Speaker #0Bonjour Vincent, bonne nuit, bienvenue dans ce nouvel épisode de cette semaine, le podcast qui vous donne cette recoculture par semaine. On commence avec un essai de Denis Colombi sorti en octobre 2024. Qui travaille vraiment ? Apprendre à voir le travail, paru chez Payot et Rivage. Pendant que l'on discute à non plus finir pour savoir si le travail est ou non une valeur, et à qui elle appartient, que l'on dénonce son abandon au profit de l'assistanat ou du droit à la paresse, On ne parle pas de situations concrètes où, effectivement, des femmes et des hommes réalisent un travail, y trouvent du plaisir ou en souffrent, produisent des choses utiles ou brassent du vent, sont rémunérés ou exploités, ou bien encore oubliés. Alors que le débat actuel est saturé par la valeur travail, le travail, lui, est l'un des grands absents. Comment et pourquoi avons-nous cessé d'y faire attention ? Pourtant, tout le monde sait ce qu'est le travail. Enfin, en théorie. Quand il s'agit de le définir réellement, c'est une autre histoire. Un influenceur travaille-t-il plus qu'une femme au foyer ? La richesse des milliardaires n'est-elle due qu'à leur travail personnel ? Les réponses sont un peu plus complexes que simplement oui ou non, et Denis Colombi nous amène des pistes de réflexion intéressantes. Réflexions qui ont vraiment trouvé une raison d'exister après la période Covid, où les différents confinements ont posé la question des travailleurs essentiels, sous-payés et maltraités par les institutions et les hiérarchies, mais qu'il était important d'applaudir à 20h, car c'est bien connu que les factures se payent en visibilité et en bravo. C'est un essai très clair et accessible, il fait 250 pages, et il ne vous perdra pas en termes ou théories trop compliqués. J'aurais même aimé qu'on aille un petit peu plus en détail, mais c'est un très bon ouvrage de vulgarisation, si la sociologie du travail est un domaine que vous commencez tout juste à explorer. Il y a de longues pages de notes à la fin, avec beaucoup de références vers d'autres livres, articles, ou études pour creuser le sujet, et à un moment où les bénéficiaires du RSA se voient obligés de travailler 15h par semaine pour toucher ce à quoi ils ont droit, mais sans aucune notion de salaire minimum ou de droit du travail, c'est un ouvrage aussi important qu'intéressant. Et si, pour sauver votre sœur, vous étiez obligé de faire équipe avec une sorcière qui peut parler aux morts, et sa poule possédée par un démon ? Vous iriez ? L'héroïne de Nathalie Bonne, nouveau roman de type de T. Fisher King, n'est pas vraiment le choix. La jeune et timide Mara, dernière fille d'un souverain au royaume convoité, assiste impuissante au mariage de ses deux sœurs avec le prince Worling. Car après la mort mystérieuse de l'aînée, la cadette a dû la remplacer pour tenter de donner enfin un héritier au triste sire. Quand Mara découvre l'ampleur de la cruauté de Vorling, elle ne peut demeurer simple spectatrice plus longtemps. Si elle veut sauver sa sœur et empêcher le sort funeste qui l'attend elle aussi, alors la princesse doit tuer le prince. Pour mener à bien son plan, il lui faudra recruter des alliés ou encouleurs. Une sorcière capable de parler aux morts et sa poule possédée par un démon, donc. Un honorable chevalier en disgrâce et une fée marraine particulièrement douée pour les malédictions. C'est un film que j'ai beaucoup aimé pour le coup de fouet qu'il donne au code classique du conte de fées. Ici les marraines ne sont pas toutes gentilles, les beaux princes sont des hommes violents, et les princesses fragiles ne le sont en fait pas tant que ça. Petit trigger warning violence conjugale, d'ailleurs. Je ne m'attendais pas à lire ce genre de choses dans un roman de ce genre, mais c'est bien amené, c'est une facette que je trouve bien traitée. L'écriture est très maîtrisée, l'univers est suffisamment décrit pour qu'on s'intéresse au monde où se passe l'histoire, mais ne se perd pas en détails inutiles. C'est un one-shot qui se termine comme devraient se terminer tous les one-shots, ça n'appelle pas une suite et ça se suffit à lui-même. Et dans la littérature du langage adulte, ce n'est pas si fréquent d'avoir des one-shots, qui plus est aussi bien écrit, donc rendons-nous compte de notre chance. Le roman a eu le prix Hugo, et c'est un des prix qui en général égagent de qualité, ce qui se prouve une fois encore avec ce roman. Je n'avais rien lu de l'autrice jusque-là, mais je vais m'épancher un petit peu sur ses biblios parce que j'ai vraiment accroché à son style. Nettle and Bone, Comment tuer un prince de son titre complet, est publié chez Verso et compte 350 pages. On passe au cinéma, avec Le Grand Bain de Gilles Lelouch, sorti en 2018 avec Mathieu Amalric, Philippe Catherine, Guillaume Canet, Jean-Hugues Anglade, Noé Habita, Benoît Poulvorn, Marina Foy, Virginie Effira, Leïla Bechti, etc. C'est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s'entraînent sous l'autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la jante féminine, la natation synchronisée. Alors oui, c'est une idée plutôt bizarre, mais ce défi leur permettra de trouver un sens à leur vie. Une ode aux losers magnifiques, aux gens de la vraie vie qui font comme ils peuvent avec les difficultés et les impondérables de la vie, et qui ensemble vont trouver de l'entraide, de l'amitié et des bonnets de bain. C'est un film que je trouve très touchant, très drôle aussi. Les hommes ne sont pas les seuls à avoir des difficultés. Le personnage de Virginie Effira est très intéressant, pour la culpabilité qu'il arrange depuis toutes ces années, et comment tous ensemble ils vont pouvoir s'en sortir. Les acteurs sont tous très bons, même si j'ai une tendresse particulière pour Philippe Catherine. même si je ne partage pas sa passion pour Julien Clerc. Il y a des facilités scénaristiques, oui, mais ce n'est pas le propos. Gilles Lelouch ne prétend pas avoir raconté une vraie histoire, et c'est cool parfois aussi d'avoir des happy-end, même s'ils ne sont pas 100% crédibles. Les scènes sur les routes sont particulièrement jolies, notamment celles censées être en Norvège. Je crois que tout le tournage s'est fait en France, mais les images sont vraiment sublimes et... En tout cas, moi j'ai reconnu aucun coin de France que je connais, donc ça a fonctionné sur moi. C'est un vrai feel-good movie qui dure 117 minutes en version courte et 127 en version longue, je crois. C'est dispo en pharmaphysique et en VOD un petit peu partout et j'espère que vous passerez un bon moment devant. J'ai déjà pu parler ici ou dans mon autre podcast du travail de Michel Gondry, qui est un réalisateur que j'aime beaucoup. J'ai donc tout naturellement regardé Michel Gondry Do It Yourself, documentaire de François Nemeta, dispo sur Arte, avec la participation de Björk, Jack Black, Spike Jonze, entre autres noms. Entre France et Amérique, Méliès et Punk, Récup et Utopie, et avec le renfort d'une pléiade de stars mondiales de la pop et du cinéma, un foisonnant voyage guidé par... Michael Gondry himself dans l'univers fantasque et féminin d'un créateur et d'un être à part. François Nemeta, c'est l'ancien assistant réalisateur de Michel Gondry. Il était donc le mieux placé pour avoir un tas d'anecdotes sur la manière de travailler de Gondry. J'aime beaucoup la manière dont il raconte comment il l'a rencontré justement après avoir découvert le clip du groupe de Michel Gondry, les Oui Oui. Et d'avoir été les voir en concert pour savoir qui avait réalisé leur clip et que le batteur tout timide lève la main en disant que c'était lui. Et de là est née cette collaboration qui a duré plusieurs décennies. J'ai beaucoup aimé cette heure 20 remplie d'archives, de témoignages et d'anecdotes sur les différents projets, notamment des clips qu'a réalisé Michel Gondry. Il n'est quasiment propos que de la partie professionnelle, sans parler de sa santé mentale ou de sa vie privée, et j'ai trouvé ça très agréable. J'aurais aimé qu'on ait plus d'anecdotes de tournage car je n'ai pas eu l'occasion de voir tous les making-of. Et rien quasiment n'est dit sur The We and the Eye. Puisque François Nemeta n'était pas sur ce tournage, il n'était pas assistant réalisateur sur ce tournage, donc je pense qu'il n'a même pas pu venir tourner des images parce qu'au moment du film, il n'avait pas pour projet de réaliser un documentaire des années plus tard. Je trouve que la fin est un petit peu rushée. Et juste après le tournage du livre des solutions, ça s'arrête. On en sait... On n'en sait pas vraiment plus, il me manque quelque chose. J'aurais aimé une fin un petit peu plus développée, qui amène un petit peu une conclusion à ce qu'on vient de voir, et ce n'est pas trop le cas ici, je trouve ça un petit peu dommage. Ça reste un très chouette documentaire que j'ai pris plaisir à regarder et que je vous conseille si vous aimez le réalisateur. J'ai enfin pris le temps de voir Julie en douze chapitres, que j'ai envie de voir depuis sa présentation à Cannes en 2021. Réalisé par Joachim Trier, avec Renate Reins, Anders Danielsen-Lee et Herbert Nordrum. Installé à Oslo, Julie est une jeune trentenaire pleine de ressources, mais qui cherche encore sa voie. Bien qu'heureuse avec Axel, un dessinateur à succès, aimant et protecteur, elle se sent étouffée. Elle le quitte pour Einvind, espérant une fois de plus commencer une nouvelle vie. Le titre norvégien est Verdens Verstemannske, qui signifie la pire personne du monde, et ça caractérise plutôt bien Julie. Et pourtant, à plusieurs moments, je me suis identifiée à ce personnage, ce que j'ai trouvé toujours un petit peu agaçant, de s'identifier à une personne à qui on a autant de choses à reprocher, mais c'est le jeu. Et je ne suis pas la seule à avoir eu cette identification. Que ce soit la chaîne des champignons hallucinogènes, ou un personnage like par erreur une photo Instagram, c'est vraiment des choses auxquelles tout le monde peut se retrouver et s'identifier, et le film est très très fort sur cet aspect-là. Les 12 chapitres ne sont pas égaux, mais ils sont tous innovants et apportent quelque chose au récit. Mon préféré, c'est le chapitre 4 ou 5, je crois, je ne sais plus, où deux personnes ne sont pas infidèles. C'est un chapitre qui est vraiment très doux, très tendre et très intense aussi sur ce qu'il raconte et sur ce qui va se passer entre nos deux personnages. C'est vraiment une partie que j'ai adorée et j'aime aussi beaucoup le chapitre 12 et l'épilogue qui sont très bons aussi et qui marquent vraiment une évolution du personnage et de la situation qui arrive enfin à faire avec les... avec les décisions et ce que la vie lui apporte. La photo est vraiment incroyable, c'était vraiment très très beau, les couleurs sont très bien mises en valeur, et le cadre est important aussi, puisqu'on passe d'un personnage qui ne trouve pas sa place dans le cadre, qui finira par faire le cadre. C'est une petite fable qui parle de son époque sans la juger. qui parle des relations homme-femme sans être moralisateur et qui parle de la difficulté d'être une femme trentenaire ce que Joachim Tréant n'est manifestement pas mais il arrive à en parler avec énormément de justesse. Il parle aussi plus globalement de ne pas réussir à trouver sa place et de ne pas savoir quoi faire de sa vie alors que la société attend de nous qu'on évite la réponse. Ça dispose sur Netflix, ça dure deux heures et ça vous donnera peut-être envie de visiter Oslo. Cette semaine est sorti le nouveau film de Fabrice Duvels, Le dossier Mal d'Aurore, qui revient sur une affaire tragique qui a secoué la Belgique dans les années 90. L'affaire du trou, renommée ici affaire de Dieu. Belgique, 1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste rejoint l'opération secrète Mal d'Aurore, dédiée à la surveillance d'un suspect récidiviste. Confronté au dysfonctionnement d'un système policier, il se lance seul dans une chasse à l'homme qui le fera sombrer dans l'obsession. Au casting, on retrouve Alexis Manantier, Anthony Bajon, Alba Gaia Belougui, Laurent Lucas, Béatrice Dalle, Loubna Azabal, évidemment Jacqui Berroyer et Sergi Lopez, à qui décidément les rôles d'ogres vont particulièrement bien. C'est une histoire que je connais assez bien pour avoir vu beaucoup de reportages sur l'affaire du trou, et ici la fiction vient remplacer plusieurs détails sans que cela ne soit gênant. Fabrice Duvelce n'a pas voulu faire un documentaire, mais ancrer cette histoire dans sa réalité et ce que lui voulait raconter de cette partie de la Belgique des années 90. Comme toujours chez le réalisateur, il est question d'amour, d'obsession, et de la passion destructrice et du mal avec un grand M qui s'infiltre dans toutes les strates de la société. C'est un film que j'ai beaucoup aimé, même s'il n'est pas facile à appréhender. C'est un film lourd, dense, qui dure 2h35, et qui parle d'un sujet pas facile, mais sans jamais tomber dans la facilité où le m'as-tu vu. Une histoire qui nous dit que la guerre entre les différents services de police et la gendarmerie, où les services ne communiquent pas, se mettent des bâtons dans les roues et ne s'entraident pas, c'est une situation qui aura des conséquences tragiques et désastreuses pour les victimes, les familles et la justice belge en général. Parce que du coup, ça arrive au moment où... Ils sont dans une optique de refonte de tous ces services et d'unification. Et évidemment, chaque service va essayer de défendre son bout de gras pour sauver sa peau. Et du coup, c'est vraiment très individualiste, chacun pour soi. Et les services vont vraiment rentrer en guerre, dans une guerre sourde. Ce qui va avoir des conséquences désastreuses sur bien des affaires, mais celle-ci en est la plus évidente. C'est un film qui va puiser dans beaucoup de grands films. On y retrouve du Zodiac, du Massacre à la tronçonneuse, et évidemment du Voyage au bout de l'enfer, avec cette scène de mariage du début, qui prend de longues minutes pour s'installer. Avec le 2e Mal d'Aurore, Fabrice Duvel s'amorce une nouvelle trilogie, après sa trilogie des Ardennes, composée de calvaire, alléluia et adoration. Dans cette nouvelle trilogie, il veut se confronter aux fantômes de l'histoire belge. Avec cette affaire, donc, mais il prévoit ensuite de s'intéresser à l'exploitation du caoutchouc au Congo, et à la collaboration-occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. Ça annonce des films passionnants et j'espère qu'il aura l'occasion de pouvoir l'amener à terme. Merci à Joker's Moon pour cette sortie et on espère que vous suivrez aussi pour les deux prochains. Et on termine cet épisode en parlant d'un grand nom du cinéma qui nous a quittés. David Lynch est mort cette semaine et c'est un point de ma cinéphilie qui part avec lui. Comme beaucoup d'ados qui s'intéressent au cinéma, j'avais vu son nom passer de nombreuses fois, mais sans vraiment oser regarder ces films que je pensais inaccessibles. Et puis en cours d'anglais, en seconde, visionnage d'Elephant Man. La claque. Instantanément entré dans le groupe de mes films préférés, films que j'ai encore du mal à résumer sans fondre en larmes, alors je vais faire au mieux pour vous en parler ici. En 1884, à Londres, John Merrick, dit l'homme-éléphant, est un phénomène de foire. Comme nombre d'êtres humains affectés de difformités ou d'anomalies physiques congénitales graves. et qui appartient à un dénommé Bites qui le montre dans différentes foires. Intrigué par la terrible apparence visuelle de l'homme éléphant, le docteur Frederick Treves, grand chirurgien de Londres, demande à Bites de pouvoir l'examiner. Le praticien découvre alors un être âgé de 21 ans, ne semblant pas pouvoir s'exprimer oralement. Horriblement déformé, présentant d'atroces difformités monstrueuses que lui, médecin réputé, n'a de sa vie encore jamais vue de ses propres yeux. Intrigué, il prend Amérique sous son aile et tente de lui faire découvrir le monde. Au casting, on retrouve John Hurt, Anthony Hopkins, et Anne Bancroft. C'est une adaptation de la véritable histoire de Joseph Merrick, atteint du syndrome de protée, une maladie génétique qui affecte la croissance des tissus. C'est un des films qui me fait le plus pleurer au monde. Je ressens énormément d'empathie pour le personnage de John qui demande juste à être traité comme un être humain, alors qu'il est considéré comme un animal de foire ou au mieux comme un objet d'étude. Les qualités du film ne sont plus à prouver et je ne vais rien ajouter de pertinent aujourd'hui, c'est une déclaration d'amour à l'impressionnisme allemand et un des plus beaux noir et blanc que j'ai vu de ma vie. Voyez ce film, voyez les autres films de David Lynch, même si celui-ci est peut-être le plus accessible avec Saylor et Lula peut-être. David Lynch était réalisateur, scénariste, acteur, photographe, musicien, peintre et météorologue sur YouTube. Il va manquer au cinéma, et aussi bizarre que ça puisse être, il va me manquer aussi. C'est la fin de cet épisode, les liens sont dans la description comme d'habitude. Bonne semaine, à lundi prochain.