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Entretien #8 : Michel Hazanavicius, réalisateur de La Plus Précieuse des Marchandises cover
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Adapte-Moi Si Tu Peux

Entretien #8 : Michel Hazanavicius, réalisateur de La Plus Précieuse des Marchandises

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26min |15/11/2024
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Entretien #8 : Michel Hazanavicius, réalisateur de La Plus Précieuse des Marchandises

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Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Michel Hazanavicius, réalisateur du film La Plus Précieuse des Marchandises d'après le conte éponyme de Jean-Claude Grumberg. Il nous a parlé du processus d'adaptation avec l'auteur, du choix de l'animation et du casting et des changements apportés à cette histoire.


Un grand merci à Michel Hazanavicius d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Stéphanie de l'agence Okarina d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé par Louis Jeannerod à la technique et animé par Pascale Charpenet-Jeannerod et Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film La Plus Précieuse des Marchandises, au cinéma le 20 novembre 2024.

🌟 Si cet épisode hors-série vous a plu, partagez-le autour de vous !

🔔  Retrouvez l'actualité des adaptations et partagez vos avis avec Adapte-Moi Si Tu Peux sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. A l'occasion de la sortie au cinéma de La plus précieuse des marchandises, le film d'animation adapté du conte de Jean-Claude Grimbert, nous avons le plaisir d'interviewer aujourd'hui le réalisateur Michel Azanavicius. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Qu'est-ce que c'est que ça ? Je sais du pas quelle espèce il appartient. Ça je t'en coeur ! SQUAAARP ! Qu'est-ce que je me rendais ?

  • Speaker #2

    Alors la première question qu'on avait envie de vous poser, c'est bien évidemment, comment avez-vous découvert ce livre de Jean-Claude Grimbert ?

  • Speaker #1

    C'est le producteur Patrick Sobelman qui m'a téléphoné, qui m'a envoyé les épreuves avant qu'elles soient publiées. Et donc, vous avez un peu la... Donc, j'ai découvert avant tout le monde ce texte merveilleux avec ce truc de... Comme ce sont des épreuves, c'est un objet un peu particulier. Vous avez le sentiment d'avoir accès à quelque chose qui est encore secret, comme un petit trésor, en fait. Et donc... Je ne comparerais pas ça au gars qu'on redécouvère Lascaux, mais il y a un peu ça, c'est-à-dire d'être à côté de Primer, si vous voulez, qui renforce le truc. Après, c'était un texte que j'ai trouvé très puissant, très beau, très élégant. Donc voilà, ça a renforcé évidemment le... l'émotion que j'ai pu avoir.

  • Speaker #2

    Donc en fait, c'est votre producteur qui s'est dit que vous pourriez en faire quelque chose ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu ce qui s'est passé avant que je le découvre. Il se trouve que Jean-Claude Grimbert, c'est l'ami de mes parents. Ils l'ont mis depuis qu'ils ont 15 ans. J'ai toujours connu Grimbert. Mais on n'a jamais eu l'occasion, le désir de travailler ensemble. Et quand il a fini ce texte, il l'a envoyé à Robert Guédignon, parce qu'ils avaient travaillé ensemble, du Célébien et tout ça, mais je crois qu'il lui a envoyé un peu, en lui demandant s'il pensait qu'il y avait quelque chose à produire avec ce texte-là. Robert a lu en une heure, il a adoré le texte, il a été voir directement. Patrick Sebelman lui a dit de lui ça, et Patrick a dit il faut le faire. Donc je crois que l'idée de l'adaptation en animation vient de Grimbert au départ. d'une part et d'autre part je crois aussi qu'il a soufflé mon nom il dessine donc allez le voir voilà parce que je me sens, parce que j'étais pas là mais c'est ce que j'ai cru comprendre que pour Jean-Claude c'était important que le réalisateur dessine aussi que ce soit le même geste

  • Speaker #2

    D'accord, ce n'est pas forcément évident d'avoir aussi ces deux casquettes.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas évident si vous cherchez un réalisateur de films en prise de vue réelle. Mais si vous cherchez un réalisateur d'animation, j'imagine que c'est plus simple.

  • Speaker #2

    Et vous, du coup, ça vous a tout de suite plu, cette idée de l'adapter en animation ? Parce que c'est la première fois que vous avez fait ça.

  • Speaker #1

    Je ne me suis même pas vraiment posé la question, parce que je ne voyais pas le film autrement. Donc, si vous voulez, c'était l'imprimé. c'était pas deux propositions séparées, c'était la proposition cohérente comme ça. est-ce que tu veux faire ce film-là ? C'est pas est-ce que tu veux faire ce film-là d'une manière ou d'une autre. Donc, c'était vraiment un film d'animation à partir de ce texte-là. Est-ce que ça m'a tout de suite fait oui ? Est-ce que ça m'a fait... Est-ce que j'ai hésité ? Oui. Et j'ai pesé le pour, le contre, etc. Puis finalement, j'ai dit oui. Ça ne vous aura pas échappé.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'animation, en plus, elle correspond bien finalement au genre du conte, et étant donné les événements très graves qui sont racontés dans cette histoire, parce que même si c'est un conte ça fait écho à une histoire tragique est-ce que vous, le fait de faire de l'animation de cette histoire-là ça vous permet aussi peut-être pas de mettre de la distance mais un petit peu justement de pouvoir finalement reprendre un peu le contrôle de ce narratif-là ?

  • Speaker #1

    La distance, c'est un bon mot. Il y a deux pôles dans le livre. Je les ai organisés un peu différemment dans l'adaptation, mais il y a quand même deux pôles importants qui sont d'un côté le conte. qui sont de l'ultra-fiction, vraiment, et puis de l'autre côté, une réalité historique. Et donc, même si je les ai organisées autrement, il y a quand même ces deux choses-là. Pour ces deux pôles, l'adaptation était sans doute le meilleur outil. Du côté du conte, on est très vite dans des images qu'on connaît, à laquelle on est confortable. Le bûcheron,

  • Speaker #0

    la forêt...

  • Speaker #1

    La neige... qui ressemble à de la neige, des arbres qui sont magnifiques, des belles images, une cabane de bûcherons qui ressemble à une cabane de bûcherons, une cheminée qui ressemble à une cheminée. Pour ça, l'animation est très bien, parce que vous êtes dans des images, quasiment des images d'épinal, on a envie d'avoir ce type d'image. Pour ce qui est de l'autre pôle de la réalité historique, comme vous dites, c'est le génocide juif. Et pour la première fois, Grimbert... poussent les pentes du camp et rentrent dans le camp, rentrent dans un convoi déporté, et ça, ça pose des questions très vite éthiques, morales, esthétiques, comment on représente ça, quelles images on met là-dessus. Et c'est vrai que, à la différence d'un film avec des acteurs, qui, quoi qu'on en dise, les acteurs prétendent qu'il leur arrive des histoires, ils prétendent agir d'une certaine manière. Il y a une forme de mensonge chez l'acteur. L'animation c'est différent. L'animation ne prétend pas être le réel. Elle évoque le réel. Elle réinterprète le réel tout le temps. Dans cette réinterprétation, vous créez un filtre, une distance. Les dessins n'ont pas d'autre vie. Ils ne mentent pas. Ils n'ont pas une vie très dehors du film. Donc il n'y a pas de mensonge. Cette convention est importante avec le spectateur quand il l'apprend. Parce qu'il n'y a rien de gênant à voir des dessins qui évoquent quelque chose. Moi, personnellement, voir des acteurs qui évoquent la souffrance de déporter, je ne sais pas à quel moment il y a un risque d'obscénité. Moi, je n'aurais pas pris le risque, personnellement. Et même en tant que spectateur, je ne suis pas à l'aise de voir ce type d'image-là. Donc oui, l'animation était, je crois, évidemment, pour ces deux pôles. le plus adapté.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'était très réussi. Moi, j'ai notamment été vraiment marquée par les scènes du train qui, du coup, revêt vraiment un aspect monstrueux avec le bruit très fort. Et j'ai été marquée aussi, enfin, on a été plus de marquées aussi par le design, en fait, des personnages qui, en soi, est plutôt minimaliste mais qui renvoie énormément d'émotions, qui suscite énormément d'émotions. Comment, justement, vous avez travaillé ce design-là des personnages ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, je dessine. Donc, depuis que j'ai... Donc sur ces personnages-là, notamment de déportés, je voulais vraiment que les personnages ressemblent à mes dessins au maximum, parce que c'est des visages particuliers, parce que c'est une espèce de dignité particulière.

  • Speaker #0

    Elles sont muets aussi pour la plupart.

  • Speaker #1

    Elles sont muets, oui, parce que je n'avais pas envie de les faire parler. Oui, exactement. Je trouvais qu'il y a des moments où le silence s'impose aussi. Et du coup... Vous savez, les animataires, ils sont un peu jeunes, ils ont leur histoire, etc. Mais j'avais du mal à laisser la responsabilité d'incarner ces personnages-là, d'incarner ce destin-là à des gens que je ne connaissais pas forcément, qui n'avaient pas mon rapport à cette histoire-là. Donc j'ai pris la main sur ces visages-là. Et les autres, si vous voulez, bon, le bûcheron, c'est pas mal. les dessiner et tout ça, mais il y avait moins de... comment dire...

  • Speaker #2

    D'enjeux ? D'affects aussi ?

  • Speaker #1

    D'enjeux éthiques, s'il vous plaît. Il y avait moins de risques d'être à côté, d'avoir une espèce de faute morale, je ne sais pas. Pour les déporter, c'est quand même autre chose. Donc, effectivement, j'ai profité de mes années de dessin pour les mettre à contribution. Après c'est de la mise en scène, donc oui je suis passé pour les scènes de train, c'est des gros plans, des gens qui… C'est un temps qui est proposé aux spectateurs en fait, c'est un temps où ils voient une accumulation de destins individuels. Ce n'est pas un chiffre comme ça, ce n'est pas 6 millions de nords, ce n'est pas… même quand on dit il y avait 100 personnes par wagon c'est des chiffres, mais quand on voit des visages les uns après les autres… On vous raconte que c'est une accumulation de destin individuel.

  • Speaker #2

    Et du coup, sur le choix du casting vocal, parce que c'est différent de ce que vous faites d'habitude, comment vous avez choisi le comédien ? Est-ce que vous aviez pensé déjà à certaines voix pour incarner les personnages ?

  • Speaker #1

    Alors, comment dire ? Pour les voix, Jean-Louis Trattignan, c'était une évidence tout de suite. Jean-Louis Trattignan, c'est le plus belle voix du film français, c'est un grand acteur. Quand j'ai lu le texte de Jean-Claude Verber, j'ai dit... j'ai eu le sentiment d'un classique tout de suite, et Trintignant amène ce côté classique, intemporel, etc. Et par ailleurs, c'est un vieil homme, c'est un vieil homme qui dit le texte écrit par un autre vieil homme. s'adresse aux enfants, il y a quelque chose qui ressemble un peu à un testament moral, comme ça, que je trouvais très beau, donc il y avait une évidence pour moi, et puis en plus ça m'a permis de rencontrer cet homme que j'aime énormément.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il a une voix qui est très reconnaissable, et puis en l'écoutant aujourd'hui, parce que du coup aujourd'hui il est maintenant décédé, mais c'est assez émouvant aussi, je trouve que ça rajoute quelque chose.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui oui, vous avez raison, c'est-à-dire qu'il y a quasiment un effet de fantôme, c'est-à-dire qu'il y a une... Il est, il est mort, et de là où il nous parle, il y a cet effet quasi...

  • Speaker #2

    Surnaturel ?

  • Speaker #1

    Surnaturel, mais surtout, ça fait vie un fantôme, l'histoire raconte aussi... c'est quelqu'un qui a une vie. Parce que c'est un survivant des camps, et les survivants des camps, oui, ce sont un peu des fantômes. Donc il y a cette espèce de chose un peu, oui, très spéciale qui se passe autour de la voix de Trintignant. Et puis les autres, je vous dis, comme toujours dans l'idée de faire un film classique et intemporel, j'ai voulu garder des dialogues littéraires, j'ai pas essayé d'en faire des dialogues quotidiens, etc. Donc j'ai été vers des acteurs de théâtre, et j'ai fini. très très très bons acteurs

  • Speaker #0

    Edouard Gatbois c'est très très bons acteurs et comment vous les avez accompagnés justement comme le texte comme vous dites est très littéraire et il y a pas mal de directs qui sont finalement fort repris du livre lui-même est-ce que vous avez justement dû leur donner un accompagnement particulier comme en plus être comédien de doublage c'est très différent d'être justement comédien en live action, est-ce que ça devait vous avez une approche particulière par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Non pas vraiment au chèque Avec des gens aussi talentueux, ça ne pose pas vraiment de problème. Denis Podalides, ils sont à la Comédie française depuis bien longtemps. Grégory Gadebo, il y était. Ils n'ont pas été effrayés par des phrases un peu écrites. Au contraire, ils ont un plaisir du texte. Je pense qu'ils préfèrent dire des dialogues un peu littéraires plutôt que de dire quelqu'un veut faire un tennis Donc non, il n'y a pas eu d'approche particulière, si ce n'est que je l'ai fait en deux fois, c'est-à-dire qu'on a d'abord enregistré sans les images, donc quelque chose qui s'apparentait un peu plus à de la lecture. Et en fait, une fois qu'il y a eu les images, j'ai voulu recommencer, et ils ont refait les voix, parce que là, tout d'un coup, ils étaient portés par une énergie de personnages, qui était celle des personnages animés. Et en fait, tous ces personnages-là... C'est des buterons qui vivent dans la forêt, alors c'est des taiseuses, la majeure partie du temps, ils se parlent, ils communiquent sans parler, ils se regardent, ils se détendent, ils se regardent. Mais la gamine, elle n'a pas accès à la parole non plus. perdre la gamine, qui serait déportée, on ne parle pas non plus. Donc, les personnages existent beaucoup en dehors des voix. Et c'est vrai que ça a permis, du coup, aux comédiens qui sont venus mettre leur voix dessus de les voir bouger, de les voir un peu exister. Ça a quand même porté leur interprétation.

  • Speaker #0

    Surtout que la musique qui est composée par Alexandre Desplat, elle souvent accompagne les personnages presque plus que les dialogues par moment. Comment justement vous avez établi ce contact avec lui ? Est-ce que c'était pareil une évidence de travailler avec lui ? Et surtout pour les scènes muettes comme les scènes du train ou la scène dans le camp à la fin quand les portes sont ouvertes, c'est des scènes très très fortes musicalement. Comment vous avez travaillé ensemble ?

  • Speaker #1

    Alors c'est marrant parce que les scènes du train dont vous parlez, il n'y a pas de musique.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai, c'est un chant.

  • Speaker #1

    Enfin il y en a deux, il y en a une qui est purement muette, elle n'a que le... le son, mais un son assez... petit, du train, qui est plus une espèce de son un peu hypnotique, comme ça, qui est une rythmique de roulis de train, mais il n'y a pas de musique, et les personnages, on ne les entend pas, il n'y a pas d'autre ambiance sonore que ce son de train. Et puis la deuxième, c'est une comptine qui est chantée par Marie Laforêt, qui est une comptine en yiddish. Mais bon, ça n'a plus été une musique composée par Desplat. C'est pareil, c'est un peu comme les acteurs, c'est-à-dire que j'ai eu de la chance de contacter... On se connaissait un petit peu avec Alexandre, on s'était beaucoup croisés, on s'aimait bien, mais on n'avait pas travaillé ensemble. Et quand je lui ai proposé ce film, j'espérais qu'il l'accepterait, parce que je trouve que c'est vraiment... Il était pour moi le compositeur idéal, parce qu'il a à la fois cette dimension de conte, il peut faire... comme ce qu'il fait pour Shape of Water par exemple, peut avoir ce côté un peu, pas magique, mais... Un peu onirique. Un peu onirique, qui peut être un peu enfantin, etc. Et puis, il a aussi un sens du drame, une très belle approche des histoires, etc. Alors, j'ai beaucoup travaillé avec des musiques temporaires, mais lui, il rentre en jeu quand... quand il y a de l'animation, quand il y a un peu de couleurs, etc. Donc il y a un fin de processus. Et voilà, donc on a travaillé, si vous voulez, moi je savais où je voulais de la musique, je savais ce qu'elle voulait raconter, tout simplement. Le film a été construit avec de la musique, du fait, comme vous l'avez dit, de l'absence de dialogue, souvent, il n'y a pas de dialogue. Du coup, il est rentré là-dedans et il a restructuré la structure de son dans le parc que j'avais définiment. Et il a redonné de la cohérence à tout ça.

  • Speaker #0

    À l'ensemble.

  • Speaker #2

    Et pour revenir vraiment sur l'adaptation à proprement parler, est-ce que vous avez travaillé avec Jean-Claude Grimbert sur l'adaptation ? Il ne m'a pas laissé tout seul,

  • Speaker #1

    mais il m'a laissé beaucoup de liberté. Comment ça s'est passé ? C'est que j'allais souvent, peut-être pas tous les jours, mais j'allais vraiment très souvent chez lui. En plus, il était dans un moment un peu difficile de sa vie. Très vite, il m'a dit John, moi je l'ai déjà écrite cette histoire, donc ça ne m'amuse pas tellement de la réécrire Par ailleurs, il a été... lui dans la position de l'adaptateur avec l'auteur du livre derrière, notamment pour Amen, le film de Costa-Gabras, qu'il a adapté d'un livre, et où l'auteur lui disait non mais vous ne pouvez pas enlever ça, il faut absolument que tu dises ça, il faut absolument enlever cette phrase Il lui dit oui, oui, non mais je vais lui dire bien sûr et puis il faisait ce qu'il voulait. Donc il ne voulait pas être le type derrière qui gueule. Alors j'allais chez lui, on parlait beaucoup, il m'a dit des choses qui m'ont servi. repères, des phrases qui m'accompagnaient pendant toute, pas seulement l'écriture, pendant la fabrication du film, etc. Puis je rentrais, j'écrivais, le lendemain j'allais chez lui, je lui lisais ce que j'avais écrit, il me disait bah écoute, c'est bien, on a bien bossé aujourd'hui et puis on parlait, et puis voilà, on faisait comme ça, j'écrivais, je lui lisais, quand ça ne lui plaisait pas il me le disait. Des fois, je n'écoutais pas, mais souvent j'écoutais plutôt. Et puis, on a eu quelques points de discussion sur lesquels il n'était pas d'accord. Maintenant, il me dit que j'ai eu raison. Mais peut-être que c'est juste que le film est fini, donc il n'y a plus rien à faire. C'est un exemple ?

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous dire lesquels ?

  • Speaker #1

    Par exemple, dans le livre que j'imagine que vous avez lu, elle vient la… La bûcheronne vient prier tout le temps, tous les jours, les dieux de rue de train, les dieux du train, puis les gens balancent des petits morceaux de papier du train, etc. Et puis un jour, ils n'ont jamais réussi à avoir d'enfant, ces bûcherons, et puis un jour il y a cet enfant qui arrive, etc. Moi, je n'avais pas le temps de raconter qu'elle venait tous les jours, etc. Parce que c'est des choses qui sont longues à raconter dans un temps d'exposition de cinéma où je voulais aller plus rapidement à l'essentiel. Donc j'ai juste fait deux plans où on la voit prier sur la tombe d'un enfant et j'ai fait en sorte que j'ai changé un truc, c'est qu'ils avaient eu un enfant et ils l'ont perdu cet enfant. Et ils me disaient mais on n'a pas besoin de ça, on n'a pas besoin, cet enfant ne vient pas combler Mais en fait, moi ça m'a aidé à structurer. des choses. Ça m'a aussi aidé à un moment donné pour faire des petits moments de bascule pour le bûcheron, il y a un moment donné où elle détricote les... vêtements de l'enfant perdu et puis elle le retricote pour cet enfant-là. Et le temps est face à ça. Tout ça, c'est des petits moments de bascule qui m'ont permis de structurer la récit un peu différemment. Et donc, sur ce point-là, il disait que là, il ne voulait pas. Et puis maintenant, il dit que ça va très bien. Je lui disais que ça ne prend pas beaucoup plus de place. Mais ça m'a permis d'aller plus vite à des endroits. Mais il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais sur lesquelles il ne m'a pas... Comment dire ? Il m'a laissé faire. J'ai changé vraiment la structure du film.

  • Speaker #2

    Mais mis à part ça, ça reste quand même très fidèle. Même par les dialogues.

  • Speaker #0

    Et aussi la scène où elle cherche le bébé dans la neige, qui est assez longue dans le film, où il y a vraiment cette tension. On se dit, est-ce qu'elle va le trouver à temps ? Alors que dans le livre, il n'y a pas ça.

  • Speaker #1

    Non, mais il n'y a même pas... On ne sait pas. Il n'est même pas question de neige.

  • Speaker #0

    Non, il n'est pas question de neige. Elle le trouve tout de suite. Elle voit en fait le bras qui lance le bébé.

  • Speaker #1

    Et ça c'est pareil, c'est-à-dire, moi je voulais qu'il tombe dans la neige, oui, mais il y a plein de choses qui sont inventées en fait, il y a des choses qui sont fidèles mais quand même inventées, par exemple le boum boum, quand il entend le boum boum, je crois que lui, il dit toute la journée qu'il l'a entendu, mais bon, voilà. Le vrai truc qui change pour moi le plus important, c'est la structure de comment, dans le film, je vais commencer par le livre, Dans le livre, il y a deux histoires parallèles, qui sont l'histoire du bûcheron et l'histoire du père. Donc, vous avez une histoire de conte, et très, très rapidement, et parallèlement, l'histoire d'un déporté, dans le réel, dans un... Je crois que ça commence même à Paris. Oui. Moi, j'ai fait différemment. J'ai fait un mouvement général, parce que les scénarios ont besoin d'être structurés un peu différemment. J'ai fait un mouvement général qui part du conte et qui va vers la réalité. Et la réalité historique rentre petit à petit dans le... dans le monde, beaucoup plus tard que dans le livre, et non seulement beaucoup plus tard, mais elle commence par rentrer dans l'imaginaire même du bûcheron. C'est-à-dire qu'on découvre ça à travers les yeux du bûcheron. C'est pas moins qu'il impose, comme c'est le cas dans le livre, avec une chose qui avance en parallèle, mais c'est quand le bûcheron prend conscience qu'il y a des êtres humains dans le monde, à ce moment-là, il visualise. Et une fois qu'il les visualise, ça va devenir la réalité. quand lui va mourir et qu'on continue ce fait narratif on se rend compte que c'est la réalité mais ça se fait petit à petit c'est un mouvement comme ça de la même manière je ne sais plus s'il y a le charnier je ne suis pas sûr qu'il y ait le charnier dans le livre j'ai un doute c'est pas explicité je ne crois pas qu'il y ait le charnier mais moi j'avais besoin parce qu'il y avait un autre truc sur lequel je butais merci non pas en lisant le livre, mais en écrivant le scénario, qui est le moment où il retrouve sa fille à la sortie du grand. Quand il la voit dans le livre, il la regarde, elle lui sourit, et je crois que c'est une formule, genre il se demande ce qu'il a à lui offrir, ou quelque chose comme ça, et il part. Et moi, en termes de scénario, on n'a pas du tout la même. Les scénarios, d'une certaine manière, c'est plus rigoureux. on a besoin d'être plus serré sur les sujets et les motivations.

  • Speaker #0

    Que ce soit vraiment très très clair le pourquoi et le reste.

  • Speaker #1

    Donc la série est complètement à vous.

  • Speaker #2

    Oui, là c'est très différent.

  • Speaker #1

    Très différent parce que la petite, elle a peur. Et elle a peur parce qu'il est devenu un fantôme. Donc il a fallu que je construise moi ce fantôme. Il est très pété, la sortie des camps elle est très différente, c'est pas du tout comme ça, il n'y a pas les...

  • Speaker #0

    L'administratif... Oui,

  • Speaker #1

    il n'y a pas... Moi j'en ai fait un fantôme. donc j'ai nettoyé tout je lui ai mis un suaire comme ça sur les épaules enfin un bras et je l'ai amené très loin dans la déhumanisation d'où la scène des charniers pour qu'après il soit justement un fantôme et que quand il arrive devant elle elle a peur la lumière de la vitrine s'éteint il voit son reflet, il comprend pourquoi elle a peur il comprend le choix qu'elle a la petite il refait à ce moment là le même geste qu'il a fait au début c'est-à-dire de se ressacrifier en tant que père, de se reséparer de cet enfant. Donc, ce n'est pas du tout construit pareil. Il me semble que j'ai respecté le livre en faisant ça, mais j'ai un peu trahi. Dans le sens où j'ai raconté une autre chose, j'ai raconté différemment. Mais je crois que c'est la même vérité que celle du livre.

  • Speaker #2

    Et puis visuellement, c'est aussi plus fort, peut-être. C'est un autre moyen de montrer les choses. L'écriture et le visuel, c'est quand même très différent.

  • Speaker #1

    Oui, mais si vous voulez... Dans un scénario où vous êtes obligé de resserrer les motivations, les enjeux, il y a toujours une relation de cause à l'effet. Pourquoi les gens font... Vous avez toujours besoin de comprendre pourquoi les gens font des choses dans un film. Là où dans un livre, vous avez plus de place, c'est plus lâche. Dans le sens où il y a plus de... On interprète les mots. C'est de la littérature. Et vous pouvez vous accrocher aussi à des textes, à des belles phrases, etc. Mais quand lui, il écrit, j'étais parti dans les volutes de la fumée. de la mort de cette femme et de son fils, de son enfant. Il faut trouver des images pour ça, il faut raconter différemment. Vous avez la musique, vous avez les images, vous avez la mise en scène, etc. Mais vous êtes obligés, en termes d'histoire, de construction d'histoire, justement de servir la mise en scène. fois vont passer autrement mais je vous dis jean claude a toujours accompagné tout ça sur cette histoire de sourire pas sourire il n'était pas complètement à l'asie lui il disait mais sourit je disais mais moi je si elle lui sourit pour moi il prend une raison suffisante non mais sourit pour l'enfant il s'en va et surtout dans le texte aussi je n'ai pas mis dans le texte il dit Il avait cette folle graine d'espoir qui l'a fait tenir, etc. Mais moi, il l'a tenue par miracle. Je voulais que ce soit un choix d'abnégation clair pour le spectateur, de se dire je ne peux pas offrir cette paternité à cet enfant qui croit qu'elle a une mère Donc la petite, elle a choisi la mère. En fait, tout le monde a le choix. Donc ça, c'est du cinéma. Merci beaucoup, en tout cas.

  • Speaker #2

    C'était vraiment passionnant de vous écouter.

  • Speaker #0

    Et on a vraiment, en plus, beaucoup aimé le film. Donc, on lui souhaite énormément de succès au cinéma. Et merci d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

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Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Michel Hazanavicius, réalisateur du film La Plus Précieuse des Marchandises d'après le conte éponyme de Jean-Claude Grumberg. Il nous a parlé du processus d'adaptation avec l'auteur, du choix de l'animation et du casting et des changements apportés à cette histoire.


Un grand merci à Michel Hazanavicius d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Stéphanie de l'agence Okarina d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé par Louis Jeannerod à la technique et animé par Pascale Charpenet-Jeannerod et Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film La Plus Précieuse des Marchandises, au cinéma le 20 novembre 2024.

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  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. A l'occasion de la sortie au cinéma de La plus précieuse des marchandises, le film d'animation adapté du conte de Jean-Claude Grimbert, nous avons le plaisir d'interviewer aujourd'hui le réalisateur Michel Azanavicius. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Qu'est-ce que c'est que ça ? Je sais du pas quelle espèce il appartient. Ça je t'en coeur ! SQUAAARP ! Qu'est-ce que je me rendais ?

  • Speaker #2

    Alors la première question qu'on avait envie de vous poser, c'est bien évidemment, comment avez-vous découvert ce livre de Jean-Claude Grimbert ?

  • Speaker #1

    C'est le producteur Patrick Sobelman qui m'a téléphoné, qui m'a envoyé les épreuves avant qu'elles soient publiées. Et donc, vous avez un peu la... Donc, j'ai découvert avant tout le monde ce texte merveilleux avec ce truc de... Comme ce sont des épreuves, c'est un objet un peu particulier. Vous avez le sentiment d'avoir accès à quelque chose qui est encore secret, comme un petit trésor, en fait. Et donc... Je ne comparerais pas ça au gars qu'on redécouvère Lascaux, mais il y a un peu ça, c'est-à-dire d'être à côté de Primer, si vous voulez, qui renforce le truc. Après, c'était un texte que j'ai trouvé très puissant, très beau, très élégant. Donc voilà, ça a renforcé évidemment le... l'émotion que j'ai pu avoir.

  • Speaker #2

    Donc en fait, c'est votre producteur qui s'est dit que vous pourriez en faire quelque chose ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu ce qui s'est passé avant que je le découvre. Il se trouve que Jean-Claude Grimbert, c'est l'ami de mes parents. Ils l'ont mis depuis qu'ils ont 15 ans. J'ai toujours connu Grimbert. Mais on n'a jamais eu l'occasion, le désir de travailler ensemble. Et quand il a fini ce texte, il l'a envoyé à Robert Guédignon, parce qu'ils avaient travaillé ensemble, du Célébien et tout ça, mais je crois qu'il lui a envoyé un peu, en lui demandant s'il pensait qu'il y avait quelque chose à produire avec ce texte-là. Robert a lu en une heure, il a adoré le texte, il a été voir directement. Patrick Sebelman lui a dit de lui ça, et Patrick a dit il faut le faire. Donc je crois que l'idée de l'adaptation en animation vient de Grimbert au départ. d'une part et d'autre part je crois aussi qu'il a soufflé mon nom il dessine donc allez le voir voilà parce que je me sens, parce que j'étais pas là mais c'est ce que j'ai cru comprendre que pour Jean-Claude c'était important que le réalisateur dessine aussi que ce soit le même geste

  • Speaker #2

    D'accord, ce n'est pas forcément évident d'avoir aussi ces deux casquettes.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas évident si vous cherchez un réalisateur de films en prise de vue réelle. Mais si vous cherchez un réalisateur d'animation, j'imagine que c'est plus simple.

  • Speaker #2

    Et vous, du coup, ça vous a tout de suite plu, cette idée de l'adapter en animation ? Parce que c'est la première fois que vous avez fait ça.

  • Speaker #1

    Je ne me suis même pas vraiment posé la question, parce que je ne voyais pas le film autrement. Donc, si vous voulez, c'était l'imprimé. c'était pas deux propositions séparées, c'était la proposition cohérente comme ça. est-ce que tu veux faire ce film-là ? C'est pas est-ce que tu veux faire ce film-là d'une manière ou d'une autre. Donc, c'était vraiment un film d'animation à partir de ce texte-là. Est-ce que ça m'a tout de suite fait oui ? Est-ce que ça m'a fait... Est-ce que j'ai hésité ? Oui. Et j'ai pesé le pour, le contre, etc. Puis finalement, j'ai dit oui. Ça ne vous aura pas échappé.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'animation, en plus, elle correspond bien finalement au genre du conte, et étant donné les événements très graves qui sont racontés dans cette histoire, parce que même si c'est un conte ça fait écho à une histoire tragique est-ce que vous, le fait de faire de l'animation de cette histoire-là ça vous permet aussi peut-être pas de mettre de la distance mais un petit peu justement de pouvoir finalement reprendre un peu le contrôle de ce narratif-là ?

  • Speaker #1

    La distance, c'est un bon mot. Il y a deux pôles dans le livre. Je les ai organisés un peu différemment dans l'adaptation, mais il y a quand même deux pôles importants qui sont d'un côté le conte. qui sont de l'ultra-fiction, vraiment, et puis de l'autre côté, une réalité historique. Et donc, même si je les ai organisées autrement, il y a quand même ces deux choses-là. Pour ces deux pôles, l'adaptation était sans doute le meilleur outil. Du côté du conte, on est très vite dans des images qu'on connaît, à laquelle on est confortable. Le bûcheron,

  • Speaker #0

    la forêt...

  • Speaker #1

    La neige... qui ressemble à de la neige, des arbres qui sont magnifiques, des belles images, une cabane de bûcherons qui ressemble à une cabane de bûcherons, une cheminée qui ressemble à une cheminée. Pour ça, l'animation est très bien, parce que vous êtes dans des images, quasiment des images d'épinal, on a envie d'avoir ce type d'image. Pour ce qui est de l'autre pôle de la réalité historique, comme vous dites, c'est le génocide juif. Et pour la première fois, Grimbert... poussent les pentes du camp et rentrent dans le camp, rentrent dans un convoi déporté, et ça, ça pose des questions très vite éthiques, morales, esthétiques, comment on représente ça, quelles images on met là-dessus. Et c'est vrai que, à la différence d'un film avec des acteurs, qui, quoi qu'on en dise, les acteurs prétendent qu'il leur arrive des histoires, ils prétendent agir d'une certaine manière. Il y a une forme de mensonge chez l'acteur. L'animation c'est différent. L'animation ne prétend pas être le réel. Elle évoque le réel. Elle réinterprète le réel tout le temps. Dans cette réinterprétation, vous créez un filtre, une distance. Les dessins n'ont pas d'autre vie. Ils ne mentent pas. Ils n'ont pas une vie très dehors du film. Donc il n'y a pas de mensonge. Cette convention est importante avec le spectateur quand il l'apprend. Parce qu'il n'y a rien de gênant à voir des dessins qui évoquent quelque chose. Moi, personnellement, voir des acteurs qui évoquent la souffrance de déporter, je ne sais pas à quel moment il y a un risque d'obscénité. Moi, je n'aurais pas pris le risque, personnellement. Et même en tant que spectateur, je ne suis pas à l'aise de voir ce type d'image-là. Donc oui, l'animation était, je crois, évidemment, pour ces deux pôles. le plus adapté.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'était très réussi. Moi, j'ai notamment été vraiment marquée par les scènes du train qui, du coup, revêt vraiment un aspect monstrueux avec le bruit très fort. Et j'ai été marquée aussi, enfin, on a été plus de marquées aussi par le design, en fait, des personnages qui, en soi, est plutôt minimaliste mais qui renvoie énormément d'émotions, qui suscite énormément d'émotions. Comment, justement, vous avez travaillé ce design-là des personnages ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, je dessine. Donc, depuis que j'ai... Donc sur ces personnages-là, notamment de déportés, je voulais vraiment que les personnages ressemblent à mes dessins au maximum, parce que c'est des visages particuliers, parce que c'est une espèce de dignité particulière.

  • Speaker #0

    Elles sont muets aussi pour la plupart.

  • Speaker #1

    Elles sont muets, oui, parce que je n'avais pas envie de les faire parler. Oui, exactement. Je trouvais qu'il y a des moments où le silence s'impose aussi. Et du coup... Vous savez, les animataires, ils sont un peu jeunes, ils ont leur histoire, etc. Mais j'avais du mal à laisser la responsabilité d'incarner ces personnages-là, d'incarner ce destin-là à des gens que je ne connaissais pas forcément, qui n'avaient pas mon rapport à cette histoire-là. Donc j'ai pris la main sur ces visages-là. Et les autres, si vous voulez, bon, le bûcheron, c'est pas mal. les dessiner et tout ça, mais il y avait moins de... comment dire...

  • Speaker #2

    D'enjeux ? D'affects aussi ?

  • Speaker #1

    D'enjeux éthiques, s'il vous plaît. Il y avait moins de risques d'être à côté, d'avoir une espèce de faute morale, je ne sais pas. Pour les déporter, c'est quand même autre chose. Donc, effectivement, j'ai profité de mes années de dessin pour les mettre à contribution. Après c'est de la mise en scène, donc oui je suis passé pour les scènes de train, c'est des gros plans, des gens qui… C'est un temps qui est proposé aux spectateurs en fait, c'est un temps où ils voient une accumulation de destins individuels. Ce n'est pas un chiffre comme ça, ce n'est pas 6 millions de nords, ce n'est pas… même quand on dit il y avait 100 personnes par wagon c'est des chiffres, mais quand on voit des visages les uns après les autres… On vous raconte que c'est une accumulation de destin individuel.

  • Speaker #2

    Et du coup, sur le choix du casting vocal, parce que c'est différent de ce que vous faites d'habitude, comment vous avez choisi le comédien ? Est-ce que vous aviez pensé déjà à certaines voix pour incarner les personnages ?

  • Speaker #1

    Alors, comment dire ? Pour les voix, Jean-Louis Trattignan, c'était une évidence tout de suite. Jean-Louis Trattignan, c'est le plus belle voix du film français, c'est un grand acteur. Quand j'ai lu le texte de Jean-Claude Verber, j'ai dit... j'ai eu le sentiment d'un classique tout de suite, et Trintignant amène ce côté classique, intemporel, etc. Et par ailleurs, c'est un vieil homme, c'est un vieil homme qui dit le texte écrit par un autre vieil homme. s'adresse aux enfants, il y a quelque chose qui ressemble un peu à un testament moral, comme ça, que je trouvais très beau, donc il y avait une évidence pour moi, et puis en plus ça m'a permis de rencontrer cet homme que j'aime énormément.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il a une voix qui est très reconnaissable, et puis en l'écoutant aujourd'hui, parce que du coup aujourd'hui il est maintenant décédé, mais c'est assez émouvant aussi, je trouve que ça rajoute quelque chose.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui oui, vous avez raison, c'est-à-dire qu'il y a quasiment un effet de fantôme, c'est-à-dire qu'il y a une... Il est, il est mort, et de là où il nous parle, il y a cet effet quasi...

  • Speaker #2

    Surnaturel ?

  • Speaker #1

    Surnaturel, mais surtout, ça fait vie un fantôme, l'histoire raconte aussi... c'est quelqu'un qui a une vie. Parce que c'est un survivant des camps, et les survivants des camps, oui, ce sont un peu des fantômes. Donc il y a cette espèce de chose un peu, oui, très spéciale qui se passe autour de la voix de Trintignant. Et puis les autres, je vous dis, comme toujours dans l'idée de faire un film classique et intemporel, j'ai voulu garder des dialogues littéraires, j'ai pas essayé d'en faire des dialogues quotidiens, etc. Donc j'ai été vers des acteurs de théâtre, et j'ai fini. très très très bons acteurs

  • Speaker #0

    Edouard Gatbois c'est très très bons acteurs et comment vous les avez accompagnés justement comme le texte comme vous dites est très littéraire et il y a pas mal de directs qui sont finalement fort repris du livre lui-même est-ce que vous avez justement dû leur donner un accompagnement particulier comme en plus être comédien de doublage c'est très différent d'être justement comédien en live action, est-ce que ça devait vous avez une approche particulière par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Non pas vraiment au chèque Avec des gens aussi talentueux, ça ne pose pas vraiment de problème. Denis Podalides, ils sont à la Comédie française depuis bien longtemps. Grégory Gadebo, il y était. Ils n'ont pas été effrayés par des phrases un peu écrites. Au contraire, ils ont un plaisir du texte. Je pense qu'ils préfèrent dire des dialogues un peu littéraires plutôt que de dire quelqu'un veut faire un tennis Donc non, il n'y a pas eu d'approche particulière, si ce n'est que je l'ai fait en deux fois, c'est-à-dire qu'on a d'abord enregistré sans les images, donc quelque chose qui s'apparentait un peu plus à de la lecture. Et en fait, une fois qu'il y a eu les images, j'ai voulu recommencer, et ils ont refait les voix, parce que là, tout d'un coup, ils étaient portés par une énergie de personnages, qui était celle des personnages animés. Et en fait, tous ces personnages-là... C'est des buterons qui vivent dans la forêt, alors c'est des taiseuses, la majeure partie du temps, ils se parlent, ils communiquent sans parler, ils se regardent, ils se détendent, ils se regardent. Mais la gamine, elle n'a pas accès à la parole non plus. perdre la gamine, qui serait déportée, on ne parle pas non plus. Donc, les personnages existent beaucoup en dehors des voix. Et c'est vrai que ça a permis, du coup, aux comédiens qui sont venus mettre leur voix dessus de les voir bouger, de les voir un peu exister. Ça a quand même porté leur interprétation.

  • Speaker #0

    Surtout que la musique qui est composée par Alexandre Desplat, elle souvent accompagne les personnages presque plus que les dialogues par moment. Comment justement vous avez établi ce contact avec lui ? Est-ce que c'était pareil une évidence de travailler avec lui ? Et surtout pour les scènes muettes comme les scènes du train ou la scène dans le camp à la fin quand les portes sont ouvertes, c'est des scènes très très fortes musicalement. Comment vous avez travaillé ensemble ?

  • Speaker #1

    Alors c'est marrant parce que les scènes du train dont vous parlez, il n'y a pas de musique.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai, c'est un chant.

  • Speaker #1

    Enfin il y en a deux, il y en a une qui est purement muette, elle n'a que le... le son, mais un son assez... petit, du train, qui est plus une espèce de son un peu hypnotique, comme ça, qui est une rythmique de roulis de train, mais il n'y a pas de musique, et les personnages, on ne les entend pas, il n'y a pas d'autre ambiance sonore que ce son de train. Et puis la deuxième, c'est une comptine qui est chantée par Marie Laforêt, qui est une comptine en yiddish. Mais bon, ça n'a plus été une musique composée par Desplat. C'est pareil, c'est un peu comme les acteurs, c'est-à-dire que j'ai eu de la chance de contacter... On se connaissait un petit peu avec Alexandre, on s'était beaucoup croisés, on s'aimait bien, mais on n'avait pas travaillé ensemble. Et quand je lui ai proposé ce film, j'espérais qu'il l'accepterait, parce que je trouve que c'est vraiment... Il était pour moi le compositeur idéal, parce qu'il a à la fois cette dimension de conte, il peut faire... comme ce qu'il fait pour Shape of Water par exemple, peut avoir ce côté un peu, pas magique, mais... Un peu onirique. Un peu onirique, qui peut être un peu enfantin, etc. Et puis, il a aussi un sens du drame, une très belle approche des histoires, etc. Alors, j'ai beaucoup travaillé avec des musiques temporaires, mais lui, il rentre en jeu quand... quand il y a de l'animation, quand il y a un peu de couleurs, etc. Donc il y a un fin de processus. Et voilà, donc on a travaillé, si vous voulez, moi je savais où je voulais de la musique, je savais ce qu'elle voulait raconter, tout simplement. Le film a été construit avec de la musique, du fait, comme vous l'avez dit, de l'absence de dialogue, souvent, il n'y a pas de dialogue. Du coup, il est rentré là-dedans et il a restructuré la structure de son dans le parc que j'avais définiment. Et il a redonné de la cohérence à tout ça.

  • Speaker #0

    À l'ensemble.

  • Speaker #2

    Et pour revenir vraiment sur l'adaptation à proprement parler, est-ce que vous avez travaillé avec Jean-Claude Grimbert sur l'adaptation ? Il ne m'a pas laissé tout seul,

  • Speaker #1

    mais il m'a laissé beaucoup de liberté. Comment ça s'est passé ? C'est que j'allais souvent, peut-être pas tous les jours, mais j'allais vraiment très souvent chez lui. En plus, il était dans un moment un peu difficile de sa vie. Très vite, il m'a dit John, moi je l'ai déjà écrite cette histoire, donc ça ne m'amuse pas tellement de la réécrire Par ailleurs, il a été... lui dans la position de l'adaptateur avec l'auteur du livre derrière, notamment pour Amen, le film de Costa-Gabras, qu'il a adapté d'un livre, et où l'auteur lui disait non mais vous ne pouvez pas enlever ça, il faut absolument que tu dises ça, il faut absolument enlever cette phrase Il lui dit oui, oui, non mais je vais lui dire bien sûr et puis il faisait ce qu'il voulait. Donc il ne voulait pas être le type derrière qui gueule. Alors j'allais chez lui, on parlait beaucoup, il m'a dit des choses qui m'ont servi. repères, des phrases qui m'accompagnaient pendant toute, pas seulement l'écriture, pendant la fabrication du film, etc. Puis je rentrais, j'écrivais, le lendemain j'allais chez lui, je lui lisais ce que j'avais écrit, il me disait bah écoute, c'est bien, on a bien bossé aujourd'hui et puis on parlait, et puis voilà, on faisait comme ça, j'écrivais, je lui lisais, quand ça ne lui plaisait pas il me le disait. Des fois, je n'écoutais pas, mais souvent j'écoutais plutôt. Et puis, on a eu quelques points de discussion sur lesquels il n'était pas d'accord. Maintenant, il me dit que j'ai eu raison. Mais peut-être que c'est juste que le film est fini, donc il n'y a plus rien à faire. C'est un exemple ?

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous dire lesquels ?

  • Speaker #1

    Par exemple, dans le livre que j'imagine que vous avez lu, elle vient la… La bûcheronne vient prier tout le temps, tous les jours, les dieux de rue de train, les dieux du train, puis les gens balancent des petits morceaux de papier du train, etc. Et puis un jour, ils n'ont jamais réussi à avoir d'enfant, ces bûcherons, et puis un jour il y a cet enfant qui arrive, etc. Moi, je n'avais pas le temps de raconter qu'elle venait tous les jours, etc. Parce que c'est des choses qui sont longues à raconter dans un temps d'exposition de cinéma où je voulais aller plus rapidement à l'essentiel. Donc j'ai juste fait deux plans où on la voit prier sur la tombe d'un enfant et j'ai fait en sorte que j'ai changé un truc, c'est qu'ils avaient eu un enfant et ils l'ont perdu cet enfant. Et ils me disaient mais on n'a pas besoin de ça, on n'a pas besoin, cet enfant ne vient pas combler Mais en fait, moi ça m'a aidé à structurer. des choses. Ça m'a aussi aidé à un moment donné pour faire des petits moments de bascule pour le bûcheron, il y a un moment donné où elle détricote les... vêtements de l'enfant perdu et puis elle le retricote pour cet enfant-là. Et le temps est face à ça. Tout ça, c'est des petits moments de bascule qui m'ont permis de structurer la récit un peu différemment. Et donc, sur ce point-là, il disait que là, il ne voulait pas. Et puis maintenant, il dit que ça va très bien. Je lui disais que ça ne prend pas beaucoup plus de place. Mais ça m'a permis d'aller plus vite à des endroits. Mais il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais sur lesquelles il ne m'a pas... Comment dire ? Il m'a laissé faire. J'ai changé vraiment la structure du film.

  • Speaker #2

    Mais mis à part ça, ça reste quand même très fidèle. Même par les dialogues.

  • Speaker #0

    Et aussi la scène où elle cherche le bébé dans la neige, qui est assez longue dans le film, où il y a vraiment cette tension. On se dit, est-ce qu'elle va le trouver à temps ? Alors que dans le livre, il n'y a pas ça.

  • Speaker #1

    Non, mais il n'y a même pas... On ne sait pas. Il n'est même pas question de neige.

  • Speaker #0

    Non, il n'est pas question de neige. Elle le trouve tout de suite. Elle voit en fait le bras qui lance le bébé.

  • Speaker #1

    Et ça c'est pareil, c'est-à-dire, moi je voulais qu'il tombe dans la neige, oui, mais il y a plein de choses qui sont inventées en fait, il y a des choses qui sont fidèles mais quand même inventées, par exemple le boum boum, quand il entend le boum boum, je crois que lui, il dit toute la journée qu'il l'a entendu, mais bon, voilà. Le vrai truc qui change pour moi le plus important, c'est la structure de comment, dans le film, je vais commencer par le livre, Dans le livre, il y a deux histoires parallèles, qui sont l'histoire du bûcheron et l'histoire du père. Donc, vous avez une histoire de conte, et très, très rapidement, et parallèlement, l'histoire d'un déporté, dans le réel, dans un... Je crois que ça commence même à Paris. Oui. Moi, j'ai fait différemment. J'ai fait un mouvement général, parce que les scénarios ont besoin d'être structurés un peu différemment. J'ai fait un mouvement général qui part du conte et qui va vers la réalité. Et la réalité historique rentre petit à petit dans le... dans le monde, beaucoup plus tard que dans le livre, et non seulement beaucoup plus tard, mais elle commence par rentrer dans l'imaginaire même du bûcheron. C'est-à-dire qu'on découvre ça à travers les yeux du bûcheron. C'est pas moins qu'il impose, comme c'est le cas dans le livre, avec une chose qui avance en parallèle, mais c'est quand le bûcheron prend conscience qu'il y a des êtres humains dans le monde, à ce moment-là, il visualise. Et une fois qu'il les visualise, ça va devenir la réalité. quand lui va mourir et qu'on continue ce fait narratif on se rend compte que c'est la réalité mais ça se fait petit à petit c'est un mouvement comme ça de la même manière je ne sais plus s'il y a le charnier je ne suis pas sûr qu'il y ait le charnier dans le livre j'ai un doute c'est pas explicité je ne crois pas qu'il y ait le charnier mais moi j'avais besoin parce qu'il y avait un autre truc sur lequel je butais merci non pas en lisant le livre, mais en écrivant le scénario, qui est le moment où il retrouve sa fille à la sortie du grand. Quand il la voit dans le livre, il la regarde, elle lui sourit, et je crois que c'est une formule, genre il se demande ce qu'il a à lui offrir, ou quelque chose comme ça, et il part. Et moi, en termes de scénario, on n'a pas du tout la même. Les scénarios, d'une certaine manière, c'est plus rigoureux. on a besoin d'être plus serré sur les sujets et les motivations.

  • Speaker #0

    Que ce soit vraiment très très clair le pourquoi et le reste.

  • Speaker #1

    Donc la série est complètement à vous.

  • Speaker #2

    Oui, là c'est très différent.

  • Speaker #1

    Très différent parce que la petite, elle a peur. Et elle a peur parce qu'il est devenu un fantôme. Donc il a fallu que je construise moi ce fantôme. Il est très pété, la sortie des camps elle est très différente, c'est pas du tout comme ça, il n'y a pas les...

  • Speaker #0

    L'administratif... Oui,

  • Speaker #1

    il n'y a pas... Moi j'en ai fait un fantôme. donc j'ai nettoyé tout je lui ai mis un suaire comme ça sur les épaules enfin un bras et je l'ai amené très loin dans la déhumanisation d'où la scène des charniers pour qu'après il soit justement un fantôme et que quand il arrive devant elle elle a peur la lumière de la vitrine s'éteint il voit son reflet, il comprend pourquoi elle a peur il comprend le choix qu'elle a la petite il refait à ce moment là le même geste qu'il a fait au début c'est-à-dire de se ressacrifier en tant que père, de se reséparer de cet enfant. Donc, ce n'est pas du tout construit pareil. Il me semble que j'ai respecté le livre en faisant ça, mais j'ai un peu trahi. Dans le sens où j'ai raconté une autre chose, j'ai raconté différemment. Mais je crois que c'est la même vérité que celle du livre.

  • Speaker #2

    Et puis visuellement, c'est aussi plus fort, peut-être. C'est un autre moyen de montrer les choses. L'écriture et le visuel, c'est quand même très différent.

  • Speaker #1

    Oui, mais si vous voulez... Dans un scénario où vous êtes obligé de resserrer les motivations, les enjeux, il y a toujours une relation de cause à l'effet. Pourquoi les gens font... Vous avez toujours besoin de comprendre pourquoi les gens font des choses dans un film. Là où dans un livre, vous avez plus de place, c'est plus lâche. Dans le sens où il y a plus de... On interprète les mots. C'est de la littérature. Et vous pouvez vous accrocher aussi à des textes, à des belles phrases, etc. Mais quand lui, il écrit, j'étais parti dans les volutes de la fumée. de la mort de cette femme et de son fils, de son enfant. Il faut trouver des images pour ça, il faut raconter différemment. Vous avez la musique, vous avez les images, vous avez la mise en scène, etc. Mais vous êtes obligés, en termes d'histoire, de construction d'histoire, justement de servir la mise en scène. fois vont passer autrement mais je vous dis jean claude a toujours accompagné tout ça sur cette histoire de sourire pas sourire il n'était pas complètement à l'asie lui il disait mais sourit je disais mais moi je si elle lui sourit pour moi il prend une raison suffisante non mais sourit pour l'enfant il s'en va et surtout dans le texte aussi je n'ai pas mis dans le texte il dit Il avait cette folle graine d'espoir qui l'a fait tenir, etc. Mais moi, il l'a tenue par miracle. Je voulais que ce soit un choix d'abnégation clair pour le spectateur, de se dire je ne peux pas offrir cette paternité à cet enfant qui croit qu'elle a une mère Donc la petite, elle a choisi la mère. En fait, tout le monde a le choix. Donc ça, c'est du cinéma. Merci beaucoup, en tout cas.

  • Speaker #2

    C'était vraiment passionnant de vous écouter.

  • Speaker #0

    Et on a vraiment, en plus, beaucoup aimé le film. Donc, on lui souhaite énormément de succès au cinéma. Et merci d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

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Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Michel Hazanavicius, réalisateur du film La Plus Précieuse des Marchandises d'après le conte éponyme de Jean-Claude Grumberg. Il nous a parlé du processus d'adaptation avec l'auteur, du choix de l'animation et du casting et des changements apportés à cette histoire.


Un grand merci à Michel Hazanavicius d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Stéphanie de l'agence Okarina d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé par Louis Jeannerod à la technique et animé par Pascale Charpenet-Jeannerod et Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film La Plus Précieuse des Marchandises, au cinéma le 20 novembre 2024.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. A l'occasion de la sortie au cinéma de La plus précieuse des marchandises, le film d'animation adapté du conte de Jean-Claude Grimbert, nous avons le plaisir d'interviewer aujourd'hui le réalisateur Michel Azanavicius. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Qu'est-ce que c'est que ça ? Je sais du pas quelle espèce il appartient. Ça je t'en coeur ! SQUAAARP ! Qu'est-ce que je me rendais ?

  • Speaker #2

    Alors la première question qu'on avait envie de vous poser, c'est bien évidemment, comment avez-vous découvert ce livre de Jean-Claude Grimbert ?

  • Speaker #1

    C'est le producteur Patrick Sobelman qui m'a téléphoné, qui m'a envoyé les épreuves avant qu'elles soient publiées. Et donc, vous avez un peu la... Donc, j'ai découvert avant tout le monde ce texte merveilleux avec ce truc de... Comme ce sont des épreuves, c'est un objet un peu particulier. Vous avez le sentiment d'avoir accès à quelque chose qui est encore secret, comme un petit trésor, en fait. Et donc... Je ne comparerais pas ça au gars qu'on redécouvère Lascaux, mais il y a un peu ça, c'est-à-dire d'être à côté de Primer, si vous voulez, qui renforce le truc. Après, c'était un texte que j'ai trouvé très puissant, très beau, très élégant. Donc voilà, ça a renforcé évidemment le... l'émotion que j'ai pu avoir.

  • Speaker #2

    Donc en fait, c'est votre producteur qui s'est dit que vous pourriez en faire quelque chose ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu ce qui s'est passé avant que je le découvre. Il se trouve que Jean-Claude Grimbert, c'est l'ami de mes parents. Ils l'ont mis depuis qu'ils ont 15 ans. J'ai toujours connu Grimbert. Mais on n'a jamais eu l'occasion, le désir de travailler ensemble. Et quand il a fini ce texte, il l'a envoyé à Robert Guédignon, parce qu'ils avaient travaillé ensemble, du Célébien et tout ça, mais je crois qu'il lui a envoyé un peu, en lui demandant s'il pensait qu'il y avait quelque chose à produire avec ce texte-là. Robert a lu en une heure, il a adoré le texte, il a été voir directement. Patrick Sebelman lui a dit de lui ça, et Patrick a dit il faut le faire. Donc je crois que l'idée de l'adaptation en animation vient de Grimbert au départ. d'une part et d'autre part je crois aussi qu'il a soufflé mon nom il dessine donc allez le voir voilà parce que je me sens, parce que j'étais pas là mais c'est ce que j'ai cru comprendre que pour Jean-Claude c'était important que le réalisateur dessine aussi que ce soit le même geste

  • Speaker #2

    D'accord, ce n'est pas forcément évident d'avoir aussi ces deux casquettes.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas évident si vous cherchez un réalisateur de films en prise de vue réelle. Mais si vous cherchez un réalisateur d'animation, j'imagine que c'est plus simple.

  • Speaker #2

    Et vous, du coup, ça vous a tout de suite plu, cette idée de l'adapter en animation ? Parce que c'est la première fois que vous avez fait ça.

  • Speaker #1

    Je ne me suis même pas vraiment posé la question, parce que je ne voyais pas le film autrement. Donc, si vous voulez, c'était l'imprimé. c'était pas deux propositions séparées, c'était la proposition cohérente comme ça. est-ce que tu veux faire ce film-là ? C'est pas est-ce que tu veux faire ce film-là d'une manière ou d'une autre. Donc, c'était vraiment un film d'animation à partir de ce texte-là. Est-ce que ça m'a tout de suite fait oui ? Est-ce que ça m'a fait... Est-ce que j'ai hésité ? Oui. Et j'ai pesé le pour, le contre, etc. Puis finalement, j'ai dit oui. Ça ne vous aura pas échappé.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'animation, en plus, elle correspond bien finalement au genre du conte, et étant donné les événements très graves qui sont racontés dans cette histoire, parce que même si c'est un conte ça fait écho à une histoire tragique est-ce que vous, le fait de faire de l'animation de cette histoire-là ça vous permet aussi peut-être pas de mettre de la distance mais un petit peu justement de pouvoir finalement reprendre un peu le contrôle de ce narratif-là ?

  • Speaker #1

    La distance, c'est un bon mot. Il y a deux pôles dans le livre. Je les ai organisés un peu différemment dans l'adaptation, mais il y a quand même deux pôles importants qui sont d'un côté le conte. qui sont de l'ultra-fiction, vraiment, et puis de l'autre côté, une réalité historique. Et donc, même si je les ai organisées autrement, il y a quand même ces deux choses-là. Pour ces deux pôles, l'adaptation était sans doute le meilleur outil. Du côté du conte, on est très vite dans des images qu'on connaît, à laquelle on est confortable. Le bûcheron,

  • Speaker #0

    la forêt...

  • Speaker #1

    La neige... qui ressemble à de la neige, des arbres qui sont magnifiques, des belles images, une cabane de bûcherons qui ressemble à une cabane de bûcherons, une cheminée qui ressemble à une cheminée. Pour ça, l'animation est très bien, parce que vous êtes dans des images, quasiment des images d'épinal, on a envie d'avoir ce type d'image. Pour ce qui est de l'autre pôle de la réalité historique, comme vous dites, c'est le génocide juif. Et pour la première fois, Grimbert... poussent les pentes du camp et rentrent dans le camp, rentrent dans un convoi déporté, et ça, ça pose des questions très vite éthiques, morales, esthétiques, comment on représente ça, quelles images on met là-dessus. Et c'est vrai que, à la différence d'un film avec des acteurs, qui, quoi qu'on en dise, les acteurs prétendent qu'il leur arrive des histoires, ils prétendent agir d'une certaine manière. Il y a une forme de mensonge chez l'acteur. L'animation c'est différent. L'animation ne prétend pas être le réel. Elle évoque le réel. Elle réinterprète le réel tout le temps. Dans cette réinterprétation, vous créez un filtre, une distance. Les dessins n'ont pas d'autre vie. Ils ne mentent pas. Ils n'ont pas une vie très dehors du film. Donc il n'y a pas de mensonge. Cette convention est importante avec le spectateur quand il l'apprend. Parce qu'il n'y a rien de gênant à voir des dessins qui évoquent quelque chose. Moi, personnellement, voir des acteurs qui évoquent la souffrance de déporter, je ne sais pas à quel moment il y a un risque d'obscénité. Moi, je n'aurais pas pris le risque, personnellement. Et même en tant que spectateur, je ne suis pas à l'aise de voir ce type d'image-là. Donc oui, l'animation était, je crois, évidemment, pour ces deux pôles. le plus adapté.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'était très réussi. Moi, j'ai notamment été vraiment marquée par les scènes du train qui, du coup, revêt vraiment un aspect monstrueux avec le bruit très fort. Et j'ai été marquée aussi, enfin, on a été plus de marquées aussi par le design, en fait, des personnages qui, en soi, est plutôt minimaliste mais qui renvoie énormément d'émotions, qui suscite énormément d'émotions. Comment, justement, vous avez travaillé ce design-là des personnages ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, je dessine. Donc, depuis que j'ai... Donc sur ces personnages-là, notamment de déportés, je voulais vraiment que les personnages ressemblent à mes dessins au maximum, parce que c'est des visages particuliers, parce que c'est une espèce de dignité particulière.

  • Speaker #0

    Elles sont muets aussi pour la plupart.

  • Speaker #1

    Elles sont muets, oui, parce que je n'avais pas envie de les faire parler. Oui, exactement. Je trouvais qu'il y a des moments où le silence s'impose aussi. Et du coup... Vous savez, les animataires, ils sont un peu jeunes, ils ont leur histoire, etc. Mais j'avais du mal à laisser la responsabilité d'incarner ces personnages-là, d'incarner ce destin-là à des gens que je ne connaissais pas forcément, qui n'avaient pas mon rapport à cette histoire-là. Donc j'ai pris la main sur ces visages-là. Et les autres, si vous voulez, bon, le bûcheron, c'est pas mal. les dessiner et tout ça, mais il y avait moins de... comment dire...

  • Speaker #2

    D'enjeux ? D'affects aussi ?

  • Speaker #1

    D'enjeux éthiques, s'il vous plaît. Il y avait moins de risques d'être à côté, d'avoir une espèce de faute morale, je ne sais pas. Pour les déporter, c'est quand même autre chose. Donc, effectivement, j'ai profité de mes années de dessin pour les mettre à contribution. Après c'est de la mise en scène, donc oui je suis passé pour les scènes de train, c'est des gros plans, des gens qui… C'est un temps qui est proposé aux spectateurs en fait, c'est un temps où ils voient une accumulation de destins individuels. Ce n'est pas un chiffre comme ça, ce n'est pas 6 millions de nords, ce n'est pas… même quand on dit il y avait 100 personnes par wagon c'est des chiffres, mais quand on voit des visages les uns après les autres… On vous raconte que c'est une accumulation de destin individuel.

  • Speaker #2

    Et du coup, sur le choix du casting vocal, parce que c'est différent de ce que vous faites d'habitude, comment vous avez choisi le comédien ? Est-ce que vous aviez pensé déjà à certaines voix pour incarner les personnages ?

  • Speaker #1

    Alors, comment dire ? Pour les voix, Jean-Louis Trattignan, c'était une évidence tout de suite. Jean-Louis Trattignan, c'est le plus belle voix du film français, c'est un grand acteur. Quand j'ai lu le texte de Jean-Claude Verber, j'ai dit... j'ai eu le sentiment d'un classique tout de suite, et Trintignant amène ce côté classique, intemporel, etc. Et par ailleurs, c'est un vieil homme, c'est un vieil homme qui dit le texte écrit par un autre vieil homme. s'adresse aux enfants, il y a quelque chose qui ressemble un peu à un testament moral, comme ça, que je trouvais très beau, donc il y avait une évidence pour moi, et puis en plus ça m'a permis de rencontrer cet homme que j'aime énormément.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il a une voix qui est très reconnaissable, et puis en l'écoutant aujourd'hui, parce que du coup aujourd'hui il est maintenant décédé, mais c'est assez émouvant aussi, je trouve que ça rajoute quelque chose.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui oui, vous avez raison, c'est-à-dire qu'il y a quasiment un effet de fantôme, c'est-à-dire qu'il y a une... Il est, il est mort, et de là où il nous parle, il y a cet effet quasi...

  • Speaker #2

    Surnaturel ?

  • Speaker #1

    Surnaturel, mais surtout, ça fait vie un fantôme, l'histoire raconte aussi... c'est quelqu'un qui a une vie. Parce que c'est un survivant des camps, et les survivants des camps, oui, ce sont un peu des fantômes. Donc il y a cette espèce de chose un peu, oui, très spéciale qui se passe autour de la voix de Trintignant. Et puis les autres, je vous dis, comme toujours dans l'idée de faire un film classique et intemporel, j'ai voulu garder des dialogues littéraires, j'ai pas essayé d'en faire des dialogues quotidiens, etc. Donc j'ai été vers des acteurs de théâtre, et j'ai fini. très très très bons acteurs

  • Speaker #0

    Edouard Gatbois c'est très très bons acteurs et comment vous les avez accompagnés justement comme le texte comme vous dites est très littéraire et il y a pas mal de directs qui sont finalement fort repris du livre lui-même est-ce que vous avez justement dû leur donner un accompagnement particulier comme en plus être comédien de doublage c'est très différent d'être justement comédien en live action, est-ce que ça devait vous avez une approche particulière par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Non pas vraiment au chèque Avec des gens aussi talentueux, ça ne pose pas vraiment de problème. Denis Podalides, ils sont à la Comédie française depuis bien longtemps. Grégory Gadebo, il y était. Ils n'ont pas été effrayés par des phrases un peu écrites. Au contraire, ils ont un plaisir du texte. Je pense qu'ils préfèrent dire des dialogues un peu littéraires plutôt que de dire quelqu'un veut faire un tennis Donc non, il n'y a pas eu d'approche particulière, si ce n'est que je l'ai fait en deux fois, c'est-à-dire qu'on a d'abord enregistré sans les images, donc quelque chose qui s'apparentait un peu plus à de la lecture. Et en fait, une fois qu'il y a eu les images, j'ai voulu recommencer, et ils ont refait les voix, parce que là, tout d'un coup, ils étaient portés par une énergie de personnages, qui était celle des personnages animés. Et en fait, tous ces personnages-là... C'est des buterons qui vivent dans la forêt, alors c'est des taiseuses, la majeure partie du temps, ils se parlent, ils communiquent sans parler, ils se regardent, ils se détendent, ils se regardent. Mais la gamine, elle n'a pas accès à la parole non plus. perdre la gamine, qui serait déportée, on ne parle pas non plus. Donc, les personnages existent beaucoup en dehors des voix. Et c'est vrai que ça a permis, du coup, aux comédiens qui sont venus mettre leur voix dessus de les voir bouger, de les voir un peu exister. Ça a quand même porté leur interprétation.

  • Speaker #0

    Surtout que la musique qui est composée par Alexandre Desplat, elle souvent accompagne les personnages presque plus que les dialogues par moment. Comment justement vous avez établi ce contact avec lui ? Est-ce que c'était pareil une évidence de travailler avec lui ? Et surtout pour les scènes muettes comme les scènes du train ou la scène dans le camp à la fin quand les portes sont ouvertes, c'est des scènes très très fortes musicalement. Comment vous avez travaillé ensemble ?

  • Speaker #1

    Alors c'est marrant parce que les scènes du train dont vous parlez, il n'y a pas de musique.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai, c'est un chant.

  • Speaker #1

    Enfin il y en a deux, il y en a une qui est purement muette, elle n'a que le... le son, mais un son assez... petit, du train, qui est plus une espèce de son un peu hypnotique, comme ça, qui est une rythmique de roulis de train, mais il n'y a pas de musique, et les personnages, on ne les entend pas, il n'y a pas d'autre ambiance sonore que ce son de train. Et puis la deuxième, c'est une comptine qui est chantée par Marie Laforêt, qui est une comptine en yiddish. Mais bon, ça n'a plus été une musique composée par Desplat. C'est pareil, c'est un peu comme les acteurs, c'est-à-dire que j'ai eu de la chance de contacter... On se connaissait un petit peu avec Alexandre, on s'était beaucoup croisés, on s'aimait bien, mais on n'avait pas travaillé ensemble. Et quand je lui ai proposé ce film, j'espérais qu'il l'accepterait, parce que je trouve que c'est vraiment... Il était pour moi le compositeur idéal, parce qu'il a à la fois cette dimension de conte, il peut faire... comme ce qu'il fait pour Shape of Water par exemple, peut avoir ce côté un peu, pas magique, mais... Un peu onirique. Un peu onirique, qui peut être un peu enfantin, etc. Et puis, il a aussi un sens du drame, une très belle approche des histoires, etc. Alors, j'ai beaucoup travaillé avec des musiques temporaires, mais lui, il rentre en jeu quand... quand il y a de l'animation, quand il y a un peu de couleurs, etc. Donc il y a un fin de processus. Et voilà, donc on a travaillé, si vous voulez, moi je savais où je voulais de la musique, je savais ce qu'elle voulait raconter, tout simplement. Le film a été construit avec de la musique, du fait, comme vous l'avez dit, de l'absence de dialogue, souvent, il n'y a pas de dialogue. Du coup, il est rentré là-dedans et il a restructuré la structure de son dans le parc que j'avais définiment. Et il a redonné de la cohérence à tout ça.

  • Speaker #0

    À l'ensemble.

  • Speaker #2

    Et pour revenir vraiment sur l'adaptation à proprement parler, est-ce que vous avez travaillé avec Jean-Claude Grimbert sur l'adaptation ? Il ne m'a pas laissé tout seul,

  • Speaker #1

    mais il m'a laissé beaucoup de liberté. Comment ça s'est passé ? C'est que j'allais souvent, peut-être pas tous les jours, mais j'allais vraiment très souvent chez lui. En plus, il était dans un moment un peu difficile de sa vie. Très vite, il m'a dit John, moi je l'ai déjà écrite cette histoire, donc ça ne m'amuse pas tellement de la réécrire Par ailleurs, il a été... lui dans la position de l'adaptateur avec l'auteur du livre derrière, notamment pour Amen, le film de Costa-Gabras, qu'il a adapté d'un livre, et où l'auteur lui disait non mais vous ne pouvez pas enlever ça, il faut absolument que tu dises ça, il faut absolument enlever cette phrase Il lui dit oui, oui, non mais je vais lui dire bien sûr et puis il faisait ce qu'il voulait. Donc il ne voulait pas être le type derrière qui gueule. Alors j'allais chez lui, on parlait beaucoup, il m'a dit des choses qui m'ont servi. repères, des phrases qui m'accompagnaient pendant toute, pas seulement l'écriture, pendant la fabrication du film, etc. Puis je rentrais, j'écrivais, le lendemain j'allais chez lui, je lui lisais ce que j'avais écrit, il me disait bah écoute, c'est bien, on a bien bossé aujourd'hui et puis on parlait, et puis voilà, on faisait comme ça, j'écrivais, je lui lisais, quand ça ne lui plaisait pas il me le disait. Des fois, je n'écoutais pas, mais souvent j'écoutais plutôt. Et puis, on a eu quelques points de discussion sur lesquels il n'était pas d'accord. Maintenant, il me dit que j'ai eu raison. Mais peut-être que c'est juste que le film est fini, donc il n'y a plus rien à faire. C'est un exemple ?

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous dire lesquels ?

  • Speaker #1

    Par exemple, dans le livre que j'imagine que vous avez lu, elle vient la… La bûcheronne vient prier tout le temps, tous les jours, les dieux de rue de train, les dieux du train, puis les gens balancent des petits morceaux de papier du train, etc. Et puis un jour, ils n'ont jamais réussi à avoir d'enfant, ces bûcherons, et puis un jour il y a cet enfant qui arrive, etc. Moi, je n'avais pas le temps de raconter qu'elle venait tous les jours, etc. Parce que c'est des choses qui sont longues à raconter dans un temps d'exposition de cinéma où je voulais aller plus rapidement à l'essentiel. Donc j'ai juste fait deux plans où on la voit prier sur la tombe d'un enfant et j'ai fait en sorte que j'ai changé un truc, c'est qu'ils avaient eu un enfant et ils l'ont perdu cet enfant. Et ils me disaient mais on n'a pas besoin de ça, on n'a pas besoin, cet enfant ne vient pas combler Mais en fait, moi ça m'a aidé à structurer. des choses. Ça m'a aussi aidé à un moment donné pour faire des petits moments de bascule pour le bûcheron, il y a un moment donné où elle détricote les... vêtements de l'enfant perdu et puis elle le retricote pour cet enfant-là. Et le temps est face à ça. Tout ça, c'est des petits moments de bascule qui m'ont permis de structurer la récit un peu différemment. Et donc, sur ce point-là, il disait que là, il ne voulait pas. Et puis maintenant, il dit que ça va très bien. Je lui disais que ça ne prend pas beaucoup plus de place. Mais ça m'a permis d'aller plus vite à des endroits. Mais il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais sur lesquelles il ne m'a pas... Comment dire ? Il m'a laissé faire. J'ai changé vraiment la structure du film.

  • Speaker #2

    Mais mis à part ça, ça reste quand même très fidèle. Même par les dialogues.

  • Speaker #0

    Et aussi la scène où elle cherche le bébé dans la neige, qui est assez longue dans le film, où il y a vraiment cette tension. On se dit, est-ce qu'elle va le trouver à temps ? Alors que dans le livre, il n'y a pas ça.

  • Speaker #1

    Non, mais il n'y a même pas... On ne sait pas. Il n'est même pas question de neige.

  • Speaker #0

    Non, il n'est pas question de neige. Elle le trouve tout de suite. Elle voit en fait le bras qui lance le bébé.

  • Speaker #1

    Et ça c'est pareil, c'est-à-dire, moi je voulais qu'il tombe dans la neige, oui, mais il y a plein de choses qui sont inventées en fait, il y a des choses qui sont fidèles mais quand même inventées, par exemple le boum boum, quand il entend le boum boum, je crois que lui, il dit toute la journée qu'il l'a entendu, mais bon, voilà. Le vrai truc qui change pour moi le plus important, c'est la structure de comment, dans le film, je vais commencer par le livre, Dans le livre, il y a deux histoires parallèles, qui sont l'histoire du bûcheron et l'histoire du père. Donc, vous avez une histoire de conte, et très, très rapidement, et parallèlement, l'histoire d'un déporté, dans le réel, dans un... Je crois que ça commence même à Paris. Oui. Moi, j'ai fait différemment. J'ai fait un mouvement général, parce que les scénarios ont besoin d'être structurés un peu différemment. J'ai fait un mouvement général qui part du conte et qui va vers la réalité. Et la réalité historique rentre petit à petit dans le... dans le monde, beaucoup plus tard que dans le livre, et non seulement beaucoup plus tard, mais elle commence par rentrer dans l'imaginaire même du bûcheron. C'est-à-dire qu'on découvre ça à travers les yeux du bûcheron. C'est pas moins qu'il impose, comme c'est le cas dans le livre, avec une chose qui avance en parallèle, mais c'est quand le bûcheron prend conscience qu'il y a des êtres humains dans le monde, à ce moment-là, il visualise. Et une fois qu'il les visualise, ça va devenir la réalité. quand lui va mourir et qu'on continue ce fait narratif on se rend compte que c'est la réalité mais ça se fait petit à petit c'est un mouvement comme ça de la même manière je ne sais plus s'il y a le charnier je ne suis pas sûr qu'il y ait le charnier dans le livre j'ai un doute c'est pas explicité je ne crois pas qu'il y ait le charnier mais moi j'avais besoin parce qu'il y avait un autre truc sur lequel je butais merci non pas en lisant le livre, mais en écrivant le scénario, qui est le moment où il retrouve sa fille à la sortie du grand. Quand il la voit dans le livre, il la regarde, elle lui sourit, et je crois que c'est une formule, genre il se demande ce qu'il a à lui offrir, ou quelque chose comme ça, et il part. Et moi, en termes de scénario, on n'a pas du tout la même. Les scénarios, d'une certaine manière, c'est plus rigoureux. on a besoin d'être plus serré sur les sujets et les motivations.

  • Speaker #0

    Que ce soit vraiment très très clair le pourquoi et le reste.

  • Speaker #1

    Donc la série est complètement à vous.

  • Speaker #2

    Oui, là c'est très différent.

  • Speaker #1

    Très différent parce que la petite, elle a peur. Et elle a peur parce qu'il est devenu un fantôme. Donc il a fallu que je construise moi ce fantôme. Il est très pété, la sortie des camps elle est très différente, c'est pas du tout comme ça, il n'y a pas les...

  • Speaker #0

    L'administratif... Oui,

  • Speaker #1

    il n'y a pas... Moi j'en ai fait un fantôme. donc j'ai nettoyé tout je lui ai mis un suaire comme ça sur les épaules enfin un bras et je l'ai amené très loin dans la déhumanisation d'où la scène des charniers pour qu'après il soit justement un fantôme et que quand il arrive devant elle elle a peur la lumière de la vitrine s'éteint il voit son reflet, il comprend pourquoi elle a peur il comprend le choix qu'elle a la petite il refait à ce moment là le même geste qu'il a fait au début c'est-à-dire de se ressacrifier en tant que père, de se reséparer de cet enfant. Donc, ce n'est pas du tout construit pareil. Il me semble que j'ai respecté le livre en faisant ça, mais j'ai un peu trahi. Dans le sens où j'ai raconté une autre chose, j'ai raconté différemment. Mais je crois que c'est la même vérité que celle du livre.

  • Speaker #2

    Et puis visuellement, c'est aussi plus fort, peut-être. C'est un autre moyen de montrer les choses. L'écriture et le visuel, c'est quand même très différent.

  • Speaker #1

    Oui, mais si vous voulez... Dans un scénario où vous êtes obligé de resserrer les motivations, les enjeux, il y a toujours une relation de cause à l'effet. Pourquoi les gens font... Vous avez toujours besoin de comprendre pourquoi les gens font des choses dans un film. Là où dans un livre, vous avez plus de place, c'est plus lâche. Dans le sens où il y a plus de... On interprète les mots. C'est de la littérature. Et vous pouvez vous accrocher aussi à des textes, à des belles phrases, etc. Mais quand lui, il écrit, j'étais parti dans les volutes de la fumée. de la mort de cette femme et de son fils, de son enfant. Il faut trouver des images pour ça, il faut raconter différemment. Vous avez la musique, vous avez les images, vous avez la mise en scène, etc. Mais vous êtes obligés, en termes d'histoire, de construction d'histoire, justement de servir la mise en scène. fois vont passer autrement mais je vous dis jean claude a toujours accompagné tout ça sur cette histoire de sourire pas sourire il n'était pas complètement à l'asie lui il disait mais sourit je disais mais moi je si elle lui sourit pour moi il prend une raison suffisante non mais sourit pour l'enfant il s'en va et surtout dans le texte aussi je n'ai pas mis dans le texte il dit Il avait cette folle graine d'espoir qui l'a fait tenir, etc. Mais moi, il l'a tenue par miracle. Je voulais que ce soit un choix d'abnégation clair pour le spectateur, de se dire je ne peux pas offrir cette paternité à cet enfant qui croit qu'elle a une mère Donc la petite, elle a choisi la mère. En fait, tout le monde a le choix. Donc ça, c'est du cinéma. Merci beaucoup, en tout cas.

  • Speaker #2

    C'était vraiment passionnant de vous écouter.

  • Speaker #0

    Et on a vraiment, en plus, beaucoup aimé le film. Donc, on lui souhaite énormément de succès au cinéma. Et merci d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Michel Hazanavicius, réalisateur du film La Plus Précieuse des Marchandises d'après le conte éponyme de Jean-Claude Grumberg. Il nous a parlé du processus d'adaptation avec l'auteur, du choix de l'animation et du casting et des changements apportés à cette histoire.


Un grand merci à Michel Hazanavicius d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Stéphanie de l'agence Okarina d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé par Louis Jeannerod à la technique et animé par Pascale Charpenet-Jeannerod et Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film La Plus Précieuse des Marchandises, au cinéma le 20 novembre 2024.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. A l'occasion de la sortie au cinéma de La plus précieuse des marchandises, le film d'animation adapté du conte de Jean-Claude Grimbert, nous avons le plaisir d'interviewer aujourd'hui le réalisateur Michel Azanavicius. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Qu'est-ce que c'est que ça ? Je sais du pas quelle espèce il appartient. Ça je t'en coeur ! SQUAAARP ! Qu'est-ce que je me rendais ?

  • Speaker #2

    Alors la première question qu'on avait envie de vous poser, c'est bien évidemment, comment avez-vous découvert ce livre de Jean-Claude Grimbert ?

  • Speaker #1

    C'est le producteur Patrick Sobelman qui m'a téléphoné, qui m'a envoyé les épreuves avant qu'elles soient publiées. Et donc, vous avez un peu la... Donc, j'ai découvert avant tout le monde ce texte merveilleux avec ce truc de... Comme ce sont des épreuves, c'est un objet un peu particulier. Vous avez le sentiment d'avoir accès à quelque chose qui est encore secret, comme un petit trésor, en fait. Et donc... Je ne comparerais pas ça au gars qu'on redécouvère Lascaux, mais il y a un peu ça, c'est-à-dire d'être à côté de Primer, si vous voulez, qui renforce le truc. Après, c'était un texte que j'ai trouvé très puissant, très beau, très élégant. Donc voilà, ça a renforcé évidemment le... l'émotion que j'ai pu avoir.

  • Speaker #2

    Donc en fait, c'est votre producteur qui s'est dit que vous pourriez en faire quelque chose ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu ce qui s'est passé avant que je le découvre. Il se trouve que Jean-Claude Grimbert, c'est l'ami de mes parents. Ils l'ont mis depuis qu'ils ont 15 ans. J'ai toujours connu Grimbert. Mais on n'a jamais eu l'occasion, le désir de travailler ensemble. Et quand il a fini ce texte, il l'a envoyé à Robert Guédignon, parce qu'ils avaient travaillé ensemble, du Célébien et tout ça, mais je crois qu'il lui a envoyé un peu, en lui demandant s'il pensait qu'il y avait quelque chose à produire avec ce texte-là. Robert a lu en une heure, il a adoré le texte, il a été voir directement. Patrick Sebelman lui a dit de lui ça, et Patrick a dit il faut le faire. Donc je crois que l'idée de l'adaptation en animation vient de Grimbert au départ. d'une part et d'autre part je crois aussi qu'il a soufflé mon nom il dessine donc allez le voir voilà parce que je me sens, parce que j'étais pas là mais c'est ce que j'ai cru comprendre que pour Jean-Claude c'était important que le réalisateur dessine aussi que ce soit le même geste

  • Speaker #2

    D'accord, ce n'est pas forcément évident d'avoir aussi ces deux casquettes.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas évident si vous cherchez un réalisateur de films en prise de vue réelle. Mais si vous cherchez un réalisateur d'animation, j'imagine que c'est plus simple.

  • Speaker #2

    Et vous, du coup, ça vous a tout de suite plu, cette idée de l'adapter en animation ? Parce que c'est la première fois que vous avez fait ça.

  • Speaker #1

    Je ne me suis même pas vraiment posé la question, parce que je ne voyais pas le film autrement. Donc, si vous voulez, c'était l'imprimé. c'était pas deux propositions séparées, c'était la proposition cohérente comme ça. est-ce que tu veux faire ce film-là ? C'est pas est-ce que tu veux faire ce film-là d'une manière ou d'une autre. Donc, c'était vraiment un film d'animation à partir de ce texte-là. Est-ce que ça m'a tout de suite fait oui ? Est-ce que ça m'a fait... Est-ce que j'ai hésité ? Oui. Et j'ai pesé le pour, le contre, etc. Puis finalement, j'ai dit oui. Ça ne vous aura pas échappé.

  • Speaker #0

    C'est vrai que l'animation, en plus, elle correspond bien finalement au genre du conte, et étant donné les événements très graves qui sont racontés dans cette histoire, parce que même si c'est un conte ça fait écho à une histoire tragique est-ce que vous, le fait de faire de l'animation de cette histoire-là ça vous permet aussi peut-être pas de mettre de la distance mais un petit peu justement de pouvoir finalement reprendre un peu le contrôle de ce narratif-là ?

  • Speaker #1

    La distance, c'est un bon mot. Il y a deux pôles dans le livre. Je les ai organisés un peu différemment dans l'adaptation, mais il y a quand même deux pôles importants qui sont d'un côté le conte. qui sont de l'ultra-fiction, vraiment, et puis de l'autre côté, une réalité historique. Et donc, même si je les ai organisées autrement, il y a quand même ces deux choses-là. Pour ces deux pôles, l'adaptation était sans doute le meilleur outil. Du côté du conte, on est très vite dans des images qu'on connaît, à laquelle on est confortable. Le bûcheron,

  • Speaker #0

    la forêt...

  • Speaker #1

    La neige... qui ressemble à de la neige, des arbres qui sont magnifiques, des belles images, une cabane de bûcherons qui ressemble à une cabane de bûcherons, une cheminée qui ressemble à une cheminée. Pour ça, l'animation est très bien, parce que vous êtes dans des images, quasiment des images d'épinal, on a envie d'avoir ce type d'image. Pour ce qui est de l'autre pôle de la réalité historique, comme vous dites, c'est le génocide juif. Et pour la première fois, Grimbert... poussent les pentes du camp et rentrent dans le camp, rentrent dans un convoi déporté, et ça, ça pose des questions très vite éthiques, morales, esthétiques, comment on représente ça, quelles images on met là-dessus. Et c'est vrai que, à la différence d'un film avec des acteurs, qui, quoi qu'on en dise, les acteurs prétendent qu'il leur arrive des histoires, ils prétendent agir d'une certaine manière. Il y a une forme de mensonge chez l'acteur. L'animation c'est différent. L'animation ne prétend pas être le réel. Elle évoque le réel. Elle réinterprète le réel tout le temps. Dans cette réinterprétation, vous créez un filtre, une distance. Les dessins n'ont pas d'autre vie. Ils ne mentent pas. Ils n'ont pas une vie très dehors du film. Donc il n'y a pas de mensonge. Cette convention est importante avec le spectateur quand il l'apprend. Parce qu'il n'y a rien de gênant à voir des dessins qui évoquent quelque chose. Moi, personnellement, voir des acteurs qui évoquent la souffrance de déporter, je ne sais pas à quel moment il y a un risque d'obscénité. Moi, je n'aurais pas pris le risque, personnellement. Et même en tant que spectateur, je ne suis pas à l'aise de voir ce type d'image-là. Donc oui, l'animation était, je crois, évidemment, pour ces deux pôles. le plus adapté.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'était très réussi. Moi, j'ai notamment été vraiment marquée par les scènes du train qui, du coup, revêt vraiment un aspect monstrueux avec le bruit très fort. Et j'ai été marquée aussi, enfin, on a été plus de marquées aussi par le design, en fait, des personnages qui, en soi, est plutôt minimaliste mais qui renvoie énormément d'émotions, qui suscite énormément d'émotions. Comment, justement, vous avez travaillé ce design-là des personnages ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, je dessine. Donc, depuis que j'ai... Donc sur ces personnages-là, notamment de déportés, je voulais vraiment que les personnages ressemblent à mes dessins au maximum, parce que c'est des visages particuliers, parce que c'est une espèce de dignité particulière.

  • Speaker #0

    Elles sont muets aussi pour la plupart.

  • Speaker #1

    Elles sont muets, oui, parce que je n'avais pas envie de les faire parler. Oui, exactement. Je trouvais qu'il y a des moments où le silence s'impose aussi. Et du coup... Vous savez, les animataires, ils sont un peu jeunes, ils ont leur histoire, etc. Mais j'avais du mal à laisser la responsabilité d'incarner ces personnages-là, d'incarner ce destin-là à des gens que je ne connaissais pas forcément, qui n'avaient pas mon rapport à cette histoire-là. Donc j'ai pris la main sur ces visages-là. Et les autres, si vous voulez, bon, le bûcheron, c'est pas mal. les dessiner et tout ça, mais il y avait moins de... comment dire...

  • Speaker #2

    D'enjeux ? D'affects aussi ?

  • Speaker #1

    D'enjeux éthiques, s'il vous plaît. Il y avait moins de risques d'être à côté, d'avoir une espèce de faute morale, je ne sais pas. Pour les déporter, c'est quand même autre chose. Donc, effectivement, j'ai profité de mes années de dessin pour les mettre à contribution. Après c'est de la mise en scène, donc oui je suis passé pour les scènes de train, c'est des gros plans, des gens qui… C'est un temps qui est proposé aux spectateurs en fait, c'est un temps où ils voient une accumulation de destins individuels. Ce n'est pas un chiffre comme ça, ce n'est pas 6 millions de nords, ce n'est pas… même quand on dit il y avait 100 personnes par wagon c'est des chiffres, mais quand on voit des visages les uns après les autres… On vous raconte que c'est une accumulation de destin individuel.

  • Speaker #2

    Et du coup, sur le choix du casting vocal, parce que c'est différent de ce que vous faites d'habitude, comment vous avez choisi le comédien ? Est-ce que vous aviez pensé déjà à certaines voix pour incarner les personnages ?

  • Speaker #1

    Alors, comment dire ? Pour les voix, Jean-Louis Trattignan, c'était une évidence tout de suite. Jean-Louis Trattignan, c'est le plus belle voix du film français, c'est un grand acteur. Quand j'ai lu le texte de Jean-Claude Verber, j'ai dit... j'ai eu le sentiment d'un classique tout de suite, et Trintignant amène ce côté classique, intemporel, etc. Et par ailleurs, c'est un vieil homme, c'est un vieil homme qui dit le texte écrit par un autre vieil homme. s'adresse aux enfants, il y a quelque chose qui ressemble un peu à un testament moral, comme ça, que je trouvais très beau, donc il y avait une évidence pour moi, et puis en plus ça m'a permis de rencontrer cet homme que j'aime énormément.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il a une voix qui est très reconnaissable, et puis en l'écoutant aujourd'hui, parce que du coup aujourd'hui il est maintenant décédé, mais c'est assez émouvant aussi, je trouve que ça rajoute quelque chose.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui oui, vous avez raison, c'est-à-dire qu'il y a quasiment un effet de fantôme, c'est-à-dire qu'il y a une... Il est, il est mort, et de là où il nous parle, il y a cet effet quasi...

  • Speaker #2

    Surnaturel ?

  • Speaker #1

    Surnaturel, mais surtout, ça fait vie un fantôme, l'histoire raconte aussi... c'est quelqu'un qui a une vie. Parce que c'est un survivant des camps, et les survivants des camps, oui, ce sont un peu des fantômes. Donc il y a cette espèce de chose un peu, oui, très spéciale qui se passe autour de la voix de Trintignant. Et puis les autres, je vous dis, comme toujours dans l'idée de faire un film classique et intemporel, j'ai voulu garder des dialogues littéraires, j'ai pas essayé d'en faire des dialogues quotidiens, etc. Donc j'ai été vers des acteurs de théâtre, et j'ai fini. très très très bons acteurs

  • Speaker #0

    Edouard Gatbois c'est très très bons acteurs et comment vous les avez accompagnés justement comme le texte comme vous dites est très littéraire et il y a pas mal de directs qui sont finalement fort repris du livre lui-même est-ce que vous avez justement dû leur donner un accompagnement particulier comme en plus être comédien de doublage c'est très différent d'être justement comédien en live action, est-ce que ça devait vous avez une approche particulière par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Non pas vraiment au chèque Avec des gens aussi talentueux, ça ne pose pas vraiment de problème. Denis Podalides, ils sont à la Comédie française depuis bien longtemps. Grégory Gadebo, il y était. Ils n'ont pas été effrayés par des phrases un peu écrites. Au contraire, ils ont un plaisir du texte. Je pense qu'ils préfèrent dire des dialogues un peu littéraires plutôt que de dire quelqu'un veut faire un tennis Donc non, il n'y a pas eu d'approche particulière, si ce n'est que je l'ai fait en deux fois, c'est-à-dire qu'on a d'abord enregistré sans les images, donc quelque chose qui s'apparentait un peu plus à de la lecture. Et en fait, une fois qu'il y a eu les images, j'ai voulu recommencer, et ils ont refait les voix, parce que là, tout d'un coup, ils étaient portés par une énergie de personnages, qui était celle des personnages animés. Et en fait, tous ces personnages-là... C'est des buterons qui vivent dans la forêt, alors c'est des taiseuses, la majeure partie du temps, ils se parlent, ils communiquent sans parler, ils se regardent, ils se détendent, ils se regardent. Mais la gamine, elle n'a pas accès à la parole non plus. perdre la gamine, qui serait déportée, on ne parle pas non plus. Donc, les personnages existent beaucoup en dehors des voix. Et c'est vrai que ça a permis, du coup, aux comédiens qui sont venus mettre leur voix dessus de les voir bouger, de les voir un peu exister. Ça a quand même porté leur interprétation.

  • Speaker #0

    Surtout que la musique qui est composée par Alexandre Desplat, elle souvent accompagne les personnages presque plus que les dialogues par moment. Comment justement vous avez établi ce contact avec lui ? Est-ce que c'était pareil une évidence de travailler avec lui ? Et surtout pour les scènes muettes comme les scènes du train ou la scène dans le camp à la fin quand les portes sont ouvertes, c'est des scènes très très fortes musicalement. Comment vous avez travaillé ensemble ?

  • Speaker #1

    Alors c'est marrant parce que les scènes du train dont vous parlez, il n'y a pas de musique.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai, c'est un chant.

  • Speaker #1

    Enfin il y en a deux, il y en a une qui est purement muette, elle n'a que le... le son, mais un son assez... petit, du train, qui est plus une espèce de son un peu hypnotique, comme ça, qui est une rythmique de roulis de train, mais il n'y a pas de musique, et les personnages, on ne les entend pas, il n'y a pas d'autre ambiance sonore que ce son de train. Et puis la deuxième, c'est une comptine qui est chantée par Marie Laforêt, qui est une comptine en yiddish. Mais bon, ça n'a plus été une musique composée par Desplat. C'est pareil, c'est un peu comme les acteurs, c'est-à-dire que j'ai eu de la chance de contacter... On se connaissait un petit peu avec Alexandre, on s'était beaucoup croisés, on s'aimait bien, mais on n'avait pas travaillé ensemble. Et quand je lui ai proposé ce film, j'espérais qu'il l'accepterait, parce que je trouve que c'est vraiment... Il était pour moi le compositeur idéal, parce qu'il a à la fois cette dimension de conte, il peut faire... comme ce qu'il fait pour Shape of Water par exemple, peut avoir ce côté un peu, pas magique, mais... Un peu onirique. Un peu onirique, qui peut être un peu enfantin, etc. Et puis, il a aussi un sens du drame, une très belle approche des histoires, etc. Alors, j'ai beaucoup travaillé avec des musiques temporaires, mais lui, il rentre en jeu quand... quand il y a de l'animation, quand il y a un peu de couleurs, etc. Donc il y a un fin de processus. Et voilà, donc on a travaillé, si vous voulez, moi je savais où je voulais de la musique, je savais ce qu'elle voulait raconter, tout simplement. Le film a été construit avec de la musique, du fait, comme vous l'avez dit, de l'absence de dialogue, souvent, il n'y a pas de dialogue. Du coup, il est rentré là-dedans et il a restructuré la structure de son dans le parc que j'avais définiment. Et il a redonné de la cohérence à tout ça.

  • Speaker #0

    À l'ensemble.

  • Speaker #2

    Et pour revenir vraiment sur l'adaptation à proprement parler, est-ce que vous avez travaillé avec Jean-Claude Grimbert sur l'adaptation ? Il ne m'a pas laissé tout seul,

  • Speaker #1

    mais il m'a laissé beaucoup de liberté. Comment ça s'est passé ? C'est que j'allais souvent, peut-être pas tous les jours, mais j'allais vraiment très souvent chez lui. En plus, il était dans un moment un peu difficile de sa vie. Très vite, il m'a dit John, moi je l'ai déjà écrite cette histoire, donc ça ne m'amuse pas tellement de la réécrire Par ailleurs, il a été... lui dans la position de l'adaptateur avec l'auteur du livre derrière, notamment pour Amen, le film de Costa-Gabras, qu'il a adapté d'un livre, et où l'auteur lui disait non mais vous ne pouvez pas enlever ça, il faut absolument que tu dises ça, il faut absolument enlever cette phrase Il lui dit oui, oui, non mais je vais lui dire bien sûr et puis il faisait ce qu'il voulait. Donc il ne voulait pas être le type derrière qui gueule. Alors j'allais chez lui, on parlait beaucoup, il m'a dit des choses qui m'ont servi. repères, des phrases qui m'accompagnaient pendant toute, pas seulement l'écriture, pendant la fabrication du film, etc. Puis je rentrais, j'écrivais, le lendemain j'allais chez lui, je lui lisais ce que j'avais écrit, il me disait bah écoute, c'est bien, on a bien bossé aujourd'hui et puis on parlait, et puis voilà, on faisait comme ça, j'écrivais, je lui lisais, quand ça ne lui plaisait pas il me le disait. Des fois, je n'écoutais pas, mais souvent j'écoutais plutôt. Et puis, on a eu quelques points de discussion sur lesquels il n'était pas d'accord. Maintenant, il me dit que j'ai eu raison. Mais peut-être que c'est juste que le film est fini, donc il n'y a plus rien à faire. C'est un exemple ?

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous dire lesquels ?

  • Speaker #1

    Par exemple, dans le livre que j'imagine que vous avez lu, elle vient la… La bûcheronne vient prier tout le temps, tous les jours, les dieux de rue de train, les dieux du train, puis les gens balancent des petits morceaux de papier du train, etc. Et puis un jour, ils n'ont jamais réussi à avoir d'enfant, ces bûcherons, et puis un jour il y a cet enfant qui arrive, etc. Moi, je n'avais pas le temps de raconter qu'elle venait tous les jours, etc. Parce que c'est des choses qui sont longues à raconter dans un temps d'exposition de cinéma où je voulais aller plus rapidement à l'essentiel. Donc j'ai juste fait deux plans où on la voit prier sur la tombe d'un enfant et j'ai fait en sorte que j'ai changé un truc, c'est qu'ils avaient eu un enfant et ils l'ont perdu cet enfant. Et ils me disaient mais on n'a pas besoin de ça, on n'a pas besoin, cet enfant ne vient pas combler Mais en fait, moi ça m'a aidé à structurer. des choses. Ça m'a aussi aidé à un moment donné pour faire des petits moments de bascule pour le bûcheron, il y a un moment donné où elle détricote les... vêtements de l'enfant perdu et puis elle le retricote pour cet enfant-là. Et le temps est face à ça. Tout ça, c'est des petits moments de bascule qui m'ont permis de structurer la récit un peu différemment. Et donc, sur ce point-là, il disait que là, il ne voulait pas. Et puis maintenant, il dit que ça va très bien. Je lui disais que ça ne prend pas beaucoup plus de place. Mais ça m'a permis d'aller plus vite à des endroits. Mais il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais sur lesquelles il ne m'a pas... Comment dire ? Il m'a laissé faire. J'ai changé vraiment la structure du film.

  • Speaker #2

    Mais mis à part ça, ça reste quand même très fidèle. Même par les dialogues.

  • Speaker #0

    Et aussi la scène où elle cherche le bébé dans la neige, qui est assez longue dans le film, où il y a vraiment cette tension. On se dit, est-ce qu'elle va le trouver à temps ? Alors que dans le livre, il n'y a pas ça.

  • Speaker #1

    Non, mais il n'y a même pas... On ne sait pas. Il n'est même pas question de neige.

  • Speaker #0

    Non, il n'est pas question de neige. Elle le trouve tout de suite. Elle voit en fait le bras qui lance le bébé.

  • Speaker #1

    Et ça c'est pareil, c'est-à-dire, moi je voulais qu'il tombe dans la neige, oui, mais il y a plein de choses qui sont inventées en fait, il y a des choses qui sont fidèles mais quand même inventées, par exemple le boum boum, quand il entend le boum boum, je crois que lui, il dit toute la journée qu'il l'a entendu, mais bon, voilà. Le vrai truc qui change pour moi le plus important, c'est la structure de comment, dans le film, je vais commencer par le livre, Dans le livre, il y a deux histoires parallèles, qui sont l'histoire du bûcheron et l'histoire du père. Donc, vous avez une histoire de conte, et très, très rapidement, et parallèlement, l'histoire d'un déporté, dans le réel, dans un... Je crois que ça commence même à Paris. Oui. Moi, j'ai fait différemment. J'ai fait un mouvement général, parce que les scénarios ont besoin d'être structurés un peu différemment. J'ai fait un mouvement général qui part du conte et qui va vers la réalité. Et la réalité historique rentre petit à petit dans le... dans le monde, beaucoup plus tard que dans le livre, et non seulement beaucoup plus tard, mais elle commence par rentrer dans l'imaginaire même du bûcheron. C'est-à-dire qu'on découvre ça à travers les yeux du bûcheron. C'est pas moins qu'il impose, comme c'est le cas dans le livre, avec une chose qui avance en parallèle, mais c'est quand le bûcheron prend conscience qu'il y a des êtres humains dans le monde, à ce moment-là, il visualise. Et une fois qu'il les visualise, ça va devenir la réalité. quand lui va mourir et qu'on continue ce fait narratif on se rend compte que c'est la réalité mais ça se fait petit à petit c'est un mouvement comme ça de la même manière je ne sais plus s'il y a le charnier je ne suis pas sûr qu'il y ait le charnier dans le livre j'ai un doute c'est pas explicité je ne crois pas qu'il y ait le charnier mais moi j'avais besoin parce qu'il y avait un autre truc sur lequel je butais merci non pas en lisant le livre, mais en écrivant le scénario, qui est le moment où il retrouve sa fille à la sortie du grand. Quand il la voit dans le livre, il la regarde, elle lui sourit, et je crois que c'est une formule, genre il se demande ce qu'il a à lui offrir, ou quelque chose comme ça, et il part. Et moi, en termes de scénario, on n'a pas du tout la même. Les scénarios, d'une certaine manière, c'est plus rigoureux. on a besoin d'être plus serré sur les sujets et les motivations.

  • Speaker #0

    Que ce soit vraiment très très clair le pourquoi et le reste.

  • Speaker #1

    Donc la série est complètement à vous.

  • Speaker #2

    Oui, là c'est très différent.

  • Speaker #1

    Très différent parce que la petite, elle a peur. Et elle a peur parce qu'il est devenu un fantôme. Donc il a fallu que je construise moi ce fantôme. Il est très pété, la sortie des camps elle est très différente, c'est pas du tout comme ça, il n'y a pas les...

  • Speaker #0

    L'administratif... Oui,

  • Speaker #1

    il n'y a pas... Moi j'en ai fait un fantôme. donc j'ai nettoyé tout je lui ai mis un suaire comme ça sur les épaules enfin un bras et je l'ai amené très loin dans la déhumanisation d'où la scène des charniers pour qu'après il soit justement un fantôme et que quand il arrive devant elle elle a peur la lumière de la vitrine s'éteint il voit son reflet, il comprend pourquoi elle a peur il comprend le choix qu'elle a la petite il refait à ce moment là le même geste qu'il a fait au début c'est-à-dire de se ressacrifier en tant que père, de se reséparer de cet enfant. Donc, ce n'est pas du tout construit pareil. Il me semble que j'ai respecté le livre en faisant ça, mais j'ai un peu trahi. Dans le sens où j'ai raconté une autre chose, j'ai raconté différemment. Mais je crois que c'est la même vérité que celle du livre.

  • Speaker #2

    Et puis visuellement, c'est aussi plus fort, peut-être. C'est un autre moyen de montrer les choses. L'écriture et le visuel, c'est quand même très différent.

  • Speaker #1

    Oui, mais si vous voulez... Dans un scénario où vous êtes obligé de resserrer les motivations, les enjeux, il y a toujours une relation de cause à l'effet. Pourquoi les gens font... Vous avez toujours besoin de comprendre pourquoi les gens font des choses dans un film. Là où dans un livre, vous avez plus de place, c'est plus lâche. Dans le sens où il y a plus de... On interprète les mots. C'est de la littérature. Et vous pouvez vous accrocher aussi à des textes, à des belles phrases, etc. Mais quand lui, il écrit, j'étais parti dans les volutes de la fumée. de la mort de cette femme et de son fils, de son enfant. Il faut trouver des images pour ça, il faut raconter différemment. Vous avez la musique, vous avez les images, vous avez la mise en scène, etc. Mais vous êtes obligés, en termes d'histoire, de construction d'histoire, justement de servir la mise en scène. fois vont passer autrement mais je vous dis jean claude a toujours accompagné tout ça sur cette histoire de sourire pas sourire il n'était pas complètement à l'asie lui il disait mais sourit je disais mais moi je si elle lui sourit pour moi il prend une raison suffisante non mais sourit pour l'enfant il s'en va et surtout dans le texte aussi je n'ai pas mis dans le texte il dit Il avait cette folle graine d'espoir qui l'a fait tenir, etc. Mais moi, il l'a tenue par miracle. Je voulais que ce soit un choix d'abnégation clair pour le spectateur, de se dire je ne peux pas offrir cette paternité à cet enfant qui croit qu'elle a une mère Donc la petite, elle a choisi la mère. En fait, tout le monde a le choix. Donc ça, c'est du cinéma. Merci beaucoup, en tout cas.

  • Speaker #2

    C'était vraiment passionnant de vous écouter.

  • Speaker #0

    Et on a vraiment, en plus, beaucoup aimé le film. Donc, on lui souhaite énormément de succès au cinéma. Et merci d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

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