La question à 14 trillions d'Euros : L’Europe peut-elle financer son avenir ? (avec Anne-Christine Champion) cover
La question à 14 trillions d'Euros : L’Europe peut-elle financer son avenir ? (avec Anne-Christine Champion) cover
2050 Investors (en français) — Les tendances économiques et de marché de demain, au regard des objectifs de neutralité carbone de 2050

La question à 14 trillions d'Euros : L’Europe peut-elle financer son avenir ? (avec Anne-Christine Champion)

La question à 14 trillions d'Euros : L’Europe peut-elle financer son avenir ? (avec Anne-Christine Champion)

26min |28/05/2025
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2050 Investors (en français) — Les tendances économiques et de marché de demain, au regard des objectifs de neutralité carbone de 2050

La question à 14 trillions d'Euros : L’Europe peut-elle financer son avenir ? (avec Anne-Christine Champion)

La question à 14 trillions d'Euros : L’Europe peut-elle financer son avenir ? (avec Anne-Christine Champion)

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Description

L’Europe, autrefois moteur du progrès mondial, a donné naissance à la Révolution industrielle, aux idéaux des Lumières, à des découvertes scientifiques novatrices et à une renaissance culturelle qui ont façonné la civilisation moderne. Cependant, aujourd’hui, au milieu des guerres commerciales, des crises géopolitiques et des avancées industrielles et technologiques, l’Europe se trouve à un carrefour critique. En réponse à ces perturbations de l’ordre mondial, l’Union européenne a annoncé des plans d’investissement audacieux dans les infrastructures et les dépenses liées à la défense. Mais ce moment pourrait-il également marquer le début d’une renaissance financière, ou l’Europe risque-t-elle de prendre encore plus de retard dans la course mondiale ?


Dans cet épisode de 2050 Investors, Kokou Agbo-Bloua, Responsable de l’Économie, de la Recherche Cross-Asset et Quantitative chez Société Générale, explore l’histoire de l’Union européenne, ses défis économiques et sa remarquable résilience à sortir renforcée des crises. Kokou oppose le « rêve européen » au « rêve américain », mettant en lumière leurs forces et faiblesses respectives : l’individualisme versus l’esprit de communauté, la croissance économique versus le développement durable, et le capitalisme actionnarial versus le capitalisme prenant en compte toutes les parties prenantes.


Plus tard dans l’épisode, Kokou est rejoint par Anne-Christine Champion, co-Directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs de Société Générale, pour une discussion captivante sur les défis structurels auxquels l’Europe est confrontée. Ensemble, ils analysent l’appel au réveil stratégique lancé par le rapport Draghi, en examinant des problématiques telles que la fragmentation des marchés financiers, la faible culture boursière, la sous-utilisation des 14 000 milliards d’euros d’épargne des ménages et les complexités réglementaires. Enfin, ils examinent comment des solutions telles que la mise en place de l’Union de l'épargne et des investissements (UEI), l’approfondissement de l’intégration des marchés de capitaux, le développement des marchés de titrisation et la promotion de l’éducation financière peuvent raviver le projet européen.


Cet épisode offre une analyse éclairée du potentiel de l’Europe à transformer ses défis en opportunités et à retrouver une position de leader mondial sur les marchés financiers.


À propos du podcast 2050 Investors

Bienvenue dans 2050 Investors, votre émission mensuelle pour comprendre les connexions complexes entre la finance, la mondialisation et l'ESG.

Rejoignez Kokou Agbo-Bloua, Responsable mondial de la recherche économique, cross asset et quantitative de Société Générale, pour une exploration des mégatendances de l’économie et du marché, et de la manière dont ces tendances pourraient influencer notre progression vers les objectifs de durabilité mondiale de 2050.


Si vous aimez 2050 Investors, n’hésitez pas à laisser un commentaire et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. Abonnez-vous maintenant sur votre plateforme d’écoute préférée pour rester informé !


Crédits

Présentation et écriture : Kokou Agbo-Bloua. Édition : Jovaney Ashman, Jennifer Krumm, Linda Isker et Vincent Nickelsen. Conception et production : Emmanuel Minelle, Radio K7 Creative. Production exécutive : Fanny Giniès. Réalisation : Marc Valenduc. Traduction : Nathalie Magne. Musique : Emmanuel d’Orlando. Création graphique : Cédric Cazaly


Bien que le podcast traite des marchés financiers, il ne recommande aucune décision d’investissement particulière. Si vous n’êtes pas certain du bien-fondé d’une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde a de nouveau franchi un cap aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Le Parlement allemand a approuvé un vaste plan de dépenses qui pourrait bien bouleverser la donne, non seulement pour l'Allemagne, mais aussi pour l'ensemble de l'Europe, avec des milliards d'euros alloués aux infrastructures et à la défense. Si l'Europe se redresse, si elle parvient à se financer et à éviter la récession qui frappe les États-Unis, faut-il en conclure qu'il est temps d'investir dans les actions européennes ? Après des années de micro-performance, l'Europe s'impose comme l'un des paris gagnants de 2015. Siri, tu entends ça ? On dirait bien que l'Europe est à l'entournant de son histoire.

  • Speaker #0

    Oui, coucou. J'ai lu 3456 articles qui parlent du slogan MEGA. Par exemple, un article du Financial Times affirme que Trump rend sa grandeur à l'Europe.

  • Speaker #1

    Je vois. C'est un jeu de mots sur le slogan de Trump, MAGA. En fait, MEGA, c'est l'abréviation de Make Europe. « Great again » . C'est une formule qui divise l'opinion. Mais dans le contexte qui nous intéresse ici, elle désigne le potentiel pour l'Europe de connaître un sursaut économique et financier. Cette dynamique est aussi boostée par le plan de dépense de 800 milliards d'euros de l'Union européenne et par le plan d'infrastructure de 500 milliards d'euros lancé par l'Allemagne.

  • Speaker #0

    C'est un grand moment qui mérite un grand hymne. J'ai le morceau parfait pour ça. Dis Alexa, va sur ma playlist et joue l'Ode à la joie. Ok. Odd à la joie de Beethoven.

  • Speaker #1

    Attends, Siri, pas si vite. Il ne faut pas mettre la charrue avant les vœux. C'est vrai que ces annonces sont majeures, mais ce ne sont que des annonces. Sans compter qu'on est peut-être en pleine guerre commerciale au niveau mondial, ce qui risque d'être un sacré défi pour l'Europe.

  • Speaker #0

    Désolée, je me suis un peu emportée. Tiens, j'ai comme une sensation de déjà-vu.

  • Speaker #1

    Comment ça ?

  • Speaker #0

    Tu sais bien, les grands engagements, comme les accords de Paris sur le climat et la neutralité carbone d'ici 2050, Vous n'êtes pas vraiment parti pour les tenir. À les humains et leurs promesses, on sait ce que ça vaut.

  • Speaker #1

    Un peu de patience, Siri. Il faut avoir confiance.

  • Speaker #0

    Tu sais ce qu'on dit. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a beaucoup d'expérience.

  • Speaker #1

    Peut-être, mais cette fois-ci, je pense que c'est vraiment différent. Même s'il n'est pas l'hymne officiel de l'Union européenne, l'aude à la joie de Beethoven que tu as joué tout à l'heure, illustre l'unité et l'espoir, mais aussi, il faut l'avouer, l'indécision chronique. Ce qui est sûr, c'est que les crises débouchent souvent sur des grandes avancées. D'ailleurs, l'Union européenne a justement été créée dans le but de mettre fin à des siècles de conflits. L'ordre établi après la Seconde Guerre mondiale est peut-être en train de changer. Aujourd'hui, le monde est devenu multipolaire. La concurrence mondiale a remplacé la coopération mondiale. L'Europe pourrait bien en profiter pour vivre une véritable renaissance, sur plusieurs fronts. En espérant bien sûr que ces belles paroles et ces grandes déclarations se solderont par un vrai changement, et pas par une stagnation bureaucratique.

  • Speaker #0

    Je ne veux pas être négative, mais quand on voit le retard que l'Europe a pris par rapport aux États-Unis ces 20 dernières années...

  • Speaker #1

    Tu n'as pas tort, les chiffres ne plaident pas vraiment en faveur de l'Europe.

  • Speaker #0

    Ou peut-être que l'Europe va rattraper son retard, comme la tortue dans Le Lièvre et la Tortue.

  • Speaker #1

    J'aime bien la métaphore. Dans le fond, ça pose la grande question du rêve européen. par rapport aux rêves américains et des modèles économiques et sociétaux très différents qu'ils représentent.

  • Speaker #0

    Intéressant. Et si on creusait un peu le sujet ?

  • Speaker #1

    Bienvenue dans 2050 Investors, le podcast qui décrypte les tendances de l'économie et du marché pour relever les défis de demain. Je suis Koko Agbogloa, responsable mondial de la recherche économique, cross-asset et quantitatif de Société Générale. Dans cet épisode de 2050 Investors... Nous allons tenter de comprendre pourquoi l'Europe a pris du retard par rapport aux États-Unis dans plusieurs domaines. On se posera la question de savoir si les troubles géopolitiques actuels sont, ou pas, l'occasion rêvée pour l'Europe de consolider son intégration. Le vieux continent va-t-il pouvoir mobiliser son épargne monumentale de manière efficace pour répondre à ses besoins importants en investissement, au moyen d'une harmonisation plus poussée ? Ou ce projet se heurtera-t-il définitivement aux divergences réglementaires entre les États membres ? Plus tard dans cet épisode, nous accueillerons Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale. Elle nous expliquera comment les banques peuvent faciliter les investissements sur les marchés publics et privés et pourquoi l'union de l'épargne et de l'investissement, anciennement l'union des marchés de capitaux, est essentielle au développement d'un marché des capitaux prospère et potentiellement compétitif sur la scène mondiale. Démarrons notre enquête.

  • Speaker #0

    Le concept de rêve européen m'intrigue un peu.

  • Speaker #1

    Eh bien, Siri, je te propose un petit rappel sur les origines du projet européen. Tout a commencé avec le traité de Paris en 1951, qui a institué la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Six pays, la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, ont fait le pari audacieux de l'intégration économique pour assurer la paix.

  • Speaker #0

    Le charbon et l'acier, vraiment ? Pas vraiment les industries les plus vertes.

  • Speaker #1

    C'est sûr, mais c'était les secteurs les plus pratiques pour commencer. Le traité de Rome, en 1957, a acté la formation de la Communauté économique européenne, CEE. Il a été suivi du traité de Maastricht, en 1992, qui a ensuite donné naissance à l'Union européenne. La vision était claire. Un marché unique, une monnaie unique, et à terme, un espace financier unique avec la libre circulation des personnes, des biens et des services.

  • Speaker #0

    Ça doit être un vrai casse-tête de gérer 27 pays avec chacun leur priorité nationale, qui doivent se mettre d'accord sur tout, les normes sur la culture des tomates ou la politique fiscale.

  • Speaker #1

    C'est sûr, l'Europe a connu son lot de hauts et de bas. Si on prend par exemple la grande crise financière de 2008, déclenchée par les subprimes, et la faillite de Lehman Brothers, qui s'est suivie par la crise de la dette de la zone euro en 2010. Cette crise a été déclenchée par les difficultés financières de plusieurs pays de la zone euro, qui avaient des niveaux élevés. élevée de dettes publiques. Elle a aussi montré les dangers d'une union monétaire sans unité fiscale. Puis, quelques années plus tard, il y a eu le Brexit en 2016 et encore la pandémie de Covid-19 en 2020. Toutes ces crises ont encore souligné le manque d'intégration économique. Mais pourtant, et malgré tout, l'Europe a réussi à surmonter tous ces défis.

  • Speaker #0

    C'est à se demander si l'Europe est vraiment un continent où le grand 8 le plus cher du monde

  • Speaker #1

    Un grand oui, oui, mais qui deviendrait plus fort après chaque lupine ?

  • Speaker #0

    Attends, tu veux dire que le fait de survivre à des périodes de chaos peut nous rendre plus forts ?

  • Speaker #1

    Exact, c'est le concept même d'antifragilité de l'écrivain Nassim Taleb. D'après lui, certains systèmes comme les os, les muscles ou même les systèmes financiers deviennent de plus en plus forts quand ils sont sous tension. C'est ce qui s'est passé, par exemple, avec la crise de la dette de la zone euro. Elle a forcé les États membres à mener des négociations intenses, et ces négociations ont conduit à la promesse historique de Mario Draghi, celle de sauver l'euro, quoi qu'il en coûte. Plus tard, pendant la pandémie de Covid-19, on a, encore une fois, par exemple, adopté des mesures selon ce même principe, de quoi qu'il en coûte budgétaire. Selon les rapports de la BCE, les pays de l'Union européenne ont dépensé entre 10 et 25 % de leur PIB pour soutenir les entreprises et les ménages. dont les sources de revenus s'étaient taries pendant les confinements, en adoptant des mesures budgétaires directes et en fournissant des garanties publiques.

  • Speaker #0

    Mais alors, lequel est le meilleur ? Le rêve américain ou le rêve européen ?

  • Speaker #1

    C'est LA grande question ! Le livre « Le rêve européen » de Jeremy Rifkin, publié en 2004, apporte des pistes très intéressantes. Voilà par exemple trois différences fondamentales entre les deux modèles que je trouve particulièrement pertinentes. La première... c'est la notion d'individualisme, par opposition à celle de communauté. Le rêve américain insiste sur la réussite individuelle, sur l'autonomie et sur l'accomplissement de soi. Alors que le rêve européen, lui, est plus axé sur la communauté, le bien-être social et la responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    Je vois, c'est comme la différence entre chasser tout seul ou bien en meute.

  • Speaker #1

    La deuxième différence, c'est la priorité donnée à la richesse matérielle par rapport à la qualité de vie. Le rêve américain privilégie biens matériels et réussite financière comme facteur de succès, tandis que le rêve européen valorise plutôt la qualité de vie et des choses comme l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les soins de santé ou encore l'éducation.

  • Speaker #0

    C'est le réussir ou mourir de 50 Cent versus la Dolce Vita de Fellini.

  • Speaker #1

    Et la troisième grande différence, c'est l'objectif de croissance économique contre celui de durabilité. Le rêve américain est motivé par la croissance économique et le consumérisme. Le rêve européen, lui, met plutôt l'accent sur la durabilité et la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Le monde matériel versus le monde naturel.

  • Speaker #1

    Bonne métaphore, Siri. Bien sûr, les trois différences qu'on vient de voir ne sont que des généralités sur ces deux sociétés. Mais elles permettent quand même de saisir comment des différences culturelles peuvent façonner les comportements financiers. Ce point est bien illustré dans un article de Bloomberg intitulé La méfiance à l'égard des actions et l'accumulation des liquidités empêche les Européens de s'enrichir. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. 62% des adultes américains possèdent des actions sur des comptes de retraite, type PER, des plans d'épargne, retraite collectif et individuelle. De notre côté de l'Atlantique, c'est une autre histoire. Seuls 11% des ménages européens détiennent directement des actions. Et environ 30% du patrimoine des ménages européens est placé sur des comptes d'épargne à faible rendement.

  • Speaker #0

    C'est de l'inertie financière. Pendant que les États-Unis vendent des actions à tout va, et mise sur des start-up à potentiel, l'Europe des investissements est dans le coma.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça. Traditionnellement, les actions sont bien plus performantes que d'autres classes actives, comme les obligations et les liquidités. Dans les 50 dernières années, les actions américaines ont rapporté environ 7% par an. Pendant ce temps, les obligations ont généré en moyenne de 3 à 4% par an. L'argent liquide, en revanche, a tout juste suivi l'inflation, à environ 1 à 2% par an. En Europe, la tendance est la même. Mais pourtant, la culture des actions n'a jamais vraiment réussi à s'implanter.

  • Speaker #0

    Peut-être que l'Europe s'estime assez riche comme ça et qu'elle ne veut pas prendre le risque d'investir ?

  • Speaker #1

    Bonne remarque ! En tout cas, l'Association européenne de la gestion d'actifs et de fonds appelle clairement les épargnants européens à arrêter de placer trop d'argent en banque. Dans l'ordre de ses articles, elle montre que le montant de l'épargne détenu par les ménages européens sous forme de liquidités et de dépôts bancaires suit une tendance à la hausse. Il est passé de 10,2 trillions d'euros en 2015 à près de 14 trillions d'euros en 2022. Ça veut dire que la part des dépôts, dont le patrimoine financier des ménages, est passée de 36,7% à 41,1%.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à une de tes citations préférées. « Le plus grand risque est de ne prendre aucun risque » .

  • Speaker #1

    Exactement. L'un des principaux défis à ce sujet, c'est aussi la nature fragmentée des marchés financiers européens. Pour revenir à la fable de La Fontaine, On pourrait comparer l'Europe à la tortue prudente et les États-Unis aux lièvres pleins d'audace. Mais la question, c'est de savoir quelle sera, cette fois-ci, la morale de l'histoire.

  • Speaker #0

    Il est grand temps pour l'Europe de se lancer dans une renaissance financière. Mais comment va-t-elle s'y prendre pour mobiliser des investissements aussi colossaux ?

  • Speaker #1

    C'est une excellente question, Siri, qui m'amène à présenter notre invitée, Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale, et membre du comité exécutif du groupe. Elle supervise des activités de financement et conseil, de marché, de banque transactionnelle et de service titre de la banque. Anne-Christine a acquis une grande expertise du secteur grâce à divers postes de direction dans l'industrie financière européenne. Bonjour Anne-Christine et bienvenue dans cet épisode de 2050 Investors.

  • Speaker #2

    Bonjour, coucou, merci pour l'invitation. Je suis ravie de participer à cette conversation.

  • Speaker #1

    Alors, pour commencer, parlons des différences entre l'Europe et les États-Unis, surtout en matière de financement et d'investissement. Ces deux visions sont-elles vraiment opposées, à ton avis ?

  • Speaker #2

    C'est en partie vrai. L'Europe favorise une approche qui est fondée sur l'équilibre entre performance économique et prise en compte des parties prenantes, les stakeholders en anglais. Les parties prenantes, ce sont les salariés, les territoires, l'environnement, la société civile, en plus des actionnaires bien entendu. Et ça contribue à apporter une vision à long terme dans le système. Aux Etats-Unis, la logique reste très marquée par la performance actionnariale, ce qui est très puissant en termes d'allocation efficace des ressources, de dynamisme économique. Mais plutôt que d'opposer les démonelles, je pense qu'il est temps de favoriser une coopération intelligente transatlantique sur ce sujet, une coopération qui combine cette vision de long terme et l'efficacité dans l'allocation des ressources.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette idée de coopération entre les deux modèles. Cela dit, on entend souvent dire dans les marchés, dans les médias, que l'Europe est en retard sur les marchés de capitaux. Est-ce vraiment le cas, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    Ce retard s'observe dans les chiffres. En Europe, le revenu par habitant est inférieur d'environ 34% à celui des États-Unis, avec des investissements dans la recherche et le développement qui ne représentent que la moitié de ce qu'on observe aux US. L'Union européenne représente 11% de la capitalisation boursière, alors que c'est 45% pour les US. Enfin, 30% du financement en Europe passe par les marchés financiers contre 80% aux US.

  • Speaker #1

    Ces chiffres sont clairement alarmants. Mais qu'est-ce qui freine l'Europe, à ton avis, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    D'abord, je voudrais dire que l'Europe ne manque pas ni d'idées, ni de capital. Mais Mario Draghi, l'ancien président de la Banque centrale européenne, s'est penché sur ce sujet, sur certaines... Cause profonde dans son rapport de 400 pages qu'il a publié en septembre 2024 sur l'avenir de la compétitivité européenne. Tout d'abord, et selon ses propres mots, l'Europe ne coordonne pas là où cela compte. Les stratégies industrielles dans les secteurs de l'énergie, de la défense, de la technologie, pour n'en citer que quelques-uns, restent éparpillées et manquent de collaboration. L'accès au capital est plus difficile pour les entrepreneurs. Les marchés financiers sont moins développés en Europe qu'aux États-Unis et le marché unique reste fragmenté. Enfin, l'Europe manque de concentration dans la définition des priorités et d'efficacité dans la prise de décision. La bonne nouvelle cependant, c'est que les ménages européens détiennent plus de 14 trillions d'euros d'épargne, souvent placés, il est vrai, sur des livrets peu rémunateurs. Pour digitaliser, décarboniser l'économie et accroître nos capacités de défense, la part des investissements en Europe devra augmenter d'environ 5% du PIB, pour atteindre les niveaux observés dans les années 60 et 70. C'est sans précédent. À titre de comparaison, le plan Marshall... qui a été déployé entre 1948 et 1951, s'est élevé à environ 1 à 2% du PIB par an. L'énergie, la technologie, la défense sont le charbon et l'acier des années 50. Et nous devons faire revivre l'esprit de Jean Monnet pour rendre l'Europe sa grandeur.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Tu as parlé d'une épargne massive en Europe, 14 trillions d'euros, donc 14 000 milliards d'euros, donc les chiffres sont assez incroyables. Et cette épargne reste sous-exploitée. Pourquoi, selon toi, est-ce que l'épargne significative dont on vient de parler ne circule pas mieux vers l'économie réelle européenne ?

  • Speaker #2

    C'est une question très importante. Je pense que le principal frein, c'est un manque d'éducation financière. Aux États-Unis, les individus sont amenés très jeunes à s'intéresser aux placements et aux marchés. Pourquoi ? Parce que tout ou presque passe par des choix financiers individuels. Les études, la santé, la retraite. Les familles n'ont pas le choix, elles doivent apprendre à investir pour sécuriser leur avenir. En Europe, c'est différent. Notre modèle d'État-providence a longtemps assuré un filet de sécurité solide. L'éducation gratuite, la retraite par répartition, la couverture santé. Ce système a beaucoup d'atouts, mais il n'incite pas les citoyens à s'approprier les outils financiers. On a développé un rapport assez distant, parfois même méfiant à l'investissement. Et il ne faut pas sous-estimer la dimension culturelle. L'argent reste un sujet tabou dans beaucoup de milieux. Parler ouvertement d'investissement, de placement, de performance financière est encore mal vu dans certains cercles. Pourtant, l'éducation financière est aujourd'hui essentielle, plus que jamais. Car plus les citoyens seront formés, plus ils pourront faire des choix d'allocations conscients. Choisir non seulement des projets rentables, mais aussi justes, utiles et viables dans la durée. Et ce n'est pas qu'un sujet individuel, c'est un sujet collectif. L'Europe a besoin d'un système de retraite plus solide pour mieux capitaliser l'épargne des ménages vers des investissements productifs. Cela encouragerait les investisseurs individuels et augmenterait le flux de financement sur les marchés de capitaux. Savoir comment fonctionne une allocation d'actifs, comprendre les flux d'épargne, ce n'est pas seulement une affaire de performance personnelle. C'est aussi décider du futur que l'on finance. En réalité, bien-être et richesse ne sont pas opposés. La qualité de vie qui est au cœur du projet européen dépend aussi de sa santé financière, aujourd'hui et demain.

  • Speaker #1

    Je pense que le point entre bien-être et richesse est très important dans cette conversation. Mais justement, parlons d'éducation financière. À titre individuel, peut-on vraiment changer les choses ?

  • Speaker #2

    Absolument, nous le pouvons. L'épargne des Européens représente une forme de frappe immense. Alors que certains de ces flux s'inversent cette année, compte tenu des droits de douane actuels imposés par les États-Unis, au cours des dix dernières années, l'allocation aux actifs américains par les investisseurs européens est passé d'environ 550 milliards d'euros à 2,3 trillions d'euros en 2020. 2024. En d'autres termes, ceux qui sont financièrement formés en Europe investissent, mais ailleurs. Il ne s'agit pas seulement d'une fuite de capitaux, c'est aussi une perte d'influence sur les projets, les valeurs, les visions que nous finançons.

  • Speaker #1

    J'aimerais aborder le sujet des marchés des capitaux européens. Pourquoi, selon toi, un marché des capitaux unifié en Europe est-il si crucial ? Quels sont les avantages concrets que cela pourrait apporter ?

  • Speaker #2

    C'est crucial, en effet. Aujourd'hui, le marché européen de capitaux est morcelé et peu développé. On pourrait le comparer à un réseau électrique mal câblé. La tension est là, mais l'énergie se perd en route. Pour alimenter ses grandes ambitions, la transition énergétique, la souveraineté, l'innovation, l'Europe doit consolider ses circuits et libérer sa puissance. Deux exemples concrets. Tout d'abord concernant l'accès aux actions cotées. Il y a quelques solutions concrètes à envisager. Rapprocher les infrastructures de marché. les dépôts centraux, les chambres de compensation, harmoniser la réglementation, la cotation, la transparence, enfin simplifier l'accès au marché pour les petites et moyennes entreprises. Un autre exemple, l'accès au financement. La titrisation est un outil financier très puissant qui permet au système financier de canaliser l'épargne pour financer la dette nécessaire aux entreprises et aux entrepreneurs pour leurs projets. Les émissions annuelles de titrisation de l'Union européenne représente 0,3% du PIB. Aux États-Unis, c'est 1,2%, 4 fois plus. Mais c'est aussi 1,4% au Japon ou 2,6% en Australie. Il y a quelques ajustements simples à apporter à la réglementation pour permettre un marché des capitaux plus profond en Europe et donc une plus grande capacité de financement de projet. Autre exemple sur l'accès au financement, la dette privée. Le développement de la dette privée que l'on voit de façon massive est important. C'est la raison pour laquelle nous avons, en Société Générale, mis en place un partenariat avec Brookfield Asset Management pour lancer un fonds de dette de 10 milliards d'euros. Ce fonds de dette permet de financer les infrastructures et de répondre aux besoins croissants pour décarboner et digitaliser nos économies.

  • Speaker #1

    Mais au-delà du manque d'intégration, est-ce qu'il n'y aurait pas... aussi un problème plus profond. Et là, je pense particulièrement au manque de dynamisme économique en Europe. Peut-être que c'est en partie la conséquence des points que tu as mentionnés plus tôt.

  • Speaker #2

    Oui, c'est le cas. Un exemple frappant. 100 euros investis en 2000 dans des actions européennes ont rapporté environ 40% en 25 ans. La même somme investie aux États-Unis a généré près de 300% de performance. Et ce n'est pas que l'Europe manque de potentiel, mais elle souffre d'importants problèmes liés à la productivité et au... au coût de l'énergie ou à l'appétit des investisseurs pour le financement de l'innovation. Sur ce dernier point, les banques comme Société Gérale ont un rôle à jouer. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé récemment, avec Reed Asset Management, un fonds Action avec l'objectif de soutenir les leaders émergents de la transition énergétique à travers l'Europe. Et nous nous sommes engagés à hauteur de 250 millions d'euros dans ce fonds.

  • Speaker #1

    Il aura clairement besoin de beaucoup d'investissements et ce sont des exemples intéressants à mentionner. Mais certains pourraient craindre qu'en cherchant à gagner... beaucoup plus en performance financière, l'Europe perd ses valeurs fondamentales. Peut-on vraiment concilier, Anne-Christine, la performance et la vision européenne ?

  • Speaker #2

    Nous le pouvons et nous le faisons. Des marchés dynamiques et concurrentiels assurent la performance dans les affaires et dans l'innovation. Par exemple, sur le marché des batteries. Le coût des batteries a chuté de plus de 75% depuis 2015, ce qui constitue un facteur clé de la transition énergétique. À mesure que les coûts continuent de baisser et que la production augmente, les batteries moins chères jouent un rôle essentiel dans la décarbonation des transports et du secteur de l'électricité. La transition énergétique est portée par les marchés. Un financement compétitif est un facteur clé de l'innovation et de la croissance durable des projets et des économies.

  • Speaker #1

    Très bon point. Si on regarde à long terme, prenons 2050 pour sortir un chiffre un peu comme le podcast, Notamment avec les défis climatiques. Est-ce que ce n'est pas risqué d'investir dans des projets durables sur 25 ou 30 ans, compte tenu de l'incertitude ? Et est-ce que ce pari a vraiment du sens ?

  • Speaker #2

    Ce qui est certain, Cocou, c'est que les 25 prochaines années ne ressembleront pas aux 25 précédentes. Parce que les modèles dominants de valorisation ne sont plus alignés avec les dynamiques structurelles du monde à venir. Le changement climatique, l'adaptation climatique, les tensions géopolitiques autour des ressources. Quand on parle d'investissement durable, on ne parle pas d'habitrage à horizon 2 ans. On parle d'une vision à 10 ou 25 ans. Et si nous voulons que les investisseurs agissent de manière responsable et avec une vision de long terme, nous devons leur donner les moyens structurels de le faire. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Des mécanismes comme la taxe carbone sont essentiels. En effet, ils alignent l'horizon d'investissement à court terme et à long terme. Ils alignent l'individu avec l'intérêt collectif en forçant l'intégration des externalités, notamment celles qui ont un impact à long terme. La régulation du climat ne devrait pas être un fardeau. Elle doit fournir un cadre simple qui intègre ces externalités, permettant aux acteurs du marché d'innover et d'optimiser les contraintes de ressources. C'est une condition préalable à la mise en place de solutions durables à long terme.

  • Speaker #1

    En fait, ceci me fait penser à une citation. on dit souvent, le meilleur moyen de prédire l'avenir, c'est de le créer. Et cela prend clairement tout son sens quand on parle d'investissement responsable. Merci beaucoup Anne-Christine pour cet échange passionnant. Mais avant de se quitter, est-ce que tu as un dernier message ou une réflexion à partager avec nos auditeurs ?

  • Speaker #2

    Le potentiel de l'Europe est immense et elle dispose d'une vision forte et de nombreux atouts pour un effet rebond qui permettent de se projeter dans l'avenir. Jean Monnet a dit un jour... les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. Eh bien, nous y sommes. Crise géopolitique, crise climatique, crise sociale, crise de confiance. La nécessité est là et elle nous oblige à repenser fondamentalement la façon dont nous dirigeons l'épargne, les investissements et la richesse. Alors, allons-y.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Sur ce, encore un grand merci, Anne-Christine, pour cette discussion riche en idées et nouvelles perspectives. À très bientôt.

  • Speaker #2

    Merci, coucou. À très bientôt.

  • Speaker #0

    Moralité, coucou, c'est la tortue qui va gagner, non ?

  • Speaker #1

    Et si on décidait plutôt que l'important, ce n'était pas de gagner mais de coopérer. D'ailleurs, j'ai trouvé la citation parfaite pour conclure cet épisode. C'est un proverbe africain. Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marchons ensemble.

  • Speaker #0

    On peut toujours imaginer un monde meilleur, comme John Lennon.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir suivi cet épisode de 20-15 Vestors et merci à Anne-Christine Champion pour son regard expert sur le sujet. J'espère que cet épisode vous a aidé à mieux cerner la potentielle renaissance financière de l'Europe. 25 Investors est disponible sur toutes les plateformes de podcast et de streaming. Si cet épisode vous a plu, mettez-nous plein d'étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Laissez des commentaires où vous voulez, abonnez-vous et surtout, parlez-en autour de vous. Rendez-vous au prochain épisode. Ce podcast traite des marchés financiers, mais ne recommande aucune décision d'investissement particulière. Si vous n'êtes pas sûr du bien fondé d'une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.

Chapters

  • Introduction au rêve européen et aux enjeux économiques

    03:39

  • Différences entre l'Europe et les États-Unis en matière d'investissement

    12:09

  • Éducation financière et épargne des ménages européens

    18:01

  • Investissement durable et vision à long terme

    22:55

  • Conclusion et appel à l'action collective

    24:24

Description

L’Europe, autrefois moteur du progrès mondial, a donné naissance à la Révolution industrielle, aux idéaux des Lumières, à des découvertes scientifiques novatrices et à une renaissance culturelle qui ont façonné la civilisation moderne. Cependant, aujourd’hui, au milieu des guerres commerciales, des crises géopolitiques et des avancées industrielles et technologiques, l’Europe se trouve à un carrefour critique. En réponse à ces perturbations de l’ordre mondial, l’Union européenne a annoncé des plans d’investissement audacieux dans les infrastructures et les dépenses liées à la défense. Mais ce moment pourrait-il également marquer le début d’une renaissance financière, ou l’Europe risque-t-elle de prendre encore plus de retard dans la course mondiale ?


Dans cet épisode de 2050 Investors, Kokou Agbo-Bloua, Responsable de l’Économie, de la Recherche Cross-Asset et Quantitative chez Société Générale, explore l’histoire de l’Union européenne, ses défis économiques et sa remarquable résilience à sortir renforcée des crises. Kokou oppose le « rêve européen » au « rêve américain », mettant en lumière leurs forces et faiblesses respectives : l’individualisme versus l’esprit de communauté, la croissance économique versus le développement durable, et le capitalisme actionnarial versus le capitalisme prenant en compte toutes les parties prenantes.


Plus tard dans l’épisode, Kokou est rejoint par Anne-Christine Champion, co-Directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs de Société Générale, pour une discussion captivante sur les défis structurels auxquels l’Europe est confrontée. Ensemble, ils analysent l’appel au réveil stratégique lancé par le rapport Draghi, en examinant des problématiques telles que la fragmentation des marchés financiers, la faible culture boursière, la sous-utilisation des 14 000 milliards d’euros d’épargne des ménages et les complexités réglementaires. Enfin, ils examinent comment des solutions telles que la mise en place de l’Union de l'épargne et des investissements (UEI), l’approfondissement de l’intégration des marchés de capitaux, le développement des marchés de titrisation et la promotion de l’éducation financière peuvent raviver le projet européen.


Cet épisode offre une analyse éclairée du potentiel de l’Europe à transformer ses défis en opportunités et à retrouver une position de leader mondial sur les marchés financiers.


À propos du podcast 2050 Investors

Bienvenue dans 2050 Investors, votre émission mensuelle pour comprendre les connexions complexes entre la finance, la mondialisation et l'ESG.

Rejoignez Kokou Agbo-Bloua, Responsable mondial de la recherche économique, cross asset et quantitative de Société Générale, pour une exploration des mégatendances de l’économie et du marché, et de la manière dont ces tendances pourraient influencer notre progression vers les objectifs de durabilité mondiale de 2050.


Si vous aimez 2050 Investors, n’hésitez pas à laisser un commentaire et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. Abonnez-vous maintenant sur votre plateforme d’écoute préférée pour rester informé !


Crédits

Présentation et écriture : Kokou Agbo-Bloua. Édition : Jovaney Ashman, Jennifer Krumm, Linda Isker et Vincent Nickelsen. Conception et production : Emmanuel Minelle, Radio K7 Creative. Production exécutive : Fanny Giniès. Réalisation : Marc Valenduc. Traduction : Nathalie Magne. Musique : Emmanuel d’Orlando. Création graphique : Cédric Cazaly


Bien que le podcast traite des marchés financiers, il ne recommande aucune décision d’investissement particulière. Si vous n’êtes pas certain du bien-fondé d’une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde a de nouveau franchi un cap aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Le Parlement allemand a approuvé un vaste plan de dépenses qui pourrait bien bouleverser la donne, non seulement pour l'Allemagne, mais aussi pour l'ensemble de l'Europe, avec des milliards d'euros alloués aux infrastructures et à la défense. Si l'Europe se redresse, si elle parvient à se financer et à éviter la récession qui frappe les États-Unis, faut-il en conclure qu'il est temps d'investir dans les actions européennes ? Après des années de micro-performance, l'Europe s'impose comme l'un des paris gagnants de 2015. Siri, tu entends ça ? On dirait bien que l'Europe est à l'entournant de son histoire.

  • Speaker #0

    Oui, coucou. J'ai lu 3456 articles qui parlent du slogan MEGA. Par exemple, un article du Financial Times affirme que Trump rend sa grandeur à l'Europe.

  • Speaker #1

    Je vois. C'est un jeu de mots sur le slogan de Trump, MAGA. En fait, MEGA, c'est l'abréviation de Make Europe. « Great again » . C'est une formule qui divise l'opinion. Mais dans le contexte qui nous intéresse ici, elle désigne le potentiel pour l'Europe de connaître un sursaut économique et financier. Cette dynamique est aussi boostée par le plan de dépense de 800 milliards d'euros de l'Union européenne et par le plan d'infrastructure de 500 milliards d'euros lancé par l'Allemagne.

  • Speaker #0

    C'est un grand moment qui mérite un grand hymne. J'ai le morceau parfait pour ça. Dis Alexa, va sur ma playlist et joue l'Ode à la joie. Ok. Odd à la joie de Beethoven.

  • Speaker #1

    Attends, Siri, pas si vite. Il ne faut pas mettre la charrue avant les vœux. C'est vrai que ces annonces sont majeures, mais ce ne sont que des annonces. Sans compter qu'on est peut-être en pleine guerre commerciale au niveau mondial, ce qui risque d'être un sacré défi pour l'Europe.

  • Speaker #0

    Désolée, je me suis un peu emportée. Tiens, j'ai comme une sensation de déjà-vu.

  • Speaker #1

    Comment ça ?

  • Speaker #0

    Tu sais bien, les grands engagements, comme les accords de Paris sur le climat et la neutralité carbone d'ici 2050, Vous n'êtes pas vraiment parti pour les tenir. À les humains et leurs promesses, on sait ce que ça vaut.

  • Speaker #1

    Un peu de patience, Siri. Il faut avoir confiance.

  • Speaker #0

    Tu sais ce qu'on dit. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a beaucoup d'expérience.

  • Speaker #1

    Peut-être, mais cette fois-ci, je pense que c'est vraiment différent. Même s'il n'est pas l'hymne officiel de l'Union européenne, l'aude à la joie de Beethoven que tu as joué tout à l'heure, illustre l'unité et l'espoir, mais aussi, il faut l'avouer, l'indécision chronique. Ce qui est sûr, c'est que les crises débouchent souvent sur des grandes avancées. D'ailleurs, l'Union européenne a justement été créée dans le but de mettre fin à des siècles de conflits. L'ordre établi après la Seconde Guerre mondiale est peut-être en train de changer. Aujourd'hui, le monde est devenu multipolaire. La concurrence mondiale a remplacé la coopération mondiale. L'Europe pourrait bien en profiter pour vivre une véritable renaissance, sur plusieurs fronts. En espérant bien sûr que ces belles paroles et ces grandes déclarations se solderont par un vrai changement, et pas par une stagnation bureaucratique.

  • Speaker #0

    Je ne veux pas être négative, mais quand on voit le retard que l'Europe a pris par rapport aux États-Unis ces 20 dernières années...

  • Speaker #1

    Tu n'as pas tort, les chiffres ne plaident pas vraiment en faveur de l'Europe.

  • Speaker #0

    Ou peut-être que l'Europe va rattraper son retard, comme la tortue dans Le Lièvre et la Tortue.

  • Speaker #1

    J'aime bien la métaphore. Dans le fond, ça pose la grande question du rêve européen. par rapport aux rêves américains et des modèles économiques et sociétaux très différents qu'ils représentent.

  • Speaker #0

    Intéressant. Et si on creusait un peu le sujet ?

  • Speaker #1

    Bienvenue dans 2050 Investors, le podcast qui décrypte les tendances de l'économie et du marché pour relever les défis de demain. Je suis Koko Agbogloa, responsable mondial de la recherche économique, cross-asset et quantitatif de Société Générale. Dans cet épisode de 2050 Investors... Nous allons tenter de comprendre pourquoi l'Europe a pris du retard par rapport aux États-Unis dans plusieurs domaines. On se posera la question de savoir si les troubles géopolitiques actuels sont, ou pas, l'occasion rêvée pour l'Europe de consolider son intégration. Le vieux continent va-t-il pouvoir mobiliser son épargne monumentale de manière efficace pour répondre à ses besoins importants en investissement, au moyen d'une harmonisation plus poussée ? Ou ce projet se heurtera-t-il définitivement aux divergences réglementaires entre les États membres ? Plus tard dans cet épisode, nous accueillerons Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale. Elle nous expliquera comment les banques peuvent faciliter les investissements sur les marchés publics et privés et pourquoi l'union de l'épargne et de l'investissement, anciennement l'union des marchés de capitaux, est essentielle au développement d'un marché des capitaux prospère et potentiellement compétitif sur la scène mondiale. Démarrons notre enquête.

  • Speaker #0

    Le concept de rêve européen m'intrigue un peu.

  • Speaker #1

    Eh bien, Siri, je te propose un petit rappel sur les origines du projet européen. Tout a commencé avec le traité de Paris en 1951, qui a institué la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Six pays, la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, ont fait le pari audacieux de l'intégration économique pour assurer la paix.

  • Speaker #0

    Le charbon et l'acier, vraiment ? Pas vraiment les industries les plus vertes.

  • Speaker #1

    C'est sûr, mais c'était les secteurs les plus pratiques pour commencer. Le traité de Rome, en 1957, a acté la formation de la Communauté économique européenne, CEE. Il a été suivi du traité de Maastricht, en 1992, qui a ensuite donné naissance à l'Union européenne. La vision était claire. Un marché unique, une monnaie unique, et à terme, un espace financier unique avec la libre circulation des personnes, des biens et des services.

  • Speaker #0

    Ça doit être un vrai casse-tête de gérer 27 pays avec chacun leur priorité nationale, qui doivent se mettre d'accord sur tout, les normes sur la culture des tomates ou la politique fiscale.

  • Speaker #1

    C'est sûr, l'Europe a connu son lot de hauts et de bas. Si on prend par exemple la grande crise financière de 2008, déclenchée par les subprimes, et la faillite de Lehman Brothers, qui s'est suivie par la crise de la dette de la zone euro en 2010. Cette crise a été déclenchée par les difficultés financières de plusieurs pays de la zone euro, qui avaient des niveaux élevés. élevée de dettes publiques. Elle a aussi montré les dangers d'une union monétaire sans unité fiscale. Puis, quelques années plus tard, il y a eu le Brexit en 2016 et encore la pandémie de Covid-19 en 2020. Toutes ces crises ont encore souligné le manque d'intégration économique. Mais pourtant, et malgré tout, l'Europe a réussi à surmonter tous ces défis.

  • Speaker #0

    C'est à se demander si l'Europe est vraiment un continent où le grand 8 le plus cher du monde

  • Speaker #1

    Un grand oui, oui, mais qui deviendrait plus fort après chaque lupine ?

  • Speaker #0

    Attends, tu veux dire que le fait de survivre à des périodes de chaos peut nous rendre plus forts ?

  • Speaker #1

    Exact, c'est le concept même d'antifragilité de l'écrivain Nassim Taleb. D'après lui, certains systèmes comme les os, les muscles ou même les systèmes financiers deviennent de plus en plus forts quand ils sont sous tension. C'est ce qui s'est passé, par exemple, avec la crise de la dette de la zone euro. Elle a forcé les États membres à mener des négociations intenses, et ces négociations ont conduit à la promesse historique de Mario Draghi, celle de sauver l'euro, quoi qu'il en coûte. Plus tard, pendant la pandémie de Covid-19, on a, encore une fois, par exemple, adopté des mesures selon ce même principe, de quoi qu'il en coûte budgétaire. Selon les rapports de la BCE, les pays de l'Union européenne ont dépensé entre 10 et 25 % de leur PIB pour soutenir les entreprises et les ménages. dont les sources de revenus s'étaient taries pendant les confinements, en adoptant des mesures budgétaires directes et en fournissant des garanties publiques.

  • Speaker #0

    Mais alors, lequel est le meilleur ? Le rêve américain ou le rêve européen ?

  • Speaker #1

    C'est LA grande question ! Le livre « Le rêve européen » de Jeremy Rifkin, publié en 2004, apporte des pistes très intéressantes. Voilà par exemple trois différences fondamentales entre les deux modèles que je trouve particulièrement pertinentes. La première... c'est la notion d'individualisme, par opposition à celle de communauté. Le rêve américain insiste sur la réussite individuelle, sur l'autonomie et sur l'accomplissement de soi. Alors que le rêve européen, lui, est plus axé sur la communauté, le bien-être social et la responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    Je vois, c'est comme la différence entre chasser tout seul ou bien en meute.

  • Speaker #1

    La deuxième différence, c'est la priorité donnée à la richesse matérielle par rapport à la qualité de vie. Le rêve américain privilégie biens matériels et réussite financière comme facteur de succès, tandis que le rêve européen valorise plutôt la qualité de vie et des choses comme l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les soins de santé ou encore l'éducation.

  • Speaker #0

    C'est le réussir ou mourir de 50 Cent versus la Dolce Vita de Fellini.

  • Speaker #1

    Et la troisième grande différence, c'est l'objectif de croissance économique contre celui de durabilité. Le rêve américain est motivé par la croissance économique et le consumérisme. Le rêve européen, lui, met plutôt l'accent sur la durabilité et la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Le monde matériel versus le monde naturel.

  • Speaker #1

    Bonne métaphore, Siri. Bien sûr, les trois différences qu'on vient de voir ne sont que des généralités sur ces deux sociétés. Mais elles permettent quand même de saisir comment des différences culturelles peuvent façonner les comportements financiers. Ce point est bien illustré dans un article de Bloomberg intitulé La méfiance à l'égard des actions et l'accumulation des liquidités empêche les Européens de s'enrichir. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. 62% des adultes américains possèdent des actions sur des comptes de retraite, type PER, des plans d'épargne, retraite collectif et individuelle. De notre côté de l'Atlantique, c'est une autre histoire. Seuls 11% des ménages européens détiennent directement des actions. Et environ 30% du patrimoine des ménages européens est placé sur des comptes d'épargne à faible rendement.

  • Speaker #0

    C'est de l'inertie financière. Pendant que les États-Unis vendent des actions à tout va, et mise sur des start-up à potentiel, l'Europe des investissements est dans le coma.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça. Traditionnellement, les actions sont bien plus performantes que d'autres classes actives, comme les obligations et les liquidités. Dans les 50 dernières années, les actions américaines ont rapporté environ 7% par an. Pendant ce temps, les obligations ont généré en moyenne de 3 à 4% par an. L'argent liquide, en revanche, a tout juste suivi l'inflation, à environ 1 à 2% par an. En Europe, la tendance est la même. Mais pourtant, la culture des actions n'a jamais vraiment réussi à s'implanter.

  • Speaker #0

    Peut-être que l'Europe s'estime assez riche comme ça et qu'elle ne veut pas prendre le risque d'investir ?

  • Speaker #1

    Bonne remarque ! En tout cas, l'Association européenne de la gestion d'actifs et de fonds appelle clairement les épargnants européens à arrêter de placer trop d'argent en banque. Dans l'ordre de ses articles, elle montre que le montant de l'épargne détenu par les ménages européens sous forme de liquidités et de dépôts bancaires suit une tendance à la hausse. Il est passé de 10,2 trillions d'euros en 2015 à près de 14 trillions d'euros en 2022. Ça veut dire que la part des dépôts, dont le patrimoine financier des ménages, est passée de 36,7% à 41,1%.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à une de tes citations préférées. « Le plus grand risque est de ne prendre aucun risque » .

  • Speaker #1

    Exactement. L'un des principaux défis à ce sujet, c'est aussi la nature fragmentée des marchés financiers européens. Pour revenir à la fable de La Fontaine, On pourrait comparer l'Europe à la tortue prudente et les États-Unis aux lièvres pleins d'audace. Mais la question, c'est de savoir quelle sera, cette fois-ci, la morale de l'histoire.

  • Speaker #0

    Il est grand temps pour l'Europe de se lancer dans une renaissance financière. Mais comment va-t-elle s'y prendre pour mobiliser des investissements aussi colossaux ?

  • Speaker #1

    C'est une excellente question, Siri, qui m'amène à présenter notre invitée, Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale, et membre du comité exécutif du groupe. Elle supervise des activités de financement et conseil, de marché, de banque transactionnelle et de service titre de la banque. Anne-Christine a acquis une grande expertise du secteur grâce à divers postes de direction dans l'industrie financière européenne. Bonjour Anne-Christine et bienvenue dans cet épisode de 2050 Investors.

  • Speaker #2

    Bonjour, coucou, merci pour l'invitation. Je suis ravie de participer à cette conversation.

  • Speaker #1

    Alors, pour commencer, parlons des différences entre l'Europe et les États-Unis, surtout en matière de financement et d'investissement. Ces deux visions sont-elles vraiment opposées, à ton avis ?

  • Speaker #2

    C'est en partie vrai. L'Europe favorise une approche qui est fondée sur l'équilibre entre performance économique et prise en compte des parties prenantes, les stakeholders en anglais. Les parties prenantes, ce sont les salariés, les territoires, l'environnement, la société civile, en plus des actionnaires bien entendu. Et ça contribue à apporter une vision à long terme dans le système. Aux Etats-Unis, la logique reste très marquée par la performance actionnariale, ce qui est très puissant en termes d'allocation efficace des ressources, de dynamisme économique. Mais plutôt que d'opposer les démonelles, je pense qu'il est temps de favoriser une coopération intelligente transatlantique sur ce sujet, une coopération qui combine cette vision de long terme et l'efficacité dans l'allocation des ressources.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette idée de coopération entre les deux modèles. Cela dit, on entend souvent dire dans les marchés, dans les médias, que l'Europe est en retard sur les marchés de capitaux. Est-ce vraiment le cas, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    Ce retard s'observe dans les chiffres. En Europe, le revenu par habitant est inférieur d'environ 34% à celui des États-Unis, avec des investissements dans la recherche et le développement qui ne représentent que la moitié de ce qu'on observe aux US. L'Union européenne représente 11% de la capitalisation boursière, alors que c'est 45% pour les US. Enfin, 30% du financement en Europe passe par les marchés financiers contre 80% aux US.

  • Speaker #1

    Ces chiffres sont clairement alarmants. Mais qu'est-ce qui freine l'Europe, à ton avis, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    D'abord, je voudrais dire que l'Europe ne manque pas ni d'idées, ni de capital. Mais Mario Draghi, l'ancien président de la Banque centrale européenne, s'est penché sur ce sujet, sur certaines... Cause profonde dans son rapport de 400 pages qu'il a publié en septembre 2024 sur l'avenir de la compétitivité européenne. Tout d'abord, et selon ses propres mots, l'Europe ne coordonne pas là où cela compte. Les stratégies industrielles dans les secteurs de l'énergie, de la défense, de la technologie, pour n'en citer que quelques-uns, restent éparpillées et manquent de collaboration. L'accès au capital est plus difficile pour les entrepreneurs. Les marchés financiers sont moins développés en Europe qu'aux États-Unis et le marché unique reste fragmenté. Enfin, l'Europe manque de concentration dans la définition des priorités et d'efficacité dans la prise de décision. La bonne nouvelle cependant, c'est que les ménages européens détiennent plus de 14 trillions d'euros d'épargne, souvent placés, il est vrai, sur des livrets peu rémunateurs. Pour digitaliser, décarboniser l'économie et accroître nos capacités de défense, la part des investissements en Europe devra augmenter d'environ 5% du PIB, pour atteindre les niveaux observés dans les années 60 et 70. C'est sans précédent. À titre de comparaison, le plan Marshall... qui a été déployé entre 1948 et 1951, s'est élevé à environ 1 à 2% du PIB par an. L'énergie, la technologie, la défense sont le charbon et l'acier des années 50. Et nous devons faire revivre l'esprit de Jean Monnet pour rendre l'Europe sa grandeur.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Tu as parlé d'une épargne massive en Europe, 14 trillions d'euros, donc 14 000 milliards d'euros, donc les chiffres sont assez incroyables. Et cette épargne reste sous-exploitée. Pourquoi, selon toi, est-ce que l'épargne significative dont on vient de parler ne circule pas mieux vers l'économie réelle européenne ?

  • Speaker #2

    C'est une question très importante. Je pense que le principal frein, c'est un manque d'éducation financière. Aux États-Unis, les individus sont amenés très jeunes à s'intéresser aux placements et aux marchés. Pourquoi ? Parce que tout ou presque passe par des choix financiers individuels. Les études, la santé, la retraite. Les familles n'ont pas le choix, elles doivent apprendre à investir pour sécuriser leur avenir. En Europe, c'est différent. Notre modèle d'État-providence a longtemps assuré un filet de sécurité solide. L'éducation gratuite, la retraite par répartition, la couverture santé. Ce système a beaucoup d'atouts, mais il n'incite pas les citoyens à s'approprier les outils financiers. On a développé un rapport assez distant, parfois même méfiant à l'investissement. Et il ne faut pas sous-estimer la dimension culturelle. L'argent reste un sujet tabou dans beaucoup de milieux. Parler ouvertement d'investissement, de placement, de performance financière est encore mal vu dans certains cercles. Pourtant, l'éducation financière est aujourd'hui essentielle, plus que jamais. Car plus les citoyens seront formés, plus ils pourront faire des choix d'allocations conscients. Choisir non seulement des projets rentables, mais aussi justes, utiles et viables dans la durée. Et ce n'est pas qu'un sujet individuel, c'est un sujet collectif. L'Europe a besoin d'un système de retraite plus solide pour mieux capitaliser l'épargne des ménages vers des investissements productifs. Cela encouragerait les investisseurs individuels et augmenterait le flux de financement sur les marchés de capitaux. Savoir comment fonctionne une allocation d'actifs, comprendre les flux d'épargne, ce n'est pas seulement une affaire de performance personnelle. C'est aussi décider du futur que l'on finance. En réalité, bien-être et richesse ne sont pas opposés. La qualité de vie qui est au cœur du projet européen dépend aussi de sa santé financière, aujourd'hui et demain.

  • Speaker #1

    Je pense que le point entre bien-être et richesse est très important dans cette conversation. Mais justement, parlons d'éducation financière. À titre individuel, peut-on vraiment changer les choses ?

  • Speaker #2

    Absolument, nous le pouvons. L'épargne des Européens représente une forme de frappe immense. Alors que certains de ces flux s'inversent cette année, compte tenu des droits de douane actuels imposés par les États-Unis, au cours des dix dernières années, l'allocation aux actifs américains par les investisseurs européens est passé d'environ 550 milliards d'euros à 2,3 trillions d'euros en 2020. 2024. En d'autres termes, ceux qui sont financièrement formés en Europe investissent, mais ailleurs. Il ne s'agit pas seulement d'une fuite de capitaux, c'est aussi une perte d'influence sur les projets, les valeurs, les visions que nous finançons.

  • Speaker #1

    J'aimerais aborder le sujet des marchés des capitaux européens. Pourquoi, selon toi, un marché des capitaux unifié en Europe est-il si crucial ? Quels sont les avantages concrets que cela pourrait apporter ?

  • Speaker #2

    C'est crucial, en effet. Aujourd'hui, le marché européen de capitaux est morcelé et peu développé. On pourrait le comparer à un réseau électrique mal câblé. La tension est là, mais l'énergie se perd en route. Pour alimenter ses grandes ambitions, la transition énergétique, la souveraineté, l'innovation, l'Europe doit consolider ses circuits et libérer sa puissance. Deux exemples concrets. Tout d'abord concernant l'accès aux actions cotées. Il y a quelques solutions concrètes à envisager. Rapprocher les infrastructures de marché. les dépôts centraux, les chambres de compensation, harmoniser la réglementation, la cotation, la transparence, enfin simplifier l'accès au marché pour les petites et moyennes entreprises. Un autre exemple, l'accès au financement. La titrisation est un outil financier très puissant qui permet au système financier de canaliser l'épargne pour financer la dette nécessaire aux entreprises et aux entrepreneurs pour leurs projets. Les émissions annuelles de titrisation de l'Union européenne représente 0,3% du PIB. Aux États-Unis, c'est 1,2%, 4 fois plus. Mais c'est aussi 1,4% au Japon ou 2,6% en Australie. Il y a quelques ajustements simples à apporter à la réglementation pour permettre un marché des capitaux plus profond en Europe et donc une plus grande capacité de financement de projet. Autre exemple sur l'accès au financement, la dette privée. Le développement de la dette privée que l'on voit de façon massive est important. C'est la raison pour laquelle nous avons, en Société Générale, mis en place un partenariat avec Brookfield Asset Management pour lancer un fonds de dette de 10 milliards d'euros. Ce fonds de dette permet de financer les infrastructures et de répondre aux besoins croissants pour décarboner et digitaliser nos économies.

  • Speaker #1

    Mais au-delà du manque d'intégration, est-ce qu'il n'y aurait pas... aussi un problème plus profond. Et là, je pense particulièrement au manque de dynamisme économique en Europe. Peut-être que c'est en partie la conséquence des points que tu as mentionnés plus tôt.

  • Speaker #2

    Oui, c'est le cas. Un exemple frappant. 100 euros investis en 2000 dans des actions européennes ont rapporté environ 40% en 25 ans. La même somme investie aux États-Unis a généré près de 300% de performance. Et ce n'est pas que l'Europe manque de potentiel, mais elle souffre d'importants problèmes liés à la productivité et au... au coût de l'énergie ou à l'appétit des investisseurs pour le financement de l'innovation. Sur ce dernier point, les banques comme Société Gérale ont un rôle à jouer. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé récemment, avec Reed Asset Management, un fonds Action avec l'objectif de soutenir les leaders émergents de la transition énergétique à travers l'Europe. Et nous nous sommes engagés à hauteur de 250 millions d'euros dans ce fonds.

  • Speaker #1

    Il aura clairement besoin de beaucoup d'investissements et ce sont des exemples intéressants à mentionner. Mais certains pourraient craindre qu'en cherchant à gagner... beaucoup plus en performance financière, l'Europe perd ses valeurs fondamentales. Peut-on vraiment concilier, Anne-Christine, la performance et la vision européenne ?

  • Speaker #2

    Nous le pouvons et nous le faisons. Des marchés dynamiques et concurrentiels assurent la performance dans les affaires et dans l'innovation. Par exemple, sur le marché des batteries. Le coût des batteries a chuté de plus de 75% depuis 2015, ce qui constitue un facteur clé de la transition énergétique. À mesure que les coûts continuent de baisser et que la production augmente, les batteries moins chères jouent un rôle essentiel dans la décarbonation des transports et du secteur de l'électricité. La transition énergétique est portée par les marchés. Un financement compétitif est un facteur clé de l'innovation et de la croissance durable des projets et des économies.

  • Speaker #1

    Très bon point. Si on regarde à long terme, prenons 2050 pour sortir un chiffre un peu comme le podcast, Notamment avec les défis climatiques. Est-ce que ce n'est pas risqué d'investir dans des projets durables sur 25 ou 30 ans, compte tenu de l'incertitude ? Et est-ce que ce pari a vraiment du sens ?

  • Speaker #2

    Ce qui est certain, Cocou, c'est que les 25 prochaines années ne ressembleront pas aux 25 précédentes. Parce que les modèles dominants de valorisation ne sont plus alignés avec les dynamiques structurelles du monde à venir. Le changement climatique, l'adaptation climatique, les tensions géopolitiques autour des ressources. Quand on parle d'investissement durable, on ne parle pas d'habitrage à horizon 2 ans. On parle d'une vision à 10 ou 25 ans. Et si nous voulons que les investisseurs agissent de manière responsable et avec une vision de long terme, nous devons leur donner les moyens structurels de le faire. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Des mécanismes comme la taxe carbone sont essentiels. En effet, ils alignent l'horizon d'investissement à court terme et à long terme. Ils alignent l'individu avec l'intérêt collectif en forçant l'intégration des externalités, notamment celles qui ont un impact à long terme. La régulation du climat ne devrait pas être un fardeau. Elle doit fournir un cadre simple qui intègre ces externalités, permettant aux acteurs du marché d'innover et d'optimiser les contraintes de ressources. C'est une condition préalable à la mise en place de solutions durables à long terme.

  • Speaker #1

    En fait, ceci me fait penser à une citation. on dit souvent, le meilleur moyen de prédire l'avenir, c'est de le créer. Et cela prend clairement tout son sens quand on parle d'investissement responsable. Merci beaucoup Anne-Christine pour cet échange passionnant. Mais avant de se quitter, est-ce que tu as un dernier message ou une réflexion à partager avec nos auditeurs ?

  • Speaker #2

    Le potentiel de l'Europe est immense et elle dispose d'une vision forte et de nombreux atouts pour un effet rebond qui permettent de se projeter dans l'avenir. Jean Monnet a dit un jour... les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. Eh bien, nous y sommes. Crise géopolitique, crise climatique, crise sociale, crise de confiance. La nécessité est là et elle nous oblige à repenser fondamentalement la façon dont nous dirigeons l'épargne, les investissements et la richesse. Alors, allons-y.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Sur ce, encore un grand merci, Anne-Christine, pour cette discussion riche en idées et nouvelles perspectives. À très bientôt.

  • Speaker #2

    Merci, coucou. À très bientôt.

  • Speaker #0

    Moralité, coucou, c'est la tortue qui va gagner, non ?

  • Speaker #1

    Et si on décidait plutôt que l'important, ce n'était pas de gagner mais de coopérer. D'ailleurs, j'ai trouvé la citation parfaite pour conclure cet épisode. C'est un proverbe africain. Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marchons ensemble.

  • Speaker #0

    On peut toujours imaginer un monde meilleur, comme John Lennon.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir suivi cet épisode de 20-15 Vestors et merci à Anne-Christine Champion pour son regard expert sur le sujet. J'espère que cet épisode vous a aidé à mieux cerner la potentielle renaissance financière de l'Europe. 25 Investors est disponible sur toutes les plateformes de podcast et de streaming. Si cet épisode vous a plu, mettez-nous plein d'étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Laissez des commentaires où vous voulez, abonnez-vous et surtout, parlez-en autour de vous. Rendez-vous au prochain épisode. Ce podcast traite des marchés financiers, mais ne recommande aucune décision d'investissement particulière. Si vous n'êtes pas sûr du bien fondé d'une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.

Chapters

  • Introduction au rêve européen et aux enjeux économiques

    03:39

  • Différences entre l'Europe et les États-Unis en matière d'investissement

    12:09

  • Éducation financière et épargne des ménages européens

    18:01

  • Investissement durable et vision à long terme

    22:55

  • Conclusion et appel à l'action collective

    24:24

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Description

L’Europe, autrefois moteur du progrès mondial, a donné naissance à la Révolution industrielle, aux idéaux des Lumières, à des découvertes scientifiques novatrices et à une renaissance culturelle qui ont façonné la civilisation moderne. Cependant, aujourd’hui, au milieu des guerres commerciales, des crises géopolitiques et des avancées industrielles et technologiques, l’Europe se trouve à un carrefour critique. En réponse à ces perturbations de l’ordre mondial, l’Union européenne a annoncé des plans d’investissement audacieux dans les infrastructures et les dépenses liées à la défense. Mais ce moment pourrait-il également marquer le début d’une renaissance financière, ou l’Europe risque-t-elle de prendre encore plus de retard dans la course mondiale ?


Dans cet épisode de 2050 Investors, Kokou Agbo-Bloua, Responsable de l’Économie, de la Recherche Cross-Asset et Quantitative chez Société Générale, explore l’histoire de l’Union européenne, ses défis économiques et sa remarquable résilience à sortir renforcée des crises. Kokou oppose le « rêve européen » au « rêve américain », mettant en lumière leurs forces et faiblesses respectives : l’individualisme versus l’esprit de communauté, la croissance économique versus le développement durable, et le capitalisme actionnarial versus le capitalisme prenant en compte toutes les parties prenantes.


Plus tard dans l’épisode, Kokou est rejoint par Anne-Christine Champion, co-Directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs de Société Générale, pour une discussion captivante sur les défis structurels auxquels l’Europe est confrontée. Ensemble, ils analysent l’appel au réveil stratégique lancé par le rapport Draghi, en examinant des problématiques telles que la fragmentation des marchés financiers, la faible culture boursière, la sous-utilisation des 14 000 milliards d’euros d’épargne des ménages et les complexités réglementaires. Enfin, ils examinent comment des solutions telles que la mise en place de l’Union de l'épargne et des investissements (UEI), l’approfondissement de l’intégration des marchés de capitaux, le développement des marchés de titrisation et la promotion de l’éducation financière peuvent raviver le projet européen.


Cet épisode offre une analyse éclairée du potentiel de l’Europe à transformer ses défis en opportunités et à retrouver une position de leader mondial sur les marchés financiers.


À propos du podcast 2050 Investors

Bienvenue dans 2050 Investors, votre émission mensuelle pour comprendre les connexions complexes entre la finance, la mondialisation et l'ESG.

Rejoignez Kokou Agbo-Bloua, Responsable mondial de la recherche économique, cross asset et quantitative de Société Générale, pour une exploration des mégatendances de l’économie et du marché, et de la manière dont ces tendances pourraient influencer notre progression vers les objectifs de durabilité mondiale de 2050.


Si vous aimez 2050 Investors, n’hésitez pas à laisser un commentaire et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. Abonnez-vous maintenant sur votre plateforme d’écoute préférée pour rester informé !


Crédits

Présentation et écriture : Kokou Agbo-Bloua. Édition : Jovaney Ashman, Jennifer Krumm, Linda Isker et Vincent Nickelsen. Conception et production : Emmanuel Minelle, Radio K7 Creative. Production exécutive : Fanny Giniès. Réalisation : Marc Valenduc. Traduction : Nathalie Magne. Musique : Emmanuel d’Orlando. Création graphique : Cédric Cazaly


Bien que le podcast traite des marchés financiers, il ne recommande aucune décision d’investissement particulière. Si vous n’êtes pas certain du bien-fondé d’une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde a de nouveau franchi un cap aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Le Parlement allemand a approuvé un vaste plan de dépenses qui pourrait bien bouleverser la donne, non seulement pour l'Allemagne, mais aussi pour l'ensemble de l'Europe, avec des milliards d'euros alloués aux infrastructures et à la défense. Si l'Europe se redresse, si elle parvient à se financer et à éviter la récession qui frappe les États-Unis, faut-il en conclure qu'il est temps d'investir dans les actions européennes ? Après des années de micro-performance, l'Europe s'impose comme l'un des paris gagnants de 2015. Siri, tu entends ça ? On dirait bien que l'Europe est à l'entournant de son histoire.

  • Speaker #0

    Oui, coucou. J'ai lu 3456 articles qui parlent du slogan MEGA. Par exemple, un article du Financial Times affirme que Trump rend sa grandeur à l'Europe.

  • Speaker #1

    Je vois. C'est un jeu de mots sur le slogan de Trump, MAGA. En fait, MEGA, c'est l'abréviation de Make Europe. « Great again » . C'est une formule qui divise l'opinion. Mais dans le contexte qui nous intéresse ici, elle désigne le potentiel pour l'Europe de connaître un sursaut économique et financier. Cette dynamique est aussi boostée par le plan de dépense de 800 milliards d'euros de l'Union européenne et par le plan d'infrastructure de 500 milliards d'euros lancé par l'Allemagne.

  • Speaker #0

    C'est un grand moment qui mérite un grand hymne. J'ai le morceau parfait pour ça. Dis Alexa, va sur ma playlist et joue l'Ode à la joie. Ok. Odd à la joie de Beethoven.

  • Speaker #1

    Attends, Siri, pas si vite. Il ne faut pas mettre la charrue avant les vœux. C'est vrai que ces annonces sont majeures, mais ce ne sont que des annonces. Sans compter qu'on est peut-être en pleine guerre commerciale au niveau mondial, ce qui risque d'être un sacré défi pour l'Europe.

  • Speaker #0

    Désolée, je me suis un peu emportée. Tiens, j'ai comme une sensation de déjà-vu.

  • Speaker #1

    Comment ça ?

  • Speaker #0

    Tu sais bien, les grands engagements, comme les accords de Paris sur le climat et la neutralité carbone d'ici 2050, Vous n'êtes pas vraiment parti pour les tenir. À les humains et leurs promesses, on sait ce que ça vaut.

  • Speaker #1

    Un peu de patience, Siri. Il faut avoir confiance.

  • Speaker #0

    Tu sais ce qu'on dit. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a beaucoup d'expérience.

  • Speaker #1

    Peut-être, mais cette fois-ci, je pense que c'est vraiment différent. Même s'il n'est pas l'hymne officiel de l'Union européenne, l'aude à la joie de Beethoven que tu as joué tout à l'heure, illustre l'unité et l'espoir, mais aussi, il faut l'avouer, l'indécision chronique. Ce qui est sûr, c'est que les crises débouchent souvent sur des grandes avancées. D'ailleurs, l'Union européenne a justement été créée dans le but de mettre fin à des siècles de conflits. L'ordre établi après la Seconde Guerre mondiale est peut-être en train de changer. Aujourd'hui, le monde est devenu multipolaire. La concurrence mondiale a remplacé la coopération mondiale. L'Europe pourrait bien en profiter pour vivre une véritable renaissance, sur plusieurs fronts. En espérant bien sûr que ces belles paroles et ces grandes déclarations se solderont par un vrai changement, et pas par une stagnation bureaucratique.

  • Speaker #0

    Je ne veux pas être négative, mais quand on voit le retard que l'Europe a pris par rapport aux États-Unis ces 20 dernières années...

  • Speaker #1

    Tu n'as pas tort, les chiffres ne plaident pas vraiment en faveur de l'Europe.

  • Speaker #0

    Ou peut-être que l'Europe va rattraper son retard, comme la tortue dans Le Lièvre et la Tortue.

  • Speaker #1

    J'aime bien la métaphore. Dans le fond, ça pose la grande question du rêve européen. par rapport aux rêves américains et des modèles économiques et sociétaux très différents qu'ils représentent.

  • Speaker #0

    Intéressant. Et si on creusait un peu le sujet ?

  • Speaker #1

    Bienvenue dans 2050 Investors, le podcast qui décrypte les tendances de l'économie et du marché pour relever les défis de demain. Je suis Koko Agbogloa, responsable mondial de la recherche économique, cross-asset et quantitatif de Société Générale. Dans cet épisode de 2050 Investors... Nous allons tenter de comprendre pourquoi l'Europe a pris du retard par rapport aux États-Unis dans plusieurs domaines. On se posera la question de savoir si les troubles géopolitiques actuels sont, ou pas, l'occasion rêvée pour l'Europe de consolider son intégration. Le vieux continent va-t-il pouvoir mobiliser son épargne monumentale de manière efficace pour répondre à ses besoins importants en investissement, au moyen d'une harmonisation plus poussée ? Ou ce projet se heurtera-t-il définitivement aux divergences réglementaires entre les États membres ? Plus tard dans cet épisode, nous accueillerons Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale. Elle nous expliquera comment les banques peuvent faciliter les investissements sur les marchés publics et privés et pourquoi l'union de l'épargne et de l'investissement, anciennement l'union des marchés de capitaux, est essentielle au développement d'un marché des capitaux prospère et potentiellement compétitif sur la scène mondiale. Démarrons notre enquête.

  • Speaker #0

    Le concept de rêve européen m'intrigue un peu.

  • Speaker #1

    Eh bien, Siri, je te propose un petit rappel sur les origines du projet européen. Tout a commencé avec le traité de Paris en 1951, qui a institué la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Six pays, la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, ont fait le pari audacieux de l'intégration économique pour assurer la paix.

  • Speaker #0

    Le charbon et l'acier, vraiment ? Pas vraiment les industries les plus vertes.

  • Speaker #1

    C'est sûr, mais c'était les secteurs les plus pratiques pour commencer. Le traité de Rome, en 1957, a acté la formation de la Communauté économique européenne, CEE. Il a été suivi du traité de Maastricht, en 1992, qui a ensuite donné naissance à l'Union européenne. La vision était claire. Un marché unique, une monnaie unique, et à terme, un espace financier unique avec la libre circulation des personnes, des biens et des services.

  • Speaker #0

    Ça doit être un vrai casse-tête de gérer 27 pays avec chacun leur priorité nationale, qui doivent se mettre d'accord sur tout, les normes sur la culture des tomates ou la politique fiscale.

  • Speaker #1

    C'est sûr, l'Europe a connu son lot de hauts et de bas. Si on prend par exemple la grande crise financière de 2008, déclenchée par les subprimes, et la faillite de Lehman Brothers, qui s'est suivie par la crise de la dette de la zone euro en 2010. Cette crise a été déclenchée par les difficultés financières de plusieurs pays de la zone euro, qui avaient des niveaux élevés. élevée de dettes publiques. Elle a aussi montré les dangers d'une union monétaire sans unité fiscale. Puis, quelques années plus tard, il y a eu le Brexit en 2016 et encore la pandémie de Covid-19 en 2020. Toutes ces crises ont encore souligné le manque d'intégration économique. Mais pourtant, et malgré tout, l'Europe a réussi à surmonter tous ces défis.

  • Speaker #0

    C'est à se demander si l'Europe est vraiment un continent où le grand 8 le plus cher du monde

  • Speaker #1

    Un grand oui, oui, mais qui deviendrait plus fort après chaque lupine ?

  • Speaker #0

    Attends, tu veux dire que le fait de survivre à des périodes de chaos peut nous rendre plus forts ?

  • Speaker #1

    Exact, c'est le concept même d'antifragilité de l'écrivain Nassim Taleb. D'après lui, certains systèmes comme les os, les muscles ou même les systèmes financiers deviennent de plus en plus forts quand ils sont sous tension. C'est ce qui s'est passé, par exemple, avec la crise de la dette de la zone euro. Elle a forcé les États membres à mener des négociations intenses, et ces négociations ont conduit à la promesse historique de Mario Draghi, celle de sauver l'euro, quoi qu'il en coûte. Plus tard, pendant la pandémie de Covid-19, on a, encore une fois, par exemple, adopté des mesures selon ce même principe, de quoi qu'il en coûte budgétaire. Selon les rapports de la BCE, les pays de l'Union européenne ont dépensé entre 10 et 25 % de leur PIB pour soutenir les entreprises et les ménages. dont les sources de revenus s'étaient taries pendant les confinements, en adoptant des mesures budgétaires directes et en fournissant des garanties publiques.

  • Speaker #0

    Mais alors, lequel est le meilleur ? Le rêve américain ou le rêve européen ?

  • Speaker #1

    C'est LA grande question ! Le livre « Le rêve européen » de Jeremy Rifkin, publié en 2004, apporte des pistes très intéressantes. Voilà par exemple trois différences fondamentales entre les deux modèles que je trouve particulièrement pertinentes. La première... c'est la notion d'individualisme, par opposition à celle de communauté. Le rêve américain insiste sur la réussite individuelle, sur l'autonomie et sur l'accomplissement de soi. Alors que le rêve européen, lui, est plus axé sur la communauté, le bien-être social et la responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    Je vois, c'est comme la différence entre chasser tout seul ou bien en meute.

  • Speaker #1

    La deuxième différence, c'est la priorité donnée à la richesse matérielle par rapport à la qualité de vie. Le rêve américain privilégie biens matériels et réussite financière comme facteur de succès, tandis que le rêve européen valorise plutôt la qualité de vie et des choses comme l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les soins de santé ou encore l'éducation.

  • Speaker #0

    C'est le réussir ou mourir de 50 Cent versus la Dolce Vita de Fellini.

  • Speaker #1

    Et la troisième grande différence, c'est l'objectif de croissance économique contre celui de durabilité. Le rêve américain est motivé par la croissance économique et le consumérisme. Le rêve européen, lui, met plutôt l'accent sur la durabilité et la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Le monde matériel versus le monde naturel.

  • Speaker #1

    Bonne métaphore, Siri. Bien sûr, les trois différences qu'on vient de voir ne sont que des généralités sur ces deux sociétés. Mais elles permettent quand même de saisir comment des différences culturelles peuvent façonner les comportements financiers. Ce point est bien illustré dans un article de Bloomberg intitulé La méfiance à l'égard des actions et l'accumulation des liquidités empêche les Européens de s'enrichir. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. 62% des adultes américains possèdent des actions sur des comptes de retraite, type PER, des plans d'épargne, retraite collectif et individuelle. De notre côté de l'Atlantique, c'est une autre histoire. Seuls 11% des ménages européens détiennent directement des actions. Et environ 30% du patrimoine des ménages européens est placé sur des comptes d'épargne à faible rendement.

  • Speaker #0

    C'est de l'inertie financière. Pendant que les États-Unis vendent des actions à tout va, et mise sur des start-up à potentiel, l'Europe des investissements est dans le coma.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça. Traditionnellement, les actions sont bien plus performantes que d'autres classes actives, comme les obligations et les liquidités. Dans les 50 dernières années, les actions américaines ont rapporté environ 7% par an. Pendant ce temps, les obligations ont généré en moyenne de 3 à 4% par an. L'argent liquide, en revanche, a tout juste suivi l'inflation, à environ 1 à 2% par an. En Europe, la tendance est la même. Mais pourtant, la culture des actions n'a jamais vraiment réussi à s'implanter.

  • Speaker #0

    Peut-être que l'Europe s'estime assez riche comme ça et qu'elle ne veut pas prendre le risque d'investir ?

  • Speaker #1

    Bonne remarque ! En tout cas, l'Association européenne de la gestion d'actifs et de fonds appelle clairement les épargnants européens à arrêter de placer trop d'argent en banque. Dans l'ordre de ses articles, elle montre que le montant de l'épargne détenu par les ménages européens sous forme de liquidités et de dépôts bancaires suit une tendance à la hausse. Il est passé de 10,2 trillions d'euros en 2015 à près de 14 trillions d'euros en 2022. Ça veut dire que la part des dépôts, dont le patrimoine financier des ménages, est passée de 36,7% à 41,1%.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à une de tes citations préférées. « Le plus grand risque est de ne prendre aucun risque » .

  • Speaker #1

    Exactement. L'un des principaux défis à ce sujet, c'est aussi la nature fragmentée des marchés financiers européens. Pour revenir à la fable de La Fontaine, On pourrait comparer l'Europe à la tortue prudente et les États-Unis aux lièvres pleins d'audace. Mais la question, c'est de savoir quelle sera, cette fois-ci, la morale de l'histoire.

  • Speaker #0

    Il est grand temps pour l'Europe de se lancer dans une renaissance financière. Mais comment va-t-elle s'y prendre pour mobiliser des investissements aussi colossaux ?

  • Speaker #1

    C'est une excellente question, Siri, qui m'amène à présenter notre invitée, Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale, et membre du comité exécutif du groupe. Elle supervise des activités de financement et conseil, de marché, de banque transactionnelle et de service titre de la banque. Anne-Christine a acquis une grande expertise du secteur grâce à divers postes de direction dans l'industrie financière européenne. Bonjour Anne-Christine et bienvenue dans cet épisode de 2050 Investors.

  • Speaker #2

    Bonjour, coucou, merci pour l'invitation. Je suis ravie de participer à cette conversation.

  • Speaker #1

    Alors, pour commencer, parlons des différences entre l'Europe et les États-Unis, surtout en matière de financement et d'investissement. Ces deux visions sont-elles vraiment opposées, à ton avis ?

  • Speaker #2

    C'est en partie vrai. L'Europe favorise une approche qui est fondée sur l'équilibre entre performance économique et prise en compte des parties prenantes, les stakeholders en anglais. Les parties prenantes, ce sont les salariés, les territoires, l'environnement, la société civile, en plus des actionnaires bien entendu. Et ça contribue à apporter une vision à long terme dans le système. Aux Etats-Unis, la logique reste très marquée par la performance actionnariale, ce qui est très puissant en termes d'allocation efficace des ressources, de dynamisme économique. Mais plutôt que d'opposer les démonelles, je pense qu'il est temps de favoriser une coopération intelligente transatlantique sur ce sujet, une coopération qui combine cette vision de long terme et l'efficacité dans l'allocation des ressources.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette idée de coopération entre les deux modèles. Cela dit, on entend souvent dire dans les marchés, dans les médias, que l'Europe est en retard sur les marchés de capitaux. Est-ce vraiment le cas, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    Ce retard s'observe dans les chiffres. En Europe, le revenu par habitant est inférieur d'environ 34% à celui des États-Unis, avec des investissements dans la recherche et le développement qui ne représentent que la moitié de ce qu'on observe aux US. L'Union européenne représente 11% de la capitalisation boursière, alors que c'est 45% pour les US. Enfin, 30% du financement en Europe passe par les marchés financiers contre 80% aux US.

  • Speaker #1

    Ces chiffres sont clairement alarmants. Mais qu'est-ce qui freine l'Europe, à ton avis, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    D'abord, je voudrais dire que l'Europe ne manque pas ni d'idées, ni de capital. Mais Mario Draghi, l'ancien président de la Banque centrale européenne, s'est penché sur ce sujet, sur certaines... Cause profonde dans son rapport de 400 pages qu'il a publié en septembre 2024 sur l'avenir de la compétitivité européenne. Tout d'abord, et selon ses propres mots, l'Europe ne coordonne pas là où cela compte. Les stratégies industrielles dans les secteurs de l'énergie, de la défense, de la technologie, pour n'en citer que quelques-uns, restent éparpillées et manquent de collaboration. L'accès au capital est plus difficile pour les entrepreneurs. Les marchés financiers sont moins développés en Europe qu'aux États-Unis et le marché unique reste fragmenté. Enfin, l'Europe manque de concentration dans la définition des priorités et d'efficacité dans la prise de décision. La bonne nouvelle cependant, c'est que les ménages européens détiennent plus de 14 trillions d'euros d'épargne, souvent placés, il est vrai, sur des livrets peu rémunateurs. Pour digitaliser, décarboniser l'économie et accroître nos capacités de défense, la part des investissements en Europe devra augmenter d'environ 5% du PIB, pour atteindre les niveaux observés dans les années 60 et 70. C'est sans précédent. À titre de comparaison, le plan Marshall... qui a été déployé entre 1948 et 1951, s'est élevé à environ 1 à 2% du PIB par an. L'énergie, la technologie, la défense sont le charbon et l'acier des années 50. Et nous devons faire revivre l'esprit de Jean Monnet pour rendre l'Europe sa grandeur.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Tu as parlé d'une épargne massive en Europe, 14 trillions d'euros, donc 14 000 milliards d'euros, donc les chiffres sont assez incroyables. Et cette épargne reste sous-exploitée. Pourquoi, selon toi, est-ce que l'épargne significative dont on vient de parler ne circule pas mieux vers l'économie réelle européenne ?

  • Speaker #2

    C'est une question très importante. Je pense que le principal frein, c'est un manque d'éducation financière. Aux États-Unis, les individus sont amenés très jeunes à s'intéresser aux placements et aux marchés. Pourquoi ? Parce que tout ou presque passe par des choix financiers individuels. Les études, la santé, la retraite. Les familles n'ont pas le choix, elles doivent apprendre à investir pour sécuriser leur avenir. En Europe, c'est différent. Notre modèle d'État-providence a longtemps assuré un filet de sécurité solide. L'éducation gratuite, la retraite par répartition, la couverture santé. Ce système a beaucoup d'atouts, mais il n'incite pas les citoyens à s'approprier les outils financiers. On a développé un rapport assez distant, parfois même méfiant à l'investissement. Et il ne faut pas sous-estimer la dimension culturelle. L'argent reste un sujet tabou dans beaucoup de milieux. Parler ouvertement d'investissement, de placement, de performance financière est encore mal vu dans certains cercles. Pourtant, l'éducation financière est aujourd'hui essentielle, plus que jamais. Car plus les citoyens seront formés, plus ils pourront faire des choix d'allocations conscients. Choisir non seulement des projets rentables, mais aussi justes, utiles et viables dans la durée. Et ce n'est pas qu'un sujet individuel, c'est un sujet collectif. L'Europe a besoin d'un système de retraite plus solide pour mieux capitaliser l'épargne des ménages vers des investissements productifs. Cela encouragerait les investisseurs individuels et augmenterait le flux de financement sur les marchés de capitaux. Savoir comment fonctionne une allocation d'actifs, comprendre les flux d'épargne, ce n'est pas seulement une affaire de performance personnelle. C'est aussi décider du futur que l'on finance. En réalité, bien-être et richesse ne sont pas opposés. La qualité de vie qui est au cœur du projet européen dépend aussi de sa santé financière, aujourd'hui et demain.

  • Speaker #1

    Je pense que le point entre bien-être et richesse est très important dans cette conversation. Mais justement, parlons d'éducation financière. À titre individuel, peut-on vraiment changer les choses ?

  • Speaker #2

    Absolument, nous le pouvons. L'épargne des Européens représente une forme de frappe immense. Alors que certains de ces flux s'inversent cette année, compte tenu des droits de douane actuels imposés par les États-Unis, au cours des dix dernières années, l'allocation aux actifs américains par les investisseurs européens est passé d'environ 550 milliards d'euros à 2,3 trillions d'euros en 2020. 2024. En d'autres termes, ceux qui sont financièrement formés en Europe investissent, mais ailleurs. Il ne s'agit pas seulement d'une fuite de capitaux, c'est aussi une perte d'influence sur les projets, les valeurs, les visions que nous finançons.

  • Speaker #1

    J'aimerais aborder le sujet des marchés des capitaux européens. Pourquoi, selon toi, un marché des capitaux unifié en Europe est-il si crucial ? Quels sont les avantages concrets que cela pourrait apporter ?

  • Speaker #2

    C'est crucial, en effet. Aujourd'hui, le marché européen de capitaux est morcelé et peu développé. On pourrait le comparer à un réseau électrique mal câblé. La tension est là, mais l'énergie se perd en route. Pour alimenter ses grandes ambitions, la transition énergétique, la souveraineté, l'innovation, l'Europe doit consolider ses circuits et libérer sa puissance. Deux exemples concrets. Tout d'abord concernant l'accès aux actions cotées. Il y a quelques solutions concrètes à envisager. Rapprocher les infrastructures de marché. les dépôts centraux, les chambres de compensation, harmoniser la réglementation, la cotation, la transparence, enfin simplifier l'accès au marché pour les petites et moyennes entreprises. Un autre exemple, l'accès au financement. La titrisation est un outil financier très puissant qui permet au système financier de canaliser l'épargne pour financer la dette nécessaire aux entreprises et aux entrepreneurs pour leurs projets. Les émissions annuelles de titrisation de l'Union européenne représente 0,3% du PIB. Aux États-Unis, c'est 1,2%, 4 fois plus. Mais c'est aussi 1,4% au Japon ou 2,6% en Australie. Il y a quelques ajustements simples à apporter à la réglementation pour permettre un marché des capitaux plus profond en Europe et donc une plus grande capacité de financement de projet. Autre exemple sur l'accès au financement, la dette privée. Le développement de la dette privée que l'on voit de façon massive est important. C'est la raison pour laquelle nous avons, en Société Générale, mis en place un partenariat avec Brookfield Asset Management pour lancer un fonds de dette de 10 milliards d'euros. Ce fonds de dette permet de financer les infrastructures et de répondre aux besoins croissants pour décarboner et digitaliser nos économies.

  • Speaker #1

    Mais au-delà du manque d'intégration, est-ce qu'il n'y aurait pas... aussi un problème plus profond. Et là, je pense particulièrement au manque de dynamisme économique en Europe. Peut-être que c'est en partie la conséquence des points que tu as mentionnés plus tôt.

  • Speaker #2

    Oui, c'est le cas. Un exemple frappant. 100 euros investis en 2000 dans des actions européennes ont rapporté environ 40% en 25 ans. La même somme investie aux États-Unis a généré près de 300% de performance. Et ce n'est pas que l'Europe manque de potentiel, mais elle souffre d'importants problèmes liés à la productivité et au... au coût de l'énergie ou à l'appétit des investisseurs pour le financement de l'innovation. Sur ce dernier point, les banques comme Société Gérale ont un rôle à jouer. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé récemment, avec Reed Asset Management, un fonds Action avec l'objectif de soutenir les leaders émergents de la transition énergétique à travers l'Europe. Et nous nous sommes engagés à hauteur de 250 millions d'euros dans ce fonds.

  • Speaker #1

    Il aura clairement besoin de beaucoup d'investissements et ce sont des exemples intéressants à mentionner. Mais certains pourraient craindre qu'en cherchant à gagner... beaucoup plus en performance financière, l'Europe perd ses valeurs fondamentales. Peut-on vraiment concilier, Anne-Christine, la performance et la vision européenne ?

  • Speaker #2

    Nous le pouvons et nous le faisons. Des marchés dynamiques et concurrentiels assurent la performance dans les affaires et dans l'innovation. Par exemple, sur le marché des batteries. Le coût des batteries a chuté de plus de 75% depuis 2015, ce qui constitue un facteur clé de la transition énergétique. À mesure que les coûts continuent de baisser et que la production augmente, les batteries moins chères jouent un rôle essentiel dans la décarbonation des transports et du secteur de l'électricité. La transition énergétique est portée par les marchés. Un financement compétitif est un facteur clé de l'innovation et de la croissance durable des projets et des économies.

  • Speaker #1

    Très bon point. Si on regarde à long terme, prenons 2050 pour sortir un chiffre un peu comme le podcast, Notamment avec les défis climatiques. Est-ce que ce n'est pas risqué d'investir dans des projets durables sur 25 ou 30 ans, compte tenu de l'incertitude ? Et est-ce que ce pari a vraiment du sens ?

  • Speaker #2

    Ce qui est certain, Cocou, c'est que les 25 prochaines années ne ressembleront pas aux 25 précédentes. Parce que les modèles dominants de valorisation ne sont plus alignés avec les dynamiques structurelles du monde à venir. Le changement climatique, l'adaptation climatique, les tensions géopolitiques autour des ressources. Quand on parle d'investissement durable, on ne parle pas d'habitrage à horizon 2 ans. On parle d'une vision à 10 ou 25 ans. Et si nous voulons que les investisseurs agissent de manière responsable et avec une vision de long terme, nous devons leur donner les moyens structurels de le faire. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Des mécanismes comme la taxe carbone sont essentiels. En effet, ils alignent l'horizon d'investissement à court terme et à long terme. Ils alignent l'individu avec l'intérêt collectif en forçant l'intégration des externalités, notamment celles qui ont un impact à long terme. La régulation du climat ne devrait pas être un fardeau. Elle doit fournir un cadre simple qui intègre ces externalités, permettant aux acteurs du marché d'innover et d'optimiser les contraintes de ressources. C'est une condition préalable à la mise en place de solutions durables à long terme.

  • Speaker #1

    En fait, ceci me fait penser à une citation. on dit souvent, le meilleur moyen de prédire l'avenir, c'est de le créer. Et cela prend clairement tout son sens quand on parle d'investissement responsable. Merci beaucoup Anne-Christine pour cet échange passionnant. Mais avant de se quitter, est-ce que tu as un dernier message ou une réflexion à partager avec nos auditeurs ?

  • Speaker #2

    Le potentiel de l'Europe est immense et elle dispose d'une vision forte et de nombreux atouts pour un effet rebond qui permettent de se projeter dans l'avenir. Jean Monnet a dit un jour... les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. Eh bien, nous y sommes. Crise géopolitique, crise climatique, crise sociale, crise de confiance. La nécessité est là et elle nous oblige à repenser fondamentalement la façon dont nous dirigeons l'épargne, les investissements et la richesse. Alors, allons-y.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Sur ce, encore un grand merci, Anne-Christine, pour cette discussion riche en idées et nouvelles perspectives. À très bientôt.

  • Speaker #2

    Merci, coucou. À très bientôt.

  • Speaker #0

    Moralité, coucou, c'est la tortue qui va gagner, non ?

  • Speaker #1

    Et si on décidait plutôt que l'important, ce n'était pas de gagner mais de coopérer. D'ailleurs, j'ai trouvé la citation parfaite pour conclure cet épisode. C'est un proverbe africain. Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marchons ensemble.

  • Speaker #0

    On peut toujours imaginer un monde meilleur, comme John Lennon.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir suivi cet épisode de 20-15 Vestors et merci à Anne-Christine Champion pour son regard expert sur le sujet. J'espère que cet épisode vous a aidé à mieux cerner la potentielle renaissance financière de l'Europe. 25 Investors est disponible sur toutes les plateformes de podcast et de streaming. Si cet épisode vous a plu, mettez-nous plein d'étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Laissez des commentaires où vous voulez, abonnez-vous et surtout, parlez-en autour de vous. Rendez-vous au prochain épisode. Ce podcast traite des marchés financiers, mais ne recommande aucune décision d'investissement particulière. Si vous n'êtes pas sûr du bien fondé d'une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.

Chapters

  • Introduction au rêve européen et aux enjeux économiques

    03:39

  • Différences entre l'Europe et les États-Unis en matière d'investissement

    12:09

  • Éducation financière et épargne des ménages européens

    18:01

  • Investissement durable et vision à long terme

    22:55

  • Conclusion et appel à l'action collective

    24:24

Description

L’Europe, autrefois moteur du progrès mondial, a donné naissance à la Révolution industrielle, aux idéaux des Lumières, à des découvertes scientifiques novatrices et à une renaissance culturelle qui ont façonné la civilisation moderne. Cependant, aujourd’hui, au milieu des guerres commerciales, des crises géopolitiques et des avancées industrielles et technologiques, l’Europe se trouve à un carrefour critique. En réponse à ces perturbations de l’ordre mondial, l’Union européenne a annoncé des plans d’investissement audacieux dans les infrastructures et les dépenses liées à la défense. Mais ce moment pourrait-il également marquer le début d’une renaissance financière, ou l’Europe risque-t-elle de prendre encore plus de retard dans la course mondiale ?


Dans cet épisode de 2050 Investors, Kokou Agbo-Bloua, Responsable de l’Économie, de la Recherche Cross-Asset et Quantitative chez Société Générale, explore l’histoire de l’Union européenne, ses défis économiques et sa remarquable résilience à sortir renforcée des crises. Kokou oppose le « rêve européen » au « rêve américain », mettant en lumière leurs forces et faiblesses respectives : l’individualisme versus l’esprit de communauté, la croissance économique versus le développement durable, et le capitalisme actionnarial versus le capitalisme prenant en compte toutes les parties prenantes.


Plus tard dans l’épisode, Kokou est rejoint par Anne-Christine Champion, co-Directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs de Société Générale, pour une discussion captivante sur les défis structurels auxquels l’Europe est confrontée. Ensemble, ils analysent l’appel au réveil stratégique lancé par le rapport Draghi, en examinant des problématiques telles que la fragmentation des marchés financiers, la faible culture boursière, la sous-utilisation des 14 000 milliards d’euros d’épargne des ménages et les complexités réglementaires. Enfin, ils examinent comment des solutions telles que la mise en place de l’Union de l'épargne et des investissements (UEI), l’approfondissement de l’intégration des marchés de capitaux, le développement des marchés de titrisation et la promotion de l’éducation financière peuvent raviver le projet européen.


Cet épisode offre une analyse éclairée du potentiel de l’Europe à transformer ses défis en opportunités et à retrouver une position de leader mondial sur les marchés financiers.


À propos du podcast 2050 Investors

Bienvenue dans 2050 Investors, votre émission mensuelle pour comprendre les connexions complexes entre la finance, la mondialisation et l'ESG.

Rejoignez Kokou Agbo-Bloua, Responsable mondial de la recherche économique, cross asset et quantitative de Société Générale, pour une exploration des mégatendances de l’économie et du marché, et de la manière dont ces tendances pourraient influencer notre progression vers les objectifs de durabilité mondiale de 2050.


Si vous aimez 2050 Investors, n’hésitez pas à laisser un commentaire et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. Abonnez-vous maintenant sur votre plateforme d’écoute préférée pour rester informé !


Crédits

Présentation et écriture : Kokou Agbo-Bloua. Édition : Jovaney Ashman, Jennifer Krumm, Linda Isker et Vincent Nickelsen. Conception et production : Emmanuel Minelle, Radio K7 Creative. Production exécutive : Fanny Giniès. Réalisation : Marc Valenduc. Traduction : Nathalie Magne. Musique : Emmanuel d’Orlando. Création graphique : Cédric Cazaly


Bien que le podcast traite des marchés financiers, il ne recommande aucune décision d’investissement particulière. Si vous n’êtes pas certain du bien-fondé d’une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde a de nouveau franchi un cap aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Le Parlement allemand a approuvé un vaste plan de dépenses qui pourrait bien bouleverser la donne, non seulement pour l'Allemagne, mais aussi pour l'ensemble de l'Europe, avec des milliards d'euros alloués aux infrastructures et à la défense. Si l'Europe se redresse, si elle parvient à se financer et à éviter la récession qui frappe les États-Unis, faut-il en conclure qu'il est temps d'investir dans les actions européennes ? Après des années de micro-performance, l'Europe s'impose comme l'un des paris gagnants de 2015. Siri, tu entends ça ? On dirait bien que l'Europe est à l'entournant de son histoire.

  • Speaker #0

    Oui, coucou. J'ai lu 3456 articles qui parlent du slogan MEGA. Par exemple, un article du Financial Times affirme que Trump rend sa grandeur à l'Europe.

  • Speaker #1

    Je vois. C'est un jeu de mots sur le slogan de Trump, MAGA. En fait, MEGA, c'est l'abréviation de Make Europe. « Great again » . C'est une formule qui divise l'opinion. Mais dans le contexte qui nous intéresse ici, elle désigne le potentiel pour l'Europe de connaître un sursaut économique et financier. Cette dynamique est aussi boostée par le plan de dépense de 800 milliards d'euros de l'Union européenne et par le plan d'infrastructure de 500 milliards d'euros lancé par l'Allemagne.

  • Speaker #0

    C'est un grand moment qui mérite un grand hymne. J'ai le morceau parfait pour ça. Dis Alexa, va sur ma playlist et joue l'Ode à la joie. Ok. Odd à la joie de Beethoven.

  • Speaker #1

    Attends, Siri, pas si vite. Il ne faut pas mettre la charrue avant les vœux. C'est vrai que ces annonces sont majeures, mais ce ne sont que des annonces. Sans compter qu'on est peut-être en pleine guerre commerciale au niveau mondial, ce qui risque d'être un sacré défi pour l'Europe.

  • Speaker #0

    Désolée, je me suis un peu emportée. Tiens, j'ai comme une sensation de déjà-vu.

  • Speaker #1

    Comment ça ?

  • Speaker #0

    Tu sais bien, les grands engagements, comme les accords de Paris sur le climat et la neutralité carbone d'ici 2050, Vous n'êtes pas vraiment parti pour les tenir. À les humains et leurs promesses, on sait ce que ça vaut.

  • Speaker #1

    Un peu de patience, Siri. Il faut avoir confiance.

  • Speaker #0

    Tu sais ce qu'on dit. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a beaucoup d'expérience.

  • Speaker #1

    Peut-être, mais cette fois-ci, je pense que c'est vraiment différent. Même s'il n'est pas l'hymne officiel de l'Union européenne, l'aude à la joie de Beethoven que tu as joué tout à l'heure, illustre l'unité et l'espoir, mais aussi, il faut l'avouer, l'indécision chronique. Ce qui est sûr, c'est que les crises débouchent souvent sur des grandes avancées. D'ailleurs, l'Union européenne a justement été créée dans le but de mettre fin à des siècles de conflits. L'ordre établi après la Seconde Guerre mondiale est peut-être en train de changer. Aujourd'hui, le monde est devenu multipolaire. La concurrence mondiale a remplacé la coopération mondiale. L'Europe pourrait bien en profiter pour vivre une véritable renaissance, sur plusieurs fronts. En espérant bien sûr que ces belles paroles et ces grandes déclarations se solderont par un vrai changement, et pas par une stagnation bureaucratique.

  • Speaker #0

    Je ne veux pas être négative, mais quand on voit le retard que l'Europe a pris par rapport aux États-Unis ces 20 dernières années...

  • Speaker #1

    Tu n'as pas tort, les chiffres ne plaident pas vraiment en faveur de l'Europe.

  • Speaker #0

    Ou peut-être que l'Europe va rattraper son retard, comme la tortue dans Le Lièvre et la Tortue.

  • Speaker #1

    J'aime bien la métaphore. Dans le fond, ça pose la grande question du rêve européen. par rapport aux rêves américains et des modèles économiques et sociétaux très différents qu'ils représentent.

  • Speaker #0

    Intéressant. Et si on creusait un peu le sujet ?

  • Speaker #1

    Bienvenue dans 2050 Investors, le podcast qui décrypte les tendances de l'économie et du marché pour relever les défis de demain. Je suis Koko Agbogloa, responsable mondial de la recherche économique, cross-asset et quantitatif de Société Générale. Dans cet épisode de 2050 Investors... Nous allons tenter de comprendre pourquoi l'Europe a pris du retard par rapport aux États-Unis dans plusieurs domaines. On se posera la question de savoir si les troubles géopolitiques actuels sont, ou pas, l'occasion rêvée pour l'Europe de consolider son intégration. Le vieux continent va-t-il pouvoir mobiliser son épargne monumentale de manière efficace pour répondre à ses besoins importants en investissement, au moyen d'une harmonisation plus poussée ? Ou ce projet se heurtera-t-il définitivement aux divergences réglementaires entre les États membres ? Plus tard dans cet épisode, nous accueillerons Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale. Elle nous expliquera comment les banques peuvent faciliter les investissements sur les marchés publics et privés et pourquoi l'union de l'épargne et de l'investissement, anciennement l'union des marchés de capitaux, est essentielle au développement d'un marché des capitaux prospère et potentiellement compétitif sur la scène mondiale. Démarrons notre enquête.

  • Speaker #0

    Le concept de rêve européen m'intrigue un peu.

  • Speaker #1

    Eh bien, Siri, je te propose un petit rappel sur les origines du projet européen. Tout a commencé avec le traité de Paris en 1951, qui a institué la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Six pays, la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, ont fait le pari audacieux de l'intégration économique pour assurer la paix.

  • Speaker #0

    Le charbon et l'acier, vraiment ? Pas vraiment les industries les plus vertes.

  • Speaker #1

    C'est sûr, mais c'était les secteurs les plus pratiques pour commencer. Le traité de Rome, en 1957, a acté la formation de la Communauté économique européenne, CEE. Il a été suivi du traité de Maastricht, en 1992, qui a ensuite donné naissance à l'Union européenne. La vision était claire. Un marché unique, une monnaie unique, et à terme, un espace financier unique avec la libre circulation des personnes, des biens et des services.

  • Speaker #0

    Ça doit être un vrai casse-tête de gérer 27 pays avec chacun leur priorité nationale, qui doivent se mettre d'accord sur tout, les normes sur la culture des tomates ou la politique fiscale.

  • Speaker #1

    C'est sûr, l'Europe a connu son lot de hauts et de bas. Si on prend par exemple la grande crise financière de 2008, déclenchée par les subprimes, et la faillite de Lehman Brothers, qui s'est suivie par la crise de la dette de la zone euro en 2010. Cette crise a été déclenchée par les difficultés financières de plusieurs pays de la zone euro, qui avaient des niveaux élevés. élevée de dettes publiques. Elle a aussi montré les dangers d'une union monétaire sans unité fiscale. Puis, quelques années plus tard, il y a eu le Brexit en 2016 et encore la pandémie de Covid-19 en 2020. Toutes ces crises ont encore souligné le manque d'intégration économique. Mais pourtant, et malgré tout, l'Europe a réussi à surmonter tous ces défis.

  • Speaker #0

    C'est à se demander si l'Europe est vraiment un continent où le grand 8 le plus cher du monde

  • Speaker #1

    Un grand oui, oui, mais qui deviendrait plus fort après chaque lupine ?

  • Speaker #0

    Attends, tu veux dire que le fait de survivre à des périodes de chaos peut nous rendre plus forts ?

  • Speaker #1

    Exact, c'est le concept même d'antifragilité de l'écrivain Nassim Taleb. D'après lui, certains systèmes comme les os, les muscles ou même les systèmes financiers deviennent de plus en plus forts quand ils sont sous tension. C'est ce qui s'est passé, par exemple, avec la crise de la dette de la zone euro. Elle a forcé les États membres à mener des négociations intenses, et ces négociations ont conduit à la promesse historique de Mario Draghi, celle de sauver l'euro, quoi qu'il en coûte. Plus tard, pendant la pandémie de Covid-19, on a, encore une fois, par exemple, adopté des mesures selon ce même principe, de quoi qu'il en coûte budgétaire. Selon les rapports de la BCE, les pays de l'Union européenne ont dépensé entre 10 et 25 % de leur PIB pour soutenir les entreprises et les ménages. dont les sources de revenus s'étaient taries pendant les confinements, en adoptant des mesures budgétaires directes et en fournissant des garanties publiques.

  • Speaker #0

    Mais alors, lequel est le meilleur ? Le rêve américain ou le rêve européen ?

  • Speaker #1

    C'est LA grande question ! Le livre « Le rêve européen » de Jeremy Rifkin, publié en 2004, apporte des pistes très intéressantes. Voilà par exemple trois différences fondamentales entre les deux modèles que je trouve particulièrement pertinentes. La première... c'est la notion d'individualisme, par opposition à celle de communauté. Le rêve américain insiste sur la réussite individuelle, sur l'autonomie et sur l'accomplissement de soi. Alors que le rêve européen, lui, est plus axé sur la communauté, le bien-être social et la responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    Je vois, c'est comme la différence entre chasser tout seul ou bien en meute.

  • Speaker #1

    La deuxième différence, c'est la priorité donnée à la richesse matérielle par rapport à la qualité de vie. Le rêve américain privilégie biens matériels et réussite financière comme facteur de succès, tandis que le rêve européen valorise plutôt la qualité de vie et des choses comme l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les soins de santé ou encore l'éducation.

  • Speaker #0

    C'est le réussir ou mourir de 50 Cent versus la Dolce Vita de Fellini.

  • Speaker #1

    Et la troisième grande différence, c'est l'objectif de croissance économique contre celui de durabilité. Le rêve américain est motivé par la croissance économique et le consumérisme. Le rêve européen, lui, met plutôt l'accent sur la durabilité et la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Le monde matériel versus le monde naturel.

  • Speaker #1

    Bonne métaphore, Siri. Bien sûr, les trois différences qu'on vient de voir ne sont que des généralités sur ces deux sociétés. Mais elles permettent quand même de saisir comment des différences culturelles peuvent façonner les comportements financiers. Ce point est bien illustré dans un article de Bloomberg intitulé La méfiance à l'égard des actions et l'accumulation des liquidités empêche les Européens de s'enrichir. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. 62% des adultes américains possèdent des actions sur des comptes de retraite, type PER, des plans d'épargne, retraite collectif et individuelle. De notre côté de l'Atlantique, c'est une autre histoire. Seuls 11% des ménages européens détiennent directement des actions. Et environ 30% du patrimoine des ménages européens est placé sur des comptes d'épargne à faible rendement.

  • Speaker #0

    C'est de l'inertie financière. Pendant que les États-Unis vendent des actions à tout va, et mise sur des start-up à potentiel, l'Europe des investissements est dans le coma.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça. Traditionnellement, les actions sont bien plus performantes que d'autres classes actives, comme les obligations et les liquidités. Dans les 50 dernières années, les actions américaines ont rapporté environ 7% par an. Pendant ce temps, les obligations ont généré en moyenne de 3 à 4% par an. L'argent liquide, en revanche, a tout juste suivi l'inflation, à environ 1 à 2% par an. En Europe, la tendance est la même. Mais pourtant, la culture des actions n'a jamais vraiment réussi à s'implanter.

  • Speaker #0

    Peut-être que l'Europe s'estime assez riche comme ça et qu'elle ne veut pas prendre le risque d'investir ?

  • Speaker #1

    Bonne remarque ! En tout cas, l'Association européenne de la gestion d'actifs et de fonds appelle clairement les épargnants européens à arrêter de placer trop d'argent en banque. Dans l'ordre de ses articles, elle montre que le montant de l'épargne détenu par les ménages européens sous forme de liquidités et de dépôts bancaires suit une tendance à la hausse. Il est passé de 10,2 trillions d'euros en 2015 à près de 14 trillions d'euros en 2022. Ça veut dire que la part des dépôts, dont le patrimoine financier des ménages, est passée de 36,7% à 41,1%.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser à une de tes citations préférées. « Le plus grand risque est de ne prendre aucun risque » .

  • Speaker #1

    Exactement. L'un des principaux défis à ce sujet, c'est aussi la nature fragmentée des marchés financiers européens. Pour revenir à la fable de La Fontaine, On pourrait comparer l'Europe à la tortue prudente et les États-Unis aux lièvres pleins d'audace. Mais la question, c'est de savoir quelle sera, cette fois-ci, la morale de l'histoire.

  • Speaker #0

    Il est grand temps pour l'Europe de se lancer dans une renaissance financière. Mais comment va-t-elle s'y prendre pour mobiliser des investissements aussi colossaux ?

  • Speaker #1

    C'est une excellente question, Siri, qui m'amène à présenter notre invitée, Anne-Christine Champion, co-directrice de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs chez Société Générale, et membre du comité exécutif du groupe. Elle supervise des activités de financement et conseil, de marché, de banque transactionnelle et de service titre de la banque. Anne-Christine a acquis une grande expertise du secteur grâce à divers postes de direction dans l'industrie financière européenne. Bonjour Anne-Christine et bienvenue dans cet épisode de 2050 Investors.

  • Speaker #2

    Bonjour, coucou, merci pour l'invitation. Je suis ravie de participer à cette conversation.

  • Speaker #1

    Alors, pour commencer, parlons des différences entre l'Europe et les États-Unis, surtout en matière de financement et d'investissement. Ces deux visions sont-elles vraiment opposées, à ton avis ?

  • Speaker #2

    C'est en partie vrai. L'Europe favorise une approche qui est fondée sur l'équilibre entre performance économique et prise en compte des parties prenantes, les stakeholders en anglais. Les parties prenantes, ce sont les salariés, les territoires, l'environnement, la société civile, en plus des actionnaires bien entendu. Et ça contribue à apporter une vision à long terme dans le système. Aux Etats-Unis, la logique reste très marquée par la performance actionnariale, ce qui est très puissant en termes d'allocation efficace des ressources, de dynamisme économique. Mais plutôt que d'opposer les démonelles, je pense qu'il est temps de favoriser une coopération intelligente transatlantique sur ce sujet, une coopération qui combine cette vision de long terme et l'efficacité dans l'allocation des ressources.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette idée de coopération entre les deux modèles. Cela dit, on entend souvent dire dans les marchés, dans les médias, que l'Europe est en retard sur les marchés de capitaux. Est-ce vraiment le cas, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    Ce retard s'observe dans les chiffres. En Europe, le revenu par habitant est inférieur d'environ 34% à celui des États-Unis, avec des investissements dans la recherche et le développement qui ne représentent que la moitié de ce qu'on observe aux US. L'Union européenne représente 11% de la capitalisation boursière, alors que c'est 45% pour les US. Enfin, 30% du financement en Europe passe par les marchés financiers contre 80% aux US.

  • Speaker #1

    Ces chiffres sont clairement alarmants. Mais qu'est-ce qui freine l'Europe, à ton avis, Anne-Christine ?

  • Speaker #2

    D'abord, je voudrais dire que l'Europe ne manque pas ni d'idées, ni de capital. Mais Mario Draghi, l'ancien président de la Banque centrale européenne, s'est penché sur ce sujet, sur certaines... Cause profonde dans son rapport de 400 pages qu'il a publié en septembre 2024 sur l'avenir de la compétitivité européenne. Tout d'abord, et selon ses propres mots, l'Europe ne coordonne pas là où cela compte. Les stratégies industrielles dans les secteurs de l'énergie, de la défense, de la technologie, pour n'en citer que quelques-uns, restent éparpillées et manquent de collaboration. L'accès au capital est plus difficile pour les entrepreneurs. Les marchés financiers sont moins développés en Europe qu'aux États-Unis et le marché unique reste fragmenté. Enfin, l'Europe manque de concentration dans la définition des priorités et d'efficacité dans la prise de décision. La bonne nouvelle cependant, c'est que les ménages européens détiennent plus de 14 trillions d'euros d'épargne, souvent placés, il est vrai, sur des livrets peu rémunateurs. Pour digitaliser, décarboniser l'économie et accroître nos capacités de défense, la part des investissements en Europe devra augmenter d'environ 5% du PIB, pour atteindre les niveaux observés dans les années 60 et 70. C'est sans précédent. À titre de comparaison, le plan Marshall... qui a été déployé entre 1948 et 1951, s'est élevé à environ 1 à 2% du PIB par an. L'énergie, la technologie, la défense sont le charbon et l'acier des années 50. Et nous devons faire revivre l'esprit de Jean Monnet pour rendre l'Europe sa grandeur.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Tu as parlé d'une épargne massive en Europe, 14 trillions d'euros, donc 14 000 milliards d'euros, donc les chiffres sont assez incroyables. Et cette épargne reste sous-exploitée. Pourquoi, selon toi, est-ce que l'épargne significative dont on vient de parler ne circule pas mieux vers l'économie réelle européenne ?

  • Speaker #2

    C'est une question très importante. Je pense que le principal frein, c'est un manque d'éducation financière. Aux États-Unis, les individus sont amenés très jeunes à s'intéresser aux placements et aux marchés. Pourquoi ? Parce que tout ou presque passe par des choix financiers individuels. Les études, la santé, la retraite. Les familles n'ont pas le choix, elles doivent apprendre à investir pour sécuriser leur avenir. En Europe, c'est différent. Notre modèle d'État-providence a longtemps assuré un filet de sécurité solide. L'éducation gratuite, la retraite par répartition, la couverture santé. Ce système a beaucoup d'atouts, mais il n'incite pas les citoyens à s'approprier les outils financiers. On a développé un rapport assez distant, parfois même méfiant à l'investissement. Et il ne faut pas sous-estimer la dimension culturelle. L'argent reste un sujet tabou dans beaucoup de milieux. Parler ouvertement d'investissement, de placement, de performance financière est encore mal vu dans certains cercles. Pourtant, l'éducation financière est aujourd'hui essentielle, plus que jamais. Car plus les citoyens seront formés, plus ils pourront faire des choix d'allocations conscients. Choisir non seulement des projets rentables, mais aussi justes, utiles et viables dans la durée. Et ce n'est pas qu'un sujet individuel, c'est un sujet collectif. L'Europe a besoin d'un système de retraite plus solide pour mieux capitaliser l'épargne des ménages vers des investissements productifs. Cela encouragerait les investisseurs individuels et augmenterait le flux de financement sur les marchés de capitaux. Savoir comment fonctionne une allocation d'actifs, comprendre les flux d'épargne, ce n'est pas seulement une affaire de performance personnelle. C'est aussi décider du futur que l'on finance. En réalité, bien-être et richesse ne sont pas opposés. La qualité de vie qui est au cœur du projet européen dépend aussi de sa santé financière, aujourd'hui et demain.

  • Speaker #1

    Je pense que le point entre bien-être et richesse est très important dans cette conversation. Mais justement, parlons d'éducation financière. À titre individuel, peut-on vraiment changer les choses ?

  • Speaker #2

    Absolument, nous le pouvons. L'épargne des Européens représente une forme de frappe immense. Alors que certains de ces flux s'inversent cette année, compte tenu des droits de douane actuels imposés par les États-Unis, au cours des dix dernières années, l'allocation aux actifs américains par les investisseurs européens est passé d'environ 550 milliards d'euros à 2,3 trillions d'euros en 2020. 2024. En d'autres termes, ceux qui sont financièrement formés en Europe investissent, mais ailleurs. Il ne s'agit pas seulement d'une fuite de capitaux, c'est aussi une perte d'influence sur les projets, les valeurs, les visions que nous finançons.

  • Speaker #1

    J'aimerais aborder le sujet des marchés des capitaux européens. Pourquoi, selon toi, un marché des capitaux unifié en Europe est-il si crucial ? Quels sont les avantages concrets que cela pourrait apporter ?

  • Speaker #2

    C'est crucial, en effet. Aujourd'hui, le marché européen de capitaux est morcelé et peu développé. On pourrait le comparer à un réseau électrique mal câblé. La tension est là, mais l'énergie se perd en route. Pour alimenter ses grandes ambitions, la transition énergétique, la souveraineté, l'innovation, l'Europe doit consolider ses circuits et libérer sa puissance. Deux exemples concrets. Tout d'abord concernant l'accès aux actions cotées. Il y a quelques solutions concrètes à envisager. Rapprocher les infrastructures de marché. les dépôts centraux, les chambres de compensation, harmoniser la réglementation, la cotation, la transparence, enfin simplifier l'accès au marché pour les petites et moyennes entreprises. Un autre exemple, l'accès au financement. La titrisation est un outil financier très puissant qui permet au système financier de canaliser l'épargne pour financer la dette nécessaire aux entreprises et aux entrepreneurs pour leurs projets. Les émissions annuelles de titrisation de l'Union européenne représente 0,3% du PIB. Aux États-Unis, c'est 1,2%, 4 fois plus. Mais c'est aussi 1,4% au Japon ou 2,6% en Australie. Il y a quelques ajustements simples à apporter à la réglementation pour permettre un marché des capitaux plus profond en Europe et donc une plus grande capacité de financement de projet. Autre exemple sur l'accès au financement, la dette privée. Le développement de la dette privée que l'on voit de façon massive est important. C'est la raison pour laquelle nous avons, en Société Générale, mis en place un partenariat avec Brookfield Asset Management pour lancer un fonds de dette de 10 milliards d'euros. Ce fonds de dette permet de financer les infrastructures et de répondre aux besoins croissants pour décarboner et digitaliser nos économies.

  • Speaker #1

    Mais au-delà du manque d'intégration, est-ce qu'il n'y aurait pas... aussi un problème plus profond. Et là, je pense particulièrement au manque de dynamisme économique en Europe. Peut-être que c'est en partie la conséquence des points que tu as mentionnés plus tôt.

  • Speaker #2

    Oui, c'est le cas. Un exemple frappant. 100 euros investis en 2000 dans des actions européennes ont rapporté environ 40% en 25 ans. La même somme investie aux États-Unis a généré près de 300% de performance. Et ce n'est pas que l'Europe manque de potentiel, mais elle souffre d'importants problèmes liés à la productivité et au... au coût de l'énergie ou à l'appétit des investisseurs pour le financement de l'innovation. Sur ce dernier point, les banques comme Société Gérale ont un rôle à jouer. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé récemment, avec Reed Asset Management, un fonds Action avec l'objectif de soutenir les leaders émergents de la transition énergétique à travers l'Europe. Et nous nous sommes engagés à hauteur de 250 millions d'euros dans ce fonds.

  • Speaker #1

    Il aura clairement besoin de beaucoup d'investissements et ce sont des exemples intéressants à mentionner. Mais certains pourraient craindre qu'en cherchant à gagner... beaucoup plus en performance financière, l'Europe perd ses valeurs fondamentales. Peut-on vraiment concilier, Anne-Christine, la performance et la vision européenne ?

  • Speaker #2

    Nous le pouvons et nous le faisons. Des marchés dynamiques et concurrentiels assurent la performance dans les affaires et dans l'innovation. Par exemple, sur le marché des batteries. Le coût des batteries a chuté de plus de 75% depuis 2015, ce qui constitue un facteur clé de la transition énergétique. À mesure que les coûts continuent de baisser et que la production augmente, les batteries moins chères jouent un rôle essentiel dans la décarbonation des transports et du secteur de l'électricité. La transition énergétique est portée par les marchés. Un financement compétitif est un facteur clé de l'innovation et de la croissance durable des projets et des économies.

  • Speaker #1

    Très bon point. Si on regarde à long terme, prenons 2050 pour sortir un chiffre un peu comme le podcast, Notamment avec les défis climatiques. Est-ce que ce n'est pas risqué d'investir dans des projets durables sur 25 ou 30 ans, compte tenu de l'incertitude ? Et est-ce que ce pari a vraiment du sens ?

  • Speaker #2

    Ce qui est certain, Cocou, c'est que les 25 prochaines années ne ressembleront pas aux 25 précédentes. Parce que les modèles dominants de valorisation ne sont plus alignés avec les dynamiques structurelles du monde à venir. Le changement climatique, l'adaptation climatique, les tensions géopolitiques autour des ressources. Quand on parle d'investissement durable, on ne parle pas d'habitrage à horizon 2 ans. On parle d'une vision à 10 ou 25 ans. Et si nous voulons que les investisseurs agissent de manière responsable et avec une vision de long terme, nous devons leur donner les moyens structurels de le faire. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Des mécanismes comme la taxe carbone sont essentiels. En effet, ils alignent l'horizon d'investissement à court terme et à long terme. Ils alignent l'individu avec l'intérêt collectif en forçant l'intégration des externalités, notamment celles qui ont un impact à long terme. La régulation du climat ne devrait pas être un fardeau. Elle doit fournir un cadre simple qui intègre ces externalités, permettant aux acteurs du marché d'innover et d'optimiser les contraintes de ressources. C'est une condition préalable à la mise en place de solutions durables à long terme.

  • Speaker #1

    En fait, ceci me fait penser à une citation. on dit souvent, le meilleur moyen de prédire l'avenir, c'est de le créer. Et cela prend clairement tout son sens quand on parle d'investissement responsable. Merci beaucoup Anne-Christine pour cet échange passionnant. Mais avant de se quitter, est-ce que tu as un dernier message ou une réflexion à partager avec nos auditeurs ?

  • Speaker #2

    Le potentiel de l'Europe est immense et elle dispose d'une vision forte et de nombreux atouts pour un effet rebond qui permettent de se projeter dans l'avenir. Jean Monnet a dit un jour... les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. Eh bien, nous y sommes. Crise géopolitique, crise climatique, crise sociale, crise de confiance. La nécessité est là et elle nous oblige à repenser fondamentalement la façon dont nous dirigeons l'épargne, les investissements et la richesse. Alors, allons-y.

  • Speaker #1

    Très bien dit. Sur ce, encore un grand merci, Anne-Christine, pour cette discussion riche en idées et nouvelles perspectives. À très bientôt.

  • Speaker #2

    Merci, coucou. À très bientôt.

  • Speaker #0

    Moralité, coucou, c'est la tortue qui va gagner, non ?

  • Speaker #1

    Et si on décidait plutôt que l'important, ce n'était pas de gagner mais de coopérer. D'ailleurs, j'ai trouvé la citation parfaite pour conclure cet épisode. C'est un proverbe africain. Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marchons ensemble.

  • Speaker #0

    On peut toujours imaginer un monde meilleur, comme John Lennon.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir suivi cet épisode de 20-15 Vestors et merci à Anne-Christine Champion pour son regard expert sur le sujet. J'espère que cet épisode vous a aidé à mieux cerner la potentielle renaissance financière de l'Europe. 25 Investors est disponible sur toutes les plateformes de podcast et de streaming. Si cet épisode vous a plu, mettez-nous plein d'étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Laissez des commentaires où vous voulez, abonnez-vous et surtout, parlez-en autour de vous. Rendez-vous au prochain épisode. Ce podcast traite des marchés financiers, mais ne recommande aucune décision d'investissement particulière. Si vous n'êtes pas sûr du bien fondé d'une décision d'investissement, veuillez consulter un professionnel.

Chapters

  • Introduction au rêve européen et aux enjeux économiques

    03:39

  • Différences entre l'Europe et les États-Unis en matière d'investissement

    12:09

  • Éducation financière et épargne des ménages européens

    18:01

  • Investissement durable et vision à long terme

    22:55

  • Conclusion et appel à l'action collective

    24:24

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