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À cœur d'arguments

🎙️ Épisode 3 | Claire PRIGENT, Clown à l’hôpital : derrière le nez rouge, une vocation

🎙️ Épisode 3 | Claire PRIGENT, Clown à l’hôpital : derrière le nez rouge, une vocation

49min |11/03/2025|

14

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🎙️ Épisode 3 | Claire PRIGENT, Clown à l’hôpital : derrière le nez rouge, une vocation

🎙️ Épisode 3 | Claire PRIGENT, Clown à l’hôpital : derrière le nez rouge, une vocation

49min |11/03/2025|

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Description

Pour ce troisième épisode d’à cœur d’argument, je suis aux côtés de Claire PRIGENT.

Sous son nom de clown « Brenda », cette Comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard sur Ille et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie.

Parce qu’on soigne mieux un enfant heureux…tel est le mantra qui s’affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créé par l’américaine Caroline Simonds en 1991, vise à restaurer chez l’enfant l'insouciance de son âge et à l’aider à passer au mieux le cap de l’hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie.

Le rire médecin c’est 33 ans d’existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliquées.

Si le rire médecin est connu, il existe de nombreuses autres associations de clown. J’ai souhaité ici m’intéresser à l’une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s’oublie le temps de quelques heures pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèse un quotidien aseptisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À cœur d'argument, ce sont les témoignages de celles et ceux qui ont appris à affirmer et à exprimer leurs convictions et leurs valeurs, sans pour autant répondre ou se rebeller. Des personnes pour qui ce n'était pourtant pas aîné. Parce qu'apprendre à dire non est un long chemin, j'interroge les personnes qui ont relevé le défi de se faire passer avant. Que ce soit à l'écrit, à l'oral ou même par un geste qui a changé le cours des choses, ils nous confient cette longue quête à devenir soi, à se tolérer autant qu'à tolérer son prochain, à se remettre autant en question que la personne qu'on aura beau jeu de juger. Il y a quelques années, j'ai lu cette citation de Benoît de Gros. On est si rarement soi-même finalement, et avec si peu de gens. C'est dur à conquérir la liberté d'être soi. J'ai mis une vie à en prendre de la graine. Cette liberté d'être soi-même que je vais interroger et qui sera le fil conducteur de mes entretiens pour arrêter de taire ou d'excuser qui nous sommes, pour ne plus nous suradapter à des situations qui ne nous conviennent pas. Pour comprendre que ce n'est pas si facile, dans une société que l'on dit pourtant individualiste, de respecter ses besoins. J'aimerais donc en prendre de la graine, moi aussi, avec mes invités, et faire germer en chacun d'entre nous la capacité à s'exprimer de la meilleure façon qu'il soit. Bonjour à toutes et à tous. Pour ce troisième épisode d'Accœur d'arguments, je suis aux côtés de Claire Prigent. Sous son nom de clown Brenda, cette comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard-sur-Ile et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie. Parce qu'on soigne mieux un enfant heureux. tel est le mantra qui s'affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créée par l'américaine Caroline Simons en 1991, vise à restaurer chez l'enfant l'insouciance de son âge et à l'aider à passer au mieux le cap de l'hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie. Le Rire Médecin, c'est 33 ans d'existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliqués. En France, le Rire Médecin propose ses services au sein de 9 villes et œuvrent activement afin que les clowns réalisent leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Si Eliorir Médecins est connu avec de nombreux par inconnus, je pense à Gérard Junieu ou encore très récemment Reda Kateb, qui a réalisé un film fin 2024 sur un film magnifique que vous devez absolument voir, sur justement l'implication d'un clown à l'hôpital. Il existe de nombreuses autres associations de clowns. J'ai souhaité ici m'intéresser à l'une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s'oublie le temps de quelques heures pour... pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèses un quotidien aseptisé. Bonjour Claire, vous êtes comédienne et avez 54 ans et vivez à Saint-Médard-sur-Ile. Pouvez-vous me dire depuis combien d'années vous êtes comédienne et qu'est-ce qui vous a amené à faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, je suis comédienne depuis une vingtaine d'années. J'ai commencé d'abord à être animatrice de cirque. Et j'ai rencontré la comédie, le clown, le cycle à ce moment-là. Et je me suis passionnée pour le travail du clown.

  • Speaker #0

    Ah, donc dès vos débuts, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, et c'est parce que j'ai pratiqué tout de suite, parce que j'ai fait des formations. On ne devient pas clown comme ça. J'ai fait des formations, j'ai rencontré des gens qui étaient clowns. Et donc, petit à petit, à force de se former, Et je me suis dit, c'est un métier que j'aimerais bien faire.

  • Speaker #0

    Et j'aimerais en savoir plus pourquoi, d'ailleurs, clown, enfant ou adolescente, vous aviez une appétence déjà pour cet univers-là ? Qu'est-ce qui vous a amené ? Parce que c'est un univers particulier, quand même, le clown. Qu'est-ce qui a fait que ça vous a plu ?

  • Speaker #1

    Alors là, c'est la magie.

  • Speaker #0

    C'est la magie. Vous avez été touchée, sensibilisée à cet univers-là ?

  • Speaker #1

    Oui, quand j'étais petite, j'aimais bien aller au cirque. Et encore, des fois, les clowns, ils font un peu peur aussi. J'aimais cet univers en tout cas. J'aimais faire du théâtre, j'aimais danser, j'aimais toute petite me déguiser, imiter des personnalités, des chanteurs, des chanteuses. Alors est-ce que ça vient de là ? Peut-être.

  • Speaker #0

    Et quel spectacle vous a particulièrement... Est-ce que vous avez un souvenir d'un spectacle justement que vous avez vu plus jeune qui vous a marqué ?

  • Speaker #1

    Alors... Toute jeune, j'ai vu un spectacle de marionnettes géantes. Je suis de Morlaix, dans le Finistère, et il y avait une troupe de théâtre qui proposait des marionnettes géantes. Et j'ai vu un spectacle magnifique. Je suis sortie de là, j'ai dit « Waouh, c'est trop beau ! » Je ne me suis pas dit « Je vais faire ça plus tard » . Mais en tout cas, j'ai adoré ce moment. Et ensuite, adolescente, j'ai vu un spectacle de Royal Deluxe qui s'appelait « Roman Photo » . Et là, j'ai adoré. J'ai dit, ah ouais, d'accord. Je ne voyais pas forcément que c'était du clown. Enfin, c'était du théâtre de rue. Et là, j'ai découvert le théâtre de rue. Et j'ai trouvé que les comédiens étaient toujours à fond. Il y avait des idées de décors. C'était drôle. Tout le monde riait, je ne sais pas combien de personnes on était, mais tout le monde rit en même temps.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le côté rire qui vous a entraîné aussi ? Oui,

  • Speaker #1

    j'étais quand même attirée par les spectacles de rue, soit grandioses, des choses avec des feux d'artifice, j'ai vu aussi des troupes où il y avait beaucoup de trucs qui faisaient même un peu peur. Mais le rire, oui, aller voir des spectacles.

  • Speaker #0

    Il y avait des artistes dans votre famille ? C'est familialement qu'on vous a amené à ça ou même pas du tout ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas spécialement, ça a été vraiment une curiosité.

  • Speaker #1

    Pas spécialement. Après, j'avais ma maman et une tante qui étaient sensibles au théâtre, car on avait fait jeune fille du théâtre. Donc, on m'a emmenée voir des spectacles. Par l'école aussi, on allait voir des spectacles. Mais sinon, non, dans la famille, on n'était pas artistes.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, à partir de quand ? Avez-vous commencé le métier de clown ou de mission de clown à l'hôpital ? Spécifiquement à l'hôpital. Depuis quand vous faites ça ?

  • Speaker #1

    En 2012, j'ai fait une formation. Il existe une formation de comédien clown à l'hôpital. J'ai souhaité faire cette formation qui durait six mois. On était sur le terrain, accueillis par une équipe de clowns à l'hôpital. Et puis à la fois de la théorie un petit peu médicale et puis aussi des formations de clowns parce qu'on est formé pour jouer auprès des bébés, auprès des ados. On apprend des chansons, on apprend le duo parce qu'en fait c'est à l'hôpital très spécifique dans l'association où je travaille, on est en duo en fait, on est professionnel en duo. Donc beaucoup de jeux de clowns en duo, des improvisations. À chaque rencontre dans une chambre, c'est une improvisation. Donc j'ai fait une formation qui m'a ouvert à ce métier, qui m'a fait découvrir ce métier. Et ensuite, j'ai été embauchée pour travailler sur une équipe à Angers. Voilà, un programme s'est ouvert, le Rire Médecin a ouvert un programme à Angers. Et voilà, j'ai commencé à travailler en 2014.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est à travers quel organisme que vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Toujours le Rire Médecin.

  • Speaker #0

    Toujours le Rire Médecin. Oui, qui est l'association la plus connue d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #1

    il y en a beaucoup.

  • Speaker #0

    Parce qu'il y en a énormément. Mais le Rire Médecin, en effet, est celle dont on parle le plus.

  • Speaker #1

    Oui. Et là maintenant, depuis deux ans, je suis à Rennes.

  • Speaker #0

    Et c'est une activité à 100% ou vous faites autre chose dans la comédie à côté ?

  • Speaker #1

    Je fais autre chose. Je suis intermittente du spectacle. Et je continue à donner des stages de cirque. auprès d'enfants, et des spectacles.

  • Speaker #0

    Et comment on parle de ses Ausha ce choix d'être clown à l'hôpital ? Parce qu'il faut quand même du cran, enfin un certain cran pour faire ça, dans le sens où ça requiert beaucoup de compétences, mais comment on l'affirme auprès de son entourage ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un métier passion, pour moi je pense que c'est un métier passion. Donc quand on en parle... ... Avant d'être clown à l'hôpital, j'en parlais beaucoup déjà avant. J'aimerais t'en faire ça, j'aimerais t'en faire ça. Donc, ma famille proche était plutôt contente.

  • Speaker #0

    Contente, mais oui. Mais c'est vrai que quand on écoute votre parcours, c'est presque logique.

  • Speaker #1

    On était vraiment contentes que j'arrive à ce travail.

  • Speaker #0

    On vous prend au sérieux.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Un clown doit être sérieux.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et non, c'est plutôt... Un accompagnement aussi. Et puis bon, comme tout métier, il se passe des choses à l'hôpital, avec mes collègues, avec mes collègues, partager mes difficultés ou mes joies. Et puis à mon entourage, je peux parler de mon travail. Mais de toute façon, avant même d'être clown à l'hôpital, ma famille m'a suivie dans des spectacles où j'ai pu jouer et tout ça. Ça fait partie de notre vie. Après, c'est un lieu où ils ne viendront pas me voir jouer. Ils ne connaissent pas vraiment ma journée complète.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est particulier dans le sens où il n'y a pas un public. Là, c'est vous qui allez vers les gens.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Et est-ce que... Quelles ont été vos premières craintes ? Parce que la partie formation, c'est une chose, mais il y a le patient. À un moment donné, il faut sauter dans le bain. Quelles ont été vos premières craintes ? Ou en tout cas, quels étaient peut-être vos préjugés ? Et comment vous avez fait face à ça ?

  • Speaker #1

    Les préjugés, c'était peut-être plus par rapport à l'hôpital, l'ambiance hôpital. Je me souviens, on notait nos premières impressions quand on les a observées. Et les odeurs, les bruits, l'agitation, peur qu'il se passe quelque chose de grave quand on est dans le service. Voilà, ça, c'était vraiment des craintes. Et puis finalement, le clown, c'est aussi... un personnage et on a un petit masque, en fait. Donc, ça permet aussi d'avoir une distance, une petite distance avec tout ça. Alors, les bruits, ça existe, les odeurs, ça existe. J'ai moins peur. Et surtout, ce qui est super, c'est qu'on met vraiment l'enfant au centre du jeu, en fait. On va à la rencontre d'un enfant, d'une fratrie, parfois, des parents. Et on remet une vie dans l'hôpital, en fait. On rencontre vraiment des personnes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, quand vous entrez dans une chambre, est-ce que vous avez un objectif en tête quand vous démarrez votre interprétation, si puis-je dire ? Est-ce que vous avez un objectif ou est-ce que vous vous laissez complètement aller à de l'improvisation, justement, et vous vous adaptez à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. C'est exactement ça. On fait un... Une représentation sur mesure pour chaque enfant. Vu qu'on peut aller voir un bébé et ensuite ce sera un jeune ado. Et alors un truc très important, c'est qu'on a des transmissions. On sait qui on va voir, l'âge de l'enfant, où il en est dans sa journée, dans son parcours de soins aussi. Il y a des enfants qu'on ne verra qu'une fois. Il y a des enfants qu'on voit longtemps. Donc on adapte aussi. Il peut y avoir des petits feuilletons avec des enfants. Je dis feuilletons, des petites histoires qui continuent.

  • Speaker #0

    C'est une question que j'avais plus tard, mais j'en profite parce que c'est très intéressant. Je voulais vous demander comment les équipes médicales justement vous accueillent-elles. Mais à chaque fois que vous venez, est-ce que vous êtes un vrai partenaire de soins qui s'adapte à votre venue ? Ou est-ce que c'est à chaque fois à vous de vous adapter ? Sachant que c'est un univers clinique, donc une fois de plus, pas un environnement de clown. Donc pour vous, ça demande vraiment une capacité d'adaptation. Mais comment agissent les équipes médicales à vos côtés ?

  • Speaker #1

    Alors, bon déjà, on fait des transmissions. Donc on a un lien aussi avec eux.

  • Speaker #0

    La transmission, en fait, c'est des échanges entre vous ?

  • Speaker #1

    En fait, on prend un temps. On n'est pas en clown. On prend un temps ensemble avec les soignants, soit les éducatrices, les jeunes enfants, soit des soignants, qui vont nous dire dans telle chambre, il y a tel enfant, il a tel âge, il a telle pathologie, il y a les parents. Et ça, on prend vraiment ce temps-là.

  • Speaker #0

    C'est une réunion formelle.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est formel. Et... Et ensuite, il se peut que dans certains services où il y a un soin, on puisse faire appel aussi à nous en disant tiens vous serez là à telle heure ou à tel moment. Là on a un soin un peu délicat avec tel enfant, ça serait bien que vous soyez en accompagnement de soin. On appelle ça un accompagnement de soin.

  • Speaker #0

    Il y a un vrai travail d'équipe.

  • Speaker #1

    Voilà, là il y a un vrai travail d'équipe. Parfois c'est pas le moment. Nous on a des jours réguliers pour aller jouer dans tel et tel service. Parfois, ce n'est pas le moment non plus pour un service. On est pris en compte parce qu'on n'est pas discret. Tout le monde sait quand on arrive dans un service. Mais voilà, parfois, si ce n'est pas le moment, ce n'est pas le moment. Si l'enfant ne veut pas, on n'y va pas. On ne force jamais rien. Mais c'est vrai que quand ça se passe, quand on arrive à calmer un enfant ou à le distraire, l'amuser pendant qu'il a un soin, on se félicite. C'est un travail d'équipe. On est contents.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, dans quels hôpitaux aujourd'hui vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Je travaille au CHU de Rennes, en pédiatrie. Et on travaille chez les nourrissons, grands enfants, en co-hémato et en CHIR. Très bien.

  • Speaker #0

    Là, j'ai une question qui est importante pour moi parce que j'avais vu le documentaire « Élimistral gagnant » . de Anne Dauphine Julien il y a quelques années. C'est un documentaire magnifique. Moi, il m'a marqué au fer rouge, donc je ne le regarderai pas deux fois. Justement, sur les enfants malades à l'hôpital, qui m'ont tous épaté. Mais j'ai réalisé aussi le courage et la force de l'entourage, dont la réalisatrice qui a perdu plusieurs enfants. Moi, je souhaite savoir comment on se protège, comment on se préserve parfois de la douleur, de la douleur morale et physique des personnes qu'on côtoie, que ce soit les parents ou les enfants. Comment on se préserve et on met à distance aussi l'injustice qui provoque de la colère de voir ses enfants malades et puis la douleur des proches. Est-ce qu'on met à distance ou c'est quoi vos techniques pour... Éviter de trop rentrer dans l'émotion, si je peux dire.

  • Speaker #1

    On a de l'empathie. Je pense qu'on ne peut pas faire ce métier sans l'empathie. Alors, on a pas mal d'outils dans notre association. Déjà, on joue en duo. Donc, s'il y a un moment où personnellement, on ne peut pas aller, où on est trop touché... On peut dire, là, je ne peux pas aller aujourd'hui, ou j'ai du mal. Donc, on échange, mais pas en clown, avec mon collègue du jour. Ça, c'est possible.

  • Speaker #0

    Le duo, c'est une première force, finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Oui, on n'est pas des super héros. On peut beaucoup écrire aussi. Enfin, voilà, on peut passer par l'écrit. On a des parrains marraines. C'est un peu nos fées. Si jamais je n'ai plus de distance ou je ne sais plus, je ne peux pas en parler à un collègue parce que peut-être que lui aussi est touché, je peux appeler quelqu'un d'autre de mon équipe parce qu'on est 150 clowns. Donc on peut appeler quelqu'un d'autre en disant « il se passe ça pour moi, j'ai du mal, ça c'est possible » . On peut en parler en équipe, on a des réunions d'équipe pour faire de l'analyse de pratique. On peut aussi en parler à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une aide mutuelle très importante. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Et puis, on peut dire là, je suis trop touchée. Ou dire, oh là là, il faut que... Alors, par rapport aux soignants, c'est qu'on n'y va pas tous les jours. Moi, je me pose plutôt des questions par rapport aux soignantes, aux soignants qui sont là tous les jours.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Et nous, on est huit dans une équipe, donc on ne joue pas tous les jours. Et donc, ce qui me permet que... Aujourd'hui, je ne suis pas à l'hôpital. Peut-être qu'hier, il s'est passé quelque chose. Ça va rester un petit peu dans un coin de ma tête. Mais je vais faire autre chose. Je vais marcher. Chacun trouve aussi sa ressource. Et c'est vrai que du coup, moi, je pense beaucoup aux soignants. Et je pense aussi, évidemment, quand on connaît une famille depuis longtemps et qu'il y a un départ, on nous annonce du palliatif. Oui, évidemment qu'on est touchés humainement. Après, ça nous est arrivé. La reine, ça ne m'est pas arrivé. Mais dans d'autres expériences, ça m'est aussi arrivé d'arriver. La transmission est très, très dure. Tout va mal. Et nous, on arrive, les clowns arrivent et on joue et on remet de la vie. Et les parents sont heureux qu'on soit passés aussi dans un moment très difficile pour eux. et voilà nous on essaie de garder la vie en fait

  • Speaker #0

    Oui et puis il y a la parure aussi qui vous aide à vous protéger d'ailleurs je souhaitais poser une question aussi sur la réceptivité des parents face à l'humour, est-ce que tout le monde vous accueille bien entre guillemets ou est-ce que certains justement sont tellement anxieux qu'ils ne sont pas réceptifs et comment vous allez gérer du coup ça ? Il n'y a rien de pire par exemple, c'est comme quand on fait une blague et que ça tombe à l'eau. C'est vrai que parfois les gens, par rapport à certains types d'humour, ne sont pas réceptifs du tout.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc comment vous gérez ça ?

  • Speaker #1

    Parfois, je pense que même des parents se disent, mais qu'est-ce qu'ils font les clowns ? On n'est pas du tout dans un moment pour accueillir des clowns. Ça c'est un peu nos antennes en fait. Quand on rentre dans une chambre, on peut avoir des personnes qui ne vont pas du tout nous regarder, qui vont se tourner, regarder la fenêtre. Il faut savoir que parfois, il y a l'enfant, deux parents. Donc, si l'enfant et l'autre parent sont preneurs, on joue avec l'enfant, le parent, le partenaire. Et si une personne ne veut pas nous voir, on ne va pas aller la chercher dans le jeu, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Vous vous adaptez.

  • Speaker #1

    Et parfois, certains s'expriment tout à fait en disant « Non, on ne veut pas de clowns » . Parfois, on le sait aussi en transmission. Que ce n'est pas le moment d'aller voir une famille parce qu'ils viennent d'avoir une annonce. On ne va pas. On est très respectueux aussi de ça. Et alors, il y a le truc de la peur du clown. Il y a des gens qui ont peur des clowns.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, chez les enfants, ça se comprend. À un certain âge, ils ont peur des clowns. Les ados n'ont pas envie de voir des clowns. Avec les enfants, on a des petites ficelles. Par contre, il y a des adultes qui ont peur des clowns. Donc, soit ils l'expriment à nous directement, soit ils vont dire aux soignants, non, non, mais moi j'ai peur des clowns. Alors, on n'y va pas, ou alors on respecte souvent, ou alors, mais parfois on peut se rencontrer dans le couloir. Donc, c'est une rencontre impromptue.

  • Speaker #0

    Oui, ou être un peu gênée par ses interactions, où la personne, parfois, elle ne sait pas où. se mettre.

  • Speaker #1

    Ça arrive, ça arrive. Des personnes ne savent pas où se mettre.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est peut-être une question étrange, si le nez rouge, si votre nez rouge, il devait avoir une conviction, ça serait laquelle, par rapport à son rôle, le rôle qu'il joue dans l'hôpital ?

  • Speaker #1

    La sincérité.

  • Speaker #0

    La sincérité. Il faut être sincère.

  • Speaker #1

    Il faut être sincère. Voilà.

  • Speaker #0

    On joue, mais on est sincère. C'est pas antinomique.

  • Speaker #1

    Et c'est pas fabriqué.

  • Speaker #0

    Tout à fait. C'est pas superficiel.

  • Speaker #1

    Et c'est pas superficiel.

  • Speaker #0

    Et quand on parlait justement des proches, est-ce que vous avez une histoire marquante avec une rencontre d'un enfant ou d'un parent qui vous a laissé une empreinte, un témoignage qui vous a permis aussi de vous dire ce que je fais a vraiment du sens aussi ? Un témoignage de reconnaissance ? Oui,

  • Speaker #1

    ça arrive. Alors, on ne le prend pas forcément en clown. On a aussi des témoignages après, en fait, de parents qui nous laissent des petits mots ou des choses. Donc ça, c'est super, on est content. Après, nous, personnellement, moi, la récompense, c'est un sourire. On m'a parlé, on a joué avec nous. On a une maman qui pleure parce qu'on chante à son bébé et qu'elle regarde son bébé qui sourit.

  • Speaker #0

    Et l'émotion d'une maman.

  • Speaker #1

    Les émotions, presque. C'est ça le retour le plus beau, en fait. Et oui, après, il y a des... Il y a des histoires, il y a des parcours avec des enfants. Un enfant qui a eu peur au début, et puis après qui va jouer avec nous. Et ça, c'est une récompense super.

  • Speaker #0

    Est-ce que vos personnages portent des prénoms, d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on a des noms de clowns.

  • Speaker #0

    Vous avez des noms de clowns.

  • Speaker #1

    Oui, on a des costumes de clowns. On ne se déguise pas, on se costume.

  • Speaker #0

    Costume.

  • Speaker #1

    Et on a des noms tenus.

  • Speaker #0

    C'est vraiment un personnage. Ce qui aide aussi, pour en revenir à une de mes questions, à cette distance aussi, sans doute, qu'on met. Peut-être que ça aide.

  • Speaker #1

    Par exemple, quand on disait au tout début, mes craintes du début, c'était aussi parce que j'ai observé. Je suis allée, moi, Claire, regarder d'autres clowns jouer. Et là, je me disais, oh là là, il y a du bruit, ce n'est pas possible. Oh là là, les soignantes qui courent partout, ce n'est pas possible. Oh là là, les odeurs, ça ne va pas être possible. Oh là là, un enfant qui pleure tout au bout du couloir, ça ne va pas être possible. Et en fait, une fois qu'on met son nez, il existe tout ça. mais on est dans le jeu en fait.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Il faut être plus clair.

  • Speaker #1

    On a des petites antennes comme on dit parce que c'est vrai que si jamais on vient nous dire non mais là il ne faut pas y aller parce que maman ça ne va pas ou bébé ça ne va pas ou je ne sais quoi, on n'y va pas. Donc on a là, c'est à Brenda qu'on parle, on a un code au Rire Médecin, c'est d'enlever notre nez en fait, même si on est en condition de vous avez quelque chose de très sérieux de nous dire hop, on enlève le nez et quand on a notre nez hop On joue partout, dans les ascenseurs, dans les couloirs.

  • Speaker #0

    Comme un acteur, en fait, dans son rôle.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est parti pour...

  • Speaker #0

    Quand vous vous démaquillez, quand vous enlevez votre costume, votre nez rouge, vous êtes traversée par quelle émotion ? Est-ce qu'on s'habitue tellement à jouer les clowns qu'on n'est plus forcément touchée, même si ce n'est pas vraiment le mot ? Ou est-ce que c'est comme enlever aussi parfois la douleur que vous avez observée ? Je ne sais pas, comment vous vivez le fait de vous remettre en clair ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors déjà, c'est bien aussi parce qu'on est deux, dans le vestiaire après, quand on a fini notre journée, donc on peut discuter des impros qu'on a moins réussies, ou on ne s'est pas trouvées, parce qu'on a aussi, nous, ce travail de duo et d'impro. Il se peut aussi, je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais par exemple, dans une difficulté par rapport à un enfant qui aurait peur de nous, ou quelqu'un qui est fermé, on peut jouer, nous, en... en indirect, on appelle ça le jeu indirect. On ne va pas tout de suite jouer sur l'enfant ou tout de suite jouer avec le parent s'il ne veut pas. Mais nous, on peut continuer notre jeu à nous, à deux.

  • Speaker #0

    Donc ils sont spectateurs finalement.

  • Speaker #1

    Spectateurs, on a le droit aussi. Donc ça, c'est intéressant en fin de journée de débriefer un peu sur notre journée, notre énergie. On se remet ensemble en personne et on... Et là, on peut tout à fait parler de nos familles ou de ce qu'on va faire ce soir.

  • Speaker #0

    Comme du collègue.

  • Speaker #1

    Ou du film qu'on va aller voir ou du film qu'on a vu. Et puis, moi, ce que j'aime bien, c'est que j'ai un petit temps de train. Enfin, voilà, j'ai un train. Je n'arrive pas tout de suite chez moi. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est bien.

  • Speaker #1

    Ça, c'est bien.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, vous parliez des soignants. Qu'est-ce que vous leur apportez aussi aux soignants quand on disait tout à l'heure que c'est au... quotidien qui voient des enfants malades et des familles anxieuses. Est-ce qu'eux vous disent qu'ils sont heureux le jour où vous venez ? Est-ce que vous sentez que ça leur fait du bien ?

  • Speaker #1

    Oui, ils nous renvoient ça aussi. Alors tout le monde, c'est pareil, tout le monde n'a pas envie de jouer avec nous, de participer à une parade, des choses comme ça. Mais en tout cas, oui, c'est une petite bouffée d'air dans le service.

  • Speaker #0

    Et le Rire Médecin, c'est une association, je ne sais pas pas depuis quand elle existe ?

  • Speaker #1

    Depuis 1991.

  • Speaker #0

    En 1991 ? Oui. C'est vrai qu'on la connaît de plus en plus. Je pense que c'est une question que je vais vous poser. C'est pris au sérieux aujourd'hui, le groupe des médecins, la preuve, partout en France, il y a des associations. Est-ce que vous, au fil des années, vous avez observé que le regard des soignants a évolué ? Est-ce que ce n'est pas le même aujourd'hui que celui d'hier ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai... Là, je travaille à Rennes depuis pas très longtemps, donc je ne peux pas avoir trop de recul. Mais en tout cas, ils ont eu envie qu'il y ait des clowns dans les services. Ça,

  • Speaker #0

    c'était vraiment une envie en tous les cas des équipes.

  • Speaker #1

    C'était une envie des équipes. À Angers, c'est vrai qu'il fallait tout construire, en effet. Donc, une équipe de clowns, une équipe des liens avec les soignants. Et c'est un peu homéopathie, en fait. Homéopathie, bon. Oui, c'est ça. Des petites doses, voilà. Il faut se faire accepter, il faut montrer nos talents aussi. Et puis, parfois l'image du clown qui est un peu tarte à la crème. Et voilà, montrer aussi nos talents, qu'on prend en compte tout ce qui se passe à l'hôpital, qu'on va être prudent, qu'on va faire attention. à ne pas faire trop de bruit quand il ne faut pas faire trop de bruit. Être musicale, si c'est le moment d'être musicale. On adapte vraiment notre travail. Et aussi, qu'on est à l'écoute. Et que si à un moment donné, dans le service, il faut être plus calme, il faut faire plus doux, si on nous dit, on va suivre ce mouvement. Moi, je pense que c'est vrai que cette association part des documentaires. Il y a aussi un documentaire de Sarah Giraudeau. Il y a un film qui s'appelle Sur un fil de Redd Akateb qui est sorti l'année dernière, qui raconte l'histoire d'une clown à l'hôpital. Donc tout ça aussi permet de montrer une image du clown, de parler de ce métier.

  • Speaker #0

    Sur Arte, je crois qu'il y a eu aussi, c'est peut-être un des documentaires dont vous venez de parler, qui a été diffusé il y a quelques semaines.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais plus le nom du documentaire, mais je sais que sur Arte, j'avais vu des clowns et passer justement.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    Un titre comme quoi c'était un point sur les clowns à l'hôpital. Et il y en a beaucoup d'ailleurs, quand on va sur YouTube, il y a beaucoup de petits reportages où on voit à chaque fois, parce que j'ai l'impression qu'en fait, c'est à chaque fois en duo pratiquement. En tout cas, dans tous les reportages que j'ai regardés, on voit des clowns travailler en duo.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est une base et c'est riche en fait. C'est riche. C'est très riche.

  • Speaker #0

    Concernant le Rire Médecin, qui est une association très connue, dont je mettrai toutes les coordonnées en publication Instagram, comme... Vous me disiez en off que c'est Reda Kateb, c'est ça l'acteur qui est parrain de l'association ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est un de nos parrains. Et il a observé à l'hôpital. Il a beaucoup aimé. Il a lu le livre de Caroline Simons. Voilà, le titre du livre. Je me demande si il va voir. Voilà. Et donc, il a écrit un film qui s'appelle « Sur un fil » .

  • Speaker #0

    En octobre dernier, vous me disiez.

  • Speaker #1

    Voilà. Et qui raconte l'histoire d'une jeune femme qui découvre le métier de clown à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Je pense que je vais me précipiter pour le voir parce que j'aime beaucoup cet acteur qui est toujours dans des rôles assez forts socialement. Donc c'est pareil, je mettrai le lien pour les personnes qui écouteront ce message. Alors, question peut-être un peu administrative pour comprendre comment vit le rire médecin. Est-ce que les hôpitaux rémunèrent l'association ou est-ce que vous vivez uniquement de dons ? Comment vit l'association aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, les hôpitaux ne donnent pas d'argent, ou alors certains, mais je ne suis, c'est pas la majorité. Et oui, c'est une association qui vit...

  • Speaker #0

    Exclusivement de dons.

  • Speaker #1

    Ouais, et du mécénat.

  • Speaker #0

    Du mécénat, voilà. Vous avez une idée ou pas du budget un peu par année ? Non, non, pas du tout. Mais vous, vous êtes bien, c'est une association, mais vous êtes rémunérée.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas du bénévolat. Comme vous êtes comédienne, on peut se dire que c'est du bénévolat, mais pas du tout. Pas du tout du tout. Pour ça que c'est un métier.

  • Speaker #1

    C'est aussi... Le rire médecin veut cette reconnaissance, et veut cette reconnaissance professionnelle, et embauche des comédiens professionnels pour ensuite travailler dans les hôpitaux. Et du coup, personnellement, j'ai un statut d'intermittente. Vu que je fais d'autres boulots à côté.

  • Speaker #0

    C'est une question peut-être un peu... Je ne sais pas comment on peut la qualifier, mais comment vont évoluer les rôles des clowns à l'hôpital ? Il va rester ce qu'il est à présent et qui est très important. Mais est-ce qu'on peut aussi parfois ne pas imaginer ce genre d'intervention en dehors de l'hôpital ou même, je dis n'importe quoi, auprès d'un public comme des personnes âgées ? Est-ce que parfois vous avez d'autres projets aussi pour... pour faire avancer le Rire Médecin avec d'autres interventions auprès d'autres personnes un peu en souffrance ?

  • Speaker #1

    Alors, le Rire Médecin travaille exclusivement en service pédiatrique.

  • Speaker #0

    Non, gériatrique.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ont développé aussi l'HAD, c'est-à-dire que les enfants hospitalisés à la maison, enfin, en soins à la maison, il y a donc des clowns. pas à Rennes, mais ça a commencé à Nantes, puis dans des hôpitaux de Paris, des clowns qui partent le matin avec l'infirmière et qui vont aller dans la famille et jouer à la maison pour l'enfant pendant son soin et pendant le temps du soin.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc ça c'est déjà ça, je ne savais pas. Je pensais que c'était exclusivement...

  • Speaker #1

    Et ils jouent aussi dans certains hôpitaux auprès de... Un programme s'appelle Maternés, c'est-à-dire qu'ils vont jouer ensemble. en maternité, auprès de mamans isolées ou qui sont en difficulté au tout début d'une maternité. Et ça, c'est aussi nouveau, ça se développe dans différents hôpitaux. Et donc, c'est quand même autour de l'enfant.

  • Speaker #0

    C'est l'enfance.

  • Speaker #1

    C'est l'enfance.

  • Speaker #0

    Parce qu'on pense qu'ils sont plus réceptifs, sans doute, qu'un public adulte.

  • Speaker #1

    En tout cas... Le RER Médecins ne travaille qu'en pédiatrie et développe des projets autour de l'enfance. Après, il y a d'autres associations de clowns hospitaliers qui travaillent beaucoup en gériatrie. Ça se développe beaucoup. Et aussi auprès d'IME ou enfants polyhandicapés. Il y a des structures qui jouent auprès des personnes âgées et c'est assez magique aussi, je crois, ce travail auprès des personnes âgées pour avoir partagé avec des... des copines ou des copains qui font ce travail.

  • Speaker #0

    Et vous, en tous les cas, c'est un rôle que vous voulez continuer à jouer. Ah oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Votre rôle de clown, parce qu'il vous apporte aussi personnellement, sans doute.

  • Speaker #1

    Mais oui, et puis on a tous une histoire personnelle qui fait qu'on est bien dans ce milieu. Après, je ne sais pas. Pourquoi exactement ? Je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous n'avez pas été confrontée à un enfant malade plus jeune ou vous-même malade. Non, c'est vraiment... De toute façon, c'était viscéral chez vous, le côté clown.

  • Speaker #1

    De toute façon, oui.

  • Speaker #0

    Parce que j'avais rencontré une dame dans un avion qui s'appelle Fanny, qui était orthoponiste et qui, elle, est devenue clown. Donc, elle a fait toute la formation, mais qui n'était pas du tout comédienne. Oui. Et ça m'a épatée. Je me suis dit, bon, on peut faire une formation et devenir clown avec une mission très particulière, mais justement hyper épatante et déroutante. Et c'est pour ça que j'avais envie aussi d'en savoir plus sur les personnes qui incarnent le rôle.

  • Speaker #1

    En fait, Caroline Simons, on était un petit groupe et elle nous avait dit, vous n'êtes pas là par hasard. Vous saurez un jour pourquoi vous êtes là. Alors moi je suis plutôt sur, oui je suis clown, c'est toute ma vie, c'est une façon pour moi aussi de m'exprimer, comme si je n'étais pas clown, je serais peut-être danseuse, ou je ne sais pas, j'avais besoin sûrement de mettre de l'énergie quelque part. Et cette phrase m'est restée. Un jour, vous saurez pourquoi vous êtes là.

  • Speaker #0

    Ça, vous ne le savez pas encore, en fait, c'est ça.

  • Speaker #1

    Des fois, j'ai des pistes. Je me dis, ah, ben oui, j'ai rencontré telle personne dans ma vie qui a eu cette maladie et je ne savais pas ce que c'était. Et peut-être que, quelque part, maintenant, je me rends compte de ce qu'elle a eu. Voilà, il y a des pistes parfois, mais... exactement pourquoi.

  • Speaker #0

    Et l'empathie, comme vous disiez tout à l'heure, peut-être qu'en dehors de ce Ausha, même de votre rôle de comédienne, vous êtes, je ne vous connais pas, mais empathique naturellement, de toute façon, et tournée vers l'autre. Je pense qu'on... C'est vrai qu'on n'est pas clowns à l'hôpital par hasard.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ça, c'est clair.

  • Speaker #1

    J'adore les enfants.

  • Speaker #0

    Leur spontanéité, leur sincérité. On a parlé de sincérité tout à l'heure, qui a l'air d'être une valeur importante pour vous. Pas de mensonge.

  • Speaker #1

    Et j'adore... J'adore les enfants, j'adore jouer avec les enfants, j'adore jouer pour les enfants.

  • Speaker #0

    L'humour, est-ce que ce n'est pas une forme de résilience face à la douleur et à la maladie, quelle qu'elle soit en fait ? Est-ce que ce n'est pas une forme de résilience, l'humour ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que oui.

  • Speaker #0

    Rire, parce que parfois on rit alors que je ne sais pas les situations dans lesquelles vous êtes, mais quand je me replonge un peu dans Mistral Gagnant... Moi, ce qui m'a épatée, alors c'était une forme de rupture, je pense, et c'est pour ça que la rupture, ça m'épate toujours, c'était de voir le témoignage d'enfants qui disaient vraiment, avec des mots d'adultes, que leur maladie était dégénérative, qu'ils ne s'en sortiront pas, ou en tous les cas, difficilement, et qu'il y avait une telle force. Enfin, même moi, je me suis pris une claque, parce qu'on se dit, waouh, nous, parfois, on a un pet travers, on s'en plaint. Et là, j'ai trouvé que c'était des enfants tellement incroyables. Justement, un enfant, on se dit, mais d'où il tient ça par rapport à l'adulte qui va plus forcément dramatiser, qui ne va pas être dans les mêmes... Parce que peut-être que c'est l'inconscience de l'enfant aussi. Mais j'avais été épatée, moi aussi, par ces enfants qui réalisaient ce qui leur arrivait et qui étaient pragmatiques. Mais ça ne les empêchait pas de jouer, de rire. En fait, c'est un documentaire très particulier puisqu'il y a autant de... Il vous sert autant le cœur qu'il vous met de la joie. Parce qu'en fait, on voit que le rire et la joie prennent autant de place que la maladie.

  • Speaker #1

    C'est l'instant présent, en fait.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est pas... Vous ne pensez pas que c'est dans l'homme, ça, d'ailleurs, en fait, cette... Est-ce que c'est pas même un espèce d'instinct de survie, de vouloir rire, de vouloir oublier un peu tout ça ? Oui,

  • Speaker #1

    mais... C'est surtout l'instant présent, je dirais. Parce que nous, la rencontre avec l'enfant ou la famille, c'est vraiment, quand je dis sincérité, c'est aussi le moment présent. On n'est pas en train de projeter demain, après demain. On se rencontre, il se passe quelque chose, on a envie de rire ensemble ou de trouver quelque chose de beau. On a envie de vous chanter une belle chanson. Parce que des fois, les parents sont surpris. Par rapport à un ado, par exemple, non, c'est pas...

  • Speaker #0

    Oui, un ado ne va pas y penser.

  • Speaker #1

    Et en fait, on va chanter une chanson et il se passe quelque chose et il y a une émotion. Et moi, je dirais que...

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que vous avez répondu à la question. Je pense que c'est vraiment le... Contrairement à un adulte, l'enfant ne se projette moins à ce qu'on devrait faire. C'est le fameux carpe diem dont on parle tous, mais on n'a pas l'appliqué. C'est vraiment essayer de vivre l'instant. sans se demander demain ce qui se passera, ce qui est une tâche ardue, mais que les enfants, justement, réalisent un peu mieux que les adultes.

  • Speaker #1

    Et justement, s'ils ont une annonce difficile, ils vont pouvoir aussi peut-être se défouler sur nous, en fait. Il y a aussi, ça, c'est les enfants qui ont beaucoup de soins, on ne leur demande pas s'ils peuvent avoir la piqûre ou la prise de sang. Et ils peuvent pas trop... Bon, ils se mettent en colère, mais... Bon, ils sont quand même obligés d'avoir le soin. Donc l'infirmier ou la soignante, à un moment donné, va faire le soin. Et nous, en fait, on arrive sur des instants où, s'il est très en colère, il peut être en colère contre nous, il peut devenir notre chef. Il y a des enfants qui sont très chefs avec nous, qui vont nous dire de quoi faire, non, tu fais pas ça, non, qui nous grondent. C'est... Ça leur fait un bien fou aussi.

  • Speaker #0

    Oui, vous savez vous dire que ce n'est que de la colère et mettre de la distance et tenter toujours d'être dans ce rôle d'essayer de faire oublier ce qui est difficile.

  • Speaker #1

    Et en tout cas, moi je pense que c'est surtout l'instant présent. On arrive, il se passe quoi à ce moment-là ? Et l'enfant, il peut être devant son jeu vidéo, il peut être... triste, mal et tout, mais en même temps ou avoir trop plein d'énergie et nous on joue avec ça et quand on disait l'entourage et tout, j'ai des copines qui me disent ça va, t'as passé une bonne journée ou qu'est-ce que tu fais demain ? Demain je vais jouer, elles disent toi tu vas au travail et tu dis je vais jouer tout ce rôle bien particulier j'ai une question ...

  • Speaker #0

    Alors là, c'est plus mon cœur de maman qui parle, parce que je pense qu'en tant qu'auditeur, je me le demanderais, c'est quoi la situation aujourd'hui de la pédiatrie ? En tous les cas, on parle du CHU d'Arène, il y a beaucoup de cas d'enfants très malades ou est-ce que c'est quand même majoritairement des hospitalisations ambulatoires liées à un panicite ou ce genre de choses ? Beaucoup de soins palliatifs ou pas tellement ? C'est une question qui me traverse sur les enfants malades, en fait, est-ce qu'il y en a beaucoup ? Est-ce que vous trouvez qu'il y en a beaucoup, en tout cas pour des pathologies graves, ou c'est plus des maladies qui se guérissent très bien ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne me rends pas trop compte.

  • Speaker #0

    Vous ne vous en avez pas trop compte.

  • Speaker #1

    Parce que ça dépend vraiment des services. Et puis vous,

  • Speaker #0

    on ne vous dit pas tout non plus.

  • Speaker #1

    On a les transmissions, mais... Ça dépend vraiment. Évidemment, c'est très spécialisé. Si on va en chirurgie, évidemment qu'il y a des appendicites, évidemment qu'il y a des fractures de pieds, de bras, parce que c'est le service où ils vont être soignés. Après, en oncohématose, moi, je ne me rends vraiment pas compte qu'il y a plus de malades aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

  • Speaker #0

    Moi, au tout début, quand j'avais entendu parler du clou de médecin, je pensais, mais c'est partie justement des idées reçues, que vous interveniez vraiment... Mais parce que je pense que quand je regardais les reportages il y a quelques années, on voyait des enfants chauds, on voyait vraiment que les cas étaient graves. Et en fait, c'est très récemment que j'ai découvert que non, même un enfant qui vient pour être plâtré, il mérite aussi... Enfin, il peut avoir aussi l'attention d'un clown, parce que ça reste un moment d'angoisse pour lui. Oui, tout à fait. On ne catégorise pas les pathologies.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, c'est vrai qu'on va être sur... Une seule rencontre. L'enfant viendra juste trois jours. Donc, si les clowns passent, c'est une rencontre. Et puis, dans d'autres services, s'ils sont hospitalisés plus longtemps, ça va être plusieurs rencontres. Et voilà. Comme je disais, on peut construire une petite histoire avec des enfants. Et ça, c'est... Mais à chaque fois qu'on y va, ça va être une nouvelle improvisation, une nouvelle histoire aussi. Et ça, ça dépend vraiment des services. Après, je ne suis pas spécialiste de toutes les maladies des enfants.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    je ne me rends pas trop compte. Alors après, on voit bien les périodes bronchiolites. Chez les bébés, il va y avoir des périodes où il y aura beaucoup de bronchiolites. Puis l'été, ça va être autre chose. Ça, ce n'est pas...

  • Speaker #0

    Quel message d'ailleurs vous auriez à dire aux soignants ? Parce que vous me disiez tout à l'heure qu'eux, ils y sont confrontés au quotidien. Est-ce que vous les trouvez... Épatant, quel regard vous posez sur eux dans votre rôle en tant que clown ou même en tant que Claire par rapport à leur travail ?

  • Speaker #1

    Moi je suis épatée.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut savoir dire, moi c'est un peu l'objet aussi de ma ligne éditoriale, de mettre en avant les gens épatants. Parce qu'il y en a, il y en a plein et ce n'est pas ceux qui se mettent le plus en avant. On les a beaucoup félicitées au moment du Covid, mais en fait, c'est un métier vraiment particulièrement difficile.

  • Speaker #1

    Difficile et pas tous les jours la même chose. Et puis, des départs, des arrivées d'enfants, de familles. Je vois chez les enfants, c'est... Ça bouleverse aussi une famille, même si on va que trois jours parce que le petit a une infection urinaire, mais avant on trouve pourquoi il a de la fièvre. Tout ça, c'est une arrivée aussi à l'hôpital qui bouleverse une famille. Donc, leur accueil, leur professionnalisme.

  • Speaker #0

    Surtout, vous parlez des familles. Moi, la seule expérience que j'ai, je ne souhaite pas en avoir d'autres, mais c'est justement, j'avais eu mon enfant hospitalisé pour la bronchiolite. Et ce qu'on peut comprendre, le soignant, sa priorité, c'est l'enfant. Donc en fait, en tant que parent, on est un peu perdu parfois. On se sent un peu balancé à l'écart. Vous, vous ne pouvez pas dormir, vous vous dormez, on va vous installer là. Parfois, nous, on sait bien que c'est l'enfant la priorité. Mais je pense que ce n'est pas parce qu'on est des adultes qu'il faut nous laisser de côté. Donc je trouve aussi que... Dans votre rôle, c'est pour ça que je le vois un peu comme multiple, surtout depuis que je prépare cette interview, c'est que finalement, oui, vous allez vers les enfants, mais il y a tout un impact quand même sur l'équipe médicale, les proches, les parents. Savoir aussi qu'il y a une association qui œuvre pour donner de la joie, je pense que ça donne du bon au cœur.

  • Speaker #1

    Oui, puis c'est vrai, on joue avec tout le monde, on joue avec les parents aussi.

  • Speaker #0

    Tout n'est pas faux.

  • Speaker #1

    Il est vrai que dans une chambre, on va un peu scanner. parfois il y a deux familles dans une même chambre donc tic tic tic tic tic des âges différents 4 ans avec un ado de 14 ans donc on va adapter le jeu et on a vraiment, on scanne bien la chambre et c'est souvent aussi touchant bah oui quand je viens chez les bébés on dit oh là là vous venez chez les bébés bah oui chez les bébés on va chanter On va chanter, on va babiller, on va écouter le bébé, on va le regarder. Et là aussi, il y a quelque chose qui se passe aussi avec...

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que c'est une mission incroyable. Qu'est-ce que vous auriez à dire d'ailleurs ? Parce que depuis que j'ai appris qu'il y avait une vraie formation, il n'y a pas forcément besoin d'être comédien pour le faire. Qu'est-ce que vous auriez à dire à quelqu'un qui hésite, qui se dit « j'aurais pas les compétences, pourtant j'adorerais » . Qu'est-ce que vous auriez à dire à la personne ? qui hésiteraient à se lancer ?

  • Speaker #1

    Alors, moi, la formation que j'ai faite, c'est vraiment, il faut être comédien.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Il faut être comédien, comédien-clown, avoir déjà son personnage. Il y a d'autres formations, peut-être, où c'est plutôt pour être art-thérapeute, je ne sais pas, je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Ou tout simplement, en fait, on peut tout simplement soutenir l'association sans être clown.

  • Speaker #1

    Ah oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport aux dons, je ne sais pas s'il y a d'autres formes aussi au-delà du don, d'autres formes pour aider le rire médecin ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a des comités bénévoles. Comités bénévoles ? Par ville, en fait, il y a un comité bénévole qui va, si on est sollicité par une école qui aimerait faire une course solidaire ou une vente de fleurs, ou des lycées qui sont intéressés pour entendre parler du métier. Il y a un comité bénévole à Rennes qui va rencontrer les personnes qui sont intéressées, qui font des actions pour récolter de l'argent et parler aussi de notre association.

  • Speaker #0

    Oui, puis comme vous le disiez, vous avez des entreprises mécènes. J'ai le souvenir aussi que pour la route de Rome, j'avais cru voir un jour un voilier porter les couleurs.

  • Speaker #1

    Alors voilà, on a Luc Berry qui est notre skipper, qui a un bateau là, oui, qui vit.

  • Speaker #0

    C'est une belle reconnaissance et je sais qu'au marché de Noël de Saint-Malo, il y avait tout un stand cette année Rire Médecin et j'ai trouvé ça très sympa.

  • Speaker #1

    Chapeau aussi à tous les bénévoles qui s'investissent sur des week-ends, sur des soirées pour aller parler de notre travail.

  • Speaker #0

    Des personnes épatantes.

  • Speaker #1

    Aussi, et qui nous soutiennent et qu'on aime bien rencontrer aussi.

  • Speaker #0

    Parce qu'une association, il ne faut pas oublier que c'est souvent tout un réseau et qu'il faut travailler continuellement.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Surtout quand elle le vit exclusivement, mais comme toutes les associations de cloude, de dons.

  • Speaker #1

    Oui, ou de partenariats avec des entreprises, ça se fait beaucoup aussi dans les Sénats.

  • Speaker #0

    En tout cas, je voulais vous dire que vous êtes passée à l'émission parce que je juge que vous êtes une personne épatante. de votre rôle. Merci beaucoup, en tous les cas, d'avoir répondu à mes questions. Je vous souhaite encore beaucoup d'avenir dans ce rôle de clown médecin. J'espère que vous avez apprécié l'interview.

  • Speaker #1

    Oui, merci beaucoup. C'était très agréable. Après, c'est poser des questions qu'on ne se pose pas tous les jours. C'était intéressant.

  • Speaker #0

    D'entendre la voix du clown. Je ne sais pas si peut-être qu'on pourra montrer une photo sur Instagram. Vous me direz si vous pouvez m'en partager une. Merci encore Claire, bravo à tous les clowns, bravo aux rires médecins, bravo bien entendu aux soignants. Bonne continuation. Merci.

Description

Pour ce troisième épisode d’à cœur d’argument, je suis aux côtés de Claire PRIGENT.

Sous son nom de clown « Brenda », cette Comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard sur Ille et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie.

Parce qu’on soigne mieux un enfant heureux…tel est le mantra qui s’affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créé par l’américaine Caroline Simonds en 1991, vise à restaurer chez l’enfant l'insouciance de son âge et à l’aider à passer au mieux le cap de l’hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie.

Le rire médecin c’est 33 ans d’existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliquées.

Si le rire médecin est connu, il existe de nombreuses autres associations de clown. J’ai souhaité ici m’intéresser à l’une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s’oublie le temps de quelques heures pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèse un quotidien aseptisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À cœur d'argument, ce sont les témoignages de celles et ceux qui ont appris à affirmer et à exprimer leurs convictions et leurs valeurs, sans pour autant répondre ou se rebeller. Des personnes pour qui ce n'était pourtant pas aîné. Parce qu'apprendre à dire non est un long chemin, j'interroge les personnes qui ont relevé le défi de se faire passer avant. Que ce soit à l'écrit, à l'oral ou même par un geste qui a changé le cours des choses, ils nous confient cette longue quête à devenir soi, à se tolérer autant qu'à tolérer son prochain, à se remettre autant en question que la personne qu'on aura beau jeu de juger. Il y a quelques années, j'ai lu cette citation de Benoît de Gros. On est si rarement soi-même finalement, et avec si peu de gens. C'est dur à conquérir la liberté d'être soi. J'ai mis une vie à en prendre de la graine. Cette liberté d'être soi-même que je vais interroger et qui sera le fil conducteur de mes entretiens pour arrêter de taire ou d'excuser qui nous sommes, pour ne plus nous suradapter à des situations qui ne nous conviennent pas. Pour comprendre que ce n'est pas si facile, dans une société que l'on dit pourtant individualiste, de respecter ses besoins. J'aimerais donc en prendre de la graine, moi aussi, avec mes invités, et faire germer en chacun d'entre nous la capacité à s'exprimer de la meilleure façon qu'il soit. Bonjour à toutes et à tous. Pour ce troisième épisode d'Accœur d'arguments, je suis aux côtés de Claire Prigent. Sous son nom de clown Brenda, cette comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard-sur-Ile et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie. Parce qu'on soigne mieux un enfant heureux. tel est le mantra qui s'affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créée par l'américaine Caroline Simons en 1991, vise à restaurer chez l'enfant l'insouciance de son âge et à l'aider à passer au mieux le cap de l'hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie. Le Rire Médecin, c'est 33 ans d'existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliqués. En France, le Rire Médecin propose ses services au sein de 9 villes et œuvrent activement afin que les clowns réalisent leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Si Eliorir Médecins est connu avec de nombreux par inconnus, je pense à Gérard Junieu ou encore très récemment Reda Kateb, qui a réalisé un film fin 2024 sur un film magnifique que vous devez absolument voir, sur justement l'implication d'un clown à l'hôpital. Il existe de nombreuses autres associations de clowns. J'ai souhaité ici m'intéresser à l'une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s'oublie le temps de quelques heures pour... pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèses un quotidien aseptisé. Bonjour Claire, vous êtes comédienne et avez 54 ans et vivez à Saint-Médard-sur-Ile. Pouvez-vous me dire depuis combien d'années vous êtes comédienne et qu'est-ce qui vous a amené à faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, je suis comédienne depuis une vingtaine d'années. J'ai commencé d'abord à être animatrice de cirque. Et j'ai rencontré la comédie, le clown, le cycle à ce moment-là. Et je me suis passionnée pour le travail du clown.

  • Speaker #0

    Ah, donc dès vos débuts, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, et c'est parce que j'ai pratiqué tout de suite, parce que j'ai fait des formations. On ne devient pas clown comme ça. J'ai fait des formations, j'ai rencontré des gens qui étaient clowns. Et donc, petit à petit, à force de se former, Et je me suis dit, c'est un métier que j'aimerais bien faire.

  • Speaker #0

    Et j'aimerais en savoir plus pourquoi, d'ailleurs, clown, enfant ou adolescente, vous aviez une appétence déjà pour cet univers-là ? Qu'est-ce qui vous a amené ? Parce que c'est un univers particulier, quand même, le clown. Qu'est-ce qui a fait que ça vous a plu ?

  • Speaker #1

    Alors là, c'est la magie.

  • Speaker #0

    C'est la magie. Vous avez été touchée, sensibilisée à cet univers-là ?

  • Speaker #1

    Oui, quand j'étais petite, j'aimais bien aller au cirque. Et encore, des fois, les clowns, ils font un peu peur aussi. J'aimais cet univers en tout cas. J'aimais faire du théâtre, j'aimais danser, j'aimais toute petite me déguiser, imiter des personnalités, des chanteurs, des chanteuses. Alors est-ce que ça vient de là ? Peut-être.

  • Speaker #0

    Et quel spectacle vous a particulièrement... Est-ce que vous avez un souvenir d'un spectacle justement que vous avez vu plus jeune qui vous a marqué ?

  • Speaker #1

    Alors... Toute jeune, j'ai vu un spectacle de marionnettes géantes. Je suis de Morlaix, dans le Finistère, et il y avait une troupe de théâtre qui proposait des marionnettes géantes. Et j'ai vu un spectacle magnifique. Je suis sortie de là, j'ai dit « Waouh, c'est trop beau ! » Je ne me suis pas dit « Je vais faire ça plus tard » . Mais en tout cas, j'ai adoré ce moment. Et ensuite, adolescente, j'ai vu un spectacle de Royal Deluxe qui s'appelait « Roman Photo » . Et là, j'ai adoré. J'ai dit, ah ouais, d'accord. Je ne voyais pas forcément que c'était du clown. Enfin, c'était du théâtre de rue. Et là, j'ai découvert le théâtre de rue. Et j'ai trouvé que les comédiens étaient toujours à fond. Il y avait des idées de décors. C'était drôle. Tout le monde riait, je ne sais pas combien de personnes on était, mais tout le monde rit en même temps.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le côté rire qui vous a entraîné aussi ? Oui,

  • Speaker #1

    j'étais quand même attirée par les spectacles de rue, soit grandioses, des choses avec des feux d'artifice, j'ai vu aussi des troupes où il y avait beaucoup de trucs qui faisaient même un peu peur. Mais le rire, oui, aller voir des spectacles.

  • Speaker #0

    Il y avait des artistes dans votre famille ? C'est familialement qu'on vous a amené à ça ou même pas du tout ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas spécialement, ça a été vraiment une curiosité.

  • Speaker #1

    Pas spécialement. Après, j'avais ma maman et une tante qui étaient sensibles au théâtre, car on avait fait jeune fille du théâtre. Donc, on m'a emmenée voir des spectacles. Par l'école aussi, on allait voir des spectacles. Mais sinon, non, dans la famille, on n'était pas artistes.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, à partir de quand ? Avez-vous commencé le métier de clown ou de mission de clown à l'hôpital ? Spécifiquement à l'hôpital. Depuis quand vous faites ça ?

  • Speaker #1

    En 2012, j'ai fait une formation. Il existe une formation de comédien clown à l'hôpital. J'ai souhaité faire cette formation qui durait six mois. On était sur le terrain, accueillis par une équipe de clowns à l'hôpital. Et puis à la fois de la théorie un petit peu médicale et puis aussi des formations de clowns parce qu'on est formé pour jouer auprès des bébés, auprès des ados. On apprend des chansons, on apprend le duo parce qu'en fait c'est à l'hôpital très spécifique dans l'association où je travaille, on est en duo en fait, on est professionnel en duo. Donc beaucoup de jeux de clowns en duo, des improvisations. À chaque rencontre dans une chambre, c'est une improvisation. Donc j'ai fait une formation qui m'a ouvert à ce métier, qui m'a fait découvrir ce métier. Et ensuite, j'ai été embauchée pour travailler sur une équipe à Angers. Voilà, un programme s'est ouvert, le Rire Médecin a ouvert un programme à Angers. Et voilà, j'ai commencé à travailler en 2014.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est à travers quel organisme que vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Toujours le Rire Médecin.

  • Speaker #0

    Toujours le Rire Médecin. Oui, qui est l'association la plus connue d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #1

    il y en a beaucoup.

  • Speaker #0

    Parce qu'il y en a énormément. Mais le Rire Médecin, en effet, est celle dont on parle le plus.

  • Speaker #1

    Oui. Et là maintenant, depuis deux ans, je suis à Rennes.

  • Speaker #0

    Et c'est une activité à 100% ou vous faites autre chose dans la comédie à côté ?

  • Speaker #1

    Je fais autre chose. Je suis intermittente du spectacle. Et je continue à donner des stages de cirque. auprès d'enfants, et des spectacles.

  • Speaker #0

    Et comment on parle de ses Ausha ce choix d'être clown à l'hôpital ? Parce qu'il faut quand même du cran, enfin un certain cran pour faire ça, dans le sens où ça requiert beaucoup de compétences, mais comment on l'affirme auprès de son entourage ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un métier passion, pour moi je pense que c'est un métier passion. Donc quand on en parle... ... Avant d'être clown à l'hôpital, j'en parlais beaucoup déjà avant. J'aimerais t'en faire ça, j'aimerais t'en faire ça. Donc, ma famille proche était plutôt contente.

  • Speaker #0

    Contente, mais oui. Mais c'est vrai que quand on écoute votre parcours, c'est presque logique.

  • Speaker #1

    On était vraiment contentes que j'arrive à ce travail.

  • Speaker #0

    On vous prend au sérieux.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Un clown doit être sérieux.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et non, c'est plutôt... Un accompagnement aussi. Et puis bon, comme tout métier, il se passe des choses à l'hôpital, avec mes collègues, avec mes collègues, partager mes difficultés ou mes joies. Et puis à mon entourage, je peux parler de mon travail. Mais de toute façon, avant même d'être clown à l'hôpital, ma famille m'a suivie dans des spectacles où j'ai pu jouer et tout ça. Ça fait partie de notre vie. Après, c'est un lieu où ils ne viendront pas me voir jouer. Ils ne connaissent pas vraiment ma journée complète.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est particulier dans le sens où il n'y a pas un public. Là, c'est vous qui allez vers les gens.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Et est-ce que... Quelles ont été vos premières craintes ? Parce que la partie formation, c'est une chose, mais il y a le patient. À un moment donné, il faut sauter dans le bain. Quelles ont été vos premières craintes ? Ou en tout cas, quels étaient peut-être vos préjugés ? Et comment vous avez fait face à ça ?

  • Speaker #1

    Les préjugés, c'était peut-être plus par rapport à l'hôpital, l'ambiance hôpital. Je me souviens, on notait nos premières impressions quand on les a observées. Et les odeurs, les bruits, l'agitation, peur qu'il se passe quelque chose de grave quand on est dans le service. Voilà, ça, c'était vraiment des craintes. Et puis finalement, le clown, c'est aussi... un personnage et on a un petit masque, en fait. Donc, ça permet aussi d'avoir une distance, une petite distance avec tout ça. Alors, les bruits, ça existe, les odeurs, ça existe. J'ai moins peur. Et surtout, ce qui est super, c'est qu'on met vraiment l'enfant au centre du jeu, en fait. On va à la rencontre d'un enfant, d'une fratrie, parfois, des parents. Et on remet une vie dans l'hôpital, en fait. On rencontre vraiment des personnes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, quand vous entrez dans une chambre, est-ce que vous avez un objectif en tête quand vous démarrez votre interprétation, si puis-je dire ? Est-ce que vous avez un objectif ou est-ce que vous vous laissez complètement aller à de l'improvisation, justement, et vous vous adaptez à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. C'est exactement ça. On fait un... Une représentation sur mesure pour chaque enfant. Vu qu'on peut aller voir un bébé et ensuite ce sera un jeune ado. Et alors un truc très important, c'est qu'on a des transmissions. On sait qui on va voir, l'âge de l'enfant, où il en est dans sa journée, dans son parcours de soins aussi. Il y a des enfants qu'on ne verra qu'une fois. Il y a des enfants qu'on voit longtemps. Donc on adapte aussi. Il peut y avoir des petits feuilletons avec des enfants. Je dis feuilletons, des petites histoires qui continuent.

  • Speaker #0

    C'est une question que j'avais plus tard, mais j'en profite parce que c'est très intéressant. Je voulais vous demander comment les équipes médicales justement vous accueillent-elles. Mais à chaque fois que vous venez, est-ce que vous êtes un vrai partenaire de soins qui s'adapte à votre venue ? Ou est-ce que c'est à chaque fois à vous de vous adapter ? Sachant que c'est un univers clinique, donc une fois de plus, pas un environnement de clown. Donc pour vous, ça demande vraiment une capacité d'adaptation. Mais comment agissent les équipes médicales à vos côtés ?

  • Speaker #1

    Alors, bon déjà, on fait des transmissions. Donc on a un lien aussi avec eux.

  • Speaker #0

    La transmission, en fait, c'est des échanges entre vous ?

  • Speaker #1

    En fait, on prend un temps. On n'est pas en clown. On prend un temps ensemble avec les soignants, soit les éducatrices, les jeunes enfants, soit des soignants, qui vont nous dire dans telle chambre, il y a tel enfant, il a tel âge, il a telle pathologie, il y a les parents. Et ça, on prend vraiment ce temps-là.

  • Speaker #0

    C'est une réunion formelle.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est formel. Et... Et ensuite, il se peut que dans certains services où il y a un soin, on puisse faire appel aussi à nous en disant tiens vous serez là à telle heure ou à tel moment. Là on a un soin un peu délicat avec tel enfant, ça serait bien que vous soyez en accompagnement de soin. On appelle ça un accompagnement de soin.

  • Speaker #0

    Il y a un vrai travail d'équipe.

  • Speaker #1

    Voilà, là il y a un vrai travail d'équipe. Parfois c'est pas le moment. Nous on a des jours réguliers pour aller jouer dans tel et tel service. Parfois, ce n'est pas le moment non plus pour un service. On est pris en compte parce qu'on n'est pas discret. Tout le monde sait quand on arrive dans un service. Mais voilà, parfois, si ce n'est pas le moment, ce n'est pas le moment. Si l'enfant ne veut pas, on n'y va pas. On ne force jamais rien. Mais c'est vrai que quand ça se passe, quand on arrive à calmer un enfant ou à le distraire, l'amuser pendant qu'il a un soin, on se félicite. C'est un travail d'équipe. On est contents.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, dans quels hôpitaux aujourd'hui vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Je travaille au CHU de Rennes, en pédiatrie. Et on travaille chez les nourrissons, grands enfants, en co-hémato et en CHIR. Très bien.

  • Speaker #0

    Là, j'ai une question qui est importante pour moi parce que j'avais vu le documentaire « Élimistral gagnant » . de Anne Dauphine Julien il y a quelques années. C'est un documentaire magnifique. Moi, il m'a marqué au fer rouge, donc je ne le regarderai pas deux fois. Justement, sur les enfants malades à l'hôpital, qui m'ont tous épaté. Mais j'ai réalisé aussi le courage et la force de l'entourage, dont la réalisatrice qui a perdu plusieurs enfants. Moi, je souhaite savoir comment on se protège, comment on se préserve parfois de la douleur, de la douleur morale et physique des personnes qu'on côtoie, que ce soit les parents ou les enfants. Comment on se préserve et on met à distance aussi l'injustice qui provoque de la colère de voir ses enfants malades et puis la douleur des proches. Est-ce qu'on met à distance ou c'est quoi vos techniques pour... Éviter de trop rentrer dans l'émotion, si je peux dire.

  • Speaker #1

    On a de l'empathie. Je pense qu'on ne peut pas faire ce métier sans l'empathie. Alors, on a pas mal d'outils dans notre association. Déjà, on joue en duo. Donc, s'il y a un moment où personnellement, on ne peut pas aller, où on est trop touché... On peut dire, là, je ne peux pas aller aujourd'hui, ou j'ai du mal. Donc, on échange, mais pas en clown, avec mon collègue du jour. Ça, c'est possible.

  • Speaker #0

    Le duo, c'est une première force, finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Oui, on n'est pas des super héros. On peut beaucoup écrire aussi. Enfin, voilà, on peut passer par l'écrit. On a des parrains marraines. C'est un peu nos fées. Si jamais je n'ai plus de distance ou je ne sais plus, je ne peux pas en parler à un collègue parce que peut-être que lui aussi est touché, je peux appeler quelqu'un d'autre de mon équipe parce qu'on est 150 clowns. Donc on peut appeler quelqu'un d'autre en disant « il se passe ça pour moi, j'ai du mal, ça c'est possible » . On peut en parler en équipe, on a des réunions d'équipe pour faire de l'analyse de pratique. On peut aussi en parler à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une aide mutuelle très importante. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Et puis, on peut dire là, je suis trop touchée. Ou dire, oh là là, il faut que... Alors, par rapport aux soignants, c'est qu'on n'y va pas tous les jours. Moi, je me pose plutôt des questions par rapport aux soignantes, aux soignants qui sont là tous les jours.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Et nous, on est huit dans une équipe, donc on ne joue pas tous les jours. Et donc, ce qui me permet que... Aujourd'hui, je ne suis pas à l'hôpital. Peut-être qu'hier, il s'est passé quelque chose. Ça va rester un petit peu dans un coin de ma tête. Mais je vais faire autre chose. Je vais marcher. Chacun trouve aussi sa ressource. Et c'est vrai que du coup, moi, je pense beaucoup aux soignants. Et je pense aussi, évidemment, quand on connaît une famille depuis longtemps et qu'il y a un départ, on nous annonce du palliatif. Oui, évidemment qu'on est touchés humainement. Après, ça nous est arrivé. La reine, ça ne m'est pas arrivé. Mais dans d'autres expériences, ça m'est aussi arrivé d'arriver. La transmission est très, très dure. Tout va mal. Et nous, on arrive, les clowns arrivent et on joue et on remet de la vie. Et les parents sont heureux qu'on soit passés aussi dans un moment très difficile pour eux. et voilà nous on essaie de garder la vie en fait

  • Speaker #0

    Oui et puis il y a la parure aussi qui vous aide à vous protéger d'ailleurs je souhaitais poser une question aussi sur la réceptivité des parents face à l'humour, est-ce que tout le monde vous accueille bien entre guillemets ou est-ce que certains justement sont tellement anxieux qu'ils ne sont pas réceptifs et comment vous allez gérer du coup ça ? Il n'y a rien de pire par exemple, c'est comme quand on fait une blague et que ça tombe à l'eau. C'est vrai que parfois les gens, par rapport à certains types d'humour, ne sont pas réceptifs du tout.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc comment vous gérez ça ?

  • Speaker #1

    Parfois, je pense que même des parents se disent, mais qu'est-ce qu'ils font les clowns ? On n'est pas du tout dans un moment pour accueillir des clowns. Ça c'est un peu nos antennes en fait. Quand on rentre dans une chambre, on peut avoir des personnes qui ne vont pas du tout nous regarder, qui vont se tourner, regarder la fenêtre. Il faut savoir que parfois, il y a l'enfant, deux parents. Donc, si l'enfant et l'autre parent sont preneurs, on joue avec l'enfant, le parent, le partenaire. Et si une personne ne veut pas nous voir, on ne va pas aller la chercher dans le jeu, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Vous vous adaptez.

  • Speaker #1

    Et parfois, certains s'expriment tout à fait en disant « Non, on ne veut pas de clowns » . Parfois, on le sait aussi en transmission. Que ce n'est pas le moment d'aller voir une famille parce qu'ils viennent d'avoir une annonce. On ne va pas. On est très respectueux aussi de ça. Et alors, il y a le truc de la peur du clown. Il y a des gens qui ont peur des clowns.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, chez les enfants, ça se comprend. À un certain âge, ils ont peur des clowns. Les ados n'ont pas envie de voir des clowns. Avec les enfants, on a des petites ficelles. Par contre, il y a des adultes qui ont peur des clowns. Donc, soit ils l'expriment à nous directement, soit ils vont dire aux soignants, non, non, mais moi j'ai peur des clowns. Alors, on n'y va pas, ou alors on respecte souvent, ou alors, mais parfois on peut se rencontrer dans le couloir. Donc, c'est une rencontre impromptue.

  • Speaker #0

    Oui, ou être un peu gênée par ses interactions, où la personne, parfois, elle ne sait pas où. se mettre.

  • Speaker #1

    Ça arrive, ça arrive. Des personnes ne savent pas où se mettre.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est peut-être une question étrange, si le nez rouge, si votre nez rouge, il devait avoir une conviction, ça serait laquelle, par rapport à son rôle, le rôle qu'il joue dans l'hôpital ?

  • Speaker #1

    La sincérité.

  • Speaker #0

    La sincérité. Il faut être sincère.

  • Speaker #1

    Il faut être sincère. Voilà.

  • Speaker #0

    On joue, mais on est sincère. C'est pas antinomique.

  • Speaker #1

    Et c'est pas fabriqué.

  • Speaker #0

    Tout à fait. C'est pas superficiel.

  • Speaker #1

    Et c'est pas superficiel.

  • Speaker #0

    Et quand on parlait justement des proches, est-ce que vous avez une histoire marquante avec une rencontre d'un enfant ou d'un parent qui vous a laissé une empreinte, un témoignage qui vous a permis aussi de vous dire ce que je fais a vraiment du sens aussi ? Un témoignage de reconnaissance ? Oui,

  • Speaker #1

    ça arrive. Alors, on ne le prend pas forcément en clown. On a aussi des témoignages après, en fait, de parents qui nous laissent des petits mots ou des choses. Donc ça, c'est super, on est content. Après, nous, personnellement, moi, la récompense, c'est un sourire. On m'a parlé, on a joué avec nous. On a une maman qui pleure parce qu'on chante à son bébé et qu'elle regarde son bébé qui sourit.

  • Speaker #0

    Et l'émotion d'une maman.

  • Speaker #1

    Les émotions, presque. C'est ça le retour le plus beau, en fait. Et oui, après, il y a des... Il y a des histoires, il y a des parcours avec des enfants. Un enfant qui a eu peur au début, et puis après qui va jouer avec nous. Et ça, c'est une récompense super.

  • Speaker #0

    Est-ce que vos personnages portent des prénoms, d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on a des noms de clowns.

  • Speaker #0

    Vous avez des noms de clowns.

  • Speaker #1

    Oui, on a des costumes de clowns. On ne se déguise pas, on se costume.

  • Speaker #0

    Costume.

  • Speaker #1

    Et on a des noms tenus.

  • Speaker #0

    C'est vraiment un personnage. Ce qui aide aussi, pour en revenir à une de mes questions, à cette distance aussi, sans doute, qu'on met. Peut-être que ça aide.

  • Speaker #1

    Par exemple, quand on disait au tout début, mes craintes du début, c'était aussi parce que j'ai observé. Je suis allée, moi, Claire, regarder d'autres clowns jouer. Et là, je me disais, oh là là, il y a du bruit, ce n'est pas possible. Oh là là, les soignantes qui courent partout, ce n'est pas possible. Oh là là, les odeurs, ça ne va pas être possible. Oh là là, un enfant qui pleure tout au bout du couloir, ça ne va pas être possible. Et en fait, une fois qu'on met son nez, il existe tout ça. mais on est dans le jeu en fait.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Il faut être plus clair.

  • Speaker #1

    On a des petites antennes comme on dit parce que c'est vrai que si jamais on vient nous dire non mais là il ne faut pas y aller parce que maman ça ne va pas ou bébé ça ne va pas ou je ne sais quoi, on n'y va pas. Donc on a là, c'est à Brenda qu'on parle, on a un code au Rire Médecin, c'est d'enlever notre nez en fait, même si on est en condition de vous avez quelque chose de très sérieux de nous dire hop, on enlève le nez et quand on a notre nez hop On joue partout, dans les ascenseurs, dans les couloirs.

  • Speaker #0

    Comme un acteur, en fait, dans son rôle.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est parti pour...

  • Speaker #0

    Quand vous vous démaquillez, quand vous enlevez votre costume, votre nez rouge, vous êtes traversée par quelle émotion ? Est-ce qu'on s'habitue tellement à jouer les clowns qu'on n'est plus forcément touchée, même si ce n'est pas vraiment le mot ? Ou est-ce que c'est comme enlever aussi parfois la douleur que vous avez observée ? Je ne sais pas, comment vous vivez le fait de vous remettre en clair ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors déjà, c'est bien aussi parce qu'on est deux, dans le vestiaire après, quand on a fini notre journée, donc on peut discuter des impros qu'on a moins réussies, ou on ne s'est pas trouvées, parce qu'on a aussi, nous, ce travail de duo et d'impro. Il se peut aussi, je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais par exemple, dans une difficulté par rapport à un enfant qui aurait peur de nous, ou quelqu'un qui est fermé, on peut jouer, nous, en... en indirect, on appelle ça le jeu indirect. On ne va pas tout de suite jouer sur l'enfant ou tout de suite jouer avec le parent s'il ne veut pas. Mais nous, on peut continuer notre jeu à nous, à deux.

  • Speaker #0

    Donc ils sont spectateurs finalement.

  • Speaker #1

    Spectateurs, on a le droit aussi. Donc ça, c'est intéressant en fin de journée de débriefer un peu sur notre journée, notre énergie. On se remet ensemble en personne et on... Et là, on peut tout à fait parler de nos familles ou de ce qu'on va faire ce soir.

  • Speaker #0

    Comme du collègue.

  • Speaker #1

    Ou du film qu'on va aller voir ou du film qu'on a vu. Et puis, moi, ce que j'aime bien, c'est que j'ai un petit temps de train. Enfin, voilà, j'ai un train. Je n'arrive pas tout de suite chez moi. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est bien.

  • Speaker #1

    Ça, c'est bien.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, vous parliez des soignants. Qu'est-ce que vous leur apportez aussi aux soignants quand on disait tout à l'heure que c'est au... quotidien qui voient des enfants malades et des familles anxieuses. Est-ce qu'eux vous disent qu'ils sont heureux le jour où vous venez ? Est-ce que vous sentez que ça leur fait du bien ?

  • Speaker #1

    Oui, ils nous renvoient ça aussi. Alors tout le monde, c'est pareil, tout le monde n'a pas envie de jouer avec nous, de participer à une parade, des choses comme ça. Mais en tout cas, oui, c'est une petite bouffée d'air dans le service.

  • Speaker #0

    Et le Rire Médecin, c'est une association, je ne sais pas pas depuis quand elle existe ?

  • Speaker #1

    Depuis 1991.

  • Speaker #0

    En 1991 ? Oui. C'est vrai qu'on la connaît de plus en plus. Je pense que c'est une question que je vais vous poser. C'est pris au sérieux aujourd'hui, le groupe des médecins, la preuve, partout en France, il y a des associations. Est-ce que vous, au fil des années, vous avez observé que le regard des soignants a évolué ? Est-ce que ce n'est pas le même aujourd'hui que celui d'hier ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai... Là, je travaille à Rennes depuis pas très longtemps, donc je ne peux pas avoir trop de recul. Mais en tout cas, ils ont eu envie qu'il y ait des clowns dans les services. Ça,

  • Speaker #0

    c'était vraiment une envie en tous les cas des équipes.

  • Speaker #1

    C'était une envie des équipes. À Angers, c'est vrai qu'il fallait tout construire, en effet. Donc, une équipe de clowns, une équipe des liens avec les soignants. Et c'est un peu homéopathie, en fait. Homéopathie, bon. Oui, c'est ça. Des petites doses, voilà. Il faut se faire accepter, il faut montrer nos talents aussi. Et puis, parfois l'image du clown qui est un peu tarte à la crème. Et voilà, montrer aussi nos talents, qu'on prend en compte tout ce qui se passe à l'hôpital, qu'on va être prudent, qu'on va faire attention. à ne pas faire trop de bruit quand il ne faut pas faire trop de bruit. Être musicale, si c'est le moment d'être musicale. On adapte vraiment notre travail. Et aussi, qu'on est à l'écoute. Et que si à un moment donné, dans le service, il faut être plus calme, il faut faire plus doux, si on nous dit, on va suivre ce mouvement. Moi, je pense que c'est vrai que cette association part des documentaires. Il y a aussi un documentaire de Sarah Giraudeau. Il y a un film qui s'appelle Sur un fil de Redd Akateb qui est sorti l'année dernière, qui raconte l'histoire d'une clown à l'hôpital. Donc tout ça aussi permet de montrer une image du clown, de parler de ce métier.

  • Speaker #0

    Sur Arte, je crois qu'il y a eu aussi, c'est peut-être un des documentaires dont vous venez de parler, qui a été diffusé il y a quelques semaines.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais plus le nom du documentaire, mais je sais que sur Arte, j'avais vu des clowns et passer justement.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    Un titre comme quoi c'était un point sur les clowns à l'hôpital. Et il y en a beaucoup d'ailleurs, quand on va sur YouTube, il y a beaucoup de petits reportages où on voit à chaque fois, parce que j'ai l'impression qu'en fait, c'est à chaque fois en duo pratiquement. En tout cas, dans tous les reportages que j'ai regardés, on voit des clowns travailler en duo.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est une base et c'est riche en fait. C'est riche. C'est très riche.

  • Speaker #0

    Concernant le Rire Médecin, qui est une association très connue, dont je mettrai toutes les coordonnées en publication Instagram, comme... Vous me disiez en off que c'est Reda Kateb, c'est ça l'acteur qui est parrain de l'association ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est un de nos parrains. Et il a observé à l'hôpital. Il a beaucoup aimé. Il a lu le livre de Caroline Simons. Voilà, le titre du livre. Je me demande si il va voir. Voilà. Et donc, il a écrit un film qui s'appelle « Sur un fil » .

  • Speaker #0

    En octobre dernier, vous me disiez.

  • Speaker #1

    Voilà. Et qui raconte l'histoire d'une jeune femme qui découvre le métier de clown à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Je pense que je vais me précipiter pour le voir parce que j'aime beaucoup cet acteur qui est toujours dans des rôles assez forts socialement. Donc c'est pareil, je mettrai le lien pour les personnes qui écouteront ce message. Alors, question peut-être un peu administrative pour comprendre comment vit le rire médecin. Est-ce que les hôpitaux rémunèrent l'association ou est-ce que vous vivez uniquement de dons ? Comment vit l'association aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, les hôpitaux ne donnent pas d'argent, ou alors certains, mais je ne suis, c'est pas la majorité. Et oui, c'est une association qui vit...

  • Speaker #0

    Exclusivement de dons.

  • Speaker #1

    Ouais, et du mécénat.

  • Speaker #0

    Du mécénat, voilà. Vous avez une idée ou pas du budget un peu par année ? Non, non, pas du tout. Mais vous, vous êtes bien, c'est une association, mais vous êtes rémunérée.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas du bénévolat. Comme vous êtes comédienne, on peut se dire que c'est du bénévolat, mais pas du tout. Pas du tout du tout. Pour ça que c'est un métier.

  • Speaker #1

    C'est aussi... Le rire médecin veut cette reconnaissance, et veut cette reconnaissance professionnelle, et embauche des comédiens professionnels pour ensuite travailler dans les hôpitaux. Et du coup, personnellement, j'ai un statut d'intermittente. Vu que je fais d'autres boulots à côté.

  • Speaker #0

    C'est une question peut-être un peu... Je ne sais pas comment on peut la qualifier, mais comment vont évoluer les rôles des clowns à l'hôpital ? Il va rester ce qu'il est à présent et qui est très important. Mais est-ce qu'on peut aussi parfois ne pas imaginer ce genre d'intervention en dehors de l'hôpital ou même, je dis n'importe quoi, auprès d'un public comme des personnes âgées ? Est-ce que parfois vous avez d'autres projets aussi pour... pour faire avancer le Rire Médecin avec d'autres interventions auprès d'autres personnes un peu en souffrance ?

  • Speaker #1

    Alors, le Rire Médecin travaille exclusivement en service pédiatrique.

  • Speaker #0

    Non, gériatrique.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ont développé aussi l'HAD, c'est-à-dire que les enfants hospitalisés à la maison, enfin, en soins à la maison, il y a donc des clowns. pas à Rennes, mais ça a commencé à Nantes, puis dans des hôpitaux de Paris, des clowns qui partent le matin avec l'infirmière et qui vont aller dans la famille et jouer à la maison pour l'enfant pendant son soin et pendant le temps du soin.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc ça c'est déjà ça, je ne savais pas. Je pensais que c'était exclusivement...

  • Speaker #1

    Et ils jouent aussi dans certains hôpitaux auprès de... Un programme s'appelle Maternés, c'est-à-dire qu'ils vont jouer ensemble. en maternité, auprès de mamans isolées ou qui sont en difficulté au tout début d'une maternité. Et ça, c'est aussi nouveau, ça se développe dans différents hôpitaux. Et donc, c'est quand même autour de l'enfant.

  • Speaker #0

    C'est l'enfance.

  • Speaker #1

    C'est l'enfance.

  • Speaker #0

    Parce qu'on pense qu'ils sont plus réceptifs, sans doute, qu'un public adulte.

  • Speaker #1

    En tout cas... Le RER Médecins ne travaille qu'en pédiatrie et développe des projets autour de l'enfance. Après, il y a d'autres associations de clowns hospitaliers qui travaillent beaucoup en gériatrie. Ça se développe beaucoup. Et aussi auprès d'IME ou enfants polyhandicapés. Il y a des structures qui jouent auprès des personnes âgées et c'est assez magique aussi, je crois, ce travail auprès des personnes âgées pour avoir partagé avec des... des copines ou des copains qui font ce travail.

  • Speaker #0

    Et vous, en tous les cas, c'est un rôle que vous voulez continuer à jouer. Ah oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Votre rôle de clown, parce qu'il vous apporte aussi personnellement, sans doute.

  • Speaker #1

    Mais oui, et puis on a tous une histoire personnelle qui fait qu'on est bien dans ce milieu. Après, je ne sais pas. Pourquoi exactement ? Je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous n'avez pas été confrontée à un enfant malade plus jeune ou vous-même malade. Non, c'est vraiment... De toute façon, c'était viscéral chez vous, le côté clown.

  • Speaker #1

    De toute façon, oui.

  • Speaker #0

    Parce que j'avais rencontré une dame dans un avion qui s'appelle Fanny, qui était orthoponiste et qui, elle, est devenue clown. Donc, elle a fait toute la formation, mais qui n'était pas du tout comédienne. Oui. Et ça m'a épatée. Je me suis dit, bon, on peut faire une formation et devenir clown avec une mission très particulière, mais justement hyper épatante et déroutante. Et c'est pour ça que j'avais envie aussi d'en savoir plus sur les personnes qui incarnent le rôle.

  • Speaker #1

    En fait, Caroline Simons, on était un petit groupe et elle nous avait dit, vous n'êtes pas là par hasard. Vous saurez un jour pourquoi vous êtes là. Alors moi je suis plutôt sur, oui je suis clown, c'est toute ma vie, c'est une façon pour moi aussi de m'exprimer, comme si je n'étais pas clown, je serais peut-être danseuse, ou je ne sais pas, j'avais besoin sûrement de mettre de l'énergie quelque part. Et cette phrase m'est restée. Un jour, vous saurez pourquoi vous êtes là.

  • Speaker #0

    Ça, vous ne le savez pas encore, en fait, c'est ça.

  • Speaker #1

    Des fois, j'ai des pistes. Je me dis, ah, ben oui, j'ai rencontré telle personne dans ma vie qui a eu cette maladie et je ne savais pas ce que c'était. Et peut-être que, quelque part, maintenant, je me rends compte de ce qu'elle a eu. Voilà, il y a des pistes parfois, mais... exactement pourquoi.

  • Speaker #0

    Et l'empathie, comme vous disiez tout à l'heure, peut-être qu'en dehors de ce Ausha, même de votre rôle de comédienne, vous êtes, je ne vous connais pas, mais empathique naturellement, de toute façon, et tournée vers l'autre. Je pense qu'on... C'est vrai qu'on n'est pas clowns à l'hôpital par hasard.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ça, c'est clair.

  • Speaker #1

    J'adore les enfants.

  • Speaker #0

    Leur spontanéité, leur sincérité. On a parlé de sincérité tout à l'heure, qui a l'air d'être une valeur importante pour vous. Pas de mensonge.

  • Speaker #1

    Et j'adore... J'adore les enfants, j'adore jouer avec les enfants, j'adore jouer pour les enfants.

  • Speaker #0

    L'humour, est-ce que ce n'est pas une forme de résilience face à la douleur et à la maladie, quelle qu'elle soit en fait ? Est-ce que ce n'est pas une forme de résilience, l'humour ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que oui.

  • Speaker #0

    Rire, parce que parfois on rit alors que je ne sais pas les situations dans lesquelles vous êtes, mais quand je me replonge un peu dans Mistral Gagnant... Moi, ce qui m'a épatée, alors c'était une forme de rupture, je pense, et c'est pour ça que la rupture, ça m'épate toujours, c'était de voir le témoignage d'enfants qui disaient vraiment, avec des mots d'adultes, que leur maladie était dégénérative, qu'ils ne s'en sortiront pas, ou en tous les cas, difficilement, et qu'il y avait une telle force. Enfin, même moi, je me suis pris une claque, parce qu'on se dit, waouh, nous, parfois, on a un pet travers, on s'en plaint. Et là, j'ai trouvé que c'était des enfants tellement incroyables. Justement, un enfant, on se dit, mais d'où il tient ça par rapport à l'adulte qui va plus forcément dramatiser, qui ne va pas être dans les mêmes... Parce que peut-être que c'est l'inconscience de l'enfant aussi. Mais j'avais été épatée, moi aussi, par ces enfants qui réalisaient ce qui leur arrivait et qui étaient pragmatiques. Mais ça ne les empêchait pas de jouer, de rire. En fait, c'est un documentaire très particulier puisqu'il y a autant de... Il vous sert autant le cœur qu'il vous met de la joie. Parce qu'en fait, on voit que le rire et la joie prennent autant de place que la maladie.

  • Speaker #1

    C'est l'instant présent, en fait.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est pas... Vous ne pensez pas que c'est dans l'homme, ça, d'ailleurs, en fait, cette... Est-ce que c'est pas même un espèce d'instinct de survie, de vouloir rire, de vouloir oublier un peu tout ça ? Oui,

  • Speaker #1

    mais... C'est surtout l'instant présent, je dirais. Parce que nous, la rencontre avec l'enfant ou la famille, c'est vraiment, quand je dis sincérité, c'est aussi le moment présent. On n'est pas en train de projeter demain, après demain. On se rencontre, il se passe quelque chose, on a envie de rire ensemble ou de trouver quelque chose de beau. On a envie de vous chanter une belle chanson. Parce que des fois, les parents sont surpris. Par rapport à un ado, par exemple, non, c'est pas...

  • Speaker #0

    Oui, un ado ne va pas y penser.

  • Speaker #1

    Et en fait, on va chanter une chanson et il se passe quelque chose et il y a une émotion. Et moi, je dirais que...

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que vous avez répondu à la question. Je pense que c'est vraiment le... Contrairement à un adulte, l'enfant ne se projette moins à ce qu'on devrait faire. C'est le fameux carpe diem dont on parle tous, mais on n'a pas l'appliqué. C'est vraiment essayer de vivre l'instant. sans se demander demain ce qui se passera, ce qui est une tâche ardue, mais que les enfants, justement, réalisent un peu mieux que les adultes.

  • Speaker #1

    Et justement, s'ils ont une annonce difficile, ils vont pouvoir aussi peut-être se défouler sur nous, en fait. Il y a aussi, ça, c'est les enfants qui ont beaucoup de soins, on ne leur demande pas s'ils peuvent avoir la piqûre ou la prise de sang. Et ils peuvent pas trop... Bon, ils se mettent en colère, mais... Bon, ils sont quand même obligés d'avoir le soin. Donc l'infirmier ou la soignante, à un moment donné, va faire le soin. Et nous, en fait, on arrive sur des instants où, s'il est très en colère, il peut être en colère contre nous, il peut devenir notre chef. Il y a des enfants qui sont très chefs avec nous, qui vont nous dire de quoi faire, non, tu fais pas ça, non, qui nous grondent. C'est... Ça leur fait un bien fou aussi.

  • Speaker #0

    Oui, vous savez vous dire que ce n'est que de la colère et mettre de la distance et tenter toujours d'être dans ce rôle d'essayer de faire oublier ce qui est difficile.

  • Speaker #1

    Et en tout cas, moi je pense que c'est surtout l'instant présent. On arrive, il se passe quoi à ce moment-là ? Et l'enfant, il peut être devant son jeu vidéo, il peut être... triste, mal et tout, mais en même temps ou avoir trop plein d'énergie et nous on joue avec ça et quand on disait l'entourage et tout, j'ai des copines qui me disent ça va, t'as passé une bonne journée ou qu'est-ce que tu fais demain ? Demain je vais jouer, elles disent toi tu vas au travail et tu dis je vais jouer tout ce rôle bien particulier j'ai une question ...

  • Speaker #0

    Alors là, c'est plus mon cœur de maman qui parle, parce que je pense qu'en tant qu'auditeur, je me le demanderais, c'est quoi la situation aujourd'hui de la pédiatrie ? En tous les cas, on parle du CHU d'Arène, il y a beaucoup de cas d'enfants très malades ou est-ce que c'est quand même majoritairement des hospitalisations ambulatoires liées à un panicite ou ce genre de choses ? Beaucoup de soins palliatifs ou pas tellement ? C'est une question qui me traverse sur les enfants malades, en fait, est-ce qu'il y en a beaucoup ? Est-ce que vous trouvez qu'il y en a beaucoup, en tout cas pour des pathologies graves, ou c'est plus des maladies qui se guérissent très bien ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne me rends pas trop compte.

  • Speaker #0

    Vous ne vous en avez pas trop compte.

  • Speaker #1

    Parce que ça dépend vraiment des services. Et puis vous,

  • Speaker #0

    on ne vous dit pas tout non plus.

  • Speaker #1

    On a les transmissions, mais... Ça dépend vraiment. Évidemment, c'est très spécialisé. Si on va en chirurgie, évidemment qu'il y a des appendicites, évidemment qu'il y a des fractures de pieds, de bras, parce que c'est le service où ils vont être soignés. Après, en oncohématose, moi, je ne me rends vraiment pas compte qu'il y a plus de malades aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

  • Speaker #0

    Moi, au tout début, quand j'avais entendu parler du clou de médecin, je pensais, mais c'est partie justement des idées reçues, que vous interveniez vraiment... Mais parce que je pense que quand je regardais les reportages il y a quelques années, on voyait des enfants chauds, on voyait vraiment que les cas étaient graves. Et en fait, c'est très récemment que j'ai découvert que non, même un enfant qui vient pour être plâtré, il mérite aussi... Enfin, il peut avoir aussi l'attention d'un clown, parce que ça reste un moment d'angoisse pour lui. Oui, tout à fait. On ne catégorise pas les pathologies.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, c'est vrai qu'on va être sur... Une seule rencontre. L'enfant viendra juste trois jours. Donc, si les clowns passent, c'est une rencontre. Et puis, dans d'autres services, s'ils sont hospitalisés plus longtemps, ça va être plusieurs rencontres. Et voilà. Comme je disais, on peut construire une petite histoire avec des enfants. Et ça, c'est... Mais à chaque fois qu'on y va, ça va être une nouvelle improvisation, une nouvelle histoire aussi. Et ça, ça dépend vraiment des services. Après, je ne suis pas spécialiste de toutes les maladies des enfants.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    je ne me rends pas trop compte. Alors après, on voit bien les périodes bronchiolites. Chez les bébés, il va y avoir des périodes où il y aura beaucoup de bronchiolites. Puis l'été, ça va être autre chose. Ça, ce n'est pas...

  • Speaker #0

    Quel message d'ailleurs vous auriez à dire aux soignants ? Parce que vous me disiez tout à l'heure qu'eux, ils y sont confrontés au quotidien. Est-ce que vous les trouvez... Épatant, quel regard vous posez sur eux dans votre rôle en tant que clown ou même en tant que Claire par rapport à leur travail ?

  • Speaker #1

    Moi je suis épatée.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut savoir dire, moi c'est un peu l'objet aussi de ma ligne éditoriale, de mettre en avant les gens épatants. Parce qu'il y en a, il y en a plein et ce n'est pas ceux qui se mettent le plus en avant. On les a beaucoup félicitées au moment du Covid, mais en fait, c'est un métier vraiment particulièrement difficile.

  • Speaker #1

    Difficile et pas tous les jours la même chose. Et puis, des départs, des arrivées d'enfants, de familles. Je vois chez les enfants, c'est... Ça bouleverse aussi une famille, même si on va que trois jours parce que le petit a une infection urinaire, mais avant on trouve pourquoi il a de la fièvre. Tout ça, c'est une arrivée aussi à l'hôpital qui bouleverse une famille. Donc, leur accueil, leur professionnalisme.

  • Speaker #0

    Surtout, vous parlez des familles. Moi, la seule expérience que j'ai, je ne souhaite pas en avoir d'autres, mais c'est justement, j'avais eu mon enfant hospitalisé pour la bronchiolite. Et ce qu'on peut comprendre, le soignant, sa priorité, c'est l'enfant. Donc en fait, en tant que parent, on est un peu perdu parfois. On se sent un peu balancé à l'écart. Vous, vous ne pouvez pas dormir, vous vous dormez, on va vous installer là. Parfois, nous, on sait bien que c'est l'enfant la priorité. Mais je pense que ce n'est pas parce qu'on est des adultes qu'il faut nous laisser de côté. Donc je trouve aussi que... Dans votre rôle, c'est pour ça que je le vois un peu comme multiple, surtout depuis que je prépare cette interview, c'est que finalement, oui, vous allez vers les enfants, mais il y a tout un impact quand même sur l'équipe médicale, les proches, les parents. Savoir aussi qu'il y a une association qui œuvre pour donner de la joie, je pense que ça donne du bon au cœur.

  • Speaker #1

    Oui, puis c'est vrai, on joue avec tout le monde, on joue avec les parents aussi.

  • Speaker #0

    Tout n'est pas faux.

  • Speaker #1

    Il est vrai que dans une chambre, on va un peu scanner. parfois il y a deux familles dans une même chambre donc tic tic tic tic tic des âges différents 4 ans avec un ado de 14 ans donc on va adapter le jeu et on a vraiment, on scanne bien la chambre et c'est souvent aussi touchant bah oui quand je viens chez les bébés on dit oh là là vous venez chez les bébés bah oui chez les bébés on va chanter On va chanter, on va babiller, on va écouter le bébé, on va le regarder. Et là aussi, il y a quelque chose qui se passe aussi avec...

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que c'est une mission incroyable. Qu'est-ce que vous auriez à dire d'ailleurs ? Parce que depuis que j'ai appris qu'il y avait une vraie formation, il n'y a pas forcément besoin d'être comédien pour le faire. Qu'est-ce que vous auriez à dire à quelqu'un qui hésite, qui se dit « j'aurais pas les compétences, pourtant j'adorerais » . Qu'est-ce que vous auriez à dire à la personne ? qui hésiteraient à se lancer ?

  • Speaker #1

    Alors, moi, la formation que j'ai faite, c'est vraiment, il faut être comédien.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Il faut être comédien, comédien-clown, avoir déjà son personnage. Il y a d'autres formations, peut-être, où c'est plutôt pour être art-thérapeute, je ne sais pas, je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Ou tout simplement, en fait, on peut tout simplement soutenir l'association sans être clown.

  • Speaker #1

    Ah oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport aux dons, je ne sais pas s'il y a d'autres formes aussi au-delà du don, d'autres formes pour aider le rire médecin ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a des comités bénévoles. Comités bénévoles ? Par ville, en fait, il y a un comité bénévole qui va, si on est sollicité par une école qui aimerait faire une course solidaire ou une vente de fleurs, ou des lycées qui sont intéressés pour entendre parler du métier. Il y a un comité bénévole à Rennes qui va rencontrer les personnes qui sont intéressées, qui font des actions pour récolter de l'argent et parler aussi de notre association.

  • Speaker #0

    Oui, puis comme vous le disiez, vous avez des entreprises mécènes. J'ai le souvenir aussi que pour la route de Rome, j'avais cru voir un jour un voilier porter les couleurs.

  • Speaker #1

    Alors voilà, on a Luc Berry qui est notre skipper, qui a un bateau là, oui, qui vit.

  • Speaker #0

    C'est une belle reconnaissance et je sais qu'au marché de Noël de Saint-Malo, il y avait tout un stand cette année Rire Médecin et j'ai trouvé ça très sympa.

  • Speaker #1

    Chapeau aussi à tous les bénévoles qui s'investissent sur des week-ends, sur des soirées pour aller parler de notre travail.

  • Speaker #0

    Des personnes épatantes.

  • Speaker #1

    Aussi, et qui nous soutiennent et qu'on aime bien rencontrer aussi.

  • Speaker #0

    Parce qu'une association, il ne faut pas oublier que c'est souvent tout un réseau et qu'il faut travailler continuellement.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Surtout quand elle le vit exclusivement, mais comme toutes les associations de cloude, de dons.

  • Speaker #1

    Oui, ou de partenariats avec des entreprises, ça se fait beaucoup aussi dans les Sénats.

  • Speaker #0

    En tout cas, je voulais vous dire que vous êtes passée à l'émission parce que je juge que vous êtes une personne épatante. de votre rôle. Merci beaucoup, en tous les cas, d'avoir répondu à mes questions. Je vous souhaite encore beaucoup d'avenir dans ce rôle de clown médecin. J'espère que vous avez apprécié l'interview.

  • Speaker #1

    Oui, merci beaucoup. C'était très agréable. Après, c'est poser des questions qu'on ne se pose pas tous les jours. C'était intéressant.

  • Speaker #0

    D'entendre la voix du clown. Je ne sais pas si peut-être qu'on pourra montrer une photo sur Instagram. Vous me direz si vous pouvez m'en partager une. Merci encore Claire, bravo à tous les clowns, bravo aux rires médecins, bravo bien entendu aux soignants. Bonne continuation. Merci.

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Description

Pour ce troisième épisode d’à cœur d’argument, je suis aux côtés de Claire PRIGENT.

Sous son nom de clown « Brenda », cette Comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard sur Ille et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie.

Parce qu’on soigne mieux un enfant heureux…tel est le mantra qui s’affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créé par l’américaine Caroline Simonds en 1991, vise à restaurer chez l’enfant l'insouciance de son âge et à l’aider à passer au mieux le cap de l’hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie.

Le rire médecin c’est 33 ans d’existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliquées.

Si le rire médecin est connu, il existe de nombreuses autres associations de clown. J’ai souhaité ici m’intéresser à l’une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s’oublie le temps de quelques heures pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèse un quotidien aseptisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À cœur d'argument, ce sont les témoignages de celles et ceux qui ont appris à affirmer et à exprimer leurs convictions et leurs valeurs, sans pour autant répondre ou se rebeller. Des personnes pour qui ce n'était pourtant pas aîné. Parce qu'apprendre à dire non est un long chemin, j'interroge les personnes qui ont relevé le défi de se faire passer avant. Que ce soit à l'écrit, à l'oral ou même par un geste qui a changé le cours des choses, ils nous confient cette longue quête à devenir soi, à se tolérer autant qu'à tolérer son prochain, à se remettre autant en question que la personne qu'on aura beau jeu de juger. Il y a quelques années, j'ai lu cette citation de Benoît de Gros. On est si rarement soi-même finalement, et avec si peu de gens. C'est dur à conquérir la liberté d'être soi. J'ai mis une vie à en prendre de la graine. Cette liberté d'être soi-même que je vais interroger et qui sera le fil conducteur de mes entretiens pour arrêter de taire ou d'excuser qui nous sommes, pour ne plus nous suradapter à des situations qui ne nous conviennent pas. Pour comprendre que ce n'est pas si facile, dans une société que l'on dit pourtant individualiste, de respecter ses besoins. J'aimerais donc en prendre de la graine, moi aussi, avec mes invités, et faire germer en chacun d'entre nous la capacité à s'exprimer de la meilleure façon qu'il soit. Bonjour à toutes et à tous. Pour ce troisième épisode d'Accœur d'arguments, je suis aux côtés de Claire Prigent. Sous son nom de clown Brenda, cette comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard-sur-Ile et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie. Parce qu'on soigne mieux un enfant heureux. tel est le mantra qui s'affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créée par l'américaine Caroline Simons en 1991, vise à restaurer chez l'enfant l'insouciance de son âge et à l'aider à passer au mieux le cap de l'hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie. Le Rire Médecin, c'est 33 ans d'existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliqués. En France, le Rire Médecin propose ses services au sein de 9 villes et œuvrent activement afin que les clowns réalisent leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Si Eliorir Médecins est connu avec de nombreux par inconnus, je pense à Gérard Junieu ou encore très récemment Reda Kateb, qui a réalisé un film fin 2024 sur un film magnifique que vous devez absolument voir, sur justement l'implication d'un clown à l'hôpital. Il existe de nombreuses autres associations de clowns. J'ai souhaité ici m'intéresser à l'une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s'oublie le temps de quelques heures pour... pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèses un quotidien aseptisé. Bonjour Claire, vous êtes comédienne et avez 54 ans et vivez à Saint-Médard-sur-Ile. Pouvez-vous me dire depuis combien d'années vous êtes comédienne et qu'est-ce qui vous a amené à faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, je suis comédienne depuis une vingtaine d'années. J'ai commencé d'abord à être animatrice de cirque. Et j'ai rencontré la comédie, le clown, le cycle à ce moment-là. Et je me suis passionnée pour le travail du clown.

  • Speaker #0

    Ah, donc dès vos débuts, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, et c'est parce que j'ai pratiqué tout de suite, parce que j'ai fait des formations. On ne devient pas clown comme ça. J'ai fait des formations, j'ai rencontré des gens qui étaient clowns. Et donc, petit à petit, à force de se former, Et je me suis dit, c'est un métier que j'aimerais bien faire.

  • Speaker #0

    Et j'aimerais en savoir plus pourquoi, d'ailleurs, clown, enfant ou adolescente, vous aviez une appétence déjà pour cet univers-là ? Qu'est-ce qui vous a amené ? Parce que c'est un univers particulier, quand même, le clown. Qu'est-ce qui a fait que ça vous a plu ?

  • Speaker #1

    Alors là, c'est la magie.

  • Speaker #0

    C'est la magie. Vous avez été touchée, sensibilisée à cet univers-là ?

  • Speaker #1

    Oui, quand j'étais petite, j'aimais bien aller au cirque. Et encore, des fois, les clowns, ils font un peu peur aussi. J'aimais cet univers en tout cas. J'aimais faire du théâtre, j'aimais danser, j'aimais toute petite me déguiser, imiter des personnalités, des chanteurs, des chanteuses. Alors est-ce que ça vient de là ? Peut-être.

  • Speaker #0

    Et quel spectacle vous a particulièrement... Est-ce que vous avez un souvenir d'un spectacle justement que vous avez vu plus jeune qui vous a marqué ?

  • Speaker #1

    Alors... Toute jeune, j'ai vu un spectacle de marionnettes géantes. Je suis de Morlaix, dans le Finistère, et il y avait une troupe de théâtre qui proposait des marionnettes géantes. Et j'ai vu un spectacle magnifique. Je suis sortie de là, j'ai dit « Waouh, c'est trop beau ! » Je ne me suis pas dit « Je vais faire ça plus tard » . Mais en tout cas, j'ai adoré ce moment. Et ensuite, adolescente, j'ai vu un spectacle de Royal Deluxe qui s'appelait « Roman Photo » . Et là, j'ai adoré. J'ai dit, ah ouais, d'accord. Je ne voyais pas forcément que c'était du clown. Enfin, c'était du théâtre de rue. Et là, j'ai découvert le théâtre de rue. Et j'ai trouvé que les comédiens étaient toujours à fond. Il y avait des idées de décors. C'était drôle. Tout le monde riait, je ne sais pas combien de personnes on était, mais tout le monde rit en même temps.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le côté rire qui vous a entraîné aussi ? Oui,

  • Speaker #1

    j'étais quand même attirée par les spectacles de rue, soit grandioses, des choses avec des feux d'artifice, j'ai vu aussi des troupes où il y avait beaucoup de trucs qui faisaient même un peu peur. Mais le rire, oui, aller voir des spectacles.

  • Speaker #0

    Il y avait des artistes dans votre famille ? C'est familialement qu'on vous a amené à ça ou même pas du tout ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas spécialement, ça a été vraiment une curiosité.

  • Speaker #1

    Pas spécialement. Après, j'avais ma maman et une tante qui étaient sensibles au théâtre, car on avait fait jeune fille du théâtre. Donc, on m'a emmenée voir des spectacles. Par l'école aussi, on allait voir des spectacles. Mais sinon, non, dans la famille, on n'était pas artistes.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, à partir de quand ? Avez-vous commencé le métier de clown ou de mission de clown à l'hôpital ? Spécifiquement à l'hôpital. Depuis quand vous faites ça ?

  • Speaker #1

    En 2012, j'ai fait une formation. Il existe une formation de comédien clown à l'hôpital. J'ai souhaité faire cette formation qui durait six mois. On était sur le terrain, accueillis par une équipe de clowns à l'hôpital. Et puis à la fois de la théorie un petit peu médicale et puis aussi des formations de clowns parce qu'on est formé pour jouer auprès des bébés, auprès des ados. On apprend des chansons, on apprend le duo parce qu'en fait c'est à l'hôpital très spécifique dans l'association où je travaille, on est en duo en fait, on est professionnel en duo. Donc beaucoup de jeux de clowns en duo, des improvisations. À chaque rencontre dans une chambre, c'est une improvisation. Donc j'ai fait une formation qui m'a ouvert à ce métier, qui m'a fait découvrir ce métier. Et ensuite, j'ai été embauchée pour travailler sur une équipe à Angers. Voilà, un programme s'est ouvert, le Rire Médecin a ouvert un programme à Angers. Et voilà, j'ai commencé à travailler en 2014.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est à travers quel organisme que vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Toujours le Rire Médecin.

  • Speaker #0

    Toujours le Rire Médecin. Oui, qui est l'association la plus connue d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #1

    il y en a beaucoup.

  • Speaker #0

    Parce qu'il y en a énormément. Mais le Rire Médecin, en effet, est celle dont on parle le plus.

  • Speaker #1

    Oui. Et là maintenant, depuis deux ans, je suis à Rennes.

  • Speaker #0

    Et c'est une activité à 100% ou vous faites autre chose dans la comédie à côté ?

  • Speaker #1

    Je fais autre chose. Je suis intermittente du spectacle. Et je continue à donner des stages de cirque. auprès d'enfants, et des spectacles.

  • Speaker #0

    Et comment on parle de ses Ausha ce choix d'être clown à l'hôpital ? Parce qu'il faut quand même du cran, enfin un certain cran pour faire ça, dans le sens où ça requiert beaucoup de compétences, mais comment on l'affirme auprès de son entourage ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un métier passion, pour moi je pense que c'est un métier passion. Donc quand on en parle... ... Avant d'être clown à l'hôpital, j'en parlais beaucoup déjà avant. J'aimerais t'en faire ça, j'aimerais t'en faire ça. Donc, ma famille proche était plutôt contente.

  • Speaker #0

    Contente, mais oui. Mais c'est vrai que quand on écoute votre parcours, c'est presque logique.

  • Speaker #1

    On était vraiment contentes que j'arrive à ce travail.

  • Speaker #0

    On vous prend au sérieux.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Un clown doit être sérieux.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et non, c'est plutôt... Un accompagnement aussi. Et puis bon, comme tout métier, il se passe des choses à l'hôpital, avec mes collègues, avec mes collègues, partager mes difficultés ou mes joies. Et puis à mon entourage, je peux parler de mon travail. Mais de toute façon, avant même d'être clown à l'hôpital, ma famille m'a suivie dans des spectacles où j'ai pu jouer et tout ça. Ça fait partie de notre vie. Après, c'est un lieu où ils ne viendront pas me voir jouer. Ils ne connaissent pas vraiment ma journée complète.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est particulier dans le sens où il n'y a pas un public. Là, c'est vous qui allez vers les gens.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Et est-ce que... Quelles ont été vos premières craintes ? Parce que la partie formation, c'est une chose, mais il y a le patient. À un moment donné, il faut sauter dans le bain. Quelles ont été vos premières craintes ? Ou en tout cas, quels étaient peut-être vos préjugés ? Et comment vous avez fait face à ça ?

  • Speaker #1

    Les préjugés, c'était peut-être plus par rapport à l'hôpital, l'ambiance hôpital. Je me souviens, on notait nos premières impressions quand on les a observées. Et les odeurs, les bruits, l'agitation, peur qu'il se passe quelque chose de grave quand on est dans le service. Voilà, ça, c'était vraiment des craintes. Et puis finalement, le clown, c'est aussi... un personnage et on a un petit masque, en fait. Donc, ça permet aussi d'avoir une distance, une petite distance avec tout ça. Alors, les bruits, ça existe, les odeurs, ça existe. J'ai moins peur. Et surtout, ce qui est super, c'est qu'on met vraiment l'enfant au centre du jeu, en fait. On va à la rencontre d'un enfant, d'une fratrie, parfois, des parents. Et on remet une vie dans l'hôpital, en fait. On rencontre vraiment des personnes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, quand vous entrez dans une chambre, est-ce que vous avez un objectif en tête quand vous démarrez votre interprétation, si puis-je dire ? Est-ce que vous avez un objectif ou est-ce que vous vous laissez complètement aller à de l'improvisation, justement, et vous vous adaptez à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. C'est exactement ça. On fait un... Une représentation sur mesure pour chaque enfant. Vu qu'on peut aller voir un bébé et ensuite ce sera un jeune ado. Et alors un truc très important, c'est qu'on a des transmissions. On sait qui on va voir, l'âge de l'enfant, où il en est dans sa journée, dans son parcours de soins aussi. Il y a des enfants qu'on ne verra qu'une fois. Il y a des enfants qu'on voit longtemps. Donc on adapte aussi. Il peut y avoir des petits feuilletons avec des enfants. Je dis feuilletons, des petites histoires qui continuent.

  • Speaker #0

    C'est une question que j'avais plus tard, mais j'en profite parce que c'est très intéressant. Je voulais vous demander comment les équipes médicales justement vous accueillent-elles. Mais à chaque fois que vous venez, est-ce que vous êtes un vrai partenaire de soins qui s'adapte à votre venue ? Ou est-ce que c'est à chaque fois à vous de vous adapter ? Sachant que c'est un univers clinique, donc une fois de plus, pas un environnement de clown. Donc pour vous, ça demande vraiment une capacité d'adaptation. Mais comment agissent les équipes médicales à vos côtés ?

  • Speaker #1

    Alors, bon déjà, on fait des transmissions. Donc on a un lien aussi avec eux.

  • Speaker #0

    La transmission, en fait, c'est des échanges entre vous ?

  • Speaker #1

    En fait, on prend un temps. On n'est pas en clown. On prend un temps ensemble avec les soignants, soit les éducatrices, les jeunes enfants, soit des soignants, qui vont nous dire dans telle chambre, il y a tel enfant, il a tel âge, il a telle pathologie, il y a les parents. Et ça, on prend vraiment ce temps-là.

  • Speaker #0

    C'est une réunion formelle.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est formel. Et... Et ensuite, il se peut que dans certains services où il y a un soin, on puisse faire appel aussi à nous en disant tiens vous serez là à telle heure ou à tel moment. Là on a un soin un peu délicat avec tel enfant, ça serait bien que vous soyez en accompagnement de soin. On appelle ça un accompagnement de soin.

  • Speaker #0

    Il y a un vrai travail d'équipe.

  • Speaker #1

    Voilà, là il y a un vrai travail d'équipe. Parfois c'est pas le moment. Nous on a des jours réguliers pour aller jouer dans tel et tel service. Parfois, ce n'est pas le moment non plus pour un service. On est pris en compte parce qu'on n'est pas discret. Tout le monde sait quand on arrive dans un service. Mais voilà, parfois, si ce n'est pas le moment, ce n'est pas le moment. Si l'enfant ne veut pas, on n'y va pas. On ne force jamais rien. Mais c'est vrai que quand ça se passe, quand on arrive à calmer un enfant ou à le distraire, l'amuser pendant qu'il a un soin, on se félicite. C'est un travail d'équipe. On est contents.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, dans quels hôpitaux aujourd'hui vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Je travaille au CHU de Rennes, en pédiatrie. Et on travaille chez les nourrissons, grands enfants, en co-hémato et en CHIR. Très bien.

  • Speaker #0

    Là, j'ai une question qui est importante pour moi parce que j'avais vu le documentaire « Élimistral gagnant » . de Anne Dauphine Julien il y a quelques années. C'est un documentaire magnifique. Moi, il m'a marqué au fer rouge, donc je ne le regarderai pas deux fois. Justement, sur les enfants malades à l'hôpital, qui m'ont tous épaté. Mais j'ai réalisé aussi le courage et la force de l'entourage, dont la réalisatrice qui a perdu plusieurs enfants. Moi, je souhaite savoir comment on se protège, comment on se préserve parfois de la douleur, de la douleur morale et physique des personnes qu'on côtoie, que ce soit les parents ou les enfants. Comment on se préserve et on met à distance aussi l'injustice qui provoque de la colère de voir ses enfants malades et puis la douleur des proches. Est-ce qu'on met à distance ou c'est quoi vos techniques pour... Éviter de trop rentrer dans l'émotion, si je peux dire.

  • Speaker #1

    On a de l'empathie. Je pense qu'on ne peut pas faire ce métier sans l'empathie. Alors, on a pas mal d'outils dans notre association. Déjà, on joue en duo. Donc, s'il y a un moment où personnellement, on ne peut pas aller, où on est trop touché... On peut dire, là, je ne peux pas aller aujourd'hui, ou j'ai du mal. Donc, on échange, mais pas en clown, avec mon collègue du jour. Ça, c'est possible.

  • Speaker #0

    Le duo, c'est une première force, finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Oui, on n'est pas des super héros. On peut beaucoup écrire aussi. Enfin, voilà, on peut passer par l'écrit. On a des parrains marraines. C'est un peu nos fées. Si jamais je n'ai plus de distance ou je ne sais plus, je ne peux pas en parler à un collègue parce que peut-être que lui aussi est touché, je peux appeler quelqu'un d'autre de mon équipe parce qu'on est 150 clowns. Donc on peut appeler quelqu'un d'autre en disant « il se passe ça pour moi, j'ai du mal, ça c'est possible » . On peut en parler en équipe, on a des réunions d'équipe pour faire de l'analyse de pratique. On peut aussi en parler à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une aide mutuelle très importante. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Et puis, on peut dire là, je suis trop touchée. Ou dire, oh là là, il faut que... Alors, par rapport aux soignants, c'est qu'on n'y va pas tous les jours. Moi, je me pose plutôt des questions par rapport aux soignantes, aux soignants qui sont là tous les jours.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Et nous, on est huit dans une équipe, donc on ne joue pas tous les jours. Et donc, ce qui me permet que... Aujourd'hui, je ne suis pas à l'hôpital. Peut-être qu'hier, il s'est passé quelque chose. Ça va rester un petit peu dans un coin de ma tête. Mais je vais faire autre chose. Je vais marcher. Chacun trouve aussi sa ressource. Et c'est vrai que du coup, moi, je pense beaucoup aux soignants. Et je pense aussi, évidemment, quand on connaît une famille depuis longtemps et qu'il y a un départ, on nous annonce du palliatif. Oui, évidemment qu'on est touchés humainement. Après, ça nous est arrivé. La reine, ça ne m'est pas arrivé. Mais dans d'autres expériences, ça m'est aussi arrivé d'arriver. La transmission est très, très dure. Tout va mal. Et nous, on arrive, les clowns arrivent et on joue et on remet de la vie. Et les parents sont heureux qu'on soit passés aussi dans un moment très difficile pour eux. et voilà nous on essaie de garder la vie en fait

  • Speaker #0

    Oui et puis il y a la parure aussi qui vous aide à vous protéger d'ailleurs je souhaitais poser une question aussi sur la réceptivité des parents face à l'humour, est-ce que tout le monde vous accueille bien entre guillemets ou est-ce que certains justement sont tellement anxieux qu'ils ne sont pas réceptifs et comment vous allez gérer du coup ça ? Il n'y a rien de pire par exemple, c'est comme quand on fait une blague et que ça tombe à l'eau. C'est vrai que parfois les gens, par rapport à certains types d'humour, ne sont pas réceptifs du tout.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc comment vous gérez ça ?

  • Speaker #1

    Parfois, je pense que même des parents se disent, mais qu'est-ce qu'ils font les clowns ? On n'est pas du tout dans un moment pour accueillir des clowns. Ça c'est un peu nos antennes en fait. Quand on rentre dans une chambre, on peut avoir des personnes qui ne vont pas du tout nous regarder, qui vont se tourner, regarder la fenêtre. Il faut savoir que parfois, il y a l'enfant, deux parents. Donc, si l'enfant et l'autre parent sont preneurs, on joue avec l'enfant, le parent, le partenaire. Et si une personne ne veut pas nous voir, on ne va pas aller la chercher dans le jeu, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Vous vous adaptez.

  • Speaker #1

    Et parfois, certains s'expriment tout à fait en disant « Non, on ne veut pas de clowns » . Parfois, on le sait aussi en transmission. Que ce n'est pas le moment d'aller voir une famille parce qu'ils viennent d'avoir une annonce. On ne va pas. On est très respectueux aussi de ça. Et alors, il y a le truc de la peur du clown. Il y a des gens qui ont peur des clowns.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, chez les enfants, ça se comprend. À un certain âge, ils ont peur des clowns. Les ados n'ont pas envie de voir des clowns. Avec les enfants, on a des petites ficelles. Par contre, il y a des adultes qui ont peur des clowns. Donc, soit ils l'expriment à nous directement, soit ils vont dire aux soignants, non, non, mais moi j'ai peur des clowns. Alors, on n'y va pas, ou alors on respecte souvent, ou alors, mais parfois on peut se rencontrer dans le couloir. Donc, c'est une rencontre impromptue.

  • Speaker #0

    Oui, ou être un peu gênée par ses interactions, où la personne, parfois, elle ne sait pas où. se mettre.

  • Speaker #1

    Ça arrive, ça arrive. Des personnes ne savent pas où se mettre.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est peut-être une question étrange, si le nez rouge, si votre nez rouge, il devait avoir une conviction, ça serait laquelle, par rapport à son rôle, le rôle qu'il joue dans l'hôpital ?

  • Speaker #1

    La sincérité.

  • Speaker #0

    La sincérité. Il faut être sincère.

  • Speaker #1

    Il faut être sincère. Voilà.

  • Speaker #0

    On joue, mais on est sincère. C'est pas antinomique.

  • Speaker #1

    Et c'est pas fabriqué.

  • Speaker #0

    Tout à fait. C'est pas superficiel.

  • Speaker #1

    Et c'est pas superficiel.

  • Speaker #0

    Et quand on parlait justement des proches, est-ce que vous avez une histoire marquante avec une rencontre d'un enfant ou d'un parent qui vous a laissé une empreinte, un témoignage qui vous a permis aussi de vous dire ce que je fais a vraiment du sens aussi ? Un témoignage de reconnaissance ? Oui,

  • Speaker #1

    ça arrive. Alors, on ne le prend pas forcément en clown. On a aussi des témoignages après, en fait, de parents qui nous laissent des petits mots ou des choses. Donc ça, c'est super, on est content. Après, nous, personnellement, moi, la récompense, c'est un sourire. On m'a parlé, on a joué avec nous. On a une maman qui pleure parce qu'on chante à son bébé et qu'elle regarde son bébé qui sourit.

  • Speaker #0

    Et l'émotion d'une maman.

  • Speaker #1

    Les émotions, presque. C'est ça le retour le plus beau, en fait. Et oui, après, il y a des... Il y a des histoires, il y a des parcours avec des enfants. Un enfant qui a eu peur au début, et puis après qui va jouer avec nous. Et ça, c'est une récompense super.

  • Speaker #0

    Est-ce que vos personnages portent des prénoms, d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on a des noms de clowns.

  • Speaker #0

    Vous avez des noms de clowns.

  • Speaker #1

    Oui, on a des costumes de clowns. On ne se déguise pas, on se costume.

  • Speaker #0

    Costume.

  • Speaker #1

    Et on a des noms tenus.

  • Speaker #0

    C'est vraiment un personnage. Ce qui aide aussi, pour en revenir à une de mes questions, à cette distance aussi, sans doute, qu'on met. Peut-être que ça aide.

  • Speaker #1

    Par exemple, quand on disait au tout début, mes craintes du début, c'était aussi parce que j'ai observé. Je suis allée, moi, Claire, regarder d'autres clowns jouer. Et là, je me disais, oh là là, il y a du bruit, ce n'est pas possible. Oh là là, les soignantes qui courent partout, ce n'est pas possible. Oh là là, les odeurs, ça ne va pas être possible. Oh là là, un enfant qui pleure tout au bout du couloir, ça ne va pas être possible. Et en fait, une fois qu'on met son nez, il existe tout ça. mais on est dans le jeu en fait.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Il faut être plus clair.

  • Speaker #1

    On a des petites antennes comme on dit parce que c'est vrai que si jamais on vient nous dire non mais là il ne faut pas y aller parce que maman ça ne va pas ou bébé ça ne va pas ou je ne sais quoi, on n'y va pas. Donc on a là, c'est à Brenda qu'on parle, on a un code au Rire Médecin, c'est d'enlever notre nez en fait, même si on est en condition de vous avez quelque chose de très sérieux de nous dire hop, on enlève le nez et quand on a notre nez hop On joue partout, dans les ascenseurs, dans les couloirs.

  • Speaker #0

    Comme un acteur, en fait, dans son rôle.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est parti pour...

  • Speaker #0

    Quand vous vous démaquillez, quand vous enlevez votre costume, votre nez rouge, vous êtes traversée par quelle émotion ? Est-ce qu'on s'habitue tellement à jouer les clowns qu'on n'est plus forcément touchée, même si ce n'est pas vraiment le mot ? Ou est-ce que c'est comme enlever aussi parfois la douleur que vous avez observée ? Je ne sais pas, comment vous vivez le fait de vous remettre en clair ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors déjà, c'est bien aussi parce qu'on est deux, dans le vestiaire après, quand on a fini notre journée, donc on peut discuter des impros qu'on a moins réussies, ou on ne s'est pas trouvées, parce qu'on a aussi, nous, ce travail de duo et d'impro. Il se peut aussi, je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais par exemple, dans une difficulté par rapport à un enfant qui aurait peur de nous, ou quelqu'un qui est fermé, on peut jouer, nous, en... en indirect, on appelle ça le jeu indirect. On ne va pas tout de suite jouer sur l'enfant ou tout de suite jouer avec le parent s'il ne veut pas. Mais nous, on peut continuer notre jeu à nous, à deux.

  • Speaker #0

    Donc ils sont spectateurs finalement.

  • Speaker #1

    Spectateurs, on a le droit aussi. Donc ça, c'est intéressant en fin de journée de débriefer un peu sur notre journée, notre énergie. On se remet ensemble en personne et on... Et là, on peut tout à fait parler de nos familles ou de ce qu'on va faire ce soir.

  • Speaker #0

    Comme du collègue.

  • Speaker #1

    Ou du film qu'on va aller voir ou du film qu'on a vu. Et puis, moi, ce que j'aime bien, c'est que j'ai un petit temps de train. Enfin, voilà, j'ai un train. Je n'arrive pas tout de suite chez moi. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est bien.

  • Speaker #1

    Ça, c'est bien.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, vous parliez des soignants. Qu'est-ce que vous leur apportez aussi aux soignants quand on disait tout à l'heure que c'est au... quotidien qui voient des enfants malades et des familles anxieuses. Est-ce qu'eux vous disent qu'ils sont heureux le jour où vous venez ? Est-ce que vous sentez que ça leur fait du bien ?

  • Speaker #1

    Oui, ils nous renvoient ça aussi. Alors tout le monde, c'est pareil, tout le monde n'a pas envie de jouer avec nous, de participer à une parade, des choses comme ça. Mais en tout cas, oui, c'est une petite bouffée d'air dans le service.

  • Speaker #0

    Et le Rire Médecin, c'est une association, je ne sais pas pas depuis quand elle existe ?

  • Speaker #1

    Depuis 1991.

  • Speaker #0

    En 1991 ? Oui. C'est vrai qu'on la connaît de plus en plus. Je pense que c'est une question que je vais vous poser. C'est pris au sérieux aujourd'hui, le groupe des médecins, la preuve, partout en France, il y a des associations. Est-ce que vous, au fil des années, vous avez observé que le regard des soignants a évolué ? Est-ce que ce n'est pas le même aujourd'hui que celui d'hier ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai... Là, je travaille à Rennes depuis pas très longtemps, donc je ne peux pas avoir trop de recul. Mais en tout cas, ils ont eu envie qu'il y ait des clowns dans les services. Ça,

  • Speaker #0

    c'était vraiment une envie en tous les cas des équipes.

  • Speaker #1

    C'était une envie des équipes. À Angers, c'est vrai qu'il fallait tout construire, en effet. Donc, une équipe de clowns, une équipe des liens avec les soignants. Et c'est un peu homéopathie, en fait. Homéopathie, bon. Oui, c'est ça. Des petites doses, voilà. Il faut se faire accepter, il faut montrer nos talents aussi. Et puis, parfois l'image du clown qui est un peu tarte à la crème. Et voilà, montrer aussi nos talents, qu'on prend en compte tout ce qui se passe à l'hôpital, qu'on va être prudent, qu'on va faire attention. à ne pas faire trop de bruit quand il ne faut pas faire trop de bruit. Être musicale, si c'est le moment d'être musicale. On adapte vraiment notre travail. Et aussi, qu'on est à l'écoute. Et que si à un moment donné, dans le service, il faut être plus calme, il faut faire plus doux, si on nous dit, on va suivre ce mouvement. Moi, je pense que c'est vrai que cette association part des documentaires. Il y a aussi un documentaire de Sarah Giraudeau. Il y a un film qui s'appelle Sur un fil de Redd Akateb qui est sorti l'année dernière, qui raconte l'histoire d'une clown à l'hôpital. Donc tout ça aussi permet de montrer une image du clown, de parler de ce métier.

  • Speaker #0

    Sur Arte, je crois qu'il y a eu aussi, c'est peut-être un des documentaires dont vous venez de parler, qui a été diffusé il y a quelques semaines.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais plus le nom du documentaire, mais je sais que sur Arte, j'avais vu des clowns et passer justement.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    Un titre comme quoi c'était un point sur les clowns à l'hôpital. Et il y en a beaucoup d'ailleurs, quand on va sur YouTube, il y a beaucoup de petits reportages où on voit à chaque fois, parce que j'ai l'impression qu'en fait, c'est à chaque fois en duo pratiquement. En tout cas, dans tous les reportages que j'ai regardés, on voit des clowns travailler en duo.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est une base et c'est riche en fait. C'est riche. C'est très riche.

  • Speaker #0

    Concernant le Rire Médecin, qui est une association très connue, dont je mettrai toutes les coordonnées en publication Instagram, comme... Vous me disiez en off que c'est Reda Kateb, c'est ça l'acteur qui est parrain de l'association ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est un de nos parrains. Et il a observé à l'hôpital. Il a beaucoup aimé. Il a lu le livre de Caroline Simons. Voilà, le titre du livre. Je me demande si il va voir. Voilà. Et donc, il a écrit un film qui s'appelle « Sur un fil » .

  • Speaker #0

    En octobre dernier, vous me disiez.

  • Speaker #1

    Voilà. Et qui raconte l'histoire d'une jeune femme qui découvre le métier de clown à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Je pense que je vais me précipiter pour le voir parce que j'aime beaucoup cet acteur qui est toujours dans des rôles assez forts socialement. Donc c'est pareil, je mettrai le lien pour les personnes qui écouteront ce message. Alors, question peut-être un peu administrative pour comprendre comment vit le rire médecin. Est-ce que les hôpitaux rémunèrent l'association ou est-ce que vous vivez uniquement de dons ? Comment vit l'association aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, les hôpitaux ne donnent pas d'argent, ou alors certains, mais je ne suis, c'est pas la majorité. Et oui, c'est une association qui vit...

  • Speaker #0

    Exclusivement de dons.

  • Speaker #1

    Ouais, et du mécénat.

  • Speaker #0

    Du mécénat, voilà. Vous avez une idée ou pas du budget un peu par année ? Non, non, pas du tout. Mais vous, vous êtes bien, c'est une association, mais vous êtes rémunérée.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas du bénévolat. Comme vous êtes comédienne, on peut se dire que c'est du bénévolat, mais pas du tout. Pas du tout du tout. Pour ça que c'est un métier.

  • Speaker #1

    C'est aussi... Le rire médecin veut cette reconnaissance, et veut cette reconnaissance professionnelle, et embauche des comédiens professionnels pour ensuite travailler dans les hôpitaux. Et du coup, personnellement, j'ai un statut d'intermittente. Vu que je fais d'autres boulots à côté.

  • Speaker #0

    C'est une question peut-être un peu... Je ne sais pas comment on peut la qualifier, mais comment vont évoluer les rôles des clowns à l'hôpital ? Il va rester ce qu'il est à présent et qui est très important. Mais est-ce qu'on peut aussi parfois ne pas imaginer ce genre d'intervention en dehors de l'hôpital ou même, je dis n'importe quoi, auprès d'un public comme des personnes âgées ? Est-ce que parfois vous avez d'autres projets aussi pour... pour faire avancer le Rire Médecin avec d'autres interventions auprès d'autres personnes un peu en souffrance ?

  • Speaker #1

    Alors, le Rire Médecin travaille exclusivement en service pédiatrique.

  • Speaker #0

    Non, gériatrique.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ont développé aussi l'HAD, c'est-à-dire que les enfants hospitalisés à la maison, enfin, en soins à la maison, il y a donc des clowns. pas à Rennes, mais ça a commencé à Nantes, puis dans des hôpitaux de Paris, des clowns qui partent le matin avec l'infirmière et qui vont aller dans la famille et jouer à la maison pour l'enfant pendant son soin et pendant le temps du soin.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc ça c'est déjà ça, je ne savais pas. Je pensais que c'était exclusivement...

  • Speaker #1

    Et ils jouent aussi dans certains hôpitaux auprès de... Un programme s'appelle Maternés, c'est-à-dire qu'ils vont jouer ensemble. en maternité, auprès de mamans isolées ou qui sont en difficulté au tout début d'une maternité. Et ça, c'est aussi nouveau, ça se développe dans différents hôpitaux. Et donc, c'est quand même autour de l'enfant.

  • Speaker #0

    C'est l'enfance.

  • Speaker #1

    C'est l'enfance.

  • Speaker #0

    Parce qu'on pense qu'ils sont plus réceptifs, sans doute, qu'un public adulte.

  • Speaker #1

    En tout cas... Le RER Médecins ne travaille qu'en pédiatrie et développe des projets autour de l'enfance. Après, il y a d'autres associations de clowns hospitaliers qui travaillent beaucoup en gériatrie. Ça se développe beaucoup. Et aussi auprès d'IME ou enfants polyhandicapés. Il y a des structures qui jouent auprès des personnes âgées et c'est assez magique aussi, je crois, ce travail auprès des personnes âgées pour avoir partagé avec des... des copines ou des copains qui font ce travail.

  • Speaker #0

    Et vous, en tous les cas, c'est un rôle que vous voulez continuer à jouer. Ah oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Votre rôle de clown, parce qu'il vous apporte aussi personnellement, sans doute.

  • Speaker #1

    Mais oui, et puis on a tous une histoire personnelle qui fait qu'on est bien dans ce milieu. Après, je ne sais pas. Pourquoi exactement ? Je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous n'avez pas été confrontée à un enfant malade plus jeune ou vous-même malade. Non, c'est vraiment... De toute façon, c'était viscéral chez vous, le côté clown.

  • Speaker #1

    De toute façon, oui.

  • Speaker #0

    Parce que j'avais rencontré une dame dans un avion qui s'appelle Fanny, qui était orthoponiste et qui, elle, est devenue clown. Donc, elle a fait toute la formation, mais qui n'était pas du tout comédienne. Oui. Et ça m'a épatée. Je me suis dit, bon, on peut faire une formation et devenir clown avec une mission très particulière, mais justement hyper épatante et déroutante. Et c'est pour ça que j'avais envie aussi d'en savoir plus sur les personnes qui incarnent le rôle.

  • Speaker #1

    En fait, Caroline Simons, on était un petit groupe et elle nous avait dit, vous n'êtes pas là par hasard. Vous saurez un jour pourquoi vous êtes là. Alors moi je suis plutôt sur, oui je suis clown, c'est toute ma vie, c'est une façon pour moi aussi de m'exprimer, comme si je n'étais pas clown, je serais peut-être danseuse, ou je ne sais pas, j'avais besoin sûrement de mettre de l'énergie quelque part. Et cette phrase m'est restée. Un jour, vous saurez pourquoi vous êtes là.

  • Speaker #0

    Ça, vous ne le savez pas encore, en fait, c'est ça.

  • Speaker #1

    Des fois, j'ai des pistes. Je me dis, ah, ben oui, j'ai rencontré telle personne dans ma vie qui a eu cette maladie et je ne savais pas ce que c'était. Et peut-être que, quelque part, maintenant, je me rends compte de ce qu'elle a eu. Voilà, il y a des pistes parfois, mais... exactement pourquoi.

  • Speaker #0

    Et l'empathie, comme vous disiez tout à l'heure, peut-être qu'en dehors de ce Ausha, même de votre rôle de comédienne, vous êtes, je ne vous connais pas, mais empathique naturellement, de toute façon, et tournée vers l'autre. Je pense qu'on... C'est vrai qu'on n'est pas clowns à l'hôpital par hasard.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ça, c'est clair.

  • Speaker #1

    J'adore les enfants.

  • Speaker #0

    Leur spontanéité, leur sincérité. On a parlé de sincérité tout à l'heure, qui a l'air d'être une valeur importante pour vous. Pas de mensonge.

  • Speaker #1

    Et j'adore... J'adore les enfants, j'adore jouer avec les enfants, j'adore jouer pour les enfants.

  • Speaker #0

    L'humour, est-ce que ce n'est pas une forme de résilience face à la douleur et à la maladie, quelle qu'elle soit en fait ? Est-ce que ce n'est pas une forme de résilience, l'humour ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que oui.

  • Speaker #0

    Rire, parce que parfois on rit alors que je ne sais pas les situations dans lesquelles vous êtes, mais quand je me replonge un peu dans Mistral Gagnant... Moi, ce qui m'a épatée, alors c'était une forme de rupture, je pense, et c'est pour ça que la rupture, ça m'épate toujours, c'était de voir le témoignage d'enfants qui disaient vraiment, avec des mots d'adultes, que leur maladie était dégénérative, qu'ils ne s'en sortiront pas, ou en tous les cas, difficilement, et qu'il y avait une telle force. Enfin, même moi, je me suis pris une claque, parce qu'on se dit, waouh, nous, parfois, on a un pet travers, on s'en plaint. Et là, j'ai trouvé que c'était des enfants tellement incroyables. Justement, un enfant, on se dit, mais d'où il tient ça par rapport à l'adulte qui va plus forcément dramatiser, qui ne va pas être dans les mêmes... Parce que peut-être que c'est l'inconscience de l'enfant aussi. Mais j'avais été épatée, moi aussi, par ces enfants qui réalisaient ce qui leur arrivait et qui étaient pragmatiques. Mais ça ne les empêchait pas de jouer, de rire. En fait, c'est un documentaire très particulier puisqu'il y a autant de... Il vous sert autant le cœur qu'il vous met de la joie. Parce qu'en fait, on voit que le rire et la joie prennent autant de place que la maladie.

  • Speaker #1

    C'est l'instant présent, en fait.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est pas... Vous ne pensez pas que c'est dans l'homme, ça, d'ailleurs, en fait, cette... Est-ce que c'est pas même un espèce d'instinct de survie, de vouloir rire, de vouloir oublier un peu tout ça ? Oui,

  • Speaker #1

    mais... C'est surtout l'instant présent, je dirais. Parce que nous, la rencontre avec l'enfant ou la famille, c'est vraiment, quand je dis sincérité, c'est aussi le moment présent. On n'est pas en train de projeter demain, après demain. On se rencontre, il se passe quelque chose, on a envie de rire ensemble ou de trouver quelque chose de beau. On a envie de vous chanter une belle chanson. Parce que des fois, les parents sont surpris. Par rapport à un ado, par exemple, non, c'est pas...

  • Speaker #0

    Oui, un ado ne va pas y penser.

  • Speaker #1

    Et en fait, on va chanter une chanson et il se passe quelque chose et il y a une émotion. Et moi, je dirais que...

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que vous avez répondu à la question. Je pense que c'est vraiment le... Contrairement à un adulte, l'enfant ne se projette moins à ce qu'on devrait faire. C'est le fameux carpe diem dont on parle tous, mais on n'a pas l'appliqué. C'est vraiment essayer de vivre l'instant. sans se demander demain ce qui se passera, ce qui est une tâche ardue, mais que les enfants, justement, réalisent un peu mieux que les adultes.

  • Speaker #1

    Et justement, s'ils ont une annonce difficile, ils vont pouvoir aussi peut-être se défouler sur nous, en fait. Il y a aussi, ça, c'est les enfants qui ont beaucoup de soins, on ne leur demande pas s'ils peuvent avoir la piqûre ou la prise de sang. Et ils peuvent pas trop... Bon, ils se mettent en colère, mais... Bon, ils sont quand même obligés d'avoir le soin. Donc l'infirmier ou la soignante, à un moment donné, va faire le soin. Et nous, en fait, on arrive sur des instants où, s'il est très en colère, il peut être en colère contre nous, il peut devenir notre chef. Il y a des enfants qui sont très chefs avec nous, qui vont nous dire de quoi faire, non, tu fais pas ça, non, qui nous grondent. C'est... Ça leur fait un bien fou aussi.

  • Speaker #0

    Oui, vous savez vous dire que ce n'est que de la colère et mettre de la distance et tenter toujours d'être dans ce rôle d'essayer de faire oublier ce qui est difficile.

  • Speaker #1

    Et en tout cas, moi je pense que c'est surtout l'instant présent. On arrive, il se passe quoi à ce moment-là ? Et l'enfant, il peut être devant son jeu vidéo, il peut être... triste, mal et tout, mais en même temps ou avoir trop plein d'énergie et nous on joue avec ça et quand on disait l'entourage et tout, j'ai des copines qui me disent ça va, t'as passé une bonne journée ou qu'est-ce que tu fais demain ? Demain je vais jouer, elles disent toi tu vas au travail et tu dis je vais jouer tout ce rôle bien particulier j'ai une question ...

  • Speaker #0

    Alors là, c'est plus mon cœur de maman qui parle, parce que je pense qu'en tant qu'auditeur, je me le demanderais, c'est quoi la situation aujourd'hui de la pédiatrie ? En tous les cas, on parle du CHU d'Arène, il y a beaucoup de cas d'enfants très malades ou est-ce que c'est quand même majoritairement des hospitalisations ambulatoires liées à un panicite ou ce genre de choses ? Beaucoup de soins palliatifs ou pas tellement ? C'est une question qui me traverse sur les enfants malades, en fait, est-ce qu'il y en a beaucoup ? Est-ce que vous trouvez qu'il y en a beaucoup, en tout cas pour des pathologies graves, ou c'est plus des maladies qui se guérissent très bien ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne me rends pas trop compte.

  • Speaker #0

    Vous ne vous en avez pas trop compte.

  • Speaker #1

    Parce que ça dépend vraiment des services. Et puis vous,

  • Speaker #0

    on ne vous dit pas tout non plus.

  • Speaker #1

    On a les transmissions, mais... Ça dépend vraiment. Évidemment, c'est très spécialisé. Si on va en chirurgie, évidemment qu'il y a des appendicites, évidemment qu'il y a des fractures de pieds, de bras, parce que c'est le service où ils vont être soignés. Après, en oncohématose, moi, je ne me rends vraiment pas compte qu'il y a plus de malades aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

  • Speaker #0

    Moi, au tout début, quand j'avais entendu parler du clou de médecin, je pensais, mais c'est partie justement des idées reçues, que vous interveniez vraiment... Mais parce que je pense que quand je regardais les reportages il y a quelques années, on voyait des enfants chauds, on voyait vraiment que les cas étaient graves. Et en fait, c'est très récemment que j'ai découvert que non, même un enfant qui vient pour être plâtré, il mérite aussi... Enfin, il peut avoir aussi l'attention d'un clown, parce que ça reste un moment d'angoisse pour lui. Oui, tout à fait. On ne catégorise pas les pathologies.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, c'est vrai qu'on va être sur... Une seule rencontre. L'enfant viendra juste trois jours. Donc, si les clowns passent, c'est une rencontre. Et puis, dans d'autres services, s'ils sont hospitalisés plus longtemps, ça va être plusieurs rencontres. Et voilà. Comme je disais, on peut construire une petite histoire avec des enfants. Et ça, c'est... Mais à chaque fois qu'on y va, ça va être une nouvelle improvisation, une nouvelle histoire aussi. Et ça, ça dépend vraiment des services. Après, je ne suis pas spécialiste de toutes les maladies des enfants.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    je ne me rends pas trop compte. Alors après, on voit bien les périodes bronchiolites. Chez les bébés, il va y avoir des périodes où il y aura beaucoup de bronchiolites. Puis l'été, ça va être autre chose. Ça, ce n'est pas...

  • Speaker #0

    Quel message d'ailleurs vous auriez à dire aux soignants ? Parce que vous me disiez tout à l'heure qu'eux, ils y sont confrontés au quotidien. Est-ce que vous les trouvez... Épatant, quel regard vous posez sur eux dans votre rôle en tant que clown ou même en tant que Claire par rapport à leur travail ?

  • Speaker #1

    Moi je suis épatée.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut savoir dire, moi c'est un peu l'objet aussi de ma ligne éditoriale, de mettre en avant les gens épatants. Parce qu'il y en a, il y en a plein et ce n'est pas ceux qui se mettent le plus en avant. On les a beaucoup félicitées au moment du Covid, mais en fait, c'est un métier vraiment particulièrement difficile.

  • Speaker #1

    Difficile et pas tous les jours la même chose. Et puis, des départs, des arrivées d'enfants, de familles. Je vois chez les enfants, c'est... Ça bouleverse aussi une famille, même si on va que trois jours parce que le petit a une infection urinaire, mais avant on trouve pourquoi il a de la fièvre. Tout ça, c'est une arrivée aussi à l'hôpital qui bouleverse une famille. Donc, leur accueil, leur professionnalisme.

  • Speaker #0

    Surtout, vous parlez des familles. Moi, la seule expérience que j'ai, je ne souhaite pas en avoir d'autres, mais c'est justement, j'avais eu mon enfant hospitalisé pour la bronchiolite. Et ce qu'on peut comprendre, le soignant, sa priorité, c'est l'enfant. Donc en fait, en tant que parent, on est un peu perdu parfois. On se sent un peu balancé à l'écart. Vous, vous ne pouvez pas dormir, vous vous dormez, on va vous installer là. Parfois, nous, on sait bien que c'est l'enfant la priorité. Mais je pense que ce n'est pas parce qu'on est des adultes qu'il faut nous laisser de côté. Donc je trouve aussi que... Dans votre rôle, c'est pour ça que je le vois un peu comme multiple, surtout depuis que je prépare cette interview, c'est que finalement, oui, vous allez vers les enfants, mais il y a tout un impact quand même sur l'équipe médicale, les proches, les parents. Savoir aussi qu'il y a une association qui œuvre pour donner de la joie, je pense que ça donne du bon au cœur.

  • Speaker #1

    Oui, puis c'est vrai, on joue avec tout le monde, on joue avec les parents aussi.

  • Speaker #0

    Tout n'est pas faux.

  • Speaker #1

    Il est vrai que dans une chambre, on va un peu scanner. parfois il y a deux familles dans une même chambre donc tic tic tic tic tic des âges différents 4 ans avec un ado de 14 ans donc on va adapter le jeu et on a vraiment, on scanne bien la chambre et c'est souvent aussi touchant bah oui quand je viens chez les bébés on dit oh là là vous venez chez les bébés bah oui chez les bébés on va chanter On va chanter, on va babiller, on va écouter le bébé, on va le regarder. Et là aussi, il y a quelque chose qui se passe aussi avec...

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que c'est une mission incroyable. Qu'est-ce que vous auriez à dire d'ailleurs ? Parce que depuis que j'ai appris qu'il y avait une vraie formation, il n'y a pas forcément besoin d'être comédien pour le faire. Qu'est-ce que vous auriez à dire à quelqu'un qui hésite, qui se dit « j'aurais pas les compétences, pourtant j'adorerais » . Qu'est-ce que vous auriez à dire à la personne ? qui hésiteraient à se lancer ?

  • Speaker #1

    Alors, moi, la formation que j'ai faite, c'est vraiment, il faut être comédien.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Il faut être comédien, comédien-clown, avoir déjà son personnage. Il y a d'autres formations, peut-être, où c'est plutôt pour être art-thérapeute, je ne sais pas, je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Ou tout simplement, en fait, on peut tout simplement soutenir l'association sans être clown.

  • Speaker #1

    Ah oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport aux dons, je ne sais pas s'il y a d'autres formes aussi au-delà du don, d'autres formes pour aider le rire médecin ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a des comités bénévoles. Comités bénévoles ? Par ville, en fait, il y a un comité bénévole qui va, si on est sollicité par une école qui aimerait faire une course solidaire ou une vente de fleurs, ou des lycées qui sont intéressés pour entendre parler du métier. Il y a un comité bénévole à Rennes qui va rencontrer les personnes qui sont intéressées, qui font des actions pour récolter de l'argent et parler aussi de notre association.

  • Speaker #0

    Oui, puis comme vous le disiez, vous avez des entreprises mécènes. J'ai le souvenir aussi que pour la route de Rome, j'avais cru voir un jour un voilier porter les couleurs.

  • Speaker #1

    Alors voilà, on a Luc Berry qui est notre skipper, qui a un bateau là, oui, qui vit.

  • Speaker #0

    C'est une belle reconnaissance et je sais qu'au marché de Noël de Saint-Malo, il y avait tout un stand cette année Rire Médecin et j'ai trouvé ça très sympa.

  • Speaker #1

    Chapeau aussi à tous les bénévoles qui s'investissent sur des week-ends, sur des soirées pour aller parler de notre travail.

  • Speaker #0

    Des personnes épatantes.

  • Speaker #1

    Aussi, et qui nous soutiennent et qu'on aime bien rencontrer aussi.

  • Speaker #0

    Parce qu'une association, il ne faut pas oublier que c'est souvent tout un réseau et qu'il faut travailler continuellement.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Surtout quand elle le vit exclusivement, mais comme toutes les associations de cloude, de dons.

  • Speaker #1

    Oui, ou de partenariats avec des entreprises, ça se fait beaucoup aussi dans les Sénats.

  • Speaker #0

    En tout cas, je voulais vous dire que vous êtes passée à l'émission parce que je juge que vous êtes une personne épatante. de votre rôle. Merci beaucoup, en tous les cas, d'avoir répondu à mes questions. Je vous souhaite encore beaucoup d'avenir dans ce rôle de clown médecin. J'espère que vous avez apprécié l'interview.

  • Speaker #1

    Oui, merci beaucoup. C'était très agréable. Après, c'est poser des questions qu'on ne se pose pas tous les jours. C'était intéressant.

  • Speaker #0

    D'entendre la voix du clown. Je ne sais pas si peut-être qu'on pourra montrer une photo sur Instagram. Vous me direz si vous pouvez m'en partager une. Merci encore Claire, bravo à tous les clowns, bravo aux rires médecins, bravo bien entendu aux soignants. Bonne continuation. Merci.

Description

Pour ce troisième épisode d’à cœur d’argument, je suis aux côtés de Claire PRIGENT.

Sous son nom de clown « Brenda », cette Comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard sur Ille et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie.

Parce qu’on soigne mieux un enfant heureux…tel est le mantra qui s’affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créé par l’américaine Caroline Simonds en 1991, vise à restaurer chez l’enfant l'insouciance de son âge et à l’aider à passer au mieux le cap de l’hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie.

Le rire médecin c’est 33 ans d’existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliquées.

Si le rire médecin est connu, il existe de nombreuses autres associations de clown. J’ai souhaité ici m’intéresser à l’une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s’oublie le temps de quelques heures pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèse un quotidien aseptisé.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    À cœur d'argument, ce sont les témoignages de celles et ceux qui ont appris à affirmer et à exprimer leurs convictions et leurs valeurs, sans pour autant répondre ou se rebeller. Des personnes pour qui ce n'était pourtant pas aîné. Parce qu'apprendre à dire non est un long chemin, j'interroge les personnes qui ont relevé le défi de se faire passer avant. Que ce soit à l'écrit, à l'oral ou même par un geste qui a changé le cours des choses, ils nous confient cette longue quête à devenir soi, à se tolérer autant qu'à tolérer son prochain, à se remettre autant en question que la personne qu'on aura beau jeu de juger. Il y a quelques années, j'ai lu cette citation de Benoît de Gros. On est si rarement soi-même finalement, et avec si peu de gens. C'est dur à conquérir la liberté d'être soi. J'ai mis une vie à en prendre de la graine. Cette liberté d'être soi-même que je vais interroger et qui sera le fil conducteur de mes entretiens pour arrêter de taire ou d'excuser qui nous sommes, pour ne plus nous suradapter à des situations qui ne nous conviennent pas. Pour comprendre que ce n'est pas si facile, dans une société que l'on dit pourtant individualiste, de respecter ses besoins. J'aimerais donc en prendre de la graine, moi aussi, avec mes invités, et faire germer en chacun d'entre nous la capacité à s'exprimer de la meilleure façon qu'il soit. Bonjour à toutes et à tous. Pour ce troisième épisode d'Accœur d'arguments, je suis aux côtés de Claire Prigent. Sous son nom de clown Brenda, cette comédienne de 54 ans vit à Saint-Médard-sur-Ile et œuvre au CHU de Rennes comme clown hospitalier, une mission pleinement intégrée et attendue des services de pédiatrie. Parce qu'on soigne mieux un enfant heureux. tel est le mantra qui s'affiche sur le site du Rire Médecin. Cette association, créée par l'américaine Caroline Simons en 1991, vise à restaurer chez l'enfant l'insouciance de son âge et à l'aider à passer au mieux le cap de l'hospitalisation en trouvant en lui les ressources pour vaincre la maladie. Le Rire Médecin, c'est 33 ans d'existence, 150 clowns, 100 000 enfants visités par an ou encore 80 services de pédiatrie impliqués. En France, le Rire Médecin propose ses services au sein de 9 villes et œuvrent activement afin que les clowns réalisent leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Si Eliorir Médecins est connu avec de nombreux par inconnus, je pense à Gérard Junieu ou encore très récemment Reda Kateb, qui a réalisé un film fin 2024 sur un film magnifique que vous devez absolument voir, sur justement l'implication d'un clown à l'hôpital. Il existe de nombreuses autres associations de clowns. J'ai souhaité ici m'intéresser à l'une de ces personnes qui met un nez rouge et qui s'oublie le temps de quelques heures pour... pour partager de la joie et tenter de mettre entre parenthèses un quotidien aseptisé. Bonjour Claire, vous êtes comédienne et avez 54 ans et vivez à Saint-Médard-sur-Ile. Pouvez-vous me dire depuis combien d'années vous êtes comédienne et qu'est-ce qui vous a amené à faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, je suis comédienne depuis une vingtaine d'années. J'ai commencé d'abord à être animatrice de cirque. Et j'ai rencontré la comédie, le clown, le cycle à ce moment-là. Et je me suis passionnée pour le travail du clown.

  • Speaker #0

    Ah, donc dès vos débuts, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, et c'est parce que j'ai pratiqué tout de suite, parce que j'ai fait des formations. On ne devient pas clown comme ça. J'ai fait des formations, j'ai rencontré des gens qui étaient clowns. Et donc, petit à petit, à force de se former, Et je me suis dit, c'est un métier que j'aimerais bien faire.

  • Speaker #0

    Et j'aimerais en savoir plus pourquoi, d'ailleurs, clown, enfant ou adolescente, vous aviez une appétence déjà pour cet univers-là ? Qu'est-ce qui vous a amené ? Parce que c'est un univers particulier, quand même, le clown. Qu'est-ce qui a fait que ça vous a plu ?

  • Speaker #1

    Alors là, c'est la magie.

  • Speaker #0

    C'est la magie. Vous avez été touchée, sensibilisée à cet univers-là ?

  • Speaker #1

    Oui, quand j'étais petite, j'aimais bien aller au cirque. Et encore, des fois, les clowns, ils font un peu peur aussi. J'aimais cet univers en tout cas. J'aimais faire du théâtre, j'aimais danser, j'aimais toute petite me déguiser, imiter des personnalités, des chanteurs, des chanteuses. Alors est-ce que ça vient de là ? Peut-être.

  • Speaker #0

    Et quel spectacle vous a particulièrement... Est-ce que vous avez un souvenir d'un spectacle justement que vous avez vu plus jeune qui vous a marqué ?

  • Speaker #1

    Alors... Toute jeune, j'ai vu un spectacle de marionnettes géantes. Je suis de Morlaix, dans le Finistère, et il y avait une troupe de théâtre qui proposait des marionnettes géantes. Et j'ai vu un spectacle magnifique. Je suis sortie de là, j'ai dit « Waouh, c'est trop beau ! » Je ne me suis pas dit « Je vais faire ça plus tard » . Mais en tout cas, j'ai adoré ce moment. Et ensuite, adolescente, j'ai vu un spectacle de Royal Deluxe qui s'appelait « Roman Photo » . Et là, j'ai adoré. J'ai dit, ah ouais, d'accord. Je ne voyais pas forcément que c'était du clown. Enfin, c'était du théâtre de rue. Et là, j'ai découvert le théâtre de rue. Et j'ai trouvé que les comédiens étaient toujours à fond. Il y avait des idées de décors. C'était drôle. Tout le monde riait, je ne sais pas combien de personnes on était, mais tout le monde rit en même temps.

  • Speaker #0

    C'est vraiment le côté rire qui vous a entraîné aussi ? Oui,

  • Speaker #1

    j'étais quand même attirée par les spectacles de rue, soit grandioses, des choses avec des feux d'artifice, j'ai vu aussi des troupes où il y avait beaucoup de trucs qui faisaient même un peu peur. Mais le rire, oui, aller voir des spectacles.

  • Speaker #0

    Il y avait des artistes dans votre famille ? C'est familialement qu'on vous a amené à ça ou même pas du tout ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas spécialement, ça a été vraiment une curiosité.

  • Speaker #1

    Pas spécialement. Après, j'avais ma maman et une tante qui étaient sensibles au théâtre, car on avait fait jeune fille du théâtre. Donc, on m'a emmenée voir des spectacles. Par l'école aussi, on allait voir des spectacles. Mais sinon, non, dans la famille, on n'était pas artistes.

  • Speaker #0

    D'accord. Alors, à partir de quand ? Avez-vous commencé le métier de clown ou de mission de clown à l'hôpital ? Spécifiquement à l'hôpital. Depuis quand vous faites ça ?

  • Speaker #1

    En 2012, j'ai fait une formation. Il existe une formation de comédien clown à l'hôpital. J'ai souhaité faire cette formation qui durait six mois. On était sur le terrain, accueillis par une équipe de clowns à l'hôpital. Et puis à la fois de la théorie un petit peu médicale et puis aussi des formations de clowns parce qu'on est formé pour jouer auprès des bébés, auprès des ados. On apprend des chansons, on apprend le duo parce qu'en fait c'est à l'hôpital très spécifique dans l'association où je travaille, on est en duo en fait, on est professionnel en duo. Donc beaucoup de jeux de clowns en duo, des improvisations. À chaque rencontre dans une chambre, c'est une improvisation. Donc j'ai fait une formation qui m'a ouvert à ce métier, qui m'a fait découvrir ce métier. Et ensuite, j'ai été embauchée pour travailler sur une équipe à Angers. Voilà, un programme s'est ouvert, le Rire Médecin a ouvert un programme à Angers. Et voilà, j'ai commencé à travailler en 2014.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est à travers quel organisme que vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Toujours le Rire Médecin.

  • Speaker #0

    Toujours le Rire Médecin. Oui, qui est l'association la plus connue d'ailleurs. Oui,

  • Speaker #1

    il y en a beaucoup.

  • Speaker #0

    Parce qu'il y en a énormément. Mais le Rire Médecin, en effet, est celle dont on parle le plus.

  • Speaker #1

    Oui. Et là maintenant, depuis deux ans, je suis à Rennes.

  • Speaker #0

    Et c'est une activité à 100% ou vous faites autre chose dans la comédie à côté ?

  • Speaker #1

    Je fais autre chose. Je suis intermittente du spectacle. Et je continue à donner des stages de cirque. auprès d'enfants, et des spectacles.

  • Speaker #0

    Et comment on parle de ses Ausha ce choix d'être clown à l'hôpital ? Parce qu'il faut quand même du cran, enfin un certain cran pour faire ça, dans le sens où ça requiert beaucoup de compétences, mais comment on l'affirme auprès de son entourage ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un métier passion, pour moi je pense que c'est un métier passion. Donc quand on en parle... ... Avant d'être clown à l'hôpital, j'en parlais beaucoup déjà avant. J'aimerais t'en faire ça, j'aimerais t'en faire ça. Donc, ma famille proche était plutôt contente.

  • Speaker #0

    Contente, mais oui. Mais c'est vrai que quand on écoute votre parcours, c'est presque logique.

  • Speaker #1

    On était vraiment contentes que j'arrive à ce travail.

  • Speaker #0

    On vous prend au sérieux.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Un clown doit être sérieux.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et non, c'est plutôt... Un accompagnement aussi. Et puis bon, comme tout métier, il se passe des choses à l'hôpital, avec mes collègues, avec mes collègues, partager mes difficultés ou mes joies. Et puis à mon entourage, je peux parler de mon travail. Mais de toute façon, avant même d'être clown à l'hôpital, ma famille m'a suivie dans des spectacles où j'ai pu jouer et tout ça. Ça fait partie de notre vie. Après, c'est un lieu où ils ne viendront pas me voir jouer. Ils ne connaissent pas vraiment ma journée complète.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est particulier dans le sens où il n'y a pas un public. Là, c'est vous qui allez vers les gens.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Et est-ce que... Quelles ont été vos premières craintes ? Parce que la partie formation, c'est une chose, mais il y a le patient. À un moment donné, il faut sauter dans le bain. Quelles ont été vos premières craintes ? Ou en tout cas, quels étaient peut-être vos préjugés ? Et comment vous avez fait face à ça ?

  • Speaker #1

    Les préjugés, c'était peut-être plus par rapport à l'hôpital, l'ambiance hôpital. Je me souviens, on notait nos premières impressions quand on les a observées. Et les odeurs, les bruits, l'agitation, peur qu'il se passe quelque chose de grave quand on est dans le service. Voilà, ça, c'était vraiment des craintes. Et puis finalement, le clown, c'est aussi... un personnage et on a un petit masque, en fait. Donc, ça permet aussi d'avoir une distance, une petite distance avec tout ça. Alors, les bruits, ça existe, les odeurs, ça existe. J'ai moins peur. Et surtout, ce qui est super, c'est qu'on met vraiment l'enfant au centre du jeu, en fait. On va à la rencontre d'un enfant, d'une fratrie, parfois, des parents. Et on remet une vie dans l'hôpital, en fait. On rencontre vraiment des personnes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, quand vous entrez dans une chambre, est-ce que vous avez un objectif en tête quand vous démarrez votre interprétation, si puis-je dire ? Est-ce que vous avez un objectif ou est-ce que vous vous laissez complètement aller à de l'improvisation, justement, et vous vous adaptez à l'environnement ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. C'est exactement ça. On fait un... Une représentation sur mesure pour chaque enfant. Vu qu'on peut aller voir un bébé et ensuite ce sera un jeune ado. Et alors un truc très important, c'est qu'on a des transmissions. On sait qui on va voir, l'âge de l'enfant, où il en est dans sa journée, dans son parcours de soins aussi. Il y a des enfants qu'on ne verra qu'une fois. Il y a des enfants qu'on voit longtemps. Donc on adapte aussi. Il peut y avoir des petits feuilletons avec des enfants. Je dis feuilletons, des petites histoires qui continuent.

  • Speaker #0

    C'est une question que j'avais plus tard, mais j'en profite parce que c'est très intéressant. Je voulais vous demander comment les équipes médicales justement vous accueillent-elles. Mais à chaque fois que vous venez, est-ce que vous êtes un vrai partenaire de soins qui s'adapte à votre venue ? Ou est-ce que c'est à chaque fois à vous de vous adapter ? Sachant que c'est un univers clinique, donc une fois de plus, pas un environnement de clown. Donc pour vous, ça demande vraiment une capacité d'adaptation. Mais comment agissent les équipes médicales à vos côtés ?

  • Speaker #1

    Alors, bon déjà, on fait des transmissions. Donc on a un lien aussi avec eux.

  • Speaker #0

    La transmission, en fait, c'est des échanges entre vous ?

  • Speaker #1

    En fait, on prend un temps. On n'est pas en clown. On prend un temps ensemble avec les soignants, soit les éducatrices, les jeunes enfants, soit des soignants, qui vont nous dire dans telle chambre, il y a tel enfant, il a tel âge, il a telle pathologie, il y a les parents. Et ça, on prend vraiment ce temps-là.

  • Speaker #0

    C'est une réunion formelle.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est formel. Et... Et ensuite, il se peut que dans certains services où il y a un soin, on puisse faire appel aussi à nous en disant tiens vous serez là à telle heure ou à tel moment. Là on a un soin un peu délicat avec tel enfant, ça serait bien que vous soyez en accompagnement de soin. On appelle ça un accompagnement de soin.

  • Speaker #0

    Il y a un vrai travail d'équipe.

  • Speaker #1

    Voilà, là il y a un vrai travail d'équipe. Parfois c'est pas le moment. Nous on a des jours réguliers pour aller jouer dans tel et tel service. Parfois, ce n'est pas le moment non plus pour un service. On est pris en compte parce qu'on n'est pas discret. Tout le monde sait quand on arrive dans un service. Mais voilà, parfois, si ce n'est pas le moment, ce n'est pas le moment. Si l'enfant ne veut pas, on n'y va pas. On ne force jamais rien. Mais c'est vrai que quand ça se passe, quand on arrive à calmer un enfant ou à le distraire, l'amuser pendant qu'il a un soin, on se félicite. C'est un travail d'équipe. On est contents.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, dans quels hôpitaux aujourd'hui vous travaillez ?

  • Speaker #1

    Je travaille au CHU de Rennes, en pédiatrie. Et on travaille chez les nourrissons, grands enfants, en co-hémato et en CHIR. Très bien.

  • Speaker #0

    Là, j'ai une question qui est importante pour moi parce que j'avais vu le documentaire « Élimistral gagnant » . de Anne Dauphine Julien il y a quelques années. C'est un documentaire magnifique. Moi, il m'a marqué au fer rouge, donc je ne le regarderai pas deux fois. Justement, sur les enfants malades à l'hôpital, qui m'ont tous épaté. Mais j'ai réalisé aussi le courage et la force de l'entourage, dont la réalisatrice qui a perdu plusieurs enfants. Moi, je souhaite savoir comment on se protège, comment on se préserve parfois de la douleur, de la douleur morale et physique des personnes qu'on côtoie, que ce soit les parents ou les enfants. Comment on se préserve et on met à distance aussi l'injustice qui provoque de la colère de voir ses enfants malades et puis la douleur des proches. Est-ce qu'on met à distance ou c'est quoi vos techniques pour... Éviter de trop rentrer dans l'émotion, si je peux dire.

  • Speaker #1

    On a de l'empathie. Je pense qu'on ne peut pas faire ce métier sans l'empathie. Alors, on a pas mal d'outils dans notre association. Déjà, on joue en duo. Donc, s'il y a un moment où personnellement, on ne peut pas aller, où on est trop touché... On peut dire, là, je ne peux pas aller aujourd'hui, ou j'ai du mal. Donc, on échange, mais pas en clown, avec mon collègue du jour. Ça, c'est possible.

  • Speaker #0

    Le duo, c'est une première force, finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait. Oui, on n'est pas des super héros. On peut beaucoup écrire aussi. Enfin, voilà, on peut passer par l'écrit. On a des parrains marraines. C'est un peu nos fées. Si jamais je n'ai plus de distance ou je ne sais plus, je ne peux pas en parler à un collègue parce que peut-être que lui aussi est touché, je peux appeler quelqu'un d'autre de mon équipe parce qu'on est 150 clowns. Donc on peut appeler quelqu'un d'autre en disant « il se passe ça pour moi, j'ai du mal, ça c'est possible » . On peut en parler en équipe, on a des réunions d'équipe pour faire de l'analyse de pratique. On peut aussi en parler à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une aide mutuelle très importante. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Et puis, on peut dire là, je suis trop touchée. Ou dire, oh là là, il faut que... Alors, par rapport aux soignants, c'est qu'on n'y va pas tous les jours. Moi, je me pose plutôt des questions par rapport aux soignantes, aux soignants qui sont là tous les jours.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Et nous, on est huit dans une équipe, donc on ne joue pas tous les jours. Et donc, ce qui me permet que... Aujourd'hui, je ne suis pas à l'hôpital. Peut-être qu'hier, il s'est passé quelque chose. Ça va rester un petit peu dans un coin de ma tête. Mais je vais faire autre chose. Je vais marcher. Chacun trouve aussi sa ressource. Et c'est vrai que du coup, moi, je pense beaucoup aux soignants. Et je pense aussi, évidemment, quand on connaît une famille depuis longtemps et qu'il y a un départ, on nous annonce du palliatif. Oui, évidemment qu'on est touchés humainement. Après, ça nous est arrivé. La reine, ça ne m'est pas arrivé. Mais dans d'autres expériences, ça m'est aussi arrivé d'arriver. La transmission est très, très dure. Tout va mal. Et nous, on arrive, les clowns arrivent et on joue et on remet de la vie. Et les parents sont heureux qu'on soit passés aussi dans un moment très difficile pour eux. et voilà nous on essaie de garder la vie en fait

  • Speaker #0

    Oui et puis il y a la parure aussi qui vous aide à vous protéger d'ailleurs je souhaitais poser une question aussi sur la réceptivité des parents face à l'humour, est-ce que tout le monde vous accueille bien entre guillemets ou est-ce que certains justement sont tellement anxieux qu'ils ne sont pas réceptifs et comment vous allez gérer du coup ça ? Il n'y a rien de pire par exemple, c'est comme quand on fait une blague et que ça tombe à l'eau. C'est vrai que parfois les gens, par rapport à certains types d'humour, ne sont pas réceptifs du tout.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc comment vous gérez ça ?

  • Speaker #1

    Parfois, je pense que même des parents se disent, mais qu'est-ce qu'ils font les clowns ? On n'est pas du tout dans un moment pour accueillir des clowns. Ça c'est un peu nos antennes en fait. Quand on rentre dans une chambre, on peut avoir des personnes qui ne vont pas du tout nous regarder, qui vont se tourner, regarder la fenêtre. Il faut savoir que parfois, il y a l'enfant, deux parents. Donc, si l'enfant et l'autre parent sont preneurs, on joue avec l'enfant, le parent, le partenaire. Et si une personne ne veut pas nous voir, on ne va pas aller la chercher dans le jeu, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Vous vous adaptez.

  • Speaker #1

    Et parfois, certains s'expriment tout à fait en disant « Non, on ne veut pas de clowns » . Parfois, on le sait aussi en transmission. Que ce n'est pas le moment d'aller voir une famille parce qu'ils viennent d'avoir une annonce. On ne va pas. On est très respectueux aussi de ça. Et alors, il y a le truc de la peur du clown. Il y a des gens qui ont peur des clowns.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, chez les enfants, ça se comprend. À un certain âge, ils ont peur des clowns. Les ados n'ont pas envie de voir des clowns. Avec les enfants, on a des petites ficelles. Par contre, il y a des adultes qui ont peur des clowns. Donc, soit ils l'expriment à nous directement, soit ils vont dire aux soignants, non, non, mais moi j'ai peur des clowns. Alors, on n'y va pas, ou alors on respecte souvent, ou alors, mais parfois on peut se rencontrer dans le couloir. Donc, c'est une rencontre impromptue.

  • Speaker #0

    Oui, ou être un peu gênée par ses interactions, où la personne, parfois, elle ne sait pas où. se mettre.

  • Speaker #1

    Ça arrive, ça arrive. Des personnes ne savent pas où se mettre.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est peut-être une question étrange, si le nez rouge, si votre nez rouge, il devait avoir une conviction, ça serait laquelle, par rapport à son rôle, le rôle qu'il joue dans l'hôpital ?

  • Speaker #1

    La sincérité.

  • Speaker #0

    La sincérité. Il faut être sincère.

  • Speaker #1

    Il faut être sincère. Voilà.

  • Speaker #0

    On joue, mais on est sincère. C'est pas antinomique.

  • Speaker #1

    Et c'est pas fabriqué.

  • Speaker #0

    Tout à fait. C'est pas superficiel.

  • Speaker #1

    Et c'est pas superficiel.

  • Speaker #0

    Et quand on parlait justement des proches, est-ce que vous avez une histoire marquante avec une rencontre d'un enfant ou d'un parent qui vous a laissé une empreinte, un témoignage qui vous a permis aussi de vous dire ce que je fais a vraiment du sens aussi ? Un témoignage de reconnaissance ? Oui,

  • Speaker #1

    ça arrive. Alors, on ne le prend pas forcément en clown. On a aussi des témoignages après, en fait, de parents qui nous laissent des petits mots ou des choses. Donc ça, c'est super, on est content. Après, nous, personnellement, moi, la récompense, c'est un sourire. On m'a parlé, on a joué avec nous. On a une maman qui pleure parce qu'on chante à son bébé et qu'elle regarde son bébé qui sourit.

  • Speaker #0

    Et l'émotion d'une maman.

  • Speaker #1

    Les émotions, presque. C'est ça le retour le plus beau, en fait. Et oui, après, il y a des... Il y a des histoires, il y a des parcours avec des enfants. Un enfant qui a eu peur au début, et puis après qui va jouer avec nous. Et ça, c'est une récompense super.

  • Speaker #0

    Est-ce que vos personnages portent des prénoms, d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on a des noms de clowns.

  • Speaker #0

    Vous avez des noms de clowns.

  • Speaker #1

    Oui, on a des costumes de clowns. On ne se déguise pas, on se costume.

  • Speaker #0

    Costume.

  • Speaker #1

    Et on a des noms tenus.

  • Speaker #0

    C'est vraiment un personnage. Ce qui aide aussi, pour en revenir à une de mes questions, à cette distance aussi, sans doute, qu'on met. Peut-être que ça aide.

  • Speaker #1

    Par exemple, quand on disait au tout début, mes craintes du début, c'était aussi parce que j'ai observé. Je suis allée, moi, Claire, regarder d'autres clowns jouer. Et là, je me disais, oh là là, il y a du bruit, ce n'est pas possible. Oh là là, les soignantes qui courent partout, ce n'est pas possible. Oh là là, les odeurs, ça ne va pas être possible. Oh là là, un enfant qui pleure tout au bout du couloir, ça ne va pas être possible. Et en fait, une fois qu'on met son nez, il existe tout ça. mais on est dans le jeu en fait.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Il faut être plus clair.

  • Speaker #1

    On a des petites antennes comme on dit parce que c'est vrai que si jamais on vient nous dire non mais là il ne faut pas y aller parce que maman ça ne va pas ou bébé ça ne va pas ou je ne sais quoi, on n'y va pas. Donc on a là, c'est à Brenda qu'on parle, on a un code au Rire Médecin, c'est d'enlever notre nez en fait, même si on est en condition de vous avez quelque chose de très sérieux de nous dire hop, on enlève le nez et quand on a notre nez hop On joue partout, dans les ascenseurs, dans les couloirs.

  • Speaker #0

    Comme un acteur, en fait, dans son rôle.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est parti pour...

  • Speaker #0

    Quand vous vous démaquillez, quand vous enlevez votre costume, votre nez rouge, vous êtes traversée par quelle émotion ? Est-ce qu'on s'habitue tellement à jouer les clowns qu'on n'est plus forcément touchée, même si ce n'est pas vraiment le mot ? Ou est-ce que c'est comme enlever aussi parfois la douleur que vous avez observée ? Je ne sais pas, comment vous vivez le fait de vous remettre en clair ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors déjà, c'est bien aussi parce qu'on est deux, dans le vestiaire après, quand on a fini notre journée, donc on peut discuter des impros qu'on a moins réussies, ou on ne s'est pas trouvées, parce qu'on a aussi, nous, ce travail de duo et d'impro. Il se peut aussi, je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais par exemple, dans une difficulté par rapport à un enfant qui aurait peur de nous, ou quelqu'un qui est fermé, on peut jouer, nous, en... en indirect, on appelle ça le jeu indirect. On ne va pas tout de suite jouer sur l'enfant ou tout de suite jouer avec le parent s'il ne veut pas. Mais nous, on peut continuer notre jeu à nous, à deux.

  • Speaker #0

    Donc ils sont spectateurs finalement.

  • Speaker #1

    Spectateurs, on a le droit aussi. Donc ça, c'est intéressant en fin de journée de débriefer un peu sur notre journée, notre énergie. On se remet ensemble en personne et on... Et là, on peut tout à fait parler de nos familles ou de ce qu'on va faire ce soir.

  • Speaker #0

    Comme du collègue.

  • Speaker #1

    Ou du film qu'on va aller voir ou du film qu'on a vu. Et puis, moi, ce que j'aime bien, c'est que j'ai un petit temps de train. Enfin, voilà, j'ai un train. Je n'arrive pas tout de suite chez moi. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est bien.

  • Speaker #1

    Ça, c'est bien.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, vous parliez des soignants. Qu'est-ce que vous leur apportez aussi aux soignants quand on disait tout à l'heure que c'est au... quotidien qui voient des enfants malades et des familles anxieuses. Est-ce qu'eux vous disent qu'ils sont heureux le jour où vous venez ? Est-ce que vous sentez que ça leur fait du bien ?

  • Speaker #1

    Oui, ils nous renvoient ça aussi. Alors tout le monde, c'est pareil, tout le monde n'a pas envie de jouer avec nous, de participer à une parade, des choses comme ça. Mais en tout cas, oui, c'est une petite bouffée d'air dans le service.

  • Speaker #0

    Et le Rire Médecin, c'est une association, je ne sais pas pas depuis quand elle existe ?

  • Speaker #1

    Depuis 1991.

  • Speaker #0

    En 1991 ? Oui. C'est vrai qu'on la connaît de plus en plus. Je pense que c'est une question que je vais vous poser. C'est pris au sérieux aujourd'hui, le groupe des médecins, la preuve, partout en France, il y a des associations. Est-ce que vous, au fil des années, vous avez observé que le regard des soignants a évolué ? Est-ce que ce n'est pas le même aujourd'hui que celui d'hier ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai... Là, je travaille à Rennes depuis pas très longtemps, donc je ne peux pas avoir trop de recul. Mais en tout cas, ils ont eu envie qu'il y ait des clowns dans les services. Ça,

  • Speaker #0

    c'était vraiment une envie en tous les cas des équipes.

  • Speaker #1

    C'était une envie des équipes. À Angers, c'est vrai qu'il fallait tout construire, en effet. Donc, une équipe de clowns, une équipe des liens avec les soignants. Et c'est un peu homéopathie, en fait. Homéopathie, bon. Oui, c'est ça. Des petites doses, voilà. Il faut se faire accepter, il faut montrer nos talents aussi. Et puis, parfois l'image du clown qui est un peu tarte à la crème. Et voilà, montrer aussi nos talents, qu'on prend en compte tout ce qui se passe à l'hôpital, qu'on va être prudent, qu'on va faire attention. à ne pas faire trop de bruit quand il ne faut pas faire trop de bruit. Être musicale, si c'est le moment d'être musicale. On adapte vraiment notre travail. Et aussi, qu'on est à l'écoute. Et que si à un moment donné, dans le service, il faut être plus calme, il faut faire plus doux, si on nous dit, on va suivre ce mouvement. Moi, je pense que c'est vrai que cette association part des documentaires. Il y a aussi un documentaire de Sarah Giraudeau. Il y a un film qui s'appelle Sur un fil de Redd Akateb qui est sorti l'année dernière, qui raconte l'histoire d'une clown à l'hôpital. Donc tout ça aussi permet de montrer une image du clown, de parler de ce métier.

  • Speaker #0

    Sur Arte, je crois qu'il y a eu aussi, c'est peut-être un des documentaires dont vous venez de parler, qui a été diffusé il y a quelques semaines.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Mais je ne sais plus le nom du documentaire, mais je sais que sur Arte, j'avais vu des clowns et passer justement.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    Un titre comme quoi c'était un point sur les clowns à l'hôpital. Et il y en a beaucoup d'ailleurs, quand on va sur YouTube, il y a beaucoup de petits reportages où on voit à chaque fois, parce que j'ai l'impression qu'en fait, c'est à chaque fois en duo pratiquement. En tout cas, dans tous les reportages que j'ai regardés, on voit des clowns travailler en duo.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est une base et c'est riche en fait. C'est riche. C'est très riche.

  • Speaker #0

    Concernant le Rire Médecin, qui est une association très connue, dont je mettrai toutes les coordonnées en publication Instagram, comme... Vous me disiez en off que c'est Reda Kateb, c'est ça l'acteur qui est parrain de l'association ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est un de nos parrains. Et il a observé à l'hôpital. Il a beaucoup aimé. Il a lu le livre de Caroline Simons. Voilà, le titre du livre. Je me demande si il va voir. Voilà. Et donc, il a écrit un film qui s'appelle « Sur un fil » .

  • Speaker #0

    En octobre dernier, vous me disiez.

  • Speaker #1

    Voilà. Et qui raconte l'histoire d'une jeune femme qui découvre le métier de clown à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Je pense que je vais me précipiter pour le voir parce que j'aime beaucoup cet acteur qui est toujours dans des rôles assez forts socialement. Donc c'est pareil, je mettrai le lien pour les personnes qui écouteront ce message. Alors, question peut-être un peu administrative pour comprendre comment vit le rire médecin. Est-ce que les hôpitaux rémunèrent l'association ou est-ce que vous vivez uniquement de dons ? Comment vit l'association aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, les hôpitaux ne donnent pas d'argent, ou alors certains, mais je ne suis, c'est pas la majorité. Et oui, c'est une association qui vit...

  • Speaker #0

    Exclusivement de dons.

  • Speaker #1

    Ouais, et du mécénat.

  • Speaker #0

    Du mécénat, voilà. Vous avez une idée ou pas du budget un peu par année ? Non, non, pas du tout. Mais vous, vous êtes bien, c'est une association, mais vous êtes rémunérée.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas du bénévolat. Comme vous êtes comédienne, on peut se dire que c'est du bénévolat, mais pas du tout. Pas du tout du tout. Pour ça que c'est un métier.

  • Speaker #1

    C'est aussi... Le rire médecin veut cette reconnaissance, et veut cette reconnaissance professionnelle, et embauche des comédiens professionnels pour ensuite travailler dans les hôpitaux. Et du coup, personnellement, j'ai un statut d'intermittente. Vu que je fais d'autres boulots à côté.

  • Speaker #0

    C'est une question peut-être un peu... Je ne sais pas comment on peut la qualifier, mais comment vont évoluer les rôles des clowns à l'hôpital ? Il va rester ce qu'il est à présent et qui est très important. Mais est-ce qu'on peut aussi parfois ne pas imaginer ce genre d'intervention en dehors de l'hôpital ou même, je dis n'importe quoi, auprès d'un public comme des personnes âgées ? Est-ce que parfois vous avez d'autres projets aussi pour... pour faire avancer le Rire Médecin avec d'autres interventions auprès d'autres personnes un peu en souffrance ?

  • Speaker #1

    Alors, le Rire Médecin travaille exclusivement en service pédiatrique.

  • Speaker #0

    Non, gériatrique.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ont développé aussi l'HAD, c'est-à-dire que les enfants hospitalisés à la maison, enfin, en soins à la maison, il y a donc des clowns. pas à Rennes, mais ça a commencé à Nantes, puis dans des hôpitaux de Paris, des clowns qui partent le matin avec l'infirmière et qui vont aller dans la famille et jouer à la maison pour l'enfant pendant son soin et pendant le temps du soin.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc ça c'est déjà ça, je ne savais pas. Je pensais que c'était exclusivement...

  • Speaker #1

    Et ils jouent aussi dans certains hôpitaux auprès de... Un programme s'appelle Maternés, c'est-à-dire qu'ils vont jouer ensemble. en maternité, auprès de mamans isolées ou qui sont en difficulté au tout début d'une maternité. Et ça, c'est aussi nouveau, ça se développe dans différents hôpitaux. Et donc, c'est quand même autour de l'enfant.

  • Speaker #0

    C'est l'enfance.

  • Speaker #1

    C'est l'enfance.

  • Speaker #0

    Parce qu'on pense qu'ils sont plus réceptifs, sans doute, qu'un public adulte.

  • Speaker #1

    En tout cas... Le RER Médecins ne travaille qu'en pédiatrie et développe des projets autour de l'enfance. Après, il y a d'autres associations de clowns hospitaliers qui travaillent beaucoup en gériatrie. Ça se développe beaucoup. Et aussi auprès d'IME ou enfants polyhandicapés. Il y a des structures qui jouent auprès des personnes âgées et c'est assez magique aussi, je crois, ce travail auprès des personnes âgées pour avoir partagé avec des... des copines ou des copains qui font ce travail.

  • Speaker #0

    Et vous, en tous les cas, c'est un rôle que vous voulez continuer à jouer. Ah oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Votre rôle de clown, parce qu'il vous apporte aussi personnellement, sans doute.

  • Speaker #1

    Mais oui, et puis on a tous une histoire personnelle qui fait qu'on est bien dans ce milieu. Après, je ne sais pas. Pourquoi exactement ? Je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous n'avez pas été confrontée à un enfant malade plus jeune ou vous-même malade. Non, c'est vraiment... De toute façon, c'était viscéral chez vous, le côté clown.

  • Speaker #1

    De toute façon, oui.

  • Speaker #0

    Parce que j'avais rencontré une dame dans un avion qui s'appelle Fanny, qui était orthoponiste et qui, elle, est devenue clown. Donc, elle a fait toute la formation, mais qui n'était pas du tout comédienne. Oui. Et ça m'a épatée. Je me suis dit, bon, on peut faire une formation et devenir clown avec une mission très particulière, mais justement hyper épatante et déroutante. Et c'est pour ça que j'avais envie aussi d'en savoir plus sur les personnes qui incarnent le rôle.

  • Speaker #1

    En fait, Caroline Simons, on était un petit groupe et elle nous avait dit, vous n'êtes pas là par hasard. Vous saurez un jour pourquoi vous êtes là. Alors moi je suis plutôt sur, oui je suis clown, c'est toute ma vie, c'est une façon pour moi aussi de m'exprimer, comme si je n'étais pas clown, je serais peut-être danseuse, ou je ne sais pas, j'avais besoin sûrement de mettre de l'énergie quelque part. Et cette phrase m'est restée. Un jour, vous saurez pourquoi vous êtes là.

  • Speaker #0

    Ça, vous ne le savez pas encore, en fait, c'est ça.

  • Speaker #1

    Des fois, j'ai des pistes. Je me dis, ah, ben oui, j'ai rencontré telle personne dans ma vie qui a eu cette maladie et je ne savais pas ce que c'était. Et peut-être que, quelque part, maintenant, je me rends compte de ce qu'elle a eu. Voilà, il y a des pistes parfois, mais... exactement pourquoi.

  • Speaker #0

    Et l'empathie, comme vous disiez tout à l'heure, peut-être qu'en dehors de ce Ausha, même de votre rôle de comédienne, vous êtes, je ne vous connais pas, mais empathique naturellement, de toute façon, et tournée vers l'autre. Je pense qu'on... C'est vrai qu'on n'est pas clowns à l'hôpital par hasard.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ça, c'est clair.

  • Speaker #1

    J'adore les enfants.

  • Speaker #0

    Leur spontanéité, leur sincérité. On a parlé de sincérité tout à l'heure, qui a l'air d'être une valeur importante pour vous. Pas de mensonge.

  • Speaker #1

    Et j'adore... J'adore les enfants, j'adore jouer avec les enfants, j'adore jouer pour les enfants.

  • Speaker #0

    L'humour, est-ce que ce n'est pas une forme de résilience face à la douleur et à la maladie, quelle qu'elle soit en fait ? Est-ce que ce n'est pas une forme de résilience, l'humour ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que oui.

  • Speaker #0

    Rire, parce que parfois on rit alors que je ne sais pas les situations dans lesquelles vous êtes, mais quand je me replonge un peu dans Mistral Gagnant... Moi, ce qui m'a épatée, alors c'était une forme de rupture, je pense, et c'est pour ça que la rupture, ça m'épate toujours, c'était de voir le témoignage d'enfants qui disaient vraiment, avec des mots d'adultes, que leur maladie était dégénérative, qu'ils ne s'en sortiront pas, ou en tous les cas, difficilement, et qu'il y avait une telle force. Enfin, même moi, je me suis pris une claque, parce qu'on se dit, waouh, nous, parfois, on a un pet travers, on s'en plaint. Et là, j'ai trouvé que c'était des enfants tellement incroyables. Justement, un enfant, on se dit, mais d'où il tient ça par rapport à l'adulte qui va plus forcément dramatiser, qui ne va pas être dans les mêmes... Parce que peut-être que c'est l'inconscience de l'enfant aussi. Mais j'avais été épatée, moi aussi, par ces enfants qui réalisaient ce qui leur arrivait et qui étaient pragmatiques. Mais ça ne les empêchait pas de jouer, de rire. En fait, c'est un documentaire très particulier puisqu'il y a autant de... Il vous sert autant le cœur qu'il vous met de la joie. Parce qu'en fait, on voit que le rire et la joie prennent autant de place que la maladie.

  • Speaker #1

    C'est l'instant présent, en fait.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est pas... Vous ne pensez pas que c'est dans l'homme, ça, d'ailleurs, en fait, cette... Est-ce que c'est pas même un espèce d'instinct de survie, de vouloir rire, de vouloir oublier un peu tout ça ? Oui,

  • Speaker #1

    mais... C'est surtout l'instant présent, je dirais. Parce que nous, la rencontre avec l'enfant ou la famille, c'est vraiment, quand je dis sincérité, c'est aussi le moment présent. On n'est pas en train de projeter demain, après demain. On se rencontre, il se passe quelque chose, on a envie de rire ensemble ou de trouver quelque chose de beau. On a envie de vous chanter une belle chanson. Parce que des fois, les parents sont surpris. Par rapport à un ado, par exemple, non, c'est pas...

  • Speaker #0

    Oui, un ado ne va pas y penser.

  • Speaker #1

    Et en fait, on va chanter une chanson et il se passe quelque chose et il y a une émotion. Et moi, je dirais que...

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que vous avez répondu à la question. Je pense que c'est vraiment le... Contrairement à un adulte, l'enfant ne se projette moins à ce qu'on devrait faire. C'est le fameux carpe diem dont on parle tous, mais on n'a pas l'appliqué. C'est vraiment essayer de vivre l'instant. sans se demander demain ce qui se passera, ce qui est une tâche ardue, mais que les enfants, justement, réalisent un peu mieux que les adultes.

  • Speaker #1

    Et justement, s'ils ont une annonce difficile, ils vont pouvoir aussi peut-être se défouler sur nous, en fait. Il y a aussi, ça, c'est les enfants qui ont beaucoup de soins, on ne leur demande pas s'ils peuvent avoir la piqûre ou la prise de sang. Et ils peuvent pas trop... Bon, ils se mettent en colère, mais... Bon, ils sont quand même obligés d'avoir le soin. Donc l'infirmier ou la soignante, à un moment donné, va faire le soin. Et nous, en fait, on arrive sur des instants où, s'il est très en colère, il peut être en colère contre nous, il peut devenir notre chef. Il y a des enfants qui sont très chefs avec nous, qui vont nous dire de quoi faire, non, tu fais pas ça, non, qui nous grondent. C'est... Ça leur fait un bien fou aussi.

  • Speaker #0

    Oui, vous savez vous dire que ce n'est que de la colère et mettre de la distance et tenter toujours d'être dans ce rôle d'essayer de faire oublier ce qui est difficile.

  • Speaker #1

    Et en tout cas, moi je pense que c'est surtout l'instant présent. On arrive, il se passe quoi à ce moment-là ? Et l'enfant, il peut être devant son jeu vidéo, il peut être... triste, mal et tout, mais en même temps ou avoir trop plein d'énergie et nous on joue avec ça et quand on disait l'entourage et tout, j'ai des copines qui me disent ça va, t'as passé une bonne journée ou qu'est-ce que tu fais demain ? Demain je vais jouer, elles disent toi tu vas au travail et tu dis je vais jouer tout ce rôle bien particulier j'ai une question ...

  • Speaker #0

    Alors là, c'est plus mon cœur de maman qui parle, parce que je pense qu'en tant qu'auditeur, je me le demanderais, c'est quoi la situation aujourd'hui de la pédiatrie ? En tous les cas, on parle du CHU d'Arène, il y a beaucoup de cas d'enfants très malades ou est-ce que c'est quand même majoritairement des hospitalisations ambulatoires liées à un panicite ou ce genre de choses ? Beaucoup de soins palliatifs ou pas tellement ? C'est une question qui me traverse sur les enfants malades, en fait, est-ce qu'il y en a beaucoup ? Est-ce que vous trouvez qu'il y en a beaucoup, en tout cas pour des pathologies graves, ou c'est plus des maladies qui se guérissent très bien ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne me rends pas trop compte.

  • Speaker #0

    Vous ne vous en avez pas trop compte.

  • Speaker #1

    Parce que ça dépend vraiment des services. Et puis vous,

  • Speaker #0

    on ne vous dit pas tout non plus.

  • Speaker #1

    On a les transmissions, mais... Ça dépend vraiment. Évidemment, c'est très spécialisé. Si on va en chirurgie, évidemment qu'il y a des appendicites, évidemment qu'il y a des fractures de pieds, de bras, parce que c'est le service où ils vont être soignés. Après, en oncohématose, moi, je ne me rends vraiment pas compte qu'il y a plus de malades aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

  • Speaker #0

    Moi, au tout début, quand j'avais entendu parler du clou de médecin, je pensais, mais c'est partie justement des idées reçues, que vous interveniez vraiment... Mais parce que je pense que quand je regardais les reportages il y a quelques années, on voyait des enfants chauds, on voyait vraiment que les cas étaient graves. Et en fait, c'est très récemment que j'ai découvert que non, même un enfant qui vient pour être plâtré, il mérite aussi... Enfin, il peut avoir aussi l'attention d'un clown, parce que ça reste un moment d'angoisse pour lui. Oui, tout à fait. On ne catégorise pas les pathologies.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, c'est vrai qu'on va être sur... Une seule rencontre. L'enfant viendra juste trois jours. Donc, si les clowns passent, c'est une rencontre. Et puis, dans d'autres services, s'ils sont hospitalisés plus longtemps, ça va être plusieurs rencontres. Et voilà. Comme je disais, on peut construire une petite histoire avec des enfants. Et ça, c'est... Mais à chaque fois qu'on y va, ça va être une nouvelle improvisation, une nouvelle histoire aussi. Et ça, ça dépend vraiment des services. Après, je ne suis pas spécialiste de toutes les maladies des enfants.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    je ne me rends pas trop compte. Alors après, on voit bien les périodes bronchiolites. Chez les bébés, il va y avoir des périodes où il y aura beaucoup de bronchiolites. Puis l'été, ça va être autre chose. Ça, ce n'est pas...

  • Speaker #0

    Quel message d'ailleurs vous auriez à dire aux soignants ? Parce que vous me disiez tout à l'heure qu'eux, ils y sont confrontés au quotidien. Est-ce que vous les trouvez... Épatant, quel regard vous posez sur eux dans votre rôle en tant que clown ou même en tant que Claire par rapport à leur travail ?

  • Speaker #1

    Moi je suis épatée.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut savoir dire, moi c'est un peu l'objet aussi de ma ligne éditoriale, de mettre en avant les gens épatants. Parce qu'il y en a, il y en a plein et ce n'est pas ceux qui se mettent le plus en avant. On les a beaucoup félicitées au moment du Covid, mais en fait, c'est un métier vraiment particulièrement difficile.

  • Speaker #1

    Difficile et pas tous les jours la même chose. Et puis, des départs, des arrivées d'enfants, de familles. Je vois chez les enfants, c'est... Ça bouleverse aussi une famille, même si on va que trois jours parce que le petit a une infection urinaire, mais avant on trouve pourquoi il a de la fièvre. Tout ça, c'est une arrivée aussi à l'hôpital qui bouleverse une famille. Donc, leur accueil, leur professionnalisme.

  • Speaker #0

    Surtout, vous parlez des familles. Moi, la seule expérience que j'ai, je ne souhaite pas en avoir d'autres, mais c'est justement, j'avais eu mon enfant hospitalisé pour la bronchiolite. Et ce qu'on peut comprendre, le soignant, sa priorité, c'est l'enfant. Donc en fait, en tant que parent, on est un peu perdu parfois. On se sent un peu balancé à l'écart. Vous, vous ne pouvez pas dormir, vous vous dormez, on va vous installer là. Parfois, nous, on sait bien que c'est l'enfant la priorité. Mais je pense que ce n'est pas parce qu'on est des adultes qu'il faut nous laisser de côté. Donc je trouve aussi que... Dans votre rôle, c'est pour ça que je le vois un peu comme multiple, surtout depuis que je prépare cette interview, c'est que finalement, oui, vous allez vers les enfants, mais il y a tout un impact quand même sur l'équipe médicale, les proches, les parents. Savoir aussi qu'il y a une association qui œuvre pour donner de la joie, je pense que ça donne du bon au cœur.

  • Speaker #1

    Oui, puis c'est vrai, on joue avec tout le monde, on joue avec les parents aussi.

  • Speaker #0

    Tout n'est pas faux.

  • Speaker #1

    Il est vrai que dans une chambre, on va un peu scanner. parfois il y a deux familles dans une même chambre donc tic tic tic tic tic des âges différents 4 ans avec un ado de 14 ans donc on va adapter le jeu et on a vraiment, on scanne bien la chambre et c'est souvent aussi touchant bah oui quand je viens chez les bébés on dit oh là là vous venez chez les bébés bah oui chez les bébés on va chanter On va chanter, on va babiller, on va écouter le bébé, on va le regarder. Et là aussi, il y a quelque chose qui se passe aussi avec...

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que c'est une mission incroyable. Qu'est-ce que vous auriez à dire d'ailleurs ? Parce que depuis que j'ai appris qu'il y avait une vraie formation, il n'y a pas forcément besoin d'être comédien pour le faire. Qu'est-ce que vous auriez à dire à quelqu'un qui hésite, qui se dit « j'aurais pas les compétences, pourtant j'adorerais » . Qu'est-ce que vous auriez à dire à la personne ? qui hésiteraient à se lancer ?

  • Speaker #1

    Alors, moi, la formation que j'ai faite, c'est vraiment, il faut être comédien.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Il faut être comédien, comédien-clown, avoir déjà son personnage. Il y a d'autres formations, peut-être, où c'est plutôt pour être art-thérapeute, je ne sais pas, je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Ou tout simplement, en fait, on peut tout simplement soutenir l'association sans être clown.

  • Speaker #1

    Ah oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport aux dons, je ne sais pas s'il y a d'autres formes aussi au-delà du don, d'autres formes pour aider le rire médecin ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a des comités bénévoles. Comités bénévoles ? Par ville, en fait, il y a un comité bénévole qui va, si on est sollicité par une école qui aimerait faire une course solidaire ou une vente de fleurs, ou des lycées qui sont intéressés pour entendre parler du métier. Il y a un comité bénévole à Rennes qui va rencontrer les personnes qui sont intéressées, qui font des actions pour récolter de l'argent et parler aussi de notre association.

  • Speaker #0

    Oui, puis comme vous le disiez, vous avez des entreprises mécènes. J'ai le souvenir aussi que pour la route de Rome, j'avais cru voir un jour un voilier porter les couleurs.

  • Speaker #1

    Alors voilà, on a Luc Berry qui est notre skipper, qui a un bateau là, oui, qui vit.

  • Speaker #0

    C'est une belle reconnaissance et je sais qu'au marché de Noël de Saint-Malo, il y avait tout un stand cette année Rire Médecin et j'ai trouvé ça très sympa.

  • Speaker #1

    Chapeau aussi à tous les bénévoles qui s'investissent sur des week-ends, sur des soirées pour aller parler de notre travail.

  • Speaker #0

    Des personnes épatantes.

  • Speaker #1

    Aussi, et qui nous soutiennent et qu'on aime bien rencontrer aussi.

  • Speaker #0

    Parce qu'une association, il ne faut pas oublier que c'est souvent tout un réseau et qu'il faut travailler continuellement.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Surtout quand elle le vit exclusivement, mais comme toutes les associations de cloude, de dons.

  • Speaker #1

    Oui, ou de partenariats avec des entreprises, ça se fait beaucoup aussi dans les Sénats.

  • Speaker #0

    En tout cas, je voulais vous dire que vous êtes passée à l'émission parce que je juge que vous êtes une personne épatante. de votre rôle. Merci beaucoup, en tous les cas, d'avoir répondu à mes questions. Je vous souhaite encore beaucoup d'avenir dans ce rôle de clown médecin. J'espère que vous avez apprécié l'interview.

  • Speaker #1

    Oui, merci beaucoup. C'était très agréable. Après, c'est poser des questions qu'on ne se pose pas tous les jours. C'était intéressant.

  • Speaker #0

    D'entendre la voix du clown. Je ne sais pas si peut-être qu'on pourra montrer une photo sur Instagram. Vous me direz si vous pouvez m'en partager une. Merci encore Claire, bravo à tous les clowns, bravo aux rires médecins, bravo bien entendu aux soignants. Bonne continuation. Merci.

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