undefined cover
undefined cover
#114 : La dominance sexuelle mise à mal cover
#114 : La dominance sexuelle mise à mal cover
A l'UM la science

#114 : La dominance sexuelle mise à mal

#114 : La dominance sexuelle mise à mal

31min |18/12/2025
Play
undefined cover
undefined cover
#114 : La dominance sexuelle mise à mal cover
#114 : La dominance sexuelle mise à mal cover
A l'UM la science

#114 : La dominance sexuelle mise à mal

#114 : La dominance sexuelle mise à mal

31min |18/12/2025
Play

Description

La dominance sexuelle mise à mal

Cette semaine dans A l’UM la science Elise Huchard de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (Isem) nous parle de dominance sexuelle chez les primates. Le reportage nous emmène sur le plateau de palynologie de l’Isem en compagnie de Sylvie Rouland.


Une émission diffusée tous les mercredis sur la radio Divergence.

A l’UM la science vous avez le programme, c’est parti !


____________

📚 Retrouvez l'article sur le site :

🎙️ Tous les A L'UM LA SCIENCE : https://www.umontpellier.fr/articles/tag/a-lum-la-science


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Allume la science de l'espace. ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #2

    Bonjour et bienvenue à tous et toutes dans Allume la science, l'émission qui vous branche chaque semaine sur l'actualité des laboratoires de l'université de Montpellier et de ses partenaires. C'est un fait qui a longtemps été frappé du saut de l'évidence. Qu'il s'agisse de grammaire ou de société, le masculin l'emporte sur le féminin, c'est ainsi. Et quel meilleur moyen d'asseoir une domination que de l'inscrire comme une donnée biologique ? Ainsi, chez les animaux, le mâle dominerait systématiquement la femelle. Alors quelques contre-exemples pouvaient être cités par-ci par-là pour... paraît cet argument d'autorité tel que le matriarcat des éléphants, le dysmorphisme des hyènes, ou pire, l'appétit vorace des menthes religieuses. Mais ces exceptions ne servaient qu'à confirmer la règle. La domination masculine est une règle de la nature. Sauf que, en y regardant de plus près, cette domination masculine est loin d'être systématique et chez nombre d'espèces de primates, les dames ne s'en laissent pas compter. Alors existe-t-il des structures sociales, des modes de vie, des données biologiques même, qui favorisent la domination ou plutôt la domination ? plutôt la dominance, on y reviendra, d'un sexe sur l'autre. Le rapport de dominance est-il obligatoire et quels sont les chemins évolutifs qui peuvent amener une espèce à pratiquer un type de dominance plutôt qu'un autre ? C'est à ces questions qu'une équipe de chercheurs franco-allemands a tenté de répondre en compilant les études existantes sur le sujet. Notre invité fait partie de cette équipe. Ils ont publié dans la revue PNAS cette méta-analyse sur les variations de la domination mâle-femelle. On vous décrit tout ça en détail et on verra qu'au final, les femelles sont des mâles comme les autres. Avec nous dans le studio, Élise Huchard. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #2

    Alors vous êtes chercheuse à l'ISEM, l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, et donc vous avez participé à cette étude.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #2

    Et bienvenue dans Allume la science !

  • Speaker #1

    Merci de me recevoir.

  • Speaker #2

    En deuxième partie d'émission, nous restons à l'ISEM et c'est Sylvie Roulan qui nous présente le plateau de palynologie, allergique, s'abstenir. Allume la science, vous avez le programme, c'est parti !

  • Speaker #3

    Chargement de l'engin terminé. Nous sommes à 0,60 secondes. 59, 58, 57, 56, 55...

  • Speaker #2

    Alors Élise Duchar, dans cette étude, on va parler de domination, de pouvoir, de leadership ou encore de hiérarchie intersexuelle. Tous ces termes font l'objet d'un glossaire dans votre étude. D'ailleurs, je l'ai dit en introduction, c'est plutôt dominance que domination. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi c'est important, dès le début, de se mettre d'accord sur la définition des termes et quelle est la différence entre domination et dominance ?

  • Speaker #1

    C'est important de se mettre d'accord sur les termes pour être sûr qu'on parle de la même chose, parce que sinon c'est une raison facile pour ne pas être d'accord, ne pas se comprendre. Donc c'est en général une des premières bases d'une étude scientifique, et on s'intéresse là vraiment à des phénomènes comportementaux complexes. Quand on parle de pouvoir, il faut clarifier quel aspect du pouvoir. C'est un concept multidimensionnel qui est utilisé par plusieurs disciplines. Donc c'est pour ça qu'on a essayé de clarifier les choses autant que possible. Je pense qu'en éthologie, on utilise plutôt le terme de dominance, on s'intéresse plutôt à des comportements. Donc qui est dominant sur qui, à des relations souvent diadiques. Je pense que le phénomène de domination, il est peut-être plus utilisé par les sociologues pour décrire un phénomène social.

  • Speaker #4

    Alors votre publication, elle s'appuie sur 253 études qui portent sur 121 espèces de primates. Concrètement, qu'est-ce que vous avez observé ou qui a été observé dans les autres études dans le comportement des primates qui vous fait dire que c'est l'un ou l'autre qui domine ?

  • Speaker #1

    Dans cette étude, on a essayé d'être aussi rigoureux et quantitatif et objectif que possible. Donc ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est intéressé, on a utilisé que les données de la littérature. On a sélectionné les études pour lesquelles les auteurs ou les chercheurs avaient observé un certain nombre d'interactions agonistiques entre les primates et avaient quantifié le pourcentage d'interactions agonistiques gagnées soit par les femelles, soit par les mâles. par interaction agonistique, c'est soit des interactions agonistes, agressives, donc il y a vraiment de l'agression, un conflit, une dispute, soit des rituels qui sont très marqueurs du statut social. Donc, par exemple, chez les babouins chacma que j'étudie, et c'est très fréquent chez beaucoup d'espèces, quand un individu dominant s'avance, un individu subordonné va s'effacer, va le laisser passer. Sur son passage, ce n'est absolument pas une agression, c'est tout à fait paisible, c'est une règle de politesse en fait dans ces sociétés-là, mais qui marque, qui est un très bon indicateur des relations de dominance entre les individus.

  • Speaker #2

    La première observation donc, c'est que 47% des conflits documentés sont des conflits... Intersexe, alors dans l'article du Monde qui a repris votre étude, il parle de guerre des sexes. Est-ce que c'est une constante la guerre des sexes ?

  • Speaker #1

    La guerre des sexes en biologie évolutive, on utilise surtout ce terme pour parler, enfin faire référence à ce qu'on appelle le conflit sexuel, qui est un conflit d'intérêts évolutifs entre les mâles et les femelles. C'est une grande théorie qui dit que les mâles n'ont pas forcément les mêmes intérêts évolutifs que les femelles et que du coup il va y avoir un certain nombre de cas où... Ça va se traduire par notamment des conflits souvent, parfois comportementaux, comme dans les cas liés à la violence sexuelle par exemple.

  • Speaker #2

    Ça laisse quand même, s'il y a 47%, ça laisse 53% des cas où ce ne sont pas des conflits intersexes.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, nous ce qu'on cherchait surtout à quantifier, à comprendre quand on a quantifié le pourcentage de conflits qui se passaient entre les sexes plutôt que dans les sexes, c'est lié au fait que pendant très longtemps, on considérait en éthologie que les conflits c'était en général quelque chose d'intrasexuel, lié à la compétition. Et qu'en gros, en général, les femelles étaient en compétition avec les femelles, souvent pour l'accès aux ressources énergétiques, aux ressources qui étaient importantes pour élever leurs petits. Alors que les mâles, eux, étaient plutôt en compétition entre eux pour accéder aux femelles, qui est un peu le facteur limitant de leur reproduction. Et que finalement, entre les mâles et les femelles, il n'y avait pas forcément tant d'agressions que ça. Ils avaient moins tendance à entrer en compétition. Parce que moi, pour avoir beaucoup étudié les relations de coercition sexuelle, notamment, j'étais très sceptique là-dessus. Et donc, on a cherché à le quantifier parce qu'on a eu du mal à trouver ces éléments quantifiés dans d'autres études. Donc, on s'est dit que c'est le moment de faire le point et d'essayer de regarder. Et on s'est rendu compte qu'effectivement, les conflits entre les mâles et les femelles étaient quand même très importants et représentaient au final plus que les conflits entre les mâles d'un côté ou les conflits entre les femelles d'un autre côté.

  • Speaker #4

    Alors justement, sur ces conflits, on l'a dit en introduction, on a longtemps considéré comme une évidence biologique qu'il y aurait une dominance des mâles sur les femelles. Mais votre étude, elle montre que chez les primates, les mâles dominent strictement dans 17% des cas et les femelles dans 13%. Pour le reste, vous parlez de biais sexuels modérés. Qu'est-ce que ça recouvre, ça ?

  • Speaker #1

    Ça recouvre la dominance stricte. Ce qu'on a défini comme ça, c'est les cas où, si les mâles sont strictement dominants sur les femelles, ça voudrait dire que les mâles gagnent plus de 90% des interactions agonistiques entre mâles et femelles. Donc quasiment tous les conflits. et puis de façon symétrique quand les femelles sont strictement dominantes elles gagnent tous les conflits sur les mâles et donc la catégorie médiane elle regroupe tout le reste, tous les autres cas donc il peut y avoir des cas où il y a un biais quand même assez marqué soit en faveur d'un sexe, soit en faveur de l'autre mais où un mâle peut routinement gagner un conflit sur une femelle et inversement, et souvent dans cette catégorie médiane en fait, il y a plus de flexibilité dans les relations de dominance et si on prend Deux groupes sociaux différents, on pourra trouver un pourcentage de dominance des femelles qui diffère passablement. Par exemple, je pense que les bonobos, dans certains groupes, les femelles vont gagner 40% des conflits, dans d'autres 70%. De façon générale, c'est plutôt les femelles qui gagnent les conflits chez les bonobos. Mais on a déjà documenté un mâle alpha dans un groupe de bonobos, pour illustrer un peu cette flexibilité-là. Alors que c'est généralement, largement plutôt des femelles qui sont alpha chez les bonobos.

  • Speaker #2

    Alors, dans votre étude, vous essayez de dégager, bien sûr, des facteurs qui puissent expliquer la dominance d'un sexe sur l'autre. Alors, le premier constat, c'est que les femelles dominent davantage chez les espèces où elles disposent d'un plus grand contrôle sur la reproduction et celle où la compétition entre elles, donc entre les femelles, est plus importante. Alors d'abord, le contrôle de la reproduction, comment ça se manifeste ? C'est quoi exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, pour le mettre en termes très simples, c'est quel sexe a la capacité de décider... si un accouplement a lieu, donc en d'autres termes, avec qui il ou elle peut s'accoupler et quand. Donc il y a des espèces où les femelles ont la capacité, par exemple, de refuser un accouplement sollicité par un mâle. Il y a aussi des espèces où c'est beaucoup plus difficile pour les femelles de refuser ces accouplements, parce que, notamment, les mâles utilisent beaucoup de la coercition sexuelle. Donc quand elles ont la capacité de refuser un accouplement, elles sont dans la position de décider est-ce qu'il a lieu ou pas, et donc on dit que le contrôle reproductif est plutôt biaisé vers les femelles. Quand ce n'est pas du tout le cas, par contre, il est plutôt biaisé vers les mâles.

  • Speaker #2

    Sur la question de la compétition entre elles, on pourrait imaginer que si elles sont en compétition, c'est divisé pour venir régner. En fait, non. Elles vont être plus facilement dominantes là où elles sont en compétition entre elles.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, en général, dans les espèces animales, le mâle est plutôt le sexe compétitif, notamment parce que Ils sont souvent en compétition entre eux pour l'accès aux femelles fertiles et les femelles fertiles souvent c'est vraiment le facteur qui... qui est limitant dans l'accès à la reproduction des mâles. Et donc, souvent, on a cette idée, je pense que c'est quelque chose de très très connu, les mâles vont être mieux armés, vont être plus gros, vont batailler entre eux pour l'accès à la reproduction. Mais ça, c'est vrai dans beaucoup d'espèces, mais ça ne l'est pas systématiquement. Et il y a des espèces où c'est beaucoup plus symétrique, en fait, et où il y a aussi beaucoup de compétition entre les femelles, et où il y a... autant de compétition entre les femelles qu'entre les mâles, notamment dans certaines espèces monogames. Par exemple, moi j'ai étudié les suricates du Kalahari, et chez les suricates, les batailles entre femelles sont souvent plus violentes que les batailles entre les mâles. Et donc, les mâles et les femelles font la même taille, les femelles ont des canines tout aussi imposantes que celles des mâles, et du coup, elles n'ont pas de mâles à s'imposer. par rapport au mâle dans un conflit physique entre un mâle et une femelle. Donc on comprend bien que dans ces espèces où la compétition est également très forte entre les femelles, elles sont bien équipées pour la compétition, elles ont été sélectionnées pour être compétitives et ça leur permet de s'imposer plus facilement par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Alors vous observez également que cette prévalence de la dominance féminine, elle s'observe davantage chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Est-ce qu'on sait expliquer pourquoi ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que c'est essentiellement lié au contrôle reproductif. C'est plus facile pour les femelles d'avoir du contrôle sur les accouplements dans les espèces arboricoles. C'est un environnement 3D où on peut plus facilement échapper à la surveillance des mâles, se soustraire aux tentatives de monopolisation sexuelle de la part des mâles. On peut plus facilement aller s'accoupler discrètement dans un environnement forestier. Donc tout ça, c'est des facteurs qui donnent plus de... Contre le reproductif aux femelles. Et par ailleurs, en général, dans les environnements arboricoles, la compétition entre les mâles, elle va changer un petit peu les cibles, les traits sélectionnés. C'est-à-dire que pour être très compétitif dans la compétition mâle-mâle dans les arbres, il vaut mieux être agile. qu'être gros, parce que souvent, être gros et fort, c'est plutôt un handicap pour se déplacer très rapidement, etc. C'est des courses poursuites dans les arbres. Et donc, on a le dimorphisme sexuel, la différence de taille entre les mâles et les femelles est souvent moins importante chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Et ça, c'est un autre facteur qui va favoriser la dominance des femelles.

  • Speaker #2

    Alors, la domination des femelles, elle est également plus fréquente chez les espèces où les femelles sont philopatriques. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Le fait d'être philopatrique, c'est pour les éthologues la même chose que le fait d'être une société matrilocale pour les anthropologues. C'est une société où les femelles vont rester toute leur vie dans le groupe social où elles sont nées, alors que les mâles, en général, quand ils arrivent à puberté, vont disperser, quitter leur groupe social et rejoindre un autre groupe social où ils vont faire leur carrière reproductive. et donc il y a tous les cas de figure chez les mammifères, y compris chez les primates, des espèces où les femelles sont philopatriques, d'autres où c'est les mâles qui sont philopatriques. Et en fait, nous, ce qu'on pensait, c'est que là où les femelles philopatriques, elles maintiennent des liens sociaux très forts toute leur vie avec leurs apparentés, et que ça leur faciliterait le fait de faire des coalitions entre femelles, contre les mâles, quoi. L'union fait la force. Et donc, de gagner, de s'imposer numériquement, au moins, par rapport aux mâles. Et en fait, donc, c'est... effectivement dans les sociétés philopatriques il y a plus de dominance des femelles donc ça ça va dans ce sens là mais par contre on a aussi testé un autre facteur par rapport à cette hypothèse qui est la capacité des femelles à former des coalitions femelles-femelles c'est pas le cas dans toutes les espèces il y a aussi des espèces où on n'observe jamais de coalition femelle-femelle or il n'y a pas d'effet significatif sur la dominance donc ça étaye pas vraiment notre hypothèse selon laquelle l'union fait la force je pense qu'il faudra plus de recherches pour mieux comprendre ce qui se passe Merci. Et c'est possiblement lié au fait, cet effet de la philopatrie peut refléter le fait que dans les espèces où les mâles sont très dominants, souvent ils vont vraiment influencer les patrons de dispersion des femelles, ils vont un peu disperser les femelles, notamment pour les inclure par exemple dans leur groupe social, dans leur poule de femelles. Et donc en fait ça reflète plutôt une relation entre la dominance des mâles et la dispersion des femelles qu'une relation entre la dominance des femelles et la philopatrie des femelles.

  • Speaker #4

    On a parlé de critères physiques tout à l'heure. Vous avez dit qu'il y avait quand même des espèces où les femelles étaient aussi fortes physiquement que les mâles. Est-ce qu'il y en a où c'est les femelles qui sont plus fortes, plus dominantes physiquement en termes de poids et de dentition que les mâles ?

  • Speaker #1

    Alors c'est très rare chez les mammifères et particulièrement chez les primates. En général, quand il y a un sexe qui est plus gros et mieux armé que l'autre, c'est les mâles. Il y a beaucoup de cas où les femelles sont toutes aussi armées et toutes aussi grosses que les femelles. C'est par contre beaucoup plus rare qu'elles soient plus grosses que les mâles. Ça existe et là je n'ai pas immédiatement une espèce à vous citer. Mais quand ça existe, c'est très discret en fait. L'avantage en faveur des femelles est très discret et c'est peu probable qu'ils donnent vraiment un avantage physique. dans les conflits.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, ce que j'ai dit en introduction, la hyène, finalement, elle n'est pas si grosse que ça.

  • Speaker #1

    Les hyènes, c'est 1 à 2 % de différence de masse corporelle, donc ça ne fait pas du tout forcément la différence au niveau des conflits, il faut plus que ça. Et d'ailleurs, ce qui prolonge ce propos-là, c'est que tant que les différences de taille entre mâles et femelles sont modérées, En fait, n'importe quel sexe peut gagner sur l'autre. Et typiquement, chez les bonobos, les mâles sont un peu plus gros que les femelles, quand même significativement plus gros que les femelles. Ça ne doit pas être très différent de la différence de taille entre les humains hommes et les femmes. Et malgré ça, c'est les femelles qui sont dominantes sur les mâles. Par contre, dans les espèces où le dimorphisme sexuel devient très très marqué, Comme chez, par exemple, les babouins que j'étudie, les babouins chacmal, les mâles sont deux fois plus gros, plus lourds que les femelles. Ou chez les mandrilles, les mâles sont trois fois plus lourds que les femelles. Là, c'est toujours les mâles qui dominent dans ces cas extrêmes.

  • Speaker #2

    Alors, vous vous êtes également intéressée à l'hypothèse d'auto-organisation, c'est-à-dire l'équilibre entre les mâles et les femelles au sein d'un groupe. Est-ce qu'il y a plus de mâles ? Est-ce qu'il y a plus de femelles ? Comment donc ce sexe ratio, il influence le rapport de domination ?

  • Speaker #1

    Oui, on sait que dans les facteurs qui expliquent... La flexibilité des rapports de dominance entre mâles et femelles au sein d'une espèce. Donc voilà ce que vous avez dit, le fait que dans un groupe, il y ait un pourcentage de femelles dominantes plus important que dans un autre groupe. C'est en partie lié à cet effet du sexe ratio. On n'est pas sûr de comprendre complètement bien la relation encore. Il y a plusieurs hypothèses interprétatives et en fait, c'est pas forcément... Ça ne marche pas forcément pareil dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif et dans les espèces où les mâles ont le contrôle reproductif. Mais on pense que par exemple, dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif, quand il y a plus de mâles, en général elles sont plus dominantes, et probablement parce que le contrôle reproductif ça leur donne un levier de pouvoir sur les mâles, le fait de contrôler l'accès à la reproduction, ça encourage les mâles à être coopératifs pour pouvoir s'accoupler, et du coup quand les femelles sont plus rares... Elles sont, en gros, négociées, exactement. C'est un peu régi par la loi des marchés. C'est d'ailleurs le terme employé, trade markets, par les biologistes pour décrire ce phénomène.

  • Speaker #4

    Alors la relation mère-enfant, elle impacte aussi la dominance entre les mâles et les femelles, avec une plus grande dominance des mâles quand le développement des petits est plus lent, alors qu'une lactation pousse favorise une dominance des femelles. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pour quelles raisons ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que, enfin, notre hypothèse inquiète. qui est aussi inspiré par la littérature anthropologique, mais c'est qu'avoir des longues périodes de dépendance des petits, c'est plutôt un handicap pour les femelles, parce que les femelles qui sont accompagnées d'un bébé dépendant, qui est très vulnérable, elles vont hésiter à s'engager dans des conflits physiques par rapport à des mâles. On sait qu'il y a régulièrement la mortalité des blessures qui sont causées aux petits au cours de conflits qui risquent d'escalader physiquement. et perdre un conflit c'est beaucoup moins grave pour une femelle que perdre un bébé et donc on pense que pendant toutes ces périodes où elles ont un petit dépendant elles vont plutôt fuir les conflits et que ça ne va pas les avantager pour s'imposer par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Et parmi toutes les autres variables qui ont été étudiées, il y a aussi les variables climatiques ou la disponibilité des ressources alimentaires. Est-ce que ça aura un impact sur l'évolution de la dominance entre les mâles et les femelles ? Vous avez pu l'observer ça ?

  • Speaker #1

    Alors, on a testé l'effet de certaines variables climatiques. On n'a pas trouvé des effets. Alors, on a trouvé des effets, mais qui n'étaient pas très facilement interprétables parce que certains allaient dans un sens, d'autres allaient dans un autre. Et donc, il n'y a pas des effets directs très simples, en fait. Et ce n'était pas une grosse surprise parce qu'en général, quand on cherche à comprendre comment les variables climatiques ou écologiques influencent les systèmes sociaux, souvent, ce n'est pas des effets directs et simples. Et donc là, ce qui se passe, c'est que les variables de saisonnalité, par exemple, dans les environnements très saisonniers, ça va... déterminer les patrons de reproduction saisonnière des femelles. Est-ce que la saison de reproduction, la saison où les femelles sont fertiles est longue ou non ? Et plus cette saison est courte, plus ça va avantager la dominance des femelles. Ça leur donne plus de contrôle sur la reproduction. Il y a moins de périodes où elles sont vulnérables par rapport à la coercition des mâles. Donc, on pense que c'est plutôt lié. Le climat va influencer, façonner les stratégies de reproduction des femelles et les stratégies d'histoire de vie qui vont elles-mêmes façonner Merci. les relations sociales.

  • Speaker #2

    Les auditeurs vivent avec nous les travaux qui bougent devant la radio. Pour terminer, on l'a dit en introduction, il y a quand même eu ce mythe de la domination masculine dans le règne animal qui s'est imposé pendant très longtemps. Est-ce que finalement, ce n'est pas une projection des observateurs qui ont souvent été des hommes, des mâles aussi, une projection du patriarcat humain sur les animaux ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une question qui m'est souvent posée et à juste titre en fait, parce que c'est l'exemple des primatologues. Il a été très utilisé par les philosophes féministes et des études de genre dans les années 80, notamment par Donna Araouet, qui est une très très grande philosophe, très inspirante, qui a développé cette théorie des savoirs situés qui montrait que... Un scientifique, pour être scientifique, il n'en est pas moins un humain qui est façonné par les stéréotypes de la société dans laquelle il vit. Et que ça va souvent influencer la science qu'il fait. Et que la science n'est pas toujours aussi objective qu'elle voudrait bien le prétendre. Et elle a utilisé l'exemple des primatologues en montrant que du temps où la primatologie était encore très masculine, dans les années 60-70, ils se sont beaucoup intéressés vraiment au rapport de dominance entre mâles au conflit physique entre mâles etc sans beaucoup regarder ce qui se passait chez les femelles les mâles occupaient toute la place et ils semblaient très dominants et les seuls dans la... et quand la primatologie s'est féminisée ça a vraiment beaucoup changé déjà les questions qui étaient étudiées on s'est beaucoup plus intéressé aux femelles, aux relations mère-enfant aux stratégies des femelles, ça a beaucoup diversifié les questions mais aussi on s'est rendu compte que Les mâles n'étaient pas si dominants, comme cette étude le montre, que ce qu'on pensait, et que les enjeux de pouvoir n'étaient pas toujours dominés par les mâles, etc. Donc ça a vraiment changé la façon dont on a regardé les sociétés primates. Donc ça lui a plutôt donné raison. Après, il faut nuancer par le fait que, bien sûr, la primatologie a connu tout un essor, une effervescence. Les primatologues ont été documentés d'autres espèces, dans d'autres milieux, dans d'autres écologies. Et donc c'est aussi ça qui a contribué à diversifier notre image des sociétés primates. Voilà.

  • Speaker #2

    Je vais vous faire réagir à une citation de François Zéritier, l'anthropologue François Zéritier, grande spécialiste de la domination masculine. Dans l'ouvrage Masculin Féminin, elle écrivait « On nous parle d'une nature, d'une nature qui serait plus violente chez les hommes, qui serait fondamentalement dominatrice, et on nous parle aussi d'accès de bestialité. Dans tous les cas, on a tout faux. Ce n'est pas une nature, c'est une culture. C'est justement parce que les humains sont capables de penser qu'ils ont... érigé un système qui est un système de valance différentielle des sexes. Et cela s'est passé il y a fort longtemps. Alors est-ce qu'on peut en conclure qu'il existe des cultures animales ?

  • Speaker #1

    Oui, après sur cette citation de Florence Héritier, il y a beaucoup à dire. Déjà, on peut commencer par reprendre les résultats importants de cette étude qui montre que la dominance des mâles n'est pas du tout la norme chez les sociétés primates, comme on le pensait. Ce qui nuance vraiment cette idée de naturaliser la dominance masculine et la violence du côté des mâles. En fait, les sociétés non humaines, elles sont très diverses, c'est ce qu'on l'a dit, et pas forcément y compris des sociétés non humaines qui sont très proches phylogénétiquement des humains, comme celle des bonobos, où c'est les femelles qui sont le sexe dominant. Donc ça déjà, ça nous incite à vraiment beaucoup de... de prudence sur la naturalisation de la domination masculine. Pour l'instant, en tout cas, ce n'est pas du tout ce que disent nos résultats. Ça va plutôt dans le sens inverse. Et pour ce qui est des influences culturelles, c'est possible effectivement quand on regarde les sociétés, l'intensité, les formes que prennent la dominance masculine chez les primates non-humains et chez les humains. Il semblerait que ce soit peut-être plutôt pire chez les humains que chez les non-humains. Donc là aussi, ça nuance un peu cette idée-là. conforte un peu l'idée qu'il y a des facteurs culturels peut-être très importants pour comprendre le patriarcat chez les humains. Et enfin, effectivement, là on peut noter qu'on est vraiment au tout début de notre compréhension de l'importance des facteurs culturels chez les non-humains, mais que nous c'est une de nos pistes de recherche maintenant, on essaie vraiment de comprendre à quel point les facteurs culturels peuvent aussi façonner les sociétés des non-humains. Jusqu'à présent, on s'est intéressé à des comportements un peu isolés pour démontrer que c'est un peu que c'était possible qu'ils soient transmis culturellement, et pour démontrer que c'était possible que les animaux aient des comportements culturels, ça, ça y est, c'est admis complètement, c'est très bien établi scientifiquement. Donc maintenant, on est plutôt à essayer de comprendre vraiment l'importance des facteurs culturels sur à quel point ça peut façonner, par exemple, toute une structure sociale, tout un système de communication, comme ça peut peut-être être le cas chez... enfin, comme c'est clairement le cas dans les sociétés humaines. C'est encore trop tôt pour avoir des résultats tangibles là-dessus. C'est une énorme entreprise. Je pense qu'il y a tout un pan de l'éthologie en ce moment qui s'attache à ça.

  • Speaker #4

    Et on continuera de suivre vos travaux. Vous retournez bientôt sur le terrain ?

  • Speaker #1

    L'été prochain. Tous les étés.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup Élise Huchard.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #4

    Et on passe maintenant à notre séquence report. Pour ce deuxième reportage à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, nous partons sur le plateau de palynologie, qui comme son nom ne l'indique pas forcément, est l'étude des grains de pollen. Sylvie Roulant nous montre dans un premier temps comment on extrait les grains de pollen des sédiments pour ensuite les identifier au microscope. Et avec près de 30 000 taxons, la collection de référence de l'ISEM est l'une des plus importantes collections palynologiques au monde.

  • Speaker #5

    Bonjour, je m'appelle Sylvie Roulant et je travaille à l'ISEM. dans l'équipe DIP et je m'occupe de la salle de palynologie. Alors, c'est l'étude des grains de pollen. Voilà, donc l'étude des grains de pollen va vous permettre de reconstituer un petit peu en environnement par rapport à la végétation, au climat et à l'impact anthropique.

  • Speaker #4

    On entre dans une salle avec un sas et des blouses blanches. Qu'est-ce que c'est cette salle ?

  • Speaker #5

    C'est la salle où on fait les extractions des grains de pollen à partir des carottes sédimentaires. On s'équipe de blouses pour éviter de contaminer nos prélèvements.

  • Speaker #4

    Qu'est-ce que vous récupérez comme matériaux et comment vous procédez pour en extraire les grains de pollen ?

  • Speaker #5

    Je récupère quelques grammes de sédiments et ensuite je leur fais différents traitements chimiques, aussi en fonction de la nature du sédiment. On peut par exemple éliminer les carbonates, défloculer les sédiments, faire des tamisages. Le but étant de nettoyer au maximum ces sédiments sans détériorer les grains de pollen, mais qui sont quand même assez costauds et on peut utiliser des produits extrêmement dangereux. C'est pour ça qu'on travaille sous sorbonne. Donc ça nous préserve, nous. Et ça préserve aussi les échantillons d'une éventuelle contamination qui aurait pu se faire dans la pièce.

  • Speaker #4

    Et de là, vous les mettez donc sur une lame pour les passer dans la pièce où il y a les microscopes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Ensuite, on monte nos... ça s'appelle des culots, les échantillons qu'on a recueillis à la fin du traitement. On les monte sur des lames, entre lame et lamelle. Et ensuite, on passe dans la salle de microscopie pour les... Enfin, les identifier et les compter.

  • Speaker #4

    Combien ça mesure un grain de pollen, c'est tout petit ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est tout petit, c'est entre 10 et 50 microns. Voilà. Alors, sur votre lame, vous avez différents types de grains de pollen. Donc, la première chose, ça va être de commencer à prendre la reconnaissance des différents types de grains de pollen. Ils ont des caractéristiques spécifiques qui permettent de les identifier.

  • Speaker #4

    Vous avez ce poster là-bas où on va regarder.

  • Speaker #5

    Ce qui permet de les reconnaître, c'est la taille, la forme. Et vous voyez, vous avez des sillons, ce sont les traits que l'on peut voir, ou des pores, on va dire ces ouvertures. Certains ont des ballonnets, donc toutes ces caractéristiques vont permettre d'identifier un grain de pollen.

  • Speaker #4

    Et donc à partir du grain de pollen sous le microscope, vous arrivez à déterminer de quelle plante il s'agit ?

  • Speaker #5

    Alors la famille, le genre, mais au moins la famille, oui. Là par exemple, vous avez un atlas, comme on passe devant, où vous avez des photos. Donc l'atlas, c'est un peu comme une collection de références, mais au moins c'est plus facile à consulter. Ou vous avez des grains de pollen. qui sont pris en photo sous différents angles, avec les différentes caractéristiques. Et donc ça, c'est un outil de travail très important pour les chercheurs en palynologie.

  • Speaker #4

    Et alors justement, les boîtes dont vous m'avez parlé tout à l'heure, j'en vois beaucoup. Combien vous avez d'échantillons de grains de pollen ici à l'ISEM ?

  • Speaker #5

    Alors, dans ces boîtes, on a environ 50 000 lames.

  • Speaker #4

    Avec à chaque fois des variétés différentes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Oui, alors il y a des taxons qui peuvent se retrouver sur différentes lames, mais ils vont provenir d'origines géographiques différentes, donc ils ne vont pas forcément avoir tout à fait les mêmes caractéristiques physiques.

  • Speaker #4

    Là, c'est des pollens du monde entier ou il y a des régions en particulier ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est des pollens du monde entier et on a une jolie collection d'Asie et d'Afrique. Donc ça, ce sont des grains de pollen actuels. Et la collection, elle a débuté dans les années, en 1945, je crois. Et alors, cette collection, on a quelque chose qui est important aussi. On l'a transformée, oui, on peut dire ça, en base de données et qui est consultable par tout le monde. Donc l'avantage, c'est que quelqu'un qui travaille en Bretagne peut regarder s'il y a le taxon qu'elle cherche, des photos. Et si jamais il n'y a pas de photo, elle peut nous contacter, on peut lui en faire. C'est plus pratique qu'un petit voyage.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Aline. Allume la science, c'est déjà fini pour aujourd'hui. Un grand merci à Alice Rollet pour la réalisation de cette émission. On se retrouve la semaine prochaine. D'ici là, restez branchés.

  • Speaker #6

    Allume la science la science Une nombreuse manière d'essayer de... ...outiné l'homme.

  • Speaker #0

    Eh bien, imagine que toute forme de vie sur Terre meurt instantanément et que chaque molécule de ton corps explose à la vitesse de la lumière. Sort de relativisme absolu. Averso-bombelade de la charge des protons.

  • Speaker #4

    La Terre va entendre ces nœuds. Allume la science.

Description

La dominance sexuelle mise à mal

Cette semaine dans A l’UM la science Elise Huchard de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (Isem) nous parle de dominance sexuelle chez les primates. Le reportage nous emmène sur le plateau de palynologie de l’Isem en compagnie de Sylvie Rouland.


Une émission diffusée tous les mercredis sur la radio Divergence.

A l’UM la science vous avez le programme, c’est parti !


____________

📚 Retrouvez l'article sur le site :

🎙️ Tous les A L'UM LA SCIENCE : https://www.umontpellier.fr/articles/tag/a-lum-la-science


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Allume la science de l'espace. ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #2

    Bonjour et bienvenue à tous et toutes dans Allume la science, l'émission qui vous branche chaque semaine sur l'actualité des laboratoires de l'université de Montpellier et de ses partenaires. C'est un fait qui a longtemps été frappé du saut de l'évidence. Qu'il s'agisse de grammaire ou de société, le masculin l'emporte sur le féminin, c'est ainsi. Et quel meilleur moyen d'asseoir une domination que de l'inscrire comme une donnée biologique ? Ainsi, chez les animaux, le mâle dominerait systématiquement la femelle. Alors quelques contre-exemples pouvaient être cités par-ci par-là pour... paraît cet argument d'autorité tel que le matriarcat des éléphants, le dysmorphisme des hyènes, ou pire, l'appétit vorace des menthes religieuses. Mais ces exceptions ne servaient qu'à confirmer la règle. La domination masculine est une règle de la nature. Sauf que, en y regardant de plus près, cette domination masculine est loin d'être systématique et chez nombre d'espèces de primates, les dames ne s'en laissent pas compter. Alors existe-t-il des structures sociales, des modes de vie, des données biologiques même, qui favorisent la domination ou plutôt la domination ? plutôt la dominance, on y reviendra, d'un sexe sur l'autre. Le rapport de dominance est-il obligatoire et quels sont les chemins évolutifs qui peuvent amener une espèce à pratiquer un type de dominance plutôt qu'un autre ? C'est à ces questions qu'une équipe de chercheurs franco-allemands a tenté de répondre en compilant les études existantes sur le sujet. Notre invité fait partie de cette équipe. Ils ont publié dans la revue PNAS cette méta-analyse sur les variations de la domination mâle-femelle. On vous décrit tout ça en détail et on verra qu'au final, les femelles sont des mâles comme les autres. Avec nous dans le studio, Élise Huchard. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #2

    Alors vous êtes chercheuse à l'ISEM, l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, et donc vous avez participé à cette étude.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #2

    Et bienvenue dans Allume la science !

  • Speaker #1

    Merci de me recevoir.

  • Speaker #2

    En deuxième partie d'émission, nous restons à l'ISEM et c'est Sylvie Roulan qui nous présente le plateau de palynologie, allergique, s'abstenir. Allume la science, vous avez le programme, c'est parti !

  • Speaker #3

    Chargement de l'engin terminé. Nous sommes à 0,60 secondes. 59, 58, 57, 56, 55...

  • Speaker #2

    Alors Élise Duchar, dans cette étude, on va parler de domination, de pouvoir, de leadership ou encore de hiérarchie intersexuelle. Tous ces termes font l'objet d'un glossaire dans votre étude. D'ailleurs, je l'ai dit en introduction, c'est plutôt dominance que domination. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi c'est important, dès le début, de se mettre d'accord sur la définition des termes et quelle est la différence entre domination et dominance ?

  • Speaker #1

    C'est important de se mettre d'accord sur les termes pour être sûr qu'on parle de la même chose, parce que sinon c'est une raison facile pour ne pas être d'accord, ne pas se comprendre. Donc c'est en général une des premières bases d'une étude scientifique, et on s'intéresse là vraiment à des phénomènes comportementaux complexes. Quand on parle de pouvoir, il faut clarifier quel aspect du pouvoir. C'est un concept multidimensionnel qui est utilisé par plusieurs disciplines. Donc c'est pour ça qu'on a essayé de clarifier les choses autant que possible. Je pense qu'en éthologie, on utilise plutôt le terme de dominance, on s'intéresse plutôt à des comportements. Donc qui est dominant sur qui, à des relations souvent diadiques. Je pense que le phénomène de domination, il est peut-être plus utilisé par les sociologues pour décrire un phénomène social.

  • Speaker #4

    Alors votre publication, elle s'appuie sur 253 études qui portent sur 121 espèces de primates. Concrètement, qu'est-ce que vous avez observé ou qui a été observé dans les autres études dans le comportement des primates qui vous fait dire que c'est l'un ou l'autre qui domine ?

  • Speaker #1

    Dans cette étude, on a essayé d'être aussi rigoureux et quantitatif et objectif que possible. Donc ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est intéressé, on a utilisé que les données de la littérature. On a sélectionné les études pour lesquelles les auteurs ou les chercheurs avaient observé un certain nombre d'interactions agonistiques entre les primates et avaient quantifié le pourcentage d'interactions agonistiques gagnées soit par les femelles, soit par les mâles. par interaction agonistique, c'est soit des interactions agonistes, agressives, donc il y a vraiment de l'agression, un conflit, une dispute, soit des rituels qui sont très marqueurs du statut social. Donc, par exemple, chez les babouins chacma que j'étudie, et c'est très fréquent chez beaucoup d'espèces, quand un individu dominant s'avance, un individu subordonné va s'effacer, va le laisser passer. Sur son passage, ce n'est absolument pas une agression, c'est tout à fait paisible, c'est une règle de politesse en fait dans ces sociétés-là, mais qui marque, qui est un très bon indicateur des relations de dominance entre les individus.

  • Speaker #2

    La première observation donc, c'est que 47% des conflits documentés sont des conflits... Intersexe, alors dans l'article du Monde qui a repris votre étude, il parle de guerre des sexes. Est-ce que c'est une constante la guerre des sexes ?

  • Speaker #1

    La guerre des sexes en biologie évolutive, on utilise surtout ce terme pour parler, enfin faire référence à ce qu'on appelle le conflit sexuel, qui est un conflit d'intérêts évolutifs entre les mâles et les femelles. C'est une grande théorie qui dit que les mâles n'ont pas forcément les mêmes intérêts évolutifs que les femelles et que du coup il va y avoir un certain nombre de cas où... Ça va se traduire par notamment des conflits souvent, parfois comportementaux, comme dans les cas liés à la violence sexuelle par exemple.

  • Speaker #2

    Ça laisse quand même, s'il y a 47%, ça laisse 53% des cas où ce ne sont pas des conflits intersexes.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, nous ce qu'on cherchait surtout à quantifier, à comprendre quand on a quantifié le pourcentage de conflits qui se passaient entre les sexes plutôt que dans les sexes, c'est lié au fait que pendant très longtemps, on considérait en éthologie que les conflits c'était en général quelque chose d'intrasexuel, lié à la compétition. Et qu'en gros, en général, les femelles étaient en compétition avec les femelles, souvent pour l'accès aux ressources énergétiques, aux ressources qui étaient importantes pour élever leurs petits. Alors que les mâles, eux, étaient plutôt en compétition entre eux pour accéder aux femelles, qui est un peu le facteur limitant de leur reproduction. Et que finalement, entre les mâles et les femelles, il n'y avait pas forcément tant d'agressions que ça. Ils avaient moins tendance à entrer en compétition. Parce que moi, pour avoir beaucoup étudié les relations de coercition sexuelle, notamment, j'étais très sceptique là-dessus. Et donc, on a cherché à le quantifier parce qu'on a eu du mal à trouver ces éléments quantifiés dans d'autres études. Donc, on s'est dit que c'est le moment de faire le point et d'essayer de regarder. Et on s'est rendu compte qu'effectivement, les conflits entre les mâles et les femelles étaient quand même très importants et représentaient au final plus que les conflits entre les mâles d'un côté ou les conflits entre les femelles d'un autre côté.

  • Speaker #4

    Alors justement, sur ces conflits, on l'a dit en introduction, on a longtemps considéré comme une évidence biologique qu'il y aurait une dominance des mâles sur les femelles. Mais votre étude, elle montre que chez les primates, les mâles dominent strictement dans 17% des cas et les femelles dans 13%. Pour le reste, vous parlez de biais sexuels modérés. Qu'est-ce que ça recouvre, ça ?

  • Speaker #1

    Ça recouvre la dominance stricte. Ce qu'on a défini comme ça, c'est les cas où, si les mâles sont strictement dominants sur les femelles, ça voudrait dire que les mâles gagnent plus de 90% des interactions agonistiques entre mâles et femelles. Donc quasiment tous les conflits. et puis de façon symétrique quand les femelles sont strictement dominantes elles gagnent tous les conflits sur les mâles et donc la catégorie médiane elle regroupe tout le reste, tous les autres cas donc il peut y avoir des cas où il y a un biais quand même assez marqué soit en faveur d'un sexe, soit en faveur de l'autre mais où un mâle peut routinement gagner un conflit sur une femelle et inversement, et souvent dans cette catégorie médiane en fait, il y a plus de flexibilité dans les relations de dominance et si on prend Deux groupes sociaux différents, on pourra trouver un pourcentage de dominance des femelles qui diffère passablement. Par exemple, je pense que les bonobos, dans certains groupes, les femelles vont gagner 40% des conflits, dans d'autres 70%. De façon générale, c'est plutôt les femelles qui gagnent les conflits chez les bonobos. Mais on a déjà documenté un mâle alpha dans un groupe de bonobos, pour illustrer un peu cette flexibilité-là. Alors que c'est généralement, largement plutôt des femelles qui sont alpha chez les bonobos.

  • Speaker #2

    Alors, dans votre étude, vous essayez de dégager, bien sûr, des facteurs qui puissent expliquer la dominance d'un sexe sur l'autre. Alors, le premier constat, c'est que les femelles dominent davantage chez les espèces où elles disposent d'un plus grand contrôle sur la reproduction et celle où la compétition entre elles, donc entre les femelles, est plus importante. Alors d'abord, le contrôle de la reproduction, comment ça se manifeste ? C'est quoi exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, pour le mettre en termes très simples, c'est quel sexe a la capacité de décider... si un accouplement a lieu, donc en d'autres termes, avec qui il ou elle peut s'accoupler et quand. Donc il y a des espèces où les femelles ont la capacité, par exemple, de refuser un accouplement sollicité par un mâle. Il y a aussi des espèces où c'est beaucoup plus difficile pour les femelles de refuser ces accouplements, parce que, notamment, les mâles utilisent beaucoup de la coercition sexuelle. Donc quand elles ont la capacité de refuser un accouplement, elles sont dans la position de décider est-ce qu'il a lieu ou pas, et donc on dit que le contrôle reproductif est plutôt biaisé vers les femelles. Quand ce n'est pas du tout le cas, par contre, il est plutôt biaisé vers les mâles.

  • Speaker #2

    Sur la question de la compétition entre elles, on pourrait imaginer que si elles sont en compétition, c'est divisé pour venir régner. En fait, non. Elles vont être plus facilement dominantes là où elles sont en compétition entre elles.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, en général, dans les espèces animales, le mâle est plutôt le sexe compétitif, notamment parce que Ils sont souvent en compétition entre eux pour l'accès aux femelles fertiles et les femelles fertiles souvent c'est vraiment le facteur qui... qui est limitant dans l'accès à la reproduction des mâles. Et donc, souvent, on a cette idée, je pense que c'est quelque chose de très très connu, les mâles vont être mieux armés, vont être plus gros, vont batailler entre eux pour l'accès à la reproduction. Mais ça, c'est vrai dans beaucoup d'espèces, mais ça ne l'est pas systématiquement. Et il y a des espèces où c'est beaucoup plus symétrique, en fait, et où il y a aussi beaucoup de compétition entre les femelles, et où il y a... autant de compétition entre les femelles qu'entre les mâles, notamment dans certaines espèces monogames. Par exemple, moi j'ai étudié les suricates du Kalahari, et chez les suricates, les batailles entre femelles sont souvent plus violentes que les batailles entre les mâles. Et donc, les mâles et les femelles font la même taille, les femelles ont des canines tout aussi imposantes que celles des mâles, et du coup, elles n'ont pas de mâles à s'imposer. par rapport au mâle dans un conflit physique entre un mâle et une femelle. Donc on comprend bien que dans ces espèces où la compétition est également très forte entre les femelles, elles sont bien équipées pour la compétition, elles ont été sélectionnées pour être compétitives et ça leur permet de s'imposer plus facilement par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Alors vous observez également que cette prévalence de la dominance féminine, elle s'observe davantage chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Est-ce qu'on sait expliquer pourquoi ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que c'est essentiellement lié au contrôle reproductif. C'est plus facile pour les femelles d'avoir du contrôle sur les accouplements dans les espèces arboricoles. C'est un environnement 3D où on peut plus facilement échapper à la surveillance des mâles, se soustraire aux tentatives de monopolisation sexuelle de la part des mâles. On peut plus facilement aller s'accoupler discrètement dans un environnement forestier. Donc tout ça, c'est des facteurs qui donnent plus de... Contre le reproductif aux femelles. Et par ailleurs, en général, dans les environnements arboricoles, la compétition entre les mâles, elle va changer un petit peu les cibles, les traits sélectionnés. C'est-à-dire que pour être très compétitif dans la compétition mâle-mâle dans les arbres, il vaut mieux être agile. qu'être gros, parce que souvent, être gros et fort, c'est plutôt un handicap pour se déplacer très rapidement, etc. C'est des courses poursuites dans les arbres. Et donc, on a le dimorphisme sexuel, la différence de taille entre les mâles et les femelles est souvent moins importante chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Et ça, c'est un autre facteur qui va favoriser la dominance des femelles.

  • Speaker #2

    Alors, la domination des femelles, elle est également plus fréquente chez les espèces où les femelles sont philopatriques. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Le fait d'être philopatrique, c'est pour les éthologues la même chose que le fait d'être une société matrilocale pour les anthropologues. C'est une société où les femelles vont rester toute leur vie dans le groupe social où elles sont nées, alors que les mâles, en général, quand ils arrivent à puberté, vont disperser, quitter leur groupe social et rejoindre un autre groupe social où ils vont faire leur carrière reproductive. et donc il y a tous les cas de figure chez les mammifères, y compris chez les primates, des espèces où les femelles sont philopatriques, d'autres où c'est les mâles qui sont philopatriques. Et en fait, nous, ce qu'on pensait, c'est que là où les femelles philopatriques, elles maintiennent des liens sociaux très forts toute leur vie avec leurs apparentés, et que ça leur faciliterait le fait de faire des coalitions entre femelles, contre les mâles, quoi. L'union fait la force. Et donc, de gagner, de s'imposer numériquement, au moins, par rapport aux mâles. Et en fait, donc, c'est... effectivement dans les sociétés philopatriques il y a plus de dominance des femelles donc ça ça va dans ce sens là mais par contre on a aussi testé un autre facteur par rapport à cette hypothèse qui est la capacité des femelles à former des coalitions femelles-femelles c'est pas le cas dans toutes les espèces il y a aussi des espèces où on n'observe jamais de coalition femelle-femelle or il n'y a pas d'effet significatif sur la dominance donc ça étaye pas vraiment notre hypothèse selon laquelle l'union fait la force je pense qu'il faudra plus de recherches pour mieux comprendre ce qui se passe Merci. Et c'est possiblement lié au fait, cet effet de la philopatrie peut refléter le fait que dans les espèces où les mâles sont très dominants, souvent ils vont vraiment influencer les patrons de dispersion des femelles, ils vont un peu disperser les femelles, notamment pour les inclure par exemple dans leur groupe social, dans leur poule de femelles. Et donc en fait ça reflète plutôt une relation entre la dominance des mâles et la dispersion des femelles qu'une relation entre la dominance des femelles et la philopatrie des femelles.

  • Speaker #4

    On a parlé de critères physiques tout à l'heure. Vous avez dit qu'il y avait quand même des espèces où les femelles étaient aussi fortes physiquement que les mâles. Est-ce qu'il y en a où c'est les femelles qui sont plus fortes, plus dominantes physiquement en termes de poids et de dentition que les mâles ?

  • Speaker #1

    Alors c'est très rare chez les mammifères et particulièrement chez les primates. En général, quand il y a un sexe qui est plus gros et mieux armé que l'autre, c'est les mâles. Il y a beaucoup de cas où les femelles sont toutes aussi armées et toutes aussi grosses que les femelles. C'est par contre beaucoup plus rare qu'elles soient plus grosses que les mâles. Ça existe et là je n'ai pas immédiatement une espèce à vous citer. Mais quand ça existe, c'est très discret en fait. L'avantage en faveur des femelles est très discret et c'est peu probable qu'ils donnent vraiment un avantage physique. dans les conflits.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, ce que j'ai dit en introduction, la hyène, finalement, elle n'est pas si grosse que ça.

  • Speaker #1

    Les hyènes, c'est 1 à 2 % de différence de masse corporelle, donc ça ne fait pas du tout forcément la différence au niveau des conflits, il faut plus que ça. Et d'ailleurs, ce qui prolonge ce propos-là, c'est que tant que les différences de taille entre mâles et femelles sont modérées, En fait, n'importe quel sexe peut gagner sur l'autre. Et typiquement, chez les bonobos, les mâles sont un peu plus gros que les femelles, quand même significativement plus gros que les femelles. Ça ne doit pas être très différent de la différence de taille entre les humains hommes et les femmes. Et malgré ça, c'est les femelles qui sont dominantes sur les mâles. Par contre, dans les espèces où le dimorphisme sexuel devient très très marqué, Comme chez, par exemple, les babouins que j'étudie, les babouins chacmal, les mâles sont deux fois plus gros, plus lourds que les femelles. Ou chez les mandrilles, les mâles sont trois fois plus lourds que les femelles. Là, c'est toujours les mâles qui dominent dans ces cas extrêmes.

  • Speaker #2

    Alors, vous vous êtes également intéressée à l'hypothèse d'auto-organisation, c'est-à-dire l'équilibre entre les mâles et les femelles au sein d'un groupe. Est-ce qu'il y a plus de mâles ? Est-ce qu'il y a plus de femelles ? Comment donc ce sexe ratio, il influence le rapport de domination ?

  • Speaker #1

    Oui, on sait que dans les facteurs qui expliquent... La flexibilité des rapports de dominance entre mâles et femelles au sein d'une espèce. Donc voilà ce que vous avez dit, le fait que dans un groupe, il y ait un pourcentage de femelles dominantes plus important que dans un autre groupe. C'est en partie lié à cet effet du sexe ratio. On n'est pas sûr de comprendre complètement bien la relation encore. Il y a plusieurs hypothèses interprétatives et en fait, c'est pas forcément... Ça ne marche pas forcément pareil dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif et dans les espèces où les mâles ont le contrôle reproductif. Mais on pense que par exemple, dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif, quand il y a plus de mâles, en général elles sont plus dominantes, et probablement parce que le contrôle reproductif ça leur donne un levier de pouvoir sur les mâles, le fait de contrôler l'accès à la reproduction, ça encourage les mâles à être coopératifs pour pouvoir s'accoupler, et du coup quand les femelles sont plus rares... Elles sont, en gros, négociées, exactement. C'est un peu régi par la loi des marchés. C'est d'ailleurs le terme employé, trade markets, par les biologistes pour décrire ce phénomène.

  • Speaker #4

    Alors la relation mère-enfant, elle impacte aussi la dominance entre les mâles et les femelles, avec une plus grande dominance des mâles quand le développement des petits est plus lent, alors qu'une lactation pousse favorise une dominance des femelles. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pour quelles raisons ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que, enfin, notre hypothèse inquiète. qui est aussi inspiré par la littérature anthropologique, mais c'est qu'avoir des longues périodes de dépendance des petits, c'est plutôt un handicap pour les femelles, parce que les femelles qui sont accompagnées d'un bébé dépendant, qui est très vulnérable, elles vont hésiter à s'engager dans des conflits physiques par rapport à des mâles. On sait qu'il y a régulièrement la mortalité des blessures qui sont causées aux petits au cours de conflits qui risquent d'escalader physiquement. et perdre un conflit c'est beaucoup moins grave pour une femelle que perdre un bébé et donc on pense que pendant toutes ces périodes où elles ont un petit dépendant elles vont plutôt fuir les conflits et que ça ne va pas les avantager pour s'imposer par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Et parmi toutes les autres variables qui ont été étudiées, il y a aussi les variables climatiques ou la disponibilité des ressources alimentaires. Est-ce que ça aura un impact sur l'évolution de la dominance entre les mâles et les femelles ? Vous avez pu l'observer ça ?

  • Speaker #1

    Alors, on a testé l'effet de certaines variables climatiques. On n'a pas trouvé des effets. Alors, on a trouvé des effets, mais qui n'étaient pas très facilement interprétables parce que certains allaient dans un sens, d'autres allaient dans un autre. Et donc, il n'y a pas des effets directs très simples, en fait. Et ce n'était pas une grosse surprise parce qu'en général, quand on cherche à comprendre comment les variables climatiques ou écologiques influencent les systèmes sociaux, souvent, ce n'est pas des effets directs et simples. Et donc là, ce qui se passe, c'est que les variables de saisonnalité, par exemple, dans les environnements très saisonniers, ça va... déterminer les patrons de reproduction saisonnière des femelles. Est-ce que la saison de reproduction, la saison où les femelles sont fertiles est longue ou non ? Et plus cette saison est courte, plus ça va avantager la dominance des femelles. Ça leur donne plus de contrôle sur la reproduction. Il y a moins de périodes où elles sont vulnérables par rapport à la coercition des mâles. Donc, on pense que c'est plutôt lié. Le climat va influencer, façonner les stratégies de reproduction des femelles et les stratégies d'histoire de vie qui vont elles-mêmes façonner Merci. les relations sociales.

  • Speaker #2

    Les auditeurs vivent avec nous les travaux qui bougent devant la radio. Pour terminer, on l'a dit en introduction, il y a quand même eu ce mythe de la domination masculine dans le règne animal qui s'est imposé pendant très longtemps. Est-ce que finalement, ce n'est pas une projection des observateurs qui ont souvent été des hommes, des mâles aussi, une projection du patriarcat humain sur les animaux ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une question qui m'est souvent posée et à juste titre en fait, parce que c'est l'exemple des primatologues. Il a été très utilisé par les philosophes féministes et des études de genre dans les années 80, notamment par Donna Araouet, qui est une très très grande philosophe, très inspirante, qui a développé cette théorie des savoirs situés qui montrait que... Un scientifique, pour être scientifique, il n'en est pas moins un humain qui est façonné par les stéréotypes de la société dans laquelle il vit. Et que ça va souvent influencer la science qu'il fait. Et que la science n'est pas toujours aussi objective qu'elle voudrait bien le prétendre. Et elle a utilisé l'exemple des primatologues en montrant que du temps où la primatologie était encore très masculine, dans les années 60-70, ils se sont beaucoup intéressés vraiment au rapport de dominance entre mâles au conflit physique entre mâles etc sans beaucoup regarder ce qui se passait chez les femelles les mâles occupaient toute la place et ils semblaient très dominants et les seuls dans la... et quand la primatologie s'est féminisée ça a vraiment beaucoup changé déjà les questions qui étaient étudiées on s'est beaucoup plus intéressé aux femelles, aux relations mère-enfant aux stratégies des femelles, ça a beaucoup diversifié les questions mais aussi on s'est rendu compte que Les mâles n'étaient pas si dominants, comme cette étude le montre, que ce qu'on pensait, et que les enjeux de pouvoir n'étaient pas toujours dominés par les mâles, etc. Donc ça a vraiment changé la façon dont on a regardé les sociétés primates. Donc ça lui a plutôt donné raison. Après, il faut nuancer par le fait que, bien sûr, la primatologie a connu tout un essor, une effervescence. Les primatologues ont été documentés d'autres espèces, dans d'autres milieux, dans d'autres écologies. Et donc c'est aussi ça qui a contribué à diversifier notre image des sociétés primates. Voilà.

  • Speaker #2

    Je vais vous faire réagir à une citation de François Zéritier, l'anthropologue François Zéritier, grande spécialiste de la domination masculine. Dans l'ouvrage Masculin Féminin, elle écrivait « On nous parle d'une nature, d'une nature qui serait plus violente chez les hommes, qui serait fondamentalement dominatrice, et on nous parle aussi d'accès de bestialité. Dans tous les cas, on a tout faux. Ce n'est pas une nature, c'est une culture. C'est justement parce que les humains sont capables de penser qu'ils ont... érigé un système qui est un système de valance différentielle des sexes. Et cela s'est passé il y a fort longtemps. Alors est-ce qu'on peut en conclure qu'il existe des cultures animales ?

  • Speaker #1

    Oui, après sur cette citation de Florence Héritier, il y a beaucoup à dire. Déjà, on peut commencer par reprendre les résultats importants de cette étude qui montre que la dominance des mâles n'est pas du tout la norme chez les sociétés primates, comme on le pensait. Ce qui nuance vraiment cette idée de naturaliser la dominance masculine et la violence du côté des mâles. En fait, les sociétés non humaines, elles sont très diverses, c'est ce qu'on l'a dit, et pas forcément y compris des sociétés non humaines qui sont très proches phylogénétiquement des humains, comme celle des bonobos, où c'est les femelles qui sont le sexe dominant. Donc ça déjà, ça nous incite à vraiment beaucoup de... de prudence sur la naturalisation de la domination masculine. Pour l'instant, en tout cas, ce n'est pas du tout ce que disent nos résultats. Ça va plutôt dans le sens inverse. Et pour ce qui est des influences culturelles, c'est possible effectivement quand on regarde les sociétés, l'intensité, les formes que prennent la dominance masculine chez les primates non-humains et chez les humains. Il semblerait que ce soit peut-être plutôt pire chez les humains que chez les non-humains. Donc là aussi, ça nuance un peu cette idée-là. conforte un peu l'idée qu'il y a des facteurs culturels peut-être très importants pour comprendre le patriarcat chez les humains. Et enfin, effectivement, là on peut noter qu'on est vraiment au tout début de notre compréhension de l'importance des facteurs culturels chez les non-humains, mais que nous c'est une de nos pistes de recherche maintenant, on essaie vraiment de comprendre à quel point les facteurs culturels peuvent aussi façonner les sociétés des non-humains. Jusqu'à présent, on s'est intéressé à des comportements un peu isolés pour démontrer que c'est un peu que c'était possible qu'ils soient transmis culturellement, et pour démontrer que c'était possible que les animaux aient des comportements culturels, ça, ça y est, c'est admis complètement, c'est très bien établi scientifiquement. Donc maintenant, on est plutôt à essayer de comprendre vraiment l'importance des facteurs culturels sur à quel point ça peut façonner, par exemple, toute une structure sociale, tout un système de communication, comme ça peut peut-être être le cas chez... enfin, comme c'est clairement le cas dans les sociétés humaines. C'est encore trop tôt pour avoir des résultats tangibles là-dessus. C'est une énorme entreprise. Je pense qu'il y a tout un pan de l'éthologie en ce moment qui s'attache à ça.

  • Speaker #4

    Et on continuera de suivre vos travaux. Vous retournez bientôt sur le terrain ?

  • Speaker #1

    L'été prochain. Tous les étés.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup Élise Huchard.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #4

    Et on passe maintenant à notre séquence report. Pour ce deuxième reportage à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, nous partons sur le plateau de palynologie, qui comme son nom ne l'indique pas forcément, est l'étude des grains de pollen. Sylvie Roulant nous montre dans un premier temps comment on extrait les grains de pollen des sédiments pour ensuite les identifier au microscope. Et avec près de 30 000 taxons, la collection de référence de l'ISEM est l'une des plus importantes collections palynologiques au monde.

  • Speaker #5

    Bonjour, je m'appelle Sylvie Roulant et je travaille à l'ISEM. dans l'équipe DIP et je m'occupe de la salle de palynologie. Alors, c'est l'étude des grains de pollen. Voilà, donc l'étude des grains de pollen va vous permettre de reconstituer un petit peu en environnement par rapport à la végétation, au climat et à l'impact anthropique.

  • Speaker #4

    On entre dans une salle avec un sas et des blouses blanches. Qu'est-ce que c'est cette salle ?

  • Speaker #5

    C'est la salle où on fait les extractions des grains de pollen à partir des carottes sédimentaires. On s'équipe de blouses pour éviter de contaminer nos prélèvements.

  • Speaker #4

    Qu'est-ce que vous récupérez comme matériaux et comment vous procédez pour en extraire les grains de pollen ?

  • Speaker #5

    Je récupère quelques grammes de sédiments et ensuite je leur fais différents traitements chimiques, aussi en fonction de la nature du sédiment. On peut par exemple éliminer les carbonates, défloculer les sédiments, faire des tamisages. Le but étant de nettoyer au maximum ces sédiments sans détériorer les grains de pollen, mais qui sont quand même assez costauds et on peut utiliser des produits extrêmement dangereux. C'est pour ça qu'on travaille sous sorbonne. Donc ça nous préserve, nous. Et ça préserve aussi les échantillons d'une éventuelle contamination qui aurait pu se faire dans la pièce.

  • Speaker #4

    Et de là, vous les mettez donc sur une lame pour les passer dans la pièce où il y a les microscopes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Ensuite, on monte nos... ça s'appelle des culots, les échantillons qu'on a recueillis à la fin du traitement. On les monte sur des lames, entre lame et lamelle. Et ensuite, on passe dans la salle de microscopie pour les... Enfin, les identifier et les compter.

  • Speaker #4

    Combien ça mesure un grain de pollen, c'est tout petit ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est tout petit, c'est entre 10 et 50 microns. Voilà. Alors, sur votre lame, vous avez différents types de grains de pollen. Donc, la première chose, ça va être de commencer à prendre la reconnaissance des différents types de grains de pollen. Ils ont des caractéristiques spécifiques qui permettent de les identifier.

  • Speaker #4

    Vous avez ce poster là-bas où on va regarder.

  • Speaker #5

    Ce qui permet de les reconnaître, c'est la taille, la forme. Et vous voyez, vous avez des sillons, ce sont les traits que l'on peut voir, ou des pores, on va dire ces ouvertures. Certains ont des ballonnets, donc toutes ces caractéristiques vont permettre d'identifier un grain de pollen.

  • Speaker #4

    Et donc à partir du grain de pollen sous le microscope, vous arrivez à déterminer de quelle plante il s'agit ?

  • Speaker #5

    Alors la famille, le genre, mais au moins la famille, oui. Là par exemple, vous avez un atlas, comme on passe devant, où vous avez des photos. Donc l'atlas, c'est un peu comme une collection de références, mais au moins c'est plus facile à consulter. Ou vous avez des grains de pollen. qui sont pris en photo sous différents angles, avec les différentes caractéristiques. Et donc ça, c'est un outil de travail très important pour les chercheurs en palynologie.

  • Speaker #4

    Et alors justement, les boîtes dont vous m'avez parlé tout à l'heure, j'en vois beaucoup. Combien vous avez d'échantillons de grains de pollen ici à l'ISEM ?

  • Speaker #5

    Alors, dans ces boîtes, on a environ 50 000 lames.

  • Speaker #4

    Avec à chaque fois des variétés différentes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Oui, alors il y a des taxons qui peuvent se retrouver sur différentes lames, mais ils vont provenir d'origines géographiques différentes, donc ils ne vont pas forcément avoir tout à fait les mêmes caractéristiques physiques.

  • Speaker #4

    Là, c'est des pollens du monde entier ou il y a des régions en particulier ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est des pollens du monde entier et on a une jolie collection d'Asie et d'Afrique. Donc ça, ce sont des grains de pollen actuels. Et la collection, elle a débuté dans les années, en 1945, je crois. Et alors, cette collection, on a quelque chose qui est important aussi. On l'a transformée, oui, on peut dire ça, en base de données et qui est consultable par tout le monde. Donc l'avantage, c'est que quelqu'un qui travaille en Bretagne peut regarder s'il y a le taxon qu'elle cherche, des photos. Et si jamais il n'y a pas de photo, elle peut nous contacter, on peut lui en faire. C'est plus pratique qu'un petit voyage.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Aline. Allume la science, c'est déjà fini pour aujourd'hui. Un grand merci à Alice Rollet pour la réalisation de cette émission. On se retrouve la semaine prochaine. D'ici là, restez branchés.

  • Speaker #6

    Allume la science la science Une nombreuse manière d'essayer de... ...outiné l'homme.

  • Speaker #0

    Eh bien, imagine que toute forme de vie sur Terre meurt instantanément et que chaque molécule de ton corps explose à la vitesse de la lumière. Sort de relativisme absolu. Averso-bombelade de la charge des protons.

  • Speaker #4

    La Terre va entendre ces nœuds. Allume la science.

Share

Embed

You may also like

Description

La dominance sexuelle mise à mal

Cette semaine dans A l’UM la science Elise Huchard de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (Isem) nous parle de dominance sexuelle chez les primates. Le reportage nous emmène sur le plateau de palynologie de l’Isem en compagnie de Sylvie Rouland.


Une émission diffusée tous les mercredis sur la radio Divergence.

A l’UM la science vous avez le programme, c’est parti !


____________

📚 Retrouvez l'article sur le site :

🎙️ Tous les A L'UM LA SCIENCE : https://www.umontpellier.fr/articles/tag/a-lum-la-science


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Allume la science de l'espace. ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #2

    Bonjour et bienvenue à tous et toutes dans Allume la science, l'émission qui vous branche chaque semaine sur l'actualité des laboratoires de l'université de Montpellier et de ses partenaires. C'est un fait qui a longtemps été frappé du saut de l'évidence. Qu'il s'agisse de grammaire ou de société, le masculin l'emporte sur le féminin, c'est ainsi. Et quel meilleur moyen d'asseoir une domination que de l'inscrire comme une donnée biologique ? Ainsi, chez les animaux, le mâle dominerait systématiquement la femelle. Alors quelques contre-exemples pouvaient être cités par-ci par-là pour... paraît cet argument d'autorité tel que le matriarcat des éléphants, le dysmorphisme des hyènes, ou pire, l'appétit vorace des menthes religieuses. Mais ces exceptions ne servaient qu'à confirmer la règle. La domination masculine est une règle de la nature. Sauf que, en y regardant de plus près, cette domination masculine est loin d'être systématique et chez nombre d'espèces de primates, les dames ne s'en laissent pas compter. Alors existe-t-il des structures sociales, des modes de vie, des données biologiques même, qui favorisent la domination ou plutôt la domination ? plutôt la dominance, on y reviendra, d'un sexe sur l'autre. Le rapport de dominance est-il obligatoire et quels sont les chemins évolutifs qui peuvent amener une espèce à pratiquer un type de dominance plutôt qu'un autre ? C'est à ces questions qu'une équipe de chercheurs franco-allemands a tenté de répondre en compilant les études existantes sur le sujet. Notre invité fait partie de cette équipe. Ils ont publié dans la revue PNAS cette méta-analyse sur les variations de la domination mâle-femelle. On vous décrit tout ça en détail et on verra qu'au final, les femelles sont des mâles comme les autres. Avec nous dans le studio, Élise Huchard. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #2

    Alors vous êtes chercheuse à l'ISEM, l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, et donc vous avez participé à cette étude.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #2

    Et bienvenue dans Allume la science !

  • Speaker #1

    Merci de me recevoir.

  • Speaker #2

    En deuxième partie d'émission, nous restons à l'ISEM et c'est Sylvie Roulan qui nous présente le plateau de palynologie, allergique, s'abstenir. Allume la science, vous avez le programme, c'est parti !

  • Speaker #3

    Chargement de l'engin terminé. Nous sommes à 0,60 secondes. 59, 58, 57, 56, 55...

  • Speaker #2

    Alors Élise Duchar, dans cette étude, on va parler de domination, de pouvoir, de leadership ou encore de hiérarchie intersexuelle. Tous ces termes font l'objet d'un glossaire dans votre étude. D'ailleurs, je l'ai dit en introduction, c'est plutôt dominance que domination. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi c'est important, dès le début, de se mettre d'accord sur la définition des termes et quelle est la différence entre domination et dominance ?

  • Speaker #1

    C'est important de se mettre d'accord sur les termes pour être sûr qu'on parle de la même chose, parce que sinon c'est une raison facile pour ne pas être d'accord, ne pas se comprendre. Donc c'est en général une des premières bases d'une étude scientifique, et on s'intéresse là vraiment à des phénomènes comportementaux complexes. Quand on parle de pouvoir, il faut clarifier quel aspect du pouvoir. C'est un concept multidimensionnel qui est utilisé par plusieurs disciplines. Donc c'est pour ça qu'on a essayé de clarifier les choses autant que possible. Je pense qu'en éthologie, on utilise plutôt le terme de dominance, on s'intéresse plutôt à des comportements. Donc qui est dominant sur qui, à des relations souvent diadiques. Je pense que le phénomène de domination, il est peut-être plus utilisé par les sociologues pour décrire un phénomène social.

  • Speaker #4

    Alors votre publication, elle s'appuie sur 253 études qui portent sur 121 espèces de primates. Concrètement, qu'est-ce que vous avez observé ou qui a été observé dans les autres études dans le comportement des primates qui vous fait dire que c'est l'un ou l'autre qui domine ?

  • Speaker #1

    Dans cette étude, on a essayé d'être aussi rigoureux et quantitatif et objectif que possible. Donc ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est intéressé, on a utilisé que les données de la littérature. On a sélectionné les études pour lesquelles les auteurs ou les chercheurs avaient observé un certain nombre d'interactions agonistiques entre les primates et avaient quantifié le pourcentage d'interactions agonistiques gagnées soit par les femelles, soit par les mâles. par interaction agonistique, c'est soit des interactions agonistes, agressives, donc il y a vraiment de l'agression, un conflit, une dispute, soit des rituels qui sont très marqueurs du statut social. Donc, par exemple, chez les babouins chacma que j'étudie, et c'est très fréquent chez beaucoup d'espèces, quand un individu dominant s'avance, un individu subordonné va s'effacer, va le laisser passer. Sur son passage, ce n'est absolument pas une agression, c'est tout à fait paisible, c'est une règle de politesse en fait dans ces sociétés-là, mais qui marque, qui est un très bon indicateur des relations de dominance entre les individus.

  • Speaker #2

    La première observation donc, c'est que 47% des conflits documentés sont des conflits... Intersexe, alors dans l'article du Monde qui a repris votre étude, il parle de guerre des sexes. Est-ce que c'est une constante la guerre des sexes ?

  • Speaker #1

    La guerre des sexes en biologie évolutive, on utilise surtout ce terme pour parler, enfin faire référence à ce qu'on appelle le conflit sexuel, qui est un conflit d'intérêts évolutifs entre les mâles et les femelles. C'est une grande théorie qui dit que les mâles n'ont pas forcément les mêmes intérêts évolutifs que les femelles et que du coup il va y avoir un certain nombre de cas où... Ça va se traduire par notamment des conflits souvent, parfois comportementaux, comme dans les cas liés à la violence sexuelle par exemple.

  • Speaker #2

    Ça laisse quand même, s'il y a 47%, ça laisse 53% des cas où ce ne sont pas des conflits intersexes.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, nous ce qu'on cherchait surtout à quantifier, à comprendre quand on a quantifié le pourcentage de conflits qui se passaient entre les sexes plutôt que dans les sexes, c'est lié au fait que pendant très longtemps, on considérait en éthologie que les conflits c'était en général quelque chose d'intrasexuel, lié à la compétition. Et qu'en gros, en général, les femelles étaient en compétition avec les femelles, souvent pour l'accès aux ressources énergétiques, aux ressources qui étaient importantes pour élever leurs petits. Alors que les mâles, eux, étaient plutôt en compétition entre eux pour accéder aux femelles, qui est un peu le facteur limitant de leur reproduction. Et que finalement, entre les mâles et les femelles, il n'y avait pas forcément tant d'agressions que ça. Ils avaient moins tendance à entrer en compétition. Parce que moi, pour avoir beaucoup étudié les relations de coercition sexuelle, notamment, j'étais très sceptique là-dessus. Et donc, on a cherché à le quantifier parce qu'on a eu du mal à trouver ces éléments quantifiés dans d'autres études. Donc, on s'est dit que c'est le moment de faire le point et d'essayer de regarder. Et on s'est rendu compte qu'effectivement, les conflits entre les mâles et les femelles étaient quand même très importants et représentaient au final plus que les conflits entre les mâles d'un côté ou les conflits entre les femelles d'un autre côté.

  • Speaker #4

    Alors justement, sur ces conflits, on l'a dit en introduction, on a longtemps considéré comme une évidence biologique qu'il y aurait une dominance des mâles sur les femelles. Mais votre étude, elle montre que chez les primates, les mâles dominent strictement dans 17% des cas et les femelles dans 13%. Pour le reste, vous parlez de biais sexuels modérés. Qu'est-ce que ça recouvre, ça ?

  • Speaker #1

    Ça recouvre la dominance stricte. Ce qu'on a défini comme ça, c'est les cas où, si les mâles sont strictement dominants sur les femelles, ça voudrait dire que les mâles gagnent plus de 90% des interactions agonistiques entre mâles et femelles. Donc quasiment tous les conflits. et puis de façon symétrique quand les femelles sont strictement dominantes elles gagnent tous les conflits sur les mâles et donc la catégorie médiane elle regroupe tout le reste, tous les autres cas donc il peut y avoir des cas où il y a un biais quand même assez marqué soit en faveur d'un sexe, soit en faveur de l'autre mais où un mâle peut routinement gagner un conflit sur une femelle et inversement, et souvent dans cette catégorie médiane en fait, il y a plus de flexibilité dans les relations de dominance et si on prend Deux groupes sociaux différents, on pourra trouver un pourcentage de dominance des femelles qui diffère passablement. Par exemple, je pense que les bonobos, dans certains groupes, les femelles vont gagner 40% des conflits, dans d'autres 70%. De façon générale, c'est plutôt les femelles qui gagnent les conflits chez les bonobos. Mais on a déjà documenté un mâle alpha dans un groupe de bonobos, pour illustrer un peu cette flexibilité-là. Alors que c'est généralement, largement plutôt des femelles qui sont alpha chez les bonobos.

  • Speaker #2

    Alors, dans votre étude, vous essayez de dégager, bien sûr, des facteurs qui puissent expliquer la dominance d'un sexe sur l'autre. Alors, le premier constat, c'est que les femelles dominent davantage chez les espèces où elles disposent d'un plus grand contrôle sur la reproduction et celle où la compétition entre elles, donc entre les femelles, est plus importante. Alors d'abord, le contrôle de la reproduction, comment ça se manifeste ? C'est quoi exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, pour le mettre en termes très simples, c'est quel sexe a la capacité de décider... si un accouplement a lieu, donc en d'autres termes, avec qui il ou elle peut s'accoupler et quand. Donc il y a des espèces où les femelles ont la capacité, par exemple, de refuser un accouplement sollicité par un mâle. Il y a aussi des espèces où c'est beaucoup plus difficile pour les femelles de refuser ces accouplements, parce que, notamment, les mâles utilisent beaucoup de la coercition sexuelle. Donc quand elles ont la capacité de refuser un accouplement, elles sont dans la position de décider est-ce qu'il a lieu ou pas, et donc on dit que le contrôle reproductif est plutôt biaisé vers les femelles. Quand ce n'est pas du tout le cas, par contre, il est plutôt biaisé vers les mâles.

  • Speaker #2

    Sur la question de la compétition entre elles, on pourrait imaginer que si elles sont en compétition, c'est divisé pour venir régner. En fait, non. Elles vont être plus facilement dominantes là où elles sont en compétition entre elles.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, en général, dans les espèces animales, le mâle est plutôt le sexe compétitif, notamment parce que Ils sont souvent en compétition entre eux pour l'accès aux femelles fertiles et les femelles fertiles souvent c'est vraiment le facteur qui... qui est limitant dans l'accès à la reproduction des mâles. Et donc, souvent, on a cette idée, je pense que c'est quelque chose de très très connu, les mâles vont être mieux armés, vont être plus gros, vont batailler entre eux pour l'accès à la reproduction. Mais ça, c'est vrai dans beaucoup d'espèces, mais ça ne l'est pas systématiquement. Et il y a des espèces où c'est beaucoup plus symétrique, en fait, et où il y a aussi beaucoup de compétition entre les femelles, et où il y a... autant de compétition entre les femelles qu'entre les mâles, notamment dans certaines espèces monogames. Par exemple, moi j'ai étudié les suricates du Kalahari, et chez les suricates, les batailles entre femelles sont souvent plus violentes que les batailles entre les mâles. Et donc, les mâles et les femelles font la même taille, les femelles ont des canines tout aussi imposantes que celles des mâles, et du coup, elles n'ont pas de mâles à s'imposer. par rapport au mâle dans un conflit physique entre un mâle et une femelle. Donc on comprend bien que dans ces espèces où la compétition est également très forte entre les femelles, elles sont bien équipées pour la compétition, elles ont été sélectionnées pour être compétitives et ça leur permet de s'imposer plus facilement par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Alors vous observez également que cette prévalence de la dominance féminine, elle s'observe davantage chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Est-ce qu'on sait expliquer pourquoi ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que c'est essentiellement lié au contrôle reproductif. C'est plus facile pour les femelles d'avoir du contrôle sur les accouplements dans les espèces arboricoles. C'est un environnement 3D où on peut plus facilement échapper à la surveillance des mâles, se soustraire aux tentatives de monopolisation sexuelle de la part des mâles. On peut plus facilement aller s'accoupler discrètement dans un environnement forestier. Donc tout ça, c'est des facteurs qui donnent plus de... Contre le reproductif aux femelles. Et par ailleurs, en général, dans les environnements arboricoles, la compétition entre les mâles, elle va changer un petit peu les cibles, les traits sélectionnés. C'est-à-dire que pour être très compétitif dans la compétition mâle-mâle dans les arbres, il vaut mieux être agile. qu'être gros, parce que souvent, être gros et fort, c'est plutôt un handicap pour se déplacer très rapidement, etc. C'est des courses poursuites dans les arbres. Et donc, on a le dimorphisme sexuel, la différence de taille entre les mâles et les femelles est souvent moins importante chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Et ça, c'est un autre facteur qui va favoriser la dominance des femelles.

  • Speaker #2

    Alors, la domination des femelles, elle est également plus fréquente chez les espèces où les femelles sont philopatriques. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Le fait d'être philopatrique, c'est pour les éthologues la même chose que le fait d'être une société matrilocale pour les anthropologues. C'est une société où les femelles vont rester toute leur vie dans le groupe social où elles sont nées, alors que les mâles, en général, quand ils arrivent à puberté, vont disperser, quitter leur groupe social et rejoindre un autre groupe social où ils vont faire leur carrière reproductive. et donc il y a tous les cas de figure chez les mammifères, y compris chez les primates, des espèces où les femelles sont philopatriques, d'autres où c'est les mâles qui sont philopatriques. Et en fait, nous, ce qu'on pensait, c'est que là où les femelles philopatriques, elles maintiennent des liens sociaux très forts toute leur vie avec leurs apparentés, et que ça leur faciliterait le fait de faire des coalitions entre femelles, contre les mâles, quoi. L'union fait la force. Et donc, de gagner, de s'imposer numériquement, au moins, par rapport aux mâles. Et en fait, donc, c'est... effectivement dans les sociétés philopatriques il y a plus de dominance des femelles donc ça ça va dans ce sens là mais par contre on a aussi testé un autre facteur par rapport à cette hypothèse qui est la capacité des femelles à former des coalitions femelles-femelles c'est pas le cas dans toutes les espèces il y a aussi des espèces où on n'observe jamais de coalition femelle-femelle or il n'y a pas d'effet significatif sur la dominance donc ça étaye pas vraiment notre hypothèse selon laquelle l'union fait la force je pense qu'il faudra plus de recherches pour mieux comprendre ce qui se passe Merci. Et c'est possiblement lié au fait, cet effet de la philopatrie peut refléter le fait que dans les espèces où les mâles sont très dominants, souvent ils vont vraiment influencer les patrons de dispersion des femelles, ils vont un peu disperser les femelles, notamment pour les inclure par exemple dans leur groupe social, dans leur poule de femelles. Et donc en fait ça reflète plutôt une relation entre la dominance des mâles et la dispersion des femelles qu'une relation entre la dominance des femelles et la philopatrie des femelles.

  • Speaker #4

    On a parlé de critères physiques tout à l'heure. Vous avez dit qu'il y avait quand même des espèces où les femelles étaient aussi fortes physiquement que les mâles. Est-ce qu'il y en a où c'est les femelles qui sont plus fortes, plus dominantes physiquement en termes de poids et de dentition que les mâles ?

  • Speaker #1

    Alors c'est très rare chez les mammifères et particulièrement chez les primates. En général, quand il y a un sexe qui est plus gros et mieux armé que l'autre, c'est les mâles. Il y a beaucoup de cas où les femelles sont toutes aussi armées et toutes aussi grosses que les femelles. C'est par contre beaucoup plus rare qu'elles soient plus grosses que les mâles. Ça existe et là je n'ai pas immédiatement une espèce à vous citer. Mais quand ça existe, c'est très discret en fait. L'avantage en faveur des femelles est très discret et c'est peu probable qu'ils donnent vraiment un avantage physique. dans les conflits.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, ce que j'ai dit en introduction, la hyène, finalement, elle n'est pas si grosse que ça.

  • Speaker #1

    Les hyènes, c'est 1 à 2 % de différence de masse corporelle, donc ça ne fait pas du tout forcément la différence au niveau des conflits, il faut plus que ça. Et d'ailleurs, ce qui prolonge ce propos-là, c'est que tant que les différences de taille entre mâles et femelles sont modérées, En fait, n'importe quel sexe peut gagner sur l'autre. Et typiquement, chez les bonobos, les mâles sont un peu plus gros que les femelles, quand même significativement plus gros que les femelles. Ça ne doit pas être très différent de la différence de taille entre les humains hommes et les femmes. Et malgré ça, c'est les femelles qui sont dominantes sur les mâles. Par contre, dans les espèces où le dimorphisme sexuel devient très très marqué, Comme chez, par exemple, les babouins que j'étudie, les babouins chacmal, les mâles sont deux fois plus gros, plus lourds que les femelles. Ou chez les mandrilles, les mâles sont trois fois plus lourds que les femelles. Là, c'est toujours les mâles qui dominent dans ces cas extrêmes.

  • Speaker #2

    Alors, vous vous êtes également intéressée à l'hypothèse d'auto-organisation, c'est-à-dire l'équilibre entre les mâles et les femelles au sein d'un groupe. Est-ce qu'il y a plus de mâles ? Est-ce qu'il y a plus de femelles ? Comment donc ce sexe ratio, il influence le rapport de domination ?

  • Speaker #1

    Oui, on sait que dans les facteurs qui expliquent... La flexibilité des rapports de dominance entre mâles et femelles au sein d'une espèce. Donc voilà ce que vous avez dit, le fait que dans un groupe, il y ait un pourcentage de femelles dominantes plus important que dans un autre groupe. C'est en partie lié à cet effet du sexe ratio. On n'est pas sûr de comprendre complètement bien la relation encore. Il y a plusieurs hypothèses interprétatives et en fait, c'est pas forcément... Ça ne marche pas forcément pareil dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif et dans les espèces où les mâles ont le contrôle reproductif. Mais on pense que par exemple, dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif, quand il y a plus de mâles, en général elles sont plus dominantes, et probablement parce que le contrôle reproductif ça leur donne un levier de pouvoir sur les mâles, le fait de contrôler l'accès à la reproduction, ça encourage les mâles à être coopératifs pour pouvoir s'accoupler, et du coup quand les femelles sont plus rares... Elles sont, en gros, négociées, exactement. C'est un peu régi par la loi des marchés. C'est d'ailleurs le terme employé, trade markets, par les biologistes pour décrire ce phénomène.

  • Speaker #4

    Alors la relation mère-enfant, elle impacte aussi la dominance entre les mâles et les femelles, avec une plus grande dominance des mâles quand le développement des petits est plus lent, alors qu'une lactation pousse favorise une dominance des femelles. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pour quelles raisons ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que, enfin, notre hypothèse inquiète. qui est aussi inspiré par la littérature anthropologique, mais c'est qu'avoir des longues périodes de dépendance des petits, c'est plutôt un handicap pour les femelles, parce que les femelles qui sont accompagnées d'un bébé dépendant, qui est très vulnérable, elles vont hésiter à s'engager dans des conflits physiques par rapport à des mâles. On sait qu'il y a régulièrement la mortalité des blessures qui sont causées aux petits au cours de conflits qui risquent d'escalader physiquement. et perdre un conflit c'est beaucoup moins grave pour une femelle que perdre un bébé et donc on pense que pendant toutes ces périodes où elles ont un petit dépendant elles vont plutôt fuir les conflits et que ça ne va pas les avantager pour s'imposer par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Et parmi toutes les autres variables qui ont été étudiées, il y a aussi les variables climatiques ou la disponibilité des ressources alimentaires. Est-ce que ça aura un impact sur l'évolution de la dominance entre les mâles et les femelles ? Vous avez pu l'observer ça ?

  • Speaker #1

    Alors, on a testé l'effet de certaines variables climatiques. On n'a pas trouvé des effets. Alors, on a trouvé des effets, mais qui n'étaient pas très facilement interprétables parce que certains allaient dans un sens, d'autres allaient dans un autre. Et donc, il n'y a pas des effets directs très simples, en fait. Et ce n'était pas une grosse surprise parce qu'en général, quand on cherche à comprendre comment les variables climatiques ou écologiques influencent les systèmes sociaux, souvent, ce n'est pas des effets directs et simples. Et donc là, ce qui se passe, c'est que les variables de saisonnalité, par exemple, dans les environnements très saisonniers, ça va... déterminer les patrons de reproduction saisonnière des femelles. Est-ce que la saison de reproduction, la saison où les femelles sont fertiles est longue ou non ? Et plus cette saison est courte, plus ça va avantager la dominance des femelles. Ça leur donne plus de contrôle sur la reproduction. Il y a moins de périodes où elles sont vulnérables par rapport à la coercition des mâles. Donc, on pense que c'est plutôt lié. Le climat va influencer, façonner les stratégies de reproduction des femelles et les stratégies d'histoire de vie qui vont elles-mêmes façonner Merci. les relations sociales.

  • Speaker #2

    Les auditeurs vivent avec nous les travaux qui bougent devant la radio. Pour terminer, on l'a dit en introduction, il y a quand même eu ce mythe de la domination masculine dans le règne animal qui s'est imposé pendant très longtemps. Est-ce que finalement, ce n'est pas une projection des observateurs qui ont souvent été des hommes, des mâles aussi, une projection du patriarcat humain sur les animaux ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une question qui m'est souvent posée et à juste titre en fait, parce que c'est l'exemple des primatologues. Il a été très utilisé par les philosophes féministes et des études de genre dans les années 80, notamment par Donna Araouet, qui est une très très grande philosophe, très inspirante, qui a développé cette théorie des savoirs situés qui montrait que... Un scientifique, pour être scientifique, il n'en est pas moins un humain qui est façonné par les stéréotypes de la société dans laquelle il vit. Et que ça va souvent influencer la science qu'il fait. Et que la science n'est pas toujours aussi objective qu'elle voudrait bien le prétendre. Et elle a utilisé l'exemple des primatologues en montrant que du temps où la primatologie était encore très masculine, dans les années 60-70, ils se sont beaucoup intéressés vraiment au rapport de dominance entre mâles au conflit physique entre mâles etc sans beaucoup regarder ce qui se passait chez les femelles les mâles occupaient toute la place et ils semblaient très dominants et les seuls dans la... et quand la primatologie s'est féminisée ça a vraiment beaucoup changé déjà les questions qui étaient étudiées on s'est beaucoup plus intéressé aux femelles, aux relations mère-enfant aux stratégies des femelles, ça a beaucoup diversifié les questions mais aussi on s'est rendu compte que Les mâles n'étaient pas si dominants, comme cette étude le montre, que ce qu'on pensait, et que les enjeux de pouvoir n'étaient pas toujours dominés par les mâles, etc. Donc ça a vraiment changé la façon dont on a regardé les sociétés primates. Donc ça lui a plutôt donné raison. Après, il faut nuancer par le fait que, bien sûr, la primatologie a connu tout un essor, une effervescence. Les primatologues ont été documentés d'autres espèces, dans d'autres milieux, dans d'autres écologies. Et donc c'est aussi ça qui a contribué à diversifier notre image des sociétés primates. Voilà.

  • Speaker #2

    Je vais vous faire réagir à une citation de François Zéritier, l'anthropologue François Zéritier, grande spécialiste de la domination masculine. Dans l'ouvrage Masculin Féminin, elle écrivait « On nous parle d'une nature, d'une nature qui serait plus violente chez les hommes, qui serait fondamentalement dominatrice, et on nous parle aussi d'accès de bestialité. Dans tous les cas, on a tout faux. Ce n'est pas une nature, c'est une culture. C'est justement parce que les humains sont capables de penser qu'ils ont... érigé un système qui est un système de valance différentielle des sexes. Et cela s'est passé il y a fort longtemps. Alors est-ce qu'on peut en conclure qu'il existe des cultures animales ?

  • Speaker #1

    Oui, après sur cette citation de Florence Héritier, il y a beaucoup à dire. Déjà, on peut commencer par reprendre les résultats importants de cette étude qui montre que la dominance des mâles n'est pas du tout la norme chez les sociétés primates, comme on le pensait. Ce qui nuance vraiment cette idée de naturaliser la dominance masculine et la violence du côté des mâles. En fait, les sociétés non humaines, elles sont très diverses, c'est ce qu'on l'a dit, et pas forcément y compris des sociétés non humaines qui sont très proches phylogénétiquement des humains, comme celle des bonobos, où c'est les femelles qui sont le sexe dominant. Donc ça déjà, ça nous incite à vraiment beaucoup de... de prudence sur la naturalisation de la domination masculine. Pour l'instant, en tout cas, ce n'est pas du tout ce que disent nos résultats. Ça va plutôt dans le sens inverse. Et pour ce qui est des influences culturelles, c'est possible effectivement quand on regarde les sociétés, l'intensité, les formes que prennent la dominance masculine chez les primates non-humains et chez les humains. Il semblerait que ce soit peut-être plutôt pire chez les humains que chez les non-humains. Donc là aussi, ça nuance un peu cette idée-là. conforte un peu l'idée qu'il y a des facteurs culturels peut-être très importants pour comprendre le patriarcat chez les humains. Et enfin, effectivement, là on peut noter qu'on est vraiment au tout début de notre compréhension de l'importance des facteurs culturels chez les non-humains, mais que nous c'est une de nos pistes de recherche maintenant, on essaie vraiment de comprendre à quel point les facteurs culturels peuvent aussi façonner les sociétés des non-humains. Jusqu'à présent, on s'est intéressé à des comportements un peu isolés pour démontrer que c'est un peu que c'était possible qu'ils soient transmis culturellement, et pour démontrer que c'était possible que les animaux aient des comportements culturels, ça, ça y est, c'est admis complètement, c'est très bien établi scientifiquement. Donc maintenant, on est plutôt à essayer de comprendre vraiment l'importance des facteurs culturels sur à quel point ça peut façonner, par exemple, toute une structure sociale, tout un système de communication, comme ça peut peut-être être le cas chez... enfin, comme c'est clairement le cas dans les sociétés humaines. C'est encore trop tôt pour avoir des résultats tangibles là-dessus. C'est une énorme entreprise. Je pense qu'il y a tout un pan de l'éthologie en ce moment qui s'attache à ça.

  • Speaker #4

    Et on continuera de suivre vos travaux. Vous retournez bientôt sur le terrain ?

  • Speaker #1

    L'été prochain. Tous les étés.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup Élise Huchard.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #4

    Et on passe maintenant à notre séquence report. Pour ce deuxième reportage à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, nous partons sur le plateau de palynologie, qui comme son nom ne l'indique pas forcément, est l'étude des grains de pollen. Sylvie Roulant nous montre dans un premier temps comment on extrait les grains de pollen des sédiments pour ensuite les identifier au microscope. Et avec près de 30 000 taxons, la collection de référence de l'ISEM est l'une des plus importantes collections palynologiques au monde.

  • Speaker #5

    Bonjour, je m'appelle Sylvie Roulant et je travaille à l'ISEM. dans l'équipe DIP et je m'occupe de la salle de palynologie. Alors, c'est l'étude des grains de pollen. Voilà, donc l'étude des grains de pollen va vous permettre de reconstituer un petit peu en environnement par rapport à la végétation, au climat et à l'impact anthropique.

  • Speaker #4

    On entre dans une salle avec un sas et des blouses blanches. Qu'est-ce que c'est cette salle ?

  • Speaker #5

    C'est la salle où on fait les extractions des grains de pollen à partir des carottes sédimentaires. On s'équipe de blouses pour éviter de contaminer nos prélèvements.

  • Speaker #4

    Qu'est-ce que vous récupérez comme matériaux et comment vous procédez pour en extraire les grains de pollen ?

  • Speaker #5

    Je récupère quelques grammes de sédiments et ensuite je leur fais différents traitements chimiques, aussi en fonction de la nature du sédiment. On peut par exemple éliminer les carbonates, défloculer les sédiments, faire des tamisages. Le but étant de nettoyer au maximum ces sédiments sans détériorer les grains de pollen, mais qui sont quand même assez costauds et on peut utiliser des produits extrêmement dangereux. C'est pour ça qu'on travaille sous sorbonne. Donc ça nous préserve, nous. Et ça préserve aussi les échantillons d'une éventuelle contamination qui aurait pu se faire dans la pièce.

  • Speaker #4

    Et de là, vous les mettez donc sur une lame pour les passer dans la pièce où il y a les microscopes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Ensuite, on monte nos... ça s'appelle des culots, les échantillons qu'on a recueillis à la fin du traitement. On les monte sur des lames, entre lame et lamelle. Et ensuite, on passe dans la salle de microscopie pour les... Enfin, les identifier et les compter.

  • Speaker #4

    Combien ça mesure un grain de pollen, c'est tout petit ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est tout petit, c'est entre 10 et 50 microns. Voilà. Alors, sur votre lame, vous avez différents types de grains de pollen. Donc, la première chose, ça va être de commencer à prendre la reconnaissance des différents types de grains de pollen. Ils ont des caractéristiques spécifiques qui permettent de les identifier.

  • Speaker #4

    Vous avez ce poster là-bas où on va regarder.

  • Speaker #5

    Ce qui permet de les reconnaître, c'est la taille, la forme. Et vous voyez, vous avez des sillons, ce sont les traits que l'on peut voir, ou des pores, on va dire ces ouvertures. Certains ont des ballonnets, donc toutes ces caractéristiques vont permettre d'identifier un grain de pollen.

  • Speaker #4

    Et donc à partir du grain de pollen sous le microscope, vous arrivez à déterminer de quelle plante il s'agit ?

  • Speaker #5

    Alors la famille, le genre, mais au moins la famille, oui. Là par exemple, vous avez un atlas, comme on passe devant, où vous avez des photos. Donc l'atlas, c'est un peu comme une collection de références, mais au moins c'est plus facile à consulter. Ou vous avez des grains de pollen. qui sont pris en photo sous différents angles, avec les différentes caractéristiques. Et donc ça, c'est un outil de travail très important pour les chercheurs en palynologie.

  • Speaker #4

    Et alors justement, les boîtes dont vous m'avez parlé tout à l'heure, j'en vois beaucoup. Combien vous avez d'échantillons de grains de pollen ici à l'ISEM ?

  • Speaker #5

    Alors, dans ces boîtes, on a environ 50 000 lames.

  • Speaker #4

    Avec à chaque fois des variétés différentes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Oui, alors il y a des taxons qui peuvent se retrouver sur différentes lames, mais ils vont provenir d'origines géographiques différentes, donc ils ne vont pas forcément avoir tout à fait les mêmes caractéristiques physiques.

  • Speaker #4

    Là, c'est des pollens du monde entier ou il y a des régions en particulier ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est des pollens du monde entier et on a une jolie collection d'Asie et d'Afrique. Donc ça, ce sont des grains de pollen actuels. Et la collection, elle a débuté dans les années, en 1945, je crois. Et alors, cette collection, on a quelque chose qui est important aussi. On l'a transformée, oui, on peut dire ça, en base de données et qui est consultable par tout le monde. Donc l'avantage, c'est que quelqu'un qui travaille en Bretagne peut regarder s'il y a le taxon qu'elle cherche, des photos. Et si jamais il n'y a pas de photo, elle peut nous contacter, on peut lui en faire. C'est plus pratique qu'un petit voyage.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Aline. Allume la science, c'est déjà fini pour aujourd'hui. Un grand merci à Alice Rollet pour la réalisation de cette émission. On se retrouve la semaine prochaine. D'ici là, restez branchés.

  • Speaker #6

    Allume la science la science Une nombreuse manière d'essayer de... ...outiné l'homme.

  • Speaker #0

    Eh bien, imagine que toute forme de vie sur Terre meurt instantanément et que chaque molécule de ton corps explose à la vitesse de la lumière. Sort de relativisme absolu. Averso-bombelade de la charge des protons.

  • Speaker #4

    La Terre va entendre ces nœuds. Allume la science.

Description

La dominance sexuelle mise à mal

Cette semaine dans A l’UM la science Elise Huchard de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (Isem) nous parle de dominance sexuelle chez les primates. Le reportage nous emmène sur le plateau de palynologie de l’Isem en compagnie de Sylvie Rouland.


Une émission diffusée tous les mercredis sur la radio Divergence.

A l’UM la science vous avez le programme, c’est parti !


____________

📚 Retrouvez l'article sur le site :

🎙️ Tous les A L'UM LA SCIENCE : https://www.umontpellier.fr/articles/tag/a-lum-la-science


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Allume la science de l'espace. ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #2

    Bonjour et bienvenue à tous et toutes dans Allume la science, l'émission qui vous branche chaque semaine sur l'actualité des laboratoires de l'université de Montpellier et de ses partenaires. C'est un fait qui a longtemps été frappé du saut de l'évidence. Qu'il s'agisse de grammaire ou de société, le masculin l'emporte sur le féminin, c'est ainsi. Et quel meilleur moyen d'asseoir une domination que de l'inscrire comme une donnée biologique ? Ainsi, chez les animaux, le mâle dominerait systématiquement la femelle. Alors quelques contre-exemples pouvaient être cités par-ci par-là pour... paraît cet argument d'autorité tel que le matriarcat des éléphants, le dysmorphisme des hyènes, ou pire, l'appétit vorace des menthes religieuses. Mais ces exceptions ne servaient qu'à confirmer la règle. La domination masculine est une règle de la nature. Sauf que, en y regardant de plus près, cette domination masculine est loin d'être systématique et chez nombre d'espèces de primates, les dames ne s'en laissent pas compter. Alors existe-t-il des structures sociales, des modes de vie, des données biologiques même, qui favorisent la domination ou plutôt la domination ? plutôt la dominance, on y reviendra, d'un sexe sur l'autre. Le rapport de dominance est-il obligatoire et quels sont les chemins évolutifs qui peuvent amener une espèce à pratiquer un type de dominance plutôt qu'un autre ? C'est à ces questions qu'une équipe de chercheurs franco-allemands a tenté de répondre en compilant les études existantes sur le sujet. Notre invité fait partie de cette équipe. Ils ont publié dans la revue PNAS cette méta-analyse sur les variations de la domination mâle-femelle. On vous décrit tout ça en détail et on verra qu'au final, les femelles sont des mâles comme les autres. Avec nous dans le studio, Élise Huchard. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #2

    Alors vous êtes chercheuse à l'ISEM, l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, et donc vous avez participé à cette étude.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #2

    Et bienvenue dans Allume la science !

  • Speaker #1

    Merci de me recevoir.

  • Speaker #2

    En deuxième partie d'émission, nous restons à l'ISEM et c'est Sylvie Roulan qui nous présente le plateau de palynologie, allergique, s'abstenir. Allume la science, vous avez le programme, c'est parti !

  • Speaker #3

    Chargement de l'engin terminé. Nous sommes à 0,60 secondes. 59, 58, 57, 56, 55...

  • Speaker #2

    Alors Élise Duchar, dans cette étude, on va parler de domination, de pouvoir, de leadership ou encore de hiérarchie intersexuelle. Tous ces termes font l'objet d'un glossaire dans votre étude. D'ailleurs, je l'ai dit en introduction, c'est plutôt dominance que domination. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi c'est important, dès le début, de se mettre d'accord sur la définition des termes et quelle est la différence entre domination et dominance ?

  • Speaker #1

    C'est important de se mettre d'accord sur les termes pour être sûr qu'on parle de la même chose, parce que sinon c'est une raison facile pour ne pas être d'accord, ne pas se comprendre. Donc c'est en général une des premières bases d'une étude scientifique, et on s'intéresse là vraiment à des phénomènes comportementaux complexes. Quand on parle de pouvoir, il faut clarifier quel aspect du pouvoir. C'est un concept multidimensionnel qui est utilisé par plusieurs disciplines. Donc c'est pour ça qu'on a essayé de clarifier les choses autant que possible. Je pense qu'en éthologie, on utilise plutôt le terme de dominance, on s'intéresse plutôt à des comportements. Donc qui est dominant sur qui, à des relations souvent diadiques. Je pense que le phénomène de domination, il est peut-être plus utilisé par les sociologues pour décrire un phénomène social.

  • Speaker #4

    Alors votre publication, elle s'appuie sur 253 études qui portent sur 121 espèces de primates. Concrètement, qu'est-ce que vous avez observé ou qui a été observé dans les autres études dans le comportement des primates qui vous fait dire que c'est l'un ou l'autre qui domine ?

  • Speaker #1

    Dans cette étude, on a essayé d'être aussi rigoureux et quantitatif et objectif que possible. Donc ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est intéressé, on a utilisé que les données de la littérature. On a sélectionné les études pour lesquelles les auteurs ou les chercheurs avaient observé un certain nombre d'interactions agonistiques entre les primates et avaient quantifié le pourcentage d'interactions agonistiques gagnées soit par les femelles, soit par les mâles. par interaction agonistique, c'est soit des interactions agonistes, agressives, donc il y a vraiment de l'agression, un conflit, une dispute, soit des rituels qui sont très marqueurs du statut social. Donc, par exemple, chez les babouins chacma que j'étudie, et c'est très fréquent chez beaucoup d'espèces, quand un individu dominant s'avance, un individu subordonné va s'effacer, va le laisser passer. Sur son passage, ce n'est absolument pas une agression, c'est tout à fait paisible, c'est une règle de politesse en fait dans ces sociétés-là, mais qui marque, qui est un très bon indicateur des relations de dominance entre les individus.

  • Speaker #2

    La première observation donc, c'est que 47% des conflits documentés sont des conflits... Intersexe, alors dans l'article du Monde qui a repris votre étude, il parle de guerre des sexes. Est-ce que c'est une constante la guerre des sexes ?

  • Speaker #1

    La guerre des sexes en biologie évolutive, on utilise surtout ce terme pour parler, enfin faire référence à ce qu'on appelle le conflit sexuel, qui est un conflit d'intérêts évolutifs entre les mâles et les femelles. C'est une grande théorie qui dit que les mâles n'ont pas forcément les mêmes intérêts évolutifs que les femelles et que du coup il va y avoir un certain nombre de cas où... Ça va se traduire par notamment des conflits souvent, parfois comportementaux, comme dans les cas liés à la violence sexuelle par exemple.

  • Speaker #2

    Ça laisse quand même, s'il y a 47%, ça laisse 53% des cas où ce ne sont pas des conflits intersexes.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, nous ce qu'on cherchait surtout à quantifier, à comprendre quand on a quantifié le pourcentage de conflits qui se passaient entre les sexes plutôt que dans les sexes, c'est lié au fait que pendant très longtemps, on considérait en éthologie que les conflits c'était en général quelque chose d'intrasexuel, lié à la compétition. Et qu'en gros, en général, les femelles étaient en compétition avec les femelles, souvent pour l'accès aux ressources énergétiques, aux ressources qui étaient importantes pour élever leurs petits. Alors que les mâles, eux, étaient plutôt en compétition entre eux pour accéder aux femelles, qui est un peu le facteur limitant de leur reproduction. Et que finalement, entre les mâles et les femelles, il n'y avait pas forcément tant d'agressions que ça. Ils avaient moins tendance à entrer en compétition. Parce que moi, pour avoir beaucoup étudié les relations de coercition sexuelle, notamment, j'étais très sceptique là-dessus. Et donc, on a cherché à le quantifier parce qu'on a eu du mal à trouver ces éléments quantifiés dans d'autres études. Donc, on s'est dit que c'est le moment de faire le point et d'essayer de regarder. Et on s'est rendu compte qu'effectivement, les conflits entre les mâles et les femelles étaient quand même très importants et représentaient au final plus que les conflits entre les mâles d'un côté ou les conflits entre les femelles d'un autre côté.

  • Speaker #4

    Alors justement, sur ces conflits, on l'a dit en introduction, on a longtemps considéré comme une évidence biologique qu'il y aurait une dominance des mâles sur les femelles. Mais votre étude, elle montre que chez les primates, les mâles dominent strictement dans 17% des cas et les femelles dans 13%. Pour le reste, vous parlez de biais sexuels modérés. Qu'est-ce que ça recouvre, ça ?

  • Speaker #1

    Ça recouvre la dominance stricte. Ce qu'on a défini comme ça, c'est les cas où, si les mâles sont strictement dominants sur les femelles, ça voudrait dire que les mâles gagnent plus de 90% des interactions agonistiques entre mâles et femelles. Donc quasiment tous les conflits. et puis de façon symétrique quand les femelles sont strictement dominantes elles gagnent tous les conflits sur les mâles et donc la catégorie médiane elle regroupe tout le reste, tous les autres cas donc il peut y avoir des cas où il y a un biais quand même assez marqué soit en faveur d'un sexe, soit en faveur de l'autre mais où un mâle peut routinement gagner un conflit sur une femelle et inversement, et souvent dans cette catégorie médiane en fait, il y a plus de flexibilité dans les relations de dominance et si on prend Deux groupes sociaux différents, on pourra trouver un pourcentage de dominance des femelles qui diffère passablement. Par exemple, je pense que les bonobos, dans certains groupes, les femelles vont gagner 40% des conflits, dans d'autres 70%. De façon générale, c'est plutôt les femelles qui gagnent les conflits chez les bonobos. Mais on a déjà documenté un mâle alpha dans un groupe de bonobos, pour illustrer un peu cette flexibilité-là. Alors que c'est généralement, largement plutôt des femelles qui sont alpha chez les bonobos.

  • Speaker #2

    Alors, dans votre étude, vous essayez de dégager, bien sûr, des facteurs qui puissent expliquer la dominance d'un sexe sur l'autre. Alors, le premier constat, c'est que les femelles dominent davantage chez les espèces où elles disposent d'un plus grand contrôle sur la reproduction et celle où la compétition entre elles, donc entre les femelles, est plus importante. Alors d'abord, le contrôle de la reproduction, comment ça se manifeste ? C'est quoi exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, pour le mettre en termes très simples, c'est quel sexe a la capacité de décider... si un accouplement a lieu, donc en d'autres termes, avec qui il ou elle peut s'accoupler et quand. Donc il y a des espèces où les femelles ont la capacité, par exemple, de refuser un accouplement sollicité par un mâle. Il y a aussi des espèces où c'est beaucoup plus difficile pour les femelles de refuser ces accouplements, parce que, notamment, les mâles utilisent beaucoup de la coercition sexuelle. Donc quand elles ont la capacité de refuser un accouplement, elles sont dans la position de décider est-ce qu'il a lieu ou pas, et donc on dit que le contrôle reproductif est plutôt biaisé vers les femelles. Quand ce n'est pas du tout le cas, par contre, il est plutôt biaisé vers les mâles.

  • Speaker #2

    Sur la question de la compétition entre elles, on pourrait imaginer que si elles sont en compétition, c'est divisé pour venir régner. En fait, non. Elles vont être plus facilement dominantes là où elles sont en compétition entre elles.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, en général, dans les espèces animales, le mâle est plutôt le sexe compétitif, notamment parce que Ils sont souvent en compétition entre eux pour l'accès aux femelles fertiles et les femelles fertiles souvent c'est vraiment le facteur qui... qui est limitant dans l'accès à la reproduction des mâles. Et donc, souvent, on a cette idée, je pense que c'est quelque chose de très très connu, les mâles vont être mieux armés, vont être plus gros, vont batailler entre eux pour l'accès à la reproduction. Mais ça, c'est vrai dans beaucoup d'espèces, mais ça ne l'est pas systématiquement. Et il y a des espèces où c'est beaucoup plus symétrique, en fait, et où il y a aussi beaucoup de compétition entre les femelles, et où il y a... autant de compétition entre les femelles qu'entre les mâles, notamment dans certaines espèces monogames. Par exemple, moi j'ai étudié les suricates du Kalahari, et chez les suricates, les batailles entre femelles sont souvent plus violentes que les batailles entre les mâles. Et donc, les mâles et les femelles font la même taille, les femelles ont des canines tout aussi imposantes que celles des mâles, et du coup, elles n'ont pas de mâles à s'imposer. par rapport au mâle dans un conflit physique entre un mâle et une femelle. Donc on comprend bien que dans ces espèces où la compétition est également très forte entre les femelles, elles sont bien équipées pour la compétition, elles ont été sélectionnées pour être compétitives et ça leur permet de s'imposer plus facilement par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Alors vous observez également que cette prévalence de la dominance féminine, elle s'observe davantage chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Est-ce qu'on sait expliquer pourquoi ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que c'est essentiellement lié au contrôle reproductif. C'est plus facile pour les femelles d'avoir du contrôle sur les accouplements dans les espèces arboricoles. C'est un environnement 3D où on peut plus facilement échapper à la surveillance des mâles, se soustraire aux tentatives de monopolisation sexuelle de la part des mâles. On peut plus facilement aller s'accoupler discrètement dans un environnement forestier. Donc tout ça, c'est des facteurs qui donnent plus de... Contre le reproductif aux femelles. Et par ailleurs, en général, dans les environnements arboricoles, la compétition entre les mâles, elle va changer un petit peu les cibles, les traits sélectionnés. C'est-à-dire que pour être très compétitif dans la compétition mâle-mâle dans les arbres, il vaut mieux être agile. qu'être gros, parce que souvent, être gros et fort, c'est plutôt un handicap pour se déplacer très rapidement, etc. C'est des courses poursuites dans les arbres. Et donc, on a le dimorphisme sexuel, la différence de taille entre les mâles et les femelles est souvent moins importante chez les espèces arboricoles que chez les espèces terrestres. Et ça, c'est un autre facteur qui va favoriser la dominance des femelles.

  • Speaker #2

    Alors, la domination des femelles, elle est également plus fréquente chez les espèces où les femelles sont philopatriques. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Le fait d'être philopatrique, c'est pour les éthologues la même chose que le fait d'être une société matrilocale pour les anthropologues. C'est une société où les femelles vont rester toute leur vie dans le groupe social où elles sont nées, alors que les mâles, en général, quand ils arrivent à puberté, vont disperser, quitter leur groupe social et rejoindre un autre groupe social où ils vont faire leur carrière reproductive. et donc il y a tous les cas de figure chez les mammifères, y compris chez les primates, des espèces où les femelles sont philopatriques, d'autres où c'est les mâles qui sont philopatriques. Et en fait, nous, ce qu'on pensait, c'est que là où les femelles philopatriques, elles maintiennent des liens sociaux très forts toute leur vie avec leurs apparentés, et que ça leur faciliterait le fait de faire des coalitions entre femelles, contre les mâles, quoi. L'union fait la force. Et donc, de gagner, de s'imposer numériquement, au moins, par rapport aux mâles. Et en fait, donc, c'est... effectivement dans les sociétés philopatriques il y a plus de dominance des femelles donc ça ça va dans ce sens là mais par contre on a aussi testé un autre facteur par rapport à cette hypothèse qui est la capacité des femelles à former des coalitions femelles-femelles c'est pas le cas dans toutes les espèces il y a aussi des espèces où on n'observe jamais de coalition femelle-femelle or il n'y a pas d'effet significatif sur la dominance donc ça étaye pas vraiment notre hypothèse selon laquelle l'union fait la force je pense qu'il faudra plus de recherches pour mieux comprendre ce qui se passe Merci. Et c'est possiblement lié au fait, cet effet de la philopatrie peut refléter le fait que dans les espèces où les mâles sont très dominants, souvent ils vont vraiment influencer les patrons de dispersion des femelles, ils vont un peu disperser les femelles, notamment pour les inclure par exemple dans leur groupe social, dans leur poule de femelles. Et donc en fait ça reflète plutôt une relation entre la dominance des mâles et la dispersion des femelles qu'une relation entre la dominance des femelles et la philopatrie des femelles.

  • Speaker #4

    On a parlé de critères physiques tout à l'heure. Vous avez dit qu'il y avait quand même des espèces où les femelles étaient aussi fortes physiquement que les mâles. Est-ce qu'il y en a où c'est les femelles qui sont plus fortes, plus dominantes physiquement en termes de poids et de dentition que les mâles ?

  • Speaker #1

    Alors c'est très rare chez les mammifères et particulièrement chez les primates. En général, quand il y a un sexe qui est plus gros et mieux armé que l'autre, c'est les mâles. Il y a beaucoup de cas où les femelles sont toutes aussi armées et toutes aussi grosses que les femelles. C'est par contre beaucoup plus rare qu'elles soient plus grosses que les mâles. Ça existe et là je n'ai pas immédiatement une espèce à vous citer. Mais quand ça existe, c'est très discret en fait. L'avantage en faveur des femelles est très discret et c'est peu probable qu'ils donnent vraiment un avantage physique. dans les conflits.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, ce que j'ai dit en introduction, la hyène, finalement, elle n'est pas si grosse que ça.

  • Speaker #1

    Les hyènes, c'est 1 à 2 % de différence de masse corporelle, donc ça ne fait pas du tout forcément la différence au niveau des conflits, il faut plus que ça. Et d'ailleurs, ce qui prolonge ce propos-là, c'est que tant que les différences de taille entre mâles et femelles sont modérées, En fait, n'importe quel sexe peut gagner sur l'autre. Et typiquement, chez les bonobos, les mâles sont un peu plus gros que les femelles, quand même significativement plus gros que les femelles. Ça ne doit pas être très différent de la différence de taille entre les humains hommes et les femmes. Et malgré ça, c'est les femelles qui sont dominantes sur les mâles. Par contre, dans les espèces où le dimorphisme sexuel devient très très marqué, Comme chez, par exemple, les babouins que j'étudie, les babouins chacmal, les mâles sont deux fois plus gros, plus lourds que les femelles. Ou chez les mandrilles, les mâles sont trois fois plus lourds que les femelles. Là, c'est toujours les mâles qui dominent dans ces cas extrêmes.

  • Speaker #2

    Alors, vous vous êtes également intéressée à l'hypothèse d'auto-organisation, c'est-à-dire l'équilibre entre les mâles et les femelles au sein d'un groupe. Est-ce qu'il y a plus de mâles ? Est-ce qu'il y a plus de femelles ? Comment donc ce sexe ratio, il influence le rapport de domination ?

  • Speaker #1

    Oui, on sait que dans les facteurs qui expliquent... La flexibilité des rapports de dominance entre mâles et femelles au sein d'une espèce. Donc voilà ce que vous avez dit, le fait que dans un groupe, il y ait un pourcentage de femelles dominantes plus important que dans un autre groupe. C'est en partie lié à cet effet du sexe ratio. On n'est pas sûr de comprendre complètement bien la relation encore. Il y a plusieurs hypothèses interprétatives et en fait, c'est pas forcément... Ça ne marche pas forcément pareil dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif et dans les espèces où les mâles ont le contrôle reproductif. Mais on pense que par exemple, dans les espèces où les femelles ont le contrôle reproductif, quand il y a plus de mâles, en général elles sont plus dominantes, et probablement parce que le contrôle reproductif ça leur donne un levier de pouvoir sur les mâles, le fait de contrôler l'accès à la reproduction, ça encourage les mâles à être coopératifs pour pouvoir s'accoupler, et du coup quand les femelles sont plus rares... Elles sont, en gros, négociées, exactement. C'est un peu régi par la loi des marchés. C'est d'ailleurs le terme employé, trade markets, par les biologistes pour décrire ce phénomène.

  • Speaker #4

    Alors la relation mère-enfant, elle impacte aussi la dominance entre les mâles et les femelles, avec une plus grande dominance des mâles quand le développement des petits est plus lent, alors qu'une lactation pousse favorise une dominance des femelles. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pour quelles raisons ?

  • Speaker #1

    Oui, on pense que, enfin, notre hypothèse inquiète. qui est aussi inspiré par la littérature anthropologique, mais c'est qu'avoir des longues périodes de dépendance des petits, c'est plutôt un handicap pour les femelles, parce que les femelles qui sont accompagnées d'un bébé dépendant, qui est très vulnérable, elles vont hésiter à s'engager dans des conflits physiques par rapport à des mâles. On sait qu'il y a régulièrement la mortalité des blessures qui sont causées aux petits au cours de conflits qui risquent d'escalader physiquement. et perdre un conflit c'est beaucoup moins grave pour une femelle que perdre un bébé et donc on pense que pendant toutes ces périodes où elles ont un petit dépendant elles vont plutôt fuir les conflits et que ça ne va pas les avantager pour s'imposer par rapport au mâle.

  • Speaker #4

    Et parmi toutes les autres variables qui ont été étudiées, il y a aussi les variables climatiques ou la disponibilité des ressources alimentaires. Est-ce que ça aura un impact sur l'évolution de la dominance entre les mâles et les femelles ? Vous avez pu l'observer ça ?

  • Speaker #1

    Alors, on a testé l'effet de certaines variables climatiques. On n'a pas trouvé des effets. Alors, on a trouvé des effets, mais qui n'étaient pas très facilement interprétables parce que certains allaient dans un sens, d'autres allaient dans un autre. Et donc, il n'y a pas des effets directs très simples, en fait. Et ce n'était pas une grosse surprise parce qu'en général, quand on cherche à comprendre comment les variables climatiques ou écologiques influencent les systèmes sociaux, souvent, ce n'est pas des effets directs et simples. Et donc là, ce qui se passe, c'est que les variables de saisonnalité, par exemple, dans les environnements très saisonniers, ça va... déterminer les patrons de reproduction saisonnière des femelles. Est-ce que la saison de reproduction, la saison où les femelles sont fertiles est longue ou non ? Et plus cette saison est courte, plus ça va avantager la dominance des femelles. Ça leur donne plus de contrôle sur la reproduction. Il y a moins de périodes où elles sont vulnérables par rapport à la coercition des mâles. Donc, on pense que c'est plutôt lié. Le climat va influencer, façonner les stratégies de reproduction des femelles et les stratégies d'histoire de vie qui vont elles-mêmes façonner Merci. les relations sociales.

  • Speaker #2

    Les auditeurs vivent avec nous les travaux qui bougent devant la radio. Pour terminer, on l'a dit en introduction, il y a quand même eu ce mythe de la domination masculine dans le règne animal qui s'est imposé pendant très longtemps. Est-ce que finalement, ce n'est pas une projection des observateurs qui ont souvent été des hommes, des mâles aussi, une projection du patriarcat humain sur les animaux ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une question qui m'est souvent posée et à juste titre en fait, parce que c'est l'exemple des primatologues. Il a été très utilisé par les philosophes féministes et des études de genre dans les années 80, notamment par Donna Araouet, qui est une très très grande philosophe, très inspirante, qui a développé cette théorie des savoirs situés qui montrait que... Un scientifique, pour être scientifique, il n'en est pas moins un humain qui est façonné par les stéréotypes de la société dans laquelle il vit. Et que ça va souvent influencer la science qu'il fait. Et que la science n'est pas toujours aussi objective qu'elle voudrait bien le prétendre. Et elle a utilisé l'exemple des primatologues en montrant que du temps où la primatologie était encore très masculine, dans les années 60-70, ils se sont beaucoup intéressés vraiment au rapport de dominance entre mâles au conflit physique entre mâles etc sans beaucoup regarder ce qui se passait chez les femelles les mâles occupaient toute la place et ils semblaient très dominants et les seuls dans la... et quand la primatologie s'est féminisée ça a vraiment beaucoup changé déjà les questions qui étaient étudiées on s'est beaucoup plus intéressé aux femelles, aux relations mère-enfant aux stratégies des femelles, ça a beaucoup diversifié les questions mais aussi on s'est rendu compte que Les mâles n'étaient pas si dominants, comme cette étude le montre, que ce qu'on pensait, et que les enjeux de pouvoir n'étaient pas toujours dominés par les mâles, etc. Donc ça a vraiment changé la façon dont on a regardé les sociétés primates. Donc ça lui a plutôt donné raison. Après, il faut nuancer par le fait que, bien sûr, la primatologie a connu tout un essor, une effervescence. Les primatologues ont été documentés d'autres espèces, dans d'autres milieux, dans d'autres écologies. Et donc c'est aussi ça qui a contribué à diversifier notre image des sociétés primates. Voilà.

  • Speaker #2

    Je vais vous faire réagir à une citation de François Zéritier, l'anthropologue François Zéritier, grande spécialiste de la domination masculine. Dans l'ouvrage Masculin Féminin, elle écrivait « On nous parle d'une nature, d'une nature qui serait plus violente chez les hommes, qui serait fondamentalement dominatrice, et on nous parle aussi d'accès de bestialité. Dans tous les cas, on a tout faux. Ce n'est pas une nature, c'est une culture. C'est justement parce que les humains sont capables de penser qu'ils ont... érigé un système qui est un système de valance différentielle des sexes. Et cela s'est passé il y a fort longtemps. Alors est-ce qu'on peut en conclure qu'il existe des cultures animales ?

  • Speaker #1

    Oui, après sur cette citation de Florence Héritier, il y a beaucoup à dire. Déjà, on peut commencer par reprendre les résultats importants de cette étude qui montre que la dominance des mâles n'est pas du tout la norme chez les sociétés primates, comme on le pensait. Ce qui nuance vraiment cette idée de naturaliser la dominance masculine et la violence du côté des mâles. En fait, les sociétés non humaines, elles sont très diverses, c'est ce qu'on l'a dit, et pas forcément y compris des sociétés non humaines qui sont très proches phylogénétiquement des humains, comme celle des bonobos, où c'est les femelles qui sont le sexe dominant. Donc ça déjà, ça nous incite à vraiment beaucoup de... de prudence sur la naturalisation de la domination masculine. Pour l'instant, en tout cas, ce n'est pas du tout ce que disent nos résultats. Ça va plutôt dans le sens inverse. Et pour ce qui est des influences culturelles, c'est possible effectivement quand on regarde les sociétés, l'intensité, les formes que prennent la dominance masculine chez les primates non-humains et chez les humains. Il semblerait que ce soit peut-être plutôt pire chez les humains que chez les non-humains. Donc là aussi, ça nuance un peu cette idée-là. conforte un peu l'idée qu'il y a des facteurs culturels peut-être très importants pour comprendre le patriarcat chez les humains. Et enfin, effectivement, là on peut noter qu'on est vraiment au tout début de notre compréhension de l'importance des facteurs culturels chez les non-humains, mais que nous c'est une de nos pistes de recherche maintenant, on essaie vraiment de comprendre à quel point les facteurs culturels peuvent aussi façonner les sociétés des non-humains. Jusqu'à présent, on s'est intéressé à des comportements un peu isolés pour démontrer que c'est un peu que c'était possible qu'ils soient transmis culturellement, et pour démontrer que c'était possible que les animaux aient des comportements culturels, ça, ça y est, c'est admis complètement, c'est très bien établi scientifiquement. Donc maintenant, on est plutôt à essayer de comprendre vraiment l'importance des facteurs culturels sur à quel point ça peut façonner, par exemple, toute une structure sociale, tout un système de communication, comme ça peut peut-être être le cas chez... enfin, comme c'est clairement le cas dans les sociétés humaines. C'est encore trop tôt pour avoir des résultats tangibles là-dessus. C'est une énorme entreprise. Je pense qu'il y a tout un pan de l'éthologie en ce moment qui s'attache à ça.

  • Speaker #4

    Et on continuera de suivre vos travaux. Vous retournez bientôt sur le terrain ?

  • Speaker #1

    L'été prochain. Tous les étés.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup Élise Huchard.

  • Speaker #1

    Avec plaisir.

  • Speaker #4

    Et on passe maintenant à notre séquence report. Pour ce deuxième reportage à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier, nous partons sur le plateau de palynologie, qui comme son nom ne l'indique pas forcément, est l'étude des grains de pollen. Sylvie Roulant nous montre dans un premier temps comment on extrait les grains de pollen des sédiments pour ensuite les identifier au microscope. Et avec près de 30 000 taxons, la collection de référence de l'ISEM est l'une des plus importantes collections palynologiques au monde.

  • Speaker #5

    Bonjour, je m'appelle Sylvie Roulant et je travaille à l'ISEM. dans l'équipe DIP et je m'occupe de la salle de palynologie. Alors, c'est l'étude des grains de pollen. Voilà, donc l'étude des grains de pollen va vous permettre de reconstituer un petit peu en environnement par rapport à la végétation, au climat et à l'impact anthropique.

  • Speaker #4

    On entre dans une salle avec un sas et des blouses blanches. Qu'est-ce que c'est cette salle ?

  • Speaker #5

    C'est la salle où on fait les extractions des grains de pollen à partir des carottes sédimentaires. On s'équipe de blouses pour éviter de contaminer nos prélèvements.

  • Speaker #4

    Qu'est-ce que vous récupérez comme matériaux et comment vous procédez pour en extraire les grains de pollen ?

  • Speaker #5

    Je récupère quelques grammes de sédiments et ensuite je leur fais différents traitements chimiques, aussi en fonction de la nature du sédiment. On peut par exemple éliminer les carbonates, défloculer les sédiments, faire des tamisages. Le but étant de nettoyer au maximum ces sédiments sans détériorer les grains de pollen, mais qui sont quand même assez costauds et on peut utiliser des produits extrêmement dangereux. C'est pour ça qu'on travaille sous sorbonne. Donc ça nous préserve, nous. Et ça préserve aussi les échantillons d'une éventuelle contamination qui aurait pu se faire dans la pièce.

  • Speaker #4

    Et de là, vous les mettez donc sur une lame pour les passer dans la pièce où il y a les microscopes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Ensuite, on monte nos... ça s'appelle des culots, les échantillons qu'on a recueillis à la fin du traitement. On les monte sur des lames, entre lame et lamelle. Et ensuite, on passe dans la salle de microscopie pour les... Enfin, les identifier et les compter.

  • Speaker #4

    Combien ça mesure un grain de pollen, c'est tout petit ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est tout petit, c'est entre 10 et 50 microns. Voilà. Alors, sur votre lame, vous avez différents types de grains de pollen. Donc, la première chose, ça va être de commencer à prendre la reconnaissance des différents types de grains de pollen. Ils ont des caractéristiques spécifiques qui permettent de les identifier.

  • Speaker #4

    Vous avez ce poster là-bas où on va regarder.

  • Speaker #5

    Ce qui permet de les reconnaître, c'est la taille, la forme. Et vous voyez, vous avez des sillons, ce sont les traits que l'on peut voir, ou des pores, on va dire ces ouvertures. Certains ont des ballonnets, donc toutes ces caractéristiques vont permettre d'identifier un grain de pollen.

  • Speaker #4

    Et donc à partir du grain de pollen sous le microscope, vous arrivez à déterminer de quelle plante il s'agit ?

  • Speaker #5

    Alors la famille, le genre, mais au moins la famille, oui. Là par exemple, vous avez un atlas, comme on passe devant, où vous avez des photos. Donc l'atlas, c'est un peu comme une collection de références, mais au moins c'est plus facile à consulter. Ou vous avez des grains de pollen. qui sont pris en photo sous différents angles, avec les différentes caractéristiques. Et donc ça, c'est un outil de travail très important pour les chercheurs en palynologie.

  • Speaker #4

    Et alors justement, les boîtes dont vous m'avez parlé tout à l'heure, j'en vois beaucoup. Combien vous avez d'échantillons de grains de pollen ici à l'ISEM ?

  • Speaker #5

    Alors, dans ces boîtes, on a environ 50 000 lames.

  • Speaker #4

    Avec à chaque fois des variétés différentes ?

  • Speaker #5

    Exactement. Oui, alors il y a des taxons qui peuvent se retrouver sur différentes lames, mais ils vont provenir d'origines géographiques différentes, donc ils ne vont pas forcément avoir tout à fait les mêmes caractéristiques physiques.

  • Speaker #4

    Là, c'est des pollens du monde entier ou il y a des régions en particulier ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est des pollens du monde entier et on a une jolie collection d'Asie et d'Afrique. Donc ça, ce sont des grains de pollen actuels. Et la collection, elle a débuté dans les années, en 1945, je crois. Et alors, cette collection, on a quelque chose qui est important aussi. On l'a transformée, oui, on peut dire ça, en base de données et qui est consultable par tout le monde. Donc l'avantage, c'est que quelqu'un qui travaille en Bretagne peut regarder s'il y a le taxon qu'elle cherche, des photos. Et si jamais il n'y a pas de photo, elle peut nous contacter, on peut lui en faire. C'est plus pratique qu'un petit voyage.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Aline. Allume la science, c'est déjà fini pour aujourd'hui. Un grand merci à Alice Rollet pour la réalisation de cette émission. On se retrouve la semaine prochaine. D'ici là, restez branchés.

  • Speaker #6

    Allume la science la science Une nombreuse manière d'essayer de... ...outiné l'homme.

  • Speaker #0

    Eh bien, imagine que toute forme de vie sur Terre meurt instantanément et que chaque molécule de ton corps explose à la vitesse de la lumière. Sort de relativisme absolu. Averso-bombelade de la charge des protons.

  • Speaker #4

    La Terre va entendre ces nœuds. Allume la science.

Share

Embed

You may also like