Une radio participative sur WhatsApp en Afrique de l’Ouest, avec Israël Guebo cover
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A Parte

Une radio participative sur WhatsApp en Afrique de l’Ouest, avec Israël Guebo

Une radio participative sur WhatsApp en Afrique de l’Ouest, avec Israël Guebo

30min |18/06/2020
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Une radio participative sur WhatsApp en Afrique de l’Ouest, avec Israël Guebo cover
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Une radio participative sur WhatsApp en Afrique de l’Ouest, avec Israël Guebo

Une radio participative sur WhatsApp en Afrique de l’Ouest, avec Israël Guebo

30min |18/06/2020
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Description

Ce nouvel épisode d’A parte nous emmène en Côte d’Ivoire, où les jeunes journalistes se tournent de plus en plus vers la communication digitale. Formé à l’ESJ Lille, puis revenu à Abidjan, Israël Guebo innove depuis 10 ans dans les médias en Afrique de l’Ouest. Son dernier projet en date est une radio militante et bénévole qui lutte contre les fake news en diffusant des informations vérifiées sur WhatsApp, Twitter et Facebook. Depuis le début de la crise du coronavirus, WAmédias joue ainsi un rôle fondamental pour sensibiliser et éduquer la population. Son JT touche de nombreux Ivoiriens, au pays et à l’étranger, notamment grâce à la reprise des contenus par des radios communautaires, qui assurent une traduction en langues locales. Dans les prochains mois, WAmédias pourrait continuer son travail de fact-checking à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

Avant Wamédias, Israël Guebo a mené de nombreux autres projets journalistiques, souvent participatif, toujours militant, pour que les médias gardent toute leur place dans le pays. Il a notamment créé une école de journalisme afin d'insuffler aux jeunes le même enthousiasme qui l’anime depuis 10 ans.

-----

L'essentiel de l'épisode 

[00:04:05.460]

La Côte d'Ivoire a eu son premier cas d'infection au coronavirus le 11 mars. Et dans la foulée, il y a eu beaucoup d'informations qui circulaient, disant par exemple que le soleil tue le coronavirus. Que les Noirs ne meurent pas du coronavirus. Qu’il faut boire de l'eau chaude pour lutter contre le coronavirus. Et à côté de ça, on s'est rendu compte que l'information institutionnelle donnée par le gouvernement restait au niveau au sommet, ne descendait pas auprès des populations. On s'est dit : il faut qu'on arrive à récupérer ces informations, à vérifier et à les diffuser auprès des populations, qu'elles soient en ville ou village. Parce que finalement, ces informations trouvent le bouche à oreille et deuxièmement, faire un écho, faire un relais aux informations officielles qui permettent également de contrer les fake news.

[00:05:27.970]

Au tout début, on a lancé un appel à contribution. On a dit : que vous soyez en Chine, au Japon, au Congo-Kinshasa, à Brazzaville, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, si vous avez envie de témoigner sur la situation du coronavirus chez vous, rejoignez ce qu'on appelle la salle de rédaction, qui est en fait un groupe Facebook. Aujourd'hui, près de 600 personnes ont adhéré. Et c'est ainsi que on reçoit des éléments un peu partout dans le monde. Ensuite, nous, on a trois, quatre journalistes qui sont ici à Abidjan et qui vérifient l'information et ensuite diffusent via WhatsApp.

[00:07:47.070]

WA médias est inspiré de situations qui existent ici en Côte d'Ivoire. Je me suis rendu compte que dans un village, une femme qui ne savait ni lire ni écrire utilisait WhatsApp pour vendre de l'huile de palme. Elle faisait des notes vocales dans la langue locale, les personnes passaient commande également via une note vocale. J’ai trouvé que c'était une façon assez innovante de communiquer et qu’on pouvait l'adapter à la diffusion de l'information. D'autant plus qu'aujourd'hui aujourd'hui, WhatsApp devient un grand diffuseur de la désinformation. Si on veut contrer les fakes news, c’est sur ce terrain là que nous devons jouer et c’est pourquoi on est arrivé sur WhatsApp.

[00:09:05.070]

C’est entièrement bénévole. Et pour être très honnête, je l’ai fait sur un coup de tête. Moi, j'adore la radio, et je me suis dit : qu'est ce qu'on peut faire avec des amis ?

[00:09:40.970]

On a eu des radios rurales, des radios communautaires qui nous ont approché. Il y en a aujourd'hui qui récupèrent le son brut du journal et le diffusent sur leurs antennes ensuite, notamment deux radios dans le centre du pays. Elles vont prendre cet élément des reportages et les traduire en langue locale. Donc, indirectement, on arrive à toucher les populations rurales via les radios communautaires. 

[00:11:27.550]

Qui sont les auditeurs qui vous contactent pour poser des questions aux auditeurs?

Il y en a qui qui posent des questions sur des informations et qu’ils veulent qu'on vérifie. Et pour “auditeurs à l'antenne”, ils répondent plutôt à une question. Le vendredi, nous mettons la question de la semaine dans le groupe WhatsApp et sur Facebook. Ils ont toute la journée du vendredi et du samedi pour nous envoyer leurs réponses en 60 secondes par notes vocales. Et après, on met tout cela bout en bout.

[00:12:39.660]

Comment vous gérez ça sur WhatsApp? On sait que les groupes ont une limite à 256 personnes.

Alors on crée des listes de diffusion. Donc aujourd'hui, nous sommes à sept liste de diffusion et chaque liste de diffusion peut prendre jusqu'à 256 personnes. Donc on imagine que 7 fois 256 personnes vont écouter les émissions.

Mais parallèlement, vous diffusez aussi sur Facebook et sur Twitter?

[00:13:33.150]

Oui, parce que tout le monde n'est pas sur WhatsApp. On a aussi près de 5000 personnes qui sont abonnées à notre page Facebook et à notre compte Twitter. Le fait déjà qu'on ait près de 2000 personnes qui entendent la bonne information, c'est déjà un pas. Petite anecdote : chaque soir avant le journal, nous envoyons les chiffres officiels du coronavirus en Côte d'Ivoire. Et quand, à 20 heures, on n'a pas envoyé les chiffres du jour, même si le ministère de la Santé a publié officiellement les informations, les auditeurs attendent WAmédias avant de se dire : OK, c'est vrai. Donc, cette crédibilité là, elle est assise. Et puis derrière, on se dit que c'est un projet qui est duplicable partout, par exemple sur les élections.

[00:14:52.490]

On l'a entendu dans l'extrait il y a quelques minutes, la Côte d'Ivoire va avoir des élections à l'automne. Quel rôle pourrait jouer WAmédias à ce moment là et dans quel avenir?

Au regard de ce petit succès, je me dis qu’on peut être utile dans cette période pré électorale parce qu'on sait très bien qu'à l'approche des élections en Côte d'Ivoire ou ailleurs d'ailleurs, il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Et aujourd'hui, cette radio peut servir à donner de la bonne information. Donner la bonne information, c'est aussi garantir un climat de stabilité et de paix. On a aussi un rôle d'éducation. D'ailleurs, notre slogan, c'est informer, éduquer, sensibiliser.

[00:19:38.830]

Tu es passé par l’ESJ Lille avant de revenir en Côte d'Ivoire pour lancer de nouveaux médias comme Avenue 225, qui était un site participatif à l'époque, dans la veine de ce que proposait Rue89. Tu as aussi donné beaucoup de formations en Afrique de l'Ouest. Quel est le regard que tu portes, toi, sur l'innovation média en Afrique de l'Ouest?

[00:20:00.220]

Je pense que on a eu un gros retard au niveau justement des médias et du développement des médias en Afrique de l'Ouest, notamment francophones. Et puis, sur les 4, 5 dernières années, on a vraiment une sorte de révolution qui se met en place en utilisant les réseaux sociaux. De plus en plus de journalistes sont sur les réseaux sociaux, de plus en plus de journalistes créent leurs blogs, des médias intègrent l'interaction. Dans le site internet, on amène du multimédia, donc on a vraiment cette ébullition.

Ça, c'est le côté technique, mais après, on a toujours de gros défis au niveau éditorial et au niveau de l'éthique, parce que les habitudes journalistiques qu'on avait dans la presse papier se retrouvent aussi sur Internet. Ca veut dire qu’on va privilégier une conférence de presse plutôt qu'un reportage dans lequel on prend le temps de vérifier une information avant de la diffuser.

[00:23:51.970]

Est ce que, selon toi, le métier de journaliste attire encore en Côte d'Ivoire?

Je peux répondre directement : le journalisme n’attire plus en Côte d'Ivoire. La plupart des jeunes formés notamment dans les écoles de journalisme ici, notamment à l'Institut supérieur des sciences de la communication STC, virent tous vers la communication, pour finir, comme attaché de presse, parce que c'est là où il y a beaucoup plus d'argent que le journalisme. Mais je pense que c'est une mauvaise approche de l'environnement. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a un gros désamour entre les lecteurs et les journalistes parce qu'ils ont longtemps été habitués à ce qu'on appelle la titrologie.

La titrologie, pour ceux qui ne savent pas, c'est le fait de s'informer en regardant uniquement les titres des journaux sans acheter. Pendant vingt ans on a été habitués à ça. Les populations ne savent pas pourquoi acheter un journal. Il y a quelques années, les coûts des journaux ont augmenté autour de 300 francs CFA. Environ 50 centimes. 50 centimes, c'est le prix d'un plat pour manger à midi, donc pour le lecteur le choix est tout de suite fait. Et puis, Internet est arrivé, qui est beaucoup plus dans l'instantané. Un événement qui a lieu le samedi, on va voir le même samedi. Alors que la presse écrite, on va attendre jusqu'au lundi pour avoir tout ça. 

[00:26:24.560]

Donc, non, le métier du journalisme lui même n'est plus sexy aujourd'hui. Celui de la com attire, celui de la com digitale encore plus. Mais justement, notre travail avec l'Institut africain des médias, c'est de redonner le goût, de redonner une certaine beauté aux journalistes en disant aux gens : si vous vous êtes un bon journaliste, vous avez des chances de réussir parce que moi, je suis un exemple palpable. 

[00:26:49.950]

Et toi, qu'est ce qui fait que tu tiens?

Je pense que ce sont mes collaborations avec des médias étrangers, notamment. J'ai été correspondant pour la rédaction web de TV5 pendant 8 ans. Pendant cinq ans, de 2008 jusqu'à 2013, j'ai collaboré avec des magazines en Europe, en France, notamment avec le magazine Altermondes. Toutes ces collaborations là m'ont amené aussi à me dire que finalement, quand tu fais ton travail de journaliste, tu peux avoir des opportunités à l'international. Et puis, finalement, je me sens investi d'une mission de transmettre tout ça à une génération qui est un peu déphasée, un peu perdue, un peu découragée, un peu déçue de masquer la médiocrité présentée les 20 dernières années.

-----

Crédits 

Interviews : Philippe Couve, Marianne Rigaux
Idée originale :  Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr

Description

Ce nouvel épisode d’A parte nous emmène en Côte d’Ivoire, où les jeunes journalistes se tournent de plus en plus vers la communication digitale. Formé à l’ESJ Lille, puis revenu à Abidjan, Israël Guebo innove depuis 10 ans dans les médias en Afrique de l’Ouest. Son dernier projet en date est une radio militante et bénévole qui lutte contre les fake news en diffusant des informations vérifiées sur WhatsApp, Twitter et Facebook. Depuis le début de la crise du coronavirus, WAmédias joue ainsi un rôle fondamental pour sensibiliser et éduquer la population. Son JT touche de nombreux Ivoiriens, au pays et à l’étranger, notamment grâce à la reprise des contenus par des radios communautaires, qui assurent une traduction en langues locales. Dans les prochains mois, WAmédias pourrait continuer son travail de fact-checking à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

Avant Wamédias, Israël Guebo a mené de nombreux autres projets journalistiques, souvent participatif, toujours militant, pour que les médias gardent toute leur place dans le pays. Il a notamment créé une école de journalisme afin d'insuffler aux jeunes le même enthousiasme qui l’anime depuis 10 ans.

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L'essentiel de l'épisode 

[00:04:05.460]

La Côte d'Ivoire a eu son premier cas d'infection au coronavirus le 11 mars. Et dans la foulée, il y a eu beaucoup d'informations qui circulaient, disant par exemple que le soleil tue le coronavirus. Que les Noirs ne meurent pas du coronavirus. Qu’il faut boire de l'eau chaude pour lutter contre le coronavirus. Et à côté de ça, on s'est rendu compte que l'information institutionnelle donnée par le gouvernement restait au niveau au sommet, ne descendait pas auprès des populations. On s'est dit : il faut qu'on arrive à récupérer ces informations, à vérifier et à les diffuser auprès des populations, qu'elles soient en ville ou village. Parce que finalement, ces informations trouvent le bouche à oreille et deuxièmement, faire un écho, faire un relais aux informations officielles qui permettent également de contrer les fake news.

[00:05:27.970]

Au tout début, on a lancé un appel à contribution. On a dit : que vous soyez en Chine, au Japon, au Congo-Kinshasa, à Brazzaville, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, si vous avez envie de témoigner sur la situation du coronavirus chez vous, rejoignez ce qu'on appelle la salle de rédaction, qui est en fait un groupe Facebook. Aujourd'hui, près de 600 personnes ont adhéré. Et c'est ainsi que on reçoit des éléments un peu partout dans le monde. Ensuite, nous, on a trois, quatre journalistes qui sont ici à Abidjan et qui vérifient l'information et ensuite diffusent via WhatsApp.

[00:07:47.070]

WA médias est inspiré de situations qui existent ici en Côte d'Ivoire. Je me suis rendu compte que dans un village, une femme qui ne savait ni lire ni écrire utilisait WhatsApp pour vendre de l'huile de palme. Elle faisait des notes vocales dans la langue locale, les personnes passaient commande également via une note vocale. J’ai trouvé que c'était une façon assez innovante de communiquer et qu’on pouvait l'adapter à la diffusion de l'information. D'autant plus qu'aujourd'hui aujourd'hui, WhatsApp devient un grand diffuseur de la désinformation. Si on veut contrer les fakes news, c’est sur ce terrain là que nous devons jouer et c’est pourquoi on est arrivé sur WhatsApp.

[00:09:05.070]

C’est entièrement bénévole. Et pour être très honnête, je l’ai fait sur un coup de tête. Moi, j'adore la radio, et je me suis dit : qu'est ce qu'on peut faire avec des amis ?

[00:09:40.970]

On a eu des radios rurales, des radios communautaires qui nous ont approché. Il y en a aujourd'hui qui récupèrent le son brut du journal et le diffusent sur leurs antennes ensuite, notamment deux radios dans le centre du pays. Elles vont prendre cet élément des reportages et les traduire en langue locale. Donc, indirectement, on arrive à toucher les populations rurales via les radios communautaires. 

[00:11:27.550]

Qui sont les auditeurs qui vous contactent pour poser des questions aux auditeurs?

Il y en a qui qui posent des questions sur des informations et qu’ils veulent qu'on vérifie. Et pour “auditeurs à l'antenne”, ils répondent plutôt à une question. Le vendredi, nous mettons la question de la semaine dans le groupe WhatsApp et sur Facebook. Ils ont toute la journée du vendredi et du samedi pour nous envoyer leurs réponses en 60 secondes par notes vocales. Et après, on met tout cela bout en bout.

[00:12:39.660]

Comment vous gérez ça sur WhatsApp? On sait que les groupes ont une limite à 256 personnes.

Alors on crée des listes de diffusion. Donc aujourd'hui, nous sommes à sept liste de diffusion et chaque liste de diffusion peut prendre jusqu'à 256 personnes. Donc on imagine que 7 fois 256 personnes vont écouter les émissions.

Mais parallèlement, vous diffusez aussi sur Facebook et sur Twitter?

[00:13:33.150]

Oui, parce que tout le monde n'est pas sur WhatsApp. On a aussi près de 5000 personnes qui sont abonnées à notre page Facebook et à notre compte Twitter. Le fait déjà qu'on ait près de 2000 personnes qui entendent la bonne information, c'est déjà un pas. Petite anecdote : chaque soir avant le journal, nous envoyons les chiffres officiels du coronavirus en Côte d'Ivoire. Et quand, à 20 heures, on n'a pas envoyé les chiffres du jour, même si le ministère de la Santé a publié officiellement les informations, les auditeurs attendent WAmédias avant de se dire : OK, c'est vrai. Donc, cette crédibilité là, elle est assise. Et puis derrière, on se dit que c'est un projet qui est duplicable partout, par exemple sur les élections.

[00:14:52.490]

On l'a entendu dans l'extrait il y a quelques minutes, la Côte d'Ivoire va avoir des élections à l'automne. Quel rôle pourrait jouer WAmédias à ce moment là et dans quel avenir?

Au regard de ce petit succès, je me dis qu’on peut être utile dans cette période pré électorale parce qu'on sait très bien qu'à l'approche des élections en Côte d'Ivoire ou ailleurs d'ailleurs, il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Et aujourd'hui, cette radio peut servir à donner de la bonne information. Donner la bonne information, c'est aussi garantir un climat de stabilité et de paix. On a aussi un rôle d'éducation. D'ailleurs, notre slogan, c'est informer, éduquer, sensibiliser.

[00:19:38.830]

Tu es passé par l’ESJ Lille avant de revenir en Côte d'Ivoire pour lancer de nouveaux médias comme Avenue 225, qui était un site participatif à l'époque, dans la veine de ce que proposait Rue89. Tu as aussi donné beaucoup de formations en Afrique de l'Ouest. Quel est le regard que tu portes, toi, sur l'innovation média en Afrique de l'Ouest?

[00:20:00.220]

Je pense que on a eu un gros retard au niveau justement des médias et du développement des médias en Afrique de l'Ouest, notamment francophones. Et puis, sur les 4, 5 dernières années, on a vraiment une sorte de révolution qui se met en place en utilisant les réseaux sociaux. De plus en plus de journalistes sont sur les réseaux sociaux, de plus en plus de journalistes créent leurs blogs, des médias intègrent l'interaction. Dans le site internet, on amène du multimédia, donc on a vraiment cette ébullition.

Ça, c'est le côté technique, mais après, on a toujours de gros défis au niveau éditorial et au niveau de l'éthique, parce que les habitudes journalistiques qu'on avait dans la presse papier se retrouvent aussi sur Internet. Ca veut dire qu’on va privilégier une conférence de presse plutôt qu'un reportage dans lequel on prend le temps de vérifier une information avant de la diffuser.

[00:23:51.970]

Est ce que, selon toi, le métier de journaliste attire encore en Côte d'Ivoire?

Je peux répondre directement : le journalisme n’attire plus en Côte d'Ivoire. La plupart des jeunes formés notamment dans les écoles de journalisme ici, notamment à l'Institut supérieur des sciences de la communication STC, virent tous vers la communication, pour finir, comme attaché de presse, parce que c'est là où il y a beaucoup plus d'argent que le journalisme. Mais je pense que c'est une mauvaise approche de l'environnement. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a un gros désamour entre les lecteurs et les journalistes parce qu'ils ont longtemps été habitués à ce qu'on appelle la titrologie.

La titrologie, pour ceux qui ne savent pas, c'est le fait de s'informer en regardant uniquement les titres des journaux sans acheter. Pendant vingt ans on a été habitués à ça. Les populations ne savent pas pourquoi acheter un journal. Il y a quelques années, les coûts des journaux ont augmenté autour de 300 francs CFA. Environ 50 centimes. 50 centimes, c'est le prix d'un plat pour manger à midi, donc pour le lecteur le choix est tout de suite fait. Et puis, Internet est arrivé, qui est beaucoup plus dans l'instantané. Un événement qui a lieu le samedi, on va voir le même samedi. Alors que la presse écrite, on va attendre jusqu'au lundi pour avoir tout ça. 

[00:26:24.560]

Donc, non, le métier du journalisme lui même n'est plus sexy aujourd'hui. Celui de la com attire, celui de la com digitale encore plus. Mais justement, notre travail avec l'Institut africain des médias, c'est de redonner le goût, de redonner une certaine beauté aux journalistes en disant aux gens : si vous vous êtes un bon journaliste, vous avez des chances de réussir parce que moi, je suis un exemple palpable. 

[00:26:49.950]

Et toi, qu'est ce qui fait que tu tiens?

Je pense que ce sont mes collaborations avec des médias étrangers, notamment. J'ai été correspondant pour la rédaction web de TV5 pendant 8 ans. Pendant cinq ans, de 2008 jusqu'à 2013, j'ai collaboré avec des magazines en Europe, en France, notamment avec le magazine Altermondes. Toutes ces collaborations là m'ont amené aussi à me dire que finalement, quand tu fais ton travail de journaliste, tu peux avoir des opportunités à l'international. Et puis, finalement, je me sens investi d'une mission de transmettre tout ça à une génération qui est un peu déphasée, un peu perdue, un peu découragée, un peu déçue de masquer la médiocrité présentée les 20 dernières années.

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Crédits 

Interviews : Philippe Couve, Marianne Rigaux
Idée originale :  Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr

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Ce nouvel épisode d’A parte nous emmène en Côte d’Ivoire, où les jeunes journalistes se tournent de plus en plus vers la communication digitale. Formé à l’ESJ Lille, puis revenu à Abidjan, Israël Guebo innove depuis 10 ans dans les médias en Afrique de l’Ouest. Son dernier projet en date est une radio militante et bénévole qui lutte contre les fake news en diffusant des informations vérifiées sur WhatsApp, Twitter et Facebook. Depuis le début de la crise du coronavirus, WAmédias joue ainsi un rôle fondamental pour sensibiliser et éduquer la population. Son JT touche de nombreux Ivoiriens, au pays et à l’étranger, notamment grâce à la reprise des contenus par des radios communautaires, qui assurent une traduction en langues locales. Dans les prochains mois, WAmédias pourrait continuer son travail de fact-checking à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

Avant Wamédias, Israël Guebo a mené de nombreux autres projets journalistiques, souvent participatif, toujours militant, pour que les médias gardent toute leur place dans le pays. Il a notamment créé une école de journalisme afin d'insuffler aux jeunes le même enthousiasme qui l’anime depuis 10 ans.

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L'essentiel de l'épisode 

[00:04:05.460]

La Côte d'Ivoire a eu son premier cas d'infection au coronavirus le 11 mars. Et dans la foulée, il y a eu beaucoup d'informations qui circulaient, disant par exemple que le soleil tue le coronavirus. Que les Noirs ne meurent pas du coronavirus. Qu’il faut boire de l'eau chaude pour lutter contre le coronavirus. Et à côté de ça, on s'est rendu compte que l'information institutionnelle donnée par le gouvernement restait au niveau au sommet, ne descendait pas auprès des populations. On s'est dit : il faut qu'on arrive à récupérer ces informations, à vérifier et à les diffuser auprès des populations, qu'elles soient en ville ou village. Parce que finalement, ces informations trouvent le bouche à oreille et deuxièmement, faire un écho, faire un relais aux informations officielles qui permettent également de contrer les fake news.

[00:05:27.970]

Au tout début, on a lancé un appel à contribution. On a dit : que vous soyez en Chine, au Japon, au Congo-Kinshasa, à Brazzaville, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, si vous avez envie de témoigner sur la situation du coronavirus chez vous, rejoignez ce qu'on appelle la salle de rédaction, qui est en fait un groupe Facebook. Aujourd'hui, près de 600 personnes ont adhéré. Et c'est ainsi que on reçoit des éléments un peu partout dans le monde. Ensuite, nous, on a trois, quatre journalistes qui sont ici à Abidjan et qui vérifient l'information et ensuite diffusent via WhatsApp.

[00:07:47.070]

WA médias est inspiré de situations qui existent ici en Côte d'Ivoire. Je me suis rendu compte que dans un village, une femme qui ne savait ni lire ni écrire utilisait WhatsApp pour vendre de l'huile de palme. Elle faisait des notes vocales dans la langue locale, les personnes passaient commande également via une note vocale. J’ai trouvé que c'était une façon assez innovante de communiquer et qu’on pouvait l'adapter à la diffusion de l'information. D'autant plus qu'aujourd'hui aujourd'hui, WhatsApp devient un grand diffuseur de la désinformation. Si on veut contrer les fakes news, c’est sur ce terrain là que nous devons jouer et c’est pourquoi on est arrivé sur WhatsApp.

[00:09:05.070]

C’est entièrement bénévole. Et pour être très honnête, je l’ai fait sur un coup de tête. Moi, j'adore la radio, et je me suis dit : qu'est ce qu'on peut faire avec des amis ?

[00:09:40.970]

On a eu des radios rurales, des radios communautaires qui nous ont approché. Il y en a aujourd'hui qui récupèrent le son brut du journal et le diffusent sur leurs antennes ensuite, notamment deux radios dans le centre du pays. Elles vont prendre cet élément des reportages et les traduire en langue locale. Donc, indirectement, on arrive à toucher les populations rurales via les radios communautaires. 

[00:11:27.550]

Qui sont les auditeurs qui vous contactent pour poser des questions aux auditeurs?

Il y en a qui qui posent des questions sur des informations et qu’ils veulent qu'on vérifie. Et pour “auditeurs à l'antenne”, ils répondent plutôt à une question. Le vendredi, nous mettons la question de la semaine dans le groupe WhatsApp et sur Facebook. Ils ont toute la journée du vendredi et du samedi pour nous envoyer leurs réponses en 60 secondes par notes vocales. Et après, on met tout cela bout en bout.

[00:12:39.660]

Comment vous gérez ça sur WhatsApp? On sait que les groupes ont une limite à 256 personnes.

Alors on crée des listes de diffusion. Donc aujourd'hui, nous sommes à sept liste de diffusion et chaque liste de diffusion peut prendre jusqu'à 256 personnes. Donc on imagine que 7 fois 256 personnes vont écouter les émissions.

Mais parallèlement, vous diffusez aussi sur Facebook et sur Twitter?

[00:13:33.150]

Oui, parce que tout le monde n'est pas sur WhatsApp. On a aussi près de 5000 personnes qui sont abonnées à notre page Facebook et à notre compte Twitter. Le fait déjà qu'on ait près de 2000 personnes qui entendent la bonne information, c'est déjà un pas. Petite anecdote : chaque soir avant le journal, nous envoyons les chiffres officiels du coronavirus en Côte d'Ivoire. Et quand, à 20 heures, on n'a pas envoyé les chiffres du jour, même si le ministère de la Santé a publié officiellement les informations, les auditeurs attendent WAmédias avant de se dire : OK, c'est vrai. Donc, cette crédibilité là, elle est assise. Et puis derrière, on se dit que c'est un projet qui est duplicable partout, par exemple sur les élections.

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On l'a entendu dans l'extrait il y a quelques minutes, la Côte d'Ivoire va avoir des élections à l'automne. Quel rôle pourrait jouer WAmédias à ce moment là et dans quel avenir?

Au regard de ce petit succès, je me dis qu’on peut être utile dans cette période pré électorale parce qu'on sait très bien qu'à l'approche des élections en Côte d'Ivoire ou ailleurs d'ailleurs, il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Et aujourd'hui, cette radio peut servir à donner de la bonne information. Donner la bonne information, c'est aussi garantir un climat de stabilité et de paix. On a aussi un rôle d'éducation. D'ailleurs, notre slogan, c'est informer, éduquer, sensibiliser.

[00:19:38.830]

Tu es passé par l’ESJ Lille avant de revenir en Côte d'Ivoire pour lancer de nouveaux médias comme Avenue 225, qui était un site participatif à l'époque, dans la veine de ce que proposait Rue89. Tu as aussi donné beaucoup de formations en Afrique de l'Ouest. Quel est le regard que tu portes, toi, sur l'innovation média en Afrique de l'Ouest?

[00:20:00.220]

Je pense que on a eu un gros retard au niveau justement des médias et du développement des médias en Afrique de l'Ouest, notamment francophones. Et puis, sur les 4, 5 dernières années, on a vraiment une sorte de révolution qui se met en place en utilisant les réseaux sociaux. De plus en plus de journalistes sont sur les réseaux sociaux, de plus en plus de journalistes créent leurs blogs, des médias intègrent l'interaction. Dans le site internet, on amène du multimédia, donc on a vraiment cette ébullition.

Ça, c'est le côté technique, mais après, on a toujours de gros défis au niveau éditorial et au niveau de l'éthique, parce que les habitudes journalistiques qu'on avait dans la presse papier se retrouvent aussi sur Internet. Ca veut dire qu’on va privilégier une conférence de presse plutôt qu'un reportage dans lequel on prend le temps de vérifier une information avant de la diffuser.

[00:23:51.970]

Est ce que, selon toi, le métier de journaliste attire encore en Côte d'Ivoire?

Je peux répondre directement : le journalisme n’attire plus en Côte d'Ivoire. La plupart des jeunes formés notamment dans les écoles de journalisme ici, notamment à l'Institut supérieur des sciences de la communication STC, virent tous vers la communication, pour finir, comme attaché de presse, parce que c'est là où il y a beaucoup plus d'argent que le journalisme. Mais je pense que c'est une mauvaise approche de l'environnement. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a un gros désamour entre les lecteurs et les journalistes parce qu'ils ont longtemps été habitués à ce qu'on appelle la titrologie.

La titrologie, pour ceux qui ne savent pas, c'est le fait de s'informer en regardant uniquement les titres des journaux sans acheter. Pendant vingt ans on a été habitués à ça. Les populations ne savent pas pourquoi acheter un journal. Il y a quelques années, les coûts des journaux ont augmenté autour de 300 francs CFA. Environ 50 centimes. 50 centimes, c'est le prix d'un plat pour manger à midi, donc pour le lecteur le choix est tout de suite fait. Et puis, Internet est arrivé, qui est beaucoup plus dans l'instantané. Un événement qui a lieu le samedi, on va voir le même samedi. Alors que la presse écrite, on va attendre jusqu'au lundi pour avoir tout ça. 

[00:26:24.560]

Donc, non, le métier du journalisme lui même n'est plus sexy aujourd'hui. Celui de la com attire, celui de la com digitale encore plus. Mais justement, notre travail avec l'Institut africain des médias, c'est de redonner le goût, de redonner une certaine beauté aux journalistes en disant aux gens : si vous vous êtes un bon journaliste, vous avez des chances de réussir parce que moi, je suis un exemple palpable. 

[00:26:49.950]

Et toi, qu'est ce qui fait que tu tiens?

Je pense que ce sont mes collaborations avec des médias étrangers, notamment. J'ai été correspondant pour la rédaction web de TV5 pendant 8 ans. Pendant cinq ans, de 2008 jusqu'à 2013, j'ai collaboré avec des magazines en Europe, en France, notamment avec le magazine Altermondes. Toutes ces collaborations là m'ont amené aussi à me dire que finalement, quand tu fais ton travail de journaliste, tu peux avoir des opportunités à l'international. Et puis, finalement, je me sens investi d'une mission de transmettre tout ça à une génération qui est un peu déphasée, un peu perdue, un peu découragée, un peu déçue de masquer la médiocrité présentée les 20 dernières années.

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Crédits 

Interviews : Philippe Couve, Marianne Rigaux
Idée originale :  Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr

Description

Ce nouvel épisode d’A parte nous emmène en Côte d’Ivoire, où les jeunes journalistes se tournent de plus en plus vers la communication digitale. Formé à l’ESJ Lille, puis revenu à Abidjan, Israël Guebo innove depuis 10 ans dans les médias en Afrique de l’Ouest. Son dernier projet en date est une radio militante et bénévole qui lutte contre les fake news en diffusant des informations vérifiées sur WhatsApp, Twitter et Facebook. Depuis le début de la crise du coronavirus, WAmédias joue ainsi un rôle fondamental pour sensibiliser et éduquer la population. Son JT touche de nombreux Ivoiriens, au pays et à l’étranger, notamment grâce à la reprise des contenus par des radios communautaires, qui assurent une traduction en langues locales. Dans les prochains mois, WAmédias pourrait continuer son travail de fact-checking à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

Avant Wamédias, Israël Guebo a mené de nombreux autres projets journalistiques, souvent participatif, toujours militant, pour que les médias gardent toute leur place dans le pays. Il a notamment créé une école de journalisme afin d'insuffler aux jeunes le même enthousiasme qui l’anime depuis 10 ans.

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L'essentiel de l'épisode 

[00:04:05.460]

La Côte d'Ivoire a eu son premier cas d'infection au coronavirus le 11 mars. Et dans la foulée, il y a eu beaucoup d'informations qui circulaient, disant par exemple que le soleil tue le coronavirus. Que les Noirs ne meurent pas du coronavirus. Qu’il faut boire de l'eau chaude pour lutter contre le coronavirus. Et à côté de ça, on s'est rendu compte que l'information institutionnelle donnée par le gouvernement restait au niveau au sommet, ne descendait pas auprès des populations. On s'est dit : il faut qu'on arrive à récupérer ces informations, à vérifier et à les diffuser auprès des populations, qu'elles soient en ville ou village. Parce que finalement, ces informations trouvent le bouche à oreille et deuxièmement, faire un écho, faire un relais aux informations officielles qui permettent également de contrer les fake news.

[00:05:27.970]

Au tout début, on a lancé un appel à contribution. On a dit : que vous soyez en Chine, au Japon, au Congo-Kinshasa, à Brazzaville, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, si vous avez envie de témoigner sur la situation du coronavirus chez vous, rejoignez ce qu'on appelle la salle de rédaction, qui est en fait un groupe Facebook. Aujourd'hui, près de 600 personnes ont adhéré. Et c'est ainsi que on reçoit des éléments un peu partout dans le monde. Ensuite, nous, on a trois, quatre journalistes qui sont ici à Abidjan et qui vérifient l'information et ensuite diffusent via WhatsApp.

[00:07:47.070]

WA médias est inspiré de situations qui existent ici en Côte d'Ivoire. Je me suis rendu compte que dans un village, une femme qui ne savait ni lire ni écrire utilisait WhatsApp pour vendre de l'huile de palme. Elle faisait des notes vocales dans la langue locale, les personnes passaient commande également via une note vocale. J’ai trouvé que c'était une façon assez innovante de communiquer et qu’on pouvait l'adapter à la diffusion de l'information. D'autant plus qu'aujourd'hui aujourd'hui, WhatsApp devient un grand diffuseur de la désinformation. Si on veut contrer les fakes news, c’est sur ce terrain là que nous devons jouer et c’est pourquoi on est arrivé sur WhatsApp.

[00:09:05.070]

C’est entièrement bénévole. Et pour être très honnête, je l’ai fait sur un coup de tête. Moi, j'adore la radio, et je me suis dit : qu'est ce qu'on peut faire avec des amis ?

[00:09:40.970]

On a eu des radios rurales, des radios communautaires qui nous ont approché. Il y en a aujourd'hui qui récupèrent le son brut du journal et le diffusent sur leurs antennes ensuite, notamment deux radios dans le centre du pays. Elles vont prendre cet élément des reportages et les traduire en langue locale. Donc, indirectement, on arrive à toucher les populations rurales via les radios communautaires. 

[00:11:27.550]

Qui sont les auditeurs qui vous contactent pour poser des questions aux auditeurs?

Il y en a qui qui posent des questions sur des informations et qu’ils veulent qu'on vérifie. Et pour “auditeurs à l'antenne”, ils répondent plutôt à une question. Le vendredi, nous mettons la question de la semaine dans le groupe WhatsApp et sur Facebook. Ils ont toute la journée du vendredi et du samedi pour nous envoyer leurs réponses en 60 secondes par notes vocales. Et après, on met tout cela bout en bout.

[00:12:39.660]

Comment vous gérez ça sur WhatsApp? On sait que les groupes ont une limite à 256 personnes.

Alors on crée des listes de diffusion. Donc aujourd'hui, nous sommes à sept liste de diffusion et chaque liste de diffusion peut prendre jusqu'à 256 personnes. Donc on imagine que 7 fois 256 personnes vont écouter les émissions.

Mais parallèlement, vous diffusez aussi sur Facebook et sur Twitter?

[00:13:33.150]

Oui, parce que tout le monde n'est pas sur WhatsApp. On a aussi près de 5000 personnes qui sont abonnées à notre page Facebook et à notre compte Twitter. Le fait déjà qu'on ait près de 2000 personnes qui entendent la bonne information, c'est déjà un pas. Petite anecdote : chaque soir avant le journal, nous envoyons les chiffres officiels du coronavirus en Côte d'Ivoire. Et quand, à 20 heures, on n'a pas envoyé les chiffres du jour, même si le ministère de la Santé a publié officiellement les informations, les auditeurs attendent WAmédias avant de se dire : OK, c'est vrai. Donc, cette crédibilité là, elle est assise. Et puis derrière, on se dit que c'est un projet qui est duplicable partout, par exemple sur les élections.

[00:14:52.490]

On l'a entendu dans l'extrait il y a quelques minutes, la Côte d'Ivoire va avoir des élections à l'automne. Quel rôle pourrait jouer WAmédias à ce moment là et dans quel avenir?

Au regard de ce petit succès, je me dis qu’on peut être utile dans cette période pré électorale parce qu'on sait très bien qu'à l'approche des élections en Côte d'Ivoire ou ailleurs d'ailleurs, il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Et aujourd'hui, cette radio peut servir à donner de la bonne information. Donner la bonne information, c'est aussi garantir un climat de stabilité et de paix. On a aussi un rôle d'éducation. D'ailleurs, notre slogan, c'est informer, éduquer, sensibiliser.

[00:19:38.830]

Tu es passé par l’ESJ Lille avant de revenir en Côte d'Ivoire pour lancer de nouveaux médias comme Avenue 225, qui était un site participatif à l'époque, dans la veine de ce que proposait Rue89. Tu as aussi donné beaucoup de formations en Afrique de l'Ouest. Quel est le regard que tu portes, toi, sur l'innovation média en Afrique de l'Ouest?

[00:20:00.220]

Je pense que on a eu un gros retard au niveau justement des médias et du développement des médias en Afrique de l'Ouest, notamment francophones. Et puis, sur les 4, 5 dernières années, on a vraiment une sorte de révolution qui se met en place en utilisant les réseaux sociaux. De plus en plus de journalistes sont sur les réseaux sociaux, de plus en plus de journalistes créent leurs blogs, des médias intègrent l'interaction. Dans le site internet, on amène du multimédia, donc on a vraiment cette ébullition.

Ça, c'est le côté technique, mais après, on a toujours de gros défis au niveau éditorial et au niveau de l'éthique, parce que les habitudes journalistiques qu'on avait dans la presse papier se retrouvent aussi sur Internet. Ca veut dire qu’on va privilégier une conférence de presse plutôt qu'un reportage dans lequel on prend le temps de vérifier une information avant de la diffuser.

[00:23:51.970]

Est ce que, selon toi, le métier de journaliste attire encore en Côte d'Ivoire?

Je peux répondre directement : le journalisme n’attire plus en Côte d'Ivoire. La plupart des jeunes formés notamment dans les écoles de journalisme ici, notamment à l'Institut supérieur des sciences de la communication STC, virent tous vers la communication, pour finir, comme attaché de presse, parce que c'est là où il y a beaucoup plus d'argent que le journalisme. Mais je pense que c'est une mauvaise approche de l'environnement. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a un gros désamour entre les lecteurs et les journalistes parce qu'ils ont longtemps été habitués à ce qu'on appelle la titrologie.

La titrologie, pour ceux qui ne savent pas, c'est le fait de s'informer en regardant uniquement les titres des journaux sans acheter. Pendant vingt ans on a été habitués à ça. Les populations ne savent pas pourquoi acheter un journal. Il y a quelques années, les coûts des journaux ont augmenté autour de 300 francs CFA. Environ 50 centimes. 50 centimes, c'est le prix d'un plat pour manger à midi, donc pour le lecteur le choix est tout de suite fait. Et puis, Internet est arrivé, qui est beaucoup plus dans l'instantané. Un événement qui a lieu le samedi, on va voir le même samedi. Alors que la presse écrite, on va attendre jusqu'au lundi pour avoir tout ça. 

[00:26:24.560]

Donc, non, le métier du journalisme lui même n'est plus sexy aujourd'hui. Celui de la com attire, celui de la com digitale encore plus. Mais justement, notre travail avec l'Institut africain des médias, c'est de redonner le goût, de redonner une certaine beauté aux journalistes en disant aux gens : si vous vous êtes un bon journaliste, vous avez des chances de réussir parce que moi, je suis un exemple palpable. 

[00:26:49.950]

Et toi, qu'est ce qui fait que tu tiens?

Je pense que ce sont mes collaborations avec des médias étrangers, notamment. J'ai été correspondant pour la rédaction web de TV5 pendant 8 ans. Pendant cinq ans, de 2008 jusqu'à 2013, j'ai collaboré avec des magazines en Europe, en France, notamment avec le magazine Altermondes. Toutes ces collaborations là m'ont amené aussi à me dire que finalement, quand tu fais ton travail de journaliste, tu peux avoir des opportunités à l'international. Et puis, finalement, je me sens investi d'une mission de transmettre tout ça à une génération qui est un peu déphasée, un peu perdue, un peu découragée, un peu déçue de masquer la médiocrité présentée les 20 dernières années.

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Crédits 

Interviews : Philippe Couve, Marianne Rigaux
Idée originale :  Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation sonore : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio et Samsa.fr

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