lieu de payer la science soutien alors qu'elle en aurait les moyens oui ça arrive mais bon c'est la vie et c'est pas grave en soi

  • Speaker #0

    C'est chouette ce que tu décris, je trouve que ça illustre bien cet esprit collectif et communautaire où on rend ce dont on a pu bénéficier avant. Tu disais aussi sur les espaces en non-mixité, tu recevais pas mal de critiques, ça me fait penser aussi, j'ai vu que certains de tes programmes, tu les proposais à des tarifs différents pour les personnes racisées et pour les personnes blanches. est-ce que t'es ok d'expliquer cette voilà et aussi si tu veux bien dire je sais pas comment ça a été reçu et comment toi t'as alors

  • Speaker #1

    du coup alors mon activité principale c'est la thérapie comme je disais je fais des séances individuelles mais surtout du soin communautaire mais je fais aussi des espaces d'éducation et donc du coup c'est des espaces d'éducation où il y a de l'espace aussi pour parler de ses émotions et aller travailler aussi l'aspect émotionnel et l'aspect somatique de ce qu'on est en train d'apprendre c'est des espaces de conscientisation quelque part mais où on va pas juste apprendre les choses, on va apprendre et puis ensuite on va regarder qu'est-ce qui se passe au niveau émotionnel et qu'est-ce qui se passe dans le corps et puis du coup on travaille tout ça en même temps et du coup ces espaces-là j'en propose plein que ce soit en mixité ou en non mixité et puis récemment j'en ai proposé un qui était destiné aux personnes blanches en particulier c'est à dire que le programme il est pensé pour les personnes blanches pour travailler la posture de complice de la lutte décoloniale et des luttes antiracistes et du coup j'ai proposé un tarif qui était je peux dire les prix, c'était 250 euros pour les personnes blanches ce qui est vraiment pas cher le retour qu'on m'a fait c'est qu'au final c'était vraiment pas cher par rapport au contenu et du coup j'ai proposé aux personnes racisées de pouvoir participer mais en fait c'était pas je veux dire que la façon dont j'ai construit le programme c'était pas fait pour les personnes racisées mais si elles voulaient venir pour apprendre des trucs c'était possible donc j'ai proposé un tarif qui était très très bas de 50 euros. C'est un peu comme presque cadeau, en fait. Et j'ai reçu beaucoup, beaucoup de critiques par rapport à ça, parce que, justement, c'est une tarification qui était très différente. Et la raison pour laquelle j'ai proposé cette tarification différente, c'est parce que c'est un programme pour les personnes blanches. C'est les personnes blanches qui vont le plus bénéficier de ce truc-là. Les personnes racisées, elles n'ont pas besoin d'apprendre. la posture d'un complice et de ce que ça veut dire être complice c'est pas c'est donc c'était pour moi c'était logique en fait de pas faire payer pareil parce que pour moi la tarification on dit beaucoup qu'il faut réfléchir à ses prix en fonction de la valeur de ce qu'on donne on n'a toujours pas compris ce que ça veut dire on est là on a toujours pas compris mais on entend beaucoup on entend beaucoup parler de ça et moi je dis toujours que c'est très difficile parce que quand on fait du soin c'est une valeur inestimable ou bien quand on propose des espaces de conscientisation etc c'est une valeur inestimable donc c'est très difficile de dire c'est qu'Alain ne fait que des trucs à 10 000 balles et puis encore mais ça ne peut pas fonctionner comme ça donc pour moi en fait le prix c'est ok moi je sais que enfin je veux je connais ma façon de travailler et je sais que ce que je vais proposer, je vais faire de mon mieux pour que ce soit quelque chose de qualitatif. Mais je propose aussi, je réfléchis aussi à ma tarification en fonction des personnes à qui je m'adresse. Je reviens à cette histoire de tarification, plusieurs tarifications, et puis cette histoire de prix libre, toutes ces choses-là. Parce qu'en fait, quelqu'un qui gagne 5000 euros par mois peut avoir besoin de thérapie, mais du coup peut se permettre de mettre 150 euros dans une séance de thérapie, et même de le faire chaque semaine, et il n'y a pas de souci. Mais cette personne-là n'a pas forcément... elle ne va pas forcément avoir plus besoin de la thérapie qu'une personne qui est au RSA. Et une personne qui est au RSA ne peut pas mettre 550 euros. et ça ne veut pas dire qu'elle ne donne pas de valeur au travail au contraire en fait et donc pour moi il faut vraiment réfléchir à ça aussi quand on propose des services il y a ce que moi je propose et la certitude que je fais de mon mieux dans ce que je propose et que j'ai une posture et puis aussi des outils que les gens recherchent, donc ça je le sais mais en même temps les personnes qui ont le plus besoin de ce que je propose c'est pas les personnes qui vont pouvoir payer 150 euros donc à un moment donné je pense qu'il faut se décentrer de soi quand on est entrepreneur même si il y a beaucoup de discours contraires qui disent qu'il faut se centrer d'abord sur soi et que tout part de soi etc, oui mais il faut aussi savoir se décentrer de soi et de savoir qu'est-ce qu'on veut apporter en fait dans la communauté et comment est-ce qu'on peut le faire et du coup comment est-ce que je peux répondre à mes besoins parce que moi j'ai besoin de manger, j'ai besoin de payer mon loyer j'ai besoin de nourrir mon fils, donc comment est-ce que je peux répondre à mes besoins tout en ayant la capacité de répondre aux besoins des autres, et les autres ont besoin d'avoir des espaces de soins qui leur coûtent pas un bras trop intéressant,

  • Speaker #0

    je reviens aussi sur du coup sur les critiques que tu reçois alors du coup tu me disais que tu étais assez souvent critiquée sur les questions de non-mixité là j'imagine, j'ai Quand j'ai vu les tarifs différents pour les personnes racisées et les personnes blanches, je t'ai envoyé mentalement tout le soutien parce que je me suis dit que tu avais dû recevoir un certain nombre de messages pas très sympas. Là, au jour où on se parle, on est le 15 mars, on est au 159e jour du génocide perpétré à Gaza par l'État d'Israël. On est à plus de 31 000 personnes tuées. Je sais que toi, tu prends beaucoup la parole sur la question de la Palestine et du génocide, et de manière plus générale sur la situation coloniale en Palestine. Est-ce que c'est des prises de position qui te valent des critiques ou des choses pas sympas ?

  • Speaker #1

    Oui, mais en fait, je pense que c'est un peu tout le temps. là pour moi c'est pas plus violent que d'habitude, enfin il y a des vagues en fait on va dire il y a des vagues parce que j'ai une posture décoloniale tout le temps et anticoloniale tout le temps c'est pas spécifique à maintenant mais oui en fait je reçois des menaces de mort je reçois des messages très violents on me dit d'aller à Gaza je pense qu'on est beaucoup à recevoir des messages comme ça mais je ne vais pas me taire pour autant je continue à porter mon message et et je pense que c'est important qu'on le fasse pour moi c'est un privilège d'être ici en Europe et de ne pas vivre ça en fait juste d'être conscient conscient de ce qui se passe mais de ne pas le vivre dans la chair c'est un privilège donc je ne vais pas me taire pour autant. Et je pense qu'en tant que professionnelle du soin, professionnelle de la santé mentale, en fait, il est de notre devoir de parler de ces sujets-là. Après, encore une fois, j'ai beaucoup de privilèges. J'ai des espaces pour me ressourcer, j'ai des espaces pour après débriefer sur ce que je reçois. Mais je pense vraiment qu'en tant que professionnelle du soin, c'est hyper important qu'on prenne position sur ces questions-là, et d'autant plus quand on parle de trauma, parce que moi, ma spécialité, c'est le trauma systémique et social. Du coup, ça n'aurait pas de sens que je n'en parle pas, puisque le cœur de la spécialité trauma systémique et social, c'est justement les guerres, les génocides, la colonisation. et l'impact que ça a sur la santé mentale. Donc, du coup, ça n'a vraiment pas de sens. Et je pense, d'ailleurs, pour toutes les personnes qui travaillent sur le trauma en général... si ils ne prennent pas position sur la Palestine, le Congo, le Soudan, Hawaï et tout ce qui se passe dans le monde. Là, la Palestine, je trouve que ça cristallise beaucoup de choses. Et c'est le premier génocide en direct sur Instagram. Donc, voilà. Il y a quelque chose de particulier. Mais en fait, c'est vraiment tout ce qui se passe dans le monde. Il y a énormément de situations chromatiques. et donc il y a beaucoup beaucoup de gens qui parlent de trauma et qui sont formés à la prise en charge du trauma de différentes façons et du coup ça ne leur parle pas du tout en fait c'est comme si on s'était complètement déconnecté alors que non, si on ne prend pas position sur ce sujet-là alors que c'est exactement ce système-là qui est la source de beaucoup de souffrances que vivent des gens qu'on accompagne au quotidien, en fait, on passe à côté d'une partie du problème. Donc, pour moi, avoir des menaces de mort, ça fait partie du truc de toute façon parce que c'est une réaction. Je pense que c'est le... C'est malheureux à dire, mais c'est le jeu, quoi. On prend position, on va avoir des réactions très violentes parce que c'est un sujet qui est clivant. Mais c'est un sujet qui est clivant depuis que je suis gamine, en fait. Je le sais et j'ai eu, je crois, les réactions les plus violentes. C'était après le 7 octobre. On disait à tout le monde que ça avait déjà commencé. les reprisailles. On disait à tout le monde Est-ce que vous condamnez le Hamas ? Avant de s'exprimer, il fallait d'abord condamner le Hamas avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Et en fait, non. Je refuse, moi, de jouer à ce jeu-là et de devoir montrer patte blanche avant de pouvoir ouvrir la bouche sur quoi que ce soit. D'abord condamner... En fait, je comprends très bien pourquoi. quelle est la stratégie derrière ça mais en fait non je refuse et donc du coup j'avais reçu beaucoup de critiques et de trucs très très violents à ce moment là parce que d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui parce que non en fait je vais pas je vais pas rentrer dans le jeu de d'abord essayer de vous prouver que je suis pas une terroriste avant de parler de ce dont j'ai envie de parler. Sachant que, c'est pareil, j'avais aussi reçu beaucoup de critiques quand j'avais dit que l'acte du 7 octobre, c'est un acte de résistance. Juste, on peut remettre dans le contexte colonial. Et l'acte de résistance en soi, c'est quelque chose... qui est thérapeutique. Il y a plein de formes de résistance possibles. La résistance armée, ce n'est pas la seule forme de résistance, évidemment, mais c'est aussi une forme de résistance. et je pense que c'est pas le moment là de dire ah bah non moi je veux pas de résistance je suis contre la résistance anticoloniale en fait non juste je pense qu'on peut recentrer le débat sur autre chose et peut-être que on peut vraiment parler de ce que c'est que la colonisation et de ce que c'est que la violence coloniale et de comment est-ce qu'on perçoit Dès qu'il y a des Arabes ou des personnes perçues comme Arabes qui font valoir leurs droits ou qui vont avoir des actes de résistance, c'est perçu comme du terrorisme. On fait le parallèle tout de suite avec des choses qui n'ont absolument rien à voir. Et en fait, je pense qu'il y a... des débats à avoir sur ces questions-là en interne. On peut parler de ces questions-là et du coup, de dire est-ce que cette forme-là, en particulier, c'était vraiment la bonne forme, etc. Mais là, ce n'est pas le sujet, en fait. Il y a des gens qui sont en train de se faire tuer. Il y a un génocide en cours. Là, ce n'est pas le sujet. Je ne vais pas là maintenant tout de suite pour pouvoir m'exprimer sur un génocide et d'abord condamner une action. Ça n'a absolument aucun sens. et ça c'est beaucoup de critiques parce que du coup c'est tout de suite le raccourci si tu condamnes pas le Hamas tu es une terroriste et donc comme tu es une terroriste tu es complètement déshumanisé en fait on déshumanise complètement et comme on n'est pas perçu comme humain dans le regard de l'autre dans les propos qui sont tenus c'est très très violent et voilà c'est un peu ça ce qui se passe en ce moment

  • Speaker #0

    Est-ce que on peut en parler très très rapidement est-ce que tu arrives à mettre toi des choses en place pour soit te protéger de tout ça pour éviter que ça t'arrive ou je sais pas est-ce que tu as des espaces extérieurs a posteriori dans lesquels toi tu peux te te ressourcer débriefer comment tu gères ça ? alors du coup franchement en ce moment c'était un peu compliqué je vais pas faire comme si c'était pas difficile parce qu'en fait moi ça fait deux ans à peu près un peu plus de deux ans que je suis harcelée et que c'est violent donc du coup ouais c'était j'ai eu des moments très très dark où ça allait pas du tout mais du coup j'ai moi aussi je suis en thérapie comme beaucoup de thérapeutes du coup j'ai aussi cet espace là mais je suis aussi supervisée donc la supervision c'est un espace où on va travailler sur sa pratique en tant que thérapeute en thérapie je vais travailler sur moi en tant que personne et ce qui se passe dans ma vie, donc pas forcément dans mon travail, mais je suis aussi supervisée. J'ai une supervision individuelle et une supervision en groupe où justement, on va parler de comment est-ce que ça nous touche. Parce qu'en fait, on est... Alors, ce n'est pas du tout des choses qui se passent... Enfin, ce n'est pas en France, malheureusement, que je trouve ces espaces-là. Malheureusement, aujourd'hui, avec la visio et tout, on peut trouver pas mal d'espaces en ligne. Mais du coup, en fait, on est beaucoup de thérapeutes racisés qui travaillent sur le trauma racial. Moi, je travaille beaucoup sur le trauma racial et colonial. Du coup, je subis moi-même un stress racial important au quotidien de par ma position dans la société tout simplement, mais aussi de par les menaces que je reçois et les violences que je peux recevoir au quotidien. Du coup, j'ai ces espaces-là. Puis après aussi, j'ai mes proches.

  • Speaker #1

    avec qui je peux échanger et sur qui je peux compter aussi j'imagine que tes proches comprennent ta position mais est-ce qu'ils comprennent ta volonté de continuer à t'exprimer publiquement sur ces sujets là ou est-ce que c'est des choses qui leur font peur, est-ce qu'ils essayent de t'en dissuader

  • Speaker #0

    Ça dépend de qui. Pour la famille, il faut savoir que mon père est militant. Et mon père, il est un petit peu plus calme. On a un peu d'âge. Mais mon père, il est parti de son pays pour des raisons militantes. C'est pas... c'est pas une personne qui a la langue dans sa poche encore jusqu'à aujourd'hui en fait il va avoir des positions il s'en fiche complètement il dit vraiment les choses en fait et en fait j'ai beaucoup de gens dans mon entourage qui sont en mode on meurt pour la lutte enfin basta et donc du coup ces personnes là comprennent souvent dans les cercles spirituels, moi je suis musulmane et souvent dans les cercles spirituels et militants, donc les gens qui sont à la fois musulmans et militants c'est une posture qui est beaucoup mieux comprise parce qu'on voit le militantisme comme un... Je vais dire un mot qui fait peur aux fachos, mais je ne comprends pas. Mais je peux expliquer après ce que ça veut dire. Mais en gros, le militantisme, c'est une forme de djihad. Et le djihad, en fait, c'est la lutte contre l'oppression. Je le définis de façon très sommaire, dans des définitions. théologiques, etc. Mais en fait, il y a plusieurs formes de djihad. Mais le principe même du djihad, c'est la lutte contre l'oppression. pour les personnes musulmanes, ça a du sens de ne pas se taire, même s'il faut se protéger, etc. Mais ça a du sens de continuer à prendre la parole même si... Après, il y a d'autres personnes qui sont moins... Genre mon frère, par exemple, il ne comprend pas. Il est musulman et très pratiquant aussi et tout, mais il ne comprend pas. Il me dit, en fait, tu pourrais juste... En vrai, il ne me dit pas trop de choses, mais je le vois aussi beaucoup dans son regard. que je pourrais juste peut-être dire les choses en privé et arrêter de les dire en public. Mais en fait, pour moi, c'est vraiment un truc de... Je pense au collectif et à la communauté. Je pense qu'en sacrifiant un peu de ma sécurité individuelle, ça crée plus de sécurité pour le collectif. Parce que quand moi, je m'exprime, ça permet à plein de gens qui ont les mêmes idées de ne pas s'exprimer, de s'exprimer. Ça crée vraiment un truc de sécurité collective. Et je pense qu'en 2024, je pense qu'il est temps qu'on apprenne que la sécurité individuelle, ça ne protège pas beaucoup contre les systèmes et que peut-être que sacrifier un petit peu de sa sécurité individuelle pour la sécurité du collectif, c'est une stratégie à adopter pour le bien de tous.

  • Speaker #1

    Merci d'accepter de parler de ça dans ce podcast et j'espère que les personnes qui nous écouteront... trouveront, après nous avoir écouté, le courage. de prendre la parole aussi sur ces sujets-là. Je rebondis sur autre chose que tu disais tout à l'heure, ce que tu disais sur le fait d'être une femme racisée dans la société et que du coup, tu évolues en tant que femme racisée et tu subis... du stress racial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, j'ai bien compris que du coup, tu ne t'identifies pas exactement comme une entrepreneuse, mais tu as quand même une activité de type entrepreneurial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, ça pose des obstacles spécifiques ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui. Je pense que oui, parce que... en fait il y a un truc de l'ordre du professionnalisme où parfois juste en étant soi on va être perçu comme moins professionnel si on correspondait vraiment au code de la blanchité dans mon expérience personnelle je pense que je ne correspond pas à la thérapeute type Je ne suis pas neutre. Je ne dis jamais que je suis neutre. Je dis tout le temps que je ne suis pas neutre. Je parle comme je parle. Je ne fais pas changer ma façon de m'exprimer pour paraître plus professionnelle. Mais en même temps, je pense que la démarche entrepreneuriale pour beaucoup de femmes racisées et pour beaucoup de personnes racisées tout court, c'est une solution. au fait de ne pas trouver de taf en fait donc moi ça n'a pas été mon cas parce que j'ai beaucoup de mal avec l'autorité donc le salariat c'est pas fait pour moi et en plus comme j'ai cette posture très anti-capitaliste mais depuis très jeune du coup le salariat c'est dur je pense que je serais je serais syndicaliste et tout le temps dans les trucs mais pour beaucoup de personnes il y a ce truc de vivre du racisme au quotidien dans son travail qui est difficile et donc du coup on en sort pour avoir une démarche entrepreneuriale ou bien tout simplement je trouve pas de taf donc je vais lancer un truc un business où je vais me lancer dans l'entrepreneuriat parce que je trouve pas de taf et c'est vrai qu'en en parlant c'est vrai que je suis passée un peu à un moment donné par une phase où je cherchais du boulot je sais pas j'ai eu un truc où je voulais me conformer c'est hyper dur parce qu'en fait je voyais que je correspondais exactement au profil qui était recherché et j'étais pas enfin dans beaucoup de cas en fait j'étais pas j'étais pas embauchée, c'était dur de recevoir plein de reçus tout le temps sur un truc où je sais que j'ai les compétences en fait j'ai pas de problème d'estime de moi, de confiance en moi, je sais sur quoi j'ai les compétences et je sais sur quoi j'ai pas les compétences c'était des postes je savais que j'avais les compétences et je me rappelle avoir eu ce truc de me dire, bah en fait déjà je sais que le scélariat c'est pas spécialement fait pour moi, c'est plus un truc d'illusion de sécurité tu vois que je recherchais. En plus de ça, ces galères, autant mettre l'énergie que je mets à chercher du travail à lancer mon propre truc.

  • Speaker #1

    Je me suis noté une question. Je ne sais pas trop où je vais avec cette question, mais je vais quand même te la poser. Est-ce que tu dirais qu'il y a des projets entrepreneuriaux de personnes blanches et des projets entrepreneuriaux de personnes racisées ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. C'est une très bonne question. Alors, je ne sais pas. Je pense que oui. Je pense que oui. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes blanches engagées qui sont dans des trucs où elles ont l'impression par exemple l'entrepreneuriat social, des trucs comme ça. C'est beaucoup des personnes blanches. qui pensent qu'elles vont changer le monde grâce à l'entreprenariat vraiment cette croyance de je vais changer le monde grâce à l'entreprenariat mais je pense que c'est une vision très libérale de la société en fait de penser que par l'entreprenariat on va changer le monde alors que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de personnes racisées où c'est comme je disais tout à l'heure en fait je vais lancer mon activité parce que j'ai cette compétence c'est galère de trouver du taf donc

  • Speaker #1

    je pense qu'il y a des projets en particulier je suis là t'en penses quoi toi est-ce qu'il y a des projets type de personnes blanches mon instinct de réponse à cette question c'est oui après je sais pas si je dirais que c'est une typologie de projet différent mais je pense que par contre c'est une intention qui est derrière tu vois je te rejoins sur ce que tu dis c'est vrai qu'il y a beaucoup de projets dans l'ESS qui sont portés par des personnes blanches et j'ai l'impression que souvent c'est un peu plus bon on doit trouver une idée qui fait de l'argent mais on va essayer d'en faire le truc le plus positif possible alors que j'ai l'impression je fais des généralités c'est évidemment pas ça dans 100% des cas mais j'ai l'impression que quand ça part de personnes racisées ou de manière plus générale de personnes minorisées, on part plus d'un besoin et on essaie de le développer en se disant Ok, comment je peux ne pas trop perdre de plumes là-dedans et comment je peux aider un maximum de personnes ? Du coup, je pense que, je ne sais pas, ça m'a l'air pris dans deux sens différents. Les deux peuvent apporter du positif à la société, mais du coup, dans le déploiement, ce n'est pas pareil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si tu es d'accord, si tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Je vois. En fait, l'intention qu'il y a derrière, ce n'est pas forcément la même. Moi, je vois plutôt dans le monde du bien-être et du soin.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes blanches qui vont vouloir faire du bif. Le truc, c'est que je fais, par exemple, le coaching. je fais du coaching parce que je veux faire de l'argent même si c'est pas dit comme ça genre dans leur marketing etc c'est pas dit comme ça mais en formation de coaching on le voit en fait genre juste moi je veux des outils la façon, les shortcuts un peu la façon la plus rapide de créer le changement chez des gens on a beau leur expliquer que ça marche pas comme ça c'est pas il y a pas de raccourci en fait pour le changement mais bon du coup il y a beaucoup de projets comme ça qui peuvent émerger je vois beaucoup ça et beaucoup de personnes aussi qui se forment pour avoir une compétence supplémentaire et qui ont déjà un réseau en gros c'est je lance ma boîte de coaching mais en fait je sais déjà que je vais vendre à des grosses boîtes parce que je connais déjà plein de gens qui bossent dans ces grosses boîtes mais du coup c'est aussi très très différent que de un truc sans savoir si je vais avoir des des clients pas derrière ce que je vois aussi beaucoup qui sont des projets de personnes blanches dans le monde du bien-être c'est la propriation culturelle et en fait en vrai il y a aussi beaucoup de personnes racisées qui le font et qui vont avoir un positionnement de personnes blanches mais du coup qui n'ont pas du tout conscience que c'est un rapport colonial qu'on peut avoir aussi à soi-même de développer ce genre de projet etc mais du coup tous les trucs qui ont un rapport avec l'appropriation culturelle qui le truc de je développe ma propre méthode de coaching après un an de coaching, je développe ma propre méthode ou je développe ma propre méthode de thérapie après avoir accompagné 1500 personnes. Je ne sais pas comment il y a le fait. J'ai tout compris à la vie, je sais comment ça se passe. Je développe ma méthode et puis après, je crée une formation. Et c'est grâce à cette formation que je vais me faire du bif, en fait. Ça, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup des personnes. Et beaucoup des hommes blancs, d'ailleurs. Des femmes blanches aussi, d'ailleurs. En fait, il y a vraiment ce truc de comment est-ce que je peux créer un business scalable, mais dans le soin, ça ne marche pas. Dans le coaching non plus. Le coaching, ce n'est pas du soin en tant que tel, mais ça ne marche pas, en fait. Et du coup, c'est compliqué. Du coup, ça crée des propositions qui sont complètement hors sol. et qui sont complètement déconnectés de la réalité des gens qu'on va accompagner. Là où je vois beaucoup de personnes racisées, beaucoup de femmes racisées qui ont déjà cette expérience du soin communautaire parce que finalement, c'est un mode de vie en fait. C'est un truc qu'on a déjà dans la communauté. Et donc effectivement, qui vont d'abord réfléchir à un besoin au sein de la communauté et qui vont créer leur proposition en fonction de ce besoin dans la communauté.

  • Speaker #1

    je vois ce que tu veux dire je pense que c'est une différence d'approche et de conscience aussi de ces privilèges et de ces non privilèges et je pense qu'il y a beaucoup d'entrepreneureuses blancs et blanches qui ne se posent juste pas la question et qui estiment que c'est leur devoir de sauver je sais pas c'est toujours les mêmes trucs,

  • Speaker #0

    là je parle de ça en particulier mais par exemple aller créer un resto ou ou un concept autour de la nourriture en reprenant un truc qui n'est pas de sa culture. En ce moment, c'est les trucs asiatiques, est-asiatiques qui sont plus à la mode. On va chercher un truc en Asie de l'Est, on va faire un concept de ouf autour de... On va chercher un truc en Inde, par exemple, on va créer un concept de ouf par rapport à ça, mais on ne fait pas du tout travailler les personnes de cette communauté-là. et en même temps on a tout un narratif autour de grâce à mon restaurant on sauve les recettes traditionnelles enfin genre c'est juste et en fait ça existe vraiment dans tous les domaines et ça c'est vraiment un truc de mec qui sort d'école de commerce qui voit une opportunité business et qui capte pas du tout qu'en fait il y a des rapports de domination des marches coloniales et que ça fait du mal aux personnes à qui du coup il y a les recettes qui sont volées etc je vais quitter ne bénéficient pas du tout de l'argent qui va se faire grâce à leur culture. Ça, ça existe beaucoup dans tous les domaines, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, mais je pense sincèrement que ces personnes... pensent sincèrement qu'elles font bien, tu vois. Vraiment ? Oui, que leur démarche est positive et qu'elle apporte de l'impact positif, qu'elle sert vraiment les personnes.

  • Speaker #0

    Oui, je suis d'accord. En ce n'est pas une question d'intention. Et c'est là que c'est intéressant quand on parle de ces questions-là. En fait, la mentalité coloniale, ce n'est pas une question d'intention. Les gens qui sont colonialistes, ça, c'est clair. Et c'est les discours les plus faciles à démonter. Mais après, il y a tous les colons qui s'ignorent. Et les colons qui s'ignorent, ils n'ont pas l'intention de coloniser, ou ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche coloniale, ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche raciste. Et en fait, c'est en ça que c'est insidieux. et c'est ça qu'il y a le plus dans le monde de l'entrepreneuriat de gauche parce que les gens de droite en général ils s'en foutent c'est vraiment c'est pas le sujet on s'en fiche nous on veut juste faire du bif alors que les gens de gauche ils sont plus dans un truc plus non mais nous on veut faire un truc qui a un impact positif etc et donc du coup elles ne se rendent pas compte de leur propre biais et que l'intention c'est cool d'avoir une bonne intention mais l'enfant n'est pas fait de bonnes intentions donc du coup c'est pas l'intention qui prime c'est vraiment le résultat et l'impact de l'action l'impact du projet au final qui va compter et pas l'impact du projet dans mon territoire seulement. L'impact du projet à un niveau mondial, c'est quoi ? L'impact du projet pour les communautés ? auquel j'ai pris le concept. C'est quoi ? Pas uniquement l'impact environnemental. On parle beaucoup d'impact environnemental ou se faire de l'argent tout en étant plutôt clean au niveau de l'impact environnemental. En fait, il n'y a pas que ça qui compte. Il y a tout un autre pan qu'il faudra aller regarder aussi.

  • Speaker #1

    Ce que tu dis, ça me fait penser à... En juin dernier, il y a eu un... Au moment de l'assassinat de Naël, il y a eu des rassemblements... À Bordeaux, où je vis, il y a quelqu'un qui a pris la parole en disant que le racisme, certes, il se combattait en combattant les personnes qui étaient ouvertement d'extrême droite et ouvertement racistes, mais il se combattait aussi dans les personnes de gauche qui ne se questionnaient jamais sur leurs privilèges et qui ne réagissaient pas face aux micro-situations de racisme et qui ne questionnaient jamais rien. et que du coup effectivement c'est plus facile de démonter et de lutter visiblement contre des gens qui sont visiblement racistes mais qu'il y avait même chez nous qui luttons il y a plein de choses qui contribuent à alimenter et à faire vivre le racisme et le colonialisme et que c'est un devoir aussi de se questionner là-dessus et de remettre ça en question Il y a un dernier sujet que je voulais aborder avec toi. Tu as utilisé le mot plusieurs fois. C'est le mot anticapitaliste. Est-ce que tu peux nous dire en quoi ça consiste pour toi être anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    C'est vraiment gommer le capitalisme. Tout simplement, moi je vois vraiment tous les systèmes comme interconnectés. Du coup, je ne conçois pas le colonialisme sans le capitalisme, par exemple. Et je ne conçois pas le capitalisme sans le colonialisme. Parce que pour que le capitalisme ait pu prospérer, il a fallu la colonisation. Le colonialisme, ça repose sur le capitalisme et la suprématie. Pour moi, c'est dangereux de décorréler, de désarticuler. les systèmes en fait et de dire juste le capitalisme c'est un truc comme on l'entend beaucoup, juste le capitalisme c'est un truc en soi contre lequel on doit lutter seul et puis les autres c'est moins important pour moi vraiment tout est lié et tout est interconnecté et tous les systèmes d'oppression en fait ils peuvent croître et ils peuvent continuer à nous opprimer parce que ils se renforcent les uns les autres. Pour moi, être anticapitaliste, c'est comme j'ai dit, c'est tout simplement être dans un positionnement de détruire le système. Ce n'est pas trouver des façons de mieux vivre sous le capitalisme. Non, non, non plus du capitalisme, on n'en veut pas.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, j'imagine que dans les personnes qui nous écoutent, il y a d'autres personnes qui se définissent probablement comme anticapitalistes. ou en tout cas qui, d'un point de vue individuel, essayent de remettre en question tout ce système. Mais j'entends aussi qu'au niveau individuel, on peut avoir du mal à faire cohabiter ça avec le fait d'être entrepreneur, entrepreneuse et du coup de vouloir créer de la valeur monétaire, créer de l'argent ou avoir besoin de faire de l'argent. Est-ce que toi, tu vis ça ou tu as déjà vécu ça comme un antagonisme ? Et si oui, comment tu as fait pour dépasser ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense comme tout le monde, ce qui est un petit peu difficile, c'est d'être anticapitaliste, de faire du soin et de monétiser le soin. Il y a un truc qui peut être un peu compliqué là-dedans, mais je pense que c'est important de se laisser l'espace, de comprendre qu'il y a plein de choses qui peuvent coexister en soi. parce que oui, je suis anticapitaliste et je l'affiche et du coup dans ma façon d'appréhender mon métier etc ça se voit en fait que j'ai une démarche où je ne capitalise pas je ne crois pas d'être en train de capitaliser sur des luttes par exemple du coup faire coexister le fait que oui, je suis anticapitaliste, je déside anticapitaliste et je lutte contre le capitalisme au quotidien, que ce soit dans des actions que je peux mener. Alors, moi, je ne crois pas trop à l'action individuelle seule. Pour moi, ce n'est pas du tout ce qu'on va réussir à faire tomber les systèmes. Mais j'ai des privilèges qui font que je peux faire attention à certaines choses dans ma façon de consommer, par exemple, etc. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde, ce qui n'est pas le cas de toutes les personnes qui sont anticapitalistes. Mais en même temps, j'ai besoin de manger. je pars en tiers donc je suis obligée de travailler pour pouvoir vivre et ça c'est un truc qui me dépasse genre on est obligé de gagner de l'argent et on est obligé de pouvoir dormir quelque part je suis obligée de payer donc je pense que vraiment faire coexister les deux et apprendre à laisser la place aux contradictions et être à l'aise avec le fait de nommer ses propres contradictions, c'est un peu la clé par rapport à ça. Du coup, s'il y a des personnes qui nous écoutent et qui sont dans ce dilemme-là, le fait d'être à l'aise avec ces contradictions et de les nommer, ça peut aider. Et le fait aussi de se dire que le perfectionnisme, pourquoi je parle de perfectionnisme ? Parce que le fait de vouloir tout faire parfaitement et de se dire je ne participe pas au système c'est impossible de ne pas participer au système parce que c'est un système, donc du coup, on peut faire la paix déjà avec ça. Mais le fait d'être dans le perfectionnisme, même dans son militantisme, ça c'est un truc de la suprématie blanche et c'est un truc du capitalisme de vouloir qu'on soit tout le temps parfait et qu'on soit tout le temps dans la perfection et qu'on soit tout le temps à la recherche. de la perfection dans ce qu'on est en train de faire, même dans nos luttes. Et ça, c'est un truc que je retrouve beaucoup dans les milieux de lutte. Il faut que tout soit tout nickel, tout parfait. On n'a pas le droit à l'erreur, on n'a pas le droit d'avoir des contradictions en tant que personne, etc. Du coup, le fait de comprendre que même ce mécanisme-là de perfectionnisme, c'est un mécanisme qui vient du capitalisme et de la suprématie blanche, ça peut aider à faire la paix avec les contradictions et le fait que ça peut coexister et qu'on avance et que plus on avance dans la lutte et puis il y a des choses qui sont faciles. Mais aussi de se dire que être vraiment dans la lutte, ça demande de prendre des risques, des risques qui sont à hauteur de ce qu'on peut prendre comme risque, mais ça demande de prendre des risques. Donc savoir où est-ce qu'on peut les prendre ces risques pour pouvoir faire avancer les choses et qu'est-ce qu'on peut sacrifier de notre sécurité individuelle pour faire avancer la sécurité collective et le fait qu'il y ait de plus en plus de gens qui puissent être anticapitalistes, ouvertement se dire anticapitalistes et aussi être vraiment dans la lutte anticapitaliste, même parmi les entrepreneurs.

  • Speaker #1

    Trop bien, merci beaucoup pour ces conseils. J'ai deux petites questions pour clore cet entretien qui a été hyper riche et hyper intéressant. Merci beaucoup. Ma première question, c'est si tu pouvais, si tu devais reprendre ton parcours entrepreneurial depuis le début, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment ?

  • Speaker #0

    Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai appris beaucoup, beaucoup de choses en faisant des erreurs, justement. et que j'en serais pas là où je suis aujourd'hui si j'avais pas fait ces erreurs donc je pense que je ne sais pas rien

  • Speaker #1

    Très bien et la deuxième et dernière question du coup tu le sais le podcast s'appelle Woke Up Nation et c'est une manière de détourner la Startup Nation pour y mettre un petit peu de wokisme si tu avais un message à faire passer à la Startup Nation d'aujourd'hui celle d'Emmanuel Macron qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Pas sortez de votre illusion là. Réveillez-vous les gars. Ouais, je... Je sais pas si j'ai vraiment un message à leur faire passer. Parce que moi je m'adresse plus aux gens qui sont de notre côté. Pour qu'on puisse renforcer un petit peu nos rangs. Mais si vraiment je devais leur dire quelque chose, les gens... en fait votre monde c'est une illusion il faut sortir de cette illusion la vraie vie c'est pas le capitalisme c'est pas le colonialisme c'est pas l'esprématie blanche merci beaucoup je pense que c'est une parfaite conclusion merci

  • Speaker #1

    beaucoup Selma où est-ce qu'on peut te retrouver ? du coup sur Instagram c'est le Massardo qui a un podcast qui s'appelle Mali Mali ok trop bien je mettrai les liens nécessaires dans la description si tu as envie de partager d'autres ressources qu'on peut ajouter à l'épisode n'hésite pas à me les envoyer puis j'ajouterai tout ça dans la description merci beaucoup à tous de nous avoir écoutés on se retrouve pour un prochain épisode très bientôt ciao salut Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. N'hésitez pas à y réagir via les plateformes d'écoute, la newsletter ou encore les réseaux sociaux. Vous pouvez retrouver la retranscription complète de l'épisode sur leanyang.com. Je vous dis à très vite pour un nouvel épisode. A bientôt !

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Description

Peut-on entreprendre en étant anticapitaliste ? Quelles sont les difficultés à entreprendre en tant que femme racisée ? Quelles conséquences à prendre la parole sur un génocide ?


Pour ce premier épisode, j'ai eu le plaisir d'accueillir Selma Sardouk, thérapeute décoloniale.


En plus de répondre à ces questions, nous avons abordé le passionnant sujet du soin communautaire, qui est au coeur de la pratique de Selma, mais aussi celui des valeurs militantes, de la place qu'on peut leur donner et de la manière dont on peut les faire s'incarner dans notre activité entrepreneuriale.


Vous pouvez retrouver Selma sur son compte instagram @selmasardouk ou sur son podcast Mäli Mäli.


Si vous souhaitez soutenir le podcast, n'hésitez pas à vous y abonner et à lui laisser un bon avis !
Vous pouvez aussi le retrouver sur instagram @wokeupnation, ou me contacter directement sur Linkedin !


Un podcast animé et imaginé par Léa Niang.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue sur Woke Up Nation, le podcast qui parle d'entrepreneuriat à la sauce wokiste. Je suis Léa Nian, je suis consultante en communication inclusive et passionnée des sujets d'inclusivité et de justice sociale. J'ai lancé Woke Up Nation dans une volonté de politiser le monde de l'entrepreneuriat et de donner la parole à des entrepreneurs et entrepreneuses qui se distinguent par leur prise de position politique et ou militante et qui, en ce sens, vont à l'encontre de ce que la Startup Nation attend de nous. J'ai été ravie d'accueillir pour ce tout premier épisode Selma Sardouk, qui se définit comme thérapeute et coach avec une approche décoloniale. Avant de vous laisser à l'épisode, quelques mots pour me situer. J'ai 30 ans, je m'identifie comme une femme cis, queer et une militante féministe. J'ai un nom et un métissage sénégalais, tout en bénéficiant d'un white passing dans mon quotidien, c'est-à-dire que la plupart des personnes qui me croisent pensent et estiment que je suis une personne blanche. Maintenant que les bases sont posées, je vous laisse à votre épisode. J'espère que vous l'aimerez autant que j'ai aimé l'enregistrer avec Selma. N'hésitez pas à vous abonner au podcast ou à lui laisser une bonne note. Bonne écoute ! Hello Selma, je suis ravie de t'accueillir sur Woke Up Nation. Comment tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Hello Léa, merci pour cette invitation, je vais bien, merci et toi ?

  • Speaker #0

    Ça va, ça va aussi. Est-ce que tu veux bien commencer par te présenter et aussi si tu veux bien te situer pour que les personnes qui nous écoutent puissent savoir de quel point de vue tu vas t'exprimer aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Avec plaisir. Je m'appelle Selma Sarbouk, je suis une femme cis. Je me définis comme une femme africaine. À Mazir, j'ai grandi en France, en banlieue parisienne. Dans la vie, je suis thérapeute et j'ai une approche décoloniale de la thérapie et du soin communautaire. C'est un peu tout ça que j'essaye de développer en ce moment.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors moi, du coup, je t'ai connue sur Instagram, notamment via tes prises de position militantes sur plusieurs sujets. Est-ce que tu peux commencer par me raconter un petit peu ton histoire entrepreneuriale ? Comment est-ce que tu t'es lancée à ton compte ? Est-ce que c'était une évidence de te lancer à ton compte ou est-ce que tu as d'abord tenté le salariat ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas trop tenté de ce point de vue-ci. J'ai déjà été salariée, mais c'était plus des petits boulots. J'étais étudiante, par exemple, même au tout début, quand j'étais à mon compte, j'avais un job alimentaire à côté. Donc en fait, mon expérience du salariat, c'est plus des jobs alimentaires que vraiment un truc où je vais faire carrière, etc. Parce qu'en vrai, je n'ai jamais cru à ce mythe. faire carrière. En fait, dans les faits, c'est vrai que je suis entrepreneur, parce que je suis à mon compte et tout, mais j'ai du mal à m'identifier comme étant entrepreneur, entrepreneuse. C'est un peu particulier parce que je ne me sens pas trop faire partie du monde de l'entreprenariat. Mais sinon, j'ai beaucoup été à mon compte, même quand... quand j'étais plus jeune je donnais des cours de français par exemple quand j'habitais à l'étranger et pareil je n'étais pas salariée c'est un truc que je faisais à mon compte quand tu dis que tu t'identifies pas au monde de l'entrepreneuriat c'est le monde start-up

  • Speaker #0

    nation ou c'est aussi la manière dont d'autres entrepreneurs de gauche font l'entrepreneuriat ouais bah alors la start-up nation c'est un peu de zerti rires

  • Speaker #1

    on va en parler voilà je pense qu'on a tout le temps d'en parler pendant cette conversation mais je m'identifie pas vraiment au monde de l'entrepreneuriat parce que je fais du soin j'ai une pratique de soin et du coup de fait il y a plein de choses qui ne me parlent pas dans l'entrepreneuriat parce que le soin, ce n'est pas quelque chose qui est… Alors si, moi je gagne ma vie, je vais employer mes factures grâce à ce métier. Je n'ai pas d'autres métiers à côté. Mais il y a ce truc de rentabilité, de productivité qu'on entend beaucoup même chez les entrepreneurs de gauche qui n'est pas du tout transposable au monde du soin. Alors même si on entend l'inverse, on entend plein de gens dire qu'il faudrait qu'on se positionne comme entrepreneur et qu'on prenne que c'est rentable, etc. Mais en fait, on fait du soin. Je suis juste... On a un métier où, alors oui, on peut optimiser certaines choses pour que ça ne nous pompe pas toute notre énergie, etc. Mais au final, on a du temps, on a une disponibilité émotionnelle, on a une formation, on a une posture. Et on ne peut pas... on ne peut pas démultiplier le nombre d'heures et on ne peut pas optimiser, on ne peut pas être productif en fait dans le soin. Et donc, de fait, il y a plein de discours, donc même chez les entrepreneurs de gauche qui ne me parlent pas parce qu'il y a toujours ce truc de ouais, mais il faut être productif, ouais, mais bah non en fait. Moi, je fais du soin, je n'ai pas du tout cette orientation de productivité parce que ça ne marche pas en fait.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ce que tu dis, c'est une position militante en soi, en fait. C'est une manière militante de faire ton métier et de mener ton activité. Est-ce que toi, tu te définis comme militante en tant que thérapeute et en tant qu'entrepreneuse, peut-être ?

  • Speaker #1

    Pour moi, être militant, c'est vraiment faire partie d'un collectif et mener une action collective. Alors oui, je suis militante par ailleurs, parce qu'en plus, il y a des actions qui sont en lien avec le monde du soin aussi. En fait, la barrière est un petit peu floue, j'avoue. C'est-à-dire que la barrière entre ma vie privée, mon métier, les espaces militants et même les espaces spirituels, tout ça, c'est un petit peu… Je n'ai pas vraiment de… frontières imperméables entre... tous mes domaines de vie, c'est un petit peu mélangé. Donc forcément, quand j'interviens en tant que Selma Sardouk, thérapeute, je dis que j'ai une approche décoloniale. Donc souvent, on me présente ou moi je peux aussi me présenter comme thérapeute décoloniale. C'est une prise de position militante quelque part. Et forcément, ça a aussi un impact sur les activités militantes qu'il va y avoir après. dans les collectifs militants. Mais du coup, mes réponses sont toujours très complexes. Mais je pense qu'en étant thérapeute seulement, même en ayant une posture décoloniale, etc., ça fait partie de ma façon d'être militante. Mais s'il n'y avait que ça, je ne me dirais pas militante.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es ok de nous partager les activités militantes hors travail que tu mènes ?

  • Speaker #1

    Oui, les gros projets du moment. On va rester dans la thématique du soin. Les gros projets du moment, c'est l'investissement dans une asso qui s'appelle Démocratsi et notamment l'ouverture d'un centre de soins communautaires. Alors du coup, moi, je ne suis pas à l'origine du projet. Mon Démocratsi était déjà constitué. J'ai rencontré... Capucine, qui est du coup la personne avec qui on travaille sur ce projet de centre de soins communautaires, qui du coup a trouvé qu'on était très alignés dans notre façon de voir les choses et de penser les choses. Moi, j'étais un petit peu déconnectée du monde militant et j'étais en train d'y revenir petit à petit puisque comme j'ai eu un enfant, je suis maman solo, j'avais beaucoup de choses qui faisaient que je ne pouvais pas vraiment m'impliquer à... à fond dans un collectif. Et puis là, en fait, c'est un moment où je commençais à revenir un petit peu dans ce milieu-là. Et donc, je rencontre Capucine qui, de par mes prises de position, justement, elle me disait que le fait de dire on fait du soin communautaire, c'est un truc qu'on ne voit pas beaucoup. En fait, on n'est pas très, très nombreuses en France à faire ça. et que comme elle était sur ce projet-là d'ouvrir un centre de soins communautaires, elle voulait savoir si j'étais partante. Donc, c'est comme ça que ça a commencé. Mais là, c'est vraiment le projet militant qui me prend beaucoup de temps. On est logé dans un squat à Montreuil et l'idée, c'est vraiment de faire du soin en priorité pour les personnes qui en ont le plus besoin, du soin communautaire antiraciste, anticapitaliste. et la réalité c'est que quand on est thérapeute nos séances peuvent coûter cher même en mettant en place moi j'ai plein de trucs en place pour que ce soit plus accessible c'est quand même difficile d'accès pour plein de gens et donc le fait qu'on soit dans un squat à Montreuil et qu'on fait des trucs à prix libre à partir de zéro euro. C'est-à-dire que tout ce qu'on fait, c'est à prix libre à partir de zéro euro, même les séances individuelles et tout. Du coup, ça permet une accessibilité. qu'on ne peut pas offrir dans un autre endroit. Et puis, ça nous permet aussi de vraiment porter le message du soin communautaire et de la santé communautaire comme étant un axe de lutte, en fait. Parce qu'on parle beaucoup de lutte. dans les milieux que je fréquente on parle beaucoup de limite on parle beaucoup de dégommer le patriarcat dégommer le système colonial le capitalisme etc mais en fait la santé communautaire ça fait partie de la lutte et malheureusement on n'en parle pas assez et on ne met pas assez ça en avant

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. En tout cas, longue vie à cet espace de soins communautaires. Tu parlais des petites choses que vous mettez en place dans ce centre communautaire, notamment au niveau des prix, avec le prix libre, etc. Est-ce que toi, dans ton activité solo de thérapeute, tu mets d'autres choses en place pour incarner ces valeurs-là, militantes, antiracistes, anticapitalistes ?

  • Speaker #1

    ouais bah du coup moi j'ai pour tous mes services j'ai 3 tarifs toujours j'ai plusieurs tarifications j'ai une tarification de base le tarif de base je propose un tarif réduit et un tarif soutien du coup les personnes qui sont à l'aise financièrement peuvent payer plus donc ça c'est vraiment un truc de base déjà que je propose après je fais beaucoup d'espace en non mixité ça s'est beaucoup beaucoup décrié je suis beaucoup critiquée par rapport à ça mais bon c'est comme ça je vais continuer à le faire donc j'ai beaucoup d'espaces en non mixité et des espaces en mixité choisie etc et puis du coup au niveau de l'accessibilité je trouve que ça se joue sur la tarification mais ça se joue aussi sur le message qu'on porte et sur comment est-ce qu'on parle des choses et du coup quand on parle de santé mentale sans parler de trauma racial ça rend tout de suite les choses peut-être un peu moins accessibles à des gens qui ne vont pas forcément s'identifier. Ou bien quand on parle de santé mentale, sans parler du manque d'accès aux soins, en fait on se coupe de toute une partie de la population qui ont besoin de ces services-là. Donc je pense que c'est vraiment autant dans la tarification que dans le message qu'on porte et ce qu'on dit. et à qui est-ce qu'on choisit de s'adresser en fait ?

  • Speaker #0

    Sur la question des tarifications, je sais qu'il y a des personnes qui sont réticentes à mettre en place ces tarifs solidaires parce qu'elles ont peur que des personnes en profitent. Est-ce que toi, tu observes ça ? Moi, j'ai tendance à penser que les personnes qui vont faire appel au service d'une personne qu'elles savent engager vont avoir conscience de leur position dans la société et vont donc choisir leur tarification en fonction. mais est-ce que c'est quelque chose sur lequel tu peux avoir un feedback ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais grave confiance aux gens. Ok. Moi, on a un truc de on fait confiance Je ne demande pas du tout de justificatif. Des fois, je fais des trucs à prix libre. Je ne mets même pas à partir de zéro euro, je mets vraiment prix libre comme ça. Par exemple, je peux faire des ateliers de deux heures à prix libre et franchement, il y a des gens qui ne payent pas et il y a des gens qui payent 100 euros. Donc, je ne sais pas. Moi, d'expérience, je pense qu'il faut faire confiance. et je pense que ce truc de on a peur que les gens profitent ça vient d'une idée capitaliste aussi et ça vient d'une idée de alors c'est pas du tout pour critiquer les gens qui pensent comme ça, je pense que c'est vraiment quelque chose qui peut faire peur parce que c'est de la propagande de la société de dire que les gens sont des assistés et les gens profitent en fait, mais en fait Pas du tout. La majorité des gens, alors c'est absolument pas scientifique comme chiffre, c'est vraiment un truc d'une expérience très personnelle, mais ça fait des années que je fais ça et que d'autres personnes autour de moi font ça aussi. en fait les gens payent le juste prix parce qu'ils correspondent à leur revenu alors moi j'ai même des personnes qui commencent en étant au chômage par exemple et donc en payant le prix réduit ou même parfois je fais des prix encore plus bas pour des personnes qui sont étudiantes ou des personnes qui sont au RSA, je peux proposer comme je fais le soutien ça me permet de financer aussi ça je peux proposer des tarifs encore plus bas genre 40 euros la séance, une séance d'1h15, 1h30, c'est rien du tout, en fait. C'est des personnes qui, après, quand ça va et qu'elles ont une situation stable, elles vont payer le tarif soutien. C'est du tout ce que j'attends. Mais c'est quelque chose que j'observe, en fait, que... faites confiance aux gens faites confiance aux gens et puis ça se passe plutôt bien après il y a une personne qui gagne très bien sa vie et qui va quand même payer 150 euros au prix réduit au lieu de payer la science soutien alors qu'elle en aurait les moyens oui ça arrive mais bon c'est la vie et c'est pas grave en soi

  • Speaker #0

    C'est chouette ce que tu décris, je trouve que ça illustre bien cet esprit collectif et communautaire où on rend ce dont on a pu bénéficier avant. Tu disais aussi sur les espaces en non-mixité, tu recevais pas mal de critiques, ça me fait penser aussi, j'ai vu que certains de tes programmes, tu les proposais à des tarifs différents pour les personnes racisées et pour les personnes blanches. est-ce que t'es ok d'expliquer cette voilà et aussi si tu veux bien dire je sais pas comment ça a été reçu et comment toi t'as alors

  • Speaker #1

    du coup alors mon activité principale c'est la thérapie comme je disais je fais des séances individuelles mais surtout du soin communautaire mais je fais aussi des espaces d'éducation et donc du coup c'est des espaces d'éducation où il y a de l'espace aussi pour parler de ses émotions et aller travailler aussi l'aspect émotionnel et l'aspect somatique de ce qu'on est en train d'apprendre c'est des espaces de conscientisation quelque part mais où on va pas juste apprendre les choses, on va apprendre et puis ensuite on va regarder qu'est-ce qui se passe au niveau émotionnel et qu'est-ce qui se passe dans le corps et puis du coup on travaille tout ça en même temps et du coup ces espaces-là j'en propose plein que ce soit en mixité ou en non mixité et puis récemment j'en ai proposé un qui était destiné aux personnes blanches en particulier c'est à dire que le programme il est pensé pour les personnes blanches pour travailler la posture de complice de la lutte décoloniale et des luttes antiracistes et du coup j'ai proposé un tarif qui était je peux dire les prix, c'était 250 euros pour les personnes blanches ce qui est vraiment pas cher le retour qu'on m'a fait c'est qu'au final c'était vraiment pas cher par rapport au contenu et du coup j'ai proposé aux personnes racisées de pouvoir participer mais en fait c'était pas je veux dire que la façon dont j'ai construit le programme c'était pas fait pour les personnes racisées mais si elles voulaient venir pour apprendre des trucs c'était possible donc j'ai proposé un tarif qui était très très bas de 50 euros. C'est un peu comme presque cadeau, en fait. Et j'ai reçu beaucoup, beaucoup de critiques par rapport à ça, parce que, justement, c'est une tarification qui était très différente. Et la raison pour laquelle j'ai proposé cette tarification différente, c'est parce que c'est un programme pour les personnes blanches. C'est les personnes blanches qui vont le plus bénéficier de ce truc-là. Les personnes racisées, elles n'ont pas besoin d'apprendre. la posture d'un complice et de ce que ça veut dire être complice c'est pas c'est donc c'était pour moi c'était logique en fait de pas faire payer pareil parce que pour moi la tarification on dit beaucoup qu'il faut réfléchir à ses prix en fonction de la valeur de ce qu'on donne on n'a toujours pas compris ce que ça veut dire on est là on a toujours pas compris mais on entend beaucoup on entend beaucoup parler de ça et moi je dis toujours que c'est très difficile parce que quand on fait du soin c'est une valeur inestimable ou bien quand on propose des espaces de conscientisation etc c'est une valeur inestimable donc c'est très difficile de dire c'est qu'Alain ne fait que des trucs à 10 000 balles et puis encore mais ça ne peut pas fonctionner comme ça donc pour moi en fait le prix c'est ok moi je sais que enfin je veux je connais ma façon de travailler et je sais que ce que je vais proposer, je vais faire de mon mieux pour que ce soit quelque chose de qualitatif. Mais je propose aussi, je réfléchis aussi à ma tarification en fonction des personnes à qui je m'adresse. Je reviens à cette histoire de tarification, plusieurs tarifications, et puis cette histoire de prix libre, toutes ces choses-là. Parce qu'en fait, quelqu'un qui gagne 5000 euros par mois peut avoir besoin de thérapie, mais du coup peut se permettre de mettre 150 euros dans une séance de thérapie, et même de le faire chaque semaine, et il n'y a pas de souci. Mais cette personne-là n'a pas forcément... elle ne va pas forcément avoir plus besoin de la thérapie qu'une personne qui est au RSA. Et une personne qui est au RSA ne peut pas mettre 550 euros. et ça ne veut pas dire qu'elle ne donne pas de valeur au travail au contraire en fait et donc pour moi il faut vraiment réfléchir à ça aussi quand on propose des services il y a ce que moi je propose et la certitude que je fais de mon mieux dans ce que je propose et que j'ai une posture et puis aussi des outils que les gens recherchent, donc ça je le sais mais en même temps les personnes qui ont le plus besoin de ce que je propose c'est pas les personnes qui vont pouvoir payer 150 euros donc à un moment donné je pense qu'il faut se décentrer de soi quand on est entrepreneur même si il y a beaucoup de discours contraires qui disent qu'il faut se centrer d'abord sur soi et que tout part de soi etc, oui mais il faut aussi savoir se décentrer de soi et de savoir qu'est-ce qu'on veut apporter en fait dans la communauté et comment est-ce qu'on peut le faire et du coup comment est-ce que je peux répondre à mes besoins parce que moi j'ai besoin de manger, j'ai besoin de payer mon loyer j'ai besoin de nourrir mon fils, donc comment est-ce que je peux répondre à mes besoins tout en ayant la capacité de répondre aux besoins des autres, et les autres ont besoin d'avoir des espaces de soins qui leur coûtent pas un bras trop intéressant,

  • Speaker #0

    je reviens aussi sur du coup sur les critiques que tu reçois alors du coup tu me disais que tu étais assez souvent critiquée sur les questions de non-mixité là j'imagine, j'ai Quand j'ai vu les tarifs différents pour les personnes racisées et les personnes blanches, je t'ai envoyé mentalement tout le soutien parce que je me suis dit que tu avais dû recevoir un certain nombre de messages pas très sympas. Là, au jour où on se parle, on est le 15 mars, on est au 159e jour du génocide perpétré à Gaza par l'État d'Israël. On est à plus de 31 000 personnes tuées. Je sais que toi, tu prends beaucoup la parole sur la question de la Palestine et du génocide, et de manière plus générale sur la situation coloniale en Palestine. Est-ce que c'est des prises de position qui te valent des critiques ou des choses pas sympas ?

  • Speaker #1

    Oui, mais en fait, je pense que c'est un peu tout le temps. là pour moi c'est pas plus violent que d'habitude, enfin il y a des vagues en fait on va dire il y a des vagues parce que j'ai une posture décoloniale tout le temps et anticoloniale tout le temps c'est pas spécifique à maintenant mais oui en fait je reçois des menaces de mort je reçois des messages très violents on me dit d'aller à Gaza je pense qu'on est beaucoup à recevoir des messages comme ça mais je ne vais pas me taire pour autant je continue à porter mon message et et je pense que c'est important qu'on le fasse pour moi c'est un privilège d'être ici en Europe et de ne pas vivre ça en fait juste d'être conscient conscient de ce qui se passe mais de ne pas le vivre dans la chair c'est un privilège donc je ne vais pas me taire pour autant. Et je pense qu'en tant que professionnelle du soin, professionnelle de la santé mentale, en fait, il est de notre devoir de parler de ces sujets-là. Après, encore une fois, j'ai beaucoup de privilèges. J'ai des espaces pour me ressourcer, j'ai des espaces pour après débriefer sur ce que je reçois. Mais je pense vraiment qu'en tant que professionnelle du soin, c'est hyper important qu'on prenne position sur ces questions-là, et d'autant plus quand on parle de trauma, parce que moi, ma spécialité, c'est le trauma systémique et social. Du coup, ça n'aurait pas de sens que je n'en parle pas, puisque le cœur de la spécialité trauma systémique et social, c'est justement les guerres, les génocides, la colonisation. et l'impact que ça a sur la santé mentale. Donc, du coup, ça n'a vraiment pas de sens. Et je pense, d'ailleurs, pour toutes les personnes qui travaillent sur le trauma en général... si ils ne prennent pas position sur la Palestine, le Congo, le Soudan, Hawaï et tout ce qui se passe dans le monde. Là, la Palestine, je trouve que ça cristallise beaucoup de choses. Et c'est le premier génocide en direct sur Instagram. Donc, voilà. Il y a quelque chose de particulier. Mais en fait, c'est vraiment tout ce qui se passe dans le monde. Il y a énormément de situations chromatiques. et donc il y a beaucoup beaucoup de gens qui parlent de trauma et qui sont formés à la prise en charge du trauma de différentes façons et du coup ça ne leur parle pas du tout en fait c'est comme si on s'était complètement déconnecté alors que non, si on ne prend pas position sur ce sujet-là alors que c'est exactement ce système-là qui est la source de beaucoup de souffrances que vivent des gens qu'on accompagne au quotidien, en fait, on passe à côté d'une partie du problème. Donc, pour moi, avoir des menaces de mort, ça fait partie du truc de toute façon parce que c'est une réaction. Je pense que c'est le... C'est malheureux à dire, mais c'est le jeu, quoi. On prend position, on va avoir des réactions très violentes parce que c'est un sujet qui est clivant. Mais c'est un sujet qui est clivant depuis que je suis gamine, en fait. Je le sais et j'ai eu, je crois, les réactions les plus violentes. C'était après le 7 octobre. On disait à tout le monde que ça avait déjà commencé. les reprisailles. On disait à tout le monde Est-ce que vous condamnez le Hamas ? Avant de s'exprimer, il fallait d'abord condamner le Hamas avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Et en fait, non. Je refuse, moi, de jouer à ce jeu-là et de devoir montrer patte blanche avant de pouvoir ouvrir la bouche sur quoi que ce soit. D'abord condamner... En fait, je comprends très bien pourquoi. quelle est la stratégie derrière ça mais en fait non je refuse et donc du coup j'avais reçu beaucoup de critiques et de trucs très très violents à ce moment là parce que d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui parce que non en fait je vais pas je vais pas rentrer dans le jeu de d'abord essayer de vous prouver que je suis pas une terroriste avant de parler de ce dont j'ai envie de parler. Sachant que, c'est pareil, j'avais aussi reçu beaucoup de critiques quand j'avais dit que l'acte du 7 octobre, c'est un acte de résistance. Juste, on peut remettre dans le contexte colonial. Et l'acte de résistance en soi, c'est quelque chose... qui est thérapeutique. Il y a plein de formes de résistance possibles. La résistance armée, ce n'est pas la seule forme de résistance, évidemment, mais c'est aussi une forme de résistance. et je pense que c'est pas le moment là de dire ah bah non moi je veux pas de résistance je suis contre la résistance anticoloniale en fait non juste je pense qu'on peut recentrer le débat sur autre chose et peut-être que on peut vraiment parler de ce que c'est que la colonisation et de ce que c'est que la violence coloniale et de comment est-ce qu'on perçoit Dès qu'il y a des Arabes ou des personnes perçues comme Arabes qui font valoir leurs droits ou qui vont avoir des actes de résistance, c'est perçu comme du terrorisme. On fait le parallèle tout de suite avec des choses qui n'ont absolument rien à voir. Et en fait, je pense qu'il y a... des débats à avoir sur ces questions-là en interne. On peut parler de ces questions-là et du coup, de dire est-ce que cette forme-là, en particulier, c'était vraiment la bonne forme, etc. Mais là, ce n'est pas le sujet, en fait. Il y a des gens qui sont en train de se faire tuer. Il y a un génocide en cours. Là, ce n'est pas le sujet. Je ne vais pas là maintenant tout de suite pour pouvoir m'exprimer sur un génocide et d'abord condamner une action. Ça n'a absolument aucun sens. et ça c'est beaucoup de critiques parce que du coup c'est tout de suite le raccourci si tu condamnes pas le Hamas tu es une terroriste et donc comme tu es une terroriste tu es complètement déshumanisé en fait on déshumanise complètement et comme on n'est pas perçu comme humain dans le regard de l'autre dans les propos qui sont tenus c'est très très violent et voilà c'est un peu ça ce qui se passe en ce moment

  • Speaker #0

    Est-ce que on peut en parler très très rapidement est-ce que tu arrives à mettre toi des choses en place pour soit te protéger de tout ça pour éviter que ça t'arrive ou je sais pas est-ce que tu as des espaces extérieurs a posteriori dans lesquels toi tu peux te te ressourcer débriefer comment tu gères ça ? alors du coup franchement en ce moment c'était un peu compliqué je vais pas faire comme si c'était pas difficile parce qu'en fait moi ça fait deux ans à peu près un peu plus de deux ans que je suis harcelée et que c'est violent donc du coup ouais c'était j'ai eu des moments très très dark où ça allait pas du tout mais du coup j'ai moi aussi je suis en thérapie comme beaucoup de thérapeutes du coup j'ai aussi cet espace là mais je suis aussi supervisée donc la supervision c'est un espace où on va travailler sur sa pratique en tant que thérapeute en thérapie je vais travailler sur moi en tant que personne et ce qui se passe dans ma vie, donc pas forcément dans mon travail, mais je suis aussi supervisée. J'ai une supervision individuelle et une supervision en groupe où justement, on va parler de comment est-ce que ça nous touche. Parce qu'en fait, on est... Alors, ce n'est pas du tout des choses qui se passent... Enfin, ce n'est pas en France, malheureusement, que je trouve ces espaces-là. Malheureusement, aujourd'hui, avec la visio et tout, on peut trouver pas mal d'espaces en ligne. Mais du coup, en fait, on est beaucoup de thérapeutes racisés qui travaillent sur le trauma racial. Moi, je travaille beaucoup sur le trauma racial et colonial. Du coup, je subis moi-même un stress racial important au quotidien de par ma position dans la société tout simplement, mais aussi de par les menaces que je reçois et les violences que je peux recevoir au quotidien. Du coup, j'ai ces espaces-là. Puis après aussi, j'ai mes proches.

  • Speaker #1

    avec qui je peux échanger et sur qui je peux compter aussi j'imagine que tes proches comprennent ta position mais est-ce qu'ils comprennent ta volonté de continuer à t'exprimer publiquement sur ces sujets là ou est-ce que c'est des choses qui leur font peur, est-ce qu'ils essayent de t'en dissuader

  • Speaker #0

    Ça dépend de qui. Pour la famille, il faut savoir que mon père est militant. Et mon père, il est un petit peu plus calme. On a un peu d'âge. Mais mon père, il est parti de son pays pour des raisons militantes. C'est pas... c'est pas une personne qui a la langue dans sa poche encore jusqu'à aujourd'hui en fait il va avoir des positions il s'en fiche complètement il dit vraiment les choses en fait et en fait j'ai beaucoup de gens dans mon entourage qui sont en mode on meurt pour la lutte enfin basta et donc du coup ces personnes là comprennent souvent dans les cercles spirituels, moi je suis musulmane et souvent dans les cercles spirituels et militants, donc les gens qui sont à la fois musulmans et militants c'est une posture qui est beaucoup mieux comprise parce qu'on voit le militantisme comme un... Je vais dire un mot qui fait peur aux fachos, mais je ne comprends pas. Mais je peux expliquer après ce que ça veut dire. Mais en gros, le militantisme, c'est une forme de djihad. Et le djihad, en fait, c'est la lutte contre l'oppression. Je le définis de façon très sommaire, dans des définitions. théologiques, etc. Mais en fait, il y a plusieurs formes de djihad. Mais le principe même du djihad, c'est la lutte contre l'oppression. pour les personnes musulmanes, ça a du sens de ne pas se taire, même s'il faut se protéger, etc. Mais ça a du sens de continuer à prendre la parole même si... Après, il y a d'autres personnes qui sont moins... Genre mon frère, par exemple, il ne comprend pas. Il est musulman et très pratiquant aussi et tout, mais il ne comprend pas. Il me dit, en fait, tu pourrais juste... En vrai, il ne me dit pas trop de choses, mais je le vois aussi beaucoup dans son regard. que je pourrais juste peut-être dire les choses en privé et arrêter de les dire en public. Mais en fait, pour moi, c'est vraiment un truc de... Je pense au collectif et à la communauté. Je pense qu'en sacrifiant un peu de ma sécurité individuelle, ça crée plus de sécurité pour le collectif. Parce que quand moi, je m'exprime, ça permet à plein de gens qui ont les mêmes idées de ne pas s'exprimer, de s'exprimer. Ça crée vraiment un truc de sécurité collective. Et je pense qu'en 2024, je pense qu'il est temps qu'on apprenne que la sécurité individuelle, ça ne protège pas beaucoup contre les systèmes et que peut-être que sacrifier un petit peu de sa sécurité individuelle pour la sécurité du collectif, c'est une stratégie à adopter pour le bien de tous.

  • Speaker #1

    Merci d'accepter de parler de ça dans ce podcast et j'espère que les personnes qui nous écouteront... trouveront, après nous avoir écouté, le courage. de prendre la parole aussi sur ces sujets-là. Je rebondis sur autre chose que tu disais tout à l'heure, ce que tu disais sur le fait d'être une femme racisée dans la société et que du coup, tu évolues en tant que femme racisée et tu subis... du stress racial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, j'ai bien compris que du coup, tu ne t'identifies pas exactement comme une entrepreneuse, mais tu as quand même une activité de type entrepreneurial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, ça pose des obstacles spécifiques ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui. Je pense que oui, parce que... en fait il y a un truc de l'ordre du professionnalisme où parfois juste en étant soi on va être perçu comme moins professionnel si on correspondait vraiment au code de la blanchité dans mon expérience personnelle je pense que je ne correspond pas à la thérapeute type Je ne suis pas neutre. Je ne dis jamais que je suis neutre. Je dis tout le temps que je ne suis pas neutre. Je parle comme je parle. Je ne fais pas changer ma façon de m'exprimer pour paraître plus professionnelle. Mais en même temps, je pense que la démarche entrepreneuriale pour beaucoup de femmes racisées et pour beaucoup de personnes racisées tout court, c'est une solution. au fait de ne pas trouver de taf en fait donc moi ça n'a pas été mon cas parce que j'ai beaucoup de mal avec l'autorité donc le salariat c'est pas fait pour moi et en plus comme j'ai cette posture très anti-capitaliste mais depuis très jeune du coup le salariat c'est dur je pense que je serais je serais syndicaliste et tout le temps dans les trucs mais pour beaucoup de personnes il y a ce truc de vivre du racisme au quotidien dans son travail qui est difficile et donc du coup on en sort pour avoir une démarche entrepreneuriale ou bien tout simplement je trouve pas de taf donc je vais lancer un truc un business où je vais me lancer dans l'entrepreneuriat parce que je trouve pas de taf et c'est vrai qu'en en parlant c'est vrai que je suis passée un peu à un moment donné par une phase où je cherchais du boulot je sais pas j'ai eu un truc où je voulais me conformer c'est hyper dur parce qu'en fait je voyais que je correspondais exactement au profil qui était recherché et j'étais pas enfin dans beaucoup de cas en fait j'étais pas j'étais pas embauchée, c'était dur de recevoir plein de reçus tout le temps sur un truc où je sais que j'ai les compétences en fait j'ai pas de problème d'estime de moi, de confiance en moi, je sais sur quoi j'ai les compétences et je sais sur quoi j'ai pas les compétences c'était des postes je savais que j'avais les compétences et je me rappelle avoir eu ce truc de me dire, bah en fait déjà je sais que le scélariat c'est pas spécialement fait pour moi, c'est plus un truc d'illusion de sécurité tu vois que je recherchais. En plus de ça, ces galères, autant mettre l'énergie que je mets à chercher du travail à lancer mon propre truc.

  • Speaker #1

    Je me suis noté une question. Je ne sais pas trop où je vais avec cette question, mais je vais quand même te la poser. Est-ce que tu dirais qu'il y a des projets entrepreneuriaux de personnes blanches et des projets entrepreneuriaux de personnes racisées ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. C'est une très bonne question. Alors, je ne sais pas. Je pense que oui. Je pense que oui. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes blanches engagées qui sont dans des trucs où elles ont l'impression par exemple l'entrepreneuriat social, des trucs comme ça. C'est beaucoup des personnes blanches. qui pensent qu'elles vont changer le monde grâce à l'entreprenariat vraiment cette croyance de je vais changer le monde grâce à l'entreprenariat mais je pense que c'est une vision très libérale de la société en fait de penser que par l'entreprenariat on va changer le monde alors que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de personnes racisées où c'est comme je disais tout à l'heure en fait je vais lancer mon activité parce que j'ai cette compétence c'est galère de trouver du taf donc

  • Speaker #1

    je pense qu'il y a des projets en particulier je suis là t'en penses quoi toi est-ce qu'il y a des projets type de personnes blanches mon instinct de réponse à cette question c'est oui après je sais pas si je dirais que c'est une typologie de projet différent mais je pense que par contre c'est une intention qui est derrière tu vois je te rejoins sur ce que tu dis c'est vrai qu'il y a beaucoup de projets dans l'ESS qui sont portés par des personnes blanches et j'ai l'impression que souvent c'est un peu plus bon on doit trouver une idée qui fait de l'argent mais on va essayer d'en faire le truc le plus positif possible alors que j'ai l'impression je fais des généralités c'est évidemment pas ça dans 100% des cas mais j'ai l'impression que quand ça part de personnes racisées ou de manière plus générale de personnes minorisées, on part plus d'un besoin et on essaie de le développer en se disant Ok, comment je peux ne pas trop perdre de plumes là-dedans et comment je peux aider un maximum de personnes ? Du coup, je pense que, je ne sais pas, ça m'a l'air pris dans deux sens différents. Les deux peuvent apporter du positif à la société, mais du coup, dans le déploiement, ce n'est pas pareil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si tu es d'accord, si tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Je vois. En fait, l'intention qu'il y a derrière, ce n'est pas forcément la même. Moi, je vois plutôt dans le monde du bien-être et du soin.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes blanches qui vont vouloir faire du bif. Le truc, c'est que je fais, par exemple, le coaching. je fais du coaching parce que je veux faire de l'argent même si c'est pas dit comme ça genre dans leur marketing etc c'est pas dit comme ça mais en formation de coaching on le voit en fait genre juste moi je veux des outils la façon, les shortcuts un peu la façon la plus rapide de créer le changement chez des gens on a beau leur expliquer que ça marche pas comme ça c'est pas il y a pas de raccourci en fait pour le changement mais bon du coup il y a beaucoup de projets comme ça qui peuvent émerger je vois beaucoup ça et beaucoup de personnes aussi qui se forment pour avoir une compétence supplémentaire et qui ont déjà un réseau en gros c'est je lance ma boîte de coaching mais en fait je sais déjà que je vais vendre à des grosses boîtes parce que je connais déjà plein de gens qui bossent dans ces grosses boîtes mais du coup c'est aussi très très différent que de un truc sans savoir si je vais avoir des des clients pas derrière ce que je vois aussi beaucoup qui sont des projets de personnes blanches dans le monde du bien-être c'est la propriation culturelle et en fait en vrai il y a aussi beaucoup de personnes racisées qui le font et qui vont avoir un positionnement de personnes blanches mais du coup qui n'ont pas du tout conscience que c'est un rapport colonial qu'on peut avoir aussi à soi-même de développer ce genre de projet etc mais du coup tous les trucs qui ont un rapport avec l'appropriation culturelle qui le truc de je développe ma propre méthode de coaching après un an de coaching, je développe ma propre méthode ou je développe ma propre méthode de thérapie après avoir accompagné 1500 personnes. Je ne sais pas comment il y a le fait. J'ai tout compris à la vie, je sais comment ça se passe. Je développe ma méthode et puis après, je crée une formation. Et c'est grâce à cette formation que je vais me faire du bif, en fait. Ça, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup des personnes. Et beaucoup des hommes blancs, d'ailleurs. Des femmes blanches aussi, d'ailleurs. En fait, il y a vraiment ce truc de comment est-ce que je peux créer un business scalable, mais dans le soin, ça ne marche pas. Dans le coaching non plus. Le coaching, ce n'est pas du soin en tant que tel, mais ça ne marche pas, en fait. Et du coup, c'est compliqué. Du coup, ça crée des propositions qui sont complètement hors sol. et qui sont complètement déconnectés de la réalité des gens qu'on va accompagner. Là où je vois beaucoup de personnes racisées, beaucoup de femmes racisées qui ont déjà cette expérience du soin communautaire parce que finalement, c'est un mode de vie en fait. C'est un truc qu'on a déjà dans la communauté. Et donc effectivement, qui vont d'abord réfléchir à un besoin au sein de la communauté et qui vont créer leur proposition en fonction de ce besoin dans la communauté.

  • Speaker #1

    je vois ce que tu veux dire je pense que c'est une différence d'approche et de conscience aussi de ces privilèges et de ces non privilèges et je pense qu'il y a beaucoup d'entrepreneureuses blancs et blanches qui ne se posent juste pas la question et qui estiment que c'est leur devoir de sauver je sais pas c'est toujours les mêmes trucs,

  • Speaker #0

    là je parle de ça en particulier mais par exemple aller créer un resto ou ou un concept autour de la nourriture en reprenant un truc qui n'est pas de sa culture. En ce moment, c'est les trucs asiatiques, est-asiatiques qui sont plus à la mode. On va chercher un truc en Asie de l'Est, on va faire un concept de ouf autour de... On va chercher un truc en Inde, par exemple, on va créer un concept de ouf par rapport à ça, mais on ne fait pas du tout travailler les personnes de cette communauté-là. et en même temps on a tout un narratif autour de grâce à mon restaurant on sauve les recettes traditionnelles enfin genre c'est juste et en fait ça existe vraiment dans tous les domaines et ça c'est vraiment un truc de mec qui sort d'école de commerce qui voit une opportunité business et qui capte pas du tout qu'en fait il y a des rapports de domination des marches coloniales et que ça fait du mal aux personnes à qui du coup il y a les recettes qui sont volées etc je vais quitter ne bénéficient pas du tout de l'argent qui va se faire grâce à leur culture. Ça, ça existe beaucoup dans tous les domaines, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, mais je pense sincèrement que ces personnes... pensent sincèrement qu'elles font bien, tu vois. Vraiment ? Oui, que leur démarche est positive et qu'elle apporte de l'impact positif, qu'elle sert vraiment les personnes.

  • Speaker #0

    Oui, je suis d'accord. En ce n'est pas une question d'intention. Et c'est là que c'est intéressant quand on parle de ces questions-là. En fait, la mentalité coloniale, ce n'est pas une question d'intention. Les gens qui sont colonialistes, ça, c'est clair. Et c'est les discours les plus faciles à démonter. Mais après, il y a tous les colons qui s'ignorent. Et les colons qui s'ignorent, ils n'ont pas l'intention de coloniser, ou ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche coloniale, ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche raciste. Et en fait, c'est en ça que c'est insidieux. et c'est ça qu'il y a le plus dans le monde de l'entrepreneuriat de gauche parce que les gens de droite en général ils s'en foutent c'est vraiment c'est pas le sujet on s'en fiche nous on veut juste faire du bif alors que les gens de gauche ils sont plus dans un truc plus non mais nous on veut faire un truc qui a un impact positif etc et donc du coup elles ne se rendent pas compte de leur propre biais et que l'intention c'est cool d'avoir une bonne intention mais l'enfant n'est pas fait de bonnes intentions donc du coup c'est pas l'intention qui prime c'est vraiment le résultat et l'impact de l'action l'impact du projet au final qui va compter et pas l'impact du projet dans mon territoire seulement. L'impact du projet à un niveau mondial, c'est quoi ? L'impact du projet pour les communautés ? auquel j'ai pris le concept. C'est quoi ? Pas uniquement l'impact environnemental. On parle beaucoup d'impact environnemental ou se faire de l'argent tout en étant plutôt clean au niveau de l'impact environnemental. En fait, il n'y a pas que ça qui compte. Il y a tout un autre pan qu'il faudra aller regarder aussi.

  • Speaker #1

    Ce que tu dis, ça me fait penser à... En juin dernier, il y a eu un... Au moment de l'assassinat de Naël, il y a eu des rassemblements... À Bordeaux, où je vis, il y a quelqu'un qui a pris la parole en disant que le racisme, certes, il se combattait en combattant les personnes qui étaient ouvertement d'extrême droite et ouvertement racistes, mais il se combattait aussi dans les personnes de gauche qui ne se questionnaient jamais sur leurs privilèges et qui ne réagissaient pas face aux micro-situations de racisme et qui ne questionnaient jamais rien. et que du coup effectivement c'est plus facile de démonter et de lutter visiblement contre des gens qui sont visiblement racistes mais qu'il y avait même chez nous qui luttons il y a plein de choses qui contribuent à alimenter et à faire vivre le racisme et le colonialisme et que c'est un devoir aussi de se questionner là-dessus et de remettre ça en question Il y a un dernier sujet que je voulais aborder avec toi. Tu as utilisé le mot plusieurs fois. C'est le mot anticapitaliste. Est-ce que tu peux nous dire en quoi ça consiste pour toi être anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    C'est vraiment gommer le capitalisme. Tout simplement, moi je vois vraiment tous les systèmes comme interconnectés. Du coup, je ne conçois pas le colonialisme sans le capitalisme, par exemple. Et je ne conçois pas le capitalisme sans le colonialisme. Parce que pour que le capitalisme ait pu prospérer, il a fallu la colonisation. Le colonialisme, ça repose sur le capitalisme et la suprématie. Pour moi, c'est dangereux de décorréler, de désarticuler. les systèmes en fait et de dire juste le capitalisme c'est un truc comme on l'entend beaucoup, juste le capitalisme c'est un truc en soi contre lequel on doit lutter seul et puis les autres c'est moins important pour moi vraiment tout est lié et tout est interconnecté et tous les systèmes d'oppression en fait ils peuvent croître et ils peuvent continuer à nous opprimer parce que ils se renforcent les uns les autres. Pour moi, être anticapitaliste, c'est comme j'ai dit, c'est tout simplement être dans un positionnement de détruire le système. Ce n'est pas trouver des façons de mieux vivre sous le capitalisme. Non, non, non plus du capitalisme, on n'en veut pas.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, j'imagine que dans les personnes qui nous écoutent, il y a d'autres personnes qui se définissent probablement comme anticapitalistes. ou en tout cas qui, d'un point de vue individuel, essayent de remettre en question tout ce système. Mais j'entends aussi qu'au niveau individuel, on peut avoir du mal à faire cohabiter ça avec le fait d'être entrepreneur, entrepreneuse et du coup de vouloir créer de la valeur monétaire, créer de l'argent ou avoir besoin de faire de l'argent. Est-ce que toi, tu vis ça ou tu as déjà vécu ça comme un antagonisme ? Et si oui, comment tu as fait pour dépasser ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense comme tout le monde, ce qui est un petit peu difficile, c'est d'être anticapitaliste, de faire du soin et de monétiser le soin. Il y a un truc qui peut être un peu compliqué là-dedans, mais je pense que c'est important de se laisser l'espace, de comprendre qu'il y a plein de choses qui peuvent coexister en soi. parce que oui, je suis anticapitaliste et je l'affiche et du coup dans ma façon d'appréhender mon métier etc ça se voit en fait que j'ai une démarche où je ne capitalise pas je ne crois pas d'être en train de capitaliser sur des luttes par exemple du coup faire coexister le fait que oui, je suis anticapitaliste, je déside anticapitaliste et je lutte contre le capitalisme au quotidien, que ce soit dans des actions que je peux mener. Alors, moi, je ne crois pas trop à l'action individuelle seule. Pour moi, ce n'est pas du tout ce qu'on va réussir à faire tomber les systèmes. Mais j'ai des privilèges qui font que je peux faire attention à certaines choses dans ma façon de consommer, par exemple, etc. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde, ce qui n'est pas le cas de toutes les personnes qui sont anticapitalistes. Mais en même temps, j'ai besoin de manger. je pars en tiers donc je suis obligée de travailler pour pouvoir vivre et ça c'est un truc qui me dépasse genre on est obligé de gagner de l'argent et on est obligé de pouvoir dormir quelque part je suis obligée de payer donc je pense que vraiment faire coexister les deux et apprendre à laisser la place aux contradictions et être à l'aise avec le fait de nommer ses propres contradictions, c'est un peu la clé par rapport à ça. Du coup, s'il y a des personnes qui nous écoutent et qui sont dans ce dilemme-là, le fait d'être à l'aise avec ces contradictions et de les nommer, ça peut aider. Et le fait aussi de se dire que le perfectionnisme, pourquoi je parle de perfectionnisme ? Parce que le fait de vouloir tout faire parfaitement et de se dire je ne participe pas au système c'est impossible de ne pas participer au système parce que c'est un système, donc du coup, on peut faire la paix déjà avec ça. Mais le fait d'être dans le perfectionnisme, même dans son militantisme, ça c'est un truc de la suprématie blanche et c'est un truc du capitalisme de vouloir qu'on soit tout le temps parfait et qu'on soit tout le temps dans la perfection et qu'on soit tout le temps à la recherche. de la perfection dans ce qu'on est en train de faire, même dans nos luttes. Et ça, c'est un truc que je retrouve beaucoup dans les milieux de lutte. Il faut que tout soit tout nickel, tout parfait. On n'a pas le droit à l'erreur, on n'a pas le droit d'avoir des contradictions en tant que personne, etc. Du coup, le fait de comprendre que même ce mécanisme-là de perfectionnisme, c'est un mécanisme qui vient du capitalisme et de la suprématie blanche, ça peut aider à faire la paix avec les contradictions et le fait que ça peut coexister et qu'on avance et que plus on avance dans la lutte et puis il y a des choses qui sont faciles. Mais aussi de se dire que être vraiment dans la lutte, ça demande de prendre des risques, des risques qui sont à hauteur de ce qu'on peut prendre comme risque, mais ça demande de prendre des risques. Donc savoir où est-ce qu'on peut les prendre ces risques pour pouvoir faire avancer les choses et qu'est-ce qu'on peut sacrifier de notre sécurité individuelle pour faire avancer la sécurité collective et le fait qu'il y ait de plus en plus de gens qui puissent être anticapitalistes, ouvertement se dire anticapitalistes et aussi être vraiment dans la lutte anticapitaliste, même parmi les entrepreneurs.

  • Speaker #1

    Trop bien, merci beaucoup pour ces conseils. J'ai deux petites questions pour clore cet entretien qui a été hyper riche et hyper intéressant. Merci beaucoup. Ma première question, c'est si tu pouvais, si tu devais reprendre ton parcours entrepreneurial depuis le début, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment ?

  • Speaker #0

    Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai appris beaucoup, beaucoup de choses en faisant des erreurs, justement. et que j'en serais pas là où je suis aujourd'hui si j'avais pas fait ces erreurs donc je pense que je ne sais pas rien

  • Speaker #1

    Très bien et la deuxième et dernière question du coup tu le sais le podcast s'appelle Woke Up Nation et c'est une manière de détourner la Startup Nation pour y mettre un petit peu de wokisme si tu avais un message à faire passer à la Startup Nation d'aujourd'hui celle d'Emmanuel Macron qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Pas sortez de votre illusion là. Réveillez-vous les gars. Ouais, je... Je sais pas si j'ai vraiment un message à leur faire passer. Parce que moi je m'adresse plus aux gens qui sont de notre côté. Pour qu'on puisse renforcer un petit peu nos rangs. Mais si vraiment je devais leur dire quelque chose, les gens... en fait votre monde c'est une illusion il faut sortir de cette illusion la vraie vie c'est pas le capitalisme c'est pas le colonialisme c'est pas l'esprématie blanche merci beaucoup je pense que c'est une parfaite conclusion merci

  • Speaker #1

    beaucoup Selma où est-ce qu'on peut te retrouver ? du coup sur Instagram c'est le Massardo qui a un podcast qui s'appelle Mali Mali ok trop bien je mettrai les liens nécessaires dans la description si tu as envie de partager d'autres ressources qu'on peut ajouter à l'épisode n'hésite pas à me les envoyer puis j'ajouterai tout ça dans la description merci beaucoup à tous de nous avoir écoutés on se retrouve pour un prochain épisode très bientôt ciao salut Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. N'hésitez pas à y réagir via les plateformes d'écoute, la newsletter ou encore les réseaux sociaux. Vous pouvez retrouver la retranscription complète de l'épisode sur leanyang.com. Je vous dis à très vite pour un nouvel épisode. A bientôt !

Description

Peut-on entreprendre en étant anticapitaliste ? Quelles sont les difficultés à entreprendre en tant que femme racisée ? Quelles conséquences à prendre la parole sur un génocide ?


Pour ce premier épisode, j'ai eu le plaisir d'accueillir Selma Sardouk, thérapeute décoloniale.


En plus de répondre à ces questions, nous avons abordé le passionnant sujet du soin communautaire, qui est au coeur de la pratique de Selma, mais aussi celui des valeurs militantes, de la place qu'on peut leur donner et de la manière dont on peut les faire s'incarner dans notre activité entrepreneuriale.


Vous pouvez retrouver Selma sur son compte instagram @selmasardouk ou sur son podcast Mäli Mäli.


Si vous souhaitez soutenir le podcast, n'hésitez pas à vous y abonner et à lui laisser un bon avis !
Vous pouvez aussi le retrouver sur instagram @wokeupnation, ou me contacter directement sur Linkedin !


Un podcast animé et imaginé par Léa Niang.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue sur Woke Up Nation, le podcast qui parle d'entrepreneuriat à la sauce wokiste. Je suis Léa Nian, je suis consultante en communication inclusive et passionnée des sujets d'inclusivité et de justice sociale. J'ai lancé Woke Up Nation dans une volonté de politiser le monde de l'entrepreneuriat et de donner la parole à des entrepreneurs et entrepreneuses qui se distinguent par leur prise de position politique et ou militante et qui, en ce sens, vont à l'encontre de ce que la Startup Nation attend de nous. J'ai été ravie d'accueillir pour ce tout premier épisode Selma Sardouk, qui se définit comme thérapeute et coach avec une approche décoloniale. Avant de vous laisser à l'épisode, quelques mots pour me situer. J'ai 30 ans, je m'identifie comme une femme cis, queer et une militante féministe. J'ai un nom et un métissage sénégalais, tout en bénéficiant d'un white passing dans mon quotidien, c'est-à-dire que la plupart des personnes qui me croisent pensent et estiment que je suis une personne blanche. Maintenant que les bases sont posées, je vous laisse à votre épisode. J'espère que vous l'aimerez autant que j'ai aimé l'enregistrer avec Selma. N'hésitez pas à vous abonner au podcast ou à lui laisser une bonne note. Bonne écoute ! Hello Selma, je suis ravie de t'accueillir sur Woke Up Nation. Comment tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Hello Léa, merci pour cette invitation, je vais bien, merci et toi ?

  • Speaker #0

    Ça va, ça va aussi. Est-ce que tu veux bien commencer par te présenter et aussi si tu veux bien te situer pour que les personnes qui nous écoutent puissent savoir de quel point de vue tu vas t'exprimer aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Avec plaisir. Je m'appelle Selma Sarbouk, je suis une femme cis. Je me définis comme une femme africaine. À Mazir, j'ai grandi en France, en banlieue parisienne. Dans la vie, je suis thérapeute et j'ai une approche décoloniale de la thérapie et du soin communautaire. C'est un peu tout ça que j'essaye de développer en ce moment.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Alors moi, du coup, je t'ai connue sur Instagram, notamment via tes prises de position militantes sur plusieurs sujets. Est-ce que tu peux commencer par me raconter un petit peu ton histoire entrepreneuriale ? Comment est-ce que tu t'es lancée à ton compte ? Est-ce que c'était une évidence de te lancer à ton compte ou est-ce que tu as d'abord tenté le salariat ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas trop tenté de ce point de vue-ci. J'ai déjà été salariée, mais c'était plus des petits boulots. J'étais étudiante, par exemple, même au tout début, quand j'étais à mon compte, j'avais un job alimentaire à côté. Donc en fait, mon expérience du salariat, c'est plus des jobs alimentaires que vraiment un truc où je vais faire carrière, etc. Parce qu'en vrai, je n'ai jamais cru à ce mythe. faire carrière. En fait, dans les faits, c'est vrai que je suis entrepreneur, parce que je suis à mon compte et tout, mais j'ai du mal à m'identifier comme étant entrepreneur, entrepreneuse. C'est un peu particulier parce que je ne me sens pas trop faire partie du monde de l'entreprenariat. Mais sinon, j'ai beaucoup été à mon compte, même quand... quand j'étais plus jeune je donnais des cours de français par exemple quand j'habitais à l'étranger et pareil je n'étais pas salariée c'est un truc que je faisais à mon compte quand tu dis que tu t'identifies pas au monde de l'entrepreneuriat c'est le monde start-up

  • Speaker #0

    nation ou c'est aussi la manière dont d'autres entrepreneurs de gauche font l'entrepreneuriat ouais bah alors la start-up nation c'est un peu de zerti rires

  • Speaker #1

    on va en parler voilà je pense qu'on a tout le temps d'en parler pendant cette conversation mais je m'identifie pas vraiment au monde de l'entrepreneuriat parce que je fais du soin j'ai une pratique de soin et du coup de fait il y a plein de choses qui ne me parlent pas dans l'entrepreneuriat parce que le soin, ce n'est pas quelque chose qui est… Alors si, moi je gagne ma vie, je vais employer mes factures grâce à ce métier. Je n'ai pas d'autres métiers à côté. Mais il y a ce truc de rentabilité, de productivité qu'on entend beaucoup même chez les entrepreneurs de gauche qui n'est pas du tout transposable au monde du soin. Alors même si on entend l'inverse, on entend plein de gens dire qu'il faudrait qu'on se positionne comme entrepreneur et qu'on prenne que c'est rentable, etc. Mais en fait, on fait du soin. Je suis juste... On a un métier où, alors oui, on peut optimiser certaines choses pour que ça ne nous pompe pas toute notre énergie, etc. Mais au final, on a du temps, on a une disponibilité émotionnelle, on a une formation, on a une posture. Et on ne peut pas... on ne peut pas démultiplier le nombre d'heures et on ne peut pas optimiser, on ne peut pas être productif en fait dans le soin. Et donc, de fait, il y a plein de discours, donc même chez les entrepreneurs de gauche qui ne me parlent pas parce qu'il y a toujours ce truc de ouais, mais il faut être productif, ouais, mais bah non en fait. Moi, je fais du soin, je n'ai pas du tout cette orientation de productivité parce que ça ne marche pas en fait.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ce que tu dis, c'est une position militante en soi, en fait. C'est une manière militante de faire ton métier et de mener ton activité. Est-ce que toi, tu te définis comme militante en tant que thérapeute et en tant qu'entrepreneuse, peut-être ?

  • Speaker #1

    Pour moi, être militant, c'est vraiment faire partie d'un collectif et mener une action collective. Alors oui, je suis militante par ailleurs, parce qu'en plus, il y a des actions qui sont en lien avec le monde du soin aussi. En fait, la barrière est un petit peu floue, j'avoue. C'est-à-dire que la barrière entre ma vie privée, mon métier, les espaces militants et même les espaces spirituels, tout ça, c'est un petit peu… Je n'ai pas vraiment de… frontières imperméables entre... tous mes domaines de vie, c'est un petit peu mélangé. Donc forcément, quand j'interviens en tant que Selma Sardouk, thérapeute, je dis que j'ai une approche décoloniale. Donc souvent, on me présente ou moi je peux aussi me présenter comme thérapeute décoloniale. C'est une prise de position militante quelque part. Et forcément, ça a aussi un impact sur les activités militantes qu'il va y avoir après. dans les collectifs militants. Mais du coup, mes réponses sont toujours très complexes. Mais je pense qu'en étant thérapeute seulement, même en ayant une posture décoloniale, etc., ça fait partie de ma façon d'être militante. Mais s'il n'y avait que ça, je ne me dirais pas militante.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es ok de nous partager les activités militantes hors travail que tu mènes ?

  • Speaker #1

    Oui, les gros projets du moment. On va rester dans la thématique du soin. Les gros projets du moment, c'est l'investissement dans une asso qui s'appelle Démocratsi et notamment l'ouverture d'un centre de soins communautaires. Alors du coup, moi, je ne suis pas à l'origine du projet. Mon Démocratsi était déjà constitué. J'ai rencontré... Capucine, qui est du coup la personne avec qui on travaille sur ce projet de centre de soins communautaires, qui du coup a trouvé qu'on était très alignés dans notre façon de voir les choses et de penser les choses. Moi, j'étais un petit peu déconnectée du monde militant et j'étais en train d'y revenir petit à petit puisque comme j'ai eu un enfant, je suis maman solo, j'avais beaucoup de choses qui faisaient que je ne pouvais pas vraiment m'impliquer à... à fond dans un collectif. Et puis là, en fait, c'est un moment où je commençais à revenir un petit peu dans ce milieu-là. Et donc, je rencontre Capucine qui, de par mes prises de position, justement, elle me disait que le fait de dire on fait du soin communautaire, c'est un truc qu'on ne voit pas beaucoup. En fait, on n'est pas très, très nombreuses en France à faire ça. et que comme elle était sur ce projet-là d'ouvrir un centre de soins communautaires, elle voulait savoir si j'étais partante. Donc, c'est comme ça que ça a commencé. Mais là, c'est vraiment le projet militant qui me prend beaucoup de temps. On est logé dans un squat à Montreuil et l'idée, c'est vraiment de faire du soin en priorité pour les personnes qui en ont le plus besoin, du soin communautaire antiraciste, anticapitaliste. et la réalité c'est que quand on est thérapeute nos séances peuvent coûter cher même en mettant en place moi j'ai plein de trucs en place pour que ce soit plus accessible c'est quand même difficile d'accès pour plein de gens et donc le fait qu'on soit dans un squat à Montreuil et qu'on fait des trucs à prix libre à partir de zéro euro. C'est-à-dire que tout ce qu'on fait, c'est à prix libre à partir de zéro euro, même les séances individuelles et tout. Du coup, ça permet une accessibilité. qu'on ne peut pas offrir dans un autre endroit. Et puis, ça nous permet aussi de vraiment porter le message du soin communautaire et de la santé communautaire comme étant un axe de lutte, en fait. Parce qu'on parle beaucoup de lutte. dans les milieux que je fréquente on parle beaucoup de limite on parle beaucoup de dégommer le patriarcat dégommer le système colonial le capitalisme etc mais en fait la santé communautaire ça fait partie de la lutte et malheureusement on n'en parle pas assez et on ne met pas assez ça en avant

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. En tout cas, longue vie à cet espace de soins communautaires. Tu parlais des petites choses que vous mettez en place dans ce centre communautaire, notamment au niveau des prix, avec le prix libre, etc. Est-ce que toi, dans ton activité solo de thérapeute, tu mets d'autres choses en place pour incarner ces valeurs-là, militantes, antiracistes, anticapitalistes ?

  • Speaker #1

    ouais bah du coup moi j'ai pour tous mes services j'ai 3 tarifs toujours j'ai plusieurs tarifications j'ai une tarification de base le tarif de base je propose un tarif réduit et un tarif soutien du coup les personnes qui sont à l'aise financièrement peuvent payer plus donc ça c'est vraiment un truc de base déjà que je propose après je fais beaucoup d'espace en non mixité ça s'est beaucoup beaucoup décrié je suis beaucoup critiquée par rapport à ça mais bon c'est comme ça je vais continuer à le faire donc j'ai beaucoup d'espaces en non mixité et des espaces en mixité choisie etc et puis du coup au niveau de l'accessibilité je trouve que ça se joue sur la tarification mais ça se joue aussi sur le message qu'on porte et sur comment est-ce qu'on parle des choses et du coup quand on parle de santé mentale sans parler de trauma racial ça rend tout de suite les choses peut-être un peu moins accessibles à des gens qui ne vont pas forcément s'identifier. Ou bien quand on parle de santé mentale, sans parler du manque d'accès aux soins, en fait on se coupe de toute une partie de la population qui ont besoin de ces services-là. Donc je pense que c'est vraiment autant dans la tarification que dans le message qu'on porte et ce qu'on dit. et à qui est-ce qu'on choisit de s'adresser en fait ?

  • Speaker #0

    Sur la question des tarifications, je sais qu'il y a des personnes qui sont réticentes à mettre en place ces tarifs solidaires parce qu'elles ont peur que des personnes en profitent. Est-ce que toi, tu observes ça ? Moi, j'ai tendance à penser que les personnes qui vont faire appel au service d'une personne qu'elles savent engager vont avoir conscience de leur position dans la société et vont donc choisir leur tarification en fonction. mais est-ce que c'est quelque chose sur lequel tu peux avoir un feedback ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais grave confiance aux gens. Ok. Moi, on a un truc de on fait confiance Je ne demande pas du tout de justificatif. Des fois, je fais des trucs à prix libre. Je ne mets même pas à partir de zéro euro, je mets vraiment prix libre comme ça. Par exemple, je peux faire des ateliers de deux heures à prix libre et franchement, il y a des gens qui ne payent pas et il y a des gens qui payent 100 euros. Donc, je ne sais pas. Moi, d'expérience, je pense qu'il faut faire confiance. et je pense que ce truc de on a peur que les gens profitent ça vient d'une idée capitaliste aussi et ça vient d'une idée de alors c'est pas du tout pour critiquer les gens qui pensent comme ça, je pense que c'est vraiment quelque chose qui peut faire peur parce que c'est de la propagande de la société de dire que les gens sont des assistés et les gens profitent en fait, mais en fait Pas du tout. La majorité des gens, alors c'est absolument pas scientifique comme chiffre, c'est vraiment un truc d'une expérience très personnelle, mais ça fait des années que je fais ça et que d'autres personnes autour de moi font ça aussi. en fait les gens payent le juste prix parce qu'ils correspondent à leur revenu alors moi j'ai même des personnes qui commencent en étant au chômage par exemple et donc en payant le prix réduit ou même parfois je fais des prix encore plus bas pour des personnes qui sont étudiantes ou des personnes qui sont au RSA, je peux proposer comme je fais le soutien ça me permet de financer aussi ça je peux proposer des tarifs encore plus bas genre 40 euros la séance, une séance d'1h15, 1h30, c'est rien du tout, en fait. C'est des personnes qui, après, quand ça va et qu'elles ont une situation stable, elles vont payer le tarif soutien. C'est du tout ce que j'attends. Mais c'est quelque chose que j'observe, en fait, que... faites confiance aux gens faites confiance aux gens et puis ça se passe plutôt bien après il y a une personne qui gagne très bien sa vie et qui va quand même payer 150 euros au prix réduit au lieu de payer la science soutien alors qu'elle en aurait les moyens oui ça arrive mais bon c'est la vie et c'est pas grave en soi

  • Speaker #0

    C'est chouette ce que tu décris, je trouve que ça illustre bien cet esprit collectif et communautaire où on rend ce dont on a pu bénéficier avant. Tu disais aussi sur les espaces en non-mixité, tu recevais pas mal de critiques, ça me fait penser aussi, j'ai vu que certains de tes programmes, tu les proposais à des tarifs différents pour les personnes racisées et pour les personnes blanches. est-ce que t'es ok d'expliquer cette voilà et aussi si tu veux bien dire je sais pas comment ça a été reçu et comment toi t'as alors

  • Speaker #1

    du coup alors mon activité principale c'est la thérapie comme je disais je fais des séances individuelles mais surtout du soin communautaire mais je fais aussi des espaces d'éducation et donc du coup c'est des espaces d'éducation où il y a de l'espace aussi pour parler de ses émotions et aller travailler aussi l'aspect émotionnel et l'aspect somatique de ce qu'on est en train d'apprendre c'est des espaces de conscientisation quelque part mais où on va pas juste apprendre les choses, on va apprendre et puis ensuite on va regarder qu'est-ce qui se passe au niveau émotionnel et qu'est-ce qui se passe dans le corps et puis du coup on travaille tout ça en même temps et du coup ces espaces-là j'en propose plein que ce soit en mixité ou en non mixité et puis récemment j'en ai proposé un qui était destiné aux personnes blanches en particulier c'est à dire que le programme il est pensé pour les personnes blanches pour travailler la posture de complice de la lutte décoloniale et des luttes antiracistes et du coup j'ai proposé un tarif qui était je peux dire les prix, c'était 250 euros pour les personnes blanches ce qui est vraiment pas cher le retour qu'on m'a fait c'est qu'au final c'était vraiment pas cher par rapport au contenu et du coup j'ai proposé aux personnes racisées de pouvoir participer mais en fait c'était pas je veux dire que la façon dont j'ai construit le programme c'était pas fait pour les personnes racisées mais si elles voulaient venir pour apprendre des trucs c'était possible donc j'ai proposé un tarif qui était très très bas de 50 euros. C'est un peu comme presque cadeau, en fait. Et j'ai reçu beaucoup, beaucoup de critiques par rapport à ça, parce que, justement, c'est une tarification qui était très différente. Et la raison pour laquelle j'ai proposé cette tarification différente, c'est parce que c'est un programme pour les personnes blanches. C'est les personnes blanches qui vont le plus bénéficier de ce truc-là. Les personnes racisées, elles n'ont pas besoin d'apprendre. la posture d'un complice et de ce que ça veut dire être complice c'est pas c'est donc c'était pour moi c'était logique en fait de pas faire payer pareil parce que pour moi la tarification on dit beaucoup qu'il faut réfléchir à ses prix en fonction de la valeur de ce qu'on donne on n'a toujours pas compris ce que ça veut dire on est là on a toujours pas compris mais on entend beaucoup on entend beaucoup parler de ça et moi je dis toujours que c'est très difficile parce que quand on fait du soin c'est une valeur inestimable ou bien quand on propose des espaces de conscientisation etc c'est une valeur inestimable donc c'est très difficile de dire c'est qu'Alain ne fait que des trucs à 10 000 balles et puis encore mais ça ne peut pas fonctionner comme ça donc pour moi en fait le prix c'est ok moi je sais que enfin je veux je connais ma façon de travailler et je sais que ce que je vais proposer, je vais faire de mon mieux pour que ce soit quelque chose de qualitatif. Mais je propose aussi, je réfléchis aussi à ma tarification en fonction des personnes à qui je m'adresse. Je reviens à cette histoire de tarification, plusieurs tarifications, et puis cette histoire de prix libre, toutes ces choses-là. Parce qu'en fait, quelqu'un qui gagne 5000 euros par mois peut avoir besoin de thérapie, mais du coup peut se permettre de mettre 150 euros dans une séance de thérapie, et même de le faire chaque semaine, et il n'y a pas de souci. Mais cette personne-là n'a pas forcément... elle ne va pas forcément avoir plus besoin de la thérapie qu'une personne qui est au RSA. Et une personne qui est au RSA ne peut pas mettre 550 euros. et ça ne veut pas dire qu'elle ne donne pas de valeur au travail au contraire en fait et donc pour moi il faut vraiment réfléchir à ça aussi quand on propose des services il y a ce que moi je propose et la certitude que je fais de mon mieux dans ce que je propose et que j'ai une posture et puis aussi des outils que les gens recherchent, donc ça je le sais mais en même temps les personnes qui ont le plus besoin de ce que je propose c'est pas les personnes qui vont pouvoir payer 150 euros donc à un moment donné je pense qu'il faut se décentrer de soi quand on est entrepreneur même si il y a beaucoup de discours contraires qui disent qu'il faut se centrer d'abord sur soi et que tout part de soi etc, oui mais il faut aussi savoir se décentrer de soi et de savoir qu'est-ce qu'on veut apporter en fait dans la communauté et comment est-ce qu'on peut le faire et du coup comment est-ce que je peux répondre à mes besoins parce que moi j'ai besoin de manger, j'ai besoin de payer mon loyer j'ai besoin de nourrir mon fils, donc comment est-ce que je peux répondre à mes besoins tout en ayant la capacité de répondre aux besoins des autres, et les autres ont besoin d'avoir des espaces de soins qui leur coûtent pas un bras trop intéressant,

  • Speaker #0

    je reviens aussi sur du coup sur les critiques que tu reçois alors du coup tu me disais que tu étais assez souvent critiquée sur les questions de non-mixité là j'imagine, j'ai Quand j'ai vu les tarifs différents pour les personnes racisées et les personnes blanches, je t'ai envoyé mentalement tout le soutien parce que je me suis dit que tu avais dû recevoir un certain nombre de messages pas très sympas. Là, au jour où on se parle, on est le 15 mars, on est au 159e jour du génocide perpétré à Gaza par l'État d'Israël. On est à plus de 31 000 personnes tuées. Je sais que toi, tu prends beaucoup la parole sur la question de la Palestine et du génocide, et de manière plus générale sur la situation coloniale en Palestine. Est-ce que c'est des prises de position qui te valent des critiques ou des choses pas sympas ?

  • Speaker #1

    Oui, mais en fait, je pense que c'est un peu tout le temps. là pour moi c'est pas plus violent que d'habitude, enfin il y a des vagues en fait on va dire il y a des vagues parce que j'ai une posture décoloniale tout le temps et anticoloniale tout le temps c'est pas spécifique à maintenant mais oui en fait je reçois des menaces de mort je reçois des messages très violents on me dit d'aller à Gaza je pense qu'on est beaucoup à recevoir des messages comme ça mais je ne vais pas me taire pour autant je continue à porter mon message et et je pense que c'est important qu'on le fasse pour moi c'est un privilège d'être ici en Europe et de ne pas vivre ça en fait juste d'être conscient conscient de ce qui se passe mais de ne pas le vivre dans la chair c'est un privilège donc je ne vais pas me taire pour autant. Et je pense qu'en tant que professionnelle du soin, professionnelle de la santé mentale, en fait, il est de notre devoir de parler de ces sujets-là. Après, encore une fois, j'ai beaucoup de privilèges. J'ai des espaces pour me ressourcer, j'ai des espaces pour après débriefer sur ce que je reçois. Mais je pense vraiment qu'en tant que professionnelle du soin, c'est hyper important qu'on prenne position sur ces questions-là, et d'autant plus quand on parle de trauma, parce que moi, ma spécialité, c'est le trauma systémique et social. Du coup, ça n'aurait pas de sens que je n'en parle pas, puisque le cœur de la spécialité trauma systémique et social, c'est justement les guerres, les génocides, la colonisation. et l'impact que ça a sur la santé mentale. Donc, du coup, ça n'a vraiment pas de sens. Et je pense, d'ailleurs, pour toutes les personnes qui travaillent sur le trauma en général... si ils ne prennent pas position sur la Palestine, le Congo, le Soudan, Hawaï et tout ce qui se passe dans le monde. Là, la Palestine, je trouve que ça cristallise beaucoup de choses. Et c'est le premier génocide en direct sur Instagram. Donc, voilà. Il y a quelque chose de particulier. Mais en fait, c'est vraiment tout ce qui se passe dans le monde. Il y a énormément de situations chromatiques. et donc il y a beaucoup beaucoup de gens qui parlent de trauma et qui sont formés à la prise en charge du trauma de différentes façons et du coup ça ne leur parle pas du tout en fait c'est comme si on s'était complètement déconnecté alors que non, si on ne prend pas position sur ce sujet-là alors que c'est exactement ce système-là qui est la source de beaucoup de souffrances que vivent des gens qu'on accompagne au quotidien, en fait, on passe à côté d'une partie du problème. Donc, pour moi, avoir des menaces de mort, ça fait partie du truc de toute façon parce que c'est une réaction. Je pense que c'est le... C'est malheureux à dire, mais c'est le jeu, quoi. On prend position, on va avoir des réactions très violentes parce que c'est un sujet qui est clivant. Mais c'est un sujet qui est clivant depuis que je suis gamine, en fait. Je le sais et j'ai eu, je crois, les réactions les plus violentes. C'était après le 7 octobre. On disait à tout le monde que ça avait déjà commencé. les reprisailles. On disait à tout le monde Est-ce que vous condamnez le Hamas ? Avant de s'exprimer, il fallait d'abord condamner le Hamas avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Et en fait, non. Je refuse, moi, de jouer à ce jeu-là et de devoir montrer patte blanche avant de pouvoir ouvrir la bouche sur quoi que ce soit. D'abord condamner... En fait, je comprends très bien pourquoi. quelle est la stratégie derrière ça mais en fait non je refuse et donc du coup j'avais reçu beaucoup de critiques et de trucs très très violents à ce moment là parce que d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui parce que non en fait je vais pas je vais pas rentrer dans le jeu de d'abord essayer de vous prouver que je suis pas une terroriste avant de parler de ce dont j'ai envie de parler. Sachant que, c'est pareil, j'avais aussi reçu beaucoup de critiques quand j'avais dit que l'acte du 7 octobre, c'est un acte de résistance. Juste, on peut remettre dans le contexte colonial. Et l'acte de résistance en soi, c'est quelque chose... qui est thérapeutique. Il y a plein de formes de résistance possibles. La résistance armée, ce n'est pas la seule forme de résistance, évidemment, mais c'est aussi une forme de résistance. et je pense que c'est pas le moment là de dire ah bah non moi je veux pas de résistance je suis contre la résistance anticoloniale en fait non juste je pense qu'on peut recentrer le débat sur autre chose et peut-être que on peut vraiment parler de ce que c'est que la colonisation et de ce que c'est que la violence coloniale et de comment est-ce qu'on perçoit Dès qu'il y a des Arabes ou des personnes perçues comme Arabes qui font valoir leurs droits ou qui vont avoir des actes de résistance, c'est perçu comme du terrorisme. On fait le parallèle tout de suite avec des choses qui n'ont absolument rien à voir. Et en fait, je pense qu'il y a... des débats à avoir sur ces questions-là en interne. On peut parler de ces questions-là et du coup, de dire est-ce que cette forme-là, en particulier, c'était vraiment la bonne forme, etc. Mais là, ce n'est pas le sujet, en fait. Il y a des gens qui sont en train de se faire tuer. Il y a un génocide en cours. Là, ce n'est pas le sujet. Je ne vais pas là maintenant tout de suite pour pouvoir m'exprimer sur un génocide et d'abord condamner une action. Ça n'a absolument aucun sens. et ça c'est beaucoup de critiques parce que du coup c'est tout de suite le raccourci si tu condamnes pas le Hamas tu es une terroriste et donc comme tu es une terroriste tu es complètement déshumanisé en fait on déshumanise complètement et comme on n'est pas perçu comme humain dans le regard de l'autre dans les propos qui sont tenus c'est très très violent et voilà c'est un peu ça ce qui se passe en ce moment

  • Speaker #0

    Est-ce que on peut en parler très très rapidement est-ce que tu arrives à mettre toi des choses en place pour soit te protéger de tout ça pour éviter que ça t'arrive ou je sais pas est-ce que tu as des espaces extérieurs a posteriori dans lesquels toi tu peux te te ressourcer débriefer comment tu gères ça ? alors du coup franchement en ce moment c'était un peu compliqué je vais pas faire comme si c'était pas difficile parce qu'en fait moi ça fait deux ans à peu près un peu plus de deux ans que je suis harcelée et que c'est violent donc du coup ouais c'était j'ai eu des moments très très dark où ça allait pas du tout mais du coup j'ai moi aussi je suis en thérapie comme beaucoup de thérapeutes du coup j'ai aussi cet espace là mais je suis aussi supervisée donc la supervision c'est un espace où on va travailler sur sa pratique en tant que thérapeute en thérapie je vais travailler sur moi en tant que personne et ce qui se passe dans ma vie, donc pas forcément dans mon travail, mais je suis aussi supervisée. J'ai une supervision individuelle et une supervision en groupe où justement, on va parler de comment est-ce que ça nous touche. Parce qu'en fait, on est... Alors, ce n'est pas du tout des choses qui se passent... Enfin, ce n'est pas en France, malheureusement, que je trouve ces espaces-là. Malheureusement, aujourd'hui, avec la visio et tout, on peut trouver pas mal d'espaces en ligne. Mais du coup, en fait, on est beaucoup de thérapeutes racisés qui travaillent sur le trauma racial. Moi, je travaille beaucoup sur le trauma racial et colonial. Du coup, je subis moi-même un stress racial important au quotidien de par ma position dans la société tout simplement, mais aussi de par les menaces que je reçois et les violences que je peux recevoir au quotidien. Du coup, j'ai ces espaces-là. Puis après aussi, j'ai mes proches.

  • Speaker #1

    avec qui je peux échanger et sur qui je peux compter aussi j'imagine que tes proches comprennent ta position mais est-ce qu'ils comprennent ta volonté de continuer à t'exprimer publiquement sur ces sujets là ou est-ce que c'est des choses qui leur font peur, est-ce qu'ils essayent de t'en dissuader

  • Speaker #0

    Ça dépend de qui. Pour la famille, il faut savoir que mon père est militant. Et mon père, il est un petit peu plus calme. On a un peu d'âge. Mais mon père, il est parti de son pays pour des raisons militantes. C'est pas... c'est pas une personne qui a la langue dans sa poche encore jusqu'à aujourd'hui en fait il va avoir des positions il s'en fiche complètement il dit vraiment les choses en fait et en fait j'ai beaucoup de gens dans mon entourage qui sont en mode on meurt pour la lutte enfin basta et donc du coup ces personnes là comprennent souvent dans les cercles spirituels, moi je suis musulmane et souvent dans les cercles spirituels et militants, donc les gens qui sont à la fois musulmans et militants c'est une posture qui est beaucoup mieux comprise parce qu'on voit le militantisme comme un... Je vais dire un mot qui fait peur aux fachos, mais je ne comprends pas. Mais je peux expliquer après ce que ça veut dire. Mais en gros, le militantisme, c'est une forme de djihad. Et le djihad, en fait, c'est la lutte contre l'oppression. Je le définis de façon très sommaire, dans des définitions. théologiques, etc. Mais en fait, il y a plusieurs formes de djihad. Mais le principe même du djihad, c'est la lutte contre l'oppression. pour les personnes musulmanes, ça a du sens de ne pas se taire, même s'il faut se protéger, etc. Mais ça a du sens de continuer à prendre la parole même si... Après, il y a d'autres personnes qui sont moins... Genre mon frère, par exemple, il ne comprend pas. Il est musulman et très pratiquant aussi et tout, mais il ne comprend pas. Il me dit, en fait, tu pourrais juste... En vrai, il ne me dit pas trop de choses, mais je le vois aussi beaucoup dans son regard. que je pourrais juste peut-être dire les choses en privé et arrêter de les dire en public. Mais en fait, pour moi, c'est vraiment un truc de... Je pense au collectif et à la communauté. Je pense qu'en sacrifiant un peu de ma sécurité individuelle, ça crée plus de sécurité pour le collectif. Parce que quand moi, je m'exprime, ça permet à plein de gens qui ont les mêmes idées de ne pas s'exprimer, de s'exprimer. Ça crée vraiment un truc de sécurité collective. Et je pense qu'en 2024, je pense qu'il est temps qu'on apprenne que la sécurité individuelle, ça ne protège pas beaucoup contre les systèmes et que peut-être que sacrifier un petit peu de sa sécurité individuelle pour la sécurité du collectif, c'est une stratégie à adopter pour le bien de tous.

  • Speaker #1

    Merci d'accepter de parler de ça dans ce podcast et j'espère que les personnes qui nous écouteront... trouveront, après nous avoir écouté, le courage. de prendre la parole aussi sur ces sujets-là. Je rebondis sur autre chose que tu disais tout à l'heure, ce que tu disais sur le fait d'être une femme racisée dans la société et que du coup, tu évolues en tant que femme racisée et tu subis... du stress racial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, j'ai bien compris que du coup, tu ne t'identifies pas exactement comme une entrepreneuse, mais tu as quand même une activité de type entrepreneurial, est-ce qu'entreprendre en tant que femme racisée, ça pose des obstacles spécifiques ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui. Je pense que oui, parce que... en fait il y a un truc de l'ordre du professionnalisme où parfois juste en étant soi on va être perçu comme moins professionnel si on correspondait vraiment au code de la blanchité dans mon expérience personnelle je pense que je ne correspond pas à la thérapeute type Je ne suis pas neutre. Je ne dis jamais que je suis neutre. Je dis tout le temps que je ne suis pas neutre. Je parle comme je parle. Je ne fais pas changer ma façon de m'exprimer pour paraître plus professionnelle. Mais en même temps, je pense que la démarche entrepreneuriale pour beaucoup de femmes racisées et pour beaucoup de personnes racisées tout court, c'est une solution. au fait de ne pas trouver de taf en fait donc moi ça n'a pas été mon cas parce que j'ai beaucoup de mal avec l'autorité donc le salariat c'est pas fait pour moi et en plus comme j'ai cette posture très anti-capitaliste mais depuis très jeune du coup le salariat c'est dur je pense que je serais je serais syndicaliste et tout le temps dans les trucs mais pour beaucoup de personnes il y a ce truc de vivre du racisme au quotidien dans son travail qui est difficile et donc du coup on en sort pour avoir une démarche entrepreneuriale ou bien tout simplement je trouve pas de taf donc je vais lancer un truc un business où je vais me lancer dans l'entrepreneuriat parce que je trouve pas de taf et c'est vrai qu'en en parlant c'est vrai que je suis passée un peu à un moment donné par une phase où je cherchais du boulot je sais pas j'ai eu un truc où je voulais me conformer c'est hyper dur parce qu'en fait je voyais que je correspondais exactement au profil qui était recherché et j'étais pas enfin dans beaucoup de cas en fait j'étais pas j'étais pas embauchée, c'était dur de recevoir plein de reçus tout le temps sur un truc où je sais que j'ai les compétences en fait j'ai pas de problème d'estime de moi, de confiance en moi, je sais sur quoi j'ai les compétences et je sais sur quoi j'ai pas les compétences c'était des postes je savais que j'avais les compétences et je me rappelle avoir eu ce truc de me dire, bah en fait déjà je sais que le scélariat c'est pas spécialement fait pour moi, c'est plus un truc d'illusion de sécurité tu vois que je recherchais. En plus de ça, ces galères, autant mettre l'énergie que je mets à chercher du travail à lancer mon propre truc.

  • Speaker #1

    Je me suis noté une question. Je ne sais pas trop où je vais avec cette question, mais je vais quand même te la poser. Est-ce que tu dirais qu'il y a des projets entrepreneuriaux de personnes blanches et des projets entrepreneuriaux de personnes racisées ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. C'est une très bonne question. Alors, je ne sais pas. Je pense que oui. Je pense que oui. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes blanches engagées qui sont dans des trucs où elles ont l'impression par exemple l'entrepreneuriat social, des trucs comme ça. C'est beaucoup des personnes blanches. qui pensent qu'elles vont changer le monde grâce à l'entreprenariat vraiment cette croyance de je vais changer le monde grâce à l'entreprenariat mais je pense que c'est une vision très libérale de la société en fait de penser que par l'entreprenariat on va changer le monde alors que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de personnes racisées où c'est comme je disais tout à l'heure en fait je vais lancer mon activité parce que j'ai cette compétence c'est galère de trouver du taf donc

  • Speaker #1

    je pense qu'il y a des projets en particulier je suis là t'en penses quoi toi est-ce qu'il y a des projets type de personnes blanches mon instinct de réponse à cette question c'est oui après je sais pas si je dirais que c'est une typologie de projet différent mais je pense que par contre c'est une intention qui est derrière tu vois je te rejoins sur ce que tu dis c'est vrai qu'il y a beaucoup de projets dans l'ESS qui sont portés par des personnes blanches et j'ai l'impression que souvent c'est un peu plus bon on doit trouver une idée qui fait de l'argent mais on va essayer d'en faire le truc le plus positif possible alors que j'ai l'impression je fais des généralités c'est évidemment pas ça dans 100% des cas mais j'ai l'impression que quand ça part de personnes racisées ou de manière plus générale de personnes minorisées, on part plus d'un besoin et on essaie de le développer en se disant Ok, comment je peux ne pas trop perdre de plumes là-dedans et comment je peux aider un maximum de personnes ? Du coup, je pense que, je ne sais pas, ça m'a l'air pris dans deux sens différents. Les deux peuvent apporter du positif à la société, mais du coup, dans le déploiement, ce n'est pas pareil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si tu es d'accord, si tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Je vois. En fait, l'intention qu'il y a derrière, ce n'est pas forcément la même. Moi, je vois plutôt dans le monde du bien-être et du soin.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes blanches qui vont vouloir faire du bif. Le truc, c'est que je fais, par exemple, le coaching. je fais du coaching parce que je veux faire de l'argent même si c'est pas dit comme ça genre dans leur marketing etc c'est pas dit comme ça mais en formation de coaching on le voit en fait genre juste moi je veux des outils la façon, les shortcuts un peu la façon la plus rapide de créer le changement chez des gens on a beau leur expliquer que ça marche pas comme ça c'est pas il y a pas de raccourci en fait pour le changement mais bon du coup il y a beaucoup de projets comme ça qui peuvent émerger je vois beaucoup ça et beaucoup de personnes aussi qui se forment pour avoir une compétence supplémentaire et qui ont déjà un réseau en gros c'est je lance ma boîte de coaching mais en fait je sais déjà que je vais vendre à des grosses boîtes parce que je connais déjà plein de gens qui bossent dans ces grosses boîtes mais du coup c'est aussi très très différent que de un truc sans savoir si je vais avoir des des clients pas derrière ce que je vois aussi beaucoup qui sont des projets de personnes blanches dans le monde du bien-être c'est la propriation culturelle et en fait en vrai il y a aussi beaucoup de personnes racisées qui le font et qui vont avoir un positionnement de personnes blanches mais du coup qui n'ont pas du tout conscience que c'est un rapport colonial qu'on peut avoir aussi à soi-même de développer ce genre de projet etc mais du coup tous les trucs qui ont un rapport avec l'appropriation culturelle qui le truc de je développe ma propre méthode de coaching après un an de coaching, je développe ma propre méthode ou je développe ma propre méthode de thérapie après avoir accompagné 1500 personnes. Je ne sais pas comment il y a le fait. J'ai tout compris à la vie, je sais comment ça se passe. Je développe ma méthode et puis après, je crée une formation. Et c'est grâce à cette formation que je vais me faire du bif, en fait. Ça, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup des personnes. Et beaucoup des hommes blancs, d'ailleurs. Des femmes blanches aussi, d'ailleurs. En fait, il y a vraiment ce truc de comment est-ce que je peux créer un business scalable, mais dans le soin, ça ne marche pas. Dans le coaching non plus. Le coaching, ce n'est pas du soin en tant que tel, mais ça ne marche pas, en fait. Et du coup, c'est compliqué. Du coup, ça crée des propositions qui sont complètement hors sol. et qui sont complètement déconnectés de la réalité des gens qu'on va accompagner. Là où je vois beaucoup de personnes racisées, beaucoup de femmes racisées qui ont déjà cette expérience du soin communautaire parce que finalement, c'est un mode de vie en fait. C'est un truc qu'on a déjà dans la communauté. Et donc effectivement, qui vont d'abord réfléchir à un besoin au sein de la communauté et qui vont créer leur proposition en fonction de ce besoin dans la communauté.

  • Speaker #1

    je vois ce que tu veux dire je pense que c'est une différence d'approche et de conscience aussi de ces privilèges et de ces non privilèges et je pense qu'il y a beaucoup d'entrepreneureuses blancs et blanches qui ne se posent juste pas la question et qui estiment que c'est leur devoir de sauver je sais pas c'est toujours les mêmes trucs,

  • Speaker #0

    là je parle de ça en particulier mais par exemple aller créer un resto ou ou un concept autour de la nourriture en reprenant un truc qui n'est pas de sa culture. En ce moment, c'est les trucs asiatiques, est-asiatiques qui sont plus à la mode. On va chercher un truc en Asie de l'Est, on va faire un concept de ouf autour de... On va chercher un truc en Inde, par exemple, on va créer un concept de ouf par rapport à ça, mais on ne fait pas du tout travailler les personnes de cette communauté-là. et en même temps on a tout un narratif autour de grâce à mon restaurant on sauve les recettes traditionnelles enfin genre c'est juste et en fait ça existe vraiment dans tous les domaines et ça c'est vraiment un truc de mec qui sort d'école de commerce qui voit une opportunité business et qui capte pas du tout qu'en fait il y a des rapports de domination des marches coloniales et que ça fait du mal aux personnes à qui du coup il y a les recettes qui sont volées etc je vais quitter ne bénéficient pas du tout de l'argent qui va se faire grâce à leur culture. Ça, ça existe beaucoup dans tous les domaines, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, mais je pense sincèrement que ces personnes... pensent sincèrement qu'elles font bien, tu vois. Vraiment ? Oui, que leur démarche est positive et qu'elle apporte de l'impact positif, qu'elle sert vraiment les personnes.

  • Speaker #0

    Oui, je suis d'accord. En ce n'est pas une question d'intention. Et c'est là que c'est intéressant quand on parle de ces questions-là. En fait, la mentalité coloniale, ce n'est pas une question d'intention. Les gens qui sont colonialistes, ça, c'est clair. Et c'est les discours les plus faciles à démonter. Mais après, il y a tous les colons qui s'ignorent. Et les colons qui s'ignorent, ils n'ont pas l'intention de coloniser, ou ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche coloniale, ils n'ont pas l'intention d'avoir une démarche raciste. Et en fait, c'est en ça que c'est insidieux. et c'est ça qu'il y a le plus dans le monde de l'entrepreneuriat de gauche parce que les gens de droite en général ils s'en foutent c'est vraiment c'est pas le sujet on s'en fiche nous on veut juste faire du bif alors que les gens de gauche ils sont plus dans un truc plus non mais nous on veut faire un truc qui a un impact positif etc et donc du coup elles ne se rendent pas compte de leur propre biais et que l'intention c'est cool d'avoir une bonne intention mais l'enfant n'est pas fait de bonnes intentions donc du coup c'est pas l'intention qui prime c'est vraiment le résultat et l'impact de l'action l'impact du projet au final qui va compter et pas l'impact du projet dans mon territoire seulement. L'impact du projet à un niveau mondial, c'est quoi ? L'impact du projet pour les communautés ? auquel j'ai pris le concept. C'est quoi ? Pas uniquement l'impact environnemental. On parle beaucoup d'impact environnemental ou se faire de l'argent tout en étant plutôt clean au niveau de l'impact environnemental. En fait, il n'y a pas que ça qui compte. Il y a tout un autre pan qu'il faudra aller regarder aussi.

  • Speaker #1

    Ce que tu dis, ça me fait penser à... En juin dernier, il y a eu un... Au moment de l'assassinat de Naël, il y a eu des rassemblements... À Bordeaux, où je vis, il y a quelqu'un qui a pris la parole en disant que le racisme, certes, il se combattait en combattant les personnes qui étaient ouvertement d'extrême droite et ouvertement racistes, mais il se combattait aussi dans les personnes de gauche qui ne se questionnaient jamais sur leurs privilèges et qui ne réagissaient pas face aux micro-situations de racisme et qui ne questionnaient jamais rien. et que du coup effectivement c'est plus facile de démonter et de lutter visiblement contre des gens qui sont visiblement racistes mais qu'il y avait même chez nous qui luttons il y a plein de choses qui contribuent à alimenter et à faire vivre le racisme et le colonialisme et que c'est un devoir aussi de se questionner là-dessus et de remettre ça en question Il y a un dernier sujet que je voulais aborder avec toi. Tu as utilisé le mot plusieurs fois. C'est le mot anticapitaliste. Est-ce que tu peux nous dire en quoi ça consiste pour toi être anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    C'est vraiment gommer le capitalisme. Tout simplement, moi je vois vraiment tous les systèmes comme interconnectés. Du coup, je ne conçois pas le colonialisme sans le capitalisme, par exemple. Et je ne conçois pas le capitalisme sans le colonialisme. Parce que pour que le capitalisme ait pu prospérer, il a fallu la colonisation. Le colonialisme, ça repose sur le capitalisme et la suprématie. Pour moi, c'est dangereux de décorréler, de désarticuler. les systèmes en fait et de dire juste le capitalisme c'est un truc comme on l'entend beaucoup, juste le capitalisme c'est un truc en soi contre lequel on doit lutter seul et puis les autres c'est moins important pour moi vraiment tout est lié et tout est interconnecté et tous les systèmes d'oppression en fait ils peuvent croître et ils peuvent continuer à nous opprimer parce que ils se renforcent les uns les autres. Pour moi, être anticapitaliste, c'est comme j'ai dit, c'est tout simplement être dans un positionnement de détruire le système. Ce n'est pas trouver des façons de mieux vivre sous le capitalisme. Non, non, non plus du capitalisme, on n'en veut pas.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, j'imagine que dans les personnes qui nous écoutent, il y a d'autres personnes qui se définissent probablement comme anticapitalistes. ou en tout cas qui, d'un point de vue individuel, essayent de remettre en question tout ce système. Mais j'entends aussi qu'au niveau individuel, on peut avoir du mal à faire cohabiter ça avec le fait d'être entrepreneur, entrepreneuse et du coup de vouloir créer de la valeur monétaire, créer de l'argent ou avoir besoin de faire de l'argent. Est-ce que toi, tu vis ça ou tu as déjà vécu ça comme un antagonisme ? Et si oui, comment tu as fait pour dépasser ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense comme tout le monde, ce qui est un petit peu difficile, c'est d'être anticapitaliste, de faire du soin et de monétiser le soin. Il y a un truc qui peut être un peu compliqué là-dedans, mais je pense que c'est important de se laisser l'espace, de comprendre qu'il y a plein de choses qui peuvent coexister en soi. parce que oui, je suis anticapitaliste et je l'affiche et du coup dans ma façon d'appréhender mon métier etc ça se voit en fait que j'ai une démarche où je ne capitalise pas je ne crois pas d'être en train de capitaliser sur des luttes par exemple du coup faire coexister le fait que oui, je suis anticapitaliste, je déside anticapitaliste et je lutte contre le capitalisme au quotidien, que ce soit dans des actions que je peux mener. Alors, moi, je ne crois pas trop à l'action individuelle seule. Pour moi, ce n'est pas du tout ce qu'on va réussir à faire tomber les systèmes. Mais j'ai des privilèges qui font que je peux faire attention à certaines choses dans ma façon de consommer, par exemple, etc. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde, ce qui n'est pas le cas de toutes les personnes qui sont anticapitalistes. Mais en même temps, j'ai besoin de manger. je pars en tiers donc je suis obligée de travailler pour pouvoir vivre et ça c'est un truc qui me dépasse genre on est obligé de gagner de l'argent et on est obligé de pouvoir dormir quelque part je suis obligée de payer donc je pense que vraiment faire coexister les deux et apprendre à laisser la place aux contradictions et être à l'aise avec le fait de nommer ses propres contradictions, c'est un peu la clé par rapport à ça. Du coup, s'il y a des personnes qui nous écoutent et qui sont dans ce dilemme-là, le fait d'être à l'aise avec ces contradictions et de les nommer, ça peut aider. Et le fait aussi de se dire que le perfectionnisme, pourquoi je parle de perfectionnisme ? Parce que le fait de vouloir tout faire parfaitement et de se dire je ne participe pas au système c'est impossible de ne pas participer au système parce que c'est un système, donc du coup, on peut faire la paix déjà avec ça. Mais le fait d'être dans le perfectionnisme, même dans son militantisme, ça c'est un truc de la suprématie blanche et c'est un truc du capitalisme de vouloir qu'on soit tout le temps parfait et qu'on soit tout le temps dans la perfection et qu'on soit tout le temps à la recherche. de la perfection dans ce qu'on est en train de faire, même dans nos luttes. Et ça, c'est un truc que je retrouve beaucoup dans les milieux de lutte. Il faut que tout soit tout nickel, tout parfait. On n'a pas le droit à l'erreur, on n'a pas le droit d'avoir des contradictions en tant que personne, etc. Du coup, le fait de comprendre que même ce mécanisme-là de perfectionnisme, c'est un mécanisme qui vient du capitalisme et de la suprématie blanche, ça peut aider à faire la paix avec les contradictions et le fait que ça peut coexister et qu'on avance et que plus on avance dans la lutte et puis il y a des choses qui sont faciles. Mais aussi de se dire que être vraiment dans la lutte, ça demande de prendre des risques, des risques qui sont à hauteur de ce qu'on peut prendre comme risque, mais ça demande de prendre des risques. Donc savoir où est-ce qu'on peut les prendre ces risques pour pouvoir faire avancer les choses et qu'est-ce qu'on peut sacrifier de notre sécurité individuelle pour faire avancer la sécurité collective et le fait qu'il y ait de plus en plus de gens qui puissent être anticapitalistes, ouvertement se dire anticapitalistes et aussi être vraiment dans la lutte anticapitaliste, même parmi les entrepreneurs.

  • Speaker #1

    Trop bien, merci beaucoup pour ces conseils. J'ai deux petites questions pour clore cet entretien qui a été hyper riche et hyper intéressant. Merci beaucoup. Ma première question, c'est si tu pouvais, si tu devais reprendre ton parcours entrepreneurial depuis le début, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment ?

  • Speaker #0

    Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai appris beaucoup, beaucoup de choses en faisant des erreurs, justement. et que j'en serais pas là où je suis aujourd'hui si j'avais pas fait ces erreurs donc je pense que je ne sais pas rien

  • Speaker #1

    Très bien et la deuxième et dernière question du coup tu le sais le podcast s'appelle Woke Up Nation et c'est une manière de détourner la Startup Nation pour y mettre un petit peu de wokisme si tu avais un message à faire passer à la Startup Nation d'aujourd'hui celle d'Emmanuel Macron qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Pas sortez de votre illusion là. Réveillez-vous les gars. Ouais, je... Je sais pas si j'ai vraiment un message à leur faire passer. Parce que moi je m'adresse plus aux gens qui sont de notre côté. Pour qu'on puisse renforcer un petit peu nos rangs. Mais si vraiment je devais leur dire quelque chose, les gens... en fait votre monde c'est une illusion il faut sortir de cette illusion la vraie vie c'est pas le capitalisme c'est pas le colonialisme c'est pas l'esprématie blanche merci beaucoup je pense que c'est une parfaite conclusion merci

  • Speaker #1

    beaucoup Selma où est-ce qu'on peut te retrouver ? du coup sur Instagram c'est le Massardo qui a un podcast qui s'appelle Mali Mali ok trop bien je mettrai les liens nécessaires dans la description si tu as envie de partager d'autres ressources qu'on peut ajouter à l'épisode n'hésite pas à me les envoyer puis j'ajouterai tout ça dans la description merci beaucoup à tous de nous avoir écoutés on se retrouve pour un prochain épisode très bientôt ciao salut Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. N'hésitez pas à y réagir via les plateformes d'écoute, la newsletter ou encore les réseaux sociaux. Vous pouvez retrouver la retranscription complète de l'épisode sur leanyang.com. Je vous dis à très vite pour un nouvel épisode. A bientôt !

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